Couverture de RAI_015

Article de revue

L'informe d'une ville : Lima et ses représentations

Pages 69 à 84

Notes

  • [1]
    « Sémiologie et urbanisme », in Françoise Choay et al., Le sens de la ville, Paris, Seuil, 1972.
  • [2]
    Document transmis par la chronique de Bernardé Cobo, Historia de la fundación de Lima.
  • [3]
    L’anthologie réalisée en 1935 pour le quadricentenaire de la fondation par le grand historien Raúl Porras Barrenechea atteste la grande richesse de significations ainsi sédimentées : R. Porras Barrenechea, Antología de Lima (1535-1935). El río, el puente, la Alameda, Lima, Fundación Bustamante de la Fuente, 2002 ; suivi de Antología de Lima (1936-2000), par Edgardo Rivera Martinez, chez le même éditeur.
  • [4]
    Au long de cet essai, qui s’apparente davantage à une chronique – qui suppose un sens commun – qu’à une étude rigoureuse qui en demanderait toute l’explicitation, ce phénoménologue restera naïf, c’est-à-dire confrontera les difficultés d’une saisie subjective de la ville aux structures accidentées et aux dysfonctionnements qui la caractérisent, sans justifier de toutes les médiations nécessaires entre l’appréhension existentielle, l’analyse sociologique et la description urbanistique. Celles-ci ne peuvent en effet être analysées qu’à construire sociologiquement le système des représentations des habitants de Lima sur leur ville, ce qui demanderait un travail empirique approfondi. Notre perspective est ainsi celle d’un certain sens commun sur la ville, qui en constitue la matrice des « lieux communs ».
  • [5]
    Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, Paris, Gallimard, 1945, p. 312.
  • [6]
    Plan de Lima métropolitaine, System Arq S.R.L., 2004.
  • [7]
    Jaime Cordero, « La metrópoli sigue creciendo », El Comercio, lundi 12 avril 2004, p. 2.
  • [8]
    Par « modernité » on entendra simplement, à partir des années 1920, l’introduction massive des réformes urbaines, porté par un discours politique progressiste.
  • [9]
    Selon l’expression de R. Porras Barrenechea.
  • [10]
    José Galvez, Una Lima que se va, 1921.
  • [11]
    Selon la formule de l’architecte péruvien Héctor Velarde.
  • [12]
    Les « invasions » constituent une forme sauvage d’appropriation de l’espace, sans titre de propriété. Les barriadas s’élèvent sur les terrains les moins aptes à la construction en faisant appel aux matériaux les plus précaires (palmes, tôles).
  • [13]
    Selon l’expression de l’historien Jorge Basadre. Pour une histoire de l’architecture et des transformations sociales de Lima au 20e siècle : Elio Martucelli, Arquitectura para una ciudad fragmentada, Lima, Universidad Ricardo Palma, 2000.
  • [14]
    Augusto Salazar Bondy, Lima la horrible, Santiago du Chili, Universidad de Concepción, 2002 (1re éd. 1964).
  • [15]
    Peter Elmore, Los muros invisibles. Lima y la modernidad en la novela del siglo 20, Lima, Mosca Azul Editores, 1993.
  • [16]
    Cf. Licia Valladares et Magda Prates Coelho, « La investigación urbana en América latina. Tendencias actuales y recomendaciones », MOST, UNESCO, 2003.
  • [17]
    De très nombreux textes sont consacrés à la huachafería. Pour une approche étymologique et sémantique : Estuardo Nuñez, El Comercio, 8 août et 6 septembre 1993. Il semble que ce soit le journaliste Jorge Miota qui ait consacré l’usage du terme vers 1908, par ailleurs déjà attesté dans son emploi populaire.
  • [18]
    Ces opérateurs perceptifs sont particulièrement sollicités dans l’élaboration de la « carte mentale » subjective de la ville selon Kevin Lynch, L’image de la cité, Paris, Dunod, 1969.
  • [19]
    Comme l’écrit l’architecte Augusto Ortiz de Zevallos, « Que d’autres s’occupent d’architectonique, nous autres, grâce à un climat sans rigueurs, nous avons fait de la construction une forme ultime du vêtement », Debate, n° 30, Lima, 1984, p. 26.
  • [20]
    Cf. Miriam Chion, « Dimensión metropolitana de la globalización : Lima a fines del siglo 20 », EURE, Santiago du Chili, 2002, vol. 28, n° 85, p. 71-87.
  • [21]
    Entre 1990 et 1997, le secteur de la construction a connu au Pérou une croissance de plus de 86 %.
  • [22]
    La chicha est le produit de la rencontre entre la deuxième génération des provinciaux nés en ville et l’univers urbain. Constituée autour de référents musicaux mélangeant la culture populaire andine et les nouvelles technologies musicales, ou illustrée par quelques emblèmes comme le chauffeur de combi ou certains titres de la presse sensationnaliste, la chicha pourrait être définie comme une forme populaire et paroxystique de la huachafería.
  • [23]
    Soit le minibus importé des marchés d’occasion asiatiques à partir des années 1990.
  • [24]
    C’est peut-être ce qui explique, au-delà d’une délinquance et d’une criminalité réelles, la fascination populaire et médiatique pour la violence, entretenue dans ses formes les plus liées à la surprise, à la « gratuité » et à la soudaineté.
  • [25]
    Respectivement déformation du watchman et police privée sous contrat avec les associations de voisinage. Le serenazgo est un augmentatif (grammatical et armé) du sereno d’autrefois, crieur public annonçant les heures nocturnes.
  • [26]
    Au mieux, les municipalités lancent des campagnes sur le thème « Adoptez un balcon » ou « Parrainez une façade », laissant se délabrer l’intérieur des édifices mais rassurant la rue…
  • [27]
    Héctor Velarde, « Restauration and conservation », Lima city, Ed. Universitaria, Lima, 1966.
  • [28]
    Décret suprême n° 348.
  • [29]
    Comme le montrent les exemples du Larco Mar, du Jockey Plaza ou du Megaplaza norte, trois malls récents ayant nécessité plusieurs dizaines de millions de dollars d’investissement.
  • [30]
    Huaca Pucclana de Miraflores, huaca Huallamarca de San Isidro.
« Toute ville véritable est pour nous une ville imaginaire. Celles qui ne se laissent pas reconstruire dans l’imaginaire sont des villes inhabitables. »
Jean Ladrière, Vie sociale et destinée
« Dans l’ensemble, ce n’est pas non plus le souvenir de ses tremblements de terre ébranleurs de cathédrale, ni les ruées de ses mers frénétiques, ni l’absence de larmes de ses cieux arides qui ne laissent jamais pleuvoir (…) ; ni ses avenues hors la ville où les murs des maisons s’appuient l’un sur l’autre, comme un jeu de cartes en désordre ; ce ne sont pas simplement ces choses qui font de Lima-sans-larmes la plus étrange et la plus triste cité qu’on puisse voir. Mais que Lima ait pris le voile blanc ; et rien n’égale en épouvante la blancheur de son affliction. Ancienne comme Pizarro, sa blancheur préserve pour toujours la jeunesse de ses ruines ; elle ne consent pas à la joyeuse verdeur du déclin accompli, mais étend au-dessus de ses remparts ébréchés la pâleur rigide d’une apoplexie qui fixe ses contorsions intimes. »
Herman Melville, Moby Dick

