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Article de revue

« Bonheur » ou l’art du trouble

Pages 91 à 102

Notes

  • [1]
    « Bonheur », Histoire du pied et autres fantaisies, Gallimard, 2011, p. 234-285. Toutes nos références paginées entre parenthèses renvoient à cette édition.
  • [2]
    Dans ce recueil, hormis deux nouveau-nés, on compte des « enfants-adolescents » : Yo (un esprit de quinze ans dans un corps de trente, un personnage dans la lignée des Souris et des hommes), les deux filles de « L’Arbre Yama » et Viram.
  • [3]
    Schopenhauer critique l’amputation des préfixes : « On ne perd pas seulement les mots, mais aussi les concepts, parce qu’on manque alors de moyens pour les fixer, et qu’il faut se contenter en parlant, voire en pensant, de l’à-peu-près, ce qui nuit à la fermeté et à la précision de la pensée. […] C’est faire le jeu de l’ambiguïté » (Misère de la littérature [Belval], Circé, cop. 2010, p. 53). Son essai condamne l’absence de précision dans l’usage de la langue et est marqué par une ontologie noire. Non sans humour, J.-M. G. Le Clézio titre son texte « À peu près apologue », et préfère, à contre-pied de Schopenhauer, l’écrivain « chasseur aventureux » au faiseur de plan qui « réfléchit à ce qu’il va dire ». Il fait directement référence à Schopenhauer aux pages 334 et 335.
  • [4]
    « S’il y a ironie, c’est plutôt du côté de l’affect. C’est peut-être une façon d’être et de regarder amoureusement, avec une espèce de pudeur. Oui, c’est un affect pudique » (Europe, n°888, avril 2003, p. 299).
  • [5]
    « Croyez-vous vraiment, comme vous l’écrivez dans Bonheur, que “les guerres auront [un jour] changé la surface du monde” et que le mot “bonheur” aura disparu ? Cela est déjà arrivé, c’est pourquoi nous devons chercher avec obstination le mot caché qui sera l’exorcisme, ce mot qui restitue l’évidence du bonheur. Mais en faire le serment ne suffira pas… » (« Le Clézio entre au Louvre », propos recueillis par Jérôme Garcin, Le Nouvel Observateur, 27 oct. 2011).
  • [6]
    Nulle surprise à ce que l’auteur se dérobe à l’affichage générique qui induit une attente, ce qu’il annonçait dès son premier incipit. « Il était une petite fois » indiquait avec malice un conte hypothéqué.
  • [7]
    « Mondo », Mondo et autres histoires, Paris, Gallimard, 1978.
  • [8]
    Les toponymes, contradictoires, ne permettent pas de fixer un lieu selon un critère géographique : Sonalal (Puri), Chitrakout (Inde), Sonray (Niger). Les Imparfaits sont nommés Mezclillas (habillés de toile bleue), terme que l’on retrouve plus volontiers dans les pays hispaniques tandis que le lycaon est un canidé d’Afrique. Leur sémantique contribue à désigner un pays-monde fantaisiste.
  • [9]
    J.-M. G. Le Clézio évoque dans Trois Villes saintes les Séparés, groupe maya ayant refusé l’intégration, et vivant à l’est du Yucatan.
  • [10]
    Arthur Schopenhauer, Misère de la littérature, op. cit., p. 8.
  • [11]
    Jacques Derrida fait la nuance ; tout texte, sans appartenir à un genre, participe d’un ou plusieurs genres. Voir, « La Loi du genre », Parages, Paris, Galilée, 1986, p. 264.
  • [12]
    Roland Barthes, Roland Barthes par Roland Barthes, Paris, Seuil, « Écrivains de toujours », 1975, p. 151.
  • [13]
    Viram n’a pas un corps de lumière, juste un signe aérien, une chevelure numineuse qui se ternit.
  • [14]
    « L’enfant habite toujours le mystère du temps sans âge, non obscurci par la poussière de l’histoire ».
  • [15]
    Cette interprétation renforcerait le fantastique dont le dédoublement est un des ressorts au même titre que le rêve ou la folie (l’inquiétante étrangeté).
  • [16]
    Michel Otten, « Sémiologie de la lecture », in Méthodes du texte : introduction aux études littéraires, Maurice Delcroix et Fernand Hallyn, éd. Duculot, 1987, p. 343. Voir Tzvetan Todorov, Symbolisme et interprétation, Seuil, « Poétique », 1978 ; Philippe Hamon, « Texte littéraire et métalangage », Poétique, n°31, sept. 1977, p. 261-284 ; Hans Robert Jauss, Pour une esthétique de la réception, Paris, Gallimard, « Tel », 1978 ; Jean-Louis Dufays, Stéréotype et lecture : essai sur la réception littéraire, 2e éd., Peter Lang, « ThéoCrit’ », 2011.
  • [17]
    Bruno Blanckeman, Les Récits indécidables, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2000, p. 27.
  • [18]
    Guy Scarpetta, L’Impureté, Paris, Grasset, 1985.
  • [19]
    Guy Scarpetta, « Le Trouble », Artpress, n°13, janv. 1992, p. 132-136, p. 134. L’approche de Guy Scarpetta privilégie l’intermédialité comme lieu du trouble, mais aussi le fait d’assumer un code tout en le perturbant. L’interaction des matériaux génériques constitue ainsi un espace équivoque dans le champ romanesque.
  • [20]
    Michel Foucault, Surveiller et punir : naissance de la prison, Paris, Gallimard, « Bibliothèque des histoires », 1975, p. 194.
  • [21]
    Biscuit servi dans les restaurants asiatiques des États-Unis et du Canada dans lequel est glissé un morceau de papier plié sur lequel est écrit un aphorisme. Parmi les origines supposées de ce biscuit, le créateur l’aurait pensé pour réconforter les sans-abris.
  • [22]
    J.-M. G. Le Clézio, Les Géants, Paris, Gallimard, « Le Chemin », 1973.
  • [23]
    J.-M. G. Le Clézio, Le Procès-verbal, Paris, Gallimard, 1963 ; Le Livre des fuites, Paris, Gallimard, « Le Chemin », 1969.
  • [24]
    Paul Ricœur, Temps et Récit, t. III, Le Temps raconté, Paris, Seuil, « L’Ordre philosophique », 1985, p. 308.
  • [25]
    « Assez joué, assez fait semblant de croire au jeu », c’est ainsi que s’invective Hogan dans Le Livre des fuites (op. cit., p. 86), puis on lit « Pourquoi ne me ferait-on pas don d’une faiblesse, un jour, sans nécessité, pour que je la prenne et la fasse mienne ? ». Peut-être parce qu’on joue pour canaliser sa peur. Parce qu’accueillir le vulnérable, c’est se savoir vulnérable. Comme l’écrit Edmond Baudoin dans La Diagonale des jours (Rennes, éd. Apogée, 1995), « il y a des zones humaines où les mots ne vont pas ». Là où le dessin peut nous confronter. Peut-être y a-t-il des zones humaines où l’on ne s’aventure qu’accompagné d’un livre, d’un poète, d’un dessin. Alors on mise sur un seul mot-sésame, bonheur, qui est l’autre nom de l’espoir.

