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Article de revue

Science politique et cinéma : penser le politique et le local avec Eric Rohmer

Pages 17 à 30

Notes

  • [1]
    Serge Daney, Le salaire du zappeur, Paris, Ramsay, 1988, p. 109.
  • [2]
    Michael Baxandall, Painting and Experience in Fifteenth Century Italy. A Primer in the Social History of Pictoral Style, Oxford, Clarendon Press, 1972, p. 29.
  • [3]
    Incarné par exemple par des réalisateurs comme Spike Lee et des comédiens comme Denzel Washington.
  • [4]
    Jean-Louis Comolli, Voir et pouvoir, l'innocence perdue : cinéma, télévision, fiction, documentaire, Paris, Verdier, 2004, respectivement p. 87 et 212.
  • [5]
    Filmant des militants de sections du PS et du RPR à Bois-Colombes (Tous pour un !, 1988) ou l'atmosphère des campagnes politiques provençales et marseillaises (série Marseille contre Marseille).
  • [6]
    François Truffaut disait qu'en France, « tout le monde a deux métiers : le sien et critique de cinéma », cité in Cyril Neyrat, François Truffaut, Paris, Cahiers du Cinéma, 2007.
  • [7]
    Voir Howard Saul Becker, Comment parler de la société. Artistes, écrivains, chercheurs et représentations sociales, trad. de l'angl. par Christine Merllié-Young, Paris, La Découverte, 2009 [2007].
  • [8]
    Jean Louis Leutrat et Suzanne Liandrat-Guigues, Penser le cinéma, Paris, Klincksieck, 2001, p. 33.
  • [9]
    Jean Cocteau, Du cinématographe (1988), Paris, Belfond, 1973 [2e éd.], p. 53.
  • [10]
    Par exemple, la première trilogie Terminator (The Terminator, James Cameron, 1984 ; Terminator II : Judgement Day, James Cameron, 1991 ; Terminator III : Rise of the Machines, Jonathan Mostow, 2003) montrait que l'héroïsation moderne était ambiguë, qui ne s'effectuait que grâce au héros technique devenu prothèse de l'homme (Cf. Laurent Godmer, « Terminator, le métal et la climatisation. Une fiction politique post-humaine », Vertigo, no 24, 2003). La seconde trilogie Terminator (commencée avec Terminator Salvation, 2009) propose également « un questionnement proprement cinématographique quant à la notion même d'"humanité" » (Philippe Corcuff, « De "Terminator Renaissance" à la résistance au capitalisme », rue89.com, 28 juin 2009).
  • [11]
    Werner Herzog, Manuel de survie. Entretien avec Hervé Aubron et Emmanuel Burdeau, Nantes, Capricci, 2008, p. 34.
  • [12]
    Jacques Aumont, Les théories des cinéastes, Paris, Armand Colin, 2005, p. 13.
  • [13]
    Edgar Morin, Le cinéma ou l'homme imaginaire. Essai d'anthropologie (1956), Paris, Minuit, 1985 [2e éd.], p. 67.
  • [14]
    Siegfried Kracauer, Theory of Film. The Redemption of Physical Reality (1960), Princeton, Princeton University Press, 1997 [2e éd.], p. 300. Notre traduction.
  • [15]
    « [L]e point de vue est dans chaque domaine de variation puissance d'ordonner les cas, condition de la manifestation du vrai. » (Gilles Deleuze, Le pli. Leibniz et le baroque, Paris, Minuit, 1988, p. 30).
  • [16]
    C'est la force du « film, où un geste dont tout le monde connaissait la signification pouvait, par la seule grâce d'un détail nouveau de présentation, ravir tout le monde en extase. » (Robert Musil, L'homme sans qualités, trad. de l'all. par Philippe Jacottet, Paris, réédition, Seuil, 1995 [(1956], t. 1, p. 512).
  • [17]
    Cf. Peter Biskind, Le Nouvel Hollywood. Coppola, Lucas, Scorsese, Spielberg... La révolution d'une génération (2002), trad. de l'angl. par Alexandre Peyre, Paris, Seuil, 2008 [2006].
  • [18]
    Cf. William J. Thomas Mitchell, Iconologie. Image, Texte, Idéologie, trad. de l'angl. par Maxime Boidy et Stéphane Roth, Paris, Les prairies ordinaires, 2009.
  • [19]
    Pierre Favre, Comprendre le monde pour le changer, Epistémologie du politique, Paris, Presses de Sciences Po, 2005, « Epilogue. Le silence de la science politique », p. 355-381.
  • [20]
    Un des rares politistes français à utiliser le cinéma (notamment sur cette question) fut Philippe Corcuff qui analysa par exemple les films de Frank Capra dans La société de verre. Pour une éthique de la fragilité (Paris, Armand Colin, 2002), notamment p. 121, Mr Smith Goes To Washington (1939) : « Deux individualismes sont nettement distingués dans ces films : l'individualisme démocratique des héros naïfs et l'individualisme désagrégateur et égoïste ». Il proposa également à la suite une analyse en termes de besoin de la naïveté, pour défendre des principes et des valeurs : Cette intuition forte du cinéma de Capra rejoint des réflexions contemporaines en philosophie politique, comme celles de Michael Walzer ou de Luc Boltanski et Laurent Thévenot. Comment mettre en cause des in-égalités et des in-justices, si ce n'est en référence à des concepts plus ou moins implicites d'égalité et de justice ».