1 Selon la thèse défendue par Françoise Choay [1], la ville moderne, depuis la Renaissance, se caractérise par le développement incessant de systèmes de suppléance sémantique qui interposent l’articulation d’un verbe entre la ville et ses habitants. Panneaux indicateurs ou publicitaires, signaux du mobilier urbain, études techniques, édits, projets utopiques ou réformateurs, cette prolifération discursive permet à un ensemble urbain de garantir la signification de ses parties au cours du temps, mais aussi de les ouvrir au jeu des interprétations, favorisant l’élaboration d’un imaginaire, la prise d’un pouvoir et la possibilité de l’action.

2 Lima depuis sa fondation jusqu’à une date récente s’inscrit en plein dans ce processus. Le tracé de la place centrale effectué par Pizarro le 18 janvier 1535 eut immédiatement son origine inscrite et attestée dans l’acte de fondation de la ville [2]. Depuis lors, Lima a été l’objet d’une abondance de chroniques et de relations. Les récits de voyageurs constituent une part importante de ce corpus aux 18e et au 19e siècles, multipliant les considérations sur le lieu, le climat, les mœurs et coutumes de ses habitants, et créant un halo sémantique durable autour de ce nom : Lima [3].

3 Dans cette accumulation de signes, on relève toujours une attention spéciale pour le climat. Lima ne connaît pas la pluie, mais est affligée plus de six mois par an d’un brouillard épais, dont la nébulosité a été la source de nombreuses métaphores de la ville et de ses habitants. Melville se souviendra dans Moby Dick de cette particularité, et en fera l’argument d’un des plus acerbes commentaires. Lima n’éblouit pas l’écrivain par la splendeur de ses couvents et de ses palais, mais par l’uniformité blanche dont il n’y a pas grand-chose à dire, sinon sa proximité d’avec les limbes et sa trop grande tristesse.

4 Nous voudrions partir de la thèse de Françoise Choay et de ce prétexte littéraire pour développer ce constat phénoménologique naïf : à celui qui veut aujourd’hui se donner une représentation générale de Lima, la « reconstruire dans l’imaginaire » selon le mot de Jean Ladrière, c’est-à-dire concentrer ses perceptions et ses souvenirs pour rappeler, au-delà des lieux, des événements et des personnes, ce qui fait l’unité de cette ville, il ne reste qu’à étreindre la blancheur évanescente dont parle Melville. Car Lima semble, pour notre phénoménologue naïf, hors de la représentation [4].

