Notes
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[1]
Hervé Guibert, L’Image fantôme, Paris, Minuit, 1981 (désormais cité dans le corps du texte avec la mention IF, suivi du numéro de page).
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[2]
Roland Barthes, La Chambre claire : note sur la photographie, Paris, Gallimard/Seuil, « Cahiers du cinéma », 1980.
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[3]
« J’aime certains traits biographiques qui, dans la vie d’un écrivain, m’enchantent à l’égal de certaines photographies ; j’ai appelé ces traits des “biographèmes” » (Roland Barthes, ibid., p. 54).
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[4]
Roland Barthes, Le Plaisir du texte, Paris, Seuil, 1973, p. 25.
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[5]
« La Photo des petites Mongoliennes en maillots de bain ».
-
[6]
En 1985, le romancier américain Richard Powers a écrit un roman, Trois Fermiers s’en vont au bal (Three Farmers on Their Way to a Dance, New York, HarperCollins), à partir d’une photographie d’Auguste Sanders. Guibert ne pouvait pas ignorer ce roman. Cette idée de développer une photo en roman, c’est ce que Gilles Deleuze appellerait « avoir une idée » (« Qu’est-ce que l’acte de création ? », conférence à la fondation Fémis, Paris, 17 mai 1987, Trafic, n°27, automne 1998, p. 133 sq.) – une idée de romancier.
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[7]
Anne-Cécile Guilbard, « Le Roman du regardeur en 1980 (Roland Barthes et Hervé Guibert) », in Littérature et photographie, dir. par Jean-Pierre Montier, Liliane Louvel, Danièle Méaux & Philippe Ortel, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, « Interférences », 2008, p. 266.
-
[8]
Véronique Montémont, « Dites voir (sur l’ekphrasis) », ibid., p. 464.
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[9]
Hervé Guibert, Mes parents, Gallimard, 1986 ; « Folio », 1994, p. 106.
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[10]
Id., Suzanne et Louise [1980], Paris, Gallimard, p. 62. Cette évocation rappelle par ailleurs la photo de Louise se lavant les cheveux, dans Suzanne et Louise (ibid., p. 34).
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[11]
Id., La Photo, inéluctablement, Paris, Gallimard, 1999, p. 87.
-
[12]
On peut constater qu’il a déjà en tête en 1973 le style de portraits qu’il publiera dans Le Seul Visage (Paris, Minuit, 1984).
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[13]
La serviette fait penser au texte « Le Désir d’imitation » (Les Aventures singulières, Paris, Minuit, 1982), où le narrateur séjourne chez une actrice italienne vieillissante qui le désire alors que lui a un désir de meurtre, qui se transforme en fantasme photographique : « J’imaginais une séquence : d’abord elle portait une serviette blanche devant elle, pour cacher son corps nu […] » (p. 105).
-
[14]
Rappelons que Guibert, qui avait souhaité photographier Barthes et sa mère âgée (IF, p. 148-151), a photographié Suzanne et Louise dans des scènes mortuaires et filmé sa propre tentative de suicide – truquée, comme on l’apprit ensuite dans Le Mausolée des amants (Paris, Gallimard, 2001, p. 414) – dans La Pudeur ou l’Impudeur (1992)…
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[15]
Séquence qui ne sera pas mentionnée dans la narration de cette photo ratée de la mère dans Mes parents (op. cit., p. 106).
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[16]
Anne-Cécile Guilbard, « Le Roman du regardeur en 1980 (Roland Barthes et Hervé Guibert) », art. cit., p. 262-263.
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[17]
On lira à ce propos le magnifique article d’Alain Buisine, « À toute allure, Hervé Guibert », in Le Corps textuel d’Hervé Guibert, dir. par Ralph Sarkonak, Paris, Minard, 1997, p. 97-112.
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[18]
La Chambre claire, op. cit., p. 176.
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[19]
Alain Buisine, « Le Photographique plutôt que la photographie », Nottingham French Studies, vol. 34, n°1, 1995, p. 35.
-
[20]
La Chambre claire, op. cit., p. 70-71.
-
[21]
C’est là le titre de l’une de ses photographies (Le Seul Visage, op. cit., p. 53).
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[22]
« Madame Aveline, retoucheuse : beau à tout prix » (La Photo, inéluctablement, op. cit., p. 202-204). Anne-Cécile Guilbard démontre que Guibert réécrit ses textes de façon différente selon qu’ils sont destinés au recueil ou au journal (« Le Roman du regardeur en 1980 », art. cit., p. 264) : par exemple, « Polaroïd » (IF, p. 117-120), qui est constitué d’extraits d’un article paru dans Le Monde du 26 juin 1980 : « Au centre Georges Pompidou : “Instantanés” – la course angoissée à l’immédiateté » (La Photo, inéluctablement, op. cit., p. 220-222), ou encore « La Retoucheuse » (IF, p. 137-139), qui est une reprise de « Madame Aveline, retoucheuse : beau à tout prix ».
-
[23]
Roland Barthes, Le Grain de la voix, Paris, Seuil, 1981, p. 267.
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[24]
Selon Akane Kawakami, ce texte est une volonté de compliquer la formule de Barthes : « C’est moi et ce n’est pas moi » (Akane Kawakami, Photobiography : Photographic Self-Writing in Proust, Guibert, Ernaux, Macé, Londres, Modern Humanities Research Association and Maney Publishing, 2013, p. 48).
-
[25]
Le Mausolée des amants, op. cit., p. 305.
-
[26]
Robert Pujade, Hervé Guibert : une leçon de photographie, Villeurbanne, Université Claude Bernard Lyon 1/INSA Lyon, 2008, p. 22.
-
[27]
Hervé Guibert, Mon valet et moi, Paris, Seuil, 1991, et Le Paradis, Paris, Gallimard, 1992.
-
[28]
Duane Michals, Changements, Paris, Herscher, 1981.
-
[29]
La Chambre claire, op. cit., p. 23. On se reportera également à Gaston Fernandez Carrera, La Photographie, le Néant : digressions autour d’une mort occidentale, Paris, PUF, « Sociologie d’aujourd’hui », 1986.
-
[30]
Hervé Guibert, Vice [1991], Paris, Gallimard, 2013.
-
[31]
Id., La Mort propagande et autres textes de jeunesse, Paris, R. Deforges, 1991.
-
[32]
Id., Les Chiens, Paris, Minuit, 1982.
-
[33]
« H.G. » évoque « L’Autoportrait de Munich de Rembrandt en jeune chien fou » dans « L’Ours » (Hervé Guibert, La Piqûre d’amour, Paris, Gallimard, 1994, p. 146).
-
[34]
Op. cit., p. 33-36.
-
[35]
Des corps de deux jeunes garçons qui dansent, en mouvement (I), à ceux de deux jeunes garçons statiques montés sur un socle circulaire (II), on passe au corps de vieille femme allongé dans la baignoire, recouvert d’un drap blanc qui ressemble à un linceul (III), avant d’arriver à la dépouille d’un jeune homme (IV). Ce dernier fantasme comporte trois images qui trahissent également une marche lente vers la décomposition. Sur la première, le sujet est « fraîchement mort » et a l’air de sourire « comme dans un demi-rêve » (p. 152). Sur la deuxième, son cou a été épluché en lamelles. Sur la troisième, un linge recouvre sa tête « pour dissimuler sa blessure » (p. 153).