  • [21]
    Max Horkheimer, Notes critiques (1949-1969) (1974), trad. de l'all. par Sabine Cornille et Philippe Ivernel Paris, Payot et Rivages, 2009 [1993], respectivement p. 45, 89 et 97.
  • [22]
    Theodor Wiesengrund Adorno, Minima Moralia. Réflexions sur la vie mutilée (1951), trad. de l'all. par Eliane Kaufholz et Jean-René Ladmiral, Paris, Payot, 2001 [1980], p. 26.
  • [23]
    Ibid., p. 57.
  • [24]
    On songe à Marcel Mauss trouvant que les infirmières qui le soignent meuvent leur corps sur le modèle des stars hollywoodiennes.
  • [25]
    Cf. Alain Casebier, Film and Phenomenology. Toward a Realist Theory of Cinematic Representation, Cambridge, Cambridge University Press, 1991.
  • [26]
    Pseudonyme de Maurice Schérer, un cinéaste français (1920-2010), qui fut longtemps critique, directeur des Cahiers du cinéma, prolifique et autonome, « classique » et « novateur » à la fois.
  • [27]
    Il soutint à l'université de Paris-I Panthéon-Sorbonne une thèse de troisième cycle en 1972 (Eric Rohmer, L'organisation de l'espace dans le Faust de Murnau, Paris, Cahiers du Cinéma, 2000 [1977]).
  • [28]
    E. Rohmer, L'organisation de l'espace dans le Faust de Murnau, op. cit., p. 61.
  • [29]
    André Bazin, « Ontologie de l'image cinématographique », Confluences, 1945, p. 43.
  • [30]
    E. Rohmer, Le goût de la beauté, Paris, Cahiers du Cinéma, 2004 [1984], p. 25.
  • [31]
    Pour Tu ne tueras point dans sa série Le Décalogue (Slavoj Zizek, Lacrimae rerum. Essais sur Kieslowski, Hitchcock, Tarkovski et Lynch, trad. par Christine Vivier, Paris, Editions Amsterdam, 2005). Pour lui, le « monde communiste avait décrit la manière dont le monde devait être et non ce qu'il était réellement » (ibid., p. 12).
  • [32]
    « Entretien avec Michel Jaouën de Vincent Guigueno », in Noël Herpe (dir.), Rohmer et les autres, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2007, p. 220-223.
  • [33]
    Eric Rohmer, « L'Arbre, le maire et la médiathèque ou les Sept Hasards », Cahiers du cinéma, no 464, février 1993, p. 13.
  • [34]
    « Entretien avec Michel Jaouën de Vincent Guigueno », cité, p. 221.
  • [35]
    E. Rohmer, Conte d'hiver, film tourné en 1991, sorti le 29 janvier 1992, 112 mn.
  • [36]
    « Entretien avec Michel Jaouën de Vincent Guigueno », cité, p. 223.
  • [37]
    E. Rohmer, « L'amateur, entretien avec Eric Rohmer », entretien avec Antoine de Baecque et Thierry Jousse réalisé le 23 février 1993, Cahiers du Cinéma, no 467-468, mai 1993, p. 68.
  • [38]
    Ibid., p. 70.
  • [39]
    Fabienne Costa, « Prière d'insérer : L'Arbre, le maire et la médiathèque », in N. Herpe (dir.), op. cit., p. 152.
  • [40]
    Antoine de Baeque, « Rohmer l'enchanteur », Cahiers du cinéma, no 465, mars 1993, p. 20.
  • [41]
    Gilles Deleuze, « Le cerveau, c'est l'écran », entretien, Cahiers du cinéma, no 380, février 1986, p. 26.
  • [42]
    Ibid., p. 31.
  • [43]
    Cf. Françoise Puaux, « Eric Rohmer », in Thierry Jousse et Thierry Paquot (dir.), La ville au cinéma. Encyclopédie, Paris, Cahiers du Cinéma, 2005, p. 789-793.
  • [44]
    Diffusés en 1975 (le 16 août, le 24 août, le 31 août et le 29 septembre).
  • [45]
    Entretien accordé au Matin en 1975, cité par Joël Magny, Eric Rohmer, Paris, Rivages, 1986, p. 146.
  • [46]
    Cf. Pierre Merlin, Les villes nouvelles, Paris, PUF, 1991.
  • [47]
    « Les héros devenus héroïnes (nous sommes dans les années 1980) expriment leur malaise, comme si elles n'avaient plus rien à quoi se raccrocher, ne sachant plus où se placer ni où vivre. [...] Delphine dans le Rayon vert [1986] en est l'exemple qui va osciller en allers-retours durant un mois entre Paris, Cherbourg, La Plagne, Biarritz et Saint-Jean de Luz » (J. Magny, Eric Rohmer, op. cit., p. 23).
  • [48]
    Public Histoire, Marne-la-Vallée, une vision optimiste de l'avenir, Paris, Le Moniteur, 1991, p. 12.
  • [49]
    Ibid., p. 61.
  • [50]
    J. Magny, Eric Rohmer, op. cit., p. 185.
  • [51]
    E. Rohmer, Comédies et proverbes, t. II, Paris, Cahiers du Cinéma, 1999, p. 12.
  • [52]
    Vincent Girard, C'était la ville nouvelle. Récit de la fondation de Cergy-Pontoise, Cergy-Pontoise/Paris, Etablissement public d'aménagement de Cergy-Pontoise/Somogy, 2002, p. 11.
  • [53]
    La fameuse première phrase du Mépris de Jean-Luc Godard (1962) le dit clairement : « Le cinéma substitue à notre regard un monde qui s'accorde à nos désirs ».
  • [54]
    Hervé Aubron, « D'un souvenir des années 80, ou quelques hypothèses sur une tentation de la carte postale dans "Comédies et proverbes" », in Noël Herpe (dir.), op. cit., p. 98.
  • [55]
    J. Magny, Eric Rohmer, op. cit., p. 208.
  • [56]
    Ibid., p. 209.

