Notes
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[1]
John Blacking, Le sens musical, (1973), trad. de l’angl. par Eric et Marika Blondel, Paris, Éditions de Minuit, 1980, p. 101.
-
[2]
Jean-Jacques Rousseau, Dictionnaire de musique, art. « Musique », in Oeuvres complètes, t. 5, Paris, Gallimard (coll. « La Pléiade »), 1995, p. 922.
-
[3]
« La musique et l’art sont une expérience et non une connaissance transmissible selon les recettes d’un Wissenschaft », Jean Leca, Pour(quoi) la philosophie politique, Paris, Presses de Sciences Po, 2001, p. 43.
-
[4]
Pour une illustration récente de cette approche, voir : Alain Darré (dir.), Musique et politique. Les répertoires de l’identité, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1996.
-
[5]
J. J. Rousseau, Dictionnaire de musique, op. cit., p. 924.
-
[6]
Platon, La République, 424 b-c ; Les Lois, 659e-660a, 812a-d.
-
[7]
Platon, Philèbe, 64d-65a ; Timée, 87c et 90a.
-
[8]
Aristote, Politique, Livre VIII, chap. 5 et 6.
-
[9]
Pamela M. Potter, Most German of the Arts. Musicology and Society from the Weimar Republic to the End of Hitler’s Reich, New Haven-Londres, Yale University Press, 1998.
-
[10]
Esteban Buch, La Neuvième de Beethoven. Une histoire politique, Paris, Gallimard, 1999, p. 308.
-
[11]
La syntaxe musicale est organisée au niveau des traits morphologiques dont la note est porteuse et ne présente pas d’enchaînement d’unités dotées de significations. Le langage au contraire est dotée d’une double articulation en phonèmes et monèmes qui permet toutes les commutations fonctionnelles. En musique, la sémantique et la syntaxe coïncident exactement.
-
[12]
C’est Hanslick qui le premier a développé cette définition de la musique comme forme en mouvement : Eduard Hanslick, Du beau dans la musique (1854), trad. de l’allemand par Charles Bannelier, Paris, Christian Bourgois, 1986. On peut rattacher à cette position cette définition récente selon laquelle « la musique serait un système de différences qui structure le temps sous la catégorie du sonore ». André Boucourechliev, Le langage musical, Paris, Fayard, 1993, p. 21.
-
[13]
« La musique n’est pas un langage qui dit comment la société semble être constituée, mais l’expression métaphorique de sentiments associés à la manière dont elle est effectivement constituée », John Blacking, Le sens musical, op. cit., p. 117.
-
[14]
Jiri Smrz, « Symphonic Marxism : Sovietizing Pre-Revolutionary Russian Music Under Staline », Discourses in Music, vol. 4, n° 3, summer 2003. Disponible sur http:// www. discourses. ca.
-
[15]
Voir le texte « Mon attitude vis-à-vis de la politique » du 16 février 1950, reproduit dans Arnold Schoenberg, Le style et l’idée, trad. de l’angl. par Christiane de Lisle, Paris, Buchet/Chastel, 1977, p. 385-386.
-
[16]
« Il y a toute une série de compositeurs contemporains chez qui se décèle, si l’on peut dire, une conscience créatrice “malheureuse” ; parce que, pris dans la grande révolution actuelle qui change le sens et la nature de la musique, ils se sentent tenus d’écrire des œuvres plus modernes qu’eux-mêmes », Olivier Alain « Le langage musical de Schoenberg à nos jours » dans : Norbert Dufourcq, La Musique, Paris, Larousse, 1965, p. 354-386, cité par Bernard Sève, L’altération musicale, Paris, Seuil, 2002, p. 195.
-
[17]
Il y a une histoire de la musique à écrire à partir de ses scandales. Cf. Nicolas Slonimsky, Lexicon of Musical Invective. Critical Assaults on Composers Since Beethoven’s Time, Seattle/Londres, University of Washington Press, 1965.
-
[18]
Cf. AntonioTrudu, La “Scuola” di Darmstadt. I Ferienkurse dal 1946 a oggi, Milan, Ricordi-Unicopoli, 1992.
-
[19]
Luciano Berio, Entretiens avec Rossana Dalmonte (1981), trad. de l’ital. par Martin Kaltenecker, Paris, Lattès, 1983, p. 73.
-
[20]
Luigi Nono, Écrits, trad. de l’ital. sous la dir. de Laurent Feneyrou, Paris, Christian Bourgois, 1993.
-
[21]
Cf. Jean-Jacques Nattiez, Fondements d’une sémiologie de la musique, Paris, UGE, 1976, p. 129-193.
-
[22]
J. J. Rousseau, L’origine de la mélodie, dans : Oeuvres complètes, t. 5, op. cit., p. 340 et Essai sur l’origine des langues, ibid., p. 410-429.
-
[23]
Cf. Marie-Élisabeth Duchez, « Jean-Jacques Rousseau historien de la musique », dans : Hugues Dufourt, Joël-Marie Fauquet (dir.), La musique : du théorique au politique, Paris, Aux amateurs de livres-Klinckslieck, 1991, p. 39-111 ; Marie-Élisabeth Duchez, « Principe de la mélodie et origine des langues », Revue de musicologie, LX, 1-2, 1975, p. 33-86.
-
[24]
Max Weber, Sociologie de la musique. Les fondements rationnels et sociaux de la musique (1921), intro., trad. et notes de Jean Molino et Emmanuel Pedler, Paris, Métailié, 1998.
-
[25]
Leonard B. Meyer, Emotion and Meaning in Music, Chicago, University of Chicago Press, 1956 ; Deryck Cooke, The Language of Music, Londres-Oxford-New York, Oxford University Press, 1959 ; Robert Francès, La perception de la musique, Paris, Vrin, 1958. Michel Imberty, Entendre la musique. Sémantique psychologique de la musique, vol I, Paris, Dunod, 1979 et Les Écritures du temps. Sémantique psychologique de la musique, vol II, Paris, Dunod, 1981.
