Notes
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[1]
Ce texte a originellement paru sous le titre « Die affektive Dimension der Demokratie. Überlegungen zum Verhältnis von Deliberation und Symbolizität », in Felix Heidenreich et Gary Schaal (dir.), Politische Theorie und Emotionen, Baden-Baden, Nomos, 2012, p. 235-254. Il a été légèrement réduit. Les traducteurs remercient Lola Zappi pour sa contribution au travail d'édition.
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[2]
Les libéraux plaidèrent soit pour un droit de vote censitaire, par exemple en France en 1789 ou durant le Vormärz allemand (c'est-à-dire la période précédant la révolution allemande de mars 1848, NdT), soit, en cas de droit de vote universel, pour l'introduction de mécanismes destinés à juguler l'influence directe du peuple : à travers le principe même de la représentation (Fédéraliste, no 10), ou à travers un coefficient majorant l'influence des gens éduqués le plural voting évoqué par John Stuart Mill (Considérations sur le gouvernement représentatif, Paris, Gallimard, 2009, chap. 8). Voir à ce sujet Gerhard Göhler et Ansgar Klein, « Politische Theorien des 19. Jahrhunderts », in Hans-Joachim Lieber (dir.), Politische Theorien von der Antike bis zur Gegenwart, Bonn, Bundeszentrale für politische Bildung, 1991, p. 370 et suiv., 387 et suiv., 445 et suiv.
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[3]
L'utopie d'une « société sans classe » eut cours dans le libéralisme jusqu'à la deuxième moitié du 19e siècle (Lothar Gall, « Liberalismus und "bürgerliche Gesellschaft". Zu Charakter und Entwicklung der liberalen Bewegung in Deutschland » (1975), in Lothar Gall (dir.), Liberalismus, Cologne, Kiepenheuer und Witsch, 1976, p. 162-186).
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[4]
Dans L'Espace public. Archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise (Paris, Payot, 1978), Jürgen Habermas renoue consciemment avec la représentation libérale d'un espace public délibératif.
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[5]
Voir ses travaux fondamentaux, Jürgen Habermas : « La souveraineté populaire comme procédure. Un concept normatif d'espace public », in Charles Girard et Alice Le Goff, La démocratie délibérative. Anthologie de textes fondamentaux, Paris, Hermann, 2010 ; Droit et démocratie. Entre faits et normes, Paris, Gallimard, 1997 ; « Trois modèles normatifs de la démocratie », in Jürgen Habermas, L'Intégration républicaine, Paris, Fayard, 1998.
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[6]
La littérature sur la démocratie délibérative a depuis atteint une telle taille que je renonce à livrer ne serait-ce qu'une liste sommaire des titres. Je renvoie en particulier, en lien avec les réflexions de cet article, à Marian Barnes, « Passionate Participation. Emotional Experiences and Expressions in Deliberative Forums », Critical Social Policy, vol. 28, 2008, p. 461-481, et Robert E. Goodin (dir.), Innovating Democracy. Democratic Theory and Practice After the Deliberative Turn, Oxford, Oxford University Press, 2008.
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[7]
Nous signalons systématiquement dans le texte toutes les occurrences où le terme français de représentation est utilisé pour rendre un terme allemand autre que celui de Repräsentation, afin de sensibiliser les lecteurs francophones à la polyvocité du mot dans les langues néolatines (NdT).
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[8]
Le travail de Rudolf Smend (« Verfassung und Verfassungsrecht » (1928), in Rudolf Smend, Staatsrechtliche Abhandlungen, Berlin, Duncker &Humblot, 1968, p. 119-276) est fondamental sur la question de l'intégration par les symboles ; voir à ce sujet Göhler (Gerhard Göhler et al., Institution. Macht. Repräsentation. Wofür politische Institutionen stehen und wie sie wirken, Baden-Baden, Nomos, 1997, p. 48 et suiv., 54 et suiv.).
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[9]
Voir le Fédéraliste no 10 sur le rapport aux « factions », qui vaut analogiquement pour les émotions en politique.
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[10]
Voir pour plus de détails Gerhard Göhler et al., Institution. Macht. Repräsentation..., op. cit., p. 46-52.
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[11]
Carl Schmitt, Théorie de la constitution, Paris, PUF, 1993.
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[12]
Voir pour la première fois Thomas Hobbes, Leviathan (1651), texte édité par Richard Tuck, Cambridge, Cambridge University Press, 1991, partie I, chap. 17 ; voir Hanna F. Pitkin, The Concept of Representation, Berkeley, University of California Press, 1967, p. 14 et suiv.
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[13]
Comme le choix des représentants soulève toujours des problèmes, la désignation par tirage au sort des personnes qui délibèrent semble d'ailleurs tout indiquée pour la démocratie délibérative, et cette question a fait depuis peu l'objet de réflexion. Pour les jurys citoyens, voir Peter C. Dienel, Die Planungszelle. Der Bürger als Chance, Wiesbaden, Westdeutscher Verlag, 2002. La discussion sur la sélection par le sort en politique, qui est menée au niveau international depuis quelques temps déjà, semble gagner en importance dans le monde allemand (Hubertus Buchstein, Demokratie und Lotterie. Das Los als politisches Entscheidungsinstrument von der Antike bis zur EU, Francfort/Main, Campus Verlag, 2009).
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[14]
Hanna Pitkin par exemple, qui entame cette réflexion, se montre particulièrement sceptique face à cet aspect de la représentation du fait de l'expérience national-socialiste (Hanna F. Pitkin, The Concept of Representation..., op. cit., p. 107 et suiv.).
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[15]
Une certaine tradition allemande de réflexion sur la représentation a été particulièrement attentive à cette dimension ; voir à ce sujet, dans une perspective critique, Hanna F. Pitkin, The Concept of Representation..., op. cit., p. 92 et suiv. Eric Voegelin argumente qu'une société s'assure du sens de son existence par des symboles politiques décisifs. Les symboles expriment l'expérience selon laquelle l'humain n'est pleinement et totalement humain que par la participation à un tout qui dépasse son existence distincte, et qu'ainsi l'auto-élucidation de la société par le biais de symboles est partie intégrante de la réalité sociale. Une société politique n'existe qu'à partir du moment où elle s'articule et produit un représentant. La représentation en tant que représentation symbolique fixe pour chaque société la « vérité » de son ordre. Ce n'est que sur cette base que la domination légitime devient possible ; elle est protégée et ancrée dans la durée par l'emploi de symboles reconnus. La représentation symbolique est ainsi une forme existentielle de représentation, qui précède toute forme technique de représentation comme rapport à une volonté (Eric Voegelin, Die neue Wissenschaft der Politik, Freiburg, Wilhelm Fink Verlag, 1991 [1959]). Carl Schmitt comprenait déjà ainsi la représentation comme quelque chose d'existentiel : « Représenter signifie rendre visible et actuel un être invisible par le truchement d'un être publiquement présent » (1993, p. 347). Seul un être plus élevé, de grande valeur, peut être représenté ; pour Schmitt, il s'agit du peuple, qui dans son existence en tant qu'« unité politique » a une existence plus intense qu'un groupe humain vivant simplement ensemble. Siegfried Landshut, qui en tant qu'émigrant n'est pas soupçonnable de tendances nationales-socialistes, comprend la représentation à partir de Carl Schmitt et Maurice Hauriou comme un rapport dans lequel le représentant rend présente une réalité qui sans lui n'est pas visible et qui n'est donc pas « là » : quelque chose d'idéal, de spirituel, l'idée de conduite de vie d'une communauté qui lie le collectif (Siegfried Landshut, « Der politische Begriff der Repräsentation » (1964), in Heinz Rausch (dir.), Zur Theorie und Geschichte der Repräsentation und der Repräsentativverfassung, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1968, p. 492 et suiv.). Ce n'est qu'en tant qu'elle est représentée symboliquement que l'idée accède à l'existence, qu'elle devient effective.
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[16]
Pour creuser ce qui suit, voir Gerhard Göhler, « Politische Institutionen als Symbolsysteme », in Heinrich Schmidinger et Clemens Sedmak (dir.), Der Mensch ein « animal symbolicum » ? Sprache. Dialog. Ritual, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 2007, p. 301-321, p. 306 et suiv.
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[17]
Il s'agit ici d'une décision liée aux exigences pratiques de la recherche. Les faits se laissent également formuler sémiotiquement, plus difficilement toutefois. Voir à ce sujet Gerhard Göhler et al., Institution. Macht. Repräsentation..., op. cit., p. 28 et suiv. ; Rudolf Speth, « Symbol und Fiktion », in Gerhard Göhler et al., Institution. Macht. Repräsentation..., op. cit., p. 65-142 ; Anne Peters, « Bewegen und Fixieren. Politik und politische Theorie als Symbolisierungsstrategie ? », Thèse de philosophie, FU Berlin, 2006 ; Gerhard Göhler, « Politische Institutionen als Symbolsysteme », art. cité, p. 307.
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[18]
« Le symbole indique et ne nomme pas. (...) Je connais la signification des signes linguistiques, je les ai appris, mais je dois interpréter la signification de symboles. Ce n'est que dans leur interprétation que les objets et les événements deviennent des symboles. La signification symbolique est l'interprétation symbolique. Le symbole n'est pas sémiotique, il s'agit d'un phénomène herméneutique » : Gerhard Kurz, Metapher, Allegorie, Symbol, Göttingen, Vandenhoeck &Ruprecht, 1988, p. 80.