1 LA SCIENCE POLITIQUE EST UNE SCIENCE SOCIALE qui semble avoir peu instrumentalisé le cinéma. Néanmoins, ce dernier est utilisable dans le cadre d'études, notamment théoriques, en ce qu'il permet de visualiser les usages et les sens pratiques des concepts et des actions à dimension sociopolitique. L'apport du regard cinématographique est pluriel, axé sur la force esthétique et les qualités distinctives de celui-ci, mais également sur sa double dimension d'art et de phénomène sociopolitique. Afin de mener une étude contribuant à la pensée politique contemporaine à l'aide du cinéma, il est utile d'analyser les  uvres d'un cinéaste justement « non politique », comme par exemple Eric Rohmer.

2 Ainsi, grâce à trois des films de ce réalisateur, on peut regarder des agents sociaux comme un homme politique en tant que corps en action, ou visualiser des effets autrement « invisibles » de politiques publiques comme la décentralisation et la construction de villes nouvelles. La première partie de cet article aborde les raisons de l'utilité du cinéma notamment dans le cadre de recherches sur la théorie politique, ainsi que la complexité des relations entre cet ensemble de dispositifs artistiques et les questions politiques. Dans la seconde partie, on dissèque trois longs métrages de Rohmer pour déceler l'apport du regard proprement cinématographique à la science politique.

L'utilité du cinéma pour la théorie politique

La portée sociopolitique du cinéma

3 Le cinéma s'est imposé en tant que phénomène sociopolitique en particulier de par son ubiquité, sa banalisation quotidienne et son universalisation, notamment liées au fait qu'il est le « trésor de guerre de la télévision [1] ». Le cinéma propose une représentation plurielle de « problèmes » construits comme politiques. Précisément, certains films contribuent à stabiliser la représentation de « détenteurs » de pouvoir (le président, le capitaliste, le hiérarque militaire, l'agent de renseignement, le chef mafieux, figures récurrentes de nombreux films anglo-saxons) et à enregistrer « l' il d'une époque [2] ».

4 En outre, les effets politiques du cinéma, s'ils sont incommensurables, ne sont pas du domaine de l'absolu inobservable. Par exemple, les conditions de possibilité de la diversification « ethnique » du personnel politique aux Etats-Unis furent réunies en partie « grâce » à la matérialisation sur la pellicule de l'émancipation, notamment par la rébellion (le courant blaxploitation de l'époque 1969-1975), l'héroïsation, et la banalisation évoquées dans le « nouveau cinéma noir » des années 1986-2000 [3], les constructions sociopolitiques et artistiques pouvant s'imbriquer, s'influencer, s'hybrider. Le cinéma peut être ainsi « l'outil qui ­ de l'intérieur ­ permet de démonter les constructions spectaculaires » et il « montre ce qui fait fonctionner les systèmes de représentation dans les sociétés humaines » [4], comme l'indiqua Jean-Louis Comolli, un des rares critiques à s'être consacré au documentaire politique stricto sensu[5].

5 Le cinéma est un des lieux et enjeux de la parole ordinaire [6]. Il est à ce titre une des façons de « parler de la société [7] », de manière beaucoup plus mondialisée que la littérature par exemple, un cinéma « proto-universel » s'étant développé. Il y eut même une utopie du cinéma comme art total : tout domaine devait être filmé pour Alexandre Astruc, Sergueï Mikhaïlovitch Eisenstein voulait même filmer Le Capital de Marx et Jacques Feyder l'Esprit des lois de Montesquieu [8]. Enfin, en tant que technique complexe, en tant qu'« art en route pour devenir l'art complet [9] », le cinéma, notamment de science-fiction, est un des arts les mieux à même d'aider à une réflexion sur les rapports entre humains et technologie [10]. Cette force de captation et de monstration du réel lui donne une « compétence » politique spécifique, comme le constatait Werner Herzog : « Peut-être que, dans cinquante ans, un film avec Elvis [Presley] sera plus important que le discours sur l'état de l'Union prononcé la même année par le président américain. L'état de l'Union, l'état du monde, sont d'une certaine manière décrits par le cinéma. Ils peuvent subitement devenir transparents à travers lui. Et parfois plus encore à travers les mauvais films [11]. » C'est le cas dans des films labellisés comme « politiques » ou chez des réalisateurs « politiques » (aussi divers que Sergueï Mikhaïlovitch Eisenstein, Yilmaz Güney, Fritz Lang, Francesco Rosi, etc.), mais aussi et peut-être surtout chez les autres.

Les forces du cinéma

6 Il existe d'ailleurs un panthéon diversifié d'auteurs spécialisés tels les philosophes Stanley Cavell ou Gilles Deleuze, des spécialistes de sciences sociales comme Siegfried Kracauer, des sémiologues tels Christian Metz, et des critiques comme André Bazin ou Serge Daney. Ils soulignent les forces propres à ce procédé, sa capacité de projection du monde comme le pensa Cavell. La force du « ciné- il [12] » (pour reprendre le terme kinoglaz de Dziga Vertov) réside dans sa force de reproduction (soulignée par Pier Paolo Pasolini, par opposition à la peinture qui copie et au théâtre qui mime) qui lui confère un rapport spécial à l'événement et au social : « Il est sans doute de la qualité propre à l'image cinématographique d'actualiser le passé [...] mieux que nul art n'a su le faire [13]. » Précisément, « [l]es films rendent visibles ce que nous ne voyions, ou peut-être ce que nous ne pouvions voir avant son avènement. Il nous assiste effectivement dans la découverte du monde matériel avec ses correspondances psychophysiques [14]. » Enfin, l'opération cinématographique est une de celles qui permet l'expérience du « point de vue [15] ». Elle est une des formes expressives [16] et accessibles de message « métapolitique » : c'est surtout le cas depuis que cet art et ses auteurs purent être vus comme relativement « libres », par exemple après la « Nouvelle Vague » (Jean-Luc Godard, François Truffaut, Jacques Rivette...) ou le « Nouvel Hollywood » (William Friedkin, Francis Ford Coppola, Martin Scorsese, etc.) [17].