-
[26]
En particulier J. S. Bach : cf. Albert Schweitzer, J. S. Bach, le musicien-poète (1905), Lausanne, éditions M. et P. Foetisch, 1953 ; Philippe Charru, Chritoph Theobald, L’Esprit créateur dans la pensée musicale de Jean-Sébastien Bach, Paris, Mardaga, 2002.
-
[27]
Arthur Schopenhauer, Le monde comme volonté et comme représentation (1819), trad. en français par Auguste Burdeau, Paris, PUF (coll. « Quadrige »), 2003, p. 328.
-
[28]
Ibid., p. 336-337.
-
[29]
Ibid., p. 1189-1192.
-
[30]
« Le matériau lui-même, c’est de l’esprit sédimenté, quelque chose de socialement préformé à travers la conscience des hommes », Theodor W. Adorno, Philosophie de la nouvelle musique (1949), trad. de l’all. par Hans Hildenbrad et Alex Lindenberg, Paris, Gallimard, 1962, p. 45.
-
[31]
« (L’œuvre) prend fait et cause pour la vérité de la société contre l’individu qui se rend compte de la non-vérité de cette société et qui est lui-même cette non-vérité », ibid., p. 61.
-
[32]
Ibid., p. 136.
-
[33]
Ibid., p. 76.
-
[34]
Theodor. W. Adorno, Mahler. Une physionomie musicale (1960), trad. de l’all. par Jean-Louis Leleu et Theo Leydenbach, Paris, Éditions de Minuit, 1976, p. 29.
-
[35]
Ibid., p. 41.
-
[36]
Ibid., p. 107.
-
[37]
Ibid., p. 39.
-
[38]
Ibid., p. 204.
-
[39]
Theodor W. Adorno, Quasi una fantasia (1963), trad. de l’all. par Jean-Louis Leleu et Ole Hansen-Løve, Paris, Gallimard, 1982, p. 4.
-
[40]
« Car dans l’art, nous n’avons pas affaire à un jeu simplement agréable et utile, mais au déploiement de la vérité » (Hegel, Esthétique, III, cité par Adorno, ibid., p. 4).
-
[41]
Cf. Pierre Boulez, Penser la musique d’aujourd’hui, Paris, Gonthier, 1964.
-
[42]
Ce qui implique, dans un dernier paradoxe, que le critère d’évaluation d’une musique ne repose jamais sur des présupposés historicistes. Cf. Karl Popper, La Quête inachevée (1976), trad. de l’angl. par Renée Bouveresse et al., Paris, Calmann-Lévy, 1981 (en particulier chap. XIII et XIV).
-
[43]
Bernard Sève, L’altération musicale, op. cit., p. 148.
-
[44]
Theodor W. Adorno, Quasi una fantasia, op. cit., p. 7.
1La musique en tant que production culturelle et forme symbolique participe de la vie sociale : « étant du son organisé, elle exprime des aspects de l’expérience des individus en société [1] ». Mise en forme d’un partage, elle unifie des groupes et contribue à leurs mobilisations, accompagne des célébrations et des rites, excite à la violence et au combat comme à la ferveur et à l’effusion, bref, révèle des processus sociaux et politiques en ce que, selon l’expression de Rousseau, « elle est capable d’agir physiquement sur les corps [2] ». Cette évidence est en même temps une énigme puisque la musique semble ne rien pouvoir ni vouloir dire [3]. Alors que toutes les activités sociales et culturelles sont tissées de significations dont la langue constitue le code et la norme, alors que tous deux sont considérés depuis Humboldt, puis Sapir et Whorf, comme la cause même de la société, la musique apparaît manifestement sociale et expressive et semble pourtant dépourvue de toute capacité proprement sémantique à nourrir les dimensions actionnelle et informationnelle d’un énoncé. C’est dans ce paradoxe que gît le propre de l’expressivité musicale : ne renvoyant à aucune image du monde, la musique révèle quelque chose du monde et, libre de tout arrimage référentiel, son langage dépend pourtant de ce qui n’est pas lui.
2 C’est pourquoi, sans doute, les rapports qu’entretiennent musique et politique sont plus complexes que ce que l’histoire et la sociologie peuvent nous en révéler [4]. Certes, il est toujours possible de mettre en relation les deux termes à travers l’examen des conditions externes de la création ou de la réception des œuvres, comme il est évident d’examiner les usages de la musique par les pouvoirs, mais c’est supposer résolue la question de l’expressivité musicale et de son rapport à la pensée. C’est négliger que, régi par des lois naturelles, le phénomène sonore ne devient musique qu’à partir de son inscription dans une morphologie et une syntaxe et que toute création musicale implique de concevoir le rapport entre la nature et la convention. Ainsi, la relation entre musique et politique appelle moins une réflexion sur le beau et sur les pouvoirs qu’aurait, par exemple, la première d’esthétiser la seconde, qu’une interrogation sur le vrai et sur la possibilité de le révéler hors des contraintes du langage naturel.
Instrumentalisation et soumission
3 Pour partir du plus simple, les rapports entre musique et politique peuvent d’abord être pensés sur le registre de l’instrumentalisation. La musique relève de la politique en ce qu’elle est supposée dotée d’un pouvoir, de faire croire ou de faire faire. Ne s’interrogeant pas sur les ressorts de ce pouvoir, mais le supposant acquis, on cherche seulement à le soumettre afin d’en utiliser et d’en régler les effets.