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[19]
Jürgen Habermas, Raison et légitimité. Problèmes de légitimation dans le capitalisme avancé, Paris, Payot, 1978 ; Théorie de l'agir communicationnel, Paris, Fayard, 1987. Voir à ce sujet Bernhard Peters, Die Integration moderner Gesellschaften, Francfort/Main, Suhrkamp, 1993. Sur les mécanismes symboliques de l'intégration normative, voir Gerhard Göhler et al., Institution. Macht. Repräsentation..., op. cit., p. 31 et suiv., 50 et suiv. et passim.
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[20]
Voir à ce sujet Jürgen Gebhardt, « Verfassung und Symbolizität », in Gert Melville (dir.), Institutionalität und Symbolisierung. Verstetigungen kultureller Ordnungsmuster in Vergangenheit und Gegenwart, Cologne, Böhlau, 2001, p. 585-601 ; Integration durch Verfassung, Wiesbaden, Westdeutscher Verlag, 2002 ; Hans Vorländer (dir.), « Die Verfassung als symbolische Ordnung. Perspektiven einer kulturwissenschaftlich-institutionalistischen Verfassungstheorie », in Michael Becker et Ruth Zimmerling (dir.), Recht und Politik, PVS-Sonderheft, vol. 36, 2006, p. 229-249 ; André Brodocz, Die symbolische Dimension der Verfassung. Ein Beitrag zur Institutionentheorie, Wiesbaden, Westdeutscher, 2003.
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[21]
Rudolf Smend, « Verfassung und Verfassungsrecht », art. cité ; « Integrationslehre » (1956), in Rudolf Smend, Staatsrechtliche Abhandlungen, op. cit., p. 475-481.
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[22]
Theodor Litt, Individuum und Gemeinschaft, Berlin, B. G. Teubner Verlag, 1926 [1919]. On ne peut ici que faire allusion à la discussion très large sur la compatibilité des deux approches : Theodor Litt lui-même garde ses distances (ibid., p. 29) ; voir Wolfgang Schluchter, Entscheidung für den sozialen Rechtsstaat, Baden-Baden, Nomos, 1968, p. 52-89 ; Lutz Berthold, « Der Beitrag der Integrationslehre Rudolf Smends zur Theorie politischer Institutionen », in Gerhard Göhler et al., Institution. Macht. Repräsentation..., op. cit., p. 563-576.
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[23]
Max Weber, Économie et société, Paris, Plon, 1971.
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[24]
Rudolf Smend, « Verfassung und Verfassungsrecht », art. cité, p. 142-166.
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[25]
Ulrich Sarcinelli, « Symbolische Politik und politische Kultur », Politische Vierteljahresschrift, no 30, 1989, p. 292-309, p. 296 ; Rudolf Smend, « Verfassung und Verfassungsrecht », art. cité, p. 162 et suiv.
-
[26]
Hannah Arendt, Condition de l'homme moderne, Paris, Calmann-Lévy, 1983 ; « Sur la violence », in Hannah Arendt, Du mensonge à la violence, Paris, Calmann-Lévy, 1989.
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[27]
Voir Rudolf Smend (« Verfassung und Verfassungsrecht », art. cité, p. 136), qui se réfère à la célèbre définition de la nation comme « un plébiscite qui se répète chaque jour » de Renan. Pour Hannah Arendt, l'exigence d'actualisation permanente est fondée dans le rapport du pouvoir et de « l'espace de l'apparence » (Hannah Arendt, Condition de l'homme moderne, op. cit., p. 259).
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[28]
Sur cette compréhension de la confiance, qui se distingue du concept de pouvoir d'Hannah Arendt par l'accentuation continue mise sur la dimension symbolique, voir Gerhard Göhler, « Stufen des politischen Vertrauens », in Rainer Schmalz-Bruns et Reinhard Zintl (dir.), Politisches Vertrauen. Soziale Grundlagen reflexiver Kooperation, Baden-Baden, Nomos, 2002, p. 221-238.
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[29]
Voir déjà Rudolf Smend, « Verfassung und Verfassungsrecht », art. cité, p. 163 et suiv.
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[30]
Sur le rapport entre intégration, expérience vécue et symboles, voir ibid., p. 124-139, 144 et suiv., 162-164.
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[31]
Je remercie Sybille De La Rosa pour ses remarques.
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[32]
Jürgen Habermas, Droit et démocratie. Entre faits et normes, op. cit. ; « Trois modèles normatifs de la démocratie », art. cité.
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[33]
Jürgen Habermas, Droit et démocratie. Entre faits et normes, op. cit.
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[34]
« Le pouvoir communicationnel est exercé sous le mode du siège. Il exerce une influence sur les prémices du processus de formation du jugement et de la décision du système politique, sans avoir sa conquête pour objet. » : Jürgen Habermas, « La souveraineté populaire comme procédure... », art. cité.
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[35]
À propos de l'abstraction des émotions et des valeurs dans le langage scientifique, artificielle mais nécessaire, et en opposition au langage courant, Gerhard Göhler, « Theorie als Erfahrung. ??ber den Stellenwert von politischer Philosophie und Ideengeschichte für die Politikwissenschaft », in Hubertus Buchstein et Gerhard Göhler (dir.), Politische Theorie und Politikwissenschaft, Wiesbaden, Westdeutscher Verlag, 2007, p. 90 et suiv.
-
[36]
C'est en ce sens qu'Ernst Fraenkel avait de façon intéressante attiré l'attention sur ce consensus minimal nécessaire à chaque société démocratique, Ernst Fraenkel, « Um die Verfassung » (1932), in Ernst Fraenkel, Gesammelte Schriften, vol. 1, textes réunis par Hubertus Buchstein, Baden-Baden, Nomos, 1999, p. 505 et suiv. ; Ernst Fraenkel, « Der Pluralismus als Strukturelement der freiheitlich-rechtsstaatlichen Demokratie » (1964), in Ernst Fraenkel, Deutschland und die westlichen Demokratien, textes réunis par Alexander v. Brünneck, Francfort, Suhrkamp, 1990, p. 300 et suiv. ; Ernst Fraenkel, « Strukturanalyse der modernen Demokratie » (1969), ibid., p. 326-359, p. 354 et suiv.
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[37]
En Allemagne, c'est le pouvoir d'interprétation du tribunal constitutionnel qui est décisif en la matière, lequel dépend pour sa part de l'acceptation de ses destinataires, c'est-à-dire en dernière instance de l'acceptation publique des citoyens.
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[38]
Voir à ce sujet Habermas lui-même (Jürgen Habermas, Vorstudien und Ergänzungen zur Theorie des kommunikativen Handelns, Francfort, Suhrkamp, 1984, p. 589 et suiv.).
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[39]
Ulrich Sarcinelli, « Symbolische Politik und politische Kultur », art. cité, p. 296.
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[40]
Gerhard Göhler, « Rationalität und Irrationalität der Macht : Adam Müller und Hegel », in Michael Th. Greven (dir.), Macht in der Demokratie, Baden-Baden, Nomos, 1991, p. 45-62 ; « Theorie als Erfahrung... », art. cité.
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[41]
Ernst Cassirer, Le Mythe de l'État, Paris, Gallimard, 1993 ; Karl R. Popper, La société ouverte et ses ennemis, Paris, Seuil, 1979 ; Popper émet toutefois sa remarque pertinente en visant le mauvais auteur, à savoir Hegel les opinions justes prennent parfois des voies tortueuses.
1 La démocratie signifie avant tout la participation de toutes les personnes concernées [1]. Le cercle de celles-ci n'est pas déterminé à l'avance, et il n'est par ailleurs guère probable que plus de participation apporte plus de raison dans les décisions politiques. Sur ce point, les libéraux classiques étaient plutôt méfiants. Pour eux, la question fondamentale, qui portait sur la façon de réconcilier la participation démocratique et une prise de décision rationnelle, ne pouvait, du fait du niveau d'éducation de la population hérité de l'histoire, être résolue que par les élites : une élite élargie qui, du fait de ses propriétés et de son éducation, avait le droit de participer activement au vote, et une élite plus restreinte qui, du fait de sa capacité particulière de jugement, pouvait être élue pour représenter les différents intérêts de la communauté sans perdre de vue le bien commun [2]. L'image idéale d'une argumentation rationnelle et publique avait valeur de fondement de toutes les décisions au sein de la communauté [3], mais restait l'apanage plus ou moins exclusif des élites. Le développement de la démocratie partidaire et de la démocratie de masse au 19e siècle eut des répercussions importantes sur l'idéal, voire le rendit obsolète. Jürgen Habermas l'a remis à l'ordre du jour en le reliant aux conditions de la démocratie du 20e siècle et en le comprenant en même temps dans la perspective d'une démocratie radicale [4],
2 avec son modèle normatif de la démocratie délibérative, qui est devenu un classique [5]. Son argument fondamental est que, dans un discours libre de domination où toutes les personnes concernées participent, la raison s'impose de manière argumentative.