Un des silences de la science politique

7 Malgré cet intérêt théorique et le développement des sciences de la communication et des cultural studies (et dans leur sillage celui des visual studies[18]), force est de constater la relative distance entre théorie politique et cinéma. S'il y a, en politique, un « silence de la science politique [19] », il en existe également un sur des pans entiers de la création artistique comme le cinéma, bien que ce dernier, on l'a vu, soit loin d'être « a-politique ». Rares sont en effet les politistes qui investissement cet objet central dans le monde social par exemple pour comprendre les transformations de l'« individu » contemporain [20] (au c ur de maintes réflexions de pensée politique). Pour ce faire, on peut en effet s'intéresser à plusieurs grands cinéastes, tels par exemple Michelangelo Antonioni (à propos de la solitude existentielle contemporaine), Stanley Kubrick (sur l'enfermement en soi) ou encore Pedro Almodóvar qui décrypte le balancement dialectique entre la « loi du désir » et des passions et l'émergence d'un individu davantage pluriel, individualisé, et intéressé, à la fois libéré et corseté par cette loi « nouvelle ».
Une des multiples raisons de cette frilosité scientifique relative pourrait être l'impact de la Théorie critique. L'Ecole de Francfort a longtemps contribué à une certaine « délégitimation » de l'objet cinéma dans certaines perspectives de philosophie politique. Pour Max Horkheimer, par exemple, le cinéma « tire tout son intérêt de la vie réelle, et devient lui-même par là un instrument », par lequel comme par l'ensemble de la technique, nous « redevenons des analphabètes », condamnés à l'« immédiateté » [21]. Il en est de même chez Theodor W. Adorno : « Chaque fois que je vais au cinéma, j'en sors plus bête et pire que je n'y suis entré malgré toute ma vigilance [22]. » Néanmoins, quand ce dernier assure que « les héros de la pellicule montrent comment il faut faire au dernier des employés de banque lui-même [23] », il ne croit pas si bien dire [24], la relation avec le spectateur qui croit à l'existence de ce qu'il voit tout en n'y croyant pas [25] étant complexe. Une telle présence et une telle transparence du cinéma attestent l'intérêt de son utilisation, y compris dans la théorie politique, comme il est possible de le faire avec un réalisateur non-politique comme Eric Rohmer.

Voir le local et le politique dans les fictions d'Eric Rohmer

Politique d'un cinéaste non-politique

8 Il peut être utile d'analyser trois films d'Eric Rohmer [26] pour plusieurs raisons : il n'est justement pas un cinéaste « politique », il est un des rares cinéastes à théoriser la pratique et même à rechercher une validation universitaire [27], il aborde la question de l'individu contemporain. Pour lui, « Le motif privilégié du cinéma, c'est l'être animé, l'homme au premier chef qui non seulement "bouge", mais donne un sens à des mouvements [28]. » Rohmer a en outre effleuré le politique comme documentariste avant de le faire dans des longs métrages de fiction, avec un diptyque, L'homme et ses gouvernements. Le deuxième opus, « Les périphéries », télédiffusé le 30 avril 1968, comporte notamment des entretiens avec Maurice Duverger, Jean Planchais, Michel Genin, Charles Martial et Nicolas Wahl.
Eric Rohmer s'est toujours présenté comme un fidèle du critique André Bazin, dans le sens où il voyait le cinéma comme soumis au réalisme de l'enregistrement de l'essence du monde, comme un outil « ontologique » qui montre, mais n'écrit ni ne décrit [29] (« Ontologiquement, le cinéma dit quelque chose que les autres arts ne disent pas [30] »). Sur le plan technique, enfin, Rohmer privilégia le 16 millimètres pour adoucir les contrastes et les visages, créer son monde propre, à l'inverse de nombreux cinéastes adeptes du 35 millimètres et loin de techniques comme celle de Kieslowski utilisant des filtres verts pour représenter le monde communiste [31].

L'Arbre, le maire et la médiatique : la politique et le local

9 Dans L'arbre, le maire et la médiathèque, film de 108 minutes tourné en 1992 et sorti le 10 février 1993, Eric Rohmer décrit l'histoire de Julien Dechaumes (Pascal Greggory), ambitieux jeune maire socialiste de Saint-Juire (Vendée), qui, emporté par l'hubris de son projet de médiathèque (rendu possible par ses relations parisiennes et ses désirs contradictoires), perd une élection cantonale, mais trouve une nouvelle compagne. C'est un conte sur la décentralisation (ironiquement le premier titre du film était Haute Politique[32]). Il permet de montrer précisément l'habitus spécifique d'un homme politique et de saisir subtilement ce qui se joue localement. « Ce film "politique" n'est pas un film à thèse [...], [l]a campagne électorale et les problèmes d'aménagement du territoire offrent ici une simple toile de fond à une réflexion ironique sur le rôle du Hasard dans l'Histoire, à partir de l'ambition d'un maire de village [33]. » Le spectateur voyage dans les méandres des jeux propres au champ politique, notamment dans ses relations avec les champs intellectuels et médiatique (sa première compagne est une romancière parisienne, Bérénice Beaurivage (Arielle Dombasle), qu'une journaliste de France-Culture finit par remplacer dans le c ur de l'ambitieux édile).
Ce qu'on perçoit notamment dans ce film c'est l'aporie des grands projets et du référentiel modernisateur autant que l'autonomie de la langue politique. Cette plongée dans la France décentralisée, par son acuité est un complément cinématographique évident aux études de science politique des grands auteurs français (Pierre Grémion, Albert Mabileau, Jacques Lagroye, etc.) spécialistes de ces questions. Comme le précise l'urbaniste Michel Jaouën, « [b]eaucoup de maires se lançaient dans des projets somptuaires hors d'échelle par rapport à leurs possibilités financières [34] » et voir ce type de « moments » politiques par le cinéma est un apport indéniable : « [e]n quelques plans, Eric Rohmer sait décrire de manière sensible une ville ­ pas forcément en la montrant directement, mais par touches, en s'intéressant à la façon dont un personnage entre dans un immeuble parisien, dans un immeuble à Marne-la-Vallée, en montrant comment il vit et bouge dans son appartement. [...] Rohmer sait traduire ce qu'est l'esprit d'une ville, la manière dont ses habitants s'y sentent. Dans le Conte d'hiver[35], les personnages se comportent de façon un peu différente à Nevers et à Levallois [36]. »

