Couverture de QDM_163

Article de revue

Regards croisés

Pages 133 à 147

Notes

  • [1]
    Nous faisons là référence aux réseaux de salariés (sur base thématique, fonctionnelle, affinitaire ou de cause…), aux espaces de parole, aux communautés de pratiques et d’échange, aux forums, aux ateliers de créativité, aux hakathons, working labs, fablabs
  • [2]
    Si vous voulez allez plus loin, vous pouvez vous inscrire au MOOC gratuit et certifiant « du manager agile au leader designer », inscription sur www.fun-mooc.fr à partir du 15 novembre 2016.
  • [3]
    R. REICH, L’économie mondialisée, Dunod, Paris, 1993.
  • [4]
    P. PIERRE, « Les figures identitaires de la mobilité internationale. L’exemple d’une entreprise pétrolière », Sociétés contemporaines, 41-42, Octobre 2001.
  • [5]
    D. MARTIN, J. L. METZGER et P. PIERRE, Les métamorphoses du monde. Sociologie de la mondialisation, Le Seuil, Paris, 2003.

1Praticiens, dirigeants et enseignants-chercheurs ont été invités à répondre à la question suivante : « Dans le cadre de leur transformation, les organisations peuvent-elles créer une identité commune tout en respectant la diversité d’identités personnelles autonomes et en favorisant l’articulation des identités au travail et hors travail ? Quelles bonnes pratiques apparaissent prometteuses ? ». Leurs contributions nourrissent la rubrique « Regards croisés » du numéro de la revue consacré aux « Questions d’identité ».

2David ALIS, Nehme AZOURY, Hervé AZOULAY, Dominique BAILLY, Michel BARABEL, Isabelle BARTH, Djilali BENABOU, Laïla BENRAISS-NOAILLES, Mireille BLAESS, Natalia V. BOUROVA, Maria Giuseppina BRUNA, Cécile DEJOUX, Richard DELAYE, Marc DELUZET, Rebecca DICKASON, Yves ENREGLE, Bernard GUILLON, Jacques IGALENS, Assya KHIAT, Eve-Marie KOEHLER, Dalila MERAH, Olivier MEIER, Maria NICULESCU, Patrick PLEIN, Philippe PIERRE, Nadejda N. POKROVSKAIA, Bernard RADON, Maurice THEVENET, Delphine VAN HOOREBEKE, Catherine VOYNNET FOURBOUL, Bruno WIERZBICKI ont alimenté le débat en apportant leurs regards.

3Les évolutions auxquels sont soumises les entreprises accélérent les transformations des politiques et des pratiques RH, des stratégies, des valeurs, des identités organisationnelles et des identités des individus. Favoriser la compréhension du processus de construction et reconstruction des identités dans le cadre de changements organisationnels revêt des enjeux managériaux forts. Concilier la diversité identitaire constitue un véritable défi afin de proposer et consolider une identité organisationnelle qui donne du sens aux membres de l’organisation : valeurs, buts, mission, principes, rôles, légitimité. Ce processus dynamique et interactionnel entre identité organisationnelle et identités individuelles renvoie généralement au besoin d’autonomie, de reconnaissance et d’affiliation.

4Les 32 experts – enseignants-chercheurs, dirigeants d’entreprise, DRH, directeurs des affaires sociales, experts en relations sociales et consultants RH – qui ont accepté de répondre à la question posée, proposent des pistes intéressantes afin d’accompagner ces dynamiques identitaires.

5Selon Nehmé AZOURY, l’identité est l’un des enjeux centraux dans le jeu complexe des relations interpersonnelles. Pour Hervé AZOULAY, la culture réseau est le socle de l’identité commune. Dominique BAILLY explique sa préférence pour le principe de communauté. Si l’identité appelle à l’alignement, la communauté appelle à la cohésion. Avec Michel BARABEL, nous entrons dans l’ère de l’ambidextrie généralisée. Isabelle BARTH insiste sur le rôle du dirigeant, l’observation et la capacité du groupe à (ré) intégrer les individualités marginales. Djilali BENABOU s’interroge sur les conséquences de l’intelligence artificielle sur l’identité au travail. Laïla BENRAISS-NOAILLE souligne l’importance du rôle de la socialisation organisationnelle. Pour Mireille BLAESS, la laïcité au sein de l’entreprise est une condition de survie. Natalia V. BOUROVA aborde l’articulation des identités des collaborateurs. Pour Maria Giuseppina BRUNA, l’identité est plurielle : elle se révèle dans la juxtaposition, l’entrecroisement et la recomposition des appartenances. Cécile DEJOUX présente les compétences du manager designer. Selon Marc DELUZET, le travail est le creuset d’une identité commune. Rebecca DICKASON et David ALIS valorisent la composante émotionnelle du travail qui demeure indissociable de l’identité des professionnels de santé. Yves ENREGLE et Richard DELAYE proposent de découvrir la nouvelle identité professionnelle des enseignants. Bernard GUILLON croise les notions de risque et de diversité. Jacques IGALENS insiste sur la création de sens. Assya KHIAT et Dalila MERAH indiquent le rôle capital du leadership. Eve-Marie KOEHLER s’interroge sur l’identité féminine et ses bienfaits sur les organisations. Olivier MEIER cherche à savoir si le concept d’identité commune peut se combiner avec l’affirmation d’identités individuelles. Maria NICULESCU caractérise les modifications identitaires. Pour Patrick PLEIN, l’hétérogénéité des identités est une condition nécessaire pour se réinventer, créer de la valeur, de nouvelles opportunités d’apprentissage et innover. Philipe PIERRE revient sur la compréhension des multiples facettes d’Arlequin et des stratégies identitaires. Nadejda N. POKROVSKAIA lie transformation et complexité. Bernard RADON présente les trois dynamiques de savoir, de pouvoir et de plaisir. Maurice THEVENET analyse l’opposition entre le collectif et l’individuel. Delphine Van HOOREBEKE s’interroge sur l’identité et la déviance. Catherine VOYNNET FOURBOUL définit la stratégie d’une organisation axée sur le maintien de son identité. Pour Bruno WIERZBICKI, ce sont les personnes qui donnent valeur, culture et identité aux organisations.

6L’ensemble de ces témoignages font ressortir l’intérêt de développer une identité commune dans les organisations tout en respectant la diversité d’identités personnelles autonomes et en soulignent les difficultés et les limites.