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[36]
Robert Pujade fait un parallèle intéressant avec « Un scénariste amoureux », dans La Piqûre d’amour, un fantasme de roman qui est également écrit au conditionnel. Selon lui, la fonction même de ce fantasme d’écriture est qu’il ne puisse pas s’écrire. Que ce soit dans le roman ou dans la photographie, le fantasme « interdit l’accomplissement de la forme littéraire ou iconique convoquée par le texte » : l’enjeu est « l’occasion de fournir un espace textuel au désir » (Hervé Guibert : une leçon de photographie, op. cit., p. 23).
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[37]
Le Seul Visage, op. cit., p. 29 ; photo reprise dans Hervé Guibert photographe, texte de Jean-Baptiste Del Amo, Paris, Gallimard, 2011, p. 76.
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[38]
Hervé Guibert : une leçon de photographie, op. cit., p. 21.
-
[39]
Ibid., p. 21.
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[40]
Hervé Guibert, Les Aventures singulières, Paris, Minuit, 1982.
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[41]
« Le Photographique plutôt que la photographie », art. cit., p. 33.
-
[42]
Hervé Guibert photographe, op. cit., p. 72-73.
-
[43]
« Le Photographique plutôt que la photographie », art. cit., p. 33.
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[44]
La Photo, inéluctablement, op. cit., p. 158.
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[45]
« Le Photographique plutôt que la photographie », art. cit., p. 38.
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[46]
Ibid., p. 39.
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[47]
Nous remercions les PUL qui nous ont donné la permission de reprendre un extrait de notre ouvrage portant sur L’Image fantôme : Hervé Guibert : l’écriture photographique ou le miroir de soi, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, « Autofictions, etc. », 2015.
1 Hervé Guibert, dès ses premiers livres, manifeste à l’égard de la photographie un intérêt certain. Photographe reconnu, comme en témoigne notamment la rétrospective qui lui a été consacrée à la Maison Européenne de la Photographie en 2011, critique photo de talent au journal Le Monde de 1977 à 1985, il rédige L’Image fantôme [1], en 1981, dans les pas de Roland Barthes et de sa Chambre claire [2]. Nous souhaitons ici montrer en quoi ce livre constitue en même temps un livre sur le déclic et sur le désir photographique, et une forme d’écriture autobiographique dans laquelle se dessinent les contours de l’esthétique photographique de l’auteur. Si la thématique des corps, chère à Guibert, y occupe une place indéniable, l’image fantôme du texte n’en demeure pas moins la figure de Thanatos qui s’y inscrit en filigrane.
2 Écrit à la première personne, L’Image fantôme se compose de soixante-quatre textes. Ce recueil ne peut pas être envisagé à proprement parler comme une « théorie » de la photographie. Cependant, les réflexions qu’il contient apportent sans aucun doute beaucoup sur un plan théorique. Nous le considérons plus généralement comme un essai sur le désir suscité par l’image car, comme le remarque justement le narrateur, « l’image est l’essence du désir, et désexualiser l’image, ce serait la réduire à la théorie… » (IF, p. 89). Il s’agit aussi d’un essai autobiographique dans la mesure où il regroupe un ensemble de biographèmes [3] liés à la photographie. Le « je » se dit à travers sa passion des images et s’expose dans sa « tentative de biographie par la photographie » (p. 124). À titre d’exemple, nous pouvons citer « Proposition de séquence à Bernard Faucon » (p. 45-46), qui est non seulement un hommage à un ami photographe mais aussi la manifestation du lien qui existe entre les pratiques autobiographique et photographique. En proposant à cet ami de reconstituer les épisodes de sa vie qui lui semblent particulièrement photogéniques, l’auteur rappelle un motif – l’homme et l’enfant – qui lui est cher, tant en littérature et en peinture qu’en photographie.
3 Quel genre de photos Guibert affectionne-t-il ? Dans « Les Photos préférées » (IF, p. 121-124), il en décrit certaines avant de s’interroger : « Quel serait le thème de cette collection, sinon mon goût, quelques inclinations minuscules et capricieuses ? L’enfance ? La mort ? Le thème pédophore de l’homme qui porte un enfant dans ses bras ? Ou bien un cocktail de tous ces penchants ? » (p. 123). Il mentionne aussi les photos qui déstabilisent le spectateur, qui mettent « en état de perte » [4] : « devais-je prendre du plaisir à cette image, et mon plaisir était-il légitime ? » (p. 122), se demande-t-il à propos d’une photo de Diane Arbus [5]. Souvent, on remarque que ce qui attire Guibert est une relation entre deux concepts opposés : folie/bonheur ; horreur/liberté ; garçon/fille ; garçon devant un mur lépreux ; porteur de morues/poisson mort. « Les Photos préférées » sont sources de désir, se prêtent à l’imagination et à une narration romanesque : « Sur ces têtes dignes et juvéniles il me semblait que je pouvais monter un roman : je ne me lassais pas d’imaginer des épisodes » (p. 121) [6]. Selon Anne-Cécile Guilbard, « […] le regard photographique, chez Barthes comme chez Guibert, s’envisage à la manière d’un corps à corps entre celui qui voit l’image et le support de cette dernière » [7].
4 L’Image fantôme ne contient aucune photographie. Si le narrateur avait bien pensé en incorporer quelques-unes, il explique dans « Les Photos préférées » qu’au fur et à mesure de l’écriture, les photos sont devenues étrangères à son récit, comme « un négatif de photographie » (IF, p. 123). Véronique Montémont note à ce sujet que « […] ne pas montrer les images permet de les hypostasier – elles vont cristalliser représentations et fantasmes, alors que leur banalité aurait pu se révéler, comme le craignait Barthes, déceptive –, mais aussi de les ériger au rang de paradigme » [8]. Les photographies se révèlent dans l’imagination du lecteur et rejoignent par ce biais ses articles pour Le Monde, où là non plus aucune image n’était publiée. Le narrateur remarque que son livre évoque la photographie de façon négative, images fantômes, non révélées, latentes ou « intimes au point d’en être invisibles » (p. 124). C’est en nous penchant sur le texte éponyme ainsi que sur le suivant, « L’Image parfaite », que nous pourrons mettre à jour la manière dont l’auteur envisage la photo et insister sur la dichotomie réel/imaginaire. Ces éléments seront ensuite approfondis par une analyse du reste de l’ouvrage qui nous mènera progressivement à la figure de Thanatos.
