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Article de revue

Le nom blason chez Réjean Ducharme

Pages 71 à 82

Notes

  • [*]
    Cet article est extrait d’une thèse en cours, « Noms de verre, noms de guerre. L’onomathèque ducharmienne » (Université de Montréal).
  • [1]
    Eugène Nicole, « L’onomastique littéraire », Poétique, n°54, avril 1983, p. 252.
  • [2]
    Réjean Ducharme, L’Avalée des avalés, Paris, Gallimard, 1966, p. 183. Toutes les citations indiquées entre parenthèses par l’abréviation AA suivie du numéro de page renvoient à cette édition.
  • [3]
    Sur le rôle que joue le Nom propre dans le tabou, voir, entre autres, Georges Kassaï, « Nom propre, énonciation, appropriation », dans « Noms propres », 34-44, n°7, UER Science des Textes et documents de l’Université Paris VII, automne 1980, p. 55-56. Quant à la place du nom dans la constitution de la personnalité, voir Philippe Lejeune, Le Pacte autobiographique, Paris, Seuil, « Poétique », 1975, p. 34-35.
  • [4]
    D’après le titre du recueil La Chose capitale. Essais sur les noms de Barbey, Barthes, Bloy, Borel, Huysmans, Maupassant, Paulhan, textes réunis et présentés par Philippe Bonnefis et Alain Buisine, Lille, Presses Universitaires de Lille, 1981. Sur la question de l’onomastique et du Nom propre en littérature, on se référera aux travaux de Barthes (essentiellement : S/Z, Paris, Seuil, « Points », 1976, et Roland Barthes par Roland Barthes, Paris, Seuil, « Écrivains de toujours », [1975] 1979). Signalons également des bibliographies sur le sujet, The Study of Names in Literature : a Bibliography d’Élizabeth M. Rajec (New-York, K.G. Saur Publications, 1978) et les « orientations bibliographiques » données dans Le Texte et le Nom, Martine Léonard et Élisabeth Nardout-Lafarge (dir.), Montréal, XYZ éditeur, « Document », 1996, p. 343-347.
  • [5]
    Réjean Ducharme, Le Nez qui voque, Paris, Gallimard, 1967, p. 69-70. Toutes les citations indiquées entre parenthèses par l’abréviation NV suivie du numéro de la page renvoient à cette édition.
  • [6]
    Selon les trois fonctions que Claude Lévi-Strauss attribue au nom dans La Pensée sauvage, Paris, Plon, 1962.
  • [7]
    Réjean Ducharme, Les Enfantômes, Paris, Gallimard, 1976, p. 25. Toutes les citations indiquées entre parenthèses par la lettre E suivie du numéro de la page renvoient à cette édition.
  • [8]
    À cause de l’allitération, on pourrait inclure ici la description définie du « gros Grec » souvent cité dans Le Nez qui voque, ou la taverne Blue Blue Bell dans Les Enfantômes.
  • [9]
    Voir à ce sujet Pierre Guiraud, Structures étymologiques du lexique français, Paris, Payot, 1968. L’auteur montre comment les personnages se forment au fil des mutations de sens des mots qui les désignent.
  • [10]
    Voir Ernst Cassirer, Langage et mythe. À propos des noms de dieux [Sprache und Mythos, 1953], traduit de l’allemand par Ole Hansen-Love, Paris, Éditions de Minuit, 1973, p. 23.
  • [11]
    Pierre Le Moyne d’Iberville (1631-1706), troisième fils du colon Charles Le Moyne, officier, explorateur, combat les établissements anglais en Nouvelle-France, à Terre-Neuve, en Acadie et jusqu’aux Antilles ; en 1698, il reconnaît l’embouchure du Mississipi (découverte par Cavelier de La Salle une quinzaine d’années auparavant) et implante un début de colonisation en Louisiane. L’un de ses frères, Louis Le Moyne de Châteauguay (1656-1694), qui l’accompagne comme enseigne dans l’expédition de à la baie d’Hudson, y est tué. C’est manifestement de ce frère sacrifié que Ducharme s’inspire.
  • [12]
    Il s’agit d’un épisode de la guerre anglo-américaine ; en octobre 1813, le colonel de Salaberry, à la tête d’une troupe composée de Canadiens et d’Abénaquis, repousse l’armée du général américain Hampton au-delà de la frontière.
  • [13]
    Pour un développement plus précis de cette analyse du nom de Chateaugué, je renvoie à mon article « Du cryptogramme au nom réfléchi. L’onomastique ducharmienne », Études françaises, vol. XXIII, n°4, novembre 1988, p. 89-98.
  • [14]
    Selon Renée Leduc-Park, il constitue une image de la Confédération canadienne : « Alberta, qui porte le nom d’une province anglophone, est née en Ontario. Elle “subventionne” son époux, chômeur, dont le nom francophone, Falardeau, contient le signifiant “fardeau” » (Réjean Ducharme, Nietzsche et Dionysos, Québec, Les Presses de l’Université Laval, « Vie des Lettres québécoises », 1982, p. 137).
  • [15]
    Georges-André Vachon, « Note sur Ducharme et Lapointe (Fragment d’un traité du vide) », Études françaises, dossier « Avez-vous relu Ducharme ? », vol. XI, n°3-4, octobre 1975, p. 359.
  • [16]
    Réalisé en 1980 par Francis Mankiewicz (Montréal, Les Productions Prisma Inc.).
Prenons un nom pour cette seule personne que nous sommes maintenant, un nom ni masculin, ni féminin, ni pluriel, un nom singulier et bizarre.
L’Océantume

