Couverture de RAC_040

Article de revue

La lutte contre l’ambroisie

Gestion biosécuritaire d’une espèce invasive

Pages 455 à 480

Notes

  • [1]
    Voir la définition de l’UICN (William & Gubdling, 2000).
  • [2]
    Voir par exemple Pyšek & Richardson (2010) et Pimentel (2011).
  • [3]
    Voir la Convention sur la diversité biologique (1992), la Convention de Berne (1979).
  • [4]
    Hormis quelques exceptions, voir notamment Barker (2008), Clark (2013), Head, Atchinson & Philipps (2015).
  • [5]
    Certains scientifiques contestent le caractère néfaste des espèces exotiques envahissantes ou même l’usage de la notion (David & Thompson, 2001).
  • [6]
    Hormis quelques exceptions, voir notamment Barker (2008), Clark (2013), Head, Atchinson & Philipps (2015), Helmreich (2009).
  • [7]
    Voir par exemple : Coupaye (2013), Helmreich (2009), Houdard & Thiery (2011), Tsing (2015), Vinck (2009), Blanc et al. (2017).
  • [8]
    Les extraits d’entretien sont indiqués par des guillemets, pour les citations de dire d’acteur, les italiques sont utilisés. Les personnes sont anonymisées, sauf quand il s’agit de parole publique ou que l’autorisation en a été donnée.
  • [9]
    Espèce capable de coloniser des milieux instables, dépourvus de vie, aux conditions climatiques et édaphiques difficiles (Muller, 2004).
  • [10]
    « Rudéral » vient du latin rudus, qui signifie « ruines », « décombres » et désigne des espaces en jachère, ouverts et perturbés, formés parfois naturellement, plus souvent suite à l’action humaine (Menozzi, Marco & Léonard, 2011).
  • [11]
    Site de l’Observatoire des ambroisies, http://www.ambroisie.info/
  • [12]
    Le terme de « contaminé » pour désigner des sols emplis de graines d’ambroisie est invoqué par de nombreux agriculteurs, gestionnaires ou référents, de même que par les scientifiques de l’INRA et du RNSA.
  • [13]
    L’AFEDA (Association française d’étude des ambroisies) fondée en 1983 est le premier organisme à lancer l’alerte.
  • [14]
    Voir les arrêtés n° 2000 3261 – Préfecture du Rhône ; n° 2000-1572 – Préfecture de l’Isère ; n° 1641, 3 mai 2000 – Préfecture de la Drôme.
  • [15]
    Il existe bien des arrêtés préfectoraux, mais ceux-ci ne sont pratiquement jamais appliqués.
  • [16]
    « Les plantes bio-indicatrices », émission de France Culture, Terre à terre, du 22 février 2014.
  • [17]
    Dans son ouvrage, il reconnaît que l’ambroisie ne constitue pas l’indicateur de la qualité des sols le plus précis car elle est capable de pousser sur une grande variété de terreaux différents.

Introduction : Anthropologie d’une espèce invasive

1Tous les ans, les habitants de la région Rhône-Alpes sont touchés par un « rhume des foins » singulier, au début du mois de septembre. Les enfants manquent la rentrée, les employés pleurent sur leur bureau, l’ambroisie est de retour. Le phénomène est quasiment inconnu dans le reste de la France, où l’ambroisie évoque plutôt le nectar embaumé consommé par les dieux dans la mythologie grecque de la haute Antiquité. Et pourtant, l’espèce dont il est ici question, Ambrosia artemisiifolia, ne renvoie pas à cet imaginaire mythique mais à une plante envahissante au pollen fortement allergisant. L’ambroisie fait partie de ces organismes qui aujourd’hui prolifèrent : les « espèces invasives ».

2Le terme renvoie au développement intempestif d’une espèce en dehors de son aire d’origine [1]. Causant des dommages à la faune et à la flore, les espèces invasives sont considérées comme une menace pour la biodiversité, l’agriculture et la santé humaine par de nombreux scientifiques [2], médias et organisations internationales [3]. Si le vivant a toujours été mobile, le développement des invasions biologiques est interprété comme un phénomène nouveau, généré par la mondialisation croissante des échanges (Claeys & Sirost, 2010 ; Clark, 2013 ; Dobson, 2013). Cette mobilité biologique exponentielle représenterait une menace pour les écosystèmes et le territoire national.

3Ainsi, la lutte contre les invasions biologiques s’organise à travers la régulation des échanges. L’Australie, l’Afrique du Sud, la Nouvelle-Zélande ou les États-Unis ont instauré des politiques de quarantaines exigeantes. Aux frontières, des contrôles douaniers font le tri entre organismes désirables et indésirables. La notion d’espèce invasive réactive la tension entre le local et le global dans la gestion de la nature. La gestion des invasions biologiques développe une rationalité du risque similaire à celle des zoonoses (Dobson, 2013). Avec ses milliers de graines en dormance et ses nuages de pollen, l’ambroisie constitue un danger invisible et latent, semblable aux réservoirs animaux. Face à ce type de menace, les mesures sanitaires se déploient « au cœur même de l’entité vivante » (Hinchliffe et al., 2013). La lutte contre l’ambroisie s’inscrit dans le champ de la biosécurité, cette nouvelle forme de gouvernance du vivant qui a pour objectif de « sécuriser la santé » (Lakoff & Collier, 2008, p. 8) – humaine, animale, végétale – face aux nouvelles menaces.

4Malgré de nombreuses similitudes avec les zoonoses, les espèces invasives demeurent marginales dans la littérature sur la biosécurité [4]. Cet article propose d’étudier le cas de l’invasion de l’ambroisie en France. Accusée de menacer la santé humaine et la biodiversité, la plante soulève une mobilisation sans équivalent dans le pays. La « lutte contre l’ambroisie », ce combat pour remettre à sa place, endiguer, voir éradiquer un être vivant du territoire, sera interrogée dans ses dimensions écologiques, techniques et politiques. Nous examinerons la biosécurité « par le bas » (Fortané & Keck, 2015) à travers la mise en place des pratiques de surveillance et de gestion. Dans la lignée de Nading (2014), Keck (2010) et Fearnley (2013), il s’agira de comprendre comment ces dispositifs expriment et reconfigurent les relations entre humains et non-humains, recomposent les frontières entre le domestique et le sauvage, le naturel et l’artificiel.

Les invasions biologiques : un vivant en crise

L’avènement d’un point de vue biosécuritaire

5L’invasion biologique fait l’objet de nombreuses définitions et demeure une entité scientifique et politique instable [5]. Du point de vue scientifique, les espèces invasives doivent être désignées sous le terme d’« espèce exotique envahissante » (EEE), certaines autochtones pouvant aussi se comporter en invasives. La déclaration de l’UICN fournit l’une des définitions les plus consensuelles parlant d’« espèces allochtones dont l’introduction par l’Homme (volontaire ou fortuite), l’implantation et la propagation menacent les écosystèmes, les habitats ou les espèces indigènes avec des conséquences écologiques ou économiques ou sanitaires négatives » (UICN, 2000 ; McNeely et al., 2001).

6Si l’anxiété vis-à-vis des « invasions biologiques » est un phénomène relativement nouveau, la classification des espèces à partir de leur aire d’origine remonte au moins au XVIIIe siècle. L’un des premiers à distinguer formellement les espèces « exotiques » des espèces « autochtones » est Linné. Celui-ci envoie son élève Pehr Kalm collecter en Amérique du Nord des plantes étrangères afin de les exploiter en Suède (Simberloff, 2013). Par la suite, au XIXe siècle, de nombreux projets d’acclimatation émergent avec l’expansion impérialiste. Collectées dans les colonies, faune et flore exotiques sont importées en Europe et révèlent la richesse de ces Empires. Inversement, la naturalisation de plantes européennes hors de la métropole permet une appropriation économique et symbolique des territoires colonisés (Osborne, 2001). La circulation et l’acclimatation des espèces par les puissances coloniales exemplifiaient leur domination achevée des ressources du globe.