3 Dans la théorie actuelle de la démocratie, il n'est pas de concept normatif qui jouisse d'une plus grande popularité que le concept de démocratie délibérative [6]. Il s'agit d'une certaine manière du concept clé pour tout espoir que la démocratie aboutisse non pas seulement à la forme la plus souhaitable de pouvoir politique, mais également à la plus rationnelle, en s'appuyant sur la participation de toutes les personnes concernées tout en permettant que cette participation s'effectue dans le cadre d'une procédure discursive appropriée. Cependant, n'y aurait-il pas dans le concept de démocratie délibérative des conditions supplémentaires qui n'auraient jusqu'à présent pas fait suffisamment l'objet d'une réflexion approfondie ? On peut supposer que les émotions, et avec elles les composantes affectives, jouent un rôle considérable, ce qui s'oppose à la conception cognitiviste originaire défendue par Habermas, et il faut se demander comment en rendre compte.
4 Dans ce contexte, les symboles et la représentation symbolique jouent un rôle décisif. Comme on va le montrer, les symboles agissent dans la dimension cognitive, mais également dans la dimension affective ce caractère double rend indispensable le recours aux symboles si la dimension cognitive et la dimension affective doivent être prises en compte d'une manière égale. Dans le contexte de la théorie de la démocratie dont il est ici question, les symboles deviennent politiquement effectifs au sein de la communauté à travers la représentation symbolique.
5 Au premier abord, cette dimension semble inexistante dans le concept de démocratie délibérative. En quoi la délibération (où il en va du déploiement d'arguments) aurait-elle à voir avec la représentation symbolique ? Réciproquement, celle-ci n'a au premier abord rien à voir avec la délibération. Elle remplit bien plutôt une fonction particulière au sein de la représentation politique : elle n'exprime pas les volontés toujours renouvelées des représentés au fil des événements politiques, mais, de façon préalable, les représentations (Vorstellungen [7]) des valeurs et de l'ordre politique qui sont au fondement de la communauté. Les valeurs et l'ordre politique sont invisibles en tant que tels, et doivent être représentés (dargestellt) ; ils sont rendus visibles par des symboles pour être connus et reconnus par les citoyens comme leurs, comme voulus par eux. Si la représentation symbolique réussit de cette manière à avoir une efficace dans une communauté, elle constitue un facteur d'intégration décisif. Les citoyens ne considéreront une communauté comme leur que si elle représente les valeurs et l'ordre politique qu'ils veulent en commun [8].
6 Un tel fondement commun des représentations (Vorstellungen) des valeurs et de l'ordre politique est également une condition nécessaire à la démocratie délibérative. Il ne s'agit pas ici de sentiments qu'il faut faire taire autant que possible ces derniers demeurent bien plutôt une condition structurelle indépassable. La démocratie délibérative est en effet toujours liée à la représentation, à savoir non seulement à la représentation par mandat tous ne peuvent délibérer, on doit donc délibérer par le biais de représentants (stellvertretend) , mais également à la représentation symbolique, et ce de manière fondatrice, car c'est d'abord celle-ci qui rend possible la délibération commune. La représentation symbolique agit par des symboles. Ceux-ci comprennent toujours une composante affective en sus d'une composante cognitive. Les sentiments et émotions sont toujours prégnants et ils ne peuvent être éliminés. La composante affective ne peut être écartée par rationalisation, elle fait partie du potentiel rationnel de la représentation.
7 Pour le libéralisme classique, il est clair que les valeurs fondatrices d'une communauté, telles qu'elles sont couchées par écrit de façon privilégiée dans la constitution, ne sont pas seulement au fondement des discours politiques, mais doivent être exprimées symboliquement. Ceci s'avère plus difficile pour la démocratie délibérative. En effet, si la représentation symbolique en tant qu'elle est liée inséparablement avec la représentation (Vorstellung) d'une communauté légitime devrait jouer un rôle particulièrement important dans la démocratie délibérative, il semble presque impossible de trouver les symboles dans la délibération : ils sont trop imprécis, trop chargés d'émotions, et semblent plutôt déranger l'argumentation claire et rationnelle.
8 Contre les apparences premières, il faut donc se demander dans quelle mesure il est nécessaire de parler de représentation symbolique dans la démocratie délibérative, et du rôle qu'y jouent les symboles. Il faut pour ce faire commencer par clarifier certaines choses. Qu'est-ce qui doit être compris dans ce contexte par représentation, représentation symbolique et symbole ? Sur cette base, il sera possible de réfléchir sur l'importance qui revient à la dimension affective passant par les symboles et la représentation symbolique dans la démocratie délibérative, et quelles sont les conséquences qui doivent en être tirées. Nous discuterons donc d'abord du lien entre démocratie délibérative et représentation symbolique, et nous creuserons pour cela la question de la signification des symboles. Sur cette base, nous discuterons du rapport de la démocratie délibérative et de la représentation symbolique afin de déterminer plus précisément le lien de la délibération et de la symbolicité dans la démocratie, ainsi que la composante affective de celle-ci. En conclusion, nous proposerons quelques réflexions provisoires concernant le potentiel de rationalité de la démocratie délibérative dans le cadre de la représentation symbolique.
Démocratie délibérative et représentation symbolique
9Ma thèse fondamentale, selon laquelle la composante affective de la démocratie délibérative ne se laisse pas éliminer, est exposée à une objection évidente. En politique, les émotions font toujours partie du jeu, et sont même souvent au premier plan. C'est pourquoi il importerait avant tout de trouver une rationalité derrière les émotions. L'expérience historique a montré que cela est possible, tout comme, sur un plan théorique, le débat classique portant sur le conflit entre raisons et passions. On peut traiter cette tension de manière rationnelle : les émotions ne se laissent certes pas éliminer, mais elles peuvent être contrôlées et canalisées par des mesures institutionnelles appropriées [9]. Cet argument ne me semble toutefois pas aller assez loin : je pense non seulement que les émotions ne se laissent pas éliminer, mais que leur contrôle est également confronté au problème suivant : les composantes affectives sont tout autant constitutives pour la politique que les composantes cognitives, et appartiennent de ce fait également à une politique « rationnelle ». Je voudrais le démontrer en deux étapes à travers le concept de représentation. En premier lieu, la politique moderne a sans cesse affaire à la représentation. Ensuite, la représentation n'est pas seulement affaire de mandat, elle est constituée fondamentalement et par essence de représentation symbolique, et ce n'est qu'à partir de celle-ci que la représentation-mandat est possible. Or, la dimension affective accompagne inséparablement la représentation symbolique et les symboles.
101) Dans les démocraties modernes, les processus de formation de la volonté sont organisés en majeure partie de manière représentative. À l'arrière-plan de ce principe résultant des conditions de la démocratie de masse et qui aujourd'hui va quasiment de soi, il y a toutefois un contexte théorique complexe [10]. La représentation signifie fondamentalement que quelque chose d'absent est porté à la présence, que quelque chose d'invisible est rendu visible [11]. Dans la représentation politique, la volonté des citoyens devient présente et visible. Lorsque les citoyens ne peuvent décider directement, une délégation de la volonté à des représentants est nécessaire, de telle sorte que les actions des représentants sont attribuées aux représentés. Les représentants décident au nom des citoyens, comme si ces derniers décidaient eux-mêmes [12]. Ainsi, des décisions contraignantes peuvent revendiquer le consentement de la communauté, elles sont légitimées par le principe de la représentation.
11 La représentation a lieu ici sous forme d'un mandat. Il faut ici comprendre le mandat et donc la représentation au sens le plus large du terme. La représentation par mandat comprend toute forme de représentation (Vertretung) d'intérêts et de fins, d'intérêts collectifs et individuels en passant par les intérêts de l'ensemble de la société, que l'ordre politique habilite (ou oblige) les représentants à prendre en compte. La représentation en tant que mandat s'est d'abord formée dans la représentation corporative (ständige Vertretung). Dans les démocraties occidentales actuelles, cette représentation est comprise en fonction d'accentuations normatives différenciées comme une combinaison de représentation d'intérêts (Interessenvertretung) particuliers et d'expression d'intérêts universels par des représentants (Repräsentanten), du moins tant que le peuple ne peut ou ne doit pas décider directement. C'est très majoritairement le cas dans les démocraties de masse (si l'on met de côté les référendums, qui comprennent par ailleurs aussi des éléments de représentation). Une démocratie délibérative est elle-aussi fondamentalement représentative, car seuls quelques-uns délibèrent pour les autres ou peuvent agir politiquement sur le fondement de délibérations [13].