1 Dans la nouvelle « Bonheur » [1], un narrateur adulte fixe ses attentes de lumière autant que ses angoisses de perte sur Viram, un enfant de douze ans [2]. La perte de l’enfance, précisément, est une matrice légendaire projetée sur ce personnage. Or c’est tout le « récit d’enfance » qui fait défaut, qui ne prend pas, ni le sien, ni celui de Viram. En effet le personnage est soumis à une dégradation des sèmes mythiques, à une évanescence jusqu’à sa propre autodestruction dans les velléités du suicide, ce qui nous éloigne singulièrement du titre, « Bonheur », sauf à le penser à contre-emploi, aussi teinté d’une malice que le titre « À peu près apologue », en référence explicite à Schopenhauer [3]. Non pas une ironie sauf à la considérer comme légère, tel « l’affect pudique » chez Jean Échenoz [4]. L’incipit ne dit-il pas d’entrée que le « mot bonheur a disparu » (p. 237) [5] ? Le narrateur adulte perd-il pied ? Toute la cité où il vit, qu’il traverse en prenant le métro, est-elle passée au prisme de sa perception qui ne saurait plus distinguer le réel du fantasmé ? Le récit s’éloigne encore davantage des bribes du conte [6] ou du récit d’enfance pour s’éclater en faisceau fragmenté. Le lieu magnétique n’est plus alors celui de l’enfance, mais une maison blanche, métonymie de l’espace clinique où officient les blouses blanches. Elle a beau briller « comme à la lumière du soleil » (p. 244), elle a perdu l’éclat de la maison de lumière de Ti Chi dans « Mondo » [7] ; la maison blanche symbolise les absences, les ellipses à soi, les risques de la folie. La nouvelle est écrite à blanc, soumise à des procédés d’indétermination, dans un effet d’oscillation qui contribue à l’écriture de l’incertitude. Comment J.-M. G. Le Clézio a-t-il opéré ce basculement dans l’incertain ? Son art du trouble semble se construire autour de procédés incluant la réception de son récit, en maniant des indices génériques autant qu’autotextuels, en subvertissant les codes génériques, bien que l’auteur affirme ne pas se préoccuper de questions de genres. Ce qu’il faudrait plutôt comprendre comme un décloisonnement fantaisiste des genres pour créer des branchements qu’aussitôt la greffe prise il s’empresse de couper, de laisser en chemin.