7Au début du XXe siècle, un basculement s’opère toutefois vers le « paradigme nativiste » (Chew, 2006). Dans les anciennes colonies du Commonwealth, le désir de créer un pays cosmopolite fut bientôt remplacé par un « enthousiasme pour le natif et une peur de l’étranger » (Pauly, 2008), tandis que les biologistes réalisèrent que l’importation d’espèces occasionnait aussi la propagation de nuisibles. Ce n’est toutefois qu’en 1958, après deux guerres mondiales accompagnées de leur lot de circulation, que l’acte fondateur de la biologie des invasions fut posé. Celui qu’on considère aujourd’hui comme le père de la discipline, Charles Elton, publia The Ecology of Invasion by Animals and Plants en 1958, inaugurant l’étude scientifique des invasions biologiques. Dans le premier paragraphe de l’ouvrage, il introduisit ainsi son sujet : « Les bombes nucléaires et la guerre ne sont pas seules à nous menacer. Il existe d’autres sortes d’explosions, et ce livre est à propos des explosions écologiques » (1958, p. 1). La proposition d’Elton n’était pas uniquement académique mais aussi politique : l’étude scientifique devait alerter et fournir des méthodes pratiques de lutte contre les espèces invasives.

8L’institutionnalisation de la discipline se poursuit à la fin des années 1980, alors que sont mis en lumière deux autres changements écologiques mondiaux (perte de la biodiversité et réchauffement climatique). Elle s’accompagne alors d’une mobilisation politique et médiatique. En 1992, lors de la déclaration de Rio, les espèces envahissantes sont dénoncées comme la seconde cause de perte de la biodiversité. À côté des « listes rouges » d’espèces menacées furent établies des « listes noires », recensant les espèces invasives les plus dangereuses. Dans de nombreuses sphères, les invasions biologiques se pensent aujourd’hui sur le mode de la crise écologique.

Investir les invasions biologiques en sciences sociales

9Contrairement à la biodiversité, les invasions biologiques sont encore peu investies par les sciences sociales. Les quelques études existantes s’intéressent majoritairement à ce découpage singulier du monde vivant, entre natif et étranger [6]. Anthropologues et sociologues analysent la dimension idéologique de cette taxonomie, qui véhiculerait un rejet de l’altérité ou une forme masquée de xénophobie (voir Tassin & Kull, 2012 ; Rémy & Beck, 2008 ; Comaroffs, 2001 ; Subramaniam, 2001). Tsing (1995) se penche ainsi sur le cas de l’invasion de « l’abeille africaine » aux États-Unis pour examiner comment les attributs du migrant – agressivité, mobilité, reproduction frénétique – sont projetés sur cette espèce. De même que Comaroffs (2001), elle considère le discours sur les invasions biologiques comme une projection des anxiétés nationalistes dans le champ de l’environnement. Pour Subramanian (2001), la biologie des invasions participerait alors à naturaliser les logiques xénophobes et racistes.

10Ces approches ont le mérite de problématiser les catégories scientifiques et profanes avec lesquelles est appréhendé le phénomène des « invasions biologiques ». Toutefois, elles offrent une version réductrice des acteurs concernés : les scientifiques y sont des agents conservateurs de la naturalisation et la population des réactionnaires prompts à la xénophobie. Plus problématique, leur analyse se limite essentiellement au plan de la rhétorique et ignore les pratiques concrètes de gestion des espèces invasives. Les interactions avec les organismes vivants sont cantonnées à un cadre discursif et uniquement appréhendées à travers des logiques culturelles humaines. Dans ces travaux, l’environnement constitue un espace de projection de problématiques sociopolitiques, un arrière-plan passif ou un miroir des sociétés humaines. Latour nous met pourtant en garde contre « l’écueil des représentations sociales de la nature » (2004, p. 32) qui masque les processus physiques à l’œuvre. Ces approches sont symptomatiques d’un certain constructionnisme social qui, dans la lignée de la remise en cause du naturalisme, s’attelle à démontrer comment les faits « naturels » ou « biologiques » sont en réalité des constructions sociales. Stacy Alaimo (2010) dénonce d’ailleurs cette dérive de la critique du naturalisme qui reproduit le dualisme nature/culture via une élimination du premier terme et une inflation du second.

11Dans la lignée de cette critique, cet article cherche à éviter les analyses constructionnistes. Il s’inscrit dans un mouvement relativement récent dans le champ STS et des humanités environnementales qui cherche à remettre en lumière la matérialité de leur objet d’étude et son rôle dans les interactions sociales [7]. Au-delà des logiques symboliques, la lutte contre l’ambroisie est appréhendée dans les dimensions écologiques, spatiales et techniques. Il s’agit moins d’attribuer une agentivité potentielle et générique en tant que « non-humain », que de laisser place à la sensibilité et temporalité de la plante, à ses diverses formes d’expressions matérielles, des champs d’ambroisie au grain de pollen.

12La lutte contre l’ambroisie constitue une confrontation avec un être multiforme, qui envahit des espaces « naturels » ou « anthropisés » qui ne lui sont pas destinés. Elle diffère de l’exploitation des ressources naturelles ou de la préservation de la biodiversité et soulève des enjeux environnementaux originaux. L’invasion de l’ambroisie complique potentiellement l’idée du naturel et de son rapport au social. Tout en étant un être biologique, l’introduction de la plante – et surtout sa diffusion – résulte de l’intervention humaine. De plus, son invasion rend visible l’irruption d’une agentivité biologique. Alors qu’en Occident les plantes ont longtemps été caractérisées par l’immobilité (Marder, 2013), l’ambroisie « envahit » et « conquiert » les territoires. Elle bouleverse l’association classique des oppositions spontanée/cultivée, sauvage/domestique, naturel/artificiel comme le font par exemple les animaux sauvages réintroduits (Bobbé, 2004). On examinera dans cet article si la confrontation avec cette espèce végétale inédite contribue davantage à renforcer ou à reconfigurer les rapports sociaux vis-à-vis du vivant.

13Les données ont été obtenues à travers une enquête de terrain de neuf semaines dans la région Rhône-Alpes, qui s’appuie sur la réalisation d’entretiens semi-directifs et d’observations participantes en immersion [8]. La première partie de l’enquête fut consacrée à une investigation auprès des principales institutions régionales coordonnant la lutte contre l’ambroisie, ainsi qu’auprès de certains décideurs engagés à la métropole de Lyon, à la chambre d’agriculture régionale et au niveau associatif. Des entretiens ont été réalisés avec la plupart des responsables régionaux. J’ai assisté à des réunions internes, au rassemblement annuel des référents ambroisie, ainsi qu’à des événements de sensibilisation. La seconde partie de l’enquête s’est déroulée dans un groupe de communes rurales près de Montélimar dans la Drôme. Des entretiens ont été menés avec des élus, personnes allergiques, médecins, agriculteurs, référents ambroisie, gestionnaires de voirie et habitants. J’ai participé, entre autres, à des réunions informelles entre agriculteurs et des réunions communales. J’ai par ailleurs pris part à des travaux agricoles et observé plusieurs sessions d’entretien de bords de route.

Appréhender le pathogène et l’artificiel du végétal

14Ambrosia artemisiifolia est une herbacée verte et discrète, qui germe, pollinise, graine et meurt tous les ans en suivant un cours cyclique étalé d’avril à novembre. Deux facteurs expliqueraient, selon les écologues (Chauvel et al., 2006 ; Fumanal et al., 2008 ; Muller, 2004), la rapide propagation de l’ambroisie : des capacités exceptionnelles de reproduction et une vaste amplitude écologique. Après une période de pollinisation intense en juillet et août, la plante graine et délivre entre 3000 et 6000 semences par plant (Fumanal et al., 2007). Grâce à leur enveloppe dure et épineuse, les graines s’accrochent aux textiles, pelages, roues des engins ou sont transportées par l’eau. Fortes d’une importante capacité de dormance, elles peuvent s’accumuler sous terre pendant plusieurs dizaines d’années avant de germer (Toole & Brown, 1946). Caractérisée par les écologues comme une espèce pionnière [9] (Fumanal et al., 2008), l’ambroisie possède une forte résistance au stress hydrique, au sable et à la salinité. Supportant mal la concurrence des autres espèces, on la retrouve principalement sur des sols secs, pauvres et dénudés.