5 Rassemblant aujourd’hui sur près de 3 000 kilomètres carrés plus de huit millions de personnes (soit un tiers de la population totale du pays), dont 40 % connaissent un habitat précaire et vivent en-dessous du seuil de pauvreté, achevant de séparer définitivement ses organes de pouvoir des vestiges urbains de son époque splendide pour s’organiser autour de nouvelles centralités plus ou moins improvisées par la volatilité de la spéculation immobilière, regroupant sous un même nom trois vallées fluviales, des hectares de désert de sable, d’interminables collines arides hérissées de taudis tout autant que des « édifices intelligents », des huacas précolombiennes ou les « folies » architecturales des barons du guano et du salpêtre, Lima forme une entité si monstrueuse, au sens exact, qu’on aurait du mal à y retrouver sa légende et son histoire. Si l’essence singulière d’une ville se donne phénoménologiquement au rythme de mes perceptions comme une série de profils successivement pris sur une totalité cachée, cristallisant finalement au contour de chacun des lieux, des événements et des individus qui la composent et la déclinent [5], il est peu probable que Lima offre la possibilité de cette épiphanie. Le phénoménologue, qui n’est ni urbaniste, ni géographe, ni historien, sera déçu devant la série contradictoire et contingente des accidents de la perception qui s’offre à lui. D’un côté, les déambulations du marcheur (Baudelaire, Benjamin, Fargue ou Jacques Roubaud) risquent fort de provoquer son malheur avant de donner loisir au commentaire, dans une ville où le piéton et l’automobile se disputent le même espace. À l’opposé, la vision macroscopique est décevante : le plan populaire de Lima le plus lisible s’étend sur 140 pages A4 [6]. Parmi les rues qui ont la chance d’avoir reçu une dénomination, on compte 341 « rue N° 1 » et 218 « rue A ». Plus inquiétant, le même plan, pourvu d’une étrange nomenclature, utilise 22 termes différents pour désigner les types d’urbanisation de Lima. Comme le signalait un article récent, « il y a longtemps qu’à nous autres Liméniens, Lima nous a glissé des mains. Chercher une image pour la définir est devenue virtuellement impossible [7] ».

6 Je souhaiterais m’intéresser brièvement à ce qu’a pu devenir cette « essence singulière » de Lima, si abondamment commentée jadis. La prosopographie de la ville-personnage n’est plus un genre très prisé, sans doute parce qu’il lui manque toute la rigueur des études urbaines. Cependant, la disparition du personnage de la ville, la scission de sa configuration objective et de son appréhension subjective, témoigne originalement d’une certaine évolution urbaine. L’impossible représentation de Lima renvoie en effet d’un côté à un passé surdéterminé textuellement, dont la richesse sémantique a connu une très brutale dévaluation, et de l’autre à une épreuve particulière du projet moderne [8], qui n’a pu donner à la ville sa forme et son image. La Lima actuelle naît de cette contradiction, de même que la forme suprême de son goût, cette huachafería sur laquelle les Liméniens ont abondamment disserté. Ce concept indigène nous servira de guide pour comprendre ce qui a remplacé l’essence singulière qu’exaltaient chroniqueurs et voyageurs, avant de conclure sur un court inventaire des opérateurs symboliques que l’échec du projet moderne a effacés de Lima, mettant en péril les médiations subjectives entre les structures physiques de la ville et les individus.

La prosopopée absente

7 Deux catégories de discours nous serviront tout d’abord à retracer la perte de cette prosopopée. La littérature péruvienne du 20e siècle est le premier témoin de cette disparition. Le legs magistral qui la précède est sans conteste l’œuvre de Ricardo Palma, les Traditions péruviennes, immense synthèse à mi-chemin de l’histoire et du roman, qui consacre la légende de Lima, et principalement du faste colonial. « Second fondateur de la ville » après Pizarro [9], Ricardo Palma réalise l’apogée de la chronique, le couronnement sémantique de la ville. Mais 1872, année de parution de la première série des Traditions péruviennes, est également l’année de la première destruction de son référent ; les murailles de Lima sont abattues, ouvrant la voie à une expansion indéfinie. La clôture de la représentation dans l’œuvre de Palma est contemporaine de l’ouverture de la ville.

8 La tonalité des écrits ultérieurs sur Lima va être largement marquée par cette seconde fondation. Cela devient un poncif que d’opposer la cité traditionnelle décrite par le grand écrivain aux avancées déconcertantes de la modernité. Il en résulte une communauté de genre et de ton : celui, à la fois nostalgique, élégiaque et pittoresque, de la déploration et du regret de cette « Lima qui s’en va » [10], victime des modernes. Il faut alors en sauver le meilleur : les coutumes charmantes, le beau parler, les généalogies, l’entre-soi des gens de goût. Les crises fonctionnelles de Lima au 20e siècle, seront lues et déchiffrées selon cette tonalité, comprise comme un destin de la ville, comme la forme moderne de son avatar, non comme l’enjeu d’une politique.

9 La modernisation va brutalement s’accélérer sous la présidence de Leguía (1919-1930) : l’expansion urbaine vers la périphérie commence, favorisée par le capital étranger et la création d’axes qui vont jusqu’à la mer. Ceux-ci sont jalonnés de palais et de résidences, puisant leur inspiration dans le pittoresque le plus éclectique. Chalets suisses, châtelets Tudor, maison basque ou néo-mudéjar, fantaisies médiévales aidées par la brique et le ciment sont autant de manifestations du « cosmopolitisme acritique de carte postale [11] ». Les traditions nationales sont déboutées par cet engouement pour l’étranger, en réalité surtout pour l’étrange. Après un retour au néo-colonial dans les années 1930, la période 1945-1970 consacrera le projet moderne. Le formalisme et le fonctionnalisme font leur entrée. Quelques projets d’habitat populaire à grande échelle voient le jour, mais ils sont insuffisants devant l’afflux massif des migrants de province, à partir des années 1950, des premières « invasions » et de la multiplication des barriadas[12]. En 1960, la ville dépasse les deux millions d’habitants. Le centre est peu à peu déserté par les grandes familles, dans une inversion du sens urbain qui devient centrifuge. Le projet modernisateur s’essouffle, en particulier devant l’incapacité à accueillir les nouveaux citadins : habitations, infrastructures, services, emplois sont déficients. La métropolisation entre en crise et menace de gâcher la « promesse péruvienne [13] ».

