Notes
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[1]
Le codage est ici dit « centralisé ». Certains établissements fonctionnent eux par un codage décentralisé, les médecins et leurs secrétaires codant eux-mêmes les dossiers. Un travail pourrait être mené dans un hôpital où le codage serait décentralisé. Il serait alors intéressant d’observer une répartition des rôles plus ambiguë entre médecins et codeurs et les façons dont les premiers concevraient un accroissement des tâches bureaucratique dans leur travail.
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[2]
La saisie des actes dans le système d’information suit en fait une autre procédure, elle est effectuée en amont du codage. Les médecins et les secrétaires codent immédiatement les actes depuis leurs services. Ils sont donc renseignés automatiquement sans que la technicienne n’ait à les inscrire.
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[3]
Le terme utilisé par le médecin signifie que l’épouse du patient ne souffre d’aucun handicap l’empêchant de prendre soin de son mari une fois celui-ci sorti de l’hôpital, elle est dite « autonome » par opposition à « dépendante ».
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[4]
Les escarres sont des nécroses cutanées avec ulcération, c’est-à-dire des plaies qui se forment sur certaines parties du corps soumises à la pression chez des malades alités longtemps.
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[5]
Entretien avec un médecin en médecine interne, novembre 2011.
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[6]
Nicolas Belorgey a très bien montré comment les trajectoires individuelles, les positions au sein de l’institution et le rapport à ses paires pouvaient orienter la posture des acteurs hospitaliers vis-à-vis des réformes néo-managériales (Belorgey, 2010).
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[7]
Il s’agit plus précisément du Guide méthodologique de production des informations relatives à l’activité médicale et à sa facturation en médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie, publié au Bulletin officiel.
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[8]
Le service où nous avons réalisé notre étude discute entre deux et cinq dossiers par semaine, alors qu’il en code entre 400 et 500 sur la même période.
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[9]
Si le codage fait l’objet d’une telle attention, c’est aussi en raison des contrôles de l’Assurance maladie qui peut revenir sur le codage des établissements en cas de résultats suspects.
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[10]
Deux approches différentes ont été conduites sur ces situations où la connaissance peut faire défaut. La première menée dans la foulée des travaux de James March a insisté sur l’idée d’une rationalité limitée dont le travail de G. Allison demeure une mise en pratique désormais classique avec son travail sur la crise de Cuba (Allison & Zelikow, 1999). L’analyse en termes de rationalité limitée tend néanmoins à négliger les capacités d’improvisation et de production des connaissances en situation, portant davantage la focale sur les manques (Laville, 2000). Les travaux sur la cognition située insistent plutôt sur ces compétences en situation. Il faut en effet comprendre que l’articulation de différents registres implique l’incertitude. Par exemple, si les techniciennes ne savent pas dans l’absolu si la maladie de Wegener peut ou non se réactiver, c’est en raison de la connexion qu’elles doivent établir entre une question médicale et les contraintes pratiques et normatives du codage. Imaginons une action similaire, mais renversée, un médecin spécialiste de la maladie de Wegener et qui aurait à s’interroger sur le codage, pourrait tout autant malgré sa connaissance aiguë de la maladie se heurter à des doutes quant à l’action de codage. L’imbrication des registres rend comme inhérent au codage, le doute et l’incertitude. D’où l’intérêt d’une notion comme celle de cognition située même si lui fait défaut son insistance trop grande sur la capacité salvatrice des objets techniques (Bessy & Chateauraynaud, 1993).
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[11]
Un épanchement pleural correspond à la présence d’un liquide au niveau de la plèvre et qui peut être ponctionné.
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[12]
Entretien avec un membre du cabinet de Jean-François Mattéi, novembre 2011.
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[13]
Décret n° 92-1101 du 2 octobre 1992 relatif aux structures de soins alternatives à l’hospitalisation mentionnées à l’article L. 712-2 du Code de la Santé publique. Le décret définit les structures d’ambulatoire comme permettant « d’effectuer, dans des conditions qui autorisent le patient à rejoindre sa résidence le jour même, des actes médicaux ou chirurgicaux nécessitant une anesthésie ou le recours à un secteur opératoire ».
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[14]
Entretien avec un des responsables du contrôle de la chirurgie ambulatoire à La Caisse Nationale d’Assurance Maladie, juillet 2012. Les actes éligibles étaient par exemple à ce moment l’amygdalectomie, la cataracte ou l’opération sur le canal carpien.
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[15]
Ce qui n’est pas sans poser un problème d’adéquation entre un recueil médico-économique et une perspective épidémiologique, comme l’avaient déjà relevé les acteurs de ce système (Lombrail, Minvielle, Comar, & Gottot, 1994).
Introduction
1Comment dire le soin et produire une connaissance sur ce qui se passe en hôpital ? Cette question a longtemps été considérée comme un défi par les scientifiques des organisations, les gestionnaires et les réformateurs et ceci pour deux raisons. Premièrement, l’hôpital serait un lieu obscur où une « bureaucratie professionnelle » tendrait à rendre la plus opaque possible son action en vue d’éviter toute régulation externe (Mintzberg, 1982). Deuxièmement, l’action d’un hôpital serait marquée par une très forte hétérogénéité et une variabilité qui rendrait sa connaissance extrêmement complexe (De Pouvourville, 1990). Ce sont là deux arguments avancés par les chercheurs en gestion ayant travaillé à rendre l’hôpital gérable, qu’ils soient américains ou français (Engel, Kletz, Moisdon et al., 2000). Le premier trouve un écho dans la théorie économique du principal-agent, le deuxième appelant pour eux à la formalisation de ce que produit un hôpital. Si la théorie du principal-agent implique un acteur cherchant à tout prix à masquer ce qu’il fait et un autre tentant de le savoir, cette mise en connaissance passerait alors par l’instrumentation gestionnaire afin d’en finir avec ce qu’ils nomment « l’effet boîte noire des hôpitaux ». Le raisonnement sous-jacent expose qu’en décomposant l’action d’un hôpital, en la décrivant comme une production, il devient possible pour les régulateurs et les acteurs de l’hôpital de connaître les coûts de ces actions, leur prix de revient, ainsi que leur composition. Cette forme de description de l’action en hôpital porte désormais un nom à consonance entrepreneuriale : l’activité.