10 Ce regard sur le local est indissociable d'une dissection salutaire et précise de l'habitus professionnel des politiques : « Je n'ai pas voulu proposer un discours parodique », dit Rohmer. « C'est plutôt : comment un jeune politicien croit vraiment à la langue de bois qu'il débite. J'ai certes repris certaines choses précises dans un discours de [Jean-Pierre] Chevènement et beaucoup de ce que dit le vrai maire du village, mais l'ensemble est davantage du côté de la restitution d'un type de langue [37]. » Dans cette perspective d'enregistrement ontologique, on voit là la peau et le verbe de l'homo politicus : « Les hommes politiques qui passent à la télévision ont tort de se plâtrer le visage d'une couche de crème claire ou hâlée qui les rend soit trop bronzés, soit blafards, et les éloigne de la vie [...]. Dans ce cas, on ne sent jamais le frémissement de la peau [38]. » La contribution aux sciences sociales du politique d'un Rohmer se situerait ainsi dans sa capacité de restitution d'un réel qui émerge du jeu autour d'une campagne à la campagne, dans l'abolition momentanée de la distance entre la ville et la campagne devenus deux sites contigus, l'absence des trajets si fréquents dans les autres films de Rohmer [39] traduisant peut-être la fin d'une époque politique et l'abolition des distances dans la France du TGV, autant décentralisée que (déjà) « re-centralisée ». Comme le remarque un critique, « [f]aire parler politique permet aussi à Rohmer de placer des personnages "en situation", c'est-à-dire en position a priori confortable, mais en réalité instable, existentielle, soumise au piège de la proximité d'un langage convenu [40] ».

Voir et penser les « villes nouvelles »

11 Autre question « politique » étudiée par le cinéma de Rohmer : la ville nouvelle. « C'est curieux comme Rohmer assigne au cinéma l'étude des sphères d'existence [41] » dit Gilles Deleuze lors d'un entretien aux Cahiers du cinéma. En effet, si « une  uvre est toujours la création d'espaces-temps nouveaux [42] », celle de Rohmer tente de capter l'espace-temps propre de la ville nouvelle. Le premier article de Rohmer (dans La revue du cinéma en 1948) était déjà consacré au cinéma comme art de l'espace. Ensuite, il s'intéressa même à la « beauté difficile » des nouveaux paysages urbains et des grands ensembles [43] évoquée dans son documentaire Métamorphoses du paysages, diffusé à la télévision française le 5 juin 1964. Enfin, Rohmer a réalisé une série de documentaires pour la télévision, Ville nouvelle[44], en 1975. On y voit un véritable travail d'analyse de politique publique autant que de description d'une création urbanistique : « J'ai tout simplement voulu montrer comment des groupes d'architectes élaborent ce que seront ou non les constructions de demain. Montrer leurs processus de création. Autour de quelles idées ils cherchent. [...] J'aimerais mettre le cinéma davantage au service de l'architecture [45]. » Lancé dès 1903 avec la garden city de Letchworth à 65 km de Londres, le mouvement de création de villes nouvelles s'est développé surtout après avec le New Towns Act britannique en 1946 [46], notamment en France. Cet intérêt pour l'habitat va de pair avec une description fréquente de la difficulté d'habiter leur vie et leur espace des individus des sociétés post-industrielles [47].

Montrer le doute originel : le Marne-La-Vallée rohmerien (Les nuits de la pleine lune)

12 Bien avant que la politique des villes nouvelles et les lois de décentralisation n'eussent produit tous leurs effets, la vision de ce film créait un doute ou au moins une curiosité particulière. Le cinéma permet de ressentir cette logique du local. Ce qu'on ressent, au delà des limites esthétiques de ces constructions, c'est également la noyade potentielle dans le micro-local, dans la technique, bref la fin du politique dans cette politique. C'est dans Les nuits de la pleine lune (film de 102 minutes, tourné en 1983, sorti le 29 août 1984), qu'Eric Rohmer « montre » dans une fiction et de manière fragmentaire la vie dans la ville nouvelle de Marne-la-Vallée. Marne-la-Vallée, « forme urbaine étendue, déroutante pour l'esprit français amateur de centralité [48] », s'inspire notamment d'une logique de développement urbain par les axes de transports collectifs sur le modèle suédois de trois villes de la banlieue de Stockholm Vällingby, Farsta, et Skärkholmen lancées en 1952 [49], mais à une échelle plus vaste sur le plan démographique. Les nuits de la pleine lune présente les aventures d'une jeune femme entre son petit appartement de la rue Poncelet à Paris et le duplex avec terrasse de son compagnon à « Marne » : « Le film s'ouvre et se clôt par un panoramique sur les résidences modernes de Marne-la-Vallée qu'habitent Louise [Pascale Ogier] et Rémi [Tchéky Karyo] [...]. Cette ville nouvelle éveille en tous cas plus de perplexité et d'inquiétude que d'allégresse [50]. » On l'observe en particulier avec le fait que du Marne-la-Vallée d'alors, Rohmer ne montrait que les immeubles de Roland Castro et une gare du RER, vers où tout converge, c'est-à-dire vers Paris-« centre ». A ce doute « visuel », le cinéma ajoute un doute dialogique radical porté par un ami de Louise, le personnage d'Octave (Fabrice Luchini) [51] :
­!Octave : La banlieue me déprime. Je ne comprends pas comment tu as pu aller t'enterrer là-bas.