1Le romancier a tout loisir d’encoder les noms qu’il choisit ou qu’il invente, de rétablir leur essence magique, d’abolir leur arbitraire. Son attitude à leur égard sera révélatrice de son attitude générale à l’égard de l’écriture. Aussi les distorsions savamment contrôlées auxquelles Ducharme soumet le langage n’épargnent-elles pas les réseaux nominatifs de ses récits. La nomination hante incontestablement cette œuvre où le statut du nom propre est privilégié, autant par le discours manifeste sur le nom que tiennent les narrateurs que par la prolifération de ces noms, ainsi que par leur matérialité affichée. L’insurrection des personnages contre les instances du social et du quotidien se fait par l’invention : se créant les uns les autres, déformés, fluctuants, empreints d’une identité et d’une sexualité problématiques et souvent paradoxales (équivoques), ils composent un univers bigarré, mouvant, un univers d’illusion parfaite, d’étonnement perpétuel et de fugacité absolue. Ce tremblement constant des apparences explique en partie la menace que contient, sous ses dehors « fantaisistes », cette œuvre polymorphe. Insurgés contre un quotidien qui les anéantit et dont ils mesurent exactement l’emprise inéluctable, les personnages créés par Ducharme choisissent de créer à leur tour. Leur entreprise, essentiellement épique, s’amorce donc, comme toute création, par le geste fondateur de la nomination.

2Lourd de sens, toujours motivé – même lorsqu’il colle apparemment au réalisme le plus strict –, le nom, chez un auteur aussi attentif au choix des signifiants, unit étroitement la matière dont il est fait à la chaîne de signifiés que cette matière engendre. Les noms reçus par les personnages, de même que ceux qu’ils inventent, se rencontreront sur le terrain de cette écriture néologique que Ducharme déploie jusque dans les titres de ses romans. Ces noms mettent au jour les échos nombreux de l’un à l’autre, autant que les rapports de gémellité qui structurent chacun : le double, la répétition, la multiplication, le miroir – identité et différence –, la confusion sexuelle et l’inversion sont ici des figures récurrentes. Autre lieu du reflet, l’eau, avec les images mythiques qu’elle suscite, demeure un repère privilégié ; sources, îles, villes portuaires, faune, flore et Océan se dessinent dans les noms des personnages, marquant leur inlassable quête des origines. Tendu vers la connaissance, ponctué par l’invocation incessante de noms que l’on veut de plus en plus proches du secret, ce trajet poursuit sans relâche un innommable point de fuite. Structurant l’ensemble du récit, le nom en commande volontiers le déroulement. Le traitement des noms dans l’œuvre de Ducharme en fait ce qu’Eugène Nicole appelle « un cas privilégié » : « Jamais tout à fait détaché de la référence à la société réelle, il est réapproprié par le romancier à tous les niveaux de l’écriture et de l’imaginaire du texte où […] il apparaît comme l’idiolecte par excellence [1] ».

La question du propre

3Les personnages de Ducharme ont en partage ce rêve de « se reproduire d’eux-mêmes […] comme par fissiparité, se donner vie nouvelle, corps nouveau, armure nouvelle » comme le veut Bérénice, la narratrice de L’Avalée des avalés[2]. Dans la perspective de ce rêve, le Nom propre, surtout celui qu’on s’attribue soi-même, tient évidemment un rôle de premier plan. Tout Nom propre touche à une zone secrète de la personnalité ; dans l’ordre du langage comme dans la société, il en est du reste le signe le plus permanent et ce, quelle que soit sa part d’arbitraire. Il est, on le sait, d’une importance primordiale dans la formation du moi [3]. Le nom est une représentation : mot unique servant à désigner un être unique, il pose par là le problème du propre. Problème à la lettre capital [4]. Le nom « Tate » qui, dans Le Nez qui voque, renomme ensemble Mille Milles et Chateaugué, comme le nom Cherchell qui désigne à la fois les deux petites filles protagonistes de L’Océantume, sont de véritables violences faites à l’ordre social en même temps qu’une illustration vivante du paradoxe qui habite les personnages crées par Ducharme : leur désir de fusion et leur volonté de conserver leur différence. C’est d’abord le nom qu’il faut remanier, en effet, si l’on veut rendre compte des mouvances de son trajet émotif. La création de noms inédits vient de là, tout comme la volonté de sanctionner par un mot nouveau l’existence d’entités neuves. Écoutons Chateaugué parler pendant son sommeil :

4

Nous avons trente ans, toi et moi. Je n’ai pas quatorze ans et tu n’as pas seize ans ; j’ai trente ans et tu as trente ans. Nous sommes une seule et même chose, une seule et même personne. Nous avons le même âge et le même nom […]. Nous avons le même nom. Pourquoi deux noms pour une même chose ? Nous sommes Tate. Tate. […] Viens, Tate. Oui, Tate. […] Tate dort ensemble, fume ensemble, boit ensemble. Viens t’asseoir ici, Tate, près de moi. Cesse d’écrire des folies, Tate. Assez Tate [5].