4 La catégorie ici centrale est celle de la réception, et c’est là un des plus anciens topoi de la réflexion sur la musique. On se souvient de Rousseau rappelant que les autorités helvétiques interdisaient à leurs troupes de jouer le Rans des vaches car il faisait pleurer et déserter ceux qui l’entendaient, excitant en eux le désir de revoir leur patrie [5]. Platon, le premier, exprime l’exigence de maîtriser la musique et de la mettre au service du courage et de la vertu en en excluant les effets nostalgiques et amollissants [6]. Ces prescriptions sont en rapport avec les conceptions métaphysiques et éthiques du beau développées dans le Timée et dans le Philèbe : la relation entre la beauté cosmologique et celle de l’âme s’instaure à partir des principes fondateurs du monde reposant sur la symétrie, la beauté étant avec la proportion et la vérité, l’une des trois caractéristiques du bien [7] et, en raison des effets objectifs des différents modes musicaux, il convient d’en maîtriser l’usage aux fins de l’unité politique et de la formation du citoyen. C’est bien parce que, pour Platon comme pour Aristote [8], la musique revêt une fonction éducative que l’engagement artistique des gouvernants est une exigence. La musique donne au caractère une certaine qualité et contribue à une existence sage et, selon Frédéric Ramel, l’appartenance à la Cité, au moins jusqu’à la fin du 5e siècle, se mesure à l’aune de l’implication artistique du citoyen.
5 On peut inscrire dans le même mouvement les tentatives du pouvoir ecclésiastique pour régir la musique aux fins de l’éducation de la foi : la condamnation de l’Ars nova par Jean XXII en 1322 correspond ainsi à la volonté de discipliner le plaisir de l’oreille en le soumettant aux fins de la dévotion et de rendre accessibles les paroles de la liturgie que la complexité du nouveau style musical venait à celer. Comme le montre Bruno Moysan, les cours italiennes du Cinquecento voient le développement d’un langage musical destiné à décrire et expliquer le fonctionnement politique des États : le style opératique naissant est appelé à agir en politique en figurant la pérennité et la légitimité de la communauté organisée. Et le style moderne apparaît si efficace qu’il est importé dans l’Église où la vocalité persuasive de la monodie remplace progressivement la polyphonie traditionnelle. Il y a bien là une prise en compte de la fonction politique de la musique dans l’énonciation du rapport un/tous que l’on retrouvera, sous une autre forme, lors de l’avènement romantique de la figure de l’artiste-prophète incarnant une nouvelle transcendance laïcisée propre à la société démocratique.
6 Plus près de nous, et de triste mémoire, les tentatives des États totalitaires pour discipliner la création et l’activité musicales sont le signe que l’on attribue à la musique le pouvoir de se charger de contenus politiques. Il ne suffit pas de comprendre la condamnation par les nazis de la musique dite « dégénérée » à partir seulement de l’origine des compositeurs. Certes, Laure Schnapper nous rappelle que le principal critère des autorités du Troisième Reich pour exclure certaines musiques du répertoire tient à la judéité de leurs auteurs. Mais ce critère est insuffisant puisqu’il ne rend pas compte du sort réservé à Berg et Hindemith par exemple et ne prend donc sens que référé au caractère véritablement « allemand » d’autres compositions, celles-là célébrées pour leur caractère « clair, ardent et discipliné ». Le Reich eut, sous la direction d’Alfred Rosenberg et d’Herbert Gerigk, une politique musicale élaborée qui ne consistait pas seulement à alimenter le Lexicon der Juden in der Musik, mais aussi à recueillir l’héritage folklorique, à favoriser l’éclosion d’une musique véritablement populaire et allemande et à produire une version de l’histoire musicale conforme au critère de la supériorité de la culture germanique [9]. Il est remarquable à cet égard que l’Ode à la joie, tenue de ses origines à aujourd’hui comme « le premier emblème musical de la valeur morale de l’art », ait pu faire l’objet d’une revendication chauvine et guerrière de la part des nazis, « à nos yeux, la principale incarnation historique du Mal [10] ». Cela suppose, selon Esteban Buch, que la valeur morale d’une telle œuvre ne peut être fondée sur son langage même et que la contextualisation de la musique peut seule en révéler les significations politiques. Cette position implique de théoriser la musique comme une forme ne renvoyant qu’à elle-même et, en raison de sa différence d’articulation avec le langage [11], impuissante à développer des significations extrinsèques. Cette position qui est aujourd’hui la plus partagée, est toutefois récente dans l’histoire de la musicologie [12] et elle contrevient, nous y reviendrons, à la démarche de la sémantique musicale comme à une part essentielle de la tradition compositionnelle occidentale [13].
7 Le totalitarisme soviétique n’a pas été moins sourcilleux envers la création musicale que le totalitarisme nazi, comme le rapporte Gil Delannoi à partir du cas Chostakovitch. L’analyse qu’il livre des œuvres mises en cause dans les crises de 1936 et de 1948 montre que le langage musical est apte à manifester la soumission ou la résistance par un subtil agencement de traits stylistiques organisés dans le « sous-entendu ». Mais cela nous rappelle, en amont, que le pouvoir politique se croit capable d’asservir le langage musical à l’idéologie, posant par là la possibilité d’un lien nécessaire et lisible entre la musique et le monde. On sait qu’à partir de 1932 le Parti communiste de l’Union soviétique entreprit de dicter les principes d’un « réalisme socialiste » favorisant l’expressivité mélodique inscrite dans la tradition nationale. Ce sont les théories du musicologue Victor Asafiev sur les « intonations musicales » et les associations émotionnelles qui devaient permettre de dépasser l’opposition entre esthétique formelle et esthétique expressive en déterminant la signification logico-conceptuelle de la musique et en établissant scientifiquement la correspondance entre forme et contenu [14]. Dans son outrance même, ce projet révèle la nature profonde de l’instrumentalisation politique de la musique : c’est la réalité du monde et la volonté qui l’organise qui déterminent non seulement la visée signifiante mais aussi les contraintes formelles de l’expression musicale.