15Aux États-Unis, d’où elle est originaire, la plante occupe depuis le XIXe siècle les périphéries industrielles de grandes villes de l’Est, poussant dans les déchetteries, zones industrielles ou bidonvilles. Le botaniste américain renommé Asa Gray décrit Ambrosia artemisiifolia comme une mauvaise herbe fleurissant sur les « waste place », les espaces en ruine, inutilisés (Gray, 1862, p. 212). Elle est ainsi dénommée ragweed, littéralement, « l’herbe en haillon ». Dans son ouvrage Breathing Scape (2007), Gregg Mitman démontre comment, au début du XXe siècle, parce qu’elle se développe dans « les friches de la civilisation industrielle américaine » (Mitman, 2007, p. 84), l’ambroisie est rattachée par les médecins et fonctionnaires aux « autres mauvaises herbes urbaines, les sans-abris, classes précaires, les migrants, ceux qui vivent dans les marges de la civilisation » (Mitman, 2007, p. 74). Son occupation d’espaces marginaux fait d’elle un « squatter », « une habitante des taudis », un « rat des rivières » (Mitman, 2007, p. 55). L’identité de la plante, associée à la saleté, est fortement marquée par les niches qu’elle occupe.

16Originaire des Grands Lacs, l’ambroisie se répand à travers le globe à partir du XIXe siècle, à travers des échanges commerciaux et militaires. En France, elle est essentiellement présente dans les vallées du Rhône et de la Loire. Elle est signalée pour la première fois en France en 1863 dans l’Allier (Olivier, 1904). Toutefois, ce n’est qu’à partir des années 1970 qu’elle prend véritablement son essor. Les premières infestations importantes sont observées près du chantier de l’aéroport de Satolas à l’est de Lyon. Par la suite, les déplacements de terre liés aux travaux facilitent sa propagation autour de l’Est lyonnais. Parallèlement, les travaux d’extension de l’autoroute A7 Lyon-Marseille dans les années 1970 participent à répandre l’ambroisie à travers l’Isère jusque dans la Drôme. La plante profite aussi de l’intensification de l’agriculture, en particulier de la pratique régulière du labour et la mise en place de monocultures de printemps (tournesol, maïs). En Rhône-Alpes, l’ambroisie sort de terre avec les grandes infrastructures de communication et fleurit dans les exploitations agricoles mécanisées.

17Depuis les années 1980, le développement massif de l’ambroisie engendre de sévères pollinoses qui affectent une partie croissante de la population. En Rhône-Alpes, l’Office régional de la santé (ORS) évaluait la proportion de la population allergique en 2014 à 13 % (9,2 % en 2004), la prévalence pouvant aller jusqu’à 21 % dans les zones fortement exposées (ORS Rhône-Alpes, 2014). Sur les parcelles agricoles, l’expansion de l’ambroisie vient aussi freiner le développement des cultures.

Une « pollution vivante »

18Souvent désignée comme une « saleté » ou « saloperie » par les habitants de la région, la plante est constamment associée à l’impur. Des rumeurs circulent sur sa tige, qui pourrait déclencher des brûlures. Les autorités sanitaires recommandent systématiquement le port de gants et de masque pour arracher l’ambroisie. Les équipes embauchées par les collectivités sont parfois munies de combinaisons intégrales. On trouve souvent à la plante une mauvaise odeur.

19L’ambroisie est créditée d’un statut particulier, moins dû à la nature pathogène de son pollen qu’au caractère suspect de ses origines. De fait, les allergies aux graminées ou au bouleau – toutes aussi problématiques sur le plan sanitaire – n’engendrent pas de semblables mobilisations. En allergologie, ce n’est pas le pollen qui est considéré comme nuisible, mais le fonctionnement du système immunitaire, qui se dérègle en sa présence (McConnell, 2007). Pour autant, le pollen d’ambroisie est considéré particulièrement « agressif » par les allergologues lyonnais et le Réseau national de surveillance aérobiologique (RNSA). La pollinose à l’ambroisie, dans sa dimension excessivement pathogène, est révélatrice, selon Jean-Louis Brunet, allergologue, d’un déséquilibre, d’une « perte d’homéostasie des écosystèmes ».

20Les institutions impliquées dans la surveillance aérobiologique – RNSA, AFEDA (Association française d’étude des ambroisies) – distinguent alors le pollen d’ambroisie en le désignant sous le nom de « polluant biologique ». Parce que l’ambroisie fut introduite par l’homme, Michel Thibaudon, directeur du RNSA, considère son pollen comme une « exposition d’origine anthropique ». À l’inverse, les graminées, très allergènes, sont « naturelles » et « vitales ». Il affirme qu’« elles poussent dans les prairies, toutes seules, elles ont un rôle à jouer ». La notion de polluant biologique vient souligner l’origine anthropique, donc artificielle, du pollen d’ambroisie.

21L’ambroisie se développe dans les champs ou les jardins, sans y être cultivée. Elle est absente des grands parangons contemporains de la nature sauvage : la forêt, les réserves naturelles, les montagnes. Indésirable dans les espaces domestiques, rare dans les espaces sauvages, elle n’appartient véritablement ni à la première sphère ni à la seconde. Sa présence est considérée comme artificielle – car introduite par l’homme – mais la plante pousse spontanément. L’ambroisie est associée avant tout aux espaces rudéraux [10]. La plante pousse « là où les autres plantes ne poussent pas », « là où la terre a été retournée », me répète-t-on maintes et maintes fois, et « où le sol est mis à nu ». En zone urbaine, elle prolifère sur les bords de route, les ronds-points et les parkings, autour des décharges, des décombres, des chantiers ou des friches. « À Bourgoin, l’ambroisie a complètement envahi l’ancienne zone industrielle. […] Dès qu’une zone est un peu négligée, on retrouve l’ambroisie », m’explique Patricia Veyrenc, référente ambroisie à l’intercommunalité de la CAPI. La plante occupe des terrains en transition, ni vierges, ni cultivés, ni construits. Ainsi, elle émerge dans le creux des espaces canoniques occidentaux du vivant. Alex Nading (2014, p. 27) parle d’ecological gap, pour décrire ces interstices à la fois spatiaux et symboliques entre « les dualismes que nous utilisons traditionnellement pour penser le vivant, dans l’intervalle entre le naturel et l’artificiel, le sauvage et le domestique, entre le déchet et la ressource ». Alors que l’anthropisation du territoire menace d’ordinaire la végétation, elle favorise ici l’ambroisie. Sans être cultivée par lui, la plante « s’attache aux pas de l’homme » [11].

22Pour l’homme, l’ambroisie n’est pas à sa juste place. L’attribut de la saleté et de la pollution vient signaler cette transgression de l’ordre spatio-symbolique. Le déchet est ce qui ne rentre pas dans l’ordre des choses : l’ambroisie, en envahissant des zones anthropisées contre la volonté des hommes, constitue un « matter out of place » (Douglas, 1971, p. 55).

23La lutte contre la plante devient une entreprise d’assainissement. Dans de nombreuses communes, la gestion de l’ambroisie est prise en charge par les services d’hygiène et de propreté. Lors de l’arrachage, les agents d’entretien de l’agglomération de Montélimar et de la métropole du Grand Lyon parlent de « nettoyer » les bords de route. Une fois déterrés ou fauchés, les plants posent pourtant toujours problème. Souvent laissés à même le sol, ils constitueraient un risque pour leur environnement. Lors de leur réunion annuelle, les référents d’ambroisie s’interrogèrent ainsi sur la gestion de ces « déchets d’ambroisie ». La réponse du responsable des services d’hygiène du Grand Lyon fut formelle : « À partir de fin août, les plants arrachés doivent être transportés à la déchetterie et incinérés séparément. Le compostage, possible au début de l’été, est interdit en août et septembre, car les terres ou composts peuvent devenir alors “contaminées” [12]. » Il recommanda d’éviter autant que possible le contact entre la plante et les autres « déchets verts ». Ces pratiques de tri et de réclusion révèlent une hantise de la contamination.