12 (2) L'action des représentants se fait sous condition de la représentation symbolique. Cette seconde dimension de la représentation, qui conduit structurellement aux composantes affectives de la représentation, est volontiers oubliée ou réfutée [14]. Pourquoi les citoyens acceptent-ils des décisions politiques lorsqu'ils ne sont pas d'accord avec ces décisions ou lorsque celles-ci contredisent leurs intérêts personnels ? L'acceptation par haussement d'épaules (« ceux d'en haut ») ou les mécanismes de contrainte ne rendent pas ces décisions légitimes et sont insuffisants sur la durée. Une communauté stable repose sur l'acceptation de ses valeurs et de son ordre politique par les citoyens. Cela se produit lorsque les valeurs et l'arrangement de l'ordre politique de la communauté correspondent jusqu'à un certain degré aux représentations (Vorstellungen) des citoyens ; ces représentations (Vorstellungen) sont alors communes, et la communauté les défend et les représente (repräsentiert). Les démocraties, qui se fondent massivement sur l'individu autonome comme souverain ultime, vivent précisément du fait que les citoyens considèrent la communauté comme étant leur. Leur condition fonctionnelle nécessaire est donc que les représentations normatives (Wertvorstellungen) fondamentales communes aux citoyens soient exprimées en permanence et de manière perceptible dans les institutions politiques. La représentation politique présuppose donc la représentation symbolique. L'invisible qui doit être rendu visible par la représentation n'est pas seulement la volonté des citoyens manifestée dans des décisions concrètes. La représentation (Repräsentation) exprime également les représentations (Vorstellungen) des valeurs et de l'ordre politique sur lesquelles la communauté est fondée et doit en permanence se fonder [15]. Comme ces dernières ne sont elles-mêmes pas visibles et qu'il est difficile de les mettre en uvre dans des décisions à chaque fois concrètes elles sont bien plutôt leur fondement et leur critère , elles ne peuvent être présentes que de manière symbolique. Il ne suffit pas qu'elles constituent un fondement abstrait, elles doivent en permanence être rendues visibles, pour les citoyens et face à eux, dans les institutions de la communauté.
13 La représentation symbolique est donc constitutive et indispensable à la communauté. Ceci vaut en particulier pour la démocratie moderne, dans laquelle, en sus de l'unité, doit aussi s'exprimer de manière appropriée la pluralité de la communauté. La représentation par mandat peut être rejetée lorsqu'elle n'est pas nécessaire ou pas souhaitée cela vaudrait pour une démocratie directe au sens strict, qui comprendrait toutes les personnes concernées et leur attribuerait exclusivement le pouvoir de délibération et de décision. Par contre, la représentation symbolique ne peut pas être annulée. Même des démocraties directes au sens strict, comme le fut l'Athènes classique, avaient leur symbolique communautaire. La représentation symbolique est d'autant plus indispensable dans un vaste État, là où la démocratie directe n'est pas possible. C'est aujourd'hui la situation normale, et cela vaut aussi pour toute forme de démocratie délibérative. Dans la représentation symbolique, les composantes affectives deviennent prégnantes par le biais de symboles.
Que sont les symboles et que produisent-ils ?
14Lorsque la représentation exprime symboliquement les valeurs partagées d'une communauté, le type et le mode de présentation, tout comme ce que l'on peut en attendre, dépendent de la nature des symboles. Si le symbole n'était qu'un concept générique incluant toutes les formes de représentation (Darstellung), comme par exemple chez Luhmann et Bourdieu, on ne pourrait pas en tirer grand chose. Seule une compréhension plus précise du symbole ouvre une perspective véritablement heuristique [16].
15 Les symboles ne sont pas univoques pour l'observateur, ils sont plurivoques ; ils ne sont pas seulement cognitifs et sont chargés émotionnellement. Ceci peut être clarifié au mieux dans la compréhension herméneutique du symbole [17]. Dans cette perspective, les symboles sont des signes ouverts à l'interprétation, que leurs interprètes comprennent d'abord en lien avec la situation. Les symboles indiquent et ne nomment pas. Ils représentent (darstellen) un état de fait qui doit d'abord être interprété. La signification des symboles repose donc sur l'interprète elle n'est pas univoque, mais résulte d'abord de la manière dont ce dernier laisse agir les symboles sur sa personne, les comprend et les utilise. Il ne s'agit pas ici d'une dénotation univoque, mais d'une connotation déterminée par l'interprétation [18]. Le drapeau allemand avec ses couleurs noir-rouge-jaune peut pour une personne être d'un point de vue historique l'expression de l'identification démocratique, pour une autre celle d'un système mal aimé, pour une troisième celle d'une fierté nationale qui n'a pas à se justifier, et pour une autre encore, depuis le championnat du monde de football de 2006, l'expression d'un sentiment national très apolitique qu'incarne une équipe qui joue avec succès et élégance. Le symbolique n'est pas une forme particulièrement disparate et imprécise de désignation, mais un usage spécifique du texte ou un certain rapport aux signes dans lequel le signifiant est soumis à une interprétation. Ce n'est qu'en lien avec leur interprétation que les états de fait et les événements deviennent des symboles. L'interprétation est porteuse de toute la manière de vivre de l'interprète : de son savoir, de ses expériences, de ses principes, de ses émotions. Un symbole est ainsi toujours plus chargé affectivement, voire très différemment, que ce que la personne qui a créé le symbole ne le pensait. Dans la perspective herméneutique, c'est ce qui le différencie des signes au message univoque, qui n'ont de charge que cognitive ; de tels signes sont des cas particuliers de symbole, introduits là où la précision et l'absence d'émotions sont requises. Dans la représentation symbolique, c'est précisément la plurivocité et l'intégration des composantes affectives qui sont en jeu, comme on va le montrer.
16 De par leur fonction de mise en présence, les symboles politiques produisent pour la communauté des formes d'intégration spécifiques servant à l'intégration normative. L'intégration politique doit toujours être comprise en un double sens : elle est d'une part technique, en ceci que des normes sont unifiées et que des suites d'actions sont coordonnées, elle est d'autre part normative au sens de Parsons, en ceci que les citoyens s'orientent ou sont orientés par des choses qu'ils partagent fondamentalement dans les affaires qui les concernent dans leur ensemble, pour autant que ceci soit nécessaire dans une communauté moderne. Habermas formule cette différence en opposant intégration systémique et intégration sociale [19]. Une intégration normative réussie est une condition fonctionnelle pour le maintien d'une communauté, et les symboles sont ici constitutifs. L'intégration normative est un succès lorsque les citoyens s'orientent en fonction des valeurs et des modalités de l'ordre qui fondent la communauté, de telle sorte que l'on parvienne à une identification et une identité collective suffisantes. L'orientation se fait avant tout par le biais de symboles, c'est-à-dire par des contenus de sens qui peuvent être appris par expérience, et qui expriment la communauté et ses institutions comme étant déterminantes pour tous les participants. On peut le démontrer avec l'exemple de la constitution. Celle-ci n'est pas seulement centrale parce qu'elle contient les règlements qui déterminent en dernière instance les procédures et la résolution des conflits, mais plus encore par sa symbolicité, par laquelle elle représente (vertritt) les valeurs de la communauté face aux citoyens [20].
17 Ce que les symboles apportent à l'intégration normative résulte de l'association de composantes cognitives et affectives (a) et de la plurivocité qui caractérise fondamentalement les symboles (b).
18 (a) Le concept fondamental d'intégration politique, qui comprend aussi les composantes symboliques, provient du professeur de droit public Rudolf Smend [21]. Ce dernier insiste sur le fait que les institutions politiques (et il pense alors en premier lieu à l'État) doivent être déterminées avant tout en fonction du fait qu'elles intègrent de façon permanente les citoyens, et ce sans se reposer seulement sur leurs buts rationnels. Se référant à Theodor Litt [22], il tente de montrer que les contextes sociaux sont moins les produits de discours rationnels que d'actes intersubjectifs de représentation (Darstellung), de compréhension et d'expériences vécues. Lorsque les institutions politiques intègrent, elles ne mettent pas seulement en place une procédure de formation de la volonté rationnelle ; elles rendent également possible au citoyen individuel une participation à une « expérience communautaire », et c'est justement en ceci qu'elles intègrent. Dans la mesure où une participation directe des citoyens pris individuellement n'est plus possible dans les États de masse, l'unité qui ne peut plus être vécue immédiatement le devient par la représentation symbolique de valeurs. Il s'agit d'une version dynamisée et rendue expressive de la croyance en la légitimité que Max Weber voyait déjà au fondement de la domination légitime [23].
19 L'orientation conforme à des représentations normatives (Wertvorstellungen) partagées nécessite donc une expression symbolique. Selon les modes particuliers de l'intégration Rudolf Smend distingue les modes personnel, fonctionnel et objectif, à savoir l'intégration par des personnes, par des procédures ou par des valeurs , les symboles sont plus ou moins centraux. Ils sont ce qui provoque l'expérience communautaire complète, laquelle lie les composantes cognitives et les composantes affectives. Les symboles animent également en permanence les contenus de sens émotionnels. Ils sont des guides naturels qui offrent une orientation en vue d'un agir commun allant au-delà de la contrainte externe ; ils la maintiennent dans la durée, sous une forme condensée mais qui peut être visible et vécue [24].
20 Les symboles condensent des faits en contenus intuitifs immédiats [25] qui, par leurs composantes affectives, éveillent en permanence des émotions. Les symboles fournissent ainsi une orientation qui favorise l'intégration sociale de façon large, et non uniquement cognitive. Les valeurs fondamentales d'une communauté sont ici en jeu, et le pouvoir de la communauté tel que le comprend Hannah Arendt [26] est produit par l'intégration symbolique : le pouvoir n'est pas donné en permanence, il doit toujours être à nouveau actualisé c'est exactement ce que Rudolf Smend postule à propos de l'intégration [27]. Dans les communautés au sein desquelles la participation directe des citoyens et l'actualisation de leur pouvoir est impossible, l'intégration repose en premier lieu sur leur confiance et est en conséquence médiée symboliquement [28]. La confiance s'oriente d'abord vers les mécanismes de régulation institutionnalisés, mais leur adéquation est difficile à vérifier en détail. C'est pourquoi la confiance s'étend à la présentation symbolique des valeurs fondamentales qui est l' uvre des institutions politiques. Si celles-ci sont crédibles, l'intégration cognitive et affective est générée par la confiance. Si elles ne le sont pas, la confiance est déçue, et l'intégration échoue.