Intention et portée
8 Si la politisation de la musique est particulièrement lisible dans l’hyperbole totalitaire, elle n’est pourtant pas réductible à cette seule formule de l’instrumentalisation des formes symboliques par le pouvoir. La musique peut être chargée de significations politiques hors de toute contrainte. Ainsi en est-il d’abord de l’opéra qui peut naturellement mettre en scène des situations politiques. Mais ce critère est insuffisant puisque, Mitchell Cohen le rappelle heureusement, le sujet d’un livret n’est pas à même de déterminer la nature politique d’un opéra. Il faut encore que les traits proprement esthétiques de l’œuvre nous informent sur la problématique politique qui l’anime. On pourrait, à partir de là, estimer que, paradoxalement, dans la querelle entre piccinistes et gluckistes si magnifiquement mise en abîme dans le Capriccio d’un Strauss lui-même tiraillé en 1942 entre l’exigence de la parole et la liberté de la musique, c’est le prima la musica, dopo le parole qui devient la formule maîtresse de l’expression politique. Il faut à l’opéra, pour remplir sa visée politique, se charger d’un sens que le texte ne sature pas et que la musique vient même contredire et accomplir à la fois. On perçoit ici que le sens politique d’un opéra est autre chose qu’une histoire politique mise en musique : il dépend en réalité de l’esthétique de l’œuvre qui est « dialectique de domaines différents plutôt qu’enchevêtrement forcé de termes opposés ».
9 Lorsque la musique se charge d’intentions politiques, celles-ci ne seraient lisibles que dans la portée de l’œuvre qui tient au travail de la forme, entièrement contenues dans la syntaxe et la morphologie de l’idiome musical. Il est clair, par exemple, à lire Luigi Pestalozza, que l’histoire de la nouvelle musique italienne est une histoire politique en raison des clivages et des luttes qu’elle a suscités dans la société d’après-guerre et de la répression qu’elle a subie de la part des gestionnaires de la culture, mais aussi en raison des structures formelles qu’elle a privilégiées et qui s’opposaient radicalement aux canons de la langue musicale vernaculaire alors dominante. Il peut paraître surprenant que, voulant soustraire la musique à « la mythologie bourgeoise d’un art au-delà de la vie commune », cherchant à repenser la communication musicale dans son ensemble et soucieux de contribuer à la formation d’une « réelle conscience politique », les compositeurs de la jeune école italienne en soient venus à cultiver une véritable déstabilisation formelle du langage au risque de réactiver le divorce entre l’artiste et le public, caractéristique de l’avènement de la modernité. Mais, il faut comprendre que pour eux, comme l’écrivait Nono, « le travail linguistique va de pair avec le travail idéologique » et que dès lors, la contestation politique ne pouvait pas se concevoir en dehors d’une contestation formelle du langage musical dominant.
10 La modalisation politique de la musique peut être cherchée dans les positions du compositeur mais celles-ci sont insuffisantes à identifier la portée politique d’une œuvre. Schoenberg, l’auteur de la première révolution majeure du langage musical au 20e siècle, était politiquement conservateur [15], tandis que les harangues révolutionnaires d’un Weill sonnaient dans un style mélodique et harmonique des plus traditionnels pour ne pas dire des plus faciles. Ce ne sont pas non plus les intentions du compositeur lorsqu’il compose qui déterminent la portée politique d’une œuvre [16] : l’Ode à Napoléon que Schoenberg écrivit en 1942 à Los Angeles, satire violente de la tyrannie et cri contre les oppresseurs de l’Europe, apparaît comme relativement traditionnelle, baignant dans une lumière de mi bémol majeur, qui rappelait à Stravinsky l’univers de César Franck. De même, la cantate Figure humaine de Francis Poulenc, écrite en 1943 sur des poèmes d’Eluard, ou le Martyre des Saints Innocents et l’opéra Numance d’Henri Barraud composés à la gloire de la résistance antinazie, sont des œuvres que rien ne désigne sur le plan formel comme grosses de potentialités politiques.
11 C’est donc le langage musical lui-même qui se trouve doté de significations dont la portée politique est objective et, même obscurément, sensible aux auditeurs. On pense au scandale en 1945 de la création des Vingt regards sur l’enfant Jésus et des Trois petites liturgies de la Présence divine où Messiaen fut accusé de blasphème parce qu’il avait osé vêtir les pensées et les sentiments chrétiens de superpositions modales inouïes et d’une orchestration qui intégrait la musique du monde et celle de la nature à la musique traditionnelle de la vieille Europe [17]. On pense à l’aventure qui commence au même moment dans les ruines de Darmstadt autour de Wolfgang Steinnecke : il s’agit explicitement de permettre à la jeune Allemagne de reprendre contact avec la civilisation et la musique vivante, après douze ans d’obscurité nazie. Et là se succèdent des maîtres tels qu’Hindemith, Adorno, Krenek, Leibowitz, Messiaen ou Varese, des élèves tels que Nono, Maderna ou Stockhausen, les créations de Boulevard Solitude de Henze, Moïse et Aaron et Le Survivant de Varsovie de Schoenberg ou la Deuxième Sonate de Boulez. La musique sérielle règne à Darmstadt, en opposition aux canons esthétiques de l’Allemagne de l’Est inféodée à Moscou, et cette position musicale est aussi une position politique [18].