5Cesse de nous présenter comme deux êtres séparés, dit en quelque sorte Chateaugué à Mille Milles. Par ce nom propre commun, scindé en deux éléments dédoublés à leur tour en deux noms et deux surnoms chacun, elle donne à la nomination une fonction qui dépasse l’identification et la classification et qui, s’inscrivant dans le texte littéraire, procède au premier chef de la signification [6]. En subvertissant le nom propre, et le propre dans le nom, Ducharme le pense incontestablement. Le nom, chez lui, décrit la forme exacte de l’être. D’où la gravité du choix de ce nom, et la tendance généralisée des personnages à se « renommer » ; c’est dans cette perspective qu’il faut lire également l’abondance de surnoms dont se dotent les personnages ; enveloppe protectrice, signe méconnaissable d’un autre moi, le « renom » ajouté au nom reporte la question du propre jusqu’à la rendre inopérante.

6À des degrés divers, les noms ducharmiens sont toujours évocateurs, toujours indiciels. Une certaine inscription du descriptif n’y est jamais absente. Alberta, la femme de Vincent Falardeau dans Les Enfantômes, appartient au Canada anglais, à un monde de politique et d’import-export, « le Dominion, Le Commonwealth, l’Empire [7] » tandis que la féminité se retrouve en Mielle et la fête en Fériée, nom d’un personnage du même roman. Bérénice est juive comme la princesse qu’elle évoque et son nom, en grec (phréréniké), la désigne comme « porteuse de victoire ». Dans Le Nez qui voque, l’adulte qui se cherche sera Questa (qu’est-ce que t’as ?) et ses trois filles, exemplaires homogènes résultant à la lettre d’un acte de reproduction, seront désignées par les noms Anne, Anne et Anne, appelées originairement Lucie, Lucienne et Lucille : même répétition de l’identique. Le nom ducharmien désigne, décrit et, mieux encore, détermine celui ou celle qui le porte : Mille Milles est condamné à l’errance. Créations spéculaires, ces noms tentent de rassembler miroitements et fragments informes en un prisme où serait tenu captif le spectre d’une certaine psyché. Mais le romancier onomaturge condamne en baptisant. Plus qu’une somme, le nom devient chez lui une sommation.

Entre citation et invention

7L’examen même superficiel des noms réels qui sont cités permet des recoupements, des « familles » thématiques éloquentes. L’Avalée des avalés et Le Nez qui voque, comme aussi L’Océantume et La Fille de Christophe Colomb, sont peuplés d’explorateurs, d’empereurs, de papes, d’écrivains et autres grands personnages issus en majeure partie de l’histoire ancienne (Rome, Grèce, Égypte, civilisation hébraïque), de la Renaissance, de la mythologie, du cercle des épopées, donc d’une culture humaniste presque entièrement livresque. Les Enfantômes, habités par l’air du temps, comme le roman précédent, L’Hiver de force, renouent cependant avec les peintres et les artistes en général, nommés moins pour leurs noms que pour leurs œuvres (l’effet de réel y est plus grand). La citation des noms se fait souvent dans des séries suscitées par l’écriture, commandées par la rime, par des sonorités particulières.

8Du côté des noms inventés, il est intéressant de constater que Le Nez qui voque commence par convoquer un « Roger de la Tour de Babel » au nom probant quant au projet poétique du roman. Ducharme brouille les pistes entre les noms cités et les noms forgés en créant des noms-valises (comme il le fait aussi avec de faux titres) : Ludwig von Mozart dans Le Nez qui voque ou Achille d’Oïlée dans L’Avalée des avalés. Ducharme pratique aussi le jeu du dictionnaire et de l’encyclopédie, et peut-être surtout lorsqu’il s’agit de nommer ses personnages. L’Avalée des avalés nomme ses sources en ce qui concerne Bérénice, les tait pour les autres ; elles n’en existent pas moins. Les noms qui s’agitent dans le roman tiennent de tous les genres, du neutre (Serge), au ronflant (Jerry de Vignac) en passant par le très ostensiblement allégorique (Blasey Blasey), sans compter, bien entendu, tous les noms bibliques (Éliezer, Abel, Rebecca). Le Nez qui voque affiche très nettement la frontière que trace le nom entre l’intime et l’extérieur : tout ce qui n’est pas inclus dans le cocon de Mille Milles, Chateaugué et Questa ne mérite pas d’invention cryptographique et se trouve désigné selon un code apparemment plus réaliste (les trois Anne, banales et interchangeables, les époux Brasseur, au nom quand même plein de bouleversement, Marie-Paule, Claire, Louise, Estelle, Marcelle…). Les Enfantômes renouent avec l’irréalité des noms, malgré celui du narrateur, Vincent Falardeau – qui est cependant modulé de plusieurs façons tout au long du récit. Sa sœur aux mille surnoms, sa femme emblématique du Canada, son entourage parodié (Xavière Bassupatt, Tristan Thoux), anglophone et froid (Coldsucker, Frost, Wintermeyer [je souligne]), participent de l’onomastique particulièrement foisonnante de ce roman.

9D’un roman à l’autre, des constantes parfois thématiques, parfois sonores, regroupent les noms des personnages en nombreuses constellations. Sur le plan morphologique, il y a des concentrations très fortes autour d’une lettre ou d’un son, comme dans les surnoms féminins qui contiennent le mot « fille » (Fillette, Fée-fille, Tite Feuille) ou dans la suite liquide des Lise, Louise, Louisa, Lili. Ainsi, lorsqu’il convoque des noms issus de la réalité, Ducharme semble fasciné par des racines bien précises dont il déploie les variantes à volonté. De même, depuis Ina et Inachos dans L’Océantume jusqu’aux Inés Pérée et Inat Tendu du théâtre, le In- initial établit le préfixe privatif comme constituante de plus d’un personnage. Les chiffres interviennent également beaucoup dans les noms (depuis Ina Ssouvie 38 de L’Océantume, Mauriac I et Mauriac II, les chats dans L’Avalée des avalés, jusqu’à Mille Milles et Vincent), constituant un commentaire sans équivoque sur l’identité pour le moins multiple de leurs porteurs. Un nombre imposant de noms de personnages, enfin, sont constitués du redoublement de la même initiale ou de la même syllabe : Constance Chlore ou Dick Dong dans L’Avalées des avalés, Mille Milles bien sûr dans Le Nez qui voque, et dans Les Enfantômes, Boume Bondenne, Gaston Graton, Klaire Lugier-Klapp, Lucien Leterand ou Wou-Wei [8]. Ce redoublement marque qu’ils sont des créatures avant tout sonores. L’itération de leur nom les constituera comme personnages, et non l’inverse.

Entre description et détermination

10Toujours motivé, le nom ducharmien reflète les personnages qu’il désigne. Inhérent à sa forme, il contient la plupart du temps une ébauche de description ; même lorsqu’elle s’affiche comme parodie, cette matérialité a une importance constante. La façon dont Mille Milles se présente dans Le Nez qui voque : « Mon nez qui voque. Je suis un nez qui voque. Mon cher nom est Mille Milles. Je trouve que c’est mieux que Mille Kilomètres. Je me suis jamais plaint de mon nom. D’ailleurs, j’en ai toujours arraché avec mes k majuscules » (NV, 10) est significative : évocateur, ambigu, ancré dans la réalité américaine et inséparable des lettres qui le composent, son nom comporte en outre la notion de distance qui condamne Mille Milles à une errance perpétuelle ; « j’ai tellement de milles dans les jambes » (NV, 35). Rappelons que Mille Milles, entre autres surnoms, adoptera brièvement celui d’Étin Celant. L’étain, opaque, sombre, « l’éteint », et « celant » s’opposant à la brillance du nom entier, l’équivoque qui le constitue demeure.

11La motivation du nom est l’une des sources principales des fables et des mythes, la forme créant invariablement le fond [9]. Les noms mythologiques, qui ont donné lieu à plusieurs mots de la langue par l’antonomase (érotique, martial, hermaphrodite, etc), en sont eux-mêmes issus et décrivent, donc, les êtres qu’ils désignent (Œdipe « pied enflé », Dionysos « né deux fois », Iris « arc-en-ciel, etc.). Sa qualité de pure étiquette donne au nom propre une extension à peu près illimitée : théoriquement sans signifié, il est aisément resémantisable, surtout en littérature où il s’intègre chaque fois à un système précis. Les noms ducharmiens, on l’a vu, sont tous indiciels ; ils renseignent tant sur les personnages eux-mêmes que sur le degré de transposition du réel que propose chacun des romans. Le nom créant la chose, les personnages signifieront par leur propre sonorité : le romancier moderne est Blasey Blasey, Gloria est (à) celle qui part à la guerre dans L’Avalée des avalés. Le système onomastique de chacun des romans est éloquent quant aux enjeux qui s’y déploient. Le cas de L’Avalée des avalés, souvent analysé, est en effet très parlant : le patronyme de Bérénice (Einberg : une montagne) est chargé de connotations que l’on retrouve dans le texte : « J’ai à grandir, à me prolonger par en haut, jusqu’à supplanter tout, jusqu’à planer au-dessus des plus hautes montagnes » (AA. 20), dit Bérénice, ou plus loin :

12

Car, voyez-vous, j’ai taillé dans le roc vif, à partir du fond de mon Annapurna, une cheminée jusqu’à la lumière, jusqu’au sommet des choses ! Car, voyez-vous, assise sous ma plus haute montagne, comme vous êtes assis sous ce plafond, je respire enfin l’air et la lumière !
(AA, 196)

13En ce qui concerne son prénom, elle prend soin de mettre elle-même le lecteur sur la piste :

14

Je cours après toutes les Bérénice de la littérature et de l’histoire. J’apprends que Bérénice d’Egypte a épousé son frère, Ptolémée Évergète, et s’est fait assassiner par son fils, Ptolémée Philopator. L’idée de devenir l’épouse de Christian me plaît. […] Bérénice, fille d’Agrippa Ier, me plaît moins, quoiqu’elle ait assisté sans broncher à la condamnation d’un des apôtres du Christ. À lire et relire la Bérénice d’Edgar Poe, je prends l’habitude de faire ce qu’elle fait, d’être comme elle est. L’influence qu’exercent sur moi ces Bérénice n’est pas à négliger. […] J’ai tellement besoin d’un chemin que je prendrais volontiers, s’il m’était offert, le chemin de n’importe quelle Bérénice. Il faut que les pouvoirs de l’imagination soient grands pour que la seule coïncidence de quelques syllabes provoque un accommodement si vif de tout mon être, et un si grand désir.
(AA, 161)

15Son frère Christian, chrétien, va à la messe et évoque le « Christ en croix » (AA, 184). Leur mère est rebaptisée par Bérénice Chat Mort :

16

Je veux qu’elle soit comme un chat mort, comme un chat siamois noyé. J’exige qu’elle soit une chose hideuse, repoussante au possible. Ma mère hideuse et repoussante comme un Chat Mort que les vers dévorent. […] Mme. Einberg n’est pas ma mère. C’est Chat Mort ! Chat Mort ! Chat Mort ! Chat Mort !
(AA, 25)

17Zio est non seulement l’oncle de Bérénice, mais il est aussi « écouté, puissant […], pris pour un maître par les esclaves-nés […], le chef incontesté de tous les autres Einberg » (AA, 178). La chose n’est pas étonnante lorsqu’on se souvient de l’équivalence linguistique qui fait correspondre dans plusieurs langues le nom de Dieu : Dyaushpitar védique, grec Zeus, latin Jupiter, germanique Zio[10]…« Tel Jupiter », Zio envoie d’ailleurs « ses foudres » (AA, 188). Dans L’Avalée des avalés, « il y a aussi, puisqu’il faut que partout dans la nature l’équilibre règne, Constance Chlore, le plus pâle et le plus décoloré d’entre les plus beaux êtres » (AA, 84), qui est « pâle comme les prairies d’automne, comme le sable, comme la cendre, comme tout ce qui est stérile » (AA, 145), et qui devient, après sa mort, Constance Exsangue (AA, 202). Se posant la question de ce qui anime ces créatures et les rend ce qu’elles sont (« Que fait Constance Chlore pour être si constante, si égale à elle-même, si conséquente dans ses gestes, ses paroles et ses sentiments ? Que fait Zio pour être si continuellement saint ? » (AA, 145), Bérénice connaît la réponse : ils sont agis par cette « coïncidence de quelques syllabes » qui la met elle-même en action.

18Les autres romans sont aussi éloquents. Dans Le Nez qui voque, Chateaugué a le nom historique d’un des frères d’Iberville [11] et d’une rivière qui fut le lieu d’une victoire patriotique du xixe siècle [12]. Elle s’est appelée Ivugivic avant de s’appeler Chateaugué comme Mille Milles, avant de s’appeler Mille Milles, s’était appelé Dix Mille Milles. Connotant le romantisme qui lui est contemporain, le nom de Chateaugué se décompose en se précisant : beauté et noblesse (château), gaieté. Si le château incarne dans les contes la conjonction des désirs, s’il est traditionnellement perçu comme étant une demeure fortifiée, défendue, il prend ici le sens de château de cartes : le monde de Chateaugué est si fragile « qu’un souffle peut le dissiper » (NV, 202). Ses parents adoptifs, avec à-propos, se nomment « Brasseur » et se suicider, dans le langage qu’elle et Mille Milles se sont inventé, c’est « se branle-basser ». Elle est par conséquent le lieu d’un péril, à l’image aussi du « gué » de son nom, qui évoque le danger du passage difficile d’un monde à un autre – ici, du monde de l’enfance à celui des adultes. Le gué réunit la métaphore de l’eau (eau contenue dans Chateaugué), lieu des renaissances (Chateaugué est « blonde comme une aube, comme celle qui se lève », NV, 70), et celle des rivages opposés (Chateaugué et Mille Milles vivent « côte à côte sur les rives d’un fleuve », NV, 18) [13]. Chateaugué, encore enfant, a les attitudes, le ludisme et les impulsions du « chat » que son nom contient aussi : « J’aime écouter ronronner Chateaugué quand elle ronronne comme elle ronronne ce soir », insiste Mille Milles (NV, 219). Devant cette éternelle enjouée, Questa, toujours ivre, toujours déprimée (« qu’est-ce que t’as ? »), est un adulte ducharmien typique qui, son nom le dit, se cherche. À l’affirmation de Mille Milles selon laquelle on naît enfant ou adulte, elle répond : « Moi, je suis née adultère » (NV, 154).

19Dans Les Enfantômes, Vincent fait lui aussi de la création permanente pour tenter de nommer Fériée, qui contient le mot « fée », le son du rire, la connotation des vacances et de la fête. Elle vit dans un village nommé « Folle-Pentecôte » (E, 238), récolte au passage banderoles et confetti (E, 117) et frissonne de peur des jours à l’avance à l’idée de retourner à l’école (E, 11). Vincent, qui l’appelle sa Mielle, est « incapable de passer une semaine sans manger des nouvelles d’elle » (E, 20). Liés par leurs noms (puisqu’ils sont nés ensemble le jour de la Saint-Vincent-Ferrier), ils le sont aussi par les surnoms qu’ils se donnent : « Tite Feuille » et « Vieille Branche ». Le mariage avec Alberta, par comparaison, est beaucoup moins prodigue en affabulation poétique [14]. Les autres personnages ont des noms volontiers loufoques : le juge s’appelle « Jackpot », le « gros Bill » finance une coopérative, Tristan Thoux, beau chevalier, termine son parcours dans le roman en pleurant (E, 242), et Patrick Éponimeux est le fiancé de l’enfance, celui, bien sûr, qui était destiné de toute éternité à donner son nom. Vincent, seul sur sa bicyclette, est « plus seul encore » quand Urseule l’accompagne (E, 273) ; cette dernière doit son surnom de « Tchitcikov » au héros emblématique des Âmes mortes (E, 136). Marcella Tallini est religieuse chez les Marcellines (E, 124), Magenta a un « nom de couleur » sur lequel rêve Vincent (E, 136), Madeleine pleure toujours (E, 163). Sharon Beausoleil, qui a la tâche difficile de tenir à la fois des ténèbres (Charon) et de la lumière (Soleil), a une fille appelée Encore, « d’après le cri qu’elle avait lâché d’avoir à pousser au monde un deuxième enfant de suite » (E, 277). Vincent demandant le nom d’un chien à une fillette, qui le lui avait promis, s’entend répondre « Sais pas, mandes-y » (E, 281), et le chien de s’appeler Mandzi.

Des noms aux titres, des romans qui se répondent

20Les titres des romans de Ducharme ont le même caractère résolument néologique que les noms des personnages, et ils y font souvent une référence directe (L’Avalée des avalés pour Bérénice, Le Nez qui voque pour Mille Milles, Les Enfantômes pour Vincent et Fériée). Les noms, du reste, sortes de portraits ou de signalements (et toujours, quoi qu’il en soit, surnoms, mots surchargés de sens au point de devenir des entités distinctes), agissent sur les personnages à la façon de « titres » comme on le dit pour les titres de noblesse, noms de charges et autres désignations honorifiques. D’entrée de jeu, les romans de Ducharme annoncent leurs couleurs. Dès le titre, le lecteur est confronté à des effets de sens qu’il n’est jamais sûr de cerner entièrement :

21

[…] Le Nez qui voque, L’Océantume, L’Hiver de force sont à première vue des monstres logiques. Ils ne devraient pas être. Mais ils sont, et , irréductibles, inassimilables, coincés entre imaginaire et raison, froissant l’un, blessant l’autre. Plus graves que des calembours, ce sont des mots mal formés ; formés quand même : juste ce qu’il faut pour imposer l’existence d’objets qui n’ont aucun droit à l’existence [15].

22Les narrateurs sèment tous des pistes quant aux titres dont ils ont été coiffés. Outre la phrase de Bérénice sur le sien (« La vie est dans ma tête et ma tête est la vie. Je suis englobante et englobée. Je suis l’avalée de l’avalé », AA, 33) et le début du même roman (« Tout m’avale », AA, 7), son discours contient de nombreux échos tronqués de ce titre (« quitter cette vallée de grincements de dents », AA, 179) qui permettent d’y lire « la vallée des avalés », métaphore à laquelle répond d’ailleurs une autre vallée, « Val-des-Vals », où se déroule l’action du film Les Bons Débarras dont Ducharme a écrit le scénario [16].

23Mille Milles va plus loin et se présente, on l’a dit, comme un « nez qui voque ». Les occurrences du mot « nez », toujours en rapport avec lui, sont très nombreuses dans son récit et, à la fin de cette « chronique » où il a abondamment disséminé les traces du sien, il décrit celui de Chateaugué : « Je n’ai pas encore parlé du nez de Chateaugué. Il est petit, tout petit. Voilà, c’est fait » (NV, 268). La citation de l’« Auteur imaginaire » qui ouvre le roman reprend d’ailleurs le principe de l’écho de façon en quelque sorte inversée pour se terminer précisément par le mot « nez » : « Le beau n’est pas difficile à faire. Le beau n’est pas nécessaire. Le beau n’est pas. Le beau nez ! » (NV, 7) Chaque reprise de l’énoncé, où la fin est toujours davantage rognée, provoque un déplacement de sens qui en arrive par degrés à une sorte de point aveugle où ce sens ne trouve plus sa place. C’est donner à l’équivoque, au calembour inquiétant, le rôle d’instance structurante de tout ce qui va suivre. De plus, le terme « voque » évoque, justement, les mots latins vox et vocare. Un nez qui voque, c’est un nez (organe du flair) qui parle, qui nomme ; on se souvient que le mot « blase », qui vient de « blason », désigne en argot à la fois le nez et le nom. Lorsque Mille Milles nous demandait si nous avions vu la pomme dans appelions (NV, 85), il fallait aussi y voir l’appel.

24Le titre souvent commenté des Enfantômes, qui correspond aussi à la passion ducharmienne des néologismes, désigne clairement les narrateurs. Vincent et Fériée sont les enfants fantômes d’une mère morte, des fantômes d’enfants l’un par rapport à l’autre, les enfantômes l’un de l’autre. Le mot leur sert en outre à qualifier le regard que la société porte sur eux. Vincent est perçu comme un « inadapté enfantomatique » (E, 13), c’est-à-dire enfantin et fantoche, et résume ainsi le discours dominant : « Débrouille-toi tout seul, puis compte sur mon œil pour porter ton cercueil, prends-en un avec les poignées en dedans, demi-portion, stropiat, drive yourself, infime, enfantôme, comme tout le monde, belle mentalité » (E, 225).

25Les titres des romans de Ducharme sont en effet des monstres, comme les noms de ses personnages. Ils sont à l’œuvre partout dans les textes, dans les mots mêmes qu’emploient ces mots en marche que sont les personnages. Ils traversent les romans qu’ils font mine de contenir par tout un système de renvois interne à l’œuvre. Dans Les Enfantômes, par exemple, Renée Mortel parle à Vincent de Vallée-Fil (pour désigner la ville de Valleyfield, E, 236). De même, il est difficile de ne pas voir une allusion à L’Océantume lorsque Mille Milles définit l’amertume (« la seule façon de jouer des tours à l’ennui. L’ennui n’est même pas amer » NV, 79) ou lorsque Vincent évoque « [U]n élan de folie, un plongeon dans les airs, un vol plané… puis la chute, la bîme [sic], l’amer à boire », E, 237). Noms et titres, on le voit, se recueillent pour former un florilège étonnant où ils se répètent, s’interpellent, se prolongent mutuellement. Le fin tissu d’échos et de correspondances qu’ils créent de la sorte a l’effet chatoyant d’un kaléidoscope inépuisable, d’un jeu de miroirs infini.

26Qu’est-ce qu’un nom propre pour Ducharme ? Son attitude à son endroit s’avère similaire à son attitude devant l’écriture, devant l’humain, devant le monde : une double impulsion où les mouvements contraires, total irrespect d’un côté, foi ardente de l’autre, sont parfaitement synchrones. Pour Ducharme, le nom tel qu’il existe généralement est un objet mort à démolir, et à réinvestir du même souffle de son sens premier. Fragment de mystère, pièce de puzzle, carte à jouer éclatante, le nom ducharmien est tout à la fois simple et profondément secret : il est un mot qu’on peut joyeusement ouvrir, défaire, mettre à l’envers, mais cette déconstruction ludique a une visée métaphysique constante. L’assemblage de caractères qui constitue le nom perd tout arbitraire en cours de récit. Les choix de Ducharme à cet égard ne laissent aucun doute : le nom est un blason que le romancier prend plaisir à crypter, et le pouvoir de fascination qu’il acquiert de la sorte est celui de tous ces emblèmes plus ou moins chiffrés avec lesquels, de génération en génération, l’humanité a voulu sonder l’invisible et tenté d’en toucher une parcelle.

27Fabulé, motivé, omniprésent et ostentatoire, le nom propre, chez Ducharme, marque une surenchère tour à tour jubilante et aliénante. Il inscrit les rapports de pouvoir qu’entretiennent les protagonistes et leurs satellites, dénonce leur difficulté à se construire une individualité, en dédouble, en multiplie et en réfracte les figures. Sa spécularité contribue à la déstructuration politique et langagière qu’entreprend le personnage qu’il désigne, lequel, en se « renommant », veut réinventer à la fois le monde et le moi. Le héros ducharmien obéit à un modèle mythique que les noms dont il se dote reconduisent dans chaque roman. Le nom propre en soi s’articulant au social autant qu’au symbolique, Ducharme en fait le spectre de sa pulsion créatrice, un prisme où cristallisent le jeu, la réflexion, la quête, la lettre, le désir ; le prisme ayant la propriété de faire dévier les rayons à l’infini, le point de fuite sera multiple.

Notes

  • [*]
    Cet article est extrait d’une thèse en cours, « Noms de verre, noms de guerre. L’onomathèque ducharmienne » (Université de Montréal).
  • [1]
    Eugène Nicole, « L’onomastique littéraire », Poétique, n°54, avril 1983, p. 252.
  • [2]
    Réjean Ducharme, L’Avalée des avalés, Paris, Gallimard, 1966, p. 183. Toutes les citations indiquées entre parenthèses par l’abréviation AA suivie du numéro de page renvoient à cette édition.
  • [3]
    Sur le rôle que joue le Nom propre dans le tabou, voir, entre autres, Georges Kassaï, « Nom propre, énonciation, appropriation », dans « Noms propres », 34-44, n°7, UER Science des Textes et documents de l’Université Paris VII, automne 1980, p. 55-56. Quant à la place du nom dans la constitution de la personnalité, voir Philippe Lejeune, Le Pacte autobiographique, Paris, Seuil, « Poétique », 1975, p. 34-35.
  • [4]
    D’après le titre du recueil La Chose capitale. Essais sur les noms de Barbey, Barthes, Bloy, Borel, Huysmans, Maupassant, Paulhan, textes réunis et présentés par Philippe Bonnefis et Alain Buisine, Lille, Presses Universitaires de Lille, 1981. Sur la question de l’onomastique et du Nom propre en littérature, on se référera aux travaux de Barthes (essentiellement : S/Z, Paris, Seuil, « Points », 1976, et Roland Barthes par Roland Barthes, Paris, Seuil, « Écrivains de toujours », [1975] 1979). Signalons également des bibliographies sur le sujet, The Study of Names in Literature : a Bibliography d’Élizabeth M. Rajec (New-York, K.G. Saur Publications, 1978) et les « orientations bibliographiques » données dans Le Texte et le Nom, Martine Léonard et Élisabeth Nardout-Lafarge (dir.), Montréal, XYZ éditeur, « Document », 1996, p. 343-347.
  • [5]
    Réjean Ducharme, Le Nez qui voque, Paris, Gallimard, 1967, p. 69-70. Toutes les citations indiquées entre parenthèses par l’abréviation NV suivie du numéro de la page renvoient à cette édition.
  • [6]
    Selon les trois fonctions que Claude Lévi-Strauss attribue au nom dans La Pensée sauvage, Paris, Plon, 1962.
  • [7]
    Réjean Ducharme, Les Enfantômes, Paris, Gallimard, 1976, p. 25. Toutes les citations indiquées entre parenthèses par la lettre E suivie du numéro de la page renvoient à cette édition.
  • [8]
    À cause de l’allitération, on pourrait inclure ici la description définie du « gros Grec » souvent cité dans Le Nez qui voque, ou la taverne Blue Blue Bell dans Les Enfantômes.
  • [9]
    Voir à ce sujet Pierre Guiraud, Structures étymologiques du lexique français, Paris, Payot, 1968. L’auteur montre comment les personnages se forment au fil des mutations de sens des mots qui les désignent.
  • [10]
    Voir Ernst Cassirer, Langage et mythe. À propos des noms de dieux [Sprache und Mythos, 1953], traduit de l’allemand par Ole Hansen-Love, Paris, Éditions de Minuit, 1973, p. 23.
  • [11]
    Pierre Le Moyne d’Iberville (1631-1706), troisième fils du colon Charles Le Moyne, officier, explorateur, combat les établissements anglais en Nouvelle-France, à Terre-Neuve, en Acadie et jusqu’aux Antilles ; en 1698, il reconnaît l’embouchure du Mississipi (découverte par Cavelier de La Salle une quinzaine d’années auparavant) et implante un début de colonisation en Louisiane. L’un de ses frères, Louis Le Moyne de Châteauguay (1656-1694), qui l’accompagne comme enseigne dans l’expédition de à la baie d’Hudson, y est tué. C’est manifestement de ce frère sacrifié que Ducharme s’inspire.
  • [12]
    Il s’agit d’un épisode de la guerre anglo-américaine ; en octobre 1813, le colonel de Salaberry, à la tête d’une troupe composée de Canadiens et d’Abénaquis, repousse l’armée du général américain Hampton au-delà de la frontière.
  • [13]
    Pour un développement plus précis de cette analyse du nom de Chateaugué, je renvoie à mon article « Du cryptogramme au nom réfléchi. L’onomastique ducharmienne », Études françaises, vol. XXIII, n°4, novembre 1988, p. 89-98.
  • [14]
    Selon Renée Leduc-Park, il constitue une image de la Confédération canadienne : « Alberta, qui porte le nom d’une province anglophone, est née en Ontario. Elle “subventionne” son époux, chômeur, dont le nom francophone, Falardeau, contient le signifiant “fardeau” » (Réjean Ducharme, Nietzsche et Dionysos, Québec, Les Presses de l’Université Laval, « Vie des Lettres québécoises », 1982, p. 137).
  • [15]
    Georges-André Vachon, « Note sur Ducharme et Lapointe (Fragment d’un traité du vide) », Études françaises, dossier « Avez-vous relu Ducharme ? », vol. XI, n°3-4, octobre 1975, p. 359.
  • [16]
    Réalisé en 1980 par Francis Mankiewicz (Montréal, Les Productions Prisma Inc.).
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