5 « L’Image fantôme » (IF, p. 11-18) relate une séance de photos avec la mère du narrateur dont il ne restera pas de trace photographique. C’est un texte très connu dont il existe deux versions, la première dans L’Image fantôme et la deuxième, beaucoup plus courte, dans Mes parents [9]. Revenu passer un week-end à La Rochelle en 1973, Guibert avait entrepris de faire le portrait de sa mère. Le narrateur décrit une véritable mise en scène, un « théâtre » où allait « se produire » (IF, p. 12) sa photo. Bien avant de s’occuper du cadre, Guibert se débarrasse du père pour que la mère soit libérée de tout regard extérieur et qu’il n’y ait plus entre eux qu’une « connivence nouvelle » (loc. cit.). L’accord de la mère pour se faire prendre en photo par son fils – elle si souvent rétive à ce genre d’exercice ! – peut se lire comme une révolte vis-à-vis du mari, peint sous des traits très autoritaires : il « interdisait », « ordonnait […] pour qu’elle ne puisse pas contrôler son image » (loc. cit.). Son fils lave ensuite lui-même les cheveux de sa mère, comme il le faisait pour les cheveux de Suzanne ainsi qu’il le rapporte dans Suzanne et Louise [10]. Il désirait par là débarrasser sa mère de son « fatras de coiffure », avouant qu’auparavant il ne la photographiait pas car il n’aimait pas sa coiffure, « artificiellement bouclée et laquée » (IF, p. 12), qui embarrassait son visage, le cachait et le faussait. En effet, la mère semble littéralement fuir sa propre image, se réfugier derrière sa supposée ressemblance avec Michèle Morgan. Le narrateur s’intéresse ensuite à ce qu’elle porte. Elle revêt une combinaison blanche. Hervé lui a fait essayer plusieurs robes qui le déçoivent : trop voyantes, elles en venaient à l’effacer. Rétrospectivement, grâce au travail de l’écriture, il remarque que toute tentative de choix de robe pour sa mère consistait en fait à la « dénuder » (p. 13). On passe alors au maquillage. Le narrateur veut faire voir ses yeux bleus (même si la photo est en noir et blanc) et farder sa mère d’une poudre presque blanche. En combinaison blanche, poudrée, elle peut faire penser à une image de vestale, donc partiellement désexualisée, ou plutôt dé(hétéro)sexualisée.
6 Pour parachever l’ensemble, le narrateur veille tout particulièrement au cadre et à la lumière. Dans La Photo, inéluctablement, Guibert donnait sa conception d’une photo bien cadrée : « Une photo bien cadrée est une photo qui ne met pas de sens en trop, pas de superflu, pas d’illisible, et qui “se tient” graphiquement, qui ne compromet pas un équilibre » [11]. Pour photographier sa mère, il souhaite la lumière du jour (nous sommes au début de l’été), mais veut atténuer cette lumière en baissant le store car elle risquerait « de gommer, d’aplanir le visage » (IF, p. 13). Car c’est avant tout le visage que le photographe veut capturer [12]. Pour ce qui est du cadre, il enlève les objets qui détourneraient l’attention du sujet proprement dit et fait asseoir sa mère dans un fauteuil blanc (on peut se demander comment la photo va ressortir avec la combinaison blanche), entourée de plantes vertes. Il conserve pour la photo la serviette qu’il a lui-même placée sur les épaules de sa mère en lui lavant les cheveux afin de ne pas la mouiller [13]. Le visage blanc, la blouse blanche, la photo prise sur un fauteuil blanc…, tous ces éléments visent à transformer la mère en fantôme. N’est-ce pas aussi cela, l’image fantôme, une image de la mort de la mère, une photo au plus près de la mort [14] ? La photo est ce qui saisit le moment et aussi le met à mort, comme l’a formulé Barthes.
7 La tendresse règne : le photographe se décrit tournoyant autour du modèle « comme si ce tourbillon lent autour d’elle, à distance, était la plus douce des caresses » (IF, p. 14). Ce n’est pas une photo-viol, mais un acte d’amour, à l’inverse des photos prises par le père qui ordonnait à sa femme de sourire ou bien la prenait malgré elle (p. 12). Le narrateur passe de l’incertitude (« Je pense qu’à ce moment elle jouissait ») à la certitude (« en fait, c’est ça : l’image d’une femme qui jouit », p. 14), jouissance qui se passe à l’insu du père.
8 Le narrateur fait ensuite deux incursions dans le texte par le biais de deux parenthèses. Nous ayant dit que sa mère est détendue, ses rides disparaissant, il explique qu’avec ses photos, il arrête le temps. Puis il la compare à « une reine avant une exécution capitale » (IF, p. 14). Une fois la photo prise, elle se laissera de nouveau aller vers le vieillissement et la dégradation. Il y a un contraste entre ce que Guibert appelle « l’image fixée », belle, et l’« image dégradée » (loc. cit.), celle d’une mère qui se laisse aller, correspondant à l’image voulue par le père. Dans le contexte présent, cette comparaison fait penser à Jocaste ou à Marie-Antoinette allant vers son exécution, selon le fameux dessin de David. De même, on identifie aisément le narrateur à une figure œdipienne, même s’il ne se crève pas les yeux.
9 Le photographe a pris plusieurs clichés et, dans une deuxième séquence [15], il affuble sa mère d’un chapeau de paille qui lui appartient et dont le bord est relevé. Dans son imaginaire, c’est le chapeau de Tadzio, l’adolescent de Mort à Venise. La mère est transformée en adolescent(e) androgyne, comme le personnage du film de Visconti. Le narrateur est conscient de projeter son propre désir. La mère se mue en l’adolescent fantasmé par le narrateur et « endosse » (IF, p. 15) par là une confidence sur sa sexualité. Le choix du verbe endosser démontre que c’est parée du chapeau qu’elle devient autre. Elle s’abandonne à sa jouissance : elle légitime aussi, dans sa transformation, la jouissance du fils homosexuel. Ayant déjà réalisé une image figée et une image dégradée de la mère, il lui propose peut-être par le biais de cette mise en scène une image « authentique » de lui-même.
10 Dans le premier fragment du livre intitulé « Les Lunettes à lire la pensée » (IF, p. 9), véritable incipit qui précède le texte éponyme, le « je » narrateur affirme que la photographie pourrait conjuguer deux pouvoirs : lire la pensée et déshabiller. Selon Anne-Cécile Guilbard, ce court texte présente d’emblée la photographie comme un objet magique :
Ce passage, très révélateur par ailleurs du projet guibertien d’écriture de soi, situe comme chez Barthes le discours sur la photographie parmi les récits d’expérience tendus vers la fiction. La photo, instrument optique et médium ordinaire, promet la révélation magique de vérités invisibles tout autant qu’inédites, et c’est avec l’intrépidité d’un expérimentateur que le regardeur s’y livre, à la manière d’un héros en quête d’aventures [16].
12 Ce double mouvement (« lire la pensée et déshabiller », IF, p. 9) se retrouve dans ce texte qui semble nous renseigner à la fois sur l’état d’esprit de la mère (« un âge désespéré, où je la sentais à l’extrême limite du vieillissement, de la tristesse », p. 11) et, à travers la mise en scène, sur celui du fils. Si prendre une photo c’est accéder à la nudité et à la lecture des pensées de celui qui est photographié, on comprend la réaction de la mère du narrateur : « Ma mère refusait d’ailleurs le plus souvent de se laisser prendre en photo, prétendant qu’elle n’était pas photogénique, que cette situation immédiatement la crispait » (loc. cit.). Cette résistance n’est-elle pas la manifestation inconsciente des pouvoirs de la photo, pour elle qui cherche à garder la maîtrise de sa propre image ? Quant au déshabillage, il consiste à donner une image autre que celle façonnée par le père pour la mère, que celle imposée par le père pour le fils.