12 Les exemples sont nombreux dans la musique contemporaine d’une tendance à inscrire la volonté politique dans la matière compositionnelle elle-même. On pense ici au projet subversif de Cage, de traduire l’équivalence pratique de tous les phénomènes sonores, à Lachenmann dans sa volonté de remettre la musique sur ses pieds en profanant le son et en le démusicalisant pour le tourner vers la réflexivité et la conscience de son origine, ou à Zimmermann qui reprit à son compte l’esthétique adornienne de la non-réconciliation. On pense, encore, au Berio de la Sinfonia à la mémoire de Martin Luther King où l’énonciation du nom coïncidant avec le démantèlement de la structure musicale, sens et son prélevés dans le réel tendent à réfléchir l’histoire ou au Dallapiccola du Prigionero ou des Canti di Prigiona « point de référence et pas seulement musical [19] », où l’utilisation du dodécaphonisme se pare d’une exigence éthique de visée de la vérité. Mais c’est sans doute Luigi Nono qui a porté à son faîte cette entreprise à la fois esthétique et politique. Dans ses compositions ouvertement politiques comme son Epitaffio per Federico Garcia Lorca achevée en 1953 et son Canto sospeso de 1956, Nono thématise une dramaturgie générée par son contenu politique en recodifiant et en fragmentant le texte littéraire. Il fonde dans Intolleranza 1960 l’expression de la réalité sur des techniques de transformation du son destinées à rendre compte des implications existentielles d’une situation politiquement déterminée et il théorise, dans ses écrits, cet entrelacs nécessaire entre engagement technique et engagement politique [20]. Tendu vers le problème de la « représentation » d’un contenu politique par la musique, il postule qu’à tout choix politique révolutionnaire doit nécessairement correspondre une attitude analogue sur le plan de la composition. Et cette attitude, ici particulièrement manifeste, engage à interroger plus profondément le lien supposé entre le contenu politique intentionnel et les composantes plus ou moins obligées de l’expressivité musicale.
Représentation et vérité
13 Les rapports entre musique et politique ne peuvent être compris à partir seulement des critères esthétiques de la musicologie ou historiques et culturels de la sociologie de la réception. Car la musique est un langage qui met en jeu des structures et des formes inscrites dans des rapports d’homologie avec d’autres registres d’expression.
14 La réaction des critiques aux compositions de Schoenberg, étudiées par Esteban Buch, révèle au plus haut point que c’est bien le langage musical lui-même qui est ici stigmatisé en tant qu’il ouvre vers un monde dépourvu de sens et vide de loi. Le vocabulaire utilisé par les critiques puise au registre de la violence et de l’anormalité parce que l’œuvre du compositeur confesse elle-même une position politique révolutionnaire en transgressant les lois fondamentales de l’univers sonore. Et, si la musique apparaît garante de l’intersubjectivité qui fonde le lien social, ici menacée par la nouveauté du langage dodécaphonique, c’est parce qu’elle est régie par des lois physiques et manifeste dans son organisation un certain ordre objectif du monde. La « légalité » de la musique tient ainsi au caractère « naturel » du phénomène sonore dont on suppose qu’il est inscrit dans les structures les plus fondamentales de l’être au monde, inaccessibles à la volonté et à l’artifice.
15 Cette conception de la musique est la plus ancienne et la plus ancrée dans l’histoire occidentale [21]. Elle part de l’assise mathématique et physique de la sonorité, caractéristique de la vision du monde pythagoricienne prolongée par Platon. Parce que tous les êtres, et le ciel même, ne sont qu’harmonie et nombre, on peut intégrer toutes les données sensibles dans une compréhension supérieure dictée par la validité objective du cosmos et lier les règles du beau à celles du vrai et du juste, toute l’entreprise humaine se condensant dans l’assomption de cette réplique. Cette tradition, qui révèlera sa fécondité jusqu’au 19e siècle, tient aussi que les différents modes musicaux constituent des cellules signifiantes obligées, aptes à traduire les différents états mentaux, en raison de cette correspondance générale des sphères. Ainsi, la théorie des affects, élaborée à la Renaissance, détermine avec exactitude le pouvoir de la musique sur l’esprit humain et permet aux madrigalistes de préciser les correspondances nécessaires entre la sémantique du texte mis en musique et celle de la mélodie. Même si elle se détache de ses présupposés cosmologiques, cette conception rationnelle d’un univers sonore naturellement fondé sur des lois mathématiques inspire encore le Compendium de Descartes et le Traité de Rameau. On sait que Rousseau critique cette conception ramiste de l’harmonie qui enserre l’expression individuelle de l’affectivité et des passions et déprend la voix de son pouvoir d’agir sur autrui par la persuasion [22]. Sa conception de la musique est ouvertement dictée par des considérations politiques et sa contestation du tempérament s’explique par la nécessité pour lui de libérer la durée musicale afin d’établir une nouvelle temporalité historique susceptible de favoriser le changement social [23].
16 C’est dans le cadre cartésien qu’il faut recevoir les réflexions de Leibniz, analysées par Mélanie Heard, sur la place et le sens des dissonances dans la musique baroque. Si la musique est conçue comme une métaphore de la divina mathesis qui préside à l’ordre de l’univers, alors la dissonance doit être comprise selon cet ordre, à la manière du mal, doté d’une fonction précise dans la théodicée leibnizienne, et porteuse d’une fonction d’éveil, altération de l’ordre et non altérité à cet ordre. On pourrait dire que la dernière grande tentative de restitution de l’essence de la musique par son rapport aux nombres est celle de Max Weber qui, tout en situant l’esthétique du côté du pôle irrationnel de l’existence, conçoit le développement de l’harmonie occidentale comme un vaste mouvement de rationalisation qui a précédé et inspiré celui de la science [24]. Les échelles, les modes et le système lui-même ne sont que le produit d’une rationalisation qui n’est toutefois plus ici seulement gouvernée par son rapprochement avec les structures physiques mais ordonnée à la question de la communicabilité.