24Cette problématique de la contamination des sols se pose autant en agriculture que pour les chantiers de toute nature, lorsque d’importantes quantités de terre sont déplacées. Pour Muriel Botton, consultante à Evinerude, il est urgent de mesurer « le taux de contamination des terres » par graines d’ambroisie, de la même manière qu’on mesure leur teneur en éléments chimiques. À l’INRA, l’agroécologue Bruno Chauvel a récemment développé des outils de mesure, basés sur l’observation d’échantillons de terre au microscope. Tout comme le pollen « pollue » l’air, les semences d’ambroisie seraient capables de contaminer leur environnement.

Du pollen à la graine

25Ainsi, ce n’est pas seulement le pollen d’ambroisie qui est considéré comme une « pollution », mais la plante et ses semences. La lutte s’oriente progressivement sur un plan écologique.

26Au début des années 2000, alors que l’ambroisie émergeait comme problème sanitaire, l’ARS et les collectivités s’appliquaient essentiellement à contrôler les émissions de pollen. Les arrêtés préfectoraux exigeaient que les plants d’ambroisie soient éliminés avant la pollinisation, mi-juillet, sans s’inquiéter du devenir des plants après le fauchage. Toutefois, depuis quelques années, ces précautions sanitaires sont progressivement remplacées par une vigilance environnementale. De la même manière que pour de nombreuses zoonoses, la maladie est reléguée dans la sphère privée de la consultation médicale, et la gestion de l’épidémie se déploie sur un plan écologique. Avant de s’immuniser contre une pathologie, il s’agit d’éradiquer une espèce. La graine prend alors une importance décisive.

27Pour comprendre cette priorité conférée à la graine, il est utile de comparer l’ambroisie avec l’autre plante invasive majeure à laquelle sont confrontés les gestionnaires dans la région, la renouée du Japon. La renouée du Japon est une vivace, originaire d’Asie orientale, qui se développe près des cours d’eau. Plante compétitive, à la croissance rapide, elle forme des fourrés denses, qui « étouffent » les autres végétaux. Un massif de renouée est très difficile à éradiquer, tant chimiquement que mécaniquement. Ses rhizomes peuvent s’étendre en largeur et en profondeur sur plus de trois mètres. S’ils sont coupés, ils bouturent facilement pour recréer un plant. Les équipes d’entretien des voiries et cours d’eau utilisent des pelles mécaniques et creusent parfois jusqu’à 5 mètres de profondeur pour extraire la renouée. Souvent décrite comme « épaisse », « robuste », « foisonnante », comparée à « un mur végétal », le gigantisme de la renouée effraie ses gestionnaires.

28On retrouve, entre la renouée et l’ambroisie, l’opposition d’Haudricourt entre les plantes vivaces, à la reproduction clonale, et les plantes annuelles, à la reproduction sexuée (1964). Dans les deux cas de pratiques agricoles comparés par Haudricourt, ces modes distincts de dispersion et de multiplication favorisaient différentes méthodes de culture. Parallèlement, dans le cadre de la gestion des espèces invasives, ils favorisent différentes méthodes de lutte. Alors que l’ambroisie disparaît à la fin de son cycle, la renouée est une plante pérenne dont la souche peut survivre pendant de nombreuses années. Cette dernière se reproduit par bouturage, à partir de son propre corps qui s’étend, se fragmente et se multiplie. Les renouées présentes en Europe et aux États-Unis feraient partie d’un seul et même clone (Hollingsworth & Bailey, 2000). La lutte contre la renouée se cristallise dans la confrontation avec un corps végétal. Celui-ci doit être réduit, fractionné, détaché, discipliné par l’action technique. La plante est avant tout problématique dans sa matérialité. À l’inverse, l’ambroisie est facilement arrachée. Elle n’est pas compétitive et disparaît lorsque le couvert végétal est important. Son « corps » est bien plus évanescent que celui de la renouée. À l’origine, c’est l’accumulation de pollen – donc d’ambroisies – qui constitue la source du risque sanitaire, puis la dissémination de la graine qui augmente la surface du problème.

29Dans le face-à-face entre l’homme et la renouée, c’est l’individu-renouée, dans sa corporéité, qui est visé. À l’inverse, l’individu-ambroisie n’est pas, en soi, problématique pour l’homme. La cible de la lutte est avant tout la population d’ambroisie, comme collectif d’êtres difficilement quantifiables, en partie invisibles et mobiles. La gestion de l’ambroisie va donc s’organiser comme la gestion d’une population d’êtres vivants, à savoir un type particulier d’agrégat, caractérisé comme une « multiplicité biologique » par Foucault (1997, p. 167). Cette multiplicité biologique est fondée et organisée par la reproduction sexuelle, qui sert de pivot entre les corps individuels et la population. Comme il le démontre à propos du gouvernement des hommes, le gouvernement de l’individu passe par la discipline du corps, alors que celui de la population passe par le contrôle de la reproduction. Ainsi, la lutte contre l’ambroisie va progressivement évoluer d’une lutte frontale contre la plante vers une gestion des mécanismes de reproduction, incarnés à travers la graine.

30La cristallisation autour de cette entité, dont la matérialité et la temporalité diffèrent de l’appareil végétatif, transfigure les horizons de la lutte. Contrairement au plant, dont le développement opère sur un mode cyclique, les graines s’accumulent sur un temps long pour former des « réserves » ou « banques » de semences souterraines. De même que les « réservoirs animaux » (Keck, 2013), ces banques de graines constituent des espaces d’émergence difficilement saisissables, en latence, d’un danger prêt à exploser. Les sols de la région hébergeraient des milliers de banques de graines, ce qui conduit l’Observatoire à affirmer que l’implantation de l’ambroisie en Rhône-Alpes est aujourd’hui irréversible. Ce dernier a d’ailleurs relocalisé depuis peu une partie de son action vers les « fronts de colonisation », l’Auvergne, la Charente, la Bourgogne, ces espaces où l’ambroisie encore éparse n’a pas entièrement contaminé les terres. Les banques de graines marquent un point de non-retour dans le processus d’invasion. Elles projettent la lutte contre l’ambroisie vers une temporalité continue, faite de ruptures et d’accumulations.

31Cette attention à la graine oriente par ailleurs le regard sur les dynamiques de circulation. Entités légères, multiples et invisibles, les semences se déplacent en s’appuyant sur le mouvement d’autres agents. À travers elles est appréhendée la mobilité de l’ambroisie, dans un contexte où les plantes sont souvent caractérisées par leur immobilité. Dans leur micro-matérialité, les graines attirent l’attention sur les corps auxquels elles se fixent, voiture, machine, textile, infrastructure. Elles peuvent ainsi révéler les proximités entre la plante et les activités humaines qui participent à la disséminer. La transition de la gestion du pollen à celle de la graine induit un passage de l’aérien au souterrain, du cyclique au continu. Comme nous le verrons, la graine ouvre à des interprétations alternatives au récit officiel narrant l’invasion de l’ambroisie.

Politique de lutte : de la gouvernementalisation à la stigmatisation

32Parce qu’elle envahit des milieux socio-écologiques divers et singuliers, la gestion de la plante n’est pas du ressort des administrateurs traditionnels de la nature, des gestionnaires des parcs et forêts ou des services environnementaux. À l’inverse, elle implique des secteurs qui ne relèvent pas directement des compétences de l’État. Sa prolifération requiert une gouvernance précise et microscopique d’un territoire vaste et pluriel. L’apparatus biosécuritaire s’organise alors à travers le développement d’une gouvernementalité environnementale.

33À ses débuts, la lutte contre l’ambroisie s’est structurée autour d’associations locales [13] et des collectivités territoriales volontaires. À partir des années 2000, plusieurs préfectures, le Rhône, l’Isère, l’Ain et la Drôme, adoptent des décrets qui rendent obligatoire la destruction de l’ambroisie sur propriété privée [14]. L’ARS Rhône-Alpes s’empare du problème et tente de le porter à la connaissance du ministère de la Santé et de la population. En 2011, le ministère de la Santé crée, conjointement avec l’INRA, l’Observatoire des ambroisies et officialise la lutte contre la plante au niveau national.