13 ­!Louise : Ben, c'est que Rémi, il a trouvé une situation très bien à la mission d'aménagement de la ville nouvelle. [...]

14 ­!Octave (s'asseyant) : les villes nouvelles, je n'y crois pas.

15 ­!Louise (de la cuisine) : Ben lui, il y croit.

16 ­!Octave : Il aurait pu habiter Paris.

17 ­!Louise : Ben non, tu sais bien, c'est deux fois plus cher. Et puis, il pense qu'il faut habiter sur les lieux, c'est plus franc.

18 Elle apporte le café.

19 ­!Octave : s'il construisait une prison, il habiterait sur les lieux ?

L'utopie : montrer et rêver Cergy-Pontoise (L'ami de mon amie)

20 Au contraire, L'ami de mon amie (103 mn), tourné en 1986 et sorti le 26 août 1987, est une sorte de portrait beaucoup plus optimiste et utopique d'une autre ville nouvelle futuriste, Cergy-Pontoise. Dans cette ville, il s'agissait « d'inventer un nouveau cadre de vie à la génération du baby-boom [52] ». Les personnages du film évoluent dans un Cergy presque idyllique [53]. Surtout, dans le décor architectural ambitieux (l'Axe majeur, le parc des impressionnistes, la nouvelle résidence du Belvédère, le quartier alors ultramoderne de Saint-Christophe, etc.) de Cergy, le film présente une sorte d'utopie en construction. Les personnages y habitent et y travaillent, ils représentent une classe moyenne éduquée aux propriétés socioprofessionnelles « modernes » (les quatre personnages principaux sont : un ingénieur, une fonctionnaire au service culturel de la préfecture, un informaticien et une étudiante en informatique). Mais la réalisation de l'utopie passe finalement davantage par l'avènement tangible, visible, de la civilisation de loisirs, plus que par une réflexion sur les modalités de la réussite des villes nouvelles ou de la déconcentration. Personnage majeur d'ailleurs que cette « aire de loisirs arborée où l'on doit explicitement trouver exotiques les pique-niqueurs, survivance des premiers congés payés [54] ». Les acteurs s'ébrouent et s'ébattent sur des plans d'eau (les étangs voisins de Neuville-sur-Oise et la grande piscine municipale), dans des parcs, des restaurants, au soleil, dans un monde de zones piétonnes, de placettes et de galeries. Le nouveau banlieusard, parisien ou provincial, se définit ici notamment comme nageur ou véliplanchiste.
Ce film, au travers d'un marivaudage, éclaire ainsi les contradictions d'une politique et les limites du gouvernement du monde. Cette utopie n'est pas parfaite, qui est en partie friable : « Les structures ou les colonnades ont perdu leur fonctionnalité et ne relèvent que du décoratif et de la copie [55]. » Lorsqu'un personnage « remarque que dans Cergy on peut croiser jusqu'à six fois la même personne au point de ne plus savoir quelle attitude avoir, il définit le malaise engendré par cet univers où ce que l'on nomme "grand-place" n'est pas automatiquement la place la plus vaste. [...] A l'architecture stricte de Cergy-Pontoise qui détermine leurs trajets physiques répond une "modernité" dans le mode de vie, les m urs ou la morale qui définit aussi sûrement leur parcours mental [56]. » Mais l'amie qui finit amie de l'ancien ami de son amie devenue, elle, l'amie de l'ami que son amie convoitait, témoigne d'une stabilisation sociale et de la dilution du local dans le repli sur la vie privée dont il semble in fine la cause et la conséquence. Ce que montre simultanément ces films de Rohmer, c'est donc la déception devant l'inesthétique finale de la décentralisation, mais aussi la beauté de l'utopie réalisée ou non.

Conclusion

21 L'« apport » du cinéma « politique » ou non aux études politiques est pluriel. Sans contredire les sciences sociales, l'analyse de films sous un angle sociopolitique ajoute une dimension par le biais d'une étude in fine davantage complète en ce qu'elle envisage également les êtres de cinéma, des figures à la fois irréelles et représentatives d'une réalité qui n'est plus tout à fait la même à partir du moment où elle a connu une traduction cinématographique. On perçoit précisément l'intérêt d'ajouter cet  il cinématographique à l'analyse lorsque l'on étudie les trois films d'Eric Rohmer évoqués ici.
L'enrichissement du regard du politiste opère notamment sur le plan de la captation de perceptions intimes mieux rendues par le regard cinématographique (qu'elles émanent d'un homme politique ou d'individus ordinaires usagers des politiques publiques et « êtres de laboratoire » pour des politiques comme celle des villes nouvelles). Il est lié également à la compréhension de phénomènes en gestation ou non advenus, davantage visibles en partant d'une lecture esthétique que d'une lecture proprement sociologique ou politique, comme c'est le cas par exemple avec les limites de la décentralisation, bien plus remarquables car vues et ressenties intensément dans ces films alors que tout concourt à leur époque socialement et intellectuellement à les refouler.