Les dilemmes de l’identité. Nehmé AZOURY, deputy President for Research, The Holy Spirit University of Kaslik (USEK), Liban

7Au tournant du XXIe siècle marqué par une vague de mondialisation croissante, il est commun de se questionner sur la préservation des identités personnelles dans le moule de l’uniformité et de la standardisation des normes et pratiques, en particulier au sein des organisations. Les changements structurels d’une période presque exhaustivement dominée par la nouvelle donne des technologies de l’information et de la communication, ainsi que de l’accréditation se trouvent omniprésents. D’où le dilemme, ne serait-ce que pour communiquer comme l’a illustré Lipiansky en stipulant que « nous communiquons pour transmettre ou recevoir des informations mais aussi pour défendre une image, un territoire, établir une relation. L’identité est l’un des enjeux centraux dans le jeu complexe des relations interpersonnelles ». La transposition vers un nouveau mode de management du classique au participatif où le pouvoir décisionnel et l’interpersonnel sont circulaires et tendent vers l’informel, régit une convergence vers une identité commune à l’entreprise gérée. Cette orientation valorise les richesses interculturelles identitaires des cadres et des ouvriers au travail et hors travail en capitalisant sur cet atout relationnel, contrairement aux situations managériales dans les organisations qui demeurent traditionnelles et tendent malgré cela à se moderniser dans le contexte de la globalisation. Dans ce cas, des tensions identitaires et des pressions d’acculturation sont susceptibles d’être générées et finissent par devenir des conflits interpersonnels dysfonctionnels à prévenir.

La culture réseau : au cœur de l’identité. Hervé AZOULAY, directeur de société

8Nous entrons dans l’ère numérique avec sa croissance exponentielle de l’information, son intelligence ajoutée, ses savoirs multipliés, ses réseaux vivants de connaissances, qui rendent le monde plus complexe à appréhender. Les réseaux et leur culture deviennent donc un gisement pour transformer notre société car ils reposent sur des idées fortes, sur une vision commune des valeurs, sur le partage des connaissances et sur des convictions humaines. Dans les réseaux il existe une forte identité commune qui respecte l’identité de chacun puisqu’ils ont dans leurs gênes : la confiance, la créativité, l’initiative et l’engagement de tous. La culture réseau est donc le socle de cette identité commune qui nous rend dépendants les uns des autres et ce fait est valorisé comme signe d’appartenance au collectif, contrairement à la démarche individualiste ! Nous pouvons dire que la culture réseau est avant tout un état d’esprit qui souligne une mentalité, une éducation, une volonté d’aider les autres et de les respecter. C’est une nouvelle façon de vivre ensemble qui se fonde sur le partenariat, la coopération, le don, la tolérance, le bénévolat, l’altruisme, ce qui permet de donner du sens à la vie. La culture réseau a aussi son type de management : l’holacratie. Aujourd’hui la culture réseaux doit devenir l’emblème de ce qui créera les richesses autres que marchandes pour aller vers l’émergence d’un monde nouveau ! Le changement culturel doit être le ciment de cette transformation.

Faire communauté pour conjuguer les identités. Dominique BAILLY, Directeur de la performance et de la prospective RH Groupe la Poste

9L’existence d’une identité forte est le fait des entreprises – ou des organisations - de type communautaire. Celles qui ont réussi à établir un lien immatériel solide et durable avec leurs collaborateurs, et souvent avec leurs clients. Autour d’une marque, d’un style, de valeurs partagées… Et pourtant, identité et communauté ne signifient pas la même chose ! L’identité évoque la singularité - condition de la reconnaissance - et donc l’unicité. La communauté évoque le rassemblement, le « vivre ensemble » dans la différence et donc la diversité. Or l’identité n’a pas vie facile au sein des entreprises de nos jours ! Car il est loin le temps où les groupes incarnaient un secteur, une technologie, un marché de référence… et une seule et unique culture de management. Nul n’échappe à la diversification, à la spécialisation des activités par marchés, et à son corollaire, la pluralité des statuts de personnel et des modes de gestion. Le tout dans un environnement extrêmement mobile ! Inutile dans ses conditions de s’arcbouter sur une identité totémique. Et préférons le principe de communauté qui fournit dans ce monde volatile une réponse bien plus efficace ! Si l’identité appelle à l’alignement, la communauté appelle à la cohésion. Et à l’époque où l’enjeu n’est plus d’être conforme mais d’être soi-même l’appartenance à une communauté concilie dans la souplesse les dimensions collective et personnelle. Reste qu’il n’y a pas de communauté sans un solide noyau identitaire. Ce noyau, ce sont des valeurs qui transcendent la diversité. Et un projet qui s’incarne dans une histoire. Une histoire vivante qui loin de figer l’entreprise dans une culture monolithique permet, parce qu’il prend source dans les racines de l’entreprise, de l’ouvrir à tous les possibles… et toutes les différences.

L’ambidextrie comme mode de résolution des injonctions paradoxales à l’ère digitale. Michel BARABEL, MCF, Université Paris Est (IRG)

10Nous entrons dans l’ère de l’ambidextrie généralisée. Concept issu de la stratégie (March, 1991 ; O’Reilly & Tushman, 2004 : savoir combiner une stratégie d’exploration « innover/futur » et d’exploitation « optimiser/présent »), l’ambidextrie devient dans notre environnement digital une obligation quel que soit le sujet pour résoudre des injonctions à priori contradictoires imposées par l’extérieur. En l’espèce, toute organisation doit aujourd’hui savoir articuler une approche collective autour du projet, de la recherche de sens, de la culture, de la vision, et des valeurs (faire rêver, donner un cadre commun, mettre en place des mécanismes de régulation, s’inscrire dans une aventure collective…) et une approche individuelle (donner des espaces de liberté à chaque individu, permettre à chacun d’exprimer tout son potentiel, se nourrir de la diversité, …). Mais attention, contrairement à ce que laisse supposer certains gourous américains, il n’existe pas un one best way pour y parvenir. Chaque organisation, en fonction de son collectif de travail, de son environnement et de ses problématiques doit construire sa configuration organisationnelle, managériale et RH singulière, capable pour une durée limitée (équilibre instable, se reconfigurer régulièrement en fonction des évolutions de l’environnement) de respecter un tel équilibre. A ce titre, il n’existe pas de bonnes pratiques mais un ensemble de pratiques (co-développement, écosystème, plateforme, co-working, design thinking, méthodes agiles …) à agencer voire à créer collectivement au cas par cas. Bienvenue dans le monde de la singularité !

Faire équipe ; un incroyable pari ! Isabelle BARTH, professeure, Université de Strasbourg

11J’ai participé récemment à un débat avec Guy Roux, star du football et Gilles Pelisson, PDG de TF1 sur la question de « comment former une équipe ». Les échanges ont eu lieu dans une salle archicomble devant des centaines de chefs d’entreprise, témoignant tous de la difficulté à relever ce défi au quotidien. Le constat unanime portait sur le manque d’adhésion, de motivation, d’engagement de collaborateurs décrits comme plus soucieux de leurs projets personnels que de contribuer au projet commun. Il n’y a pas eu de clé magique mais trois éléments sont ressortis des débats : Le premier est toujours et encore le rôle clé du dirigeant qui doit donner l’impulsion, et savoir garder le cap sans perdre de vue ses équipes. La seconde observation est que c’est dans la crise que les troupes resserrent les rangs pour mieux gérer l’adversité, et qu’il faut savoir capitaliser sur ces moments pour tisser le fil délicat de l’histoire commune. La troisième piste porte sur la capacité du groupe à (ré) intégrer les individualités marginales, et savoir tirer profit de leur génie dissident pour aller de l’avant. C’est donc en naviguant entre bienveillance et exigence que le manager peut construire patiemment le fragile édifice d’une identité de groupe avec des individus dont les talents, les identités et les projets sont tous uniques et différents.