17 Les théories célèbres et discutées de Meyer et de Cooke sur la signification musicale, comme les recherches de Francès et Imberty en psychologie expérimentale, semblent confirmer cette thèse d’une objectivité sémantique de l’idiome musical [25], notamment à partir de l’articulation entre tension et détente propre à l’attraction de la tonique. Et certains compositeurs semblent l’avoir utilisée systématiquement [26]. Cette approche, pourtant la plus attestée, n’est sans doute pas celle qui permet le mieux de comprendre, du point de vue sémantique, les rapports entre musique et politique. Parce que, d’après ces recherches, les potentialités symboliques de la musique établies à partir de corrélations entre l’intégration de la forme, du temps et du Moi, portent davantage sur l’expressivité connotant un contexte déterminé que sur la stricte dénotation intrinsèque de contenus sémantiques tandis que les significations associées à la perception de motifs musicaux sont le plus souvent le résultat d’une codification à laquelle l’auditeur a été acculturé. Mais, à partir de là, reste problématique une compréhension des rapports entre musique et politique qui honore la question de sa représentativité. Lorsque Schopenhauer définit la musique comme « la copie d’un modèle qui lui-même ne peut jamais être représenté [27] », il veut signifier par là que la musique, indépendante du monde phénoménal, n’est pas la reproduction des idées mais l’incarnation immédiate de la volonté. Alors que les concepts abstraits sont les universalia post rem et que la réalité fournit les universalia in re, la musique révèle les universalia ante rem et n’a donc pas pour objet la représentation [28]. La musique, plus profondément, procure une connaissance « immédiate, simultanée et sensible » de rapports numériques qui manifestent non des idées mais la volonté elle-même ou l’âme du monde [29]. Le texte musical est ainsi une expérience sonore agencée de telle manière qu’elle puisse évoquer une expérience du monde et se prêter à une interprétation symbolique.
18 La lecture de Wittgenstein, à laquelle se livre Philippe de Lara, éclaire ce point à partir du phénomène de la compréhension. La compréhension musicale noue des aspects opposés de la signification et ouvre non à la saisie d’une description mais à l’appréhension d’un geste expressif. Les émotions, en présence desquelles la musique place l’auditeur, ne sont pas privatisées ou subjectivées mais plutôt « impersonnalisées » de telle manière que l’articulation entre le registre esthétique de l’œuvre et le registre sociologique des valeurs s’agencent dans la production d’une relation où l’intime et le public témoignent de leur commune contribution à l’édification de la communauté humaine.
19 C’est bien dans la médiation que la musique opère entre le monde et la signification et non dans l’imitation de la visée signifiante du langage que réside donc la clé de sa portée politique.
20 Il faut alors se tourner vers Adorno pour saisir le processus d’émancipation de la musique à l’égard du beau et son ordination à la vérité. Car, dans ce processus semble gésir le principe de sa politisation. À partir du postulat de l’immanence historique du matériau musical [30] et du refus de tout fondement naturel des sons, Adorno développe la thèse, d’une part, d’une ressemblance morphologique de la musique avec le langage et, d’autre part, d’une infime différence entre les deux idiomes qui confère à la première ce caractère insondable interdisant sa clôture dans un système univoque de signification. L’œuvre musicale, ainsi, ne peut se confondre avec un simple reflet du monde et pourtant son matériau entretient un rapport nécessaire avec la réalité sociale. La portée politique d’une œuvre n’est pas dépendante des positions politiques de son auteur qu’elle transcende toujours car sa valeur ne réside en définitive que dans son contenu de vérité [31]. Adorno peut ainsi parler à propos des pièces de Krenek d’une « rébellion de la musique contre son propre sens [32] », parce que, dans cette nouvelle dissociation entre le sens et l’expression, la musique cesse d’apparaître comme la contrepartie du langage verbal et devient pure protestation. L’esthétique traditionnelle de l’« hétéro-représentation » se mue ici en une esthétique nouvelle de l’« auto-présentation ». La vérité d’une œuvre musicale n’est donc en rien arrimée au langage naturel et aux intentions de son auteur. Elle se délivre uniquement dans son exactitude qui est destin, « domination portée à l’abstraction pure [33] ».