13 Indubitablement, la venue du père signale le retour à l’ordre antérieur et le retour à la différence des genres. La mère se recoiffe avec ses rouleaux, enlève sa poudre. Le fils veut garder « l’image fixée » qu’il décrit ainsi : « […] L’image occasionnelle, l’image subversive, la photo » (IF, p. 15). Ayant voulu développer le film avec son père dans la salle de bains, et s’étant alors aperçu que la pellicule n’a pas été bien enclenchée, que les photos n’existent pas, le narrateur évoque un moment « à blanc » entre sa mère et lui : « À blanc, l’instant essentiel, perdu, sacrifié ». Il n’a pas pu capter l’image de sa mère. La mère et le narrateur ne vivent-ils pas ce ratage comme « un instant d’accablement, de douleur, une sensation d’impuissance, de fatalité » (p. 16) qui rappelle la prise de conscience de l’inceste d’Œdipe ? Mère et fils sont désolés, refaire la séance est impossible, pourtant il en restera une trace sur papier.
14 On pourrait interpréter ces séances photos en leur appliquant un schéma freudien traditionnel, comme le narrateur nous y invite. Il se demande en effet si ce n’est pas en fait le décès de son père qu’il veut mettre en scène « avec la puissance sourde d’un inceste » (IF, p. 16) et d’une pellicule vierge. Symboliquement le père détient le phallus et le fils tire à blanc, même si c’est quand même lui qui a fait « jouir » la mère. Le père s’efforce de léguer à son fils l’ordre hétérosexuel. Lorsqu’ils déménagent, il lui donne son appareil photo (« Passer ce gros appareil à son fils était un plaisir pour mon père », p. 17) ; toutefois, de façon à ne pas être en reste, il s’en achète un encore plus gros. Une autre interprétation de ces séances photos tourne autour des séquences prises avec la mère affublée du chapeau de paille. Le narrateur projetterait son désir homosexuel à travers cet objet transitionnel. Il lui confierait en silence son désir pour les garçons androgynes ; il divulguerait ses secrets en se dévoilant à son tour, cherchant la connivence de sa mère. Cette dernière semble silencieuse pendant ces séquences, véritable modèle consentant : on a l’impression qu’elle s’offre à son fils pour qu’il puisse réaliser son désir (là où le père s’y opposerait). Accepter ce jeu (le chapeau, l’androgynie), n’est-ce pas une manière d’avaliser l’homosexualité du fils et de lui permettre d’être le vecteur de cet assentiment ?
15 Si la photo de la mère avec le chapeau avait été réussie, le narrateur nous dit qu’elle aurait été « le délit d’une pratique presque diabolique » (IF, p. 17-18), donc une image subversive par rapport à l’ordre sexuel traditionnel. Le mot diabolique est très révélateur puisque, dans le texte suivant, « Premier amour », le narrateur utilise le substantif d’où il est dérivé pour décrire la première image d’homme dont il tombe amoureux, « une image extrêmement morbide, l’image du diable » (p. 19). Si le texte est « le désespoir de l’image » (p. 18) et l’expression d’une image fantôme, il témoigne de la complicité entre mère et fils par rapport à sa sexualité. « La photographie est aussi une pratique très amoureuse » (p. 11), nous dit d’ailleurs Guibert d’emblée dans la première phrase de « L’Image fantôme », phrase qui peut s’interpréter à la fois comme décrivant la relation mère/fils et comme permettant de dévoiler l’objet de ses affections. « Donc ce texte n’aura pas d’illustration […]. Et le texte n’aurait pas été si l’image avait été prise » (p. 17-18). Le discours de Guibert sur la photographie s’adresse à quelqu’un qui doit se construire une image mentale de la photo, l’inventer voire la fantasmer…
16 Le même processus est en jeu avec « L’Image parfaite », celle de quatre garçons prenant un bain de mer sous le soleil (IF, p. 22-24). La photo n’étant pas prise, le tableau ne se cristallise pas sur la pellicule, mais reste dans la rétine puis est consigné sur papier. Cette nouvelle image fantôme est le signe de ce qui lie photographie et écriture, lien auquel Guibert fait notamment allusion dans « L’Écriture photographique » (IF, p. 73-77). Selon lui, la lettre et le journal (intime) ont la même immédiateté que la photographie. Le journal est proche de la photo dans la mesure où, pour reprendre les termes de Goethe, ses « feuillets sont l’expression de la première impression qui est toujours précieuse, parce qu’elle est la plus vraie […] » (IF, p. 75). Le journal peut aussi trouver un équivalent dans la vidéo, comme chez Handke où « la retranscription est presque immédiate, mais [où] elle est aussi continue » (p. 77). On pense alors à La Pudeur ou l’Impudeur.
17 « L’Image parfaite » redouble la thématique de l’imaginaire et des corps ainsi que celle de l’écriture. Guibert voit la photo à faire mais, comme il n’a pas emporté son appareil, il dit passer d’une « vision » à un « regret » (IF, p. 22). Il décrit la photo à réaliser comme un « tableau étrange, à l’ordonnance parfaite », puis qui s’émiette et perd de sa perfection car « l’ordonnance, l’équidistance est brisée » (p. 23). Il pourrait revenir le lendemain, cependant il sait que le tableau est perdu et qu’il ne pourrait retrouver cette émotion, qui sera enrichie par le travail de la mémoire, puis de l’écriture. Si la photo avait été prise et avait été « “bonne”, […] l’acte photographique aurait oblitéré, justement, tout souvenir de l’émotion car la photographie est une pratique englobeuse et oublieuse, tandis que l’écriture, que la photographie ne peut que bloquer, est une pratique mélancolique » (p. 24).
18 On pourrait ainsi opposer le geste de l’écriture en mouvement, au geste de la photographie – appuyer sur le déclencheur –, qui constitue un figement [17]. Pour revenir à la « photo parfaite », si elle avait été prise, elle aurait été un objet étranger au narrateur, « comme l’objet, autrefois intime, d’un amnésique » (IF, p. 24). Dans ce contexte, écriture et photographie sont presque antinomiques. L’émotion que recherche le narrateur, bien plus forte que la perfection, n’est-ce pas la mélancolie, le « ça-a-été » [18], ainsi que Barthes nommait le noème de la photographie ? D’ailleurs, lorsque la vision de la photo à faire se décomposait devant lui, Guibert parlait de « regret » (p. 22) et se tournait alors vers l’écriture pour se défaire de ce regret.
19 Pourquoi l’intimité – l’émotion – de la scène visualisée seraient-elles détruites par la prise de la photo au point de la rendre étrangère ? Qu’est-ce qui peut provoquer cette réaction si ce n’est le fait que la vision « parfaite » ne peut jamais être capturée, qu’il vaut mieux ne pas s’y essayer et verser plutôt dans la mélancolie de l’image parfaite, c’est-à-dire accepter sa perte ? « […] la beauté […] est liée à l’éphémère, et à la perte […] elle ne se capture pas », écrira plus loin le narrateur (IF, p. 116). Une photo parfaite est un élan vers autre chose qu’elle-même. Elle dépasse la vue pour dialoguer avec l’imagination, qui est étymologiquement la faculté d’inventer des images. Dans ce cas, une photo parfaite est donc une photo manquée, fantôme, aveugle…, une vue de l’esprit. Elle ne se donne à voir que par l’écriture qui en livre l’ekphrasis. Si l’on juxtapose « L’Image fantôme » et « L’Image parfaite », on peut se demander si l’échec de la photo de la mère n’est pas un acte manqué. Paradoxalement, les meilleures photos de Guibert ne sont-elles pas celles qu’il n’a jamais prises ? La photo « parfaite » n’est-elle pas celle qui est retravaillée par l’imagination et rendue par l’écriture ? Ainsi Alain Buisine avance que Guibert s’intéresse plus au photographique qu’à la photographie : « En dernière instance ne préfère-t-il pas décrire une possible photographie, raconter dans le détail les conditions de sa réalisation plutôt qu’il ne désire la voir véritablement réalisée […] ? » [19].
20 La plupart des textes dans L’Image fantôme font prévaloir l’imaginaire sur la photographie. Le reste du livre décline cette idée sur tous les modes et à tous les temps. Dans « Premier amour », c’est l’imaginaire du corps qui prédomine. Le narrateur nous confie que deux photos de Terence Stamp dans Histoires extraordinaires de Fellini ont été les premières photos d’homme dont il est tombé amoureux. Il possède toujours ces photos, rangées au fond d’un carton. Il ne les regarde plus, préférant laisser libre cours à son imagination et arrivant même à les personnifier : « Le soir, quand je me couche, je me repousse au fond du lit pour laisser une place aux corps de la photo, et je leur parle sous les draps… » (IF, p. 21). Le narrateur sait où ces deux photos sont rangées, toutefois il ne veut pas les voir, précisément parce que leur vue court-circuiterait son imagination ; il se met alors à les décrire (p. 20-21). L’absence des photos conditionne la présence du texte, la justifie.
21 Autre mode, autre temps. Dans « Photo porno » et « Porno bis », le narrateur ne peut pas projeter son imaginaire sur les photos porno, hyperréalistes, alors qu’avec la photo érotique, il peut le faire jouer et lui « fai[re] dire autre chose que son texte » (IF, p. 103). La photo porno se distingue alors de la photo érotique dans la mesure où cette dernière est malléable, « manipulable » (loc. cit.). A contrario, la photo porno est rigide, d’une rigidité sur laquelle « bute » le fantasme du narrateur. C’est justement parce qu’elle est trop réelle (« une image plus réelle que lui », p. 100) que le désir ne peut s’y immiscer. Elle impose sa réalité, l’impose au spectateur, qui ne trouve aucune faille où se projeter. Guibert n’est pas sans savoir ce que Barthes disait sur la photo porno : « Rien de plus homogène qu’une photo pornographique. C’est une photo toujours naïve, sans intention et sans calcul […] l’érotique est un pornographique dérangé, fissuré » [20]. Dans « L’Image érotique » (p. 25-27), le narrateur nous dit que le désir dans la photographie, c’est ce qui n’est pas montré. C’est peut-être pour cela qu’en tant que critique, Guibert fera en sorte d’esquisser le sujet des photos, proposera des ekphrasis volontairement lapidaires, s’ingéniera à ne pas trop en dire par les mots afin de susciter le désir de voir du spectateur. Suivant le même raisonnement, la photo censurée est plus érotique que la photo nue (« Le Scotch rouge », p. 105). Et si Guibert aime les photos des jeunes collégiens d’Eton de Tony Ray-Jones, c’est parce qu’il peut échafauder un roman à partir de ces visages, imaginer des épisodes et les prendre pour acteurs (p. 121), bref, s’inventer son cinéma. Il aimerait leur faire jouer Les Désarrois de l’élève Törless (1906), le premier roman de Robert Musil, entraînant de nouveau la photographie vers le théâtre ou vers le « rêve de cinéma » [21] qui a toujours été le sien.
22 La supériorité de l’imaginaire sur la photo devient un véritable leitmotiv au fil des textes mais à chaque fois la démonstration diffère selon l’objet photographique. Dans « Inventaire du carton à photos » (IF, p. 34-44), le narrateur trouve que les photos de famille, plates, ne correspondent pas à ses souvenirs, plus violents, qu’il s’empresse de décrire. Les photos d’enfance sont « une mémoire aveugle, muette, mutilée » qui se substitue aux souvenirs. Toutefois certaines photos ont un pouvoir de réminiscence décrit comme « assez indicible » (p. 38), fonctionnant au niveau des sensations ou du désir. Il existe une concurrence entre photo et souvenir. La photo souvenir détient le pouvoir de chasser la réalité d’une personne (« ce visage […] chassé par la preuve tangible de l’image », p. 28), de même que la photo de famille est beaucoup moins violente que le souvenir et constitue ainsi une mémoire aveugle, ne renvoie pas à la réalité car elle ne saisit que des images aplanies de la vie. Ces clichés ne sont donc que des « convention[s] » (p. 44). Cette idée se retrouve dans d’autres chapitres qui soulignent le caractère trompeur de la photographie.
23 Dans « Photo souvenir », le narrateur ne retrouve pas ce qui l’a charmé chez N. dans la photo qu’il offre de lui. Cette photo va même jusqu’à appauvrir le souvenir qu’il en avait. Guibert écrit que le vrai visage va disparaître, « chassé par la preuve tangible de l’image », qui ne lui dira bientôt plus rien et rendra son affection « fallacieuse » (IF, p. 28). De nouveau le souvenir est court-circuité par la photo, les sentiments du narrateur pour N. n’existant plus face à elle. En ce sens, la photo peut être considérée comme un mensonge… Dans « Exemple de photo de famille », Guibert insiste sur cet aspect : « […] j’ai peur qu’ils aiment l’image et qu’ils s’y arrêtent » (p. 30). La photo peut recéler et figer une réalité appelée à devenir autre. Le narrateur montre bien que « la photographie est une pratique englobeuse et oublieuse » (p. 24), mais l’écriture de ce texte lui fait cerner ce qui l’a charmé chez N : « son sourire très doux, la grimace timide de son rire » (p. 28). En effet, comment rendre dans une photo cette dernière caractéristique qui combine deux des cinq sens ? « Photo souvenir » met donc en relief la force de l’image. Elle a ce pouvoir de se substituer au souvenir, de prendre sa place.
24 Ainsi, dans « La Menace », le narrateur parle, à propos de la photographie, « de cette déclive, de cette schize entre le monde et sa représentation » (IF, p. 85). La photographie n’est donc pas le réel, il y a une césure, une fissure entre ce qui est photographié et ce que la photographie nous donne à voir. Elle doit être saisie dans cet entre-deux, et peut-être cet entre-deux est-il un espace fictionnel, voire autofictionnel. Le fragment intitulé « Les Anneaux » (p. 91) peut se lire comme une métaphore de la photographie qui n’attrape jamais ce qu’elle souhaite saisir même si cela paraît très simple. « La Retoucheuse » renvoie à un texte de La Photo inéluctablement [22]. À travers ce portrait, Guibert cherche à révéler le caractère trompeur que peut avoir une photographie : « La retoucheuse déblaye et embellit » la réalité. Elle est « magicienne » (p. 139) dans le sens où elle donne à lire une nouvelle réalité. Mais ce trop de perfection peut aussi faire perdre tout charme à une photographie.
25 Dans d’autres circonstances, le narrateur met en relief le pouvoir évocateur de l’image. L’image s’impose à l’imagination et l’empêche de fonctionner librement. Si l’image peut être le point de départ d’un fantasme, d’un désir, elle a aussi le pouvoir de réfréner toute envolée fantasmatique. Une autre dimension s’ajoute à celle de l’imaginaire, il s’agit du temps qui passe. On trouve dans « Photo animée » un mouvement de va-et-vient entre le passé et son image et la manière dont il se superpose au présent. Cette image n’existe plus et nous hante cependant : « Je te vois à tous les âges de ta vie en même temps » (IF, p. 52). Notre image réelle est faite de toutes les images qui ont été les nôtres. Qu’est-ce que la photo de notre passé dit sur ce que nous sommes au présent ? La problématique présent/passé est redoublée dans « Photo d’identité I » avec deux photos d’identité du narrateur prises respectivement en 1967 et en 1977 où il refuse le souvenir, de peur d’« “annuler totalement [s]on désir de vie” » car il ne voit que ce qu’il est devenu : un « visage, sinistre » (p. 56). Dans « Photo d’identité II », l’analyse de Barthes : « C’est moi et ce n’est pas moi » [23] est testée par l’exemple donné dans le texte : « Je savais très bien que ce visage ne pouvait être que le mien (ou celui d’un sosie ?), et qu’en même temps ce ne pouvait être moi » (IF, p. 59) ; ce discours rappelle le noème barthésien, le « ça-a-été », tout en le complexifiant [24]. Dans Le Mausolée des amants, le rêve de photo, que Guibert pense sans doute impossible à réaliser, consignerait le fait de vieillir : « [...] sur la nouvelle machine à écrire, se reflétant sur la petite bande qui témoigne de sa mémoire, les rides de mon front » [25]. Robert Pujade souligne que la photo impossible à faire « devient prétexte à une image poétique qui associe les marques de l’âge à la mémoire de l’écriture » [26].
26 Pour continuer avec la temporalité, on retrouve dans d’autres textes une logique de sénescence. Ainsi, dans « L’Album », le narrateur compose un album chronologique de ses photos depuis son enfance (on présume jusqu’en 1980 au plus tard, ce qui lui donnerait vingt-cinq ans), qu’il qualifie lui-même d’« occupation malsaine et funèbre » car ce visage qui se transforme ressemble à « un personnage de roman qui s’achemine lentement vers la mort » (IF, p. 67). Lorsqu’il montre ces photos dont il est le sujet, il craint que l’on prenne « cette démonstration pour du narcissisme » (p. 66). Or, ce qu’il voit dans ces photographies, ce n’est pas son propre reflet, mais c’est lui-même envisagé comme un autre. Il y a dans ce rapport à soi, à son image, un rapport qui sera entretenu par Guibert avec son propre personnage romanesque : une relation d’altérité, de dédoublement qui trouvera son point le plus fictionnel dans ses derniers textes : Le Paradis et Mon valet et moi [27]. Il en va de même pour les autoportraits de Rembrandt que le narrateur affectionne. Le peintre néerlandais est pour Guibert l’autoportraitiste dont l’œuvre est la plus forte, celle qui le touche le plus. L’autoportrait, pratiqué de manière régulière, renvoie à la mort. Il est la marque de la fuite du temps, du vieillissement, des changements pour reprendre le titre d’un livre de Duane Michals [28]. Le narrateur aligne cinq autoportraits de Rembrandt sur une étagère de sa bibliothèque. Ils vont du jeune homme à l’homme en fin de vie « qui se fond dans une ombre de cercueil » (IF, p. 65). Le narrateur dira en « tirer un enseignement de [s]a propre existence » (p. 64) avant de confier : « Mes propres autoportraits, je les aurais voulus ainsi ». Fixer son propre autoportrait, c’est, comme le dit le narrateur, « délimit[er] une image posthume » (p. 65).
27 Le temps qui passe mène inévitablement à Thanatos. Barthes parlait du « retour de la mort » [29] dans toute photographie. Guibert propose une surenchère par rapport à Barthes en surimposant Thanatos à la photographie. Dans « Inventaire du carton à photos », le narrateur est touché par les annotations rédigées par sa mère, annotations qui évoquent la mort prématurée de deux membres de la famille. En outre, lorsqu’il regarde les films de famille (« Photo animée »), il comprend en écoutant le discours familial qui se greffe sur les images que ce discours est « porteur de mort » (IF, p. 49) et, en visionnant les images, qu’elles racontent « l’histoire de la dégradation des corps » (p. 51). De même, « Photo animée » révèle la relation qu’entretiennent la photo et le film amateur avec la mort : « […] j’ai pu me rendre compte à quel point ce discours était angoissé et porteur de mort » (p. 48-49). Paroxysme de cette attitude : lorsque le narrateur prendra des photos au photomaton à Florence, ce sera pour aller commander avec l’une d’elles son médaillon funéraire (p. 61). Enfin, si l’invention de Morel de Bioy-Casarès le fascine autant (« Holographie »), c’est parce qu’elle met en scène des personnages morts dont on a capturé l’image avant qu’ils ne se suicident (p. 53). La métaphore est toujours filée dans « Exemple de photo de famille », qui évoque des photos rangées dans de petits cercueils, les comparant à des croix plantées qui « appellent le plaisir mélancolique » (p. 29). Si le narrateur leur attribue la mélancolie propre à l’écriture, c’est sans doute parce qu’elles sont déjà un memento mori.
28 Dans « La Photo, au plus près de la mort », le narrateur relate sa proposition de photographier Barthes avec sa mère. Il envoie une lettre que l’essayiste reçoit alors que « mam » se meurt. Il comprend que ce qu’il voulait photographier, ce désir qui se déclenchait très rarement chez lui, « c’était toujours près de la mort, et donc près de l’indécence » (IF, p. 150). Indécence ou pudeur ou impudeur : c’est un équilibre fragile qui est saisi dans les photos qu’il aime. Le texte n’aurait pas existé si la photo avait été prise. Le désir a été ici déclenché par l’imminence de la mort de la mère de Barthes. Cette photo portait en elle-même, dans son désir, doublement, la présence de la mort. Celle – à venir – de la mère de Barthes, celle de toute photo qui suspend le temps, suspend la vie et nous dit en même temps l’éphémère de l’un et de l’autre.
29 L’Image fantôme contient par ailleurs quatre fantasmes de photographie renfermant une présence thanatographique. Images du désir à assouvir, projections libres que la réalisation de ces photos viendrait interrompre. Le mot fantasme et le mot fantôme ont la même étymologie : ils sont empruntés au latin impérial phantasma, -atis, qui signifie « fantôme, spectre » et qui désigne, en bas latin, une image, une représentation par l’imagination. Le fantasme, comme le fantôme, sont donc des images par définition, et on comprend alors qu’ils aient partie liée avec la photographie. Ce sont des images qui disposent d’une aura particulière liée à leur absence même : elles contiennent tous les possibles d’une image parfaite que pourraient dire les mots…
30 « Fantasme de photographie », I, II, III et IV, illustrent une marche inexorable vers la mort. Le premier fantasme (IF, p. 31-33) est celui d’une séquence qui nous rappelle le travail de Duane Michals : « La séquence s’appellerait “À la diable” ». Il met en scène deux corps qu’une série de dessins pourrait décrire minutieusement, « mais l’écriture les fixe aussi » (p. 33). Les photos fantasmées ne sont pas sans rappeler Vice [30], La Mort propagande [31] et Les Chiens [32] pour les ustensiles évoqués dans le deuxième paragraphe. Ils sont liés à une sorte de fétichisme caractéristique des premiers textes de Guibert (pensons aussi à Suzanne et Louise et à la muselière, par exemple). Les protagonistes peuvent évoquer des autoportraits de Rembrandt : « Les acteurs de cette scène seraient deux jeunes hommes, longs et émaciés, aux yeux de chiens fous, aux cheveux ébouriffés » (IF, p. 31) [33]. Ce texte fait par ailleurs penser au travail de Marey et Muybridge évoqué dans La Photo, inéluctablement [34]. « Fantasme de photographie II » se présente ainsi : « La scène se passerait dans une des salles de démonstration d’électricité statique, au Palais de la Découverte » (IF, p. 87). « Fantasme de photographie III » (p. 127) décrit une vieille femme aux cheveux longs dans une baignoire recouverte d’un drap blanc qui l’emmaillote comme un linceul. Quant au « Fantasme de photographie IV », il se déroule dans un amphithéâtre d’anatomie, avec le cadavre d’un jeune homme. La description de cette scène fait penser à la proposition de Suzanne dans Suzanne et Louise, qui invite le narrateur à suivre son corps légué à la science après sa mort de façon à « photographier ce qu’ils vont faire » (« Le Cadavre », n. p.). En réunissant ces quatre fantasmes de photographie, qui sont parsemés dans l’ensemble du livre, on s’aperçoit qu’ils avancent inéluctablement vers la mort [35]. Comme le remarque Robert Pujade, tous ces fragments sont écrits au conditionnel (l’irréel du présent), éludant le passage à l’acte technique et favorisant le texte, l’image désirée étant ici plus que prétexte à l’écriture – « écriture d’un désir de voir » (IF, p. 18) [36].
31Une fois n’est pas coutume, « Fantasme de photographie III » fera l’objet d’une photo de Guibert, celle de sa grand-tante Louise, publiée une première fois dans Le Seul Visage [37]. Robert Pujade a admirablement comparé photo et texte, montrant leurs différences qui résident en des éléments intraduisibles par la photographie [38], un peu comme « la grimace timide de son rire » à propos de N. Étendant cette constatation aux autres fantasmes, il en conclut que la part vécue du fantasme ressort de l’écriture – « […] l’espace du Fantasme de photographie se déploie dans le texte et non pas dans la photographie » [39] –, confirmant l’écriture comme expression de la photographie en image fantôme.
32De la mort au meurtre, il n’y a qu’un pas et là s’enclenchent également l’imaginaire et la fiction. Un danseur japonais danse avec un paon et le serre jusqu’au moment de l’étrangler, moment devant lequel il recule (« Danse », IF, p. 115-116). Le narrateur trouve éminemment photographiable « les mouvements infimes de contraction du cou du paon » (p. 116), au plus près de la mort. Est-il besoin de le rappeler ? Il nous livre un texte et non pas la photo… Le souvenir de « L’Image érotique » (p. 25-27), dessin en couleur d’une femme en maillot de bain qui dévoilait son corps lorsqu’on tirait sur une languette, se retrouvera dans une nouvelle intitulée « Le Désir d’imitation » (Les Aventures singulières [40]) lors d’un passage portant sur un désir de photographie. Le narrateur passe quelques jours en Italie chez une actrice qui n’est autre que Gina Lollobrigida. Il lui fait part de son désir de la photographier devant l’écran blanc du salon, ayant imaginé une séquence. Elle porte une serviette blanche devant elle, pour cacher son corps nu, puis « la serviette, tirée par des ficelles, s’envol[e], et découvr[e] son corps » (p. 105). Jusqu’à présent le texte ressemble à « L’Image érotique », or la description qui suit le fait vite basculer vers le meurtre et, dans ce cas précis, illustre le fait que la photographie est, selon Alain Buisine, « fondamentalement un geste meurtrier » [41]. Parmi les photos publiées que Guibert a pu faire de Gina Lollobrigida, aucune ne ressemble à cette séquence [42]. Une nouvelle fois, l’écriture prend le pas sur la photographie. Dans L’Incognito, quand le narrateur projette une nouvelle série de photos, il pense à des vols factices d’intimité, des scènes de ménage plus ou moins violentes, des crimes, et des doubles suicides (IF, p. 152).
33 Après avoir analysé les séries de photos décrites dans L’Incognito, Alain Buisine vient à conclure :
Hervé Guibert démétaphorise brutalement cet imaginaire de la photographie, en quelque sorte il le prend au pied de la lettre puisque des scénarios de meurtre deviennent ici l’unique thématique de ses clichés […] il s’agirait alors, en produisant ces scènes d’assassinats, de photographier la photographie elle-même [43].
35 L’enjeu de la photographie, n’est-ce pas ce que Guibert aimait chez Duane Michals et qu’il décrit ainsi : « […] la recherche de la vérité de l’existence, et de la “sensation vraie”, doublée du sentiment constant de sa décomposition, qui se perpétue lentement, inexorablement jusqu’à la mort » [44] ? Alain Buisine se demande pourquoi Guibert a besoin d’une médiation du cliché pour écrire ses textes quand, selon ses propres mots, « son existence en bloquerait le sens » [45], avant de constater que la réponse est donnée par Guibert lui-même : la photo est oublieuse. La photo est liée au travail du deuil et « il n’y a d’écriture que sur fond d’absence » [46].
36 L’Image fantôme s’inscrit avant tout dans le projet d’écriture de l’écrivain : la photographie devient médiatrice et expression du « je » désirant, elle est enrichie par l’écriture, qui a sa raison d’être grâce au travail de l’imagination romanesque qui supplée son côté figeant. Le négatif de la photographie, c’est aussi et avant tout son memento mori [47].
Notes
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[1]
Hervé Guibert, L’Image fantôme, Paris, Minuit, 1981 (désormais cité dans le corps du texte avec la mention IF, suivi du numéro de page).
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[2]
Roland Barthes, La Chambre claire : note sur la photographie, Paris, Gallimard/Seuil, « Cahiers du cinéma », 1980.
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[3]
« J’aime certains traits biographiques qui, dans la vie d’un écrivain, m’enchantent à l’égal de certaines photographies ; j’ai appelé ces traits des “biographèmes” » (Roland Barthes, ibid., p. 54).
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[4]
Roland Barthes, Le Plaisir du texte, Paris, Seuil, 1973, p. 25.
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[5]
« La Photo des petites Mongoliennes en maillots de bain ».
-
[6]
En 1985, le romancier américain Richard Powers a écrit un roman, Trois Fermiers s’en vont au bal (Three Farmers on Their Way to a Dance, New York, HarperCollins), à partir d’une photographie d’Auguste Sanders. Guibert ne pouvait pas ignorer ce roman. Cette idée de développer une photo en roman, c’est ce que Gilles Deleuze appellerait « avoir une idée » (« Qu’est-ce que l’acte de création ? », conférence à la fondation Fémis, Paris, 17 mai 1987, Trafic, n°27, automne 1998, p. 133 sq.) – une idée de romancier.
-
[7]
Anne-Cécile Guilbard, « Le Roman du regardeur en 1980 (Roland Barthes et Hervé Guibert) », in Littérature et photographie, dir. par Jean-Pierre Montier, Liliane Louvel, Danièle Méaux & Philippe Ortel, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, « Interférences », 2008, p. 266.
-
[8]
Véronique Montémont, « Dites voir (sur l’ekphrasis) », ibid., p. 464.