10 C’est ce moment critique que choisit Augusto Salazar Bondy pour publier Lima la horrible[14]. Dans ce court livre écrit d’une plume rageuse et insolente, il dénonce une entrée ratée dans la modernité urbaine, fragmentée en vagues successives qui toutes se parent de la magie des fondements pour être bientôt remises au rancard. L’équilibre néo-classique, l’art nouveau, l’art déco, le pittoresque, le néo-colonial, le style « buque », le fonctionnalisme, le brutalisme… Autant de mots d’ordre qui ne font pas histoire mais accumulent leurs séquelles sur la ville. D’où vient cette faillite du projet moderne ? Selon Salazar Bondy, elle découle de la complaisance entretenue à l’égard d’une représentation anachronique et passéiste de l’« Arcadie coloniale » chantée par Palma. Si l’essence de Lima est exclusivement recherchée dans son passé, les différentes tentatives contemporaines sont vouées à l’échec. Lima est horrible, selon les idées qu’elle flatte avant que de l’être dans sa forme, car elle est saturée de discours entretenant la complaisance au pittoresque, les ambitions oligarchiques, les goûts pervertis du simulacre, de la falsification et de l’ostentation dérisoire.

11 Avant les grands dysfonctionnements urbains des années 1980, Salazar Bondy décrit l’agonie de la ville, puissance d’invention et de configuration sociale, et la naissance pénible de l’urbain, explication physique des tensions et des contradictions. Le nœud sémantique, l’entrecroisement des discours et des commentaires qui ont fait Lima, est lui aussi une supercherie, le masque du pouvoir colonial et oligarchique des grandes familles. La critique montre la ville à nu, dépouillée de ses suppléments et de sa gangue de signes. Il en résulte une confrontation directe et violente entre les structures physiques, la morphologie, les pratiques et les comportements, qui ne s’y articulent pas, par défaut de médiation. L’organisation urbaine s’avère incapable d’offrir des représentations capables d’être investies, de fournir les opérateurs (concrets, spatiaux) d’un imaginaire vécu. Quand la ville ne symbolise plus, elle dévoile ses contradictions et ses incohérences. Elle n’est plus une puissance d’invention des rapports sociaux, mais une sanction de la réalité, c’est-à-dire dans le cas de Lima un grand chaudron de misère. Se dessine ainsi au 20e siècle un itinéraire de la représentation qui va de l’apogée légendaire à la disparition du personnage de la ville, dissout dans les subjectivités brisées qu’elle engendre. Une histoire de la littérature péruvienne prenant pour repères les valeurs prises par Lima dans la fiction conduit, selon Peter Elmore [15], à une inéluctable dissolution de la ville, non plus personnage ni même simple décor, mais expérience anté-discursive et traumatique de la solitude, de l’exil, de l’acculturation ou de la misère.

12 Cette représentation impossible, ce point aveugle incarné par Lima, n’est pas le constat des seuls écrivains. En effet, l’évolution des études urbaines sur Lima signale semble-t-il un processus analogue. Celles-ci ont débuté dans les années 1960 et 1970 par une étude des migrations de la campagne vers la ville, de la métropolisation, puis de la mégapolisation. Au-delà de l’analyse des aspects critiques de ce processus, les études urbaines n’ont pas été exemptes d’un certain utopisme, proche des discours de gauche : la migration urbaine signifiait aussi cette rencontre historique, différée durant quatre siècles, de la capitale créole avec l’arrière-pays andin, peut-être porteuse d’un nouveau projet national, en tout cas affleurement de ses contradictions. Certaines réalisations exemplaires au sein des barriadas, comme l’expérience de Villa El Salvador, définissaient de nouveaux exemples de participation populaire et de planification des villes nouvelles, dont les dirigeants savaient proposer une organisation durable et concertée de l’espace à des migrants sans expérience urbaine, avec l’appui des ONG et la bienveillance de la coopération internationale.

13 Cependant, la grave crise économique de la fin des années 1980, l’affaiblissement de la gauche dans le champ politique, la fin de l’utopie comme horizon de la ville, ont marqué progressivement une réduction des études urbaines et de leurs ambitions. Les barriadas se sont consolidées sans devenir des villes à part entière, vieilles avant que d’avoir été neuves. Contrastant avec une très forte croissance de ces travaux durant les années 1960, 1970 et 1980, la dernière décennie est marquée par un recul de la production théorique et par un redécoupage des champs d’étude qui suppose en quelque sorte la mégapole du tiers-monde plus qu’elle ne l’analyse [16]. D’un côté on se penche sur les caractéristiques structurelles de l’économie informelle, de la pauvreté, des impacts de la mondialisation, à l’aide d’instruments quantitatifs. De l’autre on privilégie les travaux portant sur la construction de nouvelles identités culturelles issues de l’acculturation urbaine des populations de migrants, sur la place des minorités, sur l’empowerment (« mise en pouvoir ») de la société civile et la nouvelle gouvernance. Dans cette dichotomie, la ville disparaît, devient un fond, une facticité déterminante et arbitraire, pas nécessairement énonçable, ni descriptible dans sa généralité.