34Aujourd’hui, la lutte est structurée par un réseau d’institutions étatiques semi-autonomes. Le RNSA (Réseau national de surveillance aérobiologique), en charge de la surveillance pollinique, l’Observatoire et l’ARS représentent les autorités officielles. En parallèle, une variété d’acteurs locaux se mobilise depuis les années 1990, sur la base du volontariat. Certaines intercommunalités (la CAPI, ViennAgglo, Valence, le Grand Lyon), chambres d’agriculture (Isère, Ain), associations locales, instituts techniques agricoles (Cetiom) et compagnies autoroutières (APRR) contribuent activement à façonner la lutte contre l’ambroisie.

Vers une gouvernementalité verte

35Ainsi, les institutions officielles ne s’emploient pas directement à éradiquer la plante, mais déploient des politiques de sensibilisation afin de mobiliser les acteurs de l’aménagement du territoire. Le ministère de la Santé considère que la lutte doit se dérouler à l’échelle « locale », « sur le terrain ». Elle s’opère à travers la responsabilisation des collectifs et des individus. Le 13 juin 2016, l’Université populaire de Lyon organisa une conférence sur l’ambroisie, qu’Anny Gelas, responsable départemental à l’ARS conclut en ces termes :

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« Pour lutter contre ces espèces nuisibles, on peut s’appuyer sur les capacités de l’État et des collectivités territoriales. Mais du fait de leur particularité, on ne peut pas agir seul. On doit agir ensemble, mettre en place des gestes très simples pour contenir leur pouvoir de nuisance vis-à-vis de notre bien-être et de notre santé. L’ambroisie, on est tous concernés dans cette salle, c’est l’affaire de tout le monde. »

37« Ambroisie : l’affaire de tous, la responsabilité de chacun » est un slogan développé par l’ARS Rhône-Alpes il y a une dizaine d’années afin d’inciter à l’action. En l’absence de dispositifs réglementaires véritablement coercitifs [15], l’objectif est d’impliquer le grand public et les professionnels via la convocation de principes moraux. À travers les horizons du bien-être et de la santé publique, la lutte contre l’ambroisie est transfigurée en un problème d’intérêt général. Le slogan de l’ARS s’accompagne d’impératifs : « Reconnaissez-la », « Arrachez-la », « Signalez-la », « Coupez court aux allergies », réalisables par tous. Les collectivités organisent des campagnes d’arrachage, qui reposent sur la mobilisation citoyenne. Dans chacune des communes, un « référent ambroisie » bénévole a été nommé pour administrer la lutte. En 2014 a été mise en place une « plateforme de signalement ambroisie », qui permet au grand public de signaler la présence de la plante via une application. Ces dispositifs font de la lutte contre l’ambroisie une forme d’engagement civique. Au-delà de la mise en œuvre, c’est la responsabilité morale vis-à-vis de l’ambroisie qui est dévolue de l’État aux citoyens.

38Le gouvernement ni n’oblige ni ne punit, mais il incite en cultivant chez les individus certaines valeurs et idéaux. Cette pratique de gouvernance s’apparente à une forme de gouvernementalité (Foucault, 2004). De fait, la politique de responsabilisation vis-à-vis de l’ambroisie s’appuie sur des formes de subjectivation qui lui préexistent. Elle s’inscrit dans un mouvement plus général de gouvernementalisation de l’environnement, déjà étudié par de nombreux chercheurs à partir des années 1990 via les notions de « gouvernementalité verte » (Rutherford, 2007), d’« écopolitique » (Darier, 1999) ou même d’« environnementalité » (Agrawal, 2005). Ces analyses soulignent comment, en Occident, les politiques environnementales en appellent de manière croissante à l’action des individus sous différentes figures (citoyen, électeur, consommateur, usager) via des campagnes de communication, des dispositifs techniques et des mécanismes de marché.

39La surveillance de l’ambroisie prend ainsi forme à travers un régime participatif citoyen. Ce système suppose de rendre l’ambroisie visible au sein du territoire. De fait, la reconnaissance visuelle est placée au cœur des stratégies officielles de communication. « Comment la reconnaître ? », « Reconnaissez-la », « Ne la confondez pas », la physionomie de l’ambroisie est détaillée à travers chaque partie de son anatomie dans les médias et les brochures associatives. L’Observatoire cultive des plants d’ambroisie, exposés dans tous les événements de sensibilisation. Celle-ci est souvent confondue avec l’armoise lors des signalements. Sur les marchés, Diamantidis, élu du Grand Lyon, donne aux passants des techniques pour distinguer les deux plantes : la tige de l’ambroisie est velue, et son vert est plus « éclatant » et ses feuilles plus ciselées que celles de l’armoise. Des sessions d’arrachage organisées en juin sont destinées à entraîner l’œil des participants in situ. L’ambroisie est ainsi rendue visible parmi les autres végétaux.

40Lorsqu’ils sont répétés, ces exercices de reconnaissance forment un œil alerte. Une vigilance se développe particulièrement chez les acteurs officiels de la lutte. À force de traquer l’ambroisie, ceux-ci la remarquent sans même le vouloir. Anne-Laure Triolet, référente intercommunale de ViennAgglo, aperçoit souvent la plante lorsqu’elle circule en voiture : « Ça va m’attirer l’œil, elle a un vert différent des autres plantes. Je n’en rêve pas encore mais j’en vois partout, ça me saute aux yeux. » Le travail de surveillance est souvent exécuté en dehors du cadre professionnel. Pour Étienne Cuénot responsable de l’ambroisie chez APRR, « il faudrait que les employés signalent l’ambroisie de manière opportune et fortuite ». De manière opportune et fortuite, c’est précisément comme cela que s’exerce la surveillance de l’ambroisie.

41Depuis quelques années, la lutte contre l’ambroisie s’oriente de manière croissante vers la surveillance. Le mot d’ordre « signalez-la » a bientôt remplacé l’impératif « arrachez-la » dans les communications de l’ARS. Cette vigilance fait ainsi partie du quotidien de nombreux habitants. Tous les ans, la plateforme reçoit plus de 4500 signalements, sans compter les plaintes directes auprès du référent. Le repérage de plants d’ambroisie est moins le résultat d’une traque organisée que d’observations fortuites. Pascale, une habitante de la Touche, raconte : « L’année dernière, il y avait un champ qui en était cafi. Il y avait deux, trois tournesols qui poussaient et puis que de l’ambroisie, c’était des jachères d’ambroisie. J’ai vu ça, j’étais estomaquée. » La présence d’ambroisie, lorsqu’elle est en grand nombre, choque. Que l’on soit allergique ou non, elle constitue un élément visible et dérangeant dans le paysage. Les habitants exercent ainsi une surveillance passive sur le territoire.

42Or les politiques de surveillance, organisée autour du corps végétal de la plante et de son ancrage dans une surface, masquent les dynamiques de circulation des graines et du pollen. La présence de l’ambroisie est rattachée à un territoire circonscrit plutôt qu’à un réseau de mobilité. Dès lors, la lutte contre l’ambroisie va s’articuler autour de la propriété. Lorsque la responsabilisation s’est édifiée sur une base légale au début des années 2000 avec l’adoption d’arrêtés préfectoraux, la prévention de la pousse et la destruction des plants furent déclarées à la charge du propriétaire. Si ces arrêtés ne sont jamais appliqués, ils offrent toutefois un cadre moral. Les propriétaires ne sont jamais sanctionnés légalement, mais peuvent être stigmatisés. À travers ce régime de visibilité, la présence de l’ambroisie est constituée en une faute individuelle. Des plants d’ambroisie sur son terrain signifient une négligence vis-à-vis du bien-être et de la santé d’autrui. Cela participe à transfigurer la surveillance de l’ambroisie en une surveillance sociale.