21 (b) Mais même les symboles qui présentent les valeurs communes fondamentales n'agissent pas nécessairement dès le début de manière intégratrice. Parce qu'ils sont toujours plurivoques et doivent être interprétés pour être adoptés et compris, le message du symbole peut également être rejeté. L'action des symboles n'est pas prévisible, elle reste en règle générale largement indéterminée. Les symboles ne peuvent produire des orientations uniformes. Il ne s'agit pas d'un inconvénient, mais bien plutôt d'un avantage inestimable pour l'intégration symbolique des sociétés modernes [29]. Parce que les symboles ne sont pas porteurs d'un point de vue clair et fermement délimité et que l'établissement de leur signification est laissé aux associations des personnes qui les interprètent, ils ont plus de chance de favoriser l'intégration de membres individuels de la communauté aux horizons de valeurs différents une situation typique des sociétés modernes fragmentées. La plurivocité des symboles correspond à l'exigence normative d'unité dans le cadre de sociétés pluralistes et diversifiées.
22 La manière dont les symboles sont compris et les associations qu'ils suscitent dépendent toujours du contexte : ils varient selon la personne, le temps, l'appartenance à tel ou tel groupe, et par dessus tout en fonction de l'état d'esprit des interlocuteurs. Pour que les symboles soient adoptés et compris, il faut en quelque sorte du côté des destinataires une table d'harmonie que les symboles font vibrer. Mais la table d'harmonie ne vibre pas seulement lorsque c'est exactement la même compréhension de base qui est partagée. Parce que les symboles dégagent toujours un espace d'interprétation, les valeurs fondamentales d'une communauté sont toujours ouvertes à l'interprétation. Le spectre de l'acceptation peut ainsi s'élargir, car il n'est pas bloqué par une interprétation particulière. Les sociétés modernes fragmentées ne sont intégrées que par de tels symboles, pour autant qu'elles puissent l'être [30].
La symbolicité de la délibération
23Nous nous sommes initialement demandés ce que la démocratie délibérative avait à voir avec les symboles et la représentation symbolique, car les composantes affectives font leur entrée en passant par les symboles. Il en est ressorti jusqu'à présent que la démocratie délibérative était inséparable de la représentation, et que l'une des deux dimensions de cette dernière était la représentation symbolique. C'est la représentation symbolique qui active le potentiel d'intégration, lequel permet que l'on délibère et décide via des procédures représentatives. Ce sont les représentations (Vorstellungen) communes des valeurs et de l'ordre politique qui permettent dans le meilleur des cas que cette intégration se fasse dans l'intérêt des citoyens et que ceux-ci l'acceptent, ce qui serait impossible sans les composantes affectives de la représentation symbolique.
24 Mais la représentation symbolique n'est pas qu'une présupposition nécessaire dans le modèle de la démocratie délibérative, elle exerce une influence tout à fait concrète sur la délibération par le biais des composantes affectives des symboles. Il peut sembler étrange que les émotions jouent ici un rôle important et tout à fait positif : au premier abord, une délibération rationnelle ne pourrait semble-t-il avoir lieu sur la base de symboles au vu de la définition du symbole présentée ici, qui semble aller à l'encontre d'une argumentation rationnelle. J'entends néanmoins montrer que les composantes symboliques sont inhérentes au modèle normatif de la démocratie délibérative, et ce sans en abîmer le c ur. Je me limite pour cela au point de vue normatif, car la problématique s'en laisse plus aisément extraire [31].
25 Jürgen Habermas développe son modèle de la démocratie délibérative sur deux niveaux. Il formule systématiquement son idée fondamentale à un niveau assez abstrait dans son essai « Trois modèles normatifs de la démocratie » (1998). Placé entre le modèle « républicain » et le modèle « libéral », son propre modèle doit éviter aussi bien le rétrécissement normatif du premier que le rapport purement individualiste et utilitariste du second. Habermas tente de relier les forces des deux modèles dans un concept procédural riche de contenu normatif. La démocratie authentique a toujours une référence éthico-morale, mais celle-ci ne doit pas être donnée à l'avance ; elle doit être développée par les participants dans une procédure objective qui n'anticipe rien, comme cela est fondé de façon exemplaire dans l'État de droit libéral. La procédure ne mène toutefois à une richesse de résultats que lorsqu'une situation de discours idéale est donnée à tous les participants : dans le discours libre de domination, l'argument rationnel s'impose. Ce modèle d'une démocratie délibérative est concrétisé au niveau politico-institutionnel dans Droit et démocratie. Le résultat en est un « modèle à deux piliers [32] ». La démocratie délibérative repose d'une part sur la formation de la volonté réglée institutionnellement, comme l'a constituée l'État constitutionnel libéral sous la forme de la démocratie représentative. En font partie les élections, les partis, le parlement constitué de manière représentative, les tribunaux, ainsi que l'exécutif et l'administration, qui agissent en étant régulés juridiquement et politiquement. Le second pilier apporte la spontanéité, le potentiel créatif dans la résolution de problèmes d'une société civile qui repose sur le monde vécu ; Habermas pense avant tout aux nouveaux mouvements sociaux : mouvements de citoyens, féministes, pacifistes, anti-nucléaires, de désobéissance civile [33]. Dans les espaces publics autonomes et non instrumentalisés par le pouvoir, le processus institutionnalisé de formation de la volonté est confronté à des questions et à des arguments nouveaux, qu'il n'a pas pris en compte, et dont le pouvoir communicationnel agit à la manière d'un « siège [34] ». La raison se manifeste en influençant de manière permanente le premier pilier, d'une manière plus aisée que dans les seules institutions classiques de la démocratie représentative, où elle aurait pu difficilement s'imposer seule.
26 Il n'est pas ici question de représentation symbolique. Il n'y a de représentation que comme représentation par mandat dans le premier pilier de ce modèle. Doit-on en déduire que dans les modèles normatifs de la démocratie délibérative, la représentation symbolique n'est pas nécessaire, que les symboles perturbent plutôt les processus d'argumentation rationnels par leur plurivocité et leur besoin d'être interprétés ? Je voudrais plutôt argumenter que la logique de la démocratie délibérative n'exclut pas les symboles mais exige au contraire en permanence la représentation symbolique. Il s'agit d'une tentative de lire le modèle de la démocratie délibérative de Habermas selon la théorie des symboles, et à partir de la représentation symbolique.
27 À un premier niveau, celui de la situation de discours idéale, la procédure de découverte du résultat ne dépendrait que de l'argumentation rationnelle. La force des arguments en serait diminuée si ceux-ci prenaient une teinte émotionnelle ou n'étaient pas clairs ce qui est précisément le cas des symboles. Dans la compréhension herméneutique décrite plus haut, les symboles n'auraient ainsi rien à faire dans le discours libre de domination. Cette conclusion semble d'abord s'imposer, mais elle n'est pas impérative. Elle ne vaudrait que si les discours démocratiques devaient en permanence se dérouler en suivant les normes du langage scientifique. L'émotion et la plurivocité seraient alors en effet interdits. Cependant, les discours démocratiques ne sont pas des discours scientifiques, ils sont énoncés en langage courant et sont irrémédiablement liés à des valeurs [35]. Lorsque les discours démocratiques sont formulés à propos de questions spécifiques, ils incluent de façon inhérente les représentations (Vorstellungen) des valeurs et de l'ordre politique qui leur servent de base. Ces représentations (Vorstellungen) sont articulées sous une forme symbolique, c'est-à-dire comme une interprétation parmi d'autres interprétations potentielles, qui ont chacune leur contenu émotionnel spécifique et qui sont mises à disposition de la discussion. Il ne peut y avoir de discussion libre de domination sur les valeurs autrement que sous cette forme. Si le contenu émotionnel était abstrait des représentations (Vorstellungen) des valeurs et de l'ordre politique, le discours s'éloignerait du réel. Si la plurivocité était réduite à l'univocité, des concepts opposés se combattraient, rendant un processus délibératif impossible. Dans la délibération (comprise normativement), dans toutes les questions spécifiques comme par exemples les questions de justice , nous avons donc toujours affaire à des symboles qui font référence à des valeurs qui ne peuvent être présentées autrement que comme nécessitant l'interprétation, et en tenant compte de leur dimension affective. Le processus délibératif est donc aussi lui-même toujours un processus d'intégration.