Le double encastrement identitaire au travail : de l’entreprise capitaliste à l’entreprise virtuelle. Djilali BENABOU, Professeur, Faculté d’Economie et de Gestion, Université de Mascara- Algérie, Laboratoire (LAPDEC)

12De l’antiquité à nos jours, l’entreprise a toujours été un lieu majeur de socialisation favorisant la formation d’identités au travail. Cette formation identitaire est le résultat de l’éternelle dialectique entre le capital et le travail. L’entrepreneur créateur de l’entreprise a toujours utilisé cette invention pour mobiliser les salariés en vue de satisfaire les besoins rationnels et utilitaires du capital. Dès lors, l’homme au travail vit un phénomène d’aliénation qui change de figure au fur et à mesure que les enjeux du capitalisme s’actualisent. … depuis le célèbre Germinal, d’Émile Zola où « le mineur vivait dans la mine comme une brute, comme une machine à extraire la houille, toujours sous la terre, les oreilles et les yeux bouchés aux événements du dehors. Aussi les riches qui gouvernent, avaient-ils beau jeu de s›entendre, de le vendre et de l›acheter, pour lui manger la chair : il ne s›en doutait même pas », passant par les temps modernes qui dresse le portrait du salarié de l’époque taylorienne, totalement déboussolé et réglé uniquement au temps de la machine, arrivant à l’âge du digital où le sentiment de l’urgence, de la perfection et de l’abstraction des liens sociaux forment les pièces d’un nouveau monde en construction…où le maître sera sans grande surprise la machine avec son intelligence artificielle, c’est elle qui déterminera notre identité au travail. Désormais, tout a commencé par l’encastrement du travail par le capital qui a précédé celui de l’économie réelle par la finance. L’identité au travail que nous connaissons aujourd’hui n’est que la manifestation de cet encastrement et par conséquence le résultat d’un processus délibéré du capitalisme et cela malgré les efforts de résistance entamés par les salariés depuis plus de deux siècles de lutte ouvrière. Les efforts d’appropriation des normes au travail désormais effectués par les salariés sont vite dépassés par le renouvellement rapide des normes de travail imposé par la nécessité de faire du profit, exigée par le capital. A ce titre, les pratiques de lean management ou le classement « great place to work » ne sont que deux exemples entre autres de cette prise forcée du capital sur l’homme, car les processus opérationnels et les lieux de travail sont conçus uniquement selon les besoins de l’utilité et de la rationalité capitaliste. Et par essence, utilisés en fin de compte, pour booster la productivité et faire briller l’image de l’employeur. En bref, l’entreprise a toujours fait de l’homme ce qu’elle a toujours voulu. En guise de mot de la fin, un constat s’impose et une question se pose : le constat est que la création identitaire au travail sera de plus en plus, effectuée par les machines intelligentes, mais est-ce que l’intelligence artificielle signera la fin de l’identité au travail, voire la fin de l’espèce humaine, comme l’a signalé Musk, l’un des gourous de la nouvelle économie « with artificial intelligence, we’re summoning the devil ».

L’identité : une question de contexte. Laïla BENRAISS-NOAILLES, MCF-HDR, IAE – Université de Bordeaux. IRGO, équipe RH

13L’individu s’habitue tout au long de sa vie à jongler entre ses différents rôles (au sein de la famille, à l’école, au sein de clubs sportifs, de troupe de théâtre, de musique, associations…) et se construit une identité enrichie de ces différents rôles tenus. Le travail est un nouveau rôle qui vient s’ajouter à cette identité et l’enrichir d’une nouvelle facette. Ce nouveau rôle peut très vite menacer les autres en poussant l’individu à réduire l’étendue de ses activités, et de ses rôles autres, pour consacrer de plus en plus de temps au travail qui devient la principale composante de son identité individuelle. Une bonne pratique à ce niveau pourrait relever du registre de la bienveillance organisationnelle. Par exemple, KPMG a élaboré une charte, appelée VP2, qui porte sur la conciliation entre vie privée et vie professionnelle : aucune réunion ne peut débuter après 18h30, accompagnement des retours des congés maternité, pas de mails envoyés le week-end…L’identité de l’entreprise, de son côté, ne saurait être la somme des identités individuelles qui la composent. Elle serait un composé de compromis entre, d’une part, la culture de l’entreprise et les règles qui y sont en vigueur et d’autre part, les marges de manœuvre laissées aux employés qui peuvent être réajustées comme toute zone d’incertitude et qui pourraient laisser s’exprimer les particularités identitaires individuelles. La socialisation ou intégration est le processus par lequel l’individu est amené à adhérer à cette identité organisationnelle collective. C’est la socialisation qui mène à l’acquisition d’une manière de faire, de penser… et qui est propre à un collectif. C’est l’adaptation à l’environnement social où le salarié évolue. L’individu se conforme à cette identité organisationnelle adopte l’attitude attendue et finit par développer sa propre identité professionnelle qui s’imbrique à celles des autres membres du groupe pour composer l’identité organisationnelle. La socialisation est la pratique centrale pour diffuser la culture d’entreprise et construire l’identité collective. L’identité de l’entreprise est ainsi une construction fondée sur un ensemble d’identités individuelles formant une identité collective. Elle ne peut se construire en ignorant et en sacrifiant les identités individuelles et personnelles. La valorisation des individus (dans leurs individualités) permet la construction d’une identité collective plus solide.

L’identité : une question de survie. Mireille BLAESS, DRH OCP

14L’entreprise performante : une somme d’individus respectés dans leur contribution dans le cadre de principes d’action communs ? Faire réussir aujourd’hui une entreprise sur son marché, c’est la rendre plus compétitive que ses concurrents, plus performante avec un maillon faible le plus fort possible. Pour cela l’attention au collectif est déterminante avec des principes d’action connus, concrets et partagés par tous dans l’organisation. Ainsi une culture forte crée une approche et un sens partagé. Mais cela nécessite aussi une prise en compte de chacun individu en veillant à la diversité qui favorise le respect. Des leviers sont à la disposition des directions des ressources humaines. Par exemple, des accords relatif à l’égalité professionnelle hommes / femmes ou des accords intergénérationnels créant des situations de partage et d’équité facilitent l’adaptation de l’entreprise et de ses salariés à son environnement. Cependant des préalables doivent être rappelés tel que par exemple la laïcité de l’entreprise. Elle n’est pas le lieu de mise en avant d’éléments religieux quelle que soit la religion. Les guerres de religion sont partie intégrante de l’histoire des peuples depuis toujours. L’entreprise est un lieu de business et de gestion de résultat économique sans aucun lien avec ces sujets. Le respect entre les individus ne signifiant pas l’acceptation de tout ce qui n’est pas dans le champ de l’entreprise. Sans doute la survie des organisations en dépend elle.