14 Le « voile blanc » dont parle Melville semble ainsi s’être étendu sur les dimensions de la médiation entre l’individu et l’environnement urbain, sur ces catégories intermédiaires, bricolées, dépositaires du sens pratique de la ville, pour laisser place à un antagonisme opposant des structures physiques et fonctionnelles déficientes au fourmillement des subjectivités indifférentes qui les traversent. Cependant, ce sens pratique semble aussi s’être réalisé sur un mode défectueux, supplétif, parodique, qui détermine largement la vision que les Liméniens se font de leur ville.

La huachafería et les substituts du sens

15 Ce mode peut être illustré par un qualificatif propre au lexique péruvien et qui renvoie à une forme de classification indigène : le huachafo et son substantif, la huachafería. Ce terme, à l’étymologie incertaine [17], désigne une catégorie à mi-chemin du mauvais goût et de l’enflure, de l’ostentation dérisoire, de la prétention sociale et culturelle, de l’originalité extravagante et bizarre et du manque d’authenticité. Apparu au moment où Lima entrait dans la modernité urbaine et se couvrait d’extravagances architecturales, il dénote également un goût affirmé pour le simulacre, l’ersatz, le faux ou la contrefaçon (bamba). On pourrait avancer, à titre d’hypothèse un peu provocatrice, que la huachafería constitue aujourd’hui une des seules formes du goût socialement partagées, palliatif ou supplément à l’équivocité des signes et des symboles sociaux. À tel point que les chroniqueurs modernes décèlent chez le Liménien une jouissance propre à l’exercice de cette forme vernaculaire du mauvais goût.

16 Les premières occurrences de la huachafería sont certainement liées aux soubresauts de l’introduction de la modernité à Lima, notamment dans la crise des styles qui survient vers 1910. C’est le début du dérèglement sémantique et de la transformation huachafa de la ville qui, au gré des modes, adopte des changements de surface souvent déjà obsolètes dans leur pays d’origine, consacrant ainsi la dépendance culturelle, le déclassement automatique des goûts et une rivalité acharnée dans l’ostentation ornementale et superflue. La modernité se donne sous une forme hétéroclite qui confère au paysage urbain actuel de Lima une diversité déconcertante, par la confusion des styles d’importation et l’impossibilité de distinguer l’élément de l’ensemble, l’annexe du principal [18]. Sans planification urbaine, c’est l’arbitraire individuel qui couvre le plan libre [19]. Quand l’ouvrage est issu d’une commande publique, la pratique ne varie pas : l’édifice Rimac est une citation laborieuse de l’Hôtel de ville de Paris, le Palais de Justice reprend la façade de celui de Bruxelles, le monument offert pour le centenaire de l’immigration italienne est pour partie une réplique du tombeau des Médicis à Florence…

17 Mais, au-delà de la dépendance culturelle, la huachafería frappe aussi le patrimoine national. Ainsi, la place centrale a-t-elle été largement amendée par l’architecture néo-coloniale des années 1930. Ce qu’on peut en contempler aujourd’hui n’est que l’expression architecturale rétrospective de la place originelle, dans une fidélité trompée par l’usage de nouveaux matériaux et la surenchère ornementale exhibant les signes du colonial au détriment de sa réalité. Cette réinterprétation ne marque pas la fin de la parodie involontaire dont fut victime la partie du centre aujourd’hui exhibée comme le legs véritable du passé colonial. La falsification fut redoublée par la construction de la « maison de la tradition », réplique en miniature de la place centrale située dans les nouveaux quartiers résidentiels, afin de mettre à portée des classes aisées le souvenir facilement consommable et édifiant de leur passé supposé. Dans cent autres cas, l’architecture devient un praticable, une scénographie, rapidement transformable et modulable, sans coalescence avec sa fonction, ni avec son passé, ni avec son contexte.

18 De nombreux exemples de huachafería pourraient être donnés, empruntés aux réalisations les plus diverses de l’architecture péruvienne au 20e siècle, exerçant en continu ce dévoiement cynique ou maladroit vers la parodie. Aujourd’hui, elle continue à régir les significations proposées au citadin. On peut en mentionner deux illustrations dans des quartiers fréquemment analysés comme emblématiques de la Lima contemporaine [20]. D’un côté, les manifestations urbaines de la mondialisation « noble », celle des circuits internationaux de la finance, du pouvoir, de la technologie et de l’argent, sont visibles dans le Centro empresarial Camino Real de San Isidro, complexe ultra-moderne qui, cependant, semble attester d’un style avant de garantir une vocation, afficher une rhétorique avant que d’être vraiment en prise sur les réseaux mondiaux, desquels il reste une lointaine banlieue, à peine assez bonne pour le blanchiment d’argent, l’offre de services de luxe et l’exportation de quelques matières premières. L’architecture de divertissement et de consommation (centres commerciaux, supermarchés, casinos, hôtels de luxe, restaurants de franchise internationale apparus au cours du boom immobilier des années 1990 [21]) développe quant à elle ses signes et signaux, qui souvent restent vide de consommateurs réels en période de crise économique. Les façades démontables se généralisent sans faire croire à une réelle rénovation des quartiers. Les enseignes disparaîtront au tournant de la conjoncture.