Date de mise en ligne : 26/10/2010

https://doi.org/10.3917/rai.038.0017

Notes

  • [1]
    Serge Daney, Le salaire du zappeur, Paris, Ramsay, 1988, p. 109.
  • [2]
    Michael Baxandall, Painting and Experience in Fifteenth Century Italy. A Primer in the Social History of Pictoral Style, Oxford, Clarendon Press, 1972, p. 29.
  • [3]
    Incarné par exemple par des réalisateurs comme Spike Lee et des comédiens comme Denzel Washington.
  • [4]
    Jean-Louis Comolli, Voir et pouvoir, l'innocence perdue : cinéma, télévision, fiction, documentaire, Paris, Verdier, 2004, respectivement p. 87 et 212.
  • [5]
    Filmant des militants de sections du PS et du RPR à Bois-Colombes (Tous pour un !, 1988) ou l'atmosphère des campagnes politiques provençales et marseillaises (série Marseille contre Marseille).
  • [6]
    François Truffaut disait qu'en France, « tout le monde a deux métiers : le sien et critique de cinéma », cité in Cyril Neyrat, François Truffaut, Paris, Cahiers du Cinéma, 2007.
  • [7]
    Voir Howard Saul Becker, Comment parler de la société. Artistes, écrivains, chercheurs et représentations sociales, trad. de l'angl. par Christine Merllié-Young, Paris, La Découverte, 2009 [2007].
  • [8]
    Jean Louis Leutrat et Suzanne Liandrat-Guigues, Penser le cinéma, Paris, Klincksieck, 2001, p. 33.
  • [9]
    Jean Cocteau, Du cinématographe (1988), Paris, Belfond, 1973 [2e éd.], p. 53.
  • [10]
    Par exemple, la première trilogie Terminator (The Terminator, James Cameron, 1984 ; Terminator II : Judgement Day, James Cameron, 1991 ; Terminator III : Rise of the Machines, Jonathan Mostow, 2003) montrait que l'héroïsation moderne était ambiguë, qui ne s'effectuait que grâce au héros technique devenu prothèse de l'homme (Cf. Laurent Godmer, « Terminator, le métal et la climatisation. Une fiction politique post-humaine », Vertigo, no 24, 2003). La seconde trilogie Terminator (commencée avec Terminator Salvation, 2009) propose également « un questionnement proprement cinématographique quant à la notion même d'"humanité" » (Philippe Corcuff, « De "Terminator Renaissance" à la résistance au capitalisme », rue89.com, 28 juin 2009).
  • [11]
    Werner Herzog, Manuel de survie. Entretien avec Hervé Aubron et Emmanuel Burdeau, Nantes, Capricci, 2008, p. 34.
  • [12]
    Jacques Aumont, Les théories des cinéastes, Paris, Armand Colin, 2005, p. 13.
  • [13]
    Edgar Morin, Le cinéma ou l'homme imaginaire. Essai d'anthropologie (1956), Paris, Minuit, 1985 [2e éd.], p. 67.
  • [14]
    Siegfried Kracauer, Theory of Film. The Redemption of Physical Reality (1960), Princeton, Princeton University Press, 1997 [2e éd.], p. 300. Notre traduction.
  • [15]
    « [L]e point de vue est dans chaque domaine de variation puissance d'ordonner les cas, condition de la manifestation du vrai. » (Gilles Deleuze, Le pli. Leibniz et le baroque, Paris, Minuit, 1988, p. 30).
  • [16]
    C'est la force du « film, où un geste dont tout le monde connaissait la signification pouvait, par la seule grâce d'un détail nouveau de présentation, ravir tout le monde en extase. » (Robert Musil, L'homme sans qualités, trad. de l'all. par Philippe Jacottet, Paris, réédition, Seuil, 1995 [(1956], t. 1, p. 512).
  • [17]
    Cf. Peter Biskind, Le Nouvel Hollywood. Coppola, Lucas, Scorsese, Spielberg... La révolution d'une génération (2002), trad. de l'angl. par Alexandre Peyre, Paris, Seuil, 2008 [2006].
  • [18]
    Cf. William J. Thomas Mitchell, Iconologie. Image, Texte, Idéologie, trad. de l'angl. par Maxime Boidy et Stéphane Roth, Paris, Les prairies ordinaires, 2009.
  • [19]
    Pierre Favre, Comprendre le monde pour le changer, Epistémologie du politique, Paris, Presses de Sciences Po, 2005, « Epilogue. Le silence de la science politique », p. 355-381.
  • [20]
    Un des rares politistes français à utiliser le cinéma (notamment sur cette question) fut Philippe Corcuff qui analysa par exemple les films de Frank Capra dans La société de verre. Pour une éthique de la fragilité (Paris, Armand Colin, 2002), notamment p. 121, Mr Smith Goes To Washington (1939) : « Deux individualismes sont nettement distingués dans ces films : l'individualisme démocratique des héros naïfs et l'individualisme désagrégateur et égoïste ». Il proposa également à la suite une analyse en termes de besoin de la naïveté, pour défendre des principes et des valeurs : Cette intuition forte du cinéma de Capra rejoint des réflexions contemporaines en philosophie politique, comme celles de Michael Walzer ou de Luc Boltanski et Laurent Thévenot. Comment mettre en cause des in-égalités et des in-justices, si ce n'est en référence à des concepts plus ou moins implicites d'égalité et de justice ».
  • [21]