2Contrairement à ce que nous pourrions supposer, cette entité ne va pas de soi. L’activité pourrait être, précisément, vue comme « ce qui se passe en hôpital », entendue comme « ce que font les professionnels soignants ». Sans interroger directement l’adéquation entre d’une part ce qui se passerait réellement à l’hôpital et d’autre part ce qui serait dit de ce qui se passe, nous proposons ici au lecteur de s’approcher au plus près des modalités de mise en forme de l’action hospitalière en étudiant les opérations de codage des dossiers patients, rédigés par les médecins et leurs assistantes, aux dossiers « médico-économiques » produits dans le système d’information des hôpitaux appelé PMSI (Programme de Médicalisation des Systèmes d’Information). En observant cette forme de traduction, nous saisissons des processus de catégorisation, de valorisation, d’assemblage ou de « groupage » et ce que ces processus signifient une fois associés les uns aux autres dans le système d’information. Chaque séjour à l’hôpital fait l’objet d’une requalification en Groupe Homogène de Malades (GHM). Ces GHM sont des catégories attribuées aux séjours et qui renvoient à la fois à des renseignements cliniques (quel type d’opération, quel diagnostic), mais aussi économiques (quelles ressources ont été consommées). L’homogénéité de ces groupes doit être à la fois médicale et économique puisqu’ils doivent ensuite, par un travail statistique et une opération cumulative, dire ce que produit l’hôpital, combien il coûte et combien il gagne, chaque GHM se voyant attribué un tarif payé par l’Assurance maladie. Ce dispositif de mise en activité de l’hôpital est d’autant plus intéressant qu’il est au cœur d’une politique publique menée depuis le début des années 2000, celle de la tarification à l’activité (T2A). De nombreux travaux ont été menés sur la T2A, mais ils sont principalement le fait de chercheurs en gestion (Lenay & Moisdon, 2003 ; Moisdon, 2010) ou d’économistes (Or & Renaud, 2009 ; Dormont & Milcent, 2004). La perspective que nous proposons ici est différente, elle ne vise pas uniquement à comprendre les effets d’un instrument de gestion sur le comportement des acteurs (Moisdon, 1997), elle vise à observer avec minutie les rouages mêmes de ces instruments et leurs maniements quotidiens.
3Si le système d’information dont nous allons observer les rouages a commencé à être pensé dès le début des années 1980 (Michelot & Rodrigues, 2008), la rémunération des hôpitaux en fonction de leur « production » a elle été amorcée à partir de 2004. Avant cette date, les établissements étaient financés par une dotation budgétaire reconduite d’une année sur l’autre.
4Le passage des dossiers patients aux GHM, ainsi que l’accumulation de ces derniers et la production d’indicateurs statistiques au croisement du clinique et du gestionnaire ne sont pas sans poser un certain nombre de problèmes. Si l’architecture générale élaborée par le ministère de la Santé et son agence technique doit a priori coller aux situations médicales, ce travail se heurte à des résistances que certains dossiers opposent à une mise en activité. Le codage est alors à concevoir comme une source d’incertitude, à la fois en tant qu’il peut révéler l’incertitude et en tant qu’il peut la produire. Nous voyons se dessiner un réseau de normes et d’opportunités pour les techniciens de l’information médicale (TIM) en charge du codage faisant de la description de l’activité une action complexe et requérant de permanents ajustements.
5Les opérations routinières et quotidiennes de codage sont ici présentées dans leur rapport et leur apport au travail gestionnaire. Sans préjuger du rapport entre gestion et médecine, nous souhaitons observer pragmatiquement le travail technique et gestionnaire tel qu’il se fait, et en quoi il peut s’avérer autant robuste que fragile. La gestion, avant d’être un travail de contrainte, de distorsion, est un travail de lecture, de tri, de traduction, d’accumulation, d’évaluation à partir de données produites. Il nous paraît intéressant de lier la réflexion menée dans ce dossier sur « les textures matérielles de l’accumulation » à celle portant sur les instruments de gouvernement en se demandant comment se constitue cette instrumentation de l’hôpital et des acteurs administratifs et quels sont ses effets sur la conception et la pratique du soin. Ce terme d’instrumentation a été proposé par Pierre Lascoumes et Patrick Le Galès comme un processus d’outillage et de mise en mouvement de technologies de régulation qui, tout en ayant été pensées en vue d’un objectif, n’y sont pas réductibles et disposent d’une forme d’existence détachée de leurs fins (Lascoumes & Le Galès, 2004). Le codage des séjours hospitaliers s’apparente au travail de classification sociale (Desrosières & Thévenot, 1988) ou à la mise en statistique (Desrosières, 1993) en ceci qu’il tend à transformer les choses et les êtres, ou ce qu’Emmanuel Didier nomme « plasma » (Didier, 2009), c’est-à-dire une matière à exprimer, mais à l’état précédent sa formulation. Le codage constitue en cela un formalisme et une opération de traduction telle que l’entend Michel Callon, c’est-à-dire un « mécanisme par lequel un monde social et naturel se met progressivement en forme et se stabilise pour aboutir, si elle réussit, à une situation dans laquelle certaines entités arrachent à d’autres, qu’elles mettent en forme, des aveux qui demeurent vrais aussi longtemps qu’ils demeurent incontestés » (Callon, 1986). En croisant les apports de la sociologie de la traduction et celle des dispositifs de gestion (Boussard, 2008) et de quantification (Desrosières, 1993 ; Bruno & Didier, 2013), et en nous penchant sur le système d’information en hôpital, nous nous demanderons en quoi la mise en catégorie et la mise en nombre de l’action hospitalière, dans sa matérialité même, s’avèrent indissociables d’un souci de gouvernement du soin et des comptes, tout en faisant exister l’hôpital en tant qu’entité productrice.
Produire la matière gestionnaire : le codage de l’activité hospitalière
6Le codage des dossiers médicaux constitue l’une des actions indispensables à la mise en place d’une pratique gestionnaire et budgétaire à l’hôpital, mais il doit avant toute chose éprouver sa confrontation à une profusion d’éléments cliniques dont il s’agit de faire le tri. Ce codage est effectué dans une partie de l’hôpital que les patients connaissent peu, les services de l’information médicale ou département d’information médicale (DIM) [1]. Dans le service où nous avons réalisé nos ethnographies, deux médecins DIM sont responsables d’une équipe d’une dizaine de techniciens. Pour plus de commodité, et puisque l’ensemble des techniciens du service où nous avons réalisé nos ethnographies sont des femmes, nous emploierons les termes de « médecin DIM » et de « technicienne ».
7Afin de décrire ces opérations, nous nous basons sur deux observations réalisées dans deux services d’un même hôpital, le Service d’Information médicale et la Direction des finances. Ces observations ethnographiques nous ont permis de suivre au plus près le travail de codage et celui de gestion par la direction des finances. Nous exposons ici trois exemples de codage, les dossiers retenus ne cherchant pas à être représentatifs (la plupart étant codés sans difficulté majeure), mais à signaler des cas de blocage ou de doute malgré tout fréquents. Ces observations ont été complétées par une dizaine d’entretiens avec certains membres de ces services, ainsi qu’avec des professionnels soignants de l’hôpital, tous réalisés sur le lieu de l’ethnographie. Il faut noter que tous les hôpitaux doivent coder leurs séjours dans le PMSI et ceci afin d’être rémunérés par l’assurance maladie. Ce principe est à la base de la tarification à l’activité des hôpitaux (T2A). Cependant, la volonté ici de se pencher sur le travail de traduction ainsi que la difficulté à accéder à ces terrains (le secret médical est aussi valable dans les services administratifs d’un hôpital) justifient la limitation de l’enquête à un seul et unique site.
8Qu’entend-on par information médicale ? Il convient avant tout de distinguer « information » et « informatique ». L’informatique médicale est désormais une composante intégrale du travail en hôpital. De l’enregistrement du patient au bureau des entrées, à la saisie des actes par les médecins suite à une opération, de la rédaction des lettres de sortie par les secrétaires médicales à l’ensemble du travail de facturation, de comptabilité et de gestion, les systèmes informatiques sont devenus une part essentielle de l’action sanitaire. L’informatique, que les Anglo-Saxons nomment « medical computing », comprend l’ensemble des systèmes informatiques produits et utilisés quels que soient les acteurs s’en saisissant, soignants, administratifs ou pouvoirs publics. L’information médicale, en revanche, si elle intègre l’informatique médicale, en est une part distincte et renvoie à des préoccupations de régulation par l’administration et les pouvoirs publics. Si la première émerge aux États-Unis dès la première moitié du XXe siècle, la seconde apparaît plus tard, à partir des années 1960, s’institutionnalise et s’ancre solidement dans le paysage universitaire dans les années 1970 et 1980. À partir de ces années-là, les systèmes d’information, tout en intégrant le calcul des coûts et des données comptables doivent pouvoir à la fois renseigner les tutelles et les payeurs de soin sur « ce qui se passe » en hôpital (Kaplan, 1995). Et en produisant un système d’information, des nomenclatures et des critères de description de « ce qui se passe », va progressivement émerger une nouvelle façon de parler du soin.
9Une fois le séjour codé, le système d’information lui attribue un tarif. L’attribution d’une valeur économique implique donc en amont un travail de qualification et de catégorisation (Bidet, 2009). Ce tarif est fonction de la catégorie, c’est-à-dire du GHM, que le séjour intègre et dit, non pas nécessairement le coût du séjour, mais du moins son « prix de vente » à l’Assurance maladie. Comment s’effectue le codage ? Il se marque et s’observe de prime abord par un agencement spatial commun à l’ensemble des bureaux du service d’information médicale. Une première observation nous permet d’appréhender l’action de codage dans sa composante principale, à savoir une opération de traduction d’un écran vers un autre, outillée et répondant à un ensemble de règles et de lois. L’agencement se caractérise en effet par la présence de deux écrans d’ordinateur. Bien que différents et disjoints, ils n’en constituent pas moins le même « bureau » au sens numérique du terme, une même fenêtre pouvant glisser de l’un à l’autre. La matière première des techniciennes est constituée des comptes rendus opératoires, « des lettres de sortie », c’est-à-dire des documents remplis par l’administration et les médecins lorsque le patient quitte l’hôpital, de ce que les techniciennes appellent « les mots ». Ce sont ces mots médicaux qu’elles doivent traduire dans le PMSI. Les comptes rendus, les lettres sont la plupart du temps tapés par les secrétaires médicales et rarement par les médecins eux-mêmes, et n’ont pas pour vocation première, c’est un point important, de servir l’information médicale entendue comme codage administratif. La fonction première de ces lettres, comptes rendus, est un enregistrement des symptômes, des actes [2]. Les destinataires sont le médecin traitant et le médecin qui pourrait un jour avoir à intervenir de nouveau sur ce patient et pour qui la connaissance des antécédents serait nécessaire. Ces renseignements sont ensuite déposés dans un système d’information auquel ont accès les techniciennes, il leur faut donc aller chercher l’information dans le dossier informatisé. Une des grandes préoccupations des techniciennes et des médecins DIM est donc d’inciter les médecins à « remplir au mieux » le dossier informatisé, mais même cette qualification du renseignement demande à être précisée. Lorsque nous disons que l’action de « remplir au mieux » le dossier informatisé doit être précisée, c’est en raison de ce que les uns et les autres considèrent comme l’information, sinon nécessaire, du moins importante. Nous aurons l’occasion d’y revenir, mais l’information qui intéresse les techniciennes et les DIM n’est pas forcément la même que les médecins.
10C’est principalement à partir des lettres de sortie que les techniciennes codent dans un logiciel. Prenons ici l’exemple de Francisco, patient entré à l’hôpital le 6 octobre aux urgences pour une fièvre douloureuse accompagnée d’une diarrhée et transféré ensuite au service de médecine interne. Sa lettre de sortie précise l’établissement où a eu lieu la prise en charge, le médecin l’ayant réalisée, le docteur auquel le courrier est adressé ainsi que celui que le patient a pu voir par ailleurs. Cette lettre contient surtout une description singulière concernant l’état du patient, ses antécédents (« une hypertension artérielle essentielle »), certains éléments concernant son hygiène de vie pouvant expliquer ou non les symptômes (« pas de tabagisme toujours actif »), le contexte de la prise en charge et son environnement social (« le patient est espagnol et vit dans les environs de Barcelone avec son épouse autonome [3] et actuellement en vacance chez sa fille sur la ville x »), les diagnostics réalisés par le médecin ainsi que les actes réalisés précédemment ou sur cette prise en charge. Le travail technique de codage consiste en une sélection des informations présentes dans cette lettre, sélection guidée par ce que nécessite le système d’information et la première information que recherche une technicienne, c’est le diagnostic principal (DP). Après lecture complète de la lettre de sortie, la technicienne est en mesure d’identifier le diagnostic principal : c’est une fièvre. Elle commence donc à remplir la fenêtre de son écran d’ordinateur gauche. Il n’existe pas un seul type de fièvre et il faut donc que la technicienne, bien que considérée comme personnel administratif, soit capable à la lecture de la lettre de sortie de comprendre médicalement l’état du patient et le type de fièvre en question. Pour Francisco, le diagnostic principal est le DPR509 intitulé « Fièvre, sans précision », le diagnostic associé dit DAS est le R650 « Syndrome de réponse inflammatoire systémique d’origine infectieuse sans défaillance d’organe ». Ces codes de diagnostic sont puisés dans la Classification Internationale des Maladies qui, bien que semblant plus proche d’une forme de savoir nosologique n’en est pas moins sans poser certains problèmes de définition et de catégorisation (Bowker & Star, 2000). Le codage une fois effectué, le dossier de Francisco en langage PMSI peut être validé. La traduction effectuée, il ne reste plus d’apparents, sur une page presque vide, que les éléments civils du patient, le service où il a été pris en charge, le diagnostic principal, le diagnostic associé, le GHM produit par l’ensemble de ces renseignements ainsi que sa valeur. Si selon la Classification internationale des maladies, Francisco a une « fièvre sans précision », cette même fièvre, une fois associée à son âge, son sexe et son diagnostic associé le classe dans le GHM 11M041 intitulé « Infection des reins et des voies urinaires, âge supérieur à 17 ans, niveau 1 ». La valeur de ce GHM en euros est de 1 816,88 euros qui seront versés par l’assurance maladie à l’hôpital.
Faciliter la mise en information : convertir les médecins
11Nous avons mentionné le Diagnostic Principal comme une des étapes majeures du codage. Une des difficultés pour les techniciennes est de repérer ce DP ce qui peut conduire à des situations de blocages. Plus important encore, la présence de certains éléments pouvant relever le prix du dossier est explicitement réclamée par les services DIM, ce qui commence alors à donner une définition plus claire de ce qu’est l’information : un ensemble d’éléments disant la raison de la venue du patient, ce qui lui a été fait et surtout ce qui compte dans ce qui lui a été fait. Cette volonté de valoriser les dossiers suppose alors de faire du langage PMSI une composante de la réflexion des professionnels dans la rédaction de leurs courriers. Comme l’expose François Vatin, si « évaluer correspond à un jugement statique attribuant une valeur à un bien, une chose, une personne ; “valoriser” a, en revanche, le sens dynamique d’augmenter cette valeur, d’y ajouter un incrément, une plus-value » (Vatin, 2009). Cette opération de valorisation va supposer de la part des codeuses et des administratifs en général une capacité à enrôler les médecins, les enjoignant à prendre en compte les nécessités du codage. En effet, les médecins remplissent les comptes rendus ou les lettres de sortie en pensant avant tout aux pairs qui seront en charge de ce malade. Les gestionnaires doivent effectuer un travail d’intéressement (Latour, Callon, & Akrich, 1988) afin de convaincre les médecins d’inscrire les informations dont eux ont besoin.
12Loin de vouloir remplacer les mots médicaux par le seul langage PMSI (diagnostic principal, diagnostics associés, durée de séjour), les techniciennes de l’information médicale et les médecins DIM œuvrent constamment à influer sur l’écriture des médecins. Le personnel administratif souhaiterait que les médecins inscrivent dans leur lettre de sortie, de façon très visible au début du courrier, le diagnostic principal et les diagnostics associés. S’il s’agit encore d’une très faible minorité, les médecins indiquant le DP et les DAS sur les lettres de sortie invitent à réfléchir ce changement de format. Ce qui était à destination des « confrères », actuels (le médecin traitant) ou virtuels (ceux pouvant à l’avenir s’occuper du patient), devient également à destination du Ministère, de l’assurance-maladie. Cela ne revient donc pas à dire que le langage médico-économique contraindrait le médical, mais que ce langage parce qu’il est aussi en partie un langage médical, reposant sur la Classification internationale des maladies peut investir les formats qui n’avaient à l’origine pas vocation à servir au travail administratif, à la tarification et au financement des hôpitaux. La volonté de « faire tenir » le séjour dans un seul diagnostic principal, et donc de parfois contenir l’ampleur de la description, a fait l’objet de controverses vives, mais confinées aux cercles d’experts en systèmes d’information hospitalière. Alors que certains directeurs d’hôpitaux ou médecins ont pu proposer de complexifier le travail de catégorisation (Fessler & Frutiger, 2003), de façon à être plus en adéquation avec la complexité médicale des cas, la mission PMSI ayant élaboré ce système dans les années 1980 et 1990 a finalement opté pour le maintien d’un seul diagnostic principal et ceci en raison d’une volonté de standardisation inhérente à l’outil.
13Le format DP/DAS n’est pas le seul indicateur d’une diffusion d’un langage différent. Si nous prenons le cas des escarres [4], de la dénutrition et de tout un ensemble de diagnostics associés pouvant entraîner une valorisation du dossier, les avis et les discours sont partagés sur l’intérêt des médecins pour le codage de ces éléments. Pour certaines techniciennes, si les médecins ne s’y intéressent pas et ne renseignent pas les dossiers, c’est avant tout parce que ces informations n’ont pas d’importance véritable pour le dossier médical du patient. L’intérêt des administratifs pour des informations valorisant le dossier du patient ne trouverait pas tout à fait écho auprès des médecins. C’est alors sur le registre de la pédagogie et du dialogue que jouent les DIM et les TIM, il s’agit de « sensibiliser » les médecins. Convertir les médecins au langage PMSI, c’est à la fois les inviter à renseigner le diagnostic principal et les diagnostics associés, mais c’est aussi leur demander d’inscrire ce qui peut rapporter de l’argent, ce qui peut faire qu’un patient ne vaudra pas 1 800 euros, mais 2 300. Ces processus de conversion peuvent se faire chemin faisant par des remarques dans un e-mail ou au détour d’un échange téléphonique, mais ils sont surtout repérables dans les réunions qui se tiennent entre le responsable du département d’information médicale ou son adjointe et les responsables de service. Nous avons pu assister à l’une de ces réunions, elles s’avèrent relativement courtes, le temps pour le DIM de présenter les nouveautés en matière de codage et de rappeler l’importance de l’ « exhaustivité », « tous les mots que vous notez sur un papier, ils disparaissent, ils finissent au fond des archives. Et pour la valorisation des séjours, vous perdez tout ça ! » (le médecin DIM en réunion).
14Un autre moment de « sensibilisation » est l’arrivée d’un médecin récemment recruté dans l’établissement, il doit passer par le service d’information médicale qui se propose alors de l’aider à gagner du temps dans la part administrative de son travail. De même, la Commission Médicale d’Établissement est l’occasion pour le médecin DIM de rappeler à tous ses collègues praticiens que certains renseignements valorisent les dossiers. Il est important de répéter que ce changement de langage n’implique pas un renoncement aux termes médicaux, un docteur en médecine interne nous expliquait ainsi :
« Dans le courrier il faut noter “a bénéficié d’un myélogramme sous surveillance médicale et sous antonox” qui est un anesthésiant, et vous êtes obligé de le noter et moi franchement je ne l’ai pas noté dans mon courrier. Et j’ai juste mis “a eu un myélogramme en hôpital de jour”. » [5]
16La bonne santé financière de l’établissement passe donc par la conversion des médecins à un langage médico-administratif, le PMSI. En fait, l’idée d’une conversion en sens unique est à nuancer. Il est possible d’affirmer que les administratifs disposent parmi les médecins, professionnels soignants et praticiens de soutiens constituant des points d’appui cognitifs [6]. Ces individus partageant la vision des DIM peuvent parfois non seulement répondre à leurs attentes, mais inventer des façons de faire, des modes de diffusion du PMSI. Contrairement à ce qui aurait pu être pensé, ce ne sont pas seulement les administratifs qui doivent convertir les médecins au langage PMSI, mais aussi les médecins qui peuvent « éduquer » (le terme est celui des acteurs) les techniciennes à repérer à travers le langage médical des éléments valorisant les dossiers. Le PMSI, non plus comme système d’information, mais comme mode de réflexion et de pratiques est alors coproduit par des acteurs aux statuts divers, mais n’oppose plus les administratifs ou les gestionnaires d’une part et les médecins d’une autre. Parmi les alliés du service d’information médicale à l’hôpital, nous avons pu rencontrer un pharmacien ayant mis sur pied un système interne renseignant les techniciennes sur des diagnostics associés à partir des médicaments inscrits dans les dossiers, par exemple ceux impliquant nécessairement la maladie d’Alzheimer. En un an, et en signalant au service DIM les patients probablement touchés par cette maladie (qui peut donc être un diagnostic associé et non pas seulement une maladie), la valorisation des dossiers a été estimée à environ 120 000 euros. Le formatage devient réciproque, le langage et l’outil ne sont plus imposés, mais produits en commun. Ou plutôt si opposition il y a, elle n’est plus entre médecins et administratifs, mais entre les usagers-producteurs du PMSI et les autres. Cependant, cette capacité à optimiser le codage tend parfois à devenir l’enjeu de tensions fortes entre les directions d’hôpital et les services DIM, les directions pouvant parfois encourager les DIM à sur-coder quitte à tricher, un cas récent a par exemple eu lieu dans un hôpital d’Île-de-France où le service DIM a été externalisé à des codeurs plus conciliants avec les souhaits de la direction.
Pluralité des modes de clôture du jugement
17L’incertitude en médecine a fait l’objet de nombreux travaux, à commencer par ceux de Renée Fox (Fox, 1988) qui mettent en avant la difficile appropriation d’un savoir médical s’élargissant sans cesse ainsi que les limites inhérentes au travail médical et aux individus censés le réaliser. Nous allons voir ici que la production de ce savoir sur ce qui se passe en hôpital se heurte à cette incertitude, mais qu’elle en est aussi une source de production. Cela étant dit, toute activité de catégorisation, et ceci d’autant plus qu’elle est indispensable au financement de l’hôpital, implique la clôture du jugement. Que l’ambivalence se fasse jour, qu’un dossier puisse intégrer plusieurs catégories, qu’on veuille le faire passer dans l’une plutôt que dans l’autre, il faut à un moment donné lui assigner un code, comme le 11M041 pour Francisco. Le codage d’un séjour hospitalier se heurte aux risques inhérents à toute tentative de catégorisation, l’usage de critères parfois flous, la capacité des acteurs à opérer des rapprochements inattendus entre une catégorie et un individu, ou encore la plasticité de certaines catégories (Boltanski & Thévenot, 1983 ; Desrosières & Thévenot, 1988). Le dispositif PMSI, parce qu’il vise à la production d’un savoir médico-économique par les renseignements que fournissent les professionnels soignants s’expose de même à ces difficultés qu’il lui faut éprouver afin de se stabiliser. Un dispositif d’accumulation de connaissance fait ici face à un ensemble d’épreuves, qu’il s’agisse du savoir médical, de la réglementation en matière de codage ou des intérêts économiques de l’hôpital.
18Le premier cas que nous allons observer est celui de Madame Julie. Elle est suivie pour une maladie de Wegener et a été prise en charge au service de médecine interne pour cette raison. Dans son dossier, un certain nombre de diagnostics associés peuvent être identifiés, ainsi celui de la dénutrition en raison de ses « troubles de déglutition sévères importants qui avaient conduit à une alimentation entérale sur sonde de gastrostomie ». À cette dénutrition (codée « E46-malnutrition protéino-énergétique, sans précision ») s’ajoutent une « surveillance de gastrostomie », une « anémie, sans précision », une « séance de transfusion de produit sanguin labile » et une « hypovolémie ». Le point d’interrogation de ce dossier se pose en revanche pour le diagnostic principal. La prise en charge est ici due à une fièvre et sa maladie de Wegener a déjà été diagnostiquée en avril 2011. La technicienne hésite donc à coder maladie de Granulomatose de Wegener en DP. Il serait tentant de présenter la maladie de Wegener afin de se faire une idée plus précise de ce qui touche Madame Julie. Mais à vouloir « définir » la maladie, nous passerions à côté de ce qui se trame, à savoir une incertitude sur cette pathologie. Disons simplement qu’il s’agit d’une Affection Longue Durée et donc d’une maladie fortement handicapante qui se signale par des problèmes pulmonaires et ORL. Le blocage principal dans le cas de Madame Julie se situe sur la question de la temporalité. La technicienne convoque alors les règles édictées dans un guide [7] produit par le ministère de la Santé, stipulant que si c’est bien in fine parce que cette patiente est atteinte de la maladie de Wegener qu’elle vient à l’hôpital, le diagnostic principal, ce qui motive son entrée c’est une fièvre. La difficulté à coder Maladie de Wegener en diagnostic principal tient au fait que ce diagnostic ait déjà été effectué quelques mois auparavant. Le codage passe par des moments d’hésitation et des choix. Ces choix doivent être assumés, car ils peuvent à nouveau resurgir quelques mois après au moment d’un contrôle de l’assurance-maladie. Le codage des dossiers de médecine interne pose assez souvent problème aux techniciennes. Selon elles, il s’agit d’une spécialité prenant en charge des cas difficiles à saisir même pour les médecins.
19Pour la technicienne, ce n’est pas tant le langage PMSI qui pose problème ici, mais l’adéquation de celui-ci avec la pratique et la logique médicales. L’incertitude du codage va alors de pair avec une incertitude de la médecine, avec « les maladies qu’on n’arrive pas à saisir ». Une fois le dossier définitivement rangé dans la case problématique, il faut donc attendre la réunion collective du lundi après-midi pour connaître le sort réservé à Madame Julie dans les annales du PMSI. La réunion du lundi après-midi a lieu généralement après le déjeuner dans le bureau du médecin DIM responsable du service. La totalité des membres de l’équipe est convoquée et ceci non seulement pour rendre plus probable une résolution des « cas » (quoique ce pourrait tout aussi bien être un risque de les compliquer davantage), mais aussi parce que si ce sont justement des cas, qu’ils appartiennent à l’exceptionnel, ils peuvent se retrouver sous d’autres formes à d’autres moments, la délibération du lundi après-midi fait donc effet de jurisprudence. La comparaison avec le droit est d’ailleurs très évocatrice, si la plupart des affaires se traitent selon les textes et les normes en vigueur, d’autres nécessitent une interprétation. Même si la proportion de dossiers à discuter n’excède pas 1 % de l’ensemble des séjours [8], le PMSI au quotidien n’est jamais un langage tout à fait stabilisé, mais en cours permanent de stabilisation. Toutes les techniciennes sont présentes autour d’un écran d’ordinateur où chacune peut lire la lettre de sortie. La première question concernant le cas de Madame Julie est propre à la maladie. C’est relativement à ses effets et à sa définition que le codage s’oriente puisque deux possibilités sont présentées. Dans un premier cas, c’est une maladie qui peut « se réactiver », c’est-à-dire avoir à nouveau des effets poussant le patient à une nouvelle prise en charge. Deuxième possibilité, la maladie de Wegener ne se réactive pas et dans ce cas elle ne peut être à nouveau codée. Le premier médecin DIM se lève, se dirige vers son ordinateur et recherche sur Internet ce à quoi correspond la maladie de Wegener pendant que le second tente une première définition : « c’est comme toutes les maladies du système, ça atteint souvent le poumon et parfois les articulations ». Finalement, et dans la mesure où les médecins et les techniciennes ne sauront si oui ou non c’est bien la maladie de Wegener qui a conduit cette dame à l’hôpital, il sera codé « insuffisance rénale » ce qui est en revanche bien moins payé, moins remboursé par l’Assurance maladie que Wegener [9].
20Nous ne disons pas ici que cette incertitude médicale est générale, qu’aucun médecin ne sait si la maladie de Wegener peut ou non se réactiver, si l’insuffisance rénale est automatiquement liée à cette maladie. Ce que nous observons, c’est une incertitude médicale située, dans cette salle de réunion et qui fait bien l’objet d’une enquête et d’une discussion. Par située, nous entendons une action où les acteurs tentent de stabiliser leur connaissance autrement que par un savoir exhaustif à la fois médicalement et administrativement [10] et tentent de catégoriser des séjours malgré ces manques en se rattachant à des expériences passées ou à des préoccupations économiques.
21Un autre cas problématique que nous allons suivre interroge également la technicienne sur ce qu’elle doit inscrire comme diagnostic principal. Comme pour Mme Julie, plusieurs possibilités s’offrent au codage, mais une seule se doit d’être retenue. Si ce sont des règles juridiques qui ont permis de clore le jugement pour le précédent dossier, la marge d’action laissée par l’incertitude médicale va ici permettre à la technicienne de faire-valoir des critères économiques. Prenons à présent le dossier de M. Robert, hospitalisé pour une chute (mais nous n’en sommes pas si sûr et c’est autour de ce point que tout se noue). L’opération de codage démarre par l’ouverture des éléments médicaux, lettres de sortie, lettres des internes, comptes rendus opératoires, etc., qu’il va falloir sélectionner et du logiciel permettant de coder cette information. Dans le mot de l’interne, le motif est inscrit dès le haut de la page, même si ce motif pourrait suffire à établir la raison de la venue et donc le diagnostic principal, le codage n’est parfois compréhensible qu’à la fin. Le patient, Monsieur Robert est amené aux urgences pour une « chute », il aurait, selon ses dires, glissé dans l’escalier. À cette chute est jointe une indication laissant hésiter la technicienne, il s’agit en effet soit d’une chute, soit d’une bradycardie, c’est-à-dire un ralentissement du rythme cardiaque. Selon toute vraisemblance, c’est ce ralentissement qui expliquerait la chute. Pour l’instant, la technicienne inscrit donc en Diagnostic Principal Bradycardie, sans précision.
22Monsieur Robert a deux problèmes, l’un dû à sa chute (ce qui provoque des douleurs chez le patient) et un problème cardiaque, c’est à cela que va s’attacher la technicienne pour repérer les différents diagnostics associés. Le premier diagnostic associé que la technicienne repère est une arthrose, ce qui se code « M4794- Spondylarthrose, sans précision-région dorsale ». C’est parce que cette arthrose a été traitée que la technicienne peut l’ajouter, nous retrouvons ces éléments dans le courrier : le docteur a en effet écrit « L’autre problème est représenté par des douleurs dorsales droites et rachidiennes, avec une arthrose majeure sur les clichés osseux. On essaye d’optimiser le traitement antalgique ». C’est ce traitement antalgique qui rend possible l’inscription en diagnostic associé. Nous voyons aussi, chemin faisant, l’importance pour la technicienne du moindre élément afin d’être la plus complète possible. Il suffit ensuite de suivre le contenu du courrier, sur le plan pulmonaire, Monsieur Robert a un épanchement pleural [11]. Cet épanchement ne suffit pas à constituer un diagnostic associé, il faut aussi une action menée dessus. La technicienne nous explique alors qu’elle a vu dans la suite du courrier que cet épanchement est ponctionné, ce qui rend possible son enregistrement. Juste après l’épanchement pleural, nous pouvons lire « Fébrile depuis ce matin 38.5° » ce qui conduit à coder un autre DAS, « Fièvre, sans précision ».
23Toutes les informations présentes ne suffisent pas nécessairement à établir le DAS, il faut être capable de coder en fonction de règles plus larges et établies par le Ministère. Enfin, la chute a entraîné une hémorragie traumatique, ce qui correspond à « S0660- Hémorragie sous-arachnoïdienne traumatique, sans plaie intracrânienne ». Une fois l’ensemble des diagnostics inscrits, l’opération semble close, il suffit alors de lancer le groupage en cliquant en bas de l’écran de droite sur un symbole représentant une balance. L’opération est donc terminée. « Alors non », nous dit la technicienne, « je me suis posé la question, est-ce que ça vaut le coup ? Parce que là, c’est un symptôme. Étant donné qu’il est venu pour chute et pour un symptôme, la bradycardie, je me suis demandé, étant donné que c’est en même temps, qu’est-ce qui paye le plus quand même ! » Afin de comparer les deux possibilités, la technicienne ouvre alors une fenêtre d’un outil d’optimisation élaboré par le médecin DIM de l’établissement. Celui-ci s’est depuis longtemps investi dans l’informatique médicale et a développé des savoirs informatiques au point de confectionner pour son service un logiciel d’optimisation, c’est-à-dire comparant pour un même séjour les différentes catégorisations possibles ainsi que leur valorisation, laissant ensuite le choix de la catégorie à la technicienne.
24En haut de l’écran s’affiche l’état actuel de la valorisation du séjour, considérant un DP en Bradycardie, le prix est de 4 523,75 euros. Juste en dessous, s’affichent en gras les autres diagnostics principaux possibles, cette alternative est permise parce que le patient est à la fois entré pour un problème d’arythmie cardiaque (la bradycardie) et pour des douleurs liées à la chute). « Je peux jouer sur deux tableaux », nous dit la technicienne. L’expression est plus que parlante, en effet, le tableau proposé par son logiciel valorise le séjour à hauteur de 4 523,75 euros, mais celui proposé par le médecin DIM propose lui d’autres choix. Le choix peut se porter entre le S0660-Hémorragie sous-arachnoïdienne traumatique et le S2200-Fracture fermée d’une vertèbre dorsale. La technicienne retourne alors au dossier médical, et parce que le patient a subi la pose d’un corset, elle décide de choisir le deuxième, facturé celui-là 5 281,99 euros. Ce mécanisme de sélection a été installé par le médecin DIM de l’établissement, il ne se retrouve pas forcément dans tous les hôpitaux. Une fois ce choix effectué, elle peut valider le dossier, « grouper » selon les termes du PMSI, qui, par le mécanisme algorithmique, versera ce RSS dans le GHM que la technicienne souhaitait voir attribuer à ce patient.
25La recension des séjours dans le système d’information ne se fait donc pas toujours sans anicroche. Des difficultés que le médecin peut éprouver à dire ce qui ne va pas et à lire le corps du patient à la nécessaire re-formation de cette description, le codage peut rencontrer divers obstacles. Ces derniers ne sont d’ailleurs pas uniquement source de fragilité, les marges laissées par le codage étant inhérentes au travail administratif. C’est déjà ce que notait Harold Garfinkel à propos du codage des dossiers médicaux. Pour lui, le codage s’effectue pour les codeurs par une pratique « ad hoc ». Cette appropriation autorise à nuancer la frontière entre « ce qui se serait réellement passé » et ce qui est codé puisque « la description ferait elle-même partie de l’ordre effectif des opérations de la clinique, de la même manière que l’on pourrait traiter le compte rendu qu’une personne donne de ses propres activités comme un élément de ces dernières » (Garfinkel, 2007). Cette interrogation renvoie par ailleurs au problème de la description en médecine (Blois, 1984) et de la capacité pour les acteurs à nommer le vivant (Bowker, 2000).
26Quel est alors l’effet d’un codage différent pour le malade ainsi codé ? Il faut ici concevoir les différents modes d’existence du malade (Latour, 2012). Le codage étant postérieur au séjour, le traitement du malade ne diffère en rien qu’il soit codé 4 523,75 ou 5 281,99 euros. En revanche, c’est son existence non en tant que corps soigné, mais en tant qu’être de gestion qui est, elle, soumise à contingence au moment du codage. Et cette variabilité peut avoir des conséquences fortes pour l’hôpital puisque c’est, par exemple, en fonction de l’ensemble des données produites dans le PMSI que le palmarès des hôpitaux, publié dans la presse magazine, est réalisé (Pierru, 2004).
Du recueil au gouvernement de l’activité
27Les trois exemples mobilisés jusqu’ici se joignent à l’ensemble des séjours codés et, une fois agrégés, vont constituer un instrument quantitatif de gouvernement pour l’hôpital. Ce lien entre organisation du soin et système d’information a d’ailleurs été mis en lumière par Claude le Pen, économiste de la santé qui écrivait en 1999, dans son ouvrage Les habits neufs d’Hippocrate, « Il n’y aura pas en France de gestion des soins sans système d’information performant. Sans informatisation des médecins, sans codage des actes et des pathologies, sans suivi médicalisé des patients » (Le Pen, 1999). Ce système d’information que nous venons de décrire ne se contente pas de redéfinir le soin à l’aune de critères médico-économiques, il équipe les acteurs administratifs et les tutelles dans leur action et dans leur capacité à gouverner le soin et les comptes de l’hôpital. Par l’accumulation de données, ceux-ci peuvent observer par comparaison les différents types de séjour, leur fréquence. Dans la mesure où le Ministère édicte un ensemble de tarifs, et que certains s’avèrent plus rentables que d’autres, les acteurs administratifs peuvent se saisir de ces recueils d’information pour orienter l’activité de l’hôpital. Nous avons vu comment était produit cet instrument de gouvernement, nous allons à présent voir comment, avec l’exemple de la chirurgie ambulatoire, il devient opérant.
28La chirurgie ambulatoire a très tôt été pensée comme une opportunité par les régulateurs du système de soin. De nombreuses études (Mahieu & Raffy-Pihan, 1997) ont conduit à considérer que ce mode d’intervention pouvait à la fois permettre de diminuer les charges des séjours et accroître la qualité des soins en éloignant les patients de l’hôpital. La tarification à l’activité, c’est-à-dire l’attribution de tarif à chaque GHM et le financement des hôpitaux sur la base de leur production en GHM, a d’ailleurs été préparée en faisant de l’ambulatoire une priorité. Un des membres du cabinet du ministre de la Santé Jean-François Mattéi au début des années 2000 et un des auteurs de la réforme nous explique ainsi que :
« La fixation des tarifs devait à mon sens, d’abord, et c’était mon souhait, d’abord obéir à une volonté d’inciter ou de désinciter à une activité donnée, y compris même au plan national, même si ce n’était pas mon objectif initial. Donc là où ça a effectivement été fait sur les soins palliatifs, sur la chirurgie ambulatoire, était de dire de façon ultra simpliste, on connaît le coût de revient en chirurgie ambulatoire ou en soins palliatifs, et bien on paye 10,15, 20 % de plus que le coût de revient pour inciter et sur la chirurgie classique, on paye 20 % en dessous du coût de revient, au bout d’un certain temps, les managers pas complètement stupides devraient théoriquement arriver à réorienter leur activité, donc c’est ça ce que j’appelais tout à l’heure un outil de régulation médical et non pas un outil de régulation économique [12]. »
30Une des mesures tarifaires prises par les pouvoirs publics consiste à faire converger les tarifs de l’hospitalisation et ceux de la chirurgie ambulatoire pour un certain nombre d’interventions comme l’opération de la cataracte. L’histoire de la chirurgie ambulatoire ne démarre pourtant pas avec la T2A. Dès le début des années 1990, les pouvoirs publics et l’assurance maladie se penchent sur la question avec en 1992 la publication d’un premier décret officialisant l’inscription dans le Code de la Santé publique des structures d’accueil en ambulatoire [13]. Les réflexions menées dans les années 1990 aboutissent au début des années 2000 au lancement d’une étude nationale visant à connaître le taux de pratique de chirurgie ambulatoire sur 18 actes. L’enquête de 2003 se prononce favorablement à la chirurgie ambulatoire et ceci pour deux raisons. Premièrement, le coût est moindre pour l’assurance maladie et les hôpitaux qui n’ont pas à hospitaliser la personne de nuit. Deuxièmement, l’étude indique que « pour les actes éligibles à la chirurgie ambulatoire et pour les patients éligibles » [14], l’ambulatoire présente l’avantage de diminuer les risques d’infections nosocomiales et satisfait les patients qui selon l’enquête menée préfèrent rentrer chez eux. L’histoire de la chirurgie ambulatoire est marquée par cette nuance relative à l’éligibilité. Car si pour certaines opérations et certains patients le retour à domicile ne présente aucun risque, pour d’autres en revanche l’anticipation ne peut être aussi claire. S’inspirant des pratiques étrangères et notamment australiennes et se basant sur des articles scientifiques, l’Observatoire pour la chirurgie ambulatoire créé en 2004 suit alors l’évolution des taux en travaillant avec un outil : le PMSI. C’est aussi là où nous observons que le PMSI et le travail des techniciennes du service DIM n’est pas seulement un travail d’enregistrement. Il sert ensuite, une fois agrégé à celui des autres établissements de santé, à orienter la politique de soin à l’échelle nationale [15]. Le ministère de la Santé décide à partir de 2007 de diminuer le tarif des GHM d’hospitalisation complète pour les actes en question et augmente le tarif des GHM en ambulatoire. Ce qui ne manque pas d’interroger la concordance du coût à celle du tarif.
31En établissements, les gestionnaires, et tout particulièrement les contrôleurs de gestion et les directeurs des finances, sont incités à encourager l’ambulatoire. Pour cela, l’agence technique du Ministère met à disposition sur une plateforme en ligne, un ensemble de données produites à partir du système d’information que remplissent les techniciennes de l’information médicale.
32Un tableau en particulier a retenu notre attention, il présente simultanément, les taux de chirurgie ambulatoire en fonction des actes évoqués plus haut, le taux de chirurgie classique pour ces mêmes actes, la différence de gains économiques, les gains potentiels et les pertes potentielles en fonction des évolutions, la comparaison avec le reste des établissements comparables au niveau national. Pratique incontournable en gestion (Boussard, 2008), la diffusion de tableaux de bord s’est étendue à l’ensemble des acteurs publics, participant d’une « nouvelle quantification publique » (Bruno & Didier, 2013) et suppose ici plus qu’une transmission d’informations. Ou plutôt, l’action d’informer enveloppe en elle-même des potentialités à la fois pour les acteurs mesurants et pour ceux mesurés. La directrice des finances de l’hôpital où nous avons réalisé notre ethnographie nous explique ainsi l’importance de ces « informations » :
« Et vous avez des catégories par exemple où… là vous savez qu’il y a des choses à faire.
Oui, le cristallin, un truc tout bête, c’est l’opération de la cataracte. On sait très bien que c’est un geste marqueur de chirurgie ambulatoire, et le tarif est le même. Le cristallin, lui, le tableau il est pas mal, il me dit que 78 % des gens ont été pris en charge en ambulatoire, j’en ai 158. Et 13,4 % en une nuit, 8,4 % en deux nuits, et voilà, donc ça veut dire que c’est pas super bon pour ce GHM, 02C05J. Il devrait y en avoir plus. Donc il est vraiment bien ce tableau !
Et dans ce cas alors vous faites quoi ?
Hum hum ! En fait, vous savez ce que j’ai fait vendredi quand j’ai vu ça ? J’ai quitté le tableau, j’ai mis sur Excel, je l’ai envoyé au président de CME, au chef du pôle de chirurgie, à celui qui s’occupe de l’ambulatoire et au directeur et je leur ai mis une petite alerte. Voilà l’alerte : Je viens de réviser l’envoi d’activité, j’ai sorti un tableau d’analyse des séjours avec des gestes marqueurs de chirurgie ambulatoire, vous les trouverez en annexe. Analyse rapide, rhinoplastie on n’est pas bon, toujours aucun séjour en ambulatoire, intervention pour oreilles décollées que 60 %, ligature des veines, on est nul aussi, on a eu deux patients en ambulatoire, 25 en une nuit alors que c’est un geste marqueur là aussi, hernie inguinale on est nul de chez nul, rétine pas bon, cristallin pas bon, ok pour les méniscectomie sous arthroscopie, les fameuses arthroscopies du genou, ok pour le canal carpien, et après voilà. »
34Le travail d’accumulation de données et de production des séjours en GHM effectué par les techniciennes se retrouve ici pris comme technologie de savoir et de gouvernement par les tutelles et les acteurs administratifs de l’hôpital. La production de ce savoir ne se limite ainsi pas à un simple souci de renseignement en vue du financement. Les connaissances produites par le PMSI permettent de même de dire la qualité de l’action, ou de l’activité, de l’hôpital, « rhinoplastie, on n’est pas bon ».
Conclusion
35Le passage de séjours multiples et différenciés à un nombre restreint de Groupes Homogènes de Malades s’avère être une opération délicate même si répétée et maîtrisée par les techniciennes. Ce passage suppose un ensemble d’épreuves aux prises avec le droit, l’économie et la médecine et tend à dire autrement ce qui se passe en hôpital. Un patient n’est plus seulement un malade, il est un GHM, avec un coût, un prix de revient, il est un ensemble d’actes et de diagnostics, principaux ou associés. Il est devenu un être de médecine et de gestion.
36Cette forme de savoir aux frontières du médical et du gestionnaire tend donc à redéfinir ce qu’est le soin et à encourager par un travail d’enregistrement, de sélection, de choix, de collection et d’assemblage, certaines pratiques médicales telles l’ambulatoire. Les mécanismes de catégorisation en GHM font plus que renseigner sur ce qui se passe à l’hôpital, ils performent la réalité hospitalière en la présentant sous un angle singulier, ils redéfinissent la raison d’agir de l’hôpital et son rapport au patient. Et surtout, ces instruments soutiennent une forme de gouvernementalité gestionnaire qui n’aurait ni prises ni effets sans l’ensemble des matériaux ici décrits.
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Mots-clés éditeurs : système d'information, codage, gestion, hôpital, gouvernementalité
Date de mise en ligne : 06/12/2013.
https://doi.org/10.3917/rac.021.0815Notes
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[1]
Le codage est ici dit « centralisé ». Certains établissements fonctionnent eux par un codage décentralisé, les médecins et leurs secrétaires codant eux-mêmes les dossiers. Un travail pourrait être mené dans un hôpital où le codage serait décentralisé. Il serait alors intéressant d’observer une répartition des rôles plus ambiguë entre médecins et codeurs et les façons dont les premiers concevraient un accroissement des tâches bureaucratique dans leur travail.
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[2]
La saisie des actes dans le système d’information suit en fait une autre procédure, elle est effectuée en amont du codage. Les médecins et les secrétaires codent immédiatement les actes depuis leurs services. Ils sont donc renseignés automatiquement sans que la technicienne n’ait à les inscrire.
-
[3]
Le terme utilisé par le médecin signifie que l’épouse du patient ne souffre d’aucun handicap l’empêchant de prendre soin de son mari une fois celui-ci sorti de l’hôpital, elle est dite « autonome » par opposition à « dépendante ».
-
[4]
Les escarres sont des nécroses cutanées avec ulcération, c’est-à-dire des plaies qui se forment sur certaines parties du corps soumises à la pression chez des malades alités longtemps.
-
[5]
Entretien avec un médecin en médecine interne, novembre 2011.
-
[6]
Nicolas Belorgey a très bien montré comment les trajectoires individuelles, les positions au sein de l’institution et le rapport à ses paires pouvaient orienter la posture des acteurs hospitaliers vis-à-vis des réformes néo-managériales (Belorgey, 2010).
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[7]
Il s’agit plus précisément du Guide méthodologique de production des informations relatives à l’activité médicale et à sa facturation en médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie, publié au Bulletin officiel.
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Le service où nous avons réalisé notre étude discute entre deux et cinq dossiers par semaine, alors qu’il en code entre 400 et 500 sur la même période.
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Si le codage fait l’objet d’une telle attention, c’est aussi en raison des contrôles de l’Assurance maladie qui peut revenir sur le codage des établissements en cas de résultats suspects.
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Deux approches différentes ont été conduites sur ces situations où la connaissance peut faire défaut. La première menée dans la foulée des travaux de James March a insisté sur l’idée d’une rationalité limitée dont le travail de G. Allison demeure une mise en pratique désormais classique avec son travail sur la crise de Cuba (Allison & Zelikow, 1999). L’analyse en termes de rationalité limitée tend néanmoins à négliger les capacités d’improvisation et de production des connaissances en situation, portant davantage la focale sur les manques (Laville, 2000). Les travaux sur la cognition située insistent plutôt sur ces compétences en situation. Il faut en effet comprendre que l’articulation de différents registres implique l’incertitude. Par exemple, si les techniciennes ne savent pas dans l’absolu si la maladie de Wegener peut ou non se réactiver, c’est en raison de la connexion qu’elles doivent établir entre une question médicale et les contraintes pratiques et normatives du codage. Imaginons une action similaire, mais renversée, un médecin spécialiste de la maladie de Wegener et qui aurait à s’interroger sur le codage, pourrait tout autant malgré sa connaissance aiguë de la maladie se heurter à des doutes quant à l’action de codage. L’imbrication des registres rend comme inhérent au codage, le doute et l’incertitude. D’où l’intérêt d’une notion comme celle de cognition située même si lui fait défaut son insistance trop grande sur la capacité salvatrice des objets techniques (Bessy & Chateauraynaud, 1993).
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Un épanchement pleural correspond à la présence d’un liquide au niveau de la plèvre et qui peut être ponctionné.
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Entretien avec un membre du cabinet de Jean-François Mattéi, novembre 2011.
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Décret n° 92-1101 du 2 octobre 1992 relatif aux structures de soins alternatives à l’hospitalisation mentionnées à l’article L. 712-2 du Code de la Santé publique. Le décret définit les structures d’ambulatoire comme permettant « d’effectuer, dans des conditions qui autorisent le patient à rejoindre sa résidence le jour même, des actes médicaux ou chirurgicaux nécessitant une anesthésie ou le recours à un secteur opératoire ».
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Entretien avec un des responsables du contrôle de la chirurgie ambulatoire à La Caisse Nationale d’Assurance Maladie, juillet 2012. Les actes éligibles étaient par exemple à ce moment l’amygdalectomie, la cataracte ou l’opération sur le canal carpien.
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Ce qui n’est pas sans poser un problème d’adéquation entre un recueil médico-économique et une perspective épidémiologique, comme l’avaient déjà relevé les acteurs de ce système (Lombrail, Minvielle, Comar, & Gottot, 1994).