Enfiler des indices génériques

2Le déclencheur d’une incertitude, dans la diègèse, est la prise de conscience que des enfants disparaissent. Mais aucune causalité précise n’est donnée à ce rapt, il n’existe ni Joueur de flûte de Hamelin, ni châtiment de l’ingratitude des habitants. Les hypothèses sont multiples : soit une bête, « sorte de loup-garou, un lycaon, une hyène » (p. 243) les dévore (une hyène bien différente de la protectrice dans « L’Arbre Yama »), soit les Chavantes au pouvoir commandent des rafles aux Zokerrés, trois fois nommés comme ayant des « couteaux dans les os des avant-bras » (p. 247, 276) qui hybrident donc le corps de ces prédateurs de science-fiction, soit cette milice est commandée par les Amazones. Amazones comme Chavantes ne peuvent avoir d’enfants : la stérilité et le manque justifieraient la convoitise. Toutes ces hypothèses sont invalidées par la désincarnation : Chavantes, Amazones et Zokerrés sont « des noms sans corps » (p. 247), précise l’auteur. La multitude des hypothèses fragilise la connaissance de la cause. Une autre lecture consiste à attribuer cette réalité fantasmée à la paranoïa du personnage, qui est interné et mis sous diazépam, un anxiolytique équivalent du valium. Ce qui renvoie davantage aux codes du récit kafkaïen : nous sommes dans l’espace mental du narrateur habité de ses démons intérieurs. « Tout est complot », les passants sont des « figurants », le SDF « en est peut-être, lui aussi », « elle m’a trahi » (p. 261-262)… L’atopie [8] a l’avantage de généraliser la critique des gouvernances totalitaires avec ses injustices : enfants pauvres victimes de prédations, journalistes muselés et « chasse perpétuelle aux étrangers » (p. 265) (la notion d’étranger étant, on le sait, on ne peut plus changeante). Parmi les communautés évoquées (les Séparés [9], les Enterrés), le narrateur fait partie des Imparfaits et vit dans un monde qui sépare ceux qui vivent « un degré au-dessus » (p. 242) et ceux d’en bas. Sans qu’on sache vraiment le situer, le dehors n’étant pas le contraire du dedans, et l’exclu restant inclus dans le système.

3 Cette stratégie textuelle fait échouer chaque dispositif générique, réduit à des indices, hybridé à un autre pour construire un lieu d’incertitude. La légende des Amazones – figure mythique par excellence réduite à son onomastique –, la disparition – motif récurrent des romans noirs – ou encore la séparation des mondes (et la fonction sectaire de l’underground) ainsi prises dans une combinatoire d’indices désamorcent la possibilité d’une unité, d’un genre. La nouvelle est déliée et certains facteurs de liaison inopérants (psychologie ou causalité). J.-M. G. Le Clézio n’écrit pas « de mémoire », « à partir de livres écrits par d’autres » [10] mais en relation avec diverses formes de littérature [11]. Sommes-nous là devant une petite nouvelle-encyclopédie, qui « exténue une liste d’objets hétéroclites et cette liste est l’anti-structure de l’œuvre, son obscure et folle polygraphie », comme l’a imaginée Roland Barthes en privilégiant le désordre [12] ? Ce geste de craquage et de dénudation d’une œuvre serait alors le même que celui d’un mangeur de fortune cookie, dans son geste trivial et pourtant signifiant.

4 Ces indices multipliés sont tenus par un squelette narratif sommaire : un narrateur évoque une ville désertée avec portraits d’enfants disparus placardés et se réfère à un temps d’avant, indéfini. Il aperçoit un enfant Viram, qui mendie dans le métro et qu’il décrit comme un messie. Ce dernier disparaît à son tour. En rupture de travail et de lien amoureux, réfugié chez une vieille prostituée, le narrateur est interné à la Maison blanche. Viram y est alité, marques de suicide aux poignets, puis quitte l’hôpital. Le narrateur subit comme Adam Pollo des interrogatoires de cliniciens. Enfin, il peut sortir, accompagné de son ancienne amie An-Nee, venue le chercher. Le lecteur peut-il croire à ce happy end, annoncé par le titre ? Le narrateur a-t-il perdu son nom dans cet endroit « où on s’oublie soi-même, où l’on devient un fantôme » (p. 245) ?

Traces d’une enfance et pays imaginaire : vers une dégradation ?

5 J.-M. G. Le Clézio déconstruit aussi l’enfance idéalisée par une certaine production. Le récit d’enfance est désarmorcé. Simple enfant-mystère, Viram n’est qu’une apparition répétitive, rien n’est dit de sa vie. L’enfant Mondo jouait aussi de l’apparition-disparition, mais le lecteur le suivait dans ses rencontres. Viram, quant à lui, est maintenu à distance par le point de vue du narrateur, réduit à une résurgence d’archétype. La dimension mystique de l’enfant consacrée par la vision romantique s’effrite. Très vite, le statut même d’enfant est hypothéqué, dans la succession des expressions qui le désignent : « un garçon venu d’ailleurs », « difficile de lui donner un âge », « un homme tel que lui », « envoyé du futur » (p. 246-247), « funambule » (p. 251)… La notion même d’enfance est piégée, elle est un marqueur relatif. Dans ce paysage déserté de sens, il apparaît avec son « sourire d’ange » (p. 249) comme un faiseur de petits miracles, par exemple rendre l’eau claire. Sans porter l’effroi de l’ange benjaminien, Viram est un stéréotype de messie lumineux parmi les pauvres vite déconstruit [13]. Le merveilleux donne des airs de fantasy au texte, sans qu’ils puissent se déployer.

6 Faut-il déceler une mythification dans l’exergue ? « The child ever dwells in the mystery of ageless time, unobscured by the dust of history » [14] (Rabindranah Tagore, Fireflies) (p. 235). La poussière de l’histoire est déclinée en une isotopie de la ruine et de la déchéance ; la ville d’en bas est peuplée de vieux survivants de guerres et d’autodafés. Et pourtant les Imparfaits forment un peuple d’amnésiques, coupé de l’histoire, sans traces, dans un paysage apocalyptique d’après-guerre où un mur érigé symbolise encore la séparation et où prononcer le mot bonheur est frappé d’interdit. Viram lui aussi est mis sous le signe de la séparation : il parle une langue inconnue de tous. L’auteur constitue en lui l’enfance comme perdue. Ce lieu commun est-il traité comme facteur de schize ? Viram serait-il le double [15] projeté du narrateur, qui ne le rejoint que pour comprendre sa perte ? La nouvelle est à l’image de la ville construite sur une ruine de topiques, par défaut, ou d’indices à suivre ou non. Même fausses, les pistes construisent un récit à blanc.

7Les modalisateurs d’incertitude sont au rendez-vous dès l’incipit marqué par des « sans doute » et « peut-être » au service de l’hypothèse de la disparition du mot bonheur. « Quelque chose a changé » ou « même vers le sud il n’y a plus de liberté » (« Bonheur », p. 238) ; restent deux superstitions, nous dit-on. Mais l’incertitude est ailleurs : entre les premières pages où « l’hiver est passé dans cette incertitude » (p. 268) et l’illumination, quand Viram « m’a chargé d’une certitude » et délivré de la peur. Voici le narrateur engagé dans une réparation, au même titre qu’Ujine dans la première nouvelle. Au pied récalcitrant au suicide d’Ujine fait écho le suicide raté de Viram et la résilience du narrateur.

8 Le lieu indéterminable, loin du monde du lecteur, augmente son coefficient fictionnel. L’incipit s’ouvre sur une couleur, grise, sur le motif de la séparation (de la ville en deux, et de ses deux visages entre vétusté et modernisme lisibles dans ses ponts) et sur une sonographie : cris d’oiseaux de mer, rumeur de voiture, bruit de train ou de navire, cri de bête. Le paysage rappelle successivement une ville en bord de mer séparée par un fleuve, un no man’s land, puis une utopie, à la Schuiten : « cette ville, son extraordinaire architecture moderne, que dominent les tours de cent étages cerclées de spirales de routes et de chemins de fer » (p. 253). La présence de cyprès près de l’hôpital laisse supposer que nous sommes dans un pays du Sud mais cette géographie imaginaire demeure indéterminée et même brouillée. Le pacte de lecture inscrit au titre n’est-il pas d’entrer en fantaisie et de se garder d’une lecture trop normalisante ?

9 Quelques mots suffisent comme « déporter » ou « dictature » pour désigner une référence historique au modèle totalitaire dans sa portée générale. Cet empilement de repères opère une forme de glissement, sans transitions, ce que relaye l’usage du cumulatif dans la parole du narrateur : « je voudrais vous parler aussi de la Maison blanche » (« Bonheur », p. 244). Hormis l’incipit, la topographie privilégiée est, en effet, celle d’un lieu fermé : la chambre (chez lui, chez une prostituée ou à l’hôpital) ou le métro (ram ou station).

10 Un désamorçage de toutes ces pistes, somme toute très contrôlées dans un mouvement double, s’opère : la mosaïque de (fausses) pistes intertextextuelles qui rattachent à l’autre et une autotextualité qui revient à soi, avec humour mais aussi espoir, par la résilience finale. Tout lecteur assidu de J.-M. G. Le Clézio aura associé le narrateur à Adam Pollo lors du séjour à l’asile, et l’effet d’émerveillement produit par Viram à celui produit par Mondo. L’intérêt de ces couches inter et autotextuelles n’est pas de s’abriter derrière des concepts amortis de la critique mais de voir comment ils participent de la dynamique de résurgence et de confusion entre fictionnel et réel.

11 L’hypothèse commune aux théories de la réception (le répertoire de Wolfgang Iser, l’horizon d’attente de Hans Robert Jauss) est que le lecteur complète le texte à partir de son cadre de références. Toute lecture est alors une détection d’indices. Mais cette lecture est plus ou moins orientée par l’auteur qui invite aussi la critique à s’écrire comme une enquête, comme toute vraie recherche selon Umberto Eco. J.-M. G. Le Clézio sème ses indices textuels et nous sommes pris au jeu. Mais la combinatoire produit des effets sur elle-même, elle se transforme, et transforme le jeu à son tour. Ce jeu propose ici des directions plurielles. Aussi faut-il davantage se référer à la lecture pensée par Otten qui suppose des « lieux d’incertitudes » [16].

12 À défaut de matrice de stéréotypes du fantastique (lune, nuit, angoisse, savant fou…) ou de l’heroic fantasy, des indices ténus de science-fiction (le corps hybridé) et de fantasy (le personnage numineux, la mythologie), le lecteur abandonnant son pouvoir sur le texte serait plus proche de l’option derridienne et ne forcerait pas l’interprétation pour échapper à la lecture suspensive.

Indécidabilité sur fond de ruine romanesque ?

13 Lirions-nous un de ces récits à la Échenoz, analysé par Bruno Blanckeman, qui conduisent « vers un état intermédiaire, entre réactivation romanesque et liquidation parodique, créant un récit à triple détente : référence initiale, dérision simultanée, sens et portée de l’une en l’autre » [17]. Je ne le crois pas, tant le titre et la fin veulent présager d’un espoir, tant la distance concerne celle entre soi et sa propre folie et non le seul jeu avec le lecteur. Certes, sans doute faudrait-il s’ouvrir à cette autre dimension qu’est l’interlecture, pensée par Jean Bellemin-Noël. Les allusions peuvent être des plus indéterminées, et n’en être que si un acte de réception les décèle ou descelle (en délivre un sens). Mais quand bien même le lecteur associerait les Chavantes au peuple amérindien du Brésil, désormais vivant en réserve, ce descellement est aussitôt annulé par l’auteur qui précise : « Pourquoi sont-ils appelés comme cela ? Cela n’a rien à voir avec l’Amérique du Sud, avec les tribus des Indiens. C’est le travail d’un journaliste, sans aucun doute, de ceux qui font des raccourcis […] » (« Bonheur », p. 241). L’un des effets de cette phrase est de privilégier l’indétermination du monde fictionnel, et la sédimentation. Le lecteur comprend que l’auteur se joue de sa réception, montre les dessous de son texte pour les mettre à distance. La lecture ne se fait pas selon un référent, un horizon du texte par rapport auquel on ne ferait que mesurer les écarts.

14 La fable politique se voudrait-elle à valeur générale qu’elle ne s’y prendrait pas autrement : l’incipit est successivement au présent, au futur, au passé composé alternant avec le présent pour délocaliser cette ville, la tenir pétrifiée dans « un pli du temps » ou plutôt un « paysage » confondu de désolation aux « nuages de ciment » (« Bonheur », p. 237, p. 238, p. 247). Partout ailleurs dans le récit, l’imagination du lecteur comble les blancs et les ellipses sans que ce type d’intervention ne vienne apporter une certitude. L’indétermination est un des ressorts privilégiés du récit ; y contribuent l’absence de toponymie, l’instabilité identitaire et la porosité des frontières entre vie et mort, réel et imagination. Ce qui peut contribuer dans la diègèse au sentiment du personnage d’être tombé dans un piège, et de sombrer peu à peu au fil des séparations, dans un lieu de désappartenance. L’indétermination s’avère efficace comme procédé pour mettre le personnage à la lisière de la ville, ou de soi-même. La Maison blanche métaphorise alors le lieu de la perte, rendu ambigu puisqu’il y retrouve Viram.

Art du trouble ?

15Est-ce à dire que J.-M. G. Le Clézio recycle de manière indifférenciée des ingrédients conformément aux effets d’une époque post-moderne (les années 90) ? Ou est-il nostalgique d’un âge d’or perdu ou d’une époque révolutionnaire, contre toute forme d’aliénation et de totalitarisme ? Guy Scarpetta a discerné « une alternative à ce choix piégé » qu’il baptise l’esthétique du trouble, lieu non plus d’une simple subversion ou d’une résignation, mais d’une résistance. « Le trouble […], c’est ce qui introduit dans le champ même de l’art (et de sa perception) un coefficient d’impureté [18] ou de déstabilisation, ce qui triche avec les codes, ce qui perturbe les orthodoxies, ce qui fissure les conformismes. Troubler est un acte léger (à l’opposé de l’artillerie lourde du modèle avant-gardiste), que l’on pourrait référer à ce que Barthes (qui fut le précurseur de cette esthétique-là) nommait la secousse » [19]. Ce trouble du lecteur est déplacé lors de la chute de l’histoire. La femme ferait volte-face pour renouer avec le narrateur, et toute ressemblance avec des genres hybridés s’envole, au profit d’un happy end : « An-Nee tient ma main dans la sienne, elle la serre très fort. Nous sommes dehors. Nous sommes libres » (« Bonheur », p. 285). Avec cette rémission du trouble mental supposé, le dénouement se fait renouement.

16 Le personnage féminin sert-il de repère, de contact avec la réalité, de point de résistance ? Rien n’est moins sûr, car qui sait comment opère la fantaisie, comme légèreté, contamination ou simple désorientation. Du moins est-elle dans le ton des autres figures féminines du recueil : décidée pour se séparer (Ujine), puis d’un pas décidé pour le sauver (Fatou).

17 Une question plus sociologique se pose : l’enfance ne peut-elle être regardée, dans certains textes de Le Clézio, hors d’un certain ancrage sociologique qui la place du côté des victimes, des mendiants, des vulnérables ? Viram est, en effet, interné. Qu’on se souvienne que Michel Foucault associait l’enfant et le fou : « L’enfant, le malade, le fou, le condamné, deviendront de plus en plus facilement, à partir du xviii e siècle et selon une pente qui est celle des mécanismes de discipline, l’objet de descriptions individuelles et de récits biographiques » [20]. Cette corrélation entre la formation d’une société disciplinaire et le fait de se tourner vers l’enfance peut alimenter une certaine paranoïa et un dérèglement des topos. « Bonheur », au sein de ce recueil, comme « Yo » sont des nouvelles qui adoptent le point de vue du personnage masculin et échappent à la nouvelle-portrait de femme, au portrait d’écrivaine, de conteuse ou au portrait d’une Afrique matricielle qui caractérise une grande partie du recueil. Une fois lu « Amour secret » en écho-miroir de « L.E.L., derniers jours » autour du pivot que constitue « Nos vies d’araignées », les trois dernières nouvelles « Bonheur », « Yo » et « Personne » renouent avec la violence de La Fièvre caractérisé par l’afflux de sensations ou le dérèglement de l’ordre. Les causes ne sont cependant plus liées au corps (rage de dent et autres maux) mais aux troubles de l’espace mental, à la pulsion, à la guerre. « Bonheur » dans sa veine fantasmatique est un jeu plus sérieux que le titre ne l’annonce, exhibant les codes plus que ne le fait la romance tournant court d’« Histoire du pied ». La légèreté de ton dans « Bonheur » se limite à un fortune cookie[21] : la première allusion – « Viram, venu » « pour écarter l’enveloppe, pour craquer la croûte qui enfermait le petit rouleau de papier sur lequel est écrit le bonheur » (p. 255) –, s’élucide davantage à la seconde plus nettement comparative : « Maintenant qu’il n’est plus là, que va-t-il advenir de nous, de cette cité ? Ce mot qu’il cherchait, qu’il avait ouvert comme une coquille, comme un fortune cookie qu’on craque pour lire le message qui s’adresse à tous et à personne, ce mot bonheur doit-il s’éteindre à jamais […] ? » (p. 282).

18 J.-M. G. Le Clézio met en place une forme de résistance individuelle à travers ce personnage, tout en suggérant qu’il est, comme Viram, déchu. Bonheur et liberté dépendent de la fortune d’un message trouvé dans un biscuit. Le texte ne se résigne pas au spectacle de la cité totalitaire (comme dans Les Géants[22]) mais adopte un principe de déroute, de dévoiement des codes génériques. Une double lecture agit le texte en creux : résister pour une idée du bonheur ou subir la fragmentation d’une société qui se résigne à la logique d’un totalitarisme. Ne pas adhérer au système (ainsi des révolutions, avant-gardes, marquages de ses romans des années 60) ou jouer le jeu du recyclage postmoderne. Les deux postures sont finalement aussi anachroniques l’une que l’autre mais n’en déterminent pas moins la dynamique du texte. Et l’écrivain installe son lecteur dans le jeu de ce double mouvement, dans un espace indécis tout à fait différent de la nouvelle éponyme. Sa pratique n’établit pas dans « Bonheur » une relation parodique mais installe la possibilité d’entrer dans un espace mental (en adoptant le point de vue du concerné, comme dans « Yo »). Après Le Procès-verbal, roman-puzzle aux lettres manquantes, après Le Livre des fuites[23], roman-mosaïque brisé qui ne conclut pas, « Bonheur » est une nouvelle à double lecture, une nouvelle à branchements qui jette des ponts génériques et renvoie à une réalité à tiroirs, une aventure dans l’expérience de la perte et de la solitude. Sans doute faudrait-il, pour aborder autrement cette nouvelle énigmatique, devenir un lecteur qui s’aventure hors des sentiers de la critique (à l’instar de l’écrivain-chasseur qui risque de rentrer bredouille), un lecteur qui accepte de ne pas suivre les fausses pistes multipliées de l’autoréférentialité de la littérature. C’est là le piège d’une lecture qui suspendrait sa route vers l’expérience de la perte lui préférant n’importe quel fortune cookie, n’importe quelle phrase au pli du texte pour en déplier le sens. Et J.-M. G. Le Clézio ne renvoie-t-il pas par cet objet synecdoque à ce jeu de dissimulation d’indices, de clins d’œil, de secret partagé depuis Le Procès-verbal ? Hors les effets placebo du happy end la nouvelle n’oblitère ni les blessures de trahison et d’abandon, ni le suicide, ni l’absence de lien (la relation d’une prostituée à son fils ne tient que si elle lui donne de l’argent). En dépit de sa lueur finale, « Bonheur » est le lieu de la brisure et des mondes séparés, glissant entre fable politique reconnaissable et réel fantasmatique inconnaissable (semés de petits cailloux blancs vite perdus de vue) où le lecteur devrait s’engager dans une égale aventure, quitte à se sentir « bredouille » (« À peu près apologue », p. 325).

19 Texte elliptique ou qui en fait trop, il « paraît ainsi tout à tour en défaut et en excès par rapport à la lecture » [24], comme l’énonce Ricœur.