-
[9]
Hervé Guibert, Mes parents, Gallimard, 1986 ; « Folio », 1994, p. 106.
-
[10]
Id., Suzanne et Louise [1980], Paris, Gallimard, p. 62. Cette évocation rappelle par ailleurs la photo de Louise se lavant les cheveux, dans Suzanne et Louise (ibid., p. 34).
-
[11]
Id., La Photo, inéluctablement, Paris, Gallimard, 1999, p. 87.
-
[12]
On peut constater qu’il a déjà en tête en 1973 le style de portraits qu’il publiera dans Le Seul Visage (Paris, Minuit, 1984).
-
[13]
La serviette fait penser au texte « Le Désir d’imitation » (Les Aventures singulières, Paris, Minuit, 1982), où le narrateur séjourne chez une actrice italienne vieillissante qui le désire alors que lui a un désir de meurtre, qui se transforme en fantasme photographique : « J’imaginais une séquence : d’abord elle portait une serviette blanche devant elle, pour cacher son corps nu […] » (p. 105).
-
[14]
Rappelons que Guibert, qui avait souhaité photographier Barthes et sa mère âgée (IF, p. 148-151), a photographié Suzanne et Louise dans des scènes mortuaires et filmé sa propre tentative de suicide – truquée, comme on l’apprit ensuite dans Le Mausolée des amants (Paris, Gallimard, 2001, p. 414) – dans La Pudeur ou l’Impudeur (1992)…
-
[15]
Séquence qui ne sera pas mentionnée dans la narration de cette photo ratée de la mère dans Mes parents (op. cit., p. 106).
-
[16]
Anne-Cécile Guilbard, « Le Roman du regardeur en 1980 (Roland Barthes et Hervé Guibert) », art. cit., p. 262-263.
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[17]
On lira à ce propos le magnifique article d’Alain Buisine, « À toute allure, Hervé Guibert », in Le Corps textuel d’Hervé Guibert, dir. par Ralph Sarkonak, Paris, Minard, 1997, p. 97-112.
-
[18]
La Chambre claire, op. cit., p. 176.
-
[19]
Alain Buisine, « Le Photographique plutôt que la photographie », Nottingham French Studies, vol. 34, n°1, 1995, p. 35.
-
[20]
La Chambre claire, op. cit., p. 70-71.
-
[21]
C’est là le titre de l’une de ses photographies (Le Seul Visage, op. cit., p. 53).
-
[22]
« Madame Aveline, retoucheuse : beau à tout prix » (La Photo, inéluctablement, op. cit., p. 202-204). Anne-Cécile Guilbard démontre que Guibert réécrit ses textes de façon différente selon qu’ils sont destinés au recueil ou au journal (« Le Roman du regardeur en 1980 », art. cit., p. 264) : par exemple, « Polaroïd » (IF, p. 117-120), qui est constitué d’extraits d’un article paru dans Le Monde du 26 juin 1980 : « Au centre Georges Pompidou : “Instantanés” – la course angoissée à l’immédiateté » (La Photo, inéluctablement, op. cit., p. 220-222), ou encore « La Retoucheuse » (IF, p. 137-139), qui est une reprise de « Madame Aveline, retoucheuse : beau à tout prix ».
-
[23]
Roland Barthes, Le Grain de la voix, Paris, Seuil, 1981, p. 267.
-
[24]
Selon Akane Kawakami, ce texte est une volonté de compliquer la formule de Barthes : « C’est moi et ce n’est pas moi » (Akane Kawakami, Photobiography : Photographic Self-Writing in Proust, Guibert, Ernaux, Macé, Londres, Modern Humanities Research Association and Maney Publishing, 2013, p. 48).
-
[25]
Le Mausolée des amants, op. cit., p. 305.
-
[26]
Robert Pujade, Hervé Guibert : une leçon de photographie, Villeurbanne, Université Claude Bernard Lyon 1/INSA Lyon, 2008, p. 22.
-
[27]
Hervé Guibert, Mon valet et moi, Paris, Seuil, 1991, et Le Paradis, Paris, Gallimard, 1992.
-
[28]
Duane Michals, Changements, Paris, Herscher, 1981.
-
[29]
La Chambre claire, op. cit., p. 23. On se reportera également à Gaston Fernandez Carrera, La Photographie, le Néant : digressions autour d’une mort occidentale, Paris, PUF, « Sociologie d’aujourd’hui », 1986.
-
[30]
Hervé Guibert, Vice [1991], Paris, Gallimard, 2013.
-
[31]
Id., La Mort propagande et autres textes de jeunesse, Paris, R. Deforges, 1991.
-
[32]
Id., Les Chiens, Paris, Minuit, 1982.
-
[33]
« H.G. » évoque « L’Autoportrait de Munich de Rembrandt en jeune chien fou » dans « L’Ours » (Hervé Guibert, La Piqûre d’amour, Paris, Gallimard, 1994, p. 146).
-
[34]
Op. cit., p. 33-36.
-
[35]
Des corps de deux jeunes garçons qui dansent, en mouvement (I), à ceux de deux jeunes garçons statiques montés sur un socle circulaire (II), on passe au corps de vieille femme allongé dans la baignoire, recouvert d’un drap blanc qui ressemble à un linceul (III), avant d’arriver à la dépouille d’un jeune homme (IV). Ce dernier fantasme comporte trois images qui trahissent également une marche lente vers la décomposition. Sur la première, le sujet est « fraîchement mort » et a l’air de sourire « comme dans un demi-rêve » (p. 152). Sur la deuxième, son cou a été épluché en lamelles. Sur la troisième, un linge recouvre sa tête « pour dissimuler sa blessure » (p. 153).
-
[36]
Robert Pujade fait un parallèle intéressant avec « Un scénariste amoureux », dans La Piqûre d’amour, un fantasme de roman qui est également écrit au conditionnel. Selon lui, la fonction même de ce fantasme d’écriture est qu’il ne puisse pas s’écrire. Que ce soit dans le roman ou dans la photographie, le fantasme « interdit l’accomplissement de la forme littéraire ou iconique convoquée par le texte » : l’enjeu est « l’occasion de fournir un espace textuel au désir » (Hervé Guibert : une leçon de photographie, op. cit., p. 23).
-
[37]
Le Seul Visage, op. cit., p. 29 ; photo reprise dans Hervé Guibert photographe, texte de Jean-Baptiste Del Amo, Paris, Gallimard, 2011, p. 76.
-
[38]
Hervé Guibert : une leçon de photographie, op. cit., p. 21.
-
[39]
Ibid., p. 21.
-
[40]
Hervé Guibert, Les Aventures singulières, Paris, Minuit, 1982.
-
[41]
« Le Photographique plutôt que la photographie », art. cit., p. 33.
-
[42]
Hervé Guibert photographe, op. cit., p. 72-73.
-
[43]
« Le Photographique plutôt que la photographie », art. cit., p. 33.
-
[44]
La Photo, inéluctablement, op. cit., p. 158.
-
[45]
« Le Photographique plutôt que la photographie », art. cit., p. 38.
-
[46]
Ibid., p. 39.
-
[47]
Nous remercions les PUL qui nous ont donné la permission de reprendre un extrait de notre ouvrage portant sur L’Image fantôme : Hervé Guibert : l’écriture photographique ou le miroir de soi, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, « Autofictions, etc. », 2015.