    Max Horkheimer, Notes critiques (1949-1969) (1974), trad. de l'all. par Sabine Cornille et Philippe Ivernel Paris, Payot et Rivages, 2009 [1993], respectivement p. 45, 89 et 97.
  • [22]
    Theodor Wiesengrund Adorno, Minima Moralia. Réflexions sur la vie mutilée (1951), trad. de l'all. par Eliane Kaufholz et Jean-René Ladmiral, Paris, Payot, 2001 [1980], p. 26.
  • [23]
    Ibid., p. 57.
  • [24]
    On songe à Marcel Mauss trouvant que les infirmières qui le soignent meuvent leur corps sur le modèle des stars hollywoodiennes.
  • [25]
    Cf. Alain Casebier, Film and Phenomenology. Toward a Realist Theory of Cinematic Representation, Cambridge, Cambridge University Press, 1991.
  • [26]
    Pseudonyme de Maurice Schérer, un cinéaste français (1920-2010), qui fut longtemps critique, directeur des Cahiers du cinéma, prolifique et autonome, « classique » et « novateur » à la fois.
  • [27]
    Il soutint à l'université de Paris-I Panthéon-Sorbonne une thèse de troisième cycle en 1972 (Eric Rohmer, L'organisation de l'espace dans le Faust de Murnau, Paris, Cahiers du Cinéma, 2000 [1977]).
  • [28]
    E. Rohmer, L'organisation de l'espace dans le Faust de Murnau, op. cit., p. 61.
  • [29]
    André Bazin, « Ontologie de l'image cinématographique », Confluences, 1945, p. 43.
  • [30]
    E. Rohmer, Le goût de la beauté, Paris, Cahiers du Cinéma, 2004 [1984], p. 25.
  • [31]
    Pour Tu ne tueras point dans sa série Le Décalogue (Slavoj Zizek, Lacrimae rerum. Essais sur Kieslowski, Hitchcock, Tarkovski et Lynch, trad. par Christine Vivier, Paris, Editions Amsterdam, 2005). Pour lui, le « monde communiste avait décrit la manière dont le monde devait être et non ce qu'il était réellement » (ibid., p. 12).
  • [32]
    « Entretien avec Michel Jaouën de Vincent Guigueno », in Noël Herpe (dir.), Rohmer et les autres, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2007, p. 220-223.
  • [33]
    Eric Rohmer, « L'Arbre, le maire et la médiathèque ou les Sept Hasards », Cahiers du cinéma, no 464, février 1993, p. 13.
  • [34]
    « Entretien avec Michel Jaouën de Vincent Guigueno », cité, p. 221.
  • [35]
    E. Rohmer, Conte d'hiver, film tourné en 1991, sorti le 29 janvier 1992, 112 mn.
  • [36]
    « Entretien avec Michel Jaouën de Vincent Guigueno », cité, p. 223.
  • [37]
    E. Rohmer, « L'amateur, entretien avec Eric Rohmer », entretien avec Antoine de Baecque et Thierry Jousse réalisé le 23 février 1993, Cahiers du Cinéma, no 467-468, mai 1993, p. 68.
  • [38]
    Ibid., p. 70.
  • [39]
    Fabienne Costa, « Prière d'insérer : L'Arbre, le maire et la médiathèque », in N. Herpe (dir.), op. cit., p. 152.
  • [40]
    Antoine de Baeque, « Rohmer l'enchanteur », Cahiers du cinéma, no 465, mars 1993, p. 20.
  • [41]
    Gilles Deleuze, « Le cerveau, c'est l'écran », entretien, Cahiers du cinéma, no 380, février 1986, p. 26.
  • [42]
    Ibid., p. 31.
  • [43]
    Cf. Françoise Puaux, « Eric Rohmer », in Thierry Jousse et Thierry Paquot (dir.), La ville au cinéma. Encyclopédie, Paris, Cahiers du Cinéma, 2005, p. 789-793.
  • [44]
    Diffusés en 1975 (le 16 août, le 24 août, le 31 août et le 29 septembre).
  • [45]
    Entretien accordé au Matin en 1975, cité par Joël Magny, Eric Rohmer, Paris, Rivages, 1986, p. 146.
  • [46]
    Cf. Pierre Merlin, Les villes nouvelles, Paris, PUF, 1991.
  • [47]
    « Les héros devenus héroïnes (nous sommes dans les années 1980) expriment leur malaise, comme si elles n'avaient plus rien à quoi se raccrocher, ne sachant plus où se placer ni où vivre. [...] Delphine dans le Rayon vert [1986] en est l'exemple qui va osciller en allers-retours durant un mois entre Paris, Cherbourg, La Plagne, Biarritz et Saint-Jean de Luz » (J. Magny, Eric Rohmer, op. cit., p. 23).
  • [48]
    Public Histoire, Marne-la-Vallée, une vision optimiste de l'avenir, Paris, Le Moniteur, 1991, p. 12.
  • [49]
    Ibid., p. 61.
  • [50]
    J. Magny, Eric Rohmer, op. cit., p. 185.
  • [51]
    E. Rohmer, Comédies et proverbes, t. II, Paris, Cahiers du Cinéma, 1999, p. 12.
  • [52]
    Vincent Girard, C'était la ville nouvelle. Récit de la fondation de Cergy-Pontoise, Cergy-Pontoise/Paris, Etablissement public d'aménagement de Cergy-Pontoise/Somogy, 2002, p. 11.
  • [53]
    La fameuse première phrase du Mépris de Jean-Luc Godard (1962) le dit clairement : « Le cinéma substitue à notre regard un monde qui s'accorde à nos désirs ».
  • [54]
    Hervé Aubron, « D'un souvenir des années 80, ou quelques hypothèses sur une tentation de la carte postale dans "Comédies et proverbes" », in Noël Herpe (dir.), op. cit., p. 98.
  • [55]
    J. Magny, Eric Rohmer, op. cit., p. 208.
  • [56]
    Ibid., p. 209.

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