21 L’intérêt des positions théoriques d’Adorno est de nous contraindre à penser les ressorts fondamentaux de la politisation de la musique à partir de sa forme pure et du voilement inévitable de ses intentions. Comme le rappelle David Smadja, Adorno voyait ainsi dans le jazz une des modalités de l’individualisme moderne et stigmatisait ce que cette musique contenait, selon lui, de conformisme et de standardisation. Cette musique exprime donc, à son insu, par le simple déploiement de sa rhétorique propre, une signification politique en accord avec l’anthropologie qui a présidé à sa naissance. Si la vérité de la musique est indépendante de sa volonté représentative, c’est parce que « la musique a, d’une manière générale, un lien plus étroit avec la logique dialectique qu’avec la logique discursive [34] ». Et s’il est possible de parler de progressisme en musique, à propos de Mahler par exemple, ce n’est pas forcément à partir d’une innovation portant sur les formes ou le matériau, mais plus profondément et plus discrètement, en raison de quelques vacillements du langage venant « matérialis(er) un contenu qui ne se laisse pas résorber dans la forme [35] ». On reconnaît là cette idée chère à Adorno, d’une « théorie matérielle des formes », déduction des catégories formelles à partir de leur sens, autorisant à rapprocher le geste de Mahler de ceux de Proust ou de Dostoïevski et permettant d’identifier une « musique romanesque [36] ». qui « semble véritablement parler [37] ». La musique alors peut dans certains cas exprimer l’essence de la société, comme Durkheim le pensait de la religion, parce que l’œuvre maîtresse « prétend, non seulement constituer en elle-même une totalité, mais également en produire une autour d’elle par son effet [38] ». En cela réside la dimension religieuse du phénomène musical : « Toute musique a pour Idée la forme du Nom divin. Prière démythifiée, délivrée de la magie de l’effet, la musique représente la tentative humaine, si vaine soit-elle, d’énoncer le Nom lui-même, au lieu de communiquer des significations [39]. »
22 On comprend, dans cette perspective, que l’œuvre ne réfracte plus un équilibre supérieur enfermé dans les structures pérennes de la sonorité mais un équilibre à venir en quête de ses propres fondements. Il ne s’agit donc plus de comprendre la musique dans une esthétique du beau, qui suppose l’unité de la forme et de l’expression et l’intégration des parties au tout, mais dans une esthétique du vrai qui intègre la multiplicité, la fragmentation et la contradiction. Dans cette œuvre de l’homme intérieur qui échappe aux déterminations objectives, c’est le déploiement de la vérité qui s’accomplit dans l’ambivalence même d’un langage défait de sa clôture : la dissonance n’est plus une tension mais une forme en soi, le timbre acquiert une valeur structurelle au même titre que la hauteur et l’intensité, le rythme s’affranchit de toute inscription dans l’alternance de temps forts et de temps faibles. Ce que suggère Adorno, à propos de l’enjeu de la musique nouvelle, identification d’une forme produisant ses propres lois hors de tout articulation à une structure sous-jacente extra-musicale et généralisable, c’est bien l’émancipation du sujet lui-même. La citation de Hegel par laquelle il ouvre sa Philosophie de la nouvelle musique [40] nous enseigne que la signification prise dans l’expression musicale est d’abord éthique et spirituelle et que la musique est un enjeu et un moment de vérité dans la mesure exacte où elle a perdu sa vocation à exprimer un consensus politique. Elle est quête d’un ordre et recherche d’une règle [41] mais à la condition que chaque moment s’ouvre sur l’inconnu et l’attente et ne soit inscrit que dans l’incertitude de ce qui advient [42].
23 Se placer dans cette perspective, ce n’est pas rechercher la vérité de la musique hors d’elle mais plus profondément inscrire les contraintes sociales et politiques dans ce processus de création de l’intériorité qui est le propre du geste musical et par là penser autrement le rapport à l’altérité. Car « la musique lie et délie le sonore, la musique lie et délie les corps, la musique lie et délie les passions, la musique lie et délie les pensées, la musique lie et délie les hommes [43] ». Mais ce sens politique et anthropologique que revêt la musique est à la mesure de sa liberté à l’égard de toute intention signifiante. Elle peut exprimer la vérité parce que, précisément elle ne dit rien et « soustraite à tout sens », elle peut faire « comme si elle était bel et bien, directement, le Nom [44] ». ?
Notes
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[1]
John Blacking, Le sens musical, (1973), trad. de l’angl. par Eric et Marika Blondel, Paris, Éditions de Minuit, 1980, p. 101.
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[2]
Jean-Jacques Rousseau, Dictionnaire de musique, art. « Musique », in Oeuvres complètes, t. 5, Paris, Gallimard (coll. « La Pléiade »), 1995, p. 922.
-
[3]
« La musique et l’art sont une expérience et non une connaissance transmissible selon les recettes d’un Wissenschaft », Jean Leca, Pour(quoi) la philosophie politique, Paris, Presses de Sciences Po, 2001, p. 43.
-
[4]
Pour une illustration récente de cette approche, voir : Alain Darré (dir.), Musique et politique. Les répertoires de l’identité, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1996.
-
[5]
J. J. Rousseau, Dictionnaire de musique, op. cit., p. 924.
-
[6]
Platon, La République, 424 b-c ; Les Lois, 659e-660a, 812a-d.
-
[7]
Platon, Philèbe, 64d-65a ; Timée, 87c et 90a.
-
[8]
Aristote, Politique, Livre VIII, chap. 5 et 6.
-
[9]
Pamela M. Potter, Most German of the Arts. Musicology and Society from the Weimar Republic to the End of Hitler’s Reich, New Haven-Londres, Yale University Press, 1998.
-
[10]
Esteban Buch, La Neuvième de Beethoven. Une histoire politique, Paris, Gallimard, 1999, p. 308.
-
[11]
La syntaxe musicale est organisée au niveau des traits morphologiques dont la note est porteuse et ne présente pas d’enchaînement d’unités dotées de significations. Le langage au contraire est dotée d’une double articulation en phonèmes et monèmes qui permet toutes les commutations fonctionnelles. En musique, la sémantique et la syntaxe coïncident exactement.
-
[12]
C’est Hanslick qui le premier a développé cette définition de la musique comme forme en mouvement : Eduard Hanslick, Du beau dans la musique (1854), trad. de l’allemand par Charles Bannelier, Paris, Christian Bourgois, 1986. On peut rattacher à cette position cette définition récente selon laquelle « la musique serait un système de différences qui structure le temps sous la catégorie du sonore ». André Boucourechliev, Le langage musical, Paris, Fayard, 1993, p. 21.
-
[13]
« La musique n’est pas un langage qui dit comment la société semble être constituée, mais l’expression métaphorique de sentiments associés à la manière dont elle est effectivement constituée », John Blacking, Le sens musical, op. cit., p. 117.
-
[14]
Jiri Smrz, « Symphonic Marxism : Sovietizing Pre-Revolutionary Russian Music Under Staline », Discourses in Music, vol. 4, n° 3, summer 2003. Disponible sur http:// www. discourses. ca.
-
[15]
Voir le texte « Mon attitude vis-à-vis de la politique » du 16 février 1950, reproduit dans Arnold Schoenberg, Le style et l’idée, trad. de l’angl. par Christiane de Lisle, Paris, Buchet/Chastel, 1977, p. 385-386.