19 D’un autre côté, la principale zone productive du Pérou, le complexe industrialo-commercial de Gamarra, spécialisé dans la filière textile, est la manifestation d’une autre mondialisation, reliée aux réseaux chinois et coréens de production du prêt-à-porter. Logé au cœur du quartier sinistré de La Victoria, Gamarra est un petit empire qui génère plus de 1 000 millions de dollars annuels de chiffre d’affaires. Regroupant 14 000 ateliers et employant directement 60 000 personnes, il s’agit d’un des modèles du « capitalisme populaire » en Amérique latine. Sa croissance très rapide, fruit d’une seconde génération de migrants totalement dévoués au développement de leur petite entreprise familiale, à l’opposé du capitalisme rentier et financier de San Isidro, a consacré l’émergence d’une autre forme d’architecture, symbole de la « culture chicha » [22]. Recouvrant ses édifices de néons, de plastique aux couleurs criardes, d’éléments architecturaux « ennoblissants » (portiques, colonnes, pilastres pour la référence antique, poutrelles et verres polarisés pour le downtown moderne), la construction s’y incline devant l’ambition ostentatoire et les songes mégalomanes du maître d’ouvrage. Son apparence et ses usages vieillissent aussi vite que les bâtisses sont construites. Cette version populaire de la huachafería ne doit pas dissimuler le conservatisme social que justifie cette dernière. Elle est aussi utilisée comme instrument social de châtiment, rappelant sa faute de goût au parvenu et la honte qu’il mérite pour avoir voulu déroger aux préférences de son milieu.

20 Le huachafo, ce signe qui vaut pour la réalité auquel il prétend, est le résultat d’une confusion des registres sémantiques de la ville. Il n’est pas une réalité intrinsèque de la chose, mais se manifeste dans l’écart entre la disposition et l’objet, entre le but et l’usage, entre l’intention et le résultat. Forme symbolique caractérisée par la disparition de toute nécessité intérieure, extériorité pure de l’espace et du temps, le huachafo livre les signifiants urbains à la contiguïté et à la succession, sans intégration. Substitut d’imaginaire urbain, discipline pervertie du goût, il n’épargne ni la pompe de l’architecture élitiste, ni le bricolage des réalisations populaires qui miment les signes de la réussite sociale. Les efforts et les stratégies qu’il recouvre sont propres à un espace symbolique (mais aussi social et politique) précaire. Ce pacte défectueux permet malgré tout de pallier en partie la perte de correspondance entre les structures objectives et les dispositions subjectives, et à occulter la disparition des opérateurs symboliques de la ville.

La fin des opérateurs symboliques de la ville

21 On peut ainsi relever certains changements urbains qui ont pu précipiter la généralisation de la huachafería et la disparition de la prosopopée de la ville, en commentant la disparition de quelques-uns de ces opérateurs, lieux et fonctions qui transforment peu à peu une structure, une configuration urbaine, en l’élément d’une subjectivité.

22 Parmi ceux-ci, il y a d’abord la relation du corps à l’espace urbain. La ville naît subjectivement de la déambulation du piéton, qui en relève les dimensions sur son corps. La confusion automobile, l’interruption des voies, le peu d’espace adapté ont découragé cette forme de déplacement, remplacée pour une minorité par la voiture, systématiquement utilisée même pour les petits trajets, et pour l’immense majorité par le combi [23]. La grave crise des transports que connaît Lima depuis les années 1980 a fait du déplacement dans la ville, et de la relation temps / espace qui la configure, une épreuve, consommatrice de temps et d’efforts, qui fragmente un territoire difficile à traverser.

23 Cette limite imposée aux mouvements des corps est la première et la plus forte contrainte qui s’oppose à la ville comme terrain exploratoire. Une seconde est la surdétermination (fonctionnelle et sociale) ou la sous-détermination (« non-lieux », terrains vagues, édifices abandonnés) de la ville. Les lieux de Lima ne peuvent équilibrer ces paramètres de façon à offrir les conditions d’un détachement suffisant par rapport aux nécessités pratiques, permettant l’émergence d’un intérêt pour la chose urbaine en elle-même, digne d’être explorée en tant qu’elle recèle des possibles. Il y a au contraire une grande prévisibilité des itinéraires et des conduites à tenir à Lima, espace susceptible de peu d’appropriation [24]. La réduction de cette indétermination relative, propice à l’exploration, à l’initiation et à l’innovation est visible dans cet univers urbain qui, du moins pour certains, est saturé de sollicitudes. L’ancienne capitale coloniale connaît une relation très particulière à la domesticité et plus généralement au monde « subalterne » des chauffeurs de taxi, cuidadores et surveillants de parking informels, portiers, huachimanes, serveurs, serenazgos[25], livreurs, cireurs de chaussure… Partout un univers de services accessibles à bas prix, dans une relation qui ne connaît pas la distanciation fonctionnelle du contrat et qui anticipe les conduites, donnant à la plupart des interactions sociales l’univocité d’un code.