L’articulation des identités des collaborateurs. Natalia V. BOUROVA, Directrice de l’Ecole Internationale d’Economie et Politique de l’Université d’Etat d’Economie de Saint-Pétersbourg

15La création et la restructuration des organisations révèlent et exprime la volonté et les buts des personnes qui en font partie : les fondateurs y réalisent leurs intérêts et les collaborateurs y trouvent l’épanouissement de leurs motivations. Les personnalités diverses qui entrent en organisation aident à construire une identité corporative dans les relations intérieures avec les parties concernées (tout d’abords, les employés) et extérieures (partenaires et clients). Il n’y a donc, aucune contradiction entre la stratégie des entreprises sur le marché saturé et segmenté – et l’articulation des identités des collaborateurs, employés et gérants. En termes des instruments, l’organisation implique la gestion des ressources humaines et surtout le « management » des talents ayant la fonction centrale de re-penser les possibilités d’intégrer les identités et les personnalités humaines dans le processus de la création de valeur et de connaissance par l’entreprise. Dans le cadre de l’organisation, le choix des axes est très important pour le processus de sélection des candidats pour l’emploi : la routine et discipline au travail ne sont pas acceptables pour les personnes orientées vers la créativité et la réforme pour un monde meilleur. Par contre, certaines fonctions sont routinières, monotones, mais elles assurent le développement stratégique de la compagnie.

Pour une définition réticulaire et inter-sectionnelle de l’identité. Maria Giuseppina BRUNA, Professeure, IPAG Business School

16Face à un environnement macro-économique et géopolitique de plus en plus instable, harassé par de profonds bouleversements de l’ordre social et institutionnel, émerge, par tâtons, un nouveau modèle de société réticulaire (Bruna, Autissier & Peretti, 2016) née des cendres encore ardentes de la société des individus (Elias, 1991). Dans un univers aux frontières mobiles, l’ordonnancement des appartenances n’ayant rien de définitif, la dialectique entre l’individuation et la socialisation mérite d’être dépassée : la multiplication et l’évolutivité des affiliations constituent des leviers de différenciation autant que d’identification sociale. L’individuation se joue dans et par la (poly-)groupalité. Les nouvelles instances de dialogue qui s’affirment en entreprise [1] constituent de nouveaux écrins d’une gestion post-moderne des organisations, où se déploie la comédie du social, se théâtralise la rencontre intersubjective, se façonne (et se dramatise) l’interaction multipartite. Laboratoires d’un agir agile et inclusif, ces espaces réticulaires de socialisation participent à fluidifier l’information, à libérer la parole et l’esprit critique des collaborateurs, tout autant qu’ils favorisent le partage des savoirs entre strates, fonctions et métiers de l’organisation. Ils créent les conditions de l’écoute mutuelle et de l’échange, grâce à l’articulation d’interactions tant physiques que virtuelles. Ils facilitent le partage de savoirs et incubent un nouveau mode de management fondé sur l’autonomisation et la responsabilisation des salariés, sur la délégation et la coopération. Ils contribuent, a fortiori, à retisser le lien social en entreprise, à refonder cet être-ensemble pour être ensemble, pour reprendre la belle formule maffesolienne. Autrement dit, à ré-affilier les individus à la société, en démultipliant, emboîtant et superposant leurs instances réticulaires d’appartenance. Et ce, car c’est dans l’enchevêtrement, la superposition et le croisement d’affiliations multiples qu’émerge l’individu. Dans une société réticulaire, l’individuation naît de l’inter-sectionnalité (Bruna, 2016 ; Bruna, Zoberi, Bigot, Teulon, 2016). Évolutive et pluridimensionnelle, l’identité est plurielle : elle se révèle dans la juxtaposition, l’entrecroisement et la recomposition des appartenances. Dans une société réticulaire, l’individualité d’un sujet renvoie, ainsi, à son altérité ontologique autant qu’à l’unicité de son parcours. L’identité naît (de la rencontre heureuse) de la diversité.

Le manager designer. Cécile DEJOUX, Professeur des universités, Cnam

17A l’ère de la civilisation numérique, les managers doivent accompagner la transformation de leur organisation mais comment ? La première transformation nécessaire est leur propre transformation. Ils doivent faire le point sur leurs compétences et se réinventer. Qu’est-ce que cela signifie ? Les basiques du management, comme savoir décider, savoir motiver, savoir développer les talents doivent être maîtrisés quelque soit le contexte et les secteurs d’activité. Ce qui change, c’est l’acquisition de trois nouveaux corpus de compétences stratégiques : les compétences numériques, celles qui permettent à chacun de maîtriser la littératie de la nouvelle civilisation dans laquelle nous œuvrons (savoir trouver la bonne information, savoir la granulariser, savoir la valoriser, savoir la partager), les compétences d’agilité, celles qui permettent d’acquérir des comportements collectifs et rapides, en phase avec le rythme imposé par le « Time to Market » (savoir aller vite et accepter de se tromper, s’enrrichir de techniques de créativité, savoir travailler collaborativement, savoir itérer ses idées) et les compétences design (observer avec empathie, penser avec les mains, innover à partir des usages, prototyper toutes ces idées). Le manager designer a intégré l’alphabet numérique, les nouveaux modes de travail coopératifs et s’enrichit d’une nouvelle façon de penser : penser design[2].

Le travail, creuset d’une identité commune. Marc DELUZET, Délégué Général Observatoire Social International

18Les organisations scientifiques du travail, issues du fordisme et fondées sur la gestion par les procédures ne sont plus adaptées aux nouvelles exigences des consommateurs et conditions de la concurrence. Elles ont produit une forte individualisation des postes de travail, une perte d’initiative de la part des salariés et finalement, une déshumanisation de l’entreprise. Le désengagement des salariés témoigne de la difficulté qu’ont les entreprises, surtout les grandes, à faire vivre un projet collectif, tout en appelant les salariés à devenir responsable de leur développement personnel. La digitalisation n’offre pas de réponse miracle sur ce point. En revanche, les sciences sociales proposent aujourd’hui de repenser le développement de l’humain autour de sa relation à autrui. Des entreprises (Michelin, Generali, Orange,…) font aujourd’hui le choix d’organisation qui favorisent les interactions entre les personnes (par rapport à la chasse aux temps morts), d’espaces et de temps de dialogue professionnel qui densifient les liens sociaux professionnels, c’est-à-dire les liens qui se tissent entre salariés au sein de l’activité de travail, et non à sa périphérie. En discutant le travail ensemble, les identités personnelles autonomes s’enrichissent mutuellement, se respectent, se tolèrent et élaborent une identité commune. De la même façon, les plateformes d’échanges avec la société civile ou avec les fournisseurs, permettent à chaque partie prenante d’apporter sa pierre à une culture commune qui favorise l’innovation et l’excellence opérationnelle au service des clients.