28 La délibération démocratique ne peut cependant remettre sans cesse en question toutes les valeurs fondatrices. De telles discussions empêcheraient tout simplement d'en venir aux questions spécifiques en suspens. C'est pourquoi un consensus est nécessaire sur le fait qu'il faille conclure provisoirement le débat sur les valeurs fondatrices. Ceci n'est possible que lorsque l'on parvient à se mettre d'accord sur une interprétation commune de ces valeurs [36]. Au vu du caractère symbolique de leur articulation, cela implique de fixer l'amplitude de leur interprétation, et donc d'autoriser des interprétations différentes pour autant qu'elles n'outrepassent pas les limites à déterminer en commun de l'interprétation de ces valeurs (par exemple l'égalité ou la justice) [37]. Ce n'est que lorsque l'on parvient à faire entrer en vigueur de tels patrons interprétatifs [38] qu'il peut y avoir argumentation rationnelle sur les questions spécifiques dans le cadre d'un discours libre de domination. Il va de soi que les patrons interprétatifs, qui font référence à des valeurs, peuvent à leur tour être mis en question dans la délibération, mais ils ne doivent pas en permanence être thématisés après que l'accord a été atteint. En général, le consensus sur les valeurs est en permanence réactualisé symboliquement dans l'acte de la discussion en commun sur les questions spécifiques. Aussi longtemps que ce présupposé demeure non problématique, cet accord sans cesse renouvelé n'a pas besoin d'être conscient chez les participants ; dans les conflits, par contre, il fait toujours retour. C'est de cette manière que la représentation symbolique, qui repose sur le caractère ambivalent des symboles employés, est toujours présente dans la situation de discours idéale. Il n'est en tout cas pas de démocratie délibérative sans représentation symbolique des valeurs communes ; une représentation symbolique réussie est une condition nécessaire.
29 À un second niveau, celui du « modèle à deux piliers » de la démocratie délibérative, la fonction indispensable des symboles et de la représentation symbolique se laisse saisir sous le mode du « siège » de la formation de la volonté réglée institutionnellement par la spontanéité de la société civile. Cela concerne d'abord l'efficace du « siège » : si les questionnements et les problèmes sont portés jusqu'au pilier de la formation institutionnalisée de la volonté, les chances qu'ils s'imposent vraiment sont d'autant plus grandes qu'ils déploient plus de force de frappe symbolique. Un message est codé en symboles en ceci que la pluralité de ce qui est signifié est d'abord présentée de manière suggestive comme univoque par le symbole, en dépit du caractère ouvert de son interprétation ; il est légitimé par la puissance de nomination qui fait usage du symbole ; et il est toujours aussi présenté de manière affective, et cela accroît son efficacité [39]. Cela ne signifie pas que cela soit nécessairement une manipulation. On a plutôt recours à des valeurs communes par le seul biais de la représentation symbolique, ou à cette interprétation de valeurs qui peuvent revendiquer d'être communes.
30 C'est ici qu'apparaît la dynamique de la représentation symbolique. De prime abord, un « siège » ne nécessite pas une base de valeurs communes aux deux piliers. Mais il doit y avoir quelques points de départ communs dans une communauté, et la base de valeurs communes doit pouvoir être générée sans cesse dans le cadre d'une amplitude interprétative acceptée par tous. Dans l'idée de Habermas, le « siège » ne doit pas au final conduire à une conquête. Si les valeurs qui sont mises en vigueur s'écartent par trop l'une de l'autre, il n'y a plus de représentation symbolique qui englobe les deux piliers ; le résultat ne pourrait être qu'une révolution ou, de manière imagée, la conquête. La dynamique du « siège » est intéressante en elle-même, elle oscille entre désaccord et points d'accord. Dans le « siège », une communauté plus ou moins fictive des représentations (Vorstellungen) des valeurs et de l'ordre politique est mise en jeu : les valeurs et les arrangements de l'ordre qui sont ou devraient être au fondement de la formation de la volonté réglée institutionnellement sont mis en vigueur suivant une certaine interprétation et revendiqués par des actes juridiques (par exemple la dignité humaine ou le principe d'égalité contenu dans la constitution). D'autre part, de nouvelles valeurs (par exemple l'environnement) sont mises à l'ordre du jour et adaptées symboliquement dans la base de valeurs existante. Dans le « siège », ce ne sont pas seulement des critiques et de nouvelles idées qui sont mobilisées, comme le voudrait une lecture simplifiée de Habermas. La représentation symbolique et ses mécanismes sont toujours en jeu. Ce qui, dans la situation de discours idéale, est plutôt présupposé se trouve ici sans cesse réactualisé. Il s'en dégage une dynamique spécifique : au travers du « siège », l'amplitude d'interprétation communément acceptée peut et va changer, et avec elle la représentation symbolique. Mais il existe une limite claire au succès de ce modèle : seule une représentation symbolique commune, constamment reproduite au travers des changements, permet que ce modèle délibératif à deux piliers fonctionne vraiment pour des sociétés données.
Le potentiel de rationalité de la démocratie délibérative dans le cadre de la représentation symbolique
31J'ai globalement tenté de montrer que les sentiments et les émotions jouent un rôle considérable et indispensable dans les modèles de démocratie délibérative, contre l'apparence selon laquelle celle-ci ne reposerait que sur la rationalité cognitive. Pour ce faire, j'ai décliné systématiquement la délibération en tant que processus de représentation, en partant d'une compréhension très large selon laquelle il y a représentation lorsqu'un représentant argumente et décide pour d'autres personnes (stellvertretend), que cela soit librement ou en suivant leur demande. Cela peut avoir lieu par le biais de la délégation d'un mandat ce qui est jusqu'à présent le cas normal dans nos démocraties ou par des commissions composées par tirage au sort. La représentation symbolique s'y trouve en permanence en jeu. Les représentations (Vorstellungen) fondamentales d'une communauté deviennent présentes et doivent l'être lorsque l'on agit en représentant d'autres personnes (stellvertretend). Dans la représentation symbolique, il y va de la présentation de ces représentations (Vorstellungen) fondamentales, justement sous forme de symboles. Tous les concepts politiques sont connotés symboliquement de cette manière. C'est pourquoi nous devons nous demander ce que cela signifie lorsque nous parlons de symboles dans ce contexte. Dans une acception précise, les symboles impliquent un besoin d'interprétation, c'est-à-dire une plurivocité principielle, ainsi que l'inclusion de la dimension affective. Ces deux éléments sont au point de départ d'une redécouverte du sens des émotions et des sentiments pour les modèles de démocratie délibérative. La plurivocité ouvre des marges de man uvre à l'argumentation, les composantes affectives apportent avec elles un lien au monde vécu qui ne peut être ramené à l'arrière-plan.
32 La représentation symbolique n'est pas un fondement statique ou figé. Cela devient évident lorsque l'on part des modèles de délibération. La délibération n'est pas que l'échange d'arguments en vue de traiter des questions concrètes laissées en suspens, elle est toujours aussi un processus d'intégration des représentations (Vorstellungen) de valeurs et de l'ordre politique qui servent de fondement. Dans chaque délibération, il y va explicitement ou implicitement de l'éventail des interprétations acceptées en commun où la dimension affective est tout autant présente et active que la dimension cognitive.
33 Mais l'irrationalité ne fait-elle pas ainsi son entrée dans la délibération ? Cette possibilité ne peut malheureusement pas être exclue. Dans la terminologie classique, le cas surgit lorsque les passions prennent le pas sur la raison. C'est ici que la méfiance d'Hanna Pitkin envers la rationalité symbolique est tout à fait légitime. Il n'y aurait cependant pas de sens d'abandonner la dimension affective de la représentation symbolique, voire tout simplement cette dernière, du fait des dangers liés à une politique qui serait principalement émotionnelle. Il faut plutôt traiter le problème d'une manière appropriée, car la représentation symbolique en soi n'est ni rationnelle, ni irrationnelle : elle est une condition fondamentale de la politique.
34 J'ajoute ici quelques réflexions qui demanderaient davantage d'élaboration et qui mériteraient d'être soumises à la discussion. Il me semble nécessaire de traiter le reproche d'irrationalité avec prudence. La dimension affective de la politique n'est pas d'emblée irrationnelle. Elle est d'abord a-rationnelle, au contraire de la dimension cognitive. Fondamentalement, rationnel signifie ici rester ouvert à de « bonnes raisons », à savoir à des arguments rationnels ou issus de l'expérience historique [40], à tout le moins jusqu'à un certain point. Le rapport sentimental et émotionnel aux représentations (Vorstellungen) de valeurs et de l'ordre politique est a-rationnel parce qu'il ne contribue en rien à la découverte et à la validation de raisons dans la dimension cognitive. Mon hypothèse est que la dimension affective ne peut que renforcer, atténuer, déborder ou bloquer ce qui est déjà présent ou est constitué cognitivement. Tout dépend ainsi des représentations (Vorstellungen) de valeurs et de l'ordre politique, et du rapport qui est noué avec elles. L'irrationalité ne surgit que lorsque ces représentations (Vorstellungen) se trouvent immunisées contre les arguments critiques, que ce soit par l'arrêt de la discussion dans la dimension cognitive, par l'exagération des composantes affectives ou par les deux. Ernst Cassirer a démontré ce processus fatal d'une manière impressionnante en étudiant la formation du national-socialisme, à partir de la « prépondérance de la pensée mythique sur la pensée rationnelle », tandis que Karl Popper a dans ce contexte parlé de manière pertinente du « nouveau mythe de la horde [41] ». Fondamentalement, c'est dans la dimension cognitive qu'il est décidé de la rationalité ou de l'irrationalité des représentations (Vorstellungen) des valeurs et de l'ordre politique. Il n'en reste pas moins que c'est toujours à une seule expression symbolique que nous faisons face, laquelle comprend inséparablement les deux dimensions, la cognitive et l'affective.
35 Plus les représentations (Vorstellungen) des valeurs et de l'ordre politique stimulent affectivement les participants, plus elles sont efficaces, et mieux elles intègrent. Il en résulte une question évidente et qui peut être parfaitement formulée de façon optimiste : les représentations (Vorstellungen) liées aux Lumières ne pourraient-elles pas elles aussi voire particulièrement stimuler les affects ? Je ne vois rien qui devrait y faire obstacle, et ce n'est qu'en Allemagne que je constate une aversion, peut-être compréhensible pour des raisons historiques, à l'égard des aspects affectifs des représentations (Vorstellungen) démocratiques, au prétexte qu'elles pourraient trop aisément conduire à des incompréhensions menant vers l'autoritarisme et le totalitarisme. En France, la religion civile républicaine parle une toute autre langue, et le symbole « RF », qui représente la nation, s'y donne partout à voir. En Allemagne, dans la seconde moitié du 19e siècle, l'État constitutionnel démocratique fut d'ailleurs lui aussi chargé affectivement il y eut des fêtes de la Constitution et des monuments à la Constitution. De ce fait, je ne peux croire que les représentations (Vorstellungen) démocratiques seraient moins accessibles aux émotions que les non démocratiques. Cela doit être pris en compte pour la représentation symbolique de la démocratie.
Notes
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[1]
Ce texte a originellement paru sous le titre « Die affektive Dimension der Demokratie. Überlegungen zum Verhältnis von Deliberation und Symbolizität », in Felix Heidenreich et Gary Schaal (dir.), Politische Theorie und Emotionen, Baden-Baden, Nomos, 2012, p. 235-254. Il a été légèrement réduit. Les traducteurs remercient Lola Zappi pour sa contribution au travail d'édition.
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[2]
Les libéraux plaidèrent soit pour un droit de vote censitaire, par exemple en France en 1789 ou durant le Vormärz allemand (c'est-à-dire la période précédant la révolution allemande de mars 1848, NdT), soit, en cas de droit de vote universel, pour l'introduction de mécanismes destinés à juguler l'influence directe du peuple : à travers le principe même de la représentation (Fédéraliste, no 10), ou à travers un coefficient majorant l'influence des gens éduqués le plural voting évoqué par John Stuart Mill (Considérations sur le gouvernement représentatif, Paris, Gallimard, 2009, chap. 8). Voir à ce sujet Gerhard Göhler et Ansgar Klein, « Politische Theorien des 19. Jahrhunderts », in Hans-Joachim Lieber (dir.), Politische Theorien von der Antike bis zur Gegenwart, Bonn, Bundeszentrale für politische Bildung, 1991, p. 370 et suiv., 387 et suiv., 445 et suiv.
-
[3]
L'utopie d'une « société sans classe » eut cours dans le libéralisme jusqu'à la deuxième moitié du 19e siècle (Lothar Gall, « Liberalismus und "bürgerliche Gesellschaft". Zu Charakter und Entwicklung der liberalen Bewegung in Deutschland » (1975), in Lothar Gall (dir.), Liberalismus, Cologne, Kiepenheuer und Witsch, 1976, p. 162-186).
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[4]
Dans L'Espace public. Archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise (Paris, Payot, 1978), Jürgen Habermas renoue consciemment avec la représentation libérale d'un espace public délibératif.
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[5]
Voir ses travaux fondamentaux, Jürgen Habermas : « La souveraineté populaire comme procédure. Un concept normatif d'espace public », in Charles Girard et Alice Le Goff, La démocratie délibérative. Anthologie de textes fondamentaux, Paris, Hermann, 2010 ; Droit et démocratie. Entre faits et normes, Paris, Gallimard, 1997 ; « Trois modèles normatifs de la démocratie », in Jürgen Habermas, L'Intégration républicaine, Paris, Fayard, 1998.
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[6]
La littérature sur la démocratie délibérative a depuis atteint une telle taille que je renonce à livrer ne serait-ce qu'une liste sommaire des titres. Je renvoie en particulier, en lien avec les réflexions de cet article, à Marian Barnes, « Passionate Participation. Emotional Experiences and Expressions in Deliberative Forums », Critical Social Policy, vol. 28, 2008, p. 461-481, et Robert E. Goodin (dir.), Innovating Democracy. Democratic Theory and Practice After the Deliberative Turn, Oxford, Oxford University Press, 2008.
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[7]
Nous signalons systématiquement dans le texte toutes les occurrences où le terme français de représentation est utilisé pour rendre un terme allemand autre que celui de Repräsentation, afin de sensibiliser les lecteurs francophones à la polyvocité du mot dans les langues néolatines (NdT).
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[8]
Le travail de Rudolf Smend (« Verfassung und Verfassungsrecht » (1928), in Rudolf Smend, Staatsrechtliche Abhandlungen, Berlin, Duncker &Humblot, 1968, p. 119-276) est fondamental sur la question de l'intégration par les symboles ; voir à ce sujet Göhler (Gerhard Göhler et al., Institution. Macht. Repräsentation. Wofür politische Institutionen stehen und wie sie wirken, Baden-Baden, Nomos, 1997, p. 48 et suiv., 54 et suiv.).
-
[9]
Voir le Fédéraliste no 10 sur le rapport aux « factions », qui vaut analogiquement pour les émotions en politique.
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[10]
Voir pour plus de détails Gerhard Göhler et al., Institution. Macht. Repräsentation..., op. cit., p. 46-52.
-
[11]
Carl Schmitt, Théorie de la constitution, Paris, PUF, 1993.
-
[12]
Voir pour la première fois Thomas Hobbes, Leviathan (1651), texte édité par Richard Tuck, Cambridge, Cambridge University Press, 1991, partie I, chap. 17 ; voir Hanna F. Pitkin, The Concept of Representation, Berkeley, University of California Press, 1967, p. 14 et suiv.
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[13]
Comme le choix des représentants soulève toujours des problèmes, la désignation par tirage au sort des personnes qui délibèrent semble d'ailleurs tout indiquée pour la démocratie délibérative, et cette question a fait depuis peu l'objet de réflexion. Pour les jurys citoyens, voir Peter C. Dienel, Die Planungszelle. Der Bürger als Chance, Wiesbaden, Westdeutscher Verlag, 2002. La discussion sur la sélection par le sort en politique, qui est menée au niveau international depuis quelques temps déjà, semble gagner en importance dans le monde allemand (Hubertus Buchstein, Demokratie und Lotterie. Das Los als politisches Entscheidungsinstrument von der Antike bis zur EU, Francfort/Main, Campus Verlag, 2009).
-
[14]
Hanna Pitkin par exemple, qui entame cette réflexion, se montre particulièrement sceptique face à cet aspect de la représentation du fait de l'expérience national-socialiste (Hanna F. Pitkin, The Concept of Representation..., op. cit., p. 107 et suiv.).
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[15]
Une certaine tradition allemande de réflexion sur la représentation a été particulièrement attentive à cette dimension ; voir à ce sujet, dans une perspective critique, Hanna F. Pitkin, The Concept of Representation..., op. cit., p. 92 et suiv. Eric Voegelin argumente qu'une société s'assure du sens de son existence par des symboles politiques décisifs. Les symboles expriment l'expérience selon laquelle l'humain n'est pleinement et totalement humain que par la participation à un tout qui dépasse son existence distincte, et qu'ainsi l'auto-élucidation de la société par le biais de symboles est partie intégrante de la réalité sociale. Une société politique n'existe qu'à partir du moment où elle s'articule et produit un représentant. La représentation en tant que représentation symbolique fixe pour chaque société la « vérité » de son ordre. Ce n'est que sur cette base que la domination légitime devient possible ; elle est protégée et ancrée dans la durée par l'emploi de symboles reconnus. La représentation symbolique est ainsi une forme existentielle de représentation, qui précède toute forme technique de représentation comme rapport à une volonté (Eric Voegelin, Die neue Wissenschaft der Politik, Freiburg, Wilhelm Fink Verlag, 1991 [1959]). Carl Schmitt comprenait déjà ainsi la représentation comme quelque chose d'existentiel : « Représenter signifie rendre visible et actuel un être invisible par le truchement d'un être publiquement présent » (1993, p. 347). Seul un être plus élevé, de grande valeur, peut être représenté ; pour Schmitt, il s'agit du peuple, qui dans son existence en tant qu'« unité politique » a une existence plus intense qu'un groupe humain vivant simplement ensemble. Siegfried Landshut, qui en tant qu'émigrant n'est pas soupçonnable de tendances nationales-socialistes, comprend la représentation à partir de Carl Schmitt et Maurice Hauriou comme un rapport dans lequel le représentant rend présente une réalité qui sans lui n'est pas visible et qui n'est donc pas « là » : quelque chose d'idéal, de spirituel, l'idée de conduite de vie d'une communauté qui lie le collectif (Siegfried Landshut, « Der politische Begriff der Repräsentation » (1964), in Heinz Rausch (dir.), Zur Theorie und Geschichte der Repräsentation und der Repräsentativverfassung, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1968, p. 492 et suiv.). Ce n'est qu'en tant qu'elle est représentée symboliquement que l'idée accède à l'existence, qu'elle devient effective.
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[16]
Pour creuser ce qui suit, voir Gerhard Göhler, « Politische Institutionen als Symbolsysteme », in Heinrich Schmidinger et Clemens Sedmak (dir.), Der Mensch ein « animal symbolicum » ? Sprache. Dialog. Ritual, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 2007, p. 301-321, p. 306 et suiv.
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[17]
Il s'agit ici d'une décision liée aux exigences pratiques de la recherche. Les faits se laissent également formuler sémiotiquement, plus difficilement toutefois. Voir à ce sujet Gerhard Göhler et al., Institution. Macht. Repräsentation..., op. cit., p. 28 et suiv. ; Rudolf Speth, « Symbol und Fiktion », in Gerhard Göhler et al., Institution. Macht. Repräsentation..., op. cit., p. 65-142 ; Anne Peters, « Bewegen und Fixieren. Politik und politische Theorie als Symbolisierungsstrategie ? », Thèse de philosophie, FU Berlin, 2006 ; Gerhard Göhler, « Politische Institutionen als Symbolsysteme », art. cité, p. 307.
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[18]
« Le symbole indique et ne nomme pas. (...) Je connais la signification des signes linguistiques, je les ai appris, mais je dois interpréter la signification de symboles. Ce n'est que dans leur interprétation que les objets et les événements deviennent des symboles. La signification symbolique est l'interprétation symbolique. Le symbole n'est pas sémiotique, il s'agit d'un phénomène herméneutique » : Gerhard Kurz, Metapher, Allegorie, Symbol, Göttingen, Vandenhoeck &Ruprecht, 1988, p. 80.
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[19]
Jürgen Habermas, Raison et légitimité. Problèmes de légitimation dans le capitalisme avancé, Paris, Payot, 1978 ; Théorie de l'agir communicationnel, Paris, Fayard, 1987. Voir à ce sujet Bernhard Peters, Die Integration moderner Gesellschaften, Francfort/Main, Suhrkamp, 1993. Sur les mécanismes symboliques de l'intégration normative, voir Gerhard Göhler et al., Institution. Macht. Repräsentation..., op. cit., p. 31 et suiv., 50 et suiv. et passim.
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[20]
Voir à ce sujet Jürgen Gebhardt, « Verfassung und Symbolizität », in Gert Melville (dir.), Institutionalität und Symbolisierung. Verstetigungen kultureller Ordnungsmuster in Vergangenheit und Gegenwart, Cologne, Böhlau, 2001, p. 585-601 ; Integration durch Verfassung, Wiesbaden, Westdeutscher Verlag, 2002 ; Hans Vorländer (dir.), « Die Verfassung als symbolische Ordnung. Perspektiven einer kulturwissenschaftlich-institutionalistischen Verfassungstheorie », in Michael Becker et Ruth Zimmerling (dir.), Recht und Politik, PVS-Sonderheft, vol. 36, 2006, p. 229-249 ; André Brodocz, Die symbolische Dimension der Verfassung. Ein Beitrag zur Institutionentheorie, Wiesbaden, Westdeutscher, 2003.
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[21]
Rudolf Smend, « Verfassung und Verfassungsrecht », art. cité ; « Integrationslehre » (1956), in Rudolf Smend, Staatsrechtliche Abhandlungen, op. cit., p. 475-481.
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[22]
Theodor Litt, Individuum und Gemeinschaft, Berlin, B. G. Teubner Verlag, 1926 [1919]. On ne peut ici que faire allusion à la discussion très large sur la compatibilité des deux approches : Theodor Litt lui-même garde ses distances (ibid., p. 29) ; voir Wolfgang Schluchter, Entscheidung für den sozialen Rechtsstaat, Baden-Baden, Nomos, 1968, p. 52-89 ; Lutz Berthold, « Der Beitrag der Integrationslehre Rudolf Smends zur Theorie politischer Institutionen », in Gerhard Göhler et al., Institution. Macht. Repräsentation..., op. cit., p. 563-576.
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[23]
Max Weber, Économie et société, Paris, Plon, 1971.
-
[24]
Rudolf Smend, « Verfassung und Verfassungsrecht », art. cité, p. 142-166.
-
[25]
Ulrich Sarcinelli, « Symbolische Politik und politische Kultur », Politische Vierteljahresschrift, no 30, 1989, p. 292-309, p. 296 ; Rudolf Smend, « Verfassung und Verfassungsrecht », art. cité, p. 162 et suiv.
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[26]
Hannah Arendt, Condition de l'homme moderne, Paris, Calmann-Lévy, 1983 ; « Sur la violence », in Hannah Arendt, Du mensonge à la violence, Paris, Calmann-Lévy, 1989.
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[27]
Voir Rudolf Smend (« Verfassung und Verfassungsrecht », art. cité, p. 136), qui se réfère à la célèbre définition de la nation comme « un plébiscite qui se répète chaque jour » de Renan. Pour Hannah Arendt, l'exigence d'actualisation permanente est fondée dans le rapport du pouvoir et de « l'espace de l'apparence » (Hannah Arendt, Condition de l'homme moderne, op. cit., p. 259).
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[28]
Sur cette compréhension de la confiance, qui se distingue du concept de pouvoir d'Hannah Arendt par l'accentuation continue mise sur la dimension symbolique, voir Gerhard Göhler, « Stufen des politischen Vertrauens », in Rainer Schmalz-Bruns et Reinhard Zintl (dir.), Politisches Vertrauen. Soziale Grundlagen reflexiver Kooperation, Baden-Baden, Nomos, 2002, p. 221-238.
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[29]
Voir déjà Rudolf Smend, « Verfassung und Verfassungsrecht », art. cité, p. 163 et suiv.
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[30]
Sur le rapport entre intégration, expérience vécue et symboles, voir ibid., p. 124-139, 144 et suiv., 162-164.
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[31]
Je remercie Sybille De La Rosa pour ses remarques.
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[32]
Jürgen Habermas, Droit et démocratie. Entre faits et normes, op. cit. ; « Trois modèles normatifs de la démocratie », art. cité.
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[33]
Jürgen Habermas, Droit et démocratie. Entre faits et normes, op. cit.
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[34]
« Le pouvoir communicationnel est exercé sous le mode du siège. Il exerce une influence sur les prémices du processus de formation du jugement et de la décision du système politique, sans avoir sa conquête pour objet. » : Jürgen Habermas, « La souveraineté populaire comme procédure... », art. cité.
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[35]
À propos de l'abstraction des émotions et des valeurs dans le langage scientifique, artificielle mais nécessaire, et en opposition au langage courant, Gerhard Göhler, « Theorie als Erfahrung. ??ber den Stellenwert von politischer Philosophie und Ideengeschichte für die Politikwissenschaft », in Hubertus Buchstein et Gerhard Göhler (dir.), Politische Theorie und Politikwissenschaft, Wiesbaden, Westdeutscher Verlag, 2007, p. 90 et suiv.
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[36]
C'est en ce sens qu'Ernst Fraenkel avait de façon intéressante attiré l'attention sur ce consensus minimal nécessaire à chaque société démocratique, Ernst Fraenkel, « Um die Verfassung » (1932), in Ernst Fraenkel, Gesammelte Schriften, vol. 1, textes réunis par Hubertus Buchstein, Baden-Baden, Nomos, 1999, p. 505 et suiv. ; Ernst Fraenkel, « Der Pluralismus als Strukturelement der freiheitlich-rechtsstaatlichen Demokratie » (1964), in Ernst Fraenkel, Deutschland und die westlichen Demokratien, textes réunis par Alexander v. Brünneck, Francfort, Suhrkamp, 1990, p. 300 et suiv. ; Ernst Fraenkel, « Strukturanalyse der modernen Demokratie » (1969), ibid., p. 326-359, p. 354 et suiv.
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[37]
En Allemagne, c'est le pouvoir d'interprétation du tribunal constitutionnel qui est décisif en la matière, lequel dépend pour sa part de l'acceptation de ses destinataires, c'est-à-dire en dernière instance de l'acceptation publique des citoyens.
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[38]
Voir à ce sujet Habermas lui-même (Jürgen Habermas, Vorstudien und Ergänzungen zur Theorie des kommunikativen Handelns, Francfort, Suhrkamp, 1984, p. 589 et suiv.).
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[39]
Ulrich Sarcinelli, « Symbolische Politik und politische Kultur », art. cité, p. 296.
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[40]
Gerhard Göhler, « Rationalität und Irrationalität der Macht : Adam Müller und Hegel », in Michael Th. Greven (dir.), Macht in der Demokratie, Baden-Baden, Nomos, 1991, p. 45-62 ; « Theorie als Erfahrung... », art. cité.
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[41]
Ernst Cassirer, Le Mythe de l'État, Paris, Gallimard, 1993 ; Karl R. Popper, La société ouverte et ses ennemis, Paris, Seuil, 1979 ; Popper émet toutefois sa remarque pertinente en visant le mauvais auteur, à savoir Hegel les opinions justes prennent parfois des voies tortueuses.