24 Autre opérateur symbolique fragilisé, la référence aux monuments exemplaires par leur histoire ou leur fonction, est de moins en moins avérée. Les quelques édifices patrimoniaux du centre colonial et des centres périphériques qui ont échappé à la fièvre modernisatrice, à la réfection néo-coloniale et à la sur-utilisation au détriment des conditions de vie des populations et de préservation des bâtiments sont délaissés par les pouvoirs publics et l’initiative privée [26]. En général, le rapport au foncier et à l’immobilier est un rapport d’usure, dans tous les sens du terme : usure parce que la construction est dictée par une spéculation sans règle, par un capital labile qui fait ou défait l’habitat, et usure parce qu’un bâtiment ou un quartier devenu obsolète est laissé aux secteurs populaires tandis que le fantasme du plan libre et de l’extension indéfinie pousse vers les zones encore vierges. Le bâti à Lima ne connaît pas de processus de reprise, de resignification, de sédimentation dans une histoire. Il passe brutalement de la nouveauté à l’obsolescence, sans synthèse temporelle, sans constitution d’une durée visible. Portée aussi bien par la spéculation immobilière que par un taux record d’autoconstruction, cette dynamique d’épuisement de l’espace a favorisé le développement d’une ville basse, repoussant aux marges ou dans les zones préservées la construction de nouvelles zones résidentielles. La croissance horizontale de la ville s’étend désormais de plus en plus loin vers les plages du sud à mesure que les zones limitrophes de la capitale sont gagnées par les classes populaires, réalisant la prophétie de Velarde : « Lima deviendra une contrefaçon de Miami [27] ». Ces stations balnéaires recréent l’espace d’un été des sociétés parfaites, fondées sur la dénégation de la grande ville et de ses contraintes, où seuls certains services (centres commerciaux, boutiques de luxe) se délocalisent.

25 Enfin, troisième opérateur symbolique déchu, l’espace public et en général les espaces sociaux d’autoreprésentation, sont menacés dans leur autonomie. Cet entre-soi non contraignant, où les citadins peuvent apparaître, échanger, connaître ensemble un temps disponible est désormais dégradé ou accaparé pour une jouissance privée. L’espace intra-urbain étant restreint, la saturation a fait se développer le tracé des limites : grilles, grillage, enceinte électrique, barrières, annexion des voies publiques à des fins de « sécurisation ». Ces séparations physiques et symboliques forment une ville fragmentée par quartiers, où les interstices sont négligeables, et où la totalité n’est plus considérée. Le centre « historique » de la ville, organisant traditionnellement les pouvoirs autour de sa place centrale, n’est plus fréquenté par les habitants des nouveaux centres modernes, pour lesquels il ne signifie plus qu’une zone inconnue et dangereuse. La rue, elle, n’existe plus comme unité urbaine : les édifices ne sont pas ouverts sur l’extérieur, le trafic a envahi toutes les possibilités de soulager son flux et plusieurs années de menace terroriste ont supprimé la pratique des grands rassemblements populaires et festifs, après l’interdiction du carnaval pour cause de troubles sociaux en 1959 [28]. Le seul lieu où un minimum d’hétérogénéité sociale est assurée reste le centre commercial, dans ses réalisations gigantesques et totalisatrices, intégrant la consommation, le divertissement, la promenade [29]. Cependant, il n’a de public que l’accès, occupant la déambulation d’une multitude de signaux accapareurs, et ne garantissant que la simulation des échanges.

26 Ainsi, trois formes de constitution d’un sujet collectif sont inhibées depuis les structures mêmes de la ville, qui interdit la mobilité des corps, distingue socialement l’ordre des rencontres et la hiérarchie des lieux, accapare les scènes de l’être-ensemble.

27 Le grand poète péruvien Emilio Westphalen se demandait quelles ruines futures connaîtrait Lima, si doit y prévaloir l’usure et l’éphémère et si seule la multiplication des simulacres semble encore offrir la possibilité d’un imaginaire commun. On pourrait dire que l’entropie qui la menace finira par confondre tous les temps et les époques de son architecture avec celle qui l’a précédée, celle des gigantesques huacas, pyramides et plates-formes d’adobe, élevées par les populations précolombiennes et disséminées par toute la ville. Il y aurait une poésie tragique à découvrir que ce qui survivra à l’usure moderne soit justement une construction immémoriale, antérieure à la Lima coloniale. Malheureusement, la douceur de ce sentiment tragique, qui ferait à cet essai une belle chute, nous est refusée. Tandis que les huacas situées dans les quartiers populaires sont envahies dans la conquête d’un espace libre, les principales huacas[30] des beaux quartiers font l’objet depuis quelques années d’une remise à neuf qui nous les restitue plus vraie que nature. Dans cet au-delà de l’archéologie, la mystification persiste et nous offre une autre disparition : celle de la durée dans la ville. L’œil ne date plus ces vestiges, qui paraissent étonnement plus jeunes que l’édifice attenant. Lima connaîtra des ruines superbes, fraîchement extraites du passé pour la délectation du voisinage. Quelle plus belle huachafería ?