La gestion des émotions au travail au service des organisations de santé. Rebecca DICKASON, ATER, Université de Rennes 1, CREM CNRS David ALIS, Professeur, Président de l’Université de Rennes 1, CREM CNRS

19Les organisations de santé sont en transformations, (re)constructions et (re)définitions permanentes. L’hôpital français a ainsi évolué d’une logique d’hospice, d’assistance aux plus démunis, à une fonction plus « technique » de soins. La composante émotionnelle du travail hospitalier, invisible, est indissociable de l’identité des professionnels de santé qui ont, pour la plupart, choisi leur métier par vocation, pétris des valeurs communes du care. La confrontation quotidienne à l’« extraordinaire » (patients en fins de vie, en souffrance physique ou morale ou encore en situation de grande fragilité sociale) participe de l’identité des professionnels de santé qui s’ancrent dans une posture de compassion ou, au contraire, de retrait derrière la technicité. Gérer ses émotions au-delà du seul aspect technique des soins, en pratiquant un « travail émotionnel » – individuellement et collectivement –permet de développer une identité commune chez les soignants centrée sur une vision du soin, relationnelle et holistique. Cette perspective associe qualité des soins et bien-être au travail. Les politiques de gestion des ressources humaines dans les organisations de santé jouent un rôle clé pour accompagner au mieux les professionnels dans cette composante émotionnelle de leur travail : intégration, formation, écoute, travail en équipe, mise en place d’espaces de partage des émotions qui sont à la fois des lieux d’exutoires des tensions – grâce aux logiques de soutien social qui y règnent – et d’enrichissements réciproques des pratiques professionnelles, etc. : autant de bonnes pratiques à développer pour concilier qualité des soins et qualité de vie au travail.

Vers une nouvelle identité professionnelle des enseignants. Yves ENREGLE, Doyen et co-fondateur du Groupe IGS Richard DELAYE, Directeur de la recherche et de l’innovation du Groupe IGS

20Le métier d’enseignant s’est fortement transformé et ne va cesser d’évoluer dans les prochaines années. Technologies de l’information aidant, l’élève qui se trouve face à son professeur est d’ores et déjà potentiellement pourvu de la quasi-totalité du contenu de cours qui va vous lui être dispensé. L’objet de sa présence n’est donc pas (plus) l’acquisition de connaissances, un constat qui modifie très significativement le rôle de l’enseignant tout comme le jeu qui régit les rapports entre « apprenants » et « sachants », jusque-là à sens unique. Mais que pouvons (devons)-nous réellement apporter après plus de trente années de pédagogies rythmées par la flatterie et la complaisance excessive, aux nouvelles générations d’écoliers, collégiens, lycéens et étudiants qu’ils ne puissent disposer instantanément sur leurs smartphones, tablettes ou laptops ? Tous les symboles qui balisaient la relation « enseignant-élève » ayant été un à un balayés, on assiste à une perte de repères et de sens qui est très mal vécue par les étudiants. Il (re)devient donc urgent de (re)stimuler la curiosité de ces derniers et donc de (re)définir, dans ces nouveaux contextes, ce que l’on entend par enseigner. En effet, qu’il s’agisse « d’en signer » dans la logique d’acquisition des signes, et donc de production de sens, comme l’écrivait Jean-Pierre Lepri dans le cadre de son Cercle de réflexion pour une « éducation » authentique (CREA) ou de « signaler » avec pour objectif de déclencher un comportement ou de montrer le chemin, il ne fait aucun doute que la clé de voute d’un apprentissage réussi réside avant tout dans la capacité de l’enseignant à aborder la question dans sa globalité, en créant du lien entre les concepts tirés de la sociologie, de l’économie, de la gestion voire (surtout) de la géopolitique ; cette même mobilisation des paradigmes voulue dès 1963 par André de Peretti, précurseur de la « pédagogie différenciée », alors qu’il prend la direction des études de l’Institut national d’administration scolaire et universitaire (INAS)… il y a 53 ans.

Risque et diversité : une approche « internationale sous-jacente » impliquant d’abord une hiérarchie des priorités ? Bernard GUILLON, co-fondateur du colloque ORIANE, Vice-Président de l’ADERSE

21Croiser ces deux notions peut prendre plusieurs formes où les comparaisons s’effectuent simultanément et à plusieurs niveaux. Exposer les évolutions récentes du cadre juridico-économique dans lequel évoluent les entreprises (Yanat, 2008 ; Cailleba et Cuevas, 2011 ; Cuevas et Sarr, 2014) et les risques liés au refus… mais aussi à l’acceptation de la diversité est une première approche permettant de dénoncer l’anachronie de la discrimination, sans perturber l’intégration liée à une entreprise, une association ou une structure étatique. Cette étape est une condition nécessaire mais non suffisante. Pour passer à un échelon supérieur (donc le cas pratique détaillé), il faut prouver - par l’exemple - combien il est contreproductif d’oublier ces phénomènes de nature multiculturelle et/ou multinationale. Bories-Azeau et Chaudat (2008) exposent ainsi, dans le cadre d’une comparaison homme-femme relative aux expatriés, des enjeux concrets (saisine des prud’hommes, conflits organisationnels) et la sous-optimisation de l’entreprise (fidélisation des salariés, rotation du personnel). L’approche de Gao et David (2014) implique une typologie du mode de fonctionnement interpersonnel, en référence aux diversités sous-culturelles des managers, à leurs rôles en équipe et aux enjeux de la GRH basée sur une étude de cas au sein de quatre multinationales françaises en Chine. Les effets des diversités amènent à distinguer les diversités sous-culturelles, celles relatives aux générations de managers chinois, aux managers en transition et internationalisés, aux « top managers » et aux cadres moyens. Ce dernier article fait ressortir des « gisements de développement » en termes de chiffre d’affaires que la compréhension de la diversité peut favoriser. Donc si étudier les liens risque-diversité peut s’effectuer à chaque niveau d’exercice ou de secteur, les trois volets précédents peuvent ou doivent être exposés dans l’ordre.

Cailleba P. et Cuevas F. (2011), « Management de la diversité et du risque », dans Guillon B. (dir.), Valoriser l’intégration du risque, Paris, L’Harmattan.
Cuevas F. et Sarr M. (2014), « L’altérité : une vie vaut en fonction des rencontres vécues », dans Guillon B. (dir.), Pour une politique du risque : comprendre et agir, Paris, L’Harmattan.
Gao H. et David P. (2014), « Quelle GRH pour un exciting intellectual puzzle ? Enquête au sein des équipes franco-chinoises : perception des managers », Business Management Review, vol. 4, n° 3.
Bories-Azeau I. et Chaudat P. (2008), « Perception des discriminations salariales hommes-femmes et bénéfice de l’assurance maladie pour les expatriés : un risque pour l’entreprise ? », Management & Sciences sociales, n° 5.
Yanat Z. (2008), « L’intégration au risque de la discrimination », VIe colloque francophone sur le risque Oriane, Bayonne, IUT de Bayonne.

Identité et Business School. Jacques IGALENS, Professeur, Université de Toulouse Capitole

22Le concept d’identité se joue des niveaux : identité individuelle, de groupe, identité organisationnelle et/ou nationale doivent-elles s’emboiter sur le modèle des poupées russes ? A cet égard, les travaux académiques sur le « fit » fournissent des éléments de réponse (O’Reilly et al., 1991) mais pour répondre à la question posée concernant les pratiques, une autre piste mérite d’être explorée, celle de la création de sens. En effet, pour intéressante qu’elle soit, la vision du « fit » demeure statique, il s’agit par exemple de recruter des collaborateurs dont les valeurs correspondent à celles de l’entreprise. La question du sens, elle, est dynamique, il s’agit de construire dans l’interaction. On est moins dans la définition de l’organisation que dans le processus continu (« ongoing ») d’organiser (« organizing ») comme l’a montré Karl E. Weick (1979 et 1995 pour ses deux livres majeurs). C’est dans la conduite de ce processus qu’il faut chercher la réponse aux questions posées concernant le respect des identités et les pratiques prometteuses. Comment les dirigeants peuvent-ils mener à bien la transformation organisationnelle en utilisant l’information complexe et parfois contradictoire dont ils disposent et en gérant la diversité des identités ? L’articulation des identités des dirigeant et des principaux managers avec celle de l’organisation (ou de l’image de l’organisation) est prépondérante notamment dans l’enseignement supérieur (Gioia, 1996). Par exemple l’articulation de la place et du rôle d’un professeur d’une « business school » avec l’image de cette « business school » constitue un levier (ou un frein) de la transformation. La conduite de la réflexion stratégique et la réponse à des questions telles que « Sommes-nous une business school de classe nationale ou internationale, orientée recherche ou orientée entreprise ? » est nécessairement en résonnance avec l’identité que le professeur endosse (professeur de classe nationale ou internationale, orienté recherche ou entreprise..). C’est par des techniques narratives de type storytelling (Igalens, 2008) et par des techniques d’animation participative que le dirigeant peut enclencher et conduire le processus de (co)construction de l’image de l’organisation et la diversité des identités n’est pas un frein mais un atout si cette image est porteuse de cette diversité.

Albert, S., Ashforth, B. E., & Dutton, J. E. (2000). Organizational identity and identification : Charting new waters and building new bridges. Academy of management Review, 25(1), 13-17.
Gioia, D. A., & Thomas, J. B. (1996). Identity, image, and issue interpretation : Sensemaking during strategic change in academia. Administrative science quarterly, 370-403.
Igalens, J (2008). « Le talent du griot » in Tous talentueux coordonné par JM Peretti. Ed d’Organisation pp 93-111
O’Reilly, C. A., Chatman, J., & Caldwell, D. F. (1991). People and organizational culture : A profile comparison approach to assessing person-organization fit. Academy of management journal, 34(3), 487-516.
Weick, K, E, (1979). The Social Psychology of Organizing, Mc Graw Hill Inc, New York
Weick, K, E, (1995). Sensemaking in Organizations, Sage Publications, Californi.

« L’harmonie des identités » : un construit social ! Assya KHIAT, Professeure, Université d’Oran 2, chercheur au LAREEM Dalila MERAH, doctorante GMRH, Université d’Oran 2

23Dans les organisations nous retrouvons des individus dominés par un ensemble de croyances et influencés par des forces culturelles (Hatch M. J., 1997). Hatch et Cunliffe (1999) se sont inspirés de la définition de Schein (1985), pour expliquer l’unité sociale d’une organisation et l’impact du facteur humain sur sa culture. Selon ces auteurs, la définition culture organisationnelle d’un établissement semble orientée vers le partage des représentations et les dispositifs régulateurs pour assurer son unité. Dans ce sens, les organisations, dans le cadre de leur transformation peuvent créer une identité commune tout en respectant la diversité des identités personnelles autonomes. Reste cependant à voir en quoi elles peuvent favoriser l’articulation des identités au travail et hors travail ? La réponse peut être trouvée en amont dans le rôle du leadership à conduire ses équipes. Si nous retenons que la culture organisationnelle est un construit normatif relevant des activités symboliques de l’organisation dont l’objectif est de maintenir la cohérence organisationnelle d’un réseau social partagé (Weik, 1987). Alors, cette perspective dite symbolique décrit la culture comme un produit collectif issu d’un construit social, qui fait de l’organisation un processus de production de symboles connecté au processus de leadership. Quelles bonnes pratiques apparaissent prometteuses ? Apparemment, elles reposent dans sur le partage, la tolérance et le respect des uns et des autres dans et hors travail sous l’œil avisé du leadership !

Bienvenue chez TeamWomen, une entreprise 100 % féminine. Eve-Marie KOEHLER, Directrice de l’Ecole Germaine de Staël

24Dans la mouvance des innovations en matière de gestion entrepreneuriale, on parle beaucoup d’impliquer les femmes, afin d’atteindre des objectifs d’innovation managériales, objectifs censés permettre des améliorations dans ce domaine ? En effet, on retrouve généralement deux conceptions le plus communément empreintes dans les mentalités : la première, celle de la femme ultra empathique, sensible, « Mère Térésa » qui se donne entièrement pour son prochain avant de penser à elle-même…et à l’entreprise au sein de laquelle elle évolue. La seconde, la femme comme au temps des cités grecques antiques, dans lesquelles on considérait que sa place était consignée au sein du gynécée, être préoccupé par sa famille, son foyer, et incapable de se donner à fond pour son travail ou de faire une carrière ambitieuse. La première est une vision angélique, la seconde une perception machiste. Ces deux conceptions résument dans les très grandes lignes la mentalité commune universelle. Evidemment, ce sont de purs clichés, mais ils sont bien ancrés dans les esprits, y compris dans ceux des femmes elles-mêmes ! Pour preuve, que donne comme image une femme de pouvoir, puissante et dotée de hautes responsabilités ? Généralement, elle prend une posture vestimentaire et esthétique sévère, stricte afin de se rapprocher de celle de l’homme de pouvoir. C’est ainsi, en se fondant à l’image de l’homme, que la femme qui dirige et qui décide va inspirer confiance à ceux qui vont la suivre. Un faux-pas dans l’allure et celle-ci disparaîtra. La femme de pouvoir ne s’est pas contentée de prendre des attributs d’apparence physique de son concurrent masculin. Elle s’est également muée mentalement. Elle a dû, pour accéder à un statut puissant, rejeter les deux clichés précédemment cités. Le peuple est ainsi rassuré de se sentir entre les mains de femmes qui ont tout des hommes. Pourquoi alors choisir une copie quand on a un panel d’authentiques prêts à être opérationnels ? Il n’y a plus aucune valeur ajoutée à impliquer les femmes à des postes de management ou de direction, puisque toutes celles qui y sont élues n’ont fait que se transmuter en leurs collègues masculins, et que c’est d’ailleurs pour cela qu’elles l’ont été. Impliquer des femmes dans une PME ou dans une multinationale, uniquement sous prétexte que c’est dans l’air du temps ou que cela donne une image moderne et tolérante de l’entreprise, est une grave erreur. Au contraire, le respect profond et honnête de l’identité féminine est fondamental et indispensable. C’est sur cette base qu’une vraie amélioration dans le management peut être atteinte, car c’est seulement ainsi que les collaboratrices décisionnelles peuvent exprimer ce qui fait la valeur-ajoutée d’une femme, sans se sentir obligées, pour accéder à leur poste puis le conserver, de prendre tous les attributs du bon manager. Libérée de la nécessité d’une identification masculine, comment la manageuse pourrait-elle s’affirmer et se promouvoir au sein de la structure dans laquelle elle évolue, dans son identité féminine à part entière ? Pour cela, imaginons un modèle utopique d’une grande entreprise multinationale constituée exclusivement de femmes, dans laquelle donc aucune identification masculine, consciente ou inconsciente, ne pourrait avoir lieu. Les employées, du bas en haut de la hiérarchie des postes, sont des femmes. La comparaison avec des hommes, aux mêmes postes, est donc impossible de fait. Seule l’identité féminine, sous tous ses aspects, va pouvoir s’exprimer. Nous la nommerons TeamWomen.