Surveillance, stigmatisation, moralisation des agriculteurs

43Dans la région rurale de Montélimar, les premières cibles de cette surveillance sont les agriculteurs, incriminés à la fois en tant que groupe et individus. De fait, l’ambroisie est majoritairement présente sur les parcelles agricoles. En Rhône-Alpes, les surfaces anthropisées, milieu de prédilection de l’ambroisie, sont à 77 % des terres agricoles, selon le Service de la statistique et de la prospective du ministère de l’Agriculture (Agreste, 2014). Toutefois, cette stigmatisation se comprend avant tout à travers la position sociale spécifique des agriculteurs dans les campagnes françaises. Bien qu’elle pousse aussi sur les propriétés de particuliers, l’ambroisie n’y est jamais, ou très rarement, signalée. Le champ et le jardin ne sont pas sujets aux mêmes considérations. Alors que ce dernier est protégé du regard par respect pour la vie privée, le champ assume aujourd’hui un statut ambigu entre privé et public.

44La relation qu’entretient l’agriculture avec le vivant s’est transformée depuis la modernisation agricole, où dominait la figure de l’agriculteur-producteur. De nombreux sociologues parlent aujourd’hui d’une « écologisation de l’agriculture » (Mormont, 2013) pour désigner la montée en puissance des enjeux « environnementaux » dans les politiques publiques, les discussions médiatiques et les pratiques agricoles.

45À partir de la fin des années 1980, plusieurs scandales médiatiques, autour des pesticides, des OGM et des pratiques d’épandage, font émerger la figure de l’« agriculteur-pollueur » (Kalaora & Vlassopoulos, 2013). Ces accusations participent à recomposer l’objet des pratiques agricoles, imposant aux agriculteurs des préoccupations d’intérêt général. Le développement des notions de biodiversité et de paysage étend le projet conservationniste au-delà des parcs naturels, à certaines surfaces agricoles qui deviennent dédiées à la protection d’espèces, comme dans le cas des contrats Natura 2000 (Candau & Ginelli, 2012). Non content de produire des biens économiques, l’agriculteur est chargé de produire des services paysagers et environnementaux au bénéfice de la collectivité. À travers une série de projets tels que la biodiversité, la santé publique, et le paysage, les éléments qu’il manipule acquièrent le statut de biens communs. Il se voit alors attribuer, légalement et moralement, de nouvelles responsabilités vis-à-vis du vivant.

46À ces évolutions s’ajoute une transformation de la composition et de la vocation des espaces ruraux. La rurbanisation des campagnes (Mormont, 2009), qui débute dès le milieu des années 1970, le tourisme rural et le mouvement des néo-ruraux, réorientent cet espace vers une « écologie de l’habitat » (Thomsin, 2001, p. 13). Les activités agricoles, moins marginalisées spatialement, se retrouvent davantage exposées à la vue des riverains. Ces activités se signalant par du bruit et des odeurs, elles passent rarement inaperçues et alimentent les conflits de voisinage, en particulier avec les citadins récemment installés, à la recherche d’une campagne pure et esthétisée. En parallèle de la sphère politique et médiatique, la problématique des pollutions agricoles s’incarne aussi dans les relations locales entre riverains et agriculteurs. Comme l’affirment Bonnaud et Nicourt à propos de l’élevage porcin en Bretagne : « Lorsque la situation est considérée comme problématique, cette visibilité du travail [agricole] l’inscrit dans une dynamique de surveillance et de contrôle social » (2006, p. 15). Ainsi, le champ agricole n’est pas seulement un espace de production économique mais une zone saturée d’enjeux environnementaux et sanitaires. Il prend une dimension semi-publique qui, s’ajoutant à son exposition spatiale croissante, l’ouvre au regard.

47Cette exposition singulière rend les agriculteurs plus vulnérables à la surveillance sociale engendrée par la lutte contre l’ambroisie. De fait, ceux-ci se retrouvent systématiquement au banc des accusés, tant et si bien que la chambre d’agriculture Rhône-Alpes a cru bon de rappeler que « l’ambroisie n’est pas l’amie du paysan » (Synagri, 2016). Bien que les autorités évitent soigneusement de leur faire porter le blâme, ils sont souvent tenus pour responsables de la propagation de l’ambroisie dans les discussions informelles. Plusieurs manifestations ont déjà été organisées en Isère, dans l’Ain ou dans la Drôme devant des champs infestés d’ambroisie pour protester contre l’indifférence présumée des agriculteurs. Lors de la réunion de lancement de la lutte contre l’ambroisie de 2016 à Rochefort-en-Valdaine, les deux agriculteurs de la commune, Jean-Charles et Simon Petit, furent clairement incriminés par une partie des participants, qui les accusèrent de négliger leurs terres et profiter des subventions.

48Cette stigmatisation prend souvent forme au sein de relations de voisinage, où la présence d’ambroisie constitue une forme d’incivilité. Ainsi, à Rocherfort-en-Valdaine, le plan de lutte communal mis en place en 2015 trouve son origine dans un conflit de deux ans entre un agriculteur, Jean-Charles Petit, et son voisin, Paul Bertrand. Paul, ingénieur à la retraite et ancien Parisien, a acheté et emménagé à Rochefort avec sa femme il y a quelques années. En 2014, il remarque que l’un des champs non cultivés jouxtant sa propriété est « infesté d’ambroisie ». Ni lui ni sa femme ne sont allergiques. Toutefois, ils ont eu connaissance de l’ambroisie via les actions de sensibilisation de l’association citoyenne d’Espeluche, Vent sur nos collines. Paul appelle la mairie, qui envoie deux lettres à Jean-Charles, puis contacte l’ARS, sans que son voisin ne réagisse. L’année suivante, en 2015, l’agriculteur sème du tournesol. « Ça a recommencé », explique Paul, « il y avait plus d’ambroisie que de tournesol dans son champ. Je suis retourné à la mairie, le référent ambroisie est allé le voir, il ne lui a pas ouvert. » Il décide de lui faire une lettre recommandée car « vraiment, ce n’était pas civique ». Et « deux jours après, il était là, il nettoyait le champ près de chez moi, entre les plants de tournesol, à la main. Il m’expliqua qu’il aurait voulu faire une culture d’automne mais l’été avait été trop sec et il avait dû se rabattre sur le tournesol. » Le cas de Rochefort illustre la position relationnelle qu’occupe l’ambroisie. Sa présence est considérée comme une forme d’incivilité, dénoncée auprès des pouvoirs publics.

49Sous couvert de citoyenneté et de civisme, les agriculteurs subissent la pression des habitants qui peuvent se plaindre ou signaler leur négligence à la mairie. Leurs champs sont soumis à la surveillance permanente et implicite de leur entourage. Chaque agriculteur, même le plus soigneux, a un jour reçu des plaintes concernant la présence d’ambroisie dans son champ. Or, comme me l’explique Renaud, agriculteur à La Touche, il est difficile d’éradiquer systématiquement la plante sur des dizaines d’hectares. Même en employant des herbicides et techniques mécaniques de désherbage performants, les conditions météorologiques ne sont pas toujours au rendez-vous. Il arrive régulièrement qu’une culture soit « ratée » et que les adventices aient pris le dessus. De même en interculture, la fenêtre d’intervention est très courte. Après les récoltes de juillet, les sols sont souvent trop secs pour être correctement déchaumés et l’ambroisie peut alors repousser.

50S’exerçant au quotidien, cette pression ne dissocie pas le résident du travailleur et s’ajoute aux remarques sur les pesticides et pollutions sonores. Renaud souffrait beaucoup des commentaires de ses amis et des plaintes de ses voisins. Il est tombé en dépression il y a deux ans, ne supportant plus les jugements et le manque de reconnaissance. Suite à sa maladie, il décide, en 2016, de se convertir à l’agriculture biologique. Toutefois, l’ambroisie, plus difficile à contrôler sans herbicide, l’a longtemps fait hésiter. Lors d’un dîner entre amis, je discute avec Inès, la femme de Renaud qui m’explique :

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« Renaud, c’est l’ambroisie qui lui fait peur pour le passage en bio. Bien sûr, il y a d’autres mauvaises herbes mais l’ambroisie, c’est difficile à éradiquer et puis surtout, pour les relations avec le voisinage, c’est pas bon. Pour lui, les relations, c’est important. »

52De nombreux agriculteurs font face à une réelle stigmatisation, qui prend forme à travers une série de micro-actions : des remarques, des coups de téléphone, des lettres de la mairie, des plaintes de voisins, des blagues d’amis ou des critiques. Cette stigmatisation est loin d’être unique. Les agriculteurs sont souvent en première ligne dans la surveillance du vivant lors de risques sanitaires. Du fait de leur proximité avec les êtres non humains, la responsabilité du maintien de la biosécurité leur échoit. Dans de nombreux cas de zoonoses, les éleveurs prennent en charge la surveillance épidémiologique à travers des pratiques quotidiennes de soin (Fortané, 2015 ; Keck, 2015b), jouant ainsi le rôle de « sentinelles ». À l’inverse, ils sont parfois stigmatisés pour leur promiscuité inconvenante avec les êtres vivants (Lowe, 2010). Les virus émergeraient des « mauvaises » proximités entre humains et non-humains, entre le monde domestique et sauvage (Fearnley, 2015). En réponse, on requiert des agriculteurs une désimbrication, un ordonnancement, une purification des relations avec le vivant. C’est ainsi qu’en Rhône-Alpes, on demande aux agriculteurs de réintroduire un juste agencement entre les hommes, les ambroisies et les cultures.

53Pour exemplifier la responsabilité des agriculteurs, une image est souvent invoquée, la parcelle infestée d’ambroisie. Les habitants de La Touche décrivent des « champs de soja vert ambroisie », des « étendues d’ambroisie parsemée de tournesol » ou des « cultures d’ambroisie ». Ces évocations signalent une inversion de l’ordre « normal » et orthodoxe des végétaux. Les mauvaises herbes supplantent les végétaux cultivés. L’équilibre instauré par l’agriculteur, entre culture et adventice, est rompu. Ces champs infestés de mauvaises herbes sont qualifiés de « sales », alors qu’on dit des champs monospécifiques qu’ils sont « jolis ». L’agriculteur est garant d’un certain ordre presque ontologique du végétal. Il est l’agent responsable de réinstaurer la frontière entre le sauvage et le domestique que l’ambroisie perturbe. Plus encore, la « culture d’ambroisie » fait passer la plante comme un produit d’origine agricole.

54La lutte contre l’ambroisie participe d’un mouvement de gouvernementalisation de l’environnement. Cette forme de gouvernance oriente la compréhension sociale, politique et écologique de l’invasion. La question des mécanismes de dissémination est éludée, et la responsabilité du phénomène diffractée à travers la propriété individuelle. La plante devient alors le produit d’une perte de maîtrise du territoire et d’un « laisser-aller » local. Comme dans de nombreux cas de zoonoses, les agriculteurs sont tenus responsables. Lorsqu’ils sont accusés de « cultiver » l’ambroisie, cela renvoie moins à la reconnaissance d’une relation physique proactive que d’une désaffection professionnelle et morale. Ainsi, l’infestation est appréhendée à travers la stigmatisation d’un groupe plus exposé socialement et spatialement.

Techniques de coexistence : vivre avec l’ambroisie

55Malgré le développement de politiques de lutte, l’ambroisie poursuit sa propagation. De nouveaux foyers fleurissent dans des régions auparavant vierges. Sur le terrain, agriculteurs, référents et gestionnaires sont confrontés à une plante en perpétuelle expansion. Face à cet échec patent, de nombreux acteurs remettent en question l’efficacité de la gestion actuelle de l’ambroisie.

L’ambroisie : une origine humaine ?

56Alors que les discours officiels mettent en avant l’appareil végétatif de l’ambroisie, les agriculteurs surveillent de manière croissante les graines. Ils s’emploient à éliminer les réserves souterraines grâce à la rotation des cultures et se penchent sur les mécanismes de leur circulation. Dans la région de Montélimar, ils accusent ainsi les systèmes d’irrigation, qui puisent dans l’eau du Rhône, de déverser des semences d’ambroisie dans leurs champs.

57De même, certains gestionnaires de bords de route remettent en question l’élimination frontale des plants d’ambroisie. Habitués aux opérations de fauche pour entretenir les bords de route, les gestionnaires les multipliaient pour éradiquer la plante. Coupée au début de l’été, l’ambroisie avait toutefois le temps de reformer un plant et produire des milliers de graines, qui se collaient aux instruments de fauche lors de la fauche de septembre. Plusieurs gestionnaires commencèrent à suspecter cette pratique de participer à la propagation de la plante.

58Récemment, plusieurs collectivités d’Isère ont initié le « fauchage raisonné », un mouvement pour réduire le nombre de fauches annuelles. Stéphane Dardun, gestionnaire de voirie sur la commune de Crémieu, conteste entièrement la pratique du fauchage. Il soutient que « lorsqu’on arrête de faucher, l’ambroisie pousse la première année, mais elle est vite remplacée par d’autres végétaux les années suivantes, car elle ne supporte pas la concurrence. S’il y a plein d’ambroisies sur les routes départementales, c’est parce qu’ils fauchent très ras, parfois à même la terre ». Stéphane incrimine tout autant l’arrachage, ainsi que les herbicides. Les techniques classiques de lutte contre l’ambroisie dégraderaient le sol, et instaureraient alors des conditions favorables à la germination de la plante. Stéphane affirme ainsi :

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« À chaque fois que l’on remue la terre pour les chantiers ou le labour, on fait exploser l’ambroisie. »

60De manière générale, le développement de l’ambroisie se nourrirait des actions d’anthropisation du territoire. Dès lors, l’éradication de l’ambroisie passe par une modération de l’action technique. Puisque l’action directe favorise la plante au lieu de la détruire, Stéphane met en place des actions indirectes (Haudricourt, 1962 ; Ferret, 2012) sur le milieu. Sa gestion consiste à favoriser le développement de la végétation afin de maintenir un couvert et restaurer la matière organique de la terre. Il revégétalise les sols mis à nu, en répandant des mélanges de semences adaptées.

61À l’inverse des actions directes, sous-tendues par une conception de la vie autonome, où l’ambroisie est un sujet indépendant qui « envahit » et « colonise », les actions indirectes de Stéphane ancrent la genèse de l’ambroisie au sein d’un réseau fait de végétaux, de nutriments, minéraux du sol et d’acteurs humains. L’ambroisie apparaît comme le produit des interactions entre ces entités, plutôt qu’un phénomène ex nihilo. Cette lecture met en cause le statut de l’invasion comme fléau indépendant de l’action humaine, présupposé qui justifiait le bien-fondé de la lutte contre la plante. S’opère alors un déplacement de la responsabilité. L’ambroisie n’est plus l’ennemi à abattre. La véritable cause du fléau est à chercher dans les dégradations progressives du sol et de la végétation, qui renvoient à une responsabilité humaine.

Bio-indicateur

62En s’appuyant sur le lien tissé entre dégradation des terres et développement de l’ambroisie, certains observateurs proposent de faire de la plante un outil de diagnostic des sols. Gérard Ducerf, botaniste et auteur d’ouvrages de référence sur la question (Ducerf, 2005, 2013), affirme ainsi qu’une connaissance précise des « facteurs de levées de la dormance » (Ducerf & Thiry, 2003, p. 7) des semences de chaque plante peut nous renseigner sur la qualité du sol sur lequel elles poussent. Originaire des déserts d’Amérique du Nord, l’ambroisie se développait sur des sols arides et salés. Ainsi, pour Ducerf, « la germination de la graine d’ambroisie est due à la perte d’humus, à la déstructuration des argiles par les intrants chimiques, qui provoque la disparition du complexe argilo-humique et réduit les sols en poussière » (Ducerf & Thiry, 2003, p. 20). Dès lors,

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« si elle a proliféré à ce point-là chez nous, c’est parce qu’on est en train de lui créer des conditions […] pré- ou presque désertiques » [16].

64La présence d’ambroisie annonce un processus souterrain de dégradation des sols. Cet usage de l’ambroisie pour prédire des transformations de l’environnement renvoie à une pratique courante dans les milieux scientifiques, la bio-indication. Des organismes, animaux ou végétaux, sont mis à profit pour repérer des indices précoces de modification du milieu. Gérard Ducerf souhaite faire de l’ambroisie « un bio-indicateur de la qualité des sols » (Ducerf & Thiry, 2003, p. 7). Selon Ducerf, l’ambroisie donne à voir l’état du sol car sa germination est engendrée par des interactions biotiques avec ce dernier. La présence de la plante, sa taille et sa forme, sont le résultat de relations avec une multitude d’agents biologiques. Dès lors, le développement de l’ambroisie sur le territoire français est davantage lié à l’évolution de cet environnement qu’aux capacités intrinsèques de la plante. La notion de bio-indicateur porte cette compréhension interactionnelle du monde vivant, qui ne serait pas constitué d’individus autonomes s’affrontant pour survivre, mais plutôt d’un réseau d’échange de matières et d’informations. L’ambroisie bio-indicatrice devient signifiante, de par les interactions qu’elle entretient avec le sol sur lequel elle pousse. C’est ainsi que Gérard Ducerf qualifie la plante de « messagère » (Ducerf, 2013, p. 134) ou de témoin de « la mémoire du sol » (Ducerf, 2002, p. 1). Comme les mollusques qui « font parler les rivières » (Gramaglia & Sampaio da Silva, 2011), l’ambroisie « fait parler la terre ».

65En rattachant le développement de l’ambroisie à la qualité du sol et aux actions humaines, l’approche bio-indicatrice lui confère une dimension historique. Elle l’inscrit dans une temporalité contingente, qui s’oppose à la temporalité cyclique et immuable des idéaux naturalistes (Marder, 2013). Les semences d’ambroisie, grâce à leur capacité de dormance sur de longues années, constituent d’excellents témoins du passé. En germant de manière explosive dans les années 1970, elles révèlent un tournant irréversible dans l’évolution du sol.

66Ces banques de graines peuvent germer et sonner l’alerte, au moindre changement du sol. Elles constituent des « sentinelles », sensibles, en dormance. La notion, mise en avant par Keck et Lakoff (2013b), désigne des êtres vivants intégrés au sein de réseaux de surveillance biosécuritaire afin de prédire des catastrophes. Dans le cas de l’ambroisie, il est moins question d’évaluer scientifiquement la réalité d’une menace que de dénoncer certaines transformations. Pour Gérard Ducerf, l’ambroisie ne constitue pas un outil scientifique [17] mais une figure politique. Parce qu’il rend l’invisible visible, le bio-indicateur participe à une esthétique de la révélation qui sert la critique politique. De même que certaines espèces d’oiseaux ou de mammifères (l’ours polaire, le panda, le dauphin…) sont mobilisées en tant qu’« espèces emblématiques » afin de promouvoir des revendications environnementales (Keck, 2015a), l’ambroisie a été choisie pour sa visibilité socioculturelle dans la région. Porte-parole du sol, l’ambroisie nous dit : « Vous fabriquez un désert artificiel » (Ducerf, 2013, p. 136). Partout où elle pousse, elle dénonce l’assèchement, la salinisation, l’appauvrissement des sols. La plante devient le support d’une remise en question des actions humaines. C’est ainsi que Gilles Clément, dans son Éloge des vagabondes, affirme que « s’attaquer aux causes [du développement de l’ambroisie] reviendrait à bouleverser le système qui règle notre vie économique et politique » (2014, p. 80).

Conclusion

67L’on retrouve dans la lutte contre l’ambroisie les enjeux d’une gestion biosécuritaire du vivant. À travers une politique sanitaire, il s’agit d’administrer un organisme vivant et de réagencer sa place dans l’ordre socio-écologique. Appréhendée à travers la surveillance, l’ambroisie est considérée comme un désordre résultant de la négligence des agriculteurs et de certains habitants.

68Toutefois, malgré le succès de la surveillance, la plante refuse de disparaître. Les représentations occidentales canoniques de la plante comme un être, « naturel », immobile, passif, fragile face aux actions humaines, sont mises en échec. Il s’agit alors, tant pour les acteurs que pour le chercheur, de repenser ce qui fait vivre l’ambroisie (Pitrou, 2014).

69Au-delà de la question de l’agentivité, cet article cherchait à mettre en lumière les interactions socio-écologiques qui façonnent le développement de la plante. En s’éloignant d’une approche constructionniste, on a pu comprendre le rôle de l’anthropisation du territoire dans la propagation de l’ambroisie, ainsi que les pratiques d’information, de surveillance, mais aussi de stigmatisation des activités agricoles qui marque un passage de la souillure à la moralisation des acteurs humains.

70Enfin, plus récemment, l’ambroisie devient pour certains un indicateur. Cette attention aux interactions biotiques politise d’autant plus les transformations écologiques qu’elle étend le domaine de la lutte à des questions de politique d’occupation autant que de care des sols. Il n’est alors plus question d’échec ou de succès mais de déployer la vigilance à une autre échelle, capable de détecter une pluralité de menaces et de vulnérabilités.

Remerciements

Je tiens à remercier les relecteurs.trices de la revue, ainsi que Frédéric Keck qui a dirigé mon mémoire et Perig Pitrou qui m’a également accompagnée dans mon travail. Je remercie également mes collègues et amis pour leur soutien et leurs conseils. Un grand merci aux membres du RNSA et de l’Observatoire des Ambroisies, ainsi qu’aux habitants de la Touche qui m’ont si bien accueillie.

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Mots-clés éditeurs : anthropologie du vivant, allergies, biosécurité, Ambrosia artemisiifolia, plante invasive, France

Date de mise en ligne : 28/09/2018

https://doi.org/10.3917/rac.040.0455

Notes

  • [1]
    Voir la définition de l’UICN (William & Gubdling, 2000).
  • [2]
    Voir par exemple Pyšek & Richardson (2010) et Pimentel (2011).
  • [3]
    Voir la Convention sur la diversité biologique (1992), la Convention de Berne (1979).
  • [4]
    Hormis quelques exceptions, voir notamment Barker (2008), Clark (2013), Head, Atchinson & Philipps (2015).
  • [5]
    Certains scientifiques contestent le caractère néfaste des espèces exotiques envahissantes ou même l’usage de la notion (David & Thompson, 2001).
  • [6]
    Hormis quelques exceptions, voir notamment Barker (2008), Clark (2013), Head, Atchinson & Philipps (2015), Helmreich (2009).
  • [7]
    Voir par exemple : Coupaye (2013), Helmreich (2009), Houdard & Thiery (2011), Tsing (2015), Vinck (2009), Blanc et al. (2017).
  • [8]
    Les extraits d’entretien sont indiqués par des guillemets, pour les citations de dire d’acteur, les italiques sont utilisés. Les personnes sont anonymisées, sauf quand il s’agit de parole publique ou que l’autorisation en a été donnée.
  • [9]
    Espèce capable de coloniser des milieux instables, dépourvus de vie, aux conditions climatiques et édaphiques difficiles (Muller, 2004).
  • [10]
    « Rudéral » vient du latin rudus, qui signifie « ruines », « décombres » et désigne des espaces en jachère, ouverts et perturbés, formés parfois naturellement, plus souvent suite à l’action humaine (Menozzi, Marco & Léonard, 2011).
  • [11]
    Site de l’Observatoire des ambroisies, http://www.ambroisie.info/
  • [12]
    Le terme de « contaminé » pour désigner des sols emplis de graines d’ambroisie est invoqué par de nombreux agriculteurs, gestionnaires ou référents, de même que par les scientifiques de l’INRA et du RNSA.
  • [13]
    L’AFEDA (Association française d’étude des ambroisies) fondée en 1983 est le premier organisme à lancer l’alerte.
  • [14]
    Voir les arrêtés n° 2000 3261 – Préfecture du Rhône ; n° 2000-1572 – Préfecture de l’Isère ; n° 1641, 3 mai 2000 – Préfecture de la Drôme.
  • [15]
    Il existe bien des arrêtés préfectoraux, mais ceux-ci ne sont pratiquement jamais appliqués.
  • [16]
    « Les plantes bio-indicatrices », émission de France Culture, Terre à terre, du 22 février 2014.
  • [17]
    Dans son ouvrage, il reconnaît que l’ambroisie ne constitue pas l’indicateur de la qualité des sols le plus précis car elle est capable de pousser sur une grande variété de terreaux différents.

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