Notes

  • [1]
    « Sémiologie et urbanisme », in Françoise Choay et al., Le sens de la ville, Paris, Seuil, 1972.
  • [2]
    Document transmis par la chronique de Bernardé Cobo, Historia de la fundación de Lima.
  • [3]
    L’anthologie réalisée en 1935 pour le quadricentenaire de la fondation par le grand historien Raúl Porras Barrenechea atteste la grande richesse de significations ainsi sédimentées : R. Porras Barrenechea, Antología de Lima (1535-1935). El río, el puente, la Alameda, Lima, Fundación Bustamante de la Fuente, 2002 ; suivi de Antología de Lima (1936-2000), par Edgardo Rivera Martinez, chez le même éditeur.
  • [4]
    Au long de cet essai, qui s’apparente davantage à une chronique – qui suppose un sens commun – qu’à une étude rigoureuse qui en demanderait toute l’explicitation, ce phénoménologue restera naïf, c’est-à-dire confrontera les difficultés d’une saisie subjective de la ville aux structures accidentées et aux dysfonctionnements qui la caractérisent, sans justifier de toutes les médiations nécessaires entre l’appréhension existentielle, l’analyse sociologique et la description urbanistique. Celles-ci ne peuvent en effet être analysées qu’à construire sociologiquement le système des représentations des habitants de Lima sur leur ville, ce qui demanderait un travail empirique approfondi. Notre perspective est ainsi celle d’un certain sens commun sur la ville, qui en constitue la matrice des « lieux communs ».
  • [5]
    Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, Paris, Gallimard, 1945, p. 312.
  • [6]
    Plan de Lima métropolitaine, System Arq S.R.L., 2004.
  • [7]
    Jaime Cordero, « La metrópoli sigue creciendo », El Comercio, lundi 12 avril 2004, p. 2.
  • [8]
    Par « modernité » on entendra simplement, à partir des années 1920, l’introduction massive des réformes urbaines, porté par un discours politique progressiste.
  • [9]
    Selon l’expression de R. Porras Barrenechea.
  • [10]
    José Galvez, Una Lima que se va, 1921.
  • [11]
    Selon la formule de l’architecte péruvien Héctor Velarde.
  • [12]
    Les « invasions » constituent une forme sauvage d’appropriation de l’espace, sans titre de propriété. Les barriadas s’élèvent sur les terrains les moins aptes à la construction en faisant appel aux matériaux les plus précaires (palmes, tôles).
  • [13]
    Selon l’expression de l’historien Jorge Basadre. Pour une histoire de l’architecture et des transformations sociales de Lima au 20e siècle : Elio Martucelli, Arquitectura para una ciudad fragmentada, Lima, Universidad Ricardo Palma, 2000.
  • [14]
    Augusto Salazar Bondy, Lima la horrible, Santiago du Chili, Universidad de Concepción, 2002 (1re éd. 1964).
  • [15]
    Peter Elmore, Los muros invisibles. Lima y la modernidad en la novela del siglo 20, Lima, Mosca Azul Editores, 1993.
  • [16]
    Cf. Licia Valladares et Magda Prates Coelho, « La investigación urbana en América latina. Tendencias actuales y recomendaciones », MOST, UNESCO, 2003.
  • [17]
    De très nombreux textes sont consacrés à la huachafería. Pour une approche étymologique et sémantique : Estuardo Nuñez, El Comercio, 8 août et 6 septembre 1993. Il semble que ce soit le journaliste Jorge Miota qui ait consacré l’usage du terme vers 1908, par ailleurs déjà attesté dans son emploi populaire.
  • [18]
    Ces opérateurs perceptifs sont particulièrement sollicités dans l’élaboration de la « carte mentale » subjective de la ville selon Kevin Lynch, L’image de la cité, Paris, Dunod, 1969.
  • [19]
    Comme l’écrit l’architecte Augusto Ortiz de Zevallos, « Que d’autres s’occupent d’architectonique, nous autres, grâce à un climat sans rigueurs, nous avons fait de la construction une forme ultime du vêtement », Debate, n° 30, Lima, 1984, p. 26.
  • [20]
    Cf. Miriam Chion, « Dimensión metropolitana de la globalización : Lima a fines del siglo 20 », EURE, Santiago du Chili, 2002, vol. 28, n° 85, p. 71-87.
  • [21]
    Entre 1990 et 1997, le secteur de la construction a connu au Pérou une croissance de plus de 86 %.
  • [22]
    La chicha est le produit de la rencontre entre la deuxième génération des provinciaux nés en ville et l’univers urbain. Constituée autour de référents musicaux mélangeant la culture populaire andine et les nouvelles technologies musicales, ou illustrée par quelques emblèmes comme le chauffeur de combi ou certains titres de la presse sensationnaliste, la chicha pourrait être définie comme une forme populaire et paroxystique de la huachafería.
  • [23]
    Soit le minibus importé des marchés d’occasion asiatiques à partir des années 1990.
  • [24]
    C’est peut-être ce qui explique, au-delà d’une délinquance et d’une criminalité réelles, la fascination populaire et médiatique pour la violence, entretenue dans ses formes les plus liées à la surprise, à la « gratuité » et à la soudaineté.
  • [25]
    Respectivement déformation du watchman et police privée sous contrat avec les associations de voisinage. Le serenazgo est un augmentatif (grammatical et armé) du sereno d’autrefois, crieur public annonçant les heures nocturnes.
  • [26]
    Au mieux, les municipalités lancent des campagnes sur le thème « Adoptez un balcon » ou « Parrainez une façade », laissant se délabrer l’intérieur des édifices mais rassurant la rue…
  • [27]
    Héctor Velarde, « Restauration and conservation », Lima city, Ed. Universitaria, Lima, 1966.
  • [28]
    Décret suprême n° 348.
  • [29]
    Comme le montrent les exemples du Larco Mar, du Jockey Plaza ou du Megaplaza norte, trois malls récents ayant nécessité plusieurs dizaines de millions de dollars d’investissement.
  • [30]
    Huaca Pucclana de Miraflores, huaca Huallamarca de San Isidro.

Domaines

Sciences Humaines et Sociales

Sciences, techniques et médecine

Droit et Administration

bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Retrouvez Cairn.info sur

Avec le soutien de

18.97.14.89

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions