Dans son essai « De l’angoisse au langage », Maurice Blanchot montre que l’écrivain qui se trouve seul ne trouve dans son écriture que l’impossibilité d’être seul, parce qu’une fois devenue écriture sa désolation dépend de la présence de l’autre. Écrire annule sa solitude. Mais alors comment penser l’ici où il est seul ? dès lors que les mots qu’il couche sur le papier sont indifférents à sa situation : « […] il est tout entier absent de ce qui se dit ». Cette absence se trouve en creux de l’activité d’écrire. Il est ici, comme l’écrit Henri Michaux, « à l’arrivée, entre centre et absence ».
Afin d’approfondir l’espace de la solitude chez Blanchot, notre réflexion portera sur l’image de la chambre, qui non seulement, comme le souligne Derrida, est le « lieu de tous ses récits », mais aussi celui de tous ses romans. Quel espace pour la chambre ? Quel imaginaire pour l’espace ? Cet espace, ni topique ni mimétique, n’admettrait que son revers. Ne vaudrait-il pas mieux distinguer entre l’espace réel et l’espace de la fiction ? Une tendance de la réflexion sur l’espace romanesque est d’approcher l’espace comme un objet. Cette approche, dont Roland Bourneuf offre le meilleur exemple, permet d’établir une typologie des fonctions de l’espace dans le roman. Toutefois, elle repose sur une acception littérale de l’espace et en écarte les usages métaphoriques sous prétexte qu’ils sont subjectifs, poétiques et irréels. Au contraire, l’approche que nous prenons relève plutôt de ce que Bachelard appelle une « phénoménologie de l’imaginaire » qui « tisse le réel et l’irréel »…