20 Ce qui nous oblige à reposer la question suivante : quel est le contrat de lecture établi par ce seul indicateur inscrit au titre du recueil : fantaisie ? Avant de désigner le caprice ou l’improvisation musicale, fantaisie signifie, selon l’étymologie grecque : phantasia, une « apparition », d’où « imagination », « image qui s’offre à l’esprit », qui appartient à la famille de phainein « apparaître ». Viram est bien la seule « apparition » de ce recueil mais cet ingrédient merveilleux défaille. Sur le plan littéraire la fantaisie « Bonheur » s’apparenterait à une fantasy urbaine, sans l’irruption du surnaturel propre au fantastique et réduit à un sésame onomastique, (bonheur et liberté, dans un objet trivial à consommer). La fantasmagorie se résume à une apparition lumineuse, comme générée par un fantascope, dont le narrateur se demande s’il est le seul à le voir et dont il perd le signal. L’approche générique est donc moins opportune (sauf à recenser les avatars du conte, du fantastique, de la dystopie) que celle d’un thème fantasmagorique car tous les ressorts convoqués, y compris cette opération de branchements, dessinent incontestablement une poétique de l’incertain et de « l’affect pudique » pour évoquer d’une part, de façon oblique, une période troublée de la vie de l’auteur et d’autre part une humanité vulnérable vivant dans la précarité, dans un perpétuel jeu d’exploitation que ce soit une prostituée ou un enfant faisant la manche. Aucune figure n’a le pouvoir d’être rédemptrice, sinon plus modestement réparatrice. Dans « Bonheur », les indicateurs spatiaux, « en haut », « en bas », mais surtout « dehors », laissent supposer que cette société maintient un dehors et donc la possibilité du rejet. À la fin, la question de savoir si Viram apportait quelque chose de l’extérieur ou révélait quelque chose de l’intérieur ne se pose plus. Le dispositif de surveillance, les gardes (qui ne sont pas sans rappeler l’atmosphère de Fantômes dans la rue) se sont peut-être évaporés, mais le clivage dehors/dedans ne semble que déplacé. Selon la phrase finale, « Nous sommes dehors, nous sommes libres » (p. 285), une limite spatiale conditionne la liberté.

21 À ce stade de ma lecture, j’ai envie de dire « Assez joué ! » [25], à défaut d’être bredouille ou complice d’un jeu d’indices, je pèse ce mot bonheur qu’incarnent la promesse du titre et les résiliences dépliées du recueil. Je fais le pari d’une légèreté, qui, à son tour, pourrait alléger la critique de son positivisme. La lecture fantaisiste et indocile emporterait alors la pseudo-efficacité épistémologique de la traçabilité d’indices, lui préférant une lecture qui explore sans savoir, à l’avance. J’aime à imaginer que J.-M. G. Le Clézio déjoue le corps de savoir à qui veut le lire et que c’est pour cette raison que le recueil s’ouvre sur des orteils, nous collant l’œil à un pied, dont on sait ce qu’en pense l’adage.

Pacte de fantaisie, nouvelle lecture

22 Plus qu’une simple intertextualité, de celle qui saturait Le Procès-verbal ne décompensant que comme texte troué, « Bonheur » est un texte doublé d’autotextualité qui tisse la propre résilience d’un écrivain pudique. Un geste de réparation sous-tend les nouvelles du recueil Histoire du pied et autres fantaisies. Le tissu-texte y est retendu par un geste de restauration sur la trame de traditions littéraires comme le récit postcolonial, la romance, le conte. « Bonheur » est ainsi une nouvelle suturée de veine fantastique et de science-fiction. Sans se replier ni sur l’intertextualité, ni sur l’autotextualité (par ses échos aux Géants, au Procès-verbal et à « Mondo »), ni sur la douleur, le geste littéraire s’affirme plus extravagant que déconstructif. Au lecteur, libre de signer ou non le pacte de fantaisie, est offert un espace où construire une aventure de lecture.