25Chez TeamWomen, chaque femme est identifiée comme une personne, dotée de traits de caractère, d’un tempérament, d’attentes, d’une énergie, forte ou plus faible, qu’elle dédiera à sa mission au sein de l’entreprise. Elle peut être ambitieuse mais peut aussi se contenter d’un poste modeste sans avoir envie d’évoluer. Les traits clichés attachés à la femme que nous évoquions plus haut, vont cette fois prendre une autre couleur. Les employées au regard sensible et empathique vont pouvoir distiller celui-ci dans le cadre de leurs fonctions, sans être sans cesse ramenées au fait que ce regard est dû au fait qu’elles sont des femmes. De même, les collaboratrices moins empathiques, peuvent affirmer un regard plus rationnel dans leur tâche, mais pas masculinisé ; un regard de femme, dans lequel la logique et l’analyse cartésienne d’une situation sont les facteurs de son évaluation et des solutions qui en découlent. La capacité des femmes à être créatives tout en gardant un regard très pragmatique, teinté de préoccupations humaines et sociales, va pouvoir être activée quotidiennement dans les divers organes de l’entreprise, y compris au niveau international, où ce type de compétences sont très productives puisqu’elles permettent de développer rapidement des ponts interculturels. En résumé, on peut supposer que les compétences reconnues aux femmes s’exprimeront plus entièrement et authentiquement dans un cadre d’entreprise où la concurrence avec les hommes n’existe pas. Chez TeamWomen, une manageuse n’aura alors pas de compte à rendre à une organisation dont la charpente est constituée de valeurs masculines profondes, elle ne devra pas tricher sur les références qui sont les siennes, ni sur ses priorités, et pourra se faire entendre et respecter autant dans ses compétences professionnelles que dans ses compétences extra-professionnelles, qu’elles soient familiales, sociales, humanitaires, artistiques ou sportives. Doit-on pour autant en conclure qu’une bonne pratique pour mettre pleinement à profit au sein d’une organisation d’entreprise les compétences liées à l’identité féminine, exige des structures uniquement composées de femmes ? Celles-ci constitueraient-elles également les seules possibilités offertes à la femme de s’y épanouir totalement, puisque sans le couperet potentiel de la comparaison avec l’identité et les référentiels masculins ? Utopie ou modèle ultra-innovant, il semble en tous les cas intéressant de développer des concepts entrepreneuriaux fondés ou articulés sur cette base, afin d’observer ce qui résulterait d’un système fluide et ouvert à l’expression libre de l’entière identité féminine, sous tous ces aspects. Encore faudra-t-il être audacieuse(x) pour s’y engager.

Les organisations face au défi identitaire. Olivier MEIER, Professeur des Universités, Lipha Paris Est

26Dans les organisations, l’idée de culture ou d’identité commune est indissociable de l’émergence d’un « nous ». Cependant, il y a souvent un décalage entre la réalité des interdépendances crées par les liens institutionnels et juridiques et le processus d’identification des acteurs à ces interdépendances. La question est donc de savoir si le concept d’identité commune peut se combiner avec l’affirmation d’identités individuelles. En effet, pour qu’il y ait identité commune, celle-ci doit se construire sur une double exigence entre d’un côté l’héritage passé (accepter l’histoire de l’organisation avec ses mythes et légendes) et de l’autre l’élaboration d’un projet d’avenir accepté et reconnu par tous. Néanmoins, l’organisation d’aujourd’hui doit aussi prendre en compte la fragmentation de la société et sa complexité. Comment dès lors concilier intégration culturelle et différenciation identitaire ? L’un des enjeux est aujourd’hui de reconnaître et de valoriser les différences, au carrefour même du vivre ensemble, où s’entrecroisent de multiples cercles socioculturels. Pour y parvenir, il convient d’agir sur deux versants. Le premier consiste à lier l’impératif d’identité commune à une question de nécessité. Il ne peut y avoir d’identité commune, si elle n’est pas acceptée et reconnue par tous. Ainsi, l’identité collective ne peut se décréter, elle doit être une réponse à une situation institutionnelle qui persuade les individus d’agir collectivement. Elle doit donc être porteuse de sens, en favorisant un triple mouvement de projection, d’introjection et d’identification. L’autre volet réside dans l’attention accordée aux différences identitaires. Il ne s’agit pas ici simplement d’un droit, mais d’une reconnaissance de l’organisation pour des qualités qui doivent contribuer à enrichir le bien commun. Ceci doit par conséquent passer par des modes de collaboration et d’échanges croisés et ouverts (valeurs partagées, innovation croisée, approches entrepreneuriales…), où toute initiative doit avoir valeur de sens et trouver une justification concrète dans la construction de l’édifice commun. C’est en effet, de cette façon que l’on pourra envisager une meilleure gestion des identités et favoriser ainsi de nouvelles relations de confiance, responsabilités et autonomie dans les entreprises.

L’« Idem » de nos identités en perpétuelle recherche de sens. Maria NICULESCU, professeur, directeur de l’ESFAM, Sofia, Bulgarie

27Des milliards d’êtres ont leur « idem », de manière propre et exclusive, créé au fil du temps par leurs multiples choix de vie personnelle et professionnelle. Mais, ils vivent aussi, nécessairement, des expériences collectives, génératrices d’interactions et de modifications identitaires. C’est dans ce type expériences que « l’être », libre de ses choix et à priori perfectible, évolue et se transforme perpétuellement, tout en cherchent du sens à l’identité pour « soi », et surtout à l’identité pour « l’autrui ». C’est dans l’écosystème identitaire collectif (entreprise, organisation, etc.) qu’il reçoit la reconnaissance de son « individualité » en savoir, en compétence, en image et qu’il prend la mesure de sa valeur. Mais, ce processus n’est pas automatique ; il est le résultat des confrontations identitaires, de différenciations ou d’oppositions avec d’autres identités. Surtout, dans une organisation qui doit assurer un équilibre entre, d’une part, une identité collective grâce à laquelle tous intègrent des objectifs collectifs et, d’autre part, des identités individuelles qui permettent d’avoir un regard distancié, critique, comparable, dans la nature, à l’utilité de la biodiversité. C’est uniquement, la recherche d’un sens commun qui permet aux deux types d’identités de se renforcer réciproquement et de progresser, au bénéfice de l’individu et de l’organisation.

Identité(s) : une histoire de différences. Patrick PLEIN, directeur digital working et Academy VINCI chez VINCI

28L’environnement actuel, plus ouvert et plus rapide, amène l’entreprise à devoir se positionner dans une logique de transformation permanente. Elle n’a d’autre choix que d’être plus innovante dans ces activités, plus agile dans son mode de fonctionnement et plus en interaction avec ses parties prenantes. Les questions d’identité s’avèrent être au cœur de ces enjeux. Pour lui permettre de s’adapter aux changements, l’entreprise doit en effet se reposer sur la diversité des individus qui la composent. L’hétérogénéité des identités est une condition nécessaire pour se réinventer, créer de la valeur, de nouvelles opportunités d’apprentissage et innover. Les politiques de gestion des ressources humaines doivent donc avoir comme objectif de générer de la diversité. En ce sens, les différences font la différence. Parallèlement, l’entreprise doit définir son identité, c’est-à-dire les principes de sa culture, les éléments caractérisant son ADN. Cette identité est véhiculée par les valeurs, qui constituent les repères universels de l’entreprise et qui la singularise. L’identité génère de la cohésion, structure les modes de collaboration, donne du sens à l’engagement des collaborateurs, et surtout, doit leur permettre de grandir. En ce sens, la différence fait les différences. Ainsi, une entreprise performante se réalise et se différencie en affirmant son identité, et permet à ses collaborateurs d’affirmer et de construire la leur …

Le management interculturel, discipline d’Arlequin… Philippe PIERRE, co-directeur, Master en Management Interculturel de Paris-Dauphine

29Les temps seraient à la promotion de citoyens du monde aux identités heureuses. La mondialisation est fréquemment associée, en effet, à deux aspects : une expansion planétaire des firmes marchandes cherchant à se constituer en « réseau », par delà les frontières physiques territoriales traditionnelles, celles du découpage propre aux Etats-nations ; et, en leur sein, une élite managériale composée de dirigeants et managers et censée tirer profit du phénomène d’expansion [3]. Il n’y a pas d’internationale des cadres, pas de village planétaire pour des cadres partout à leur aise. Dans nos travaux sociologiques, il y a, au contraire, comme un « brouillage » des catégories nationales [4]. Chez les managers mobiles avec qui nous avons travaillé, l’identification nationale ou ethnique ne s’est pas dissoute avec l’expérience répétée du voyage. Elle est comme multipliée. Ce que nous avons vu apparaître chez ces femmes et ces hommes mobiles, c’est même une aptitude particulière à manipuler différents codes culturels autour de l’ethnicité (vêtement, couleur de la peau, accent pris par les managers internationaux…) pour influer en leur faveur sur les transactions sociales et professionnelles. La culture est une instance de pouvoir en entreprise et c’est comme si l’accroissement des échanges à l’échelle mondiale, la libéralisation de l’économie, ne provoquaient pas une homogénéisation totale des différentes cultures mais tendaient à construire un cadre dans lequel un signifiant donné reçoit, selon le milieu de réception, toute une gamme d’interprétations différentes. La mondialisation ou plutôt les diverses mondialisations en cours [5], pour nous, engendrent une production différentielle des cultures et des identités. L’avenir est à la compréhension des multiples facettes d’Arlequin et ses stratégies identitaires !

Transformation et complexité. Nadejda N. POKROVSKAIA, vice-directrice de l’Ecole Internationale d’Economie et Politique de l’Université d’Etat d’Economie de Saint-Pétersbourg

30L’évolution représente l’alternance successive des générations organismes physiques et des institutions symboliques fondée sur la diversité de leurs qualités et sur la sélection les mutations plus efficaces. La dynamique est déterminée par l’intensité des variations. Les entreprises constamment transformant sont plus capables à atteindre le succès dans la société post-industrielle. Par ailleurs elles se heurtent à deux grandes questions : l’identification de l’entreprise qui n’a pas de bornes en sa transformation (i), et la compléxité de la gestion des diversités culturelles et des identités personnelles des collaborateurs (ii). Une entreprise définie comme un groupe des acteurs orientés vers une cible commun incarne cette intention commune en activité. L’organisation mobilise par sa culture, valorise en ses résultats et inrègre dans sa structure les personnes ayant l’échelle des attitudes et des valeurs qui leur permet d’effectuer leurs fonctions au cours des processus de la chaîne de la création de valeur. Les identités dans le monde post-moderne sont construites en espace de dimensions infinies. L’axe de stabilité – changement entre sur le terrain de la sensibilisation en termes d’innovation. L’axe de la diversité et de l’individualisation fait partie d’une logique corporative de la diversification des assets et de la differentiation par rapport à des niches du marché. Les diversités d’identification assurent le succès dans le monde post-moderne fragmenté et mosaïque.

L’identité des acteurs économiques. Bernard RADON, Directeur général de Coaching Systems, Lausanne, CH

31Sardas (2004) a conceptualisé la dynamique globale d’un acteur comme résultante de l’interaction entre trois dynamiques de savoir (maîtrise cognitive de l’activité), de pouvoir (statut et reconnaissance dans l’organisation), et de plaisir (subjectivité de l’implication personnelle). Pour caractériser cette interaction, il a défini une « dynamique globale de référence » basée sur un « principe de renforcement mutuel », qui consiste en une interaction positive entre les trois dynamiques partielles. Il s’agit d’un acteur qui développe simultanément : (1) ses connaissances : son activité de travail lui permet d’utiliser ses connaissances et lui offre l’occasion de les développer de façon continue ; (2) son statut : tant la définition formelle des rôles que les relations informelles avec les autres acteurs lui apportent une réelle reconnaissance de sa valeur et de ses apports, en lien avec la réalité de son travail ; (3) son investissement subjectif dans son travail : l’activité de travail et les relations associées conduisent à une forte résonance symbolique pour l’individu. L’hypothèse fondamentale qui préside au modèle est que pour un acteur donné, tout blocage de l’une ou l’autre de ces trois dynamiques partielles entraînera à plus ou moins brève échéance un blocage de la dynamique globale et donc un blocage des deux autres dynamiques partielles. Ainsi, un déficit de reconnaissance (statuts formel et informel) viendra, par exemple, tôt ou tard freiner l’investissement subjectif d’un individu au travail et, ce, même si la résonance symbolique initiale est forte. De ce fait, la dynamique de développement des connaissances sera elle aussi freinée, voire bloquée si le déficit de reconnaissance fait douter l’individu sur l’utilité et la valeur de son travail. Cette configuration correspond à bon nombre de « malaises » pour des professions ou des métiers internes mal reconnus, comme les agents de maîtrise, les techniciens de maintenance ou certaines catégories d’enseignants. Cette conceptualisation est un excellent modèle stratégique au sens de Crozier et Friedberg. Elle peut être