-
[16]
« Il y a toute une série de compositeurs contemporains chez qui se décèle, si l’on peut dire, une conscience créatrice “malheureuse” ; parce que, pris dans la grande révolution actuelle qui change le sens et la nature de la musique, ils se sentent tenus d’écrire des œuvres plus modernes qu’eux-mêmes », Olivier Alain « Le langage musical de Schoenberg à nos jours » dans : Norbert Dufourcq, La Musique, Paris, Larousse, 1965, p. 354-386, cité par Bernard Sève, L’altération musicale, Paris, Seuil, 2002, p. 195.
-
[17]
Il y a une histoire de la musique à écrire à partir de ses scandales. Cf. Nicolas Slonimsky, Lexicon of Musical Invective. Critical Assaults on Composers Since Beethoven’s Time, Seattle/Londres, University of Washington Press, 1965.
-
[18]
Cf. AntonioTrudu, La “Scuola” di Darmstadt. I Ferienkurse dal 1946 a oggi, Milan, Ricordi-Unicopoli, 1992.
-
[19]
Luciano Berio, Entretiens avec Rossana Dalmonte (1981), trad. de l’ital. par Martin Kaltenecker, Paris, Lattès, 1983, p. 73.
-
[20]
Luigi Nono, Écrits, trad. de l’ital. sous la dir. de Laurent Feneyrou, Paris, Christian Bourgois, 1993.
-
[21]
Cf. Jean-Jacques Nattiez, Fondements d’une sémiologie de la musique, Paris, UGE, 1976, p. 129-193.
-
[22]
J. J. Rousseau, L’origine de la mélodie, dans : Oeuvres complètes, t. 5, op. cit., p. 340 et Essai sur l’origine des langues, ibid., p. 410-429.
-
[23]
Cf. Marie-Élisabeth Duchez, « Jean-Jacques Rousseau historien de la musique », dans : Hugues Dufourt, Joël-Marie Fauquet (dir.), La musique : du théorique au politique, Paris, Aux amateurs de livres-Klinckslieck, 1991, p. 39-111 ; Marie-Élisabeth Duchez, « Principe de la mélodie et origine des langues », Revue de musicologie, LX, 1-2, 1975, p. 33-86.
-
[24]
Max Weber, Sociologie de la musique. Les fondements rationnels et sociaux de la musique (1921), intro., trad. et notes de Jean Molino et Emmanuel Pedler, Paris, Métailié, 1998.
-
[25]
Leonard B. Meyer, Emotion and Meaning in Music, Chicago, University of Chicago Press, 1956 ; Deryck Cooke, The Language of Music, Londres-Oxford-New York, Oxford University Press, 1959 ; Robert Francès, La perception de la musique, Paris, Vrin, 1958. Michel Imberty, Entendre la musique. Sémantique psychologique de la musique, vol I, Paris, Dunod, 1979 et Les Écritures du temps. Sémantique psychologique de la musique, vol II, Paris, Dunod, 1981.
-
[26]
En particulier J. S. Bach : cf. Albert Schweitzer, J. S. Bach, le musicien-poète (1905), Lausanne, éditions M. et P. Foetisch, 1953 ; Philippe Charru, Chritoph Theobald, L’Esprit créateur dans la pensée musicale de Jean-Sébastien Bach, Paris, Mardaga, 2002.
-
[27]
Arthur Schopenhauer, Le monde comme volonté et comme représentation (1819), trad. en français par Auguste Burdeau, Paris, PUF (coll. « Quadrige »), 2003, p. 328.
-
[28]
Ibid., p. 336-337.
-
[29]
Ibid., p. 1189-1192.
-
[30]
« Le matériau lui-même, c’est de l’esprit sédimenté, quelque chose de socialement préformé à travers la conscience des hommes », Theodor W. Adorno, Philosophie de la nouvelle musique (1949), trad. de l’all. par Hans Hildenbrad et Alex Lindenberg, Paris, Gallimard, 1962, p. 45.
-
[31]
« (L’œuvre) prend fait et cause pour la vérité de la société contre l’individu qui se rend compte de la non-vérité de cette société et qui est lui-même cette non-vérité », ibid., p. 61.
-
[32]
Ibid., p. 136.
-
[33]
Ibid., p. 76.
-
[34]
Theodor. W. Adorno, Mahler. Une physionomie musicale (1960), trad. de l’all. par Jean-Louis Leleu et Theo Leydenbach, Paris, Éditions de Minuit, 1976, p. 29.
-
[35]
Ibid., p. 41.
-
[36]
Ibid., p. 107.
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[37]
Ibid., p. 39.
-
[38]
Ibid., p. 204.
-
[39]
Theodor W. Adorno, Quasi una fantasia (1963), trad. de l’all. par Jean-Louis Leleu et Ole Hansen-Løve, Paris, Gallimard, 1982, p. 4.
-
[40]
« Car dans l’art, nous n’avons pas affaire à un jeu simplement agréable et utile, mais au déploiement de la vérité » (Hegel, Esthétique, III, cité par Adorno, ibid., p. 4).
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[41]
Cf. Pierre Boulez, Penser la musique d’aujourd’hui, Paris, Gonthier, 1964.
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[42]
Ce qui implique, dans un dernier paradoxe, que le critère d’évaluation d’une musique ne repose jamais sur des présupposés historicistes. Cf. Karl Popper, La Quête inachevée (1976), trad. de l’angl. par Renée Bouveresse et al., Paris, Calmann-Lévy, 1981 (en particulier chap. XIII et XIV).
-
[43]
Bernard Sève, L’altération musicale, op. cit., p. 148.
-
[44]
Theodor W. Adorno, Quasi una fantasia, op. cit., p. 7.