Date de mise en ligne : 31/12/2015

https://doi.org/10.3917/r2050.055.0091

Notes

  • [1]
    « Bonheur », Histoire du pied et autres fantaisies, Gallimard, 2011, p. 234-285. Toutes nos références paginées entre parenthèses renvoient à cette édition.
  • [2]
    Dans ce recueil, hormis deux nouveau-nés, on compte des « enfants-adolescents » : Yo (un esprit de quinze ans dans un corps de trente, un personnage dans la lignée des Souris et des hommes), les deux filles de « L’Arbre Yama » et Viram.
  • [3]
    Schopenhauer critique l’amputation des préfixes : « On ne perd pas seulement les mots, mais aussi les concepts, parce qu’on manque alors de moyens pour les fixer, et qu’il faut se contenter en parlant, voire en pensant, de l’à-peu-près, ce qui nuit à la fermeté et à la précision de la pensée. […] C’est faire le jeu de l’ambiguïté » (Misère de la littérature [Belval], Circé, cop. 2010, p. 53). Son essai condamne l’absence de précision dans l’usage de la langue et est marqué par une ontologie noire. Non sans humour, J.-M. G. Le Clézio titre son texte « À peu près apologue », et préfère, à contre-pied de Schopenhauer, l’écrivain « chasseur aventureux » au faiseur de plan qui « réfléchit à ce qu’il va dire ». Il fait directement référence à Schopenhauer aux pages 334 et 335.
  • [4]
    « S’il y a ironie, c’est plutôt du côté de l’affect. C’est peut-être une façon d’être et de regarder amoureusement, avec une espèce de pudeur. Oui, c’est un affect pudique » (Europe, n°888, avril 2003, p. 299).
  • [5]
    « Croyez-vous vraiment, comme vous l’écrivez dans Bonheur, que “les guerres auront [un jour] changé la surface du monde” et que le mot “bonheur” aura disparu ? Cela est déjà arrivé, c’est pourquoi nous devons chercher avec obstination le mot caché qui sera l’exorcisme, ce mot qui restitue l’évidence du bonheur. Mais en faire le serment ne suffira pas… » (« Le Clézio entre au Louvre », propos recueillis par Jérôme Garcin, Le Nouvel Observateur, 27 oct. 2011).
  • [6]
    Nulle surprise à ce que l’auteur se dérobe à l’affichage générique qui induit une attente, ce qu’il annonçait dès son premier incipit. « Il était une petite fois » indiquait avec malice un conte hypothéqué.
  • [7]
    « Mondo », Mondo et autres histoires, Paris, Gallimard, 1978.
  • [8]
    Les toponymes, contradictoires, ne permettent pas de fixer un lieu selon un critère géographique : Sonalal (Puri), Chitrakout (Inde), Sonray (Niger). Les Imparfaits sont nommés Mezclillas (habillés de toile bleue), terme que l’on retrouve plus volontiers dans les pays hispaniques tandis que le lycaon est un canidé d’Afrique. Leur sémantique contribue à désigner un pays-monde fantaisiste.
  • [9]
    J.-M. G. Le Clézio évoque dans Trois Villes saintes les Séparés, groupe maya ayant refusé l’intégration, et vivant à l’est du Yucatan.
  • [10]
    Arthur Schopenhauer, Misère de la littérature, op. cit., p. 8.
  • [11]
    Jacques Derrida fait la nuance ; tout texte, sans appartenir à un genre, participe d’un ou plusieurs genres. Voir, « La Loi du genre », Parages, Paris, Galilée, 1986, p. 264.
  • [12]
    Roland Barthes, Roland Barthes par Roland Barthes, Paris, Seuil, « Écrivains de toujours », 1975, p. 151.
  • [13]
    Viram n’a pas un corps de lumière, juste un signe aérien, une chevelure numineuse qui se ternit.
  • [14]
    « L’enfant habite toujours le mystère du temps sans âge, non obscurci par la poussière de l’histoire ».
  • [15]
    Cette interprétation renforcerait le fantastique dont le dédoublement est un des ressorts au même titre que le rêve ou la folie (l’inquiétante étrangeté).
  • [16]
    Michel Otten, « Sémiologie de la lecture », in Méthodes du texte : introduction aux études littéraires, Maurice Delcroix et Fernand Hallyn, éd. Duculot, 1987, p. 343. Voir Tzvetan Todorov, Symbolisme et interprétation, Seuil, « Poétique », 1978 ; Philippe Hamon, « Texte littéraire et métalangage », Poétique, n°31, sept. 1977, p. 261-284 ; Hans Robert Jauss, Pour une esthétique de la réception, Paris, Gallimard, « Tel », 1978 ; Jean-Louis Dufays, Stéréotype et lecture : essai sur la réception littéraire, 2e éd., Peter Lang, « ThéoCrit’ », 2011.
  • [17]
    Bruno Blanckeman, Les Récits indécidables, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2000, p. 27.
  • [18]
    Guy Scarpetta, L’Impureté, Paris, Grasset, 1985.
  • [19]
    Guy Scarpetta, « Le Trouble », Artpress, n°13, janv. 1992, p. 132-136, p. 134. L’approche de Guy Scarpetta privilégie l’intermédialité comme lieu du trouble, mais aussi le fait d’assumer un code tout en le perturbant. L’interaction des matériaux génériques constitue ainsi un espace équivoque dans le champ romanesque.
  • [20]
    Michel Foucault, Surveiller et punir : naissance de la prison, Paris, Gallimard, « Bibliothèque des histoires », 1975, p. 194.
  • [21]
    Biscuit servi dans les restaurants asiatiques des États-Unis et du Canada dans lequel est glissé un morceau de papier plié sur lequel est écrit un aphorisme. Parmi les origines supposées de ce biscuit, le créateur l’aurait pensé pour réconforter les sans-abris.
  • [22]
    J.-M. G. Le Clézio, Les Géants, Paris, Gallimard, « Le Chemin », 1973.
  • [23]
    J.-M. G. Le Clézio, Le Procès-verbal, Paris, Gallimard, 1963 ; Le Livre des fuites, Paris, Gallimard, « Le Chemin », 1969.
  • [24]
    Paul Ricœur, Temps et Récit, t. III, Le Temps raconté, Paris, Seuil, « L’Ordre philosophique », 1985, p. 308.
  • [25]
    « Assez joué, assez fait semblant de croire au jeu », c’est ainsi que s’invective Hogan dans Le Livre des fuites (op. cit., p. 86), puis on lit « Pourquoi ne me ferait-on pas don d’une faiblesse, un jour, sans nécessité, pour que je la prenne et la fasse mienne ? ». Peut-être parce qu’on joue pour canaliser sa peur. Parce qu’accueillir le vulnérable, c’est se savoir vulnérable. Comme l’écrit Edmond Baudoin dans La Diagonale des jours (Rennes, éd. Apogée, 1995), « il y a des zones humaines où les mots ne vont pas ». Là où le dessin peut nous confronter. Peut-être y a-t-il des zones humaines où l’on ne s’aventure qu’accompagné d’un livre, d’un poète, d’un dessin. Alors on mise sur un seul mot-sésame, bonheur, qui est l’autre nom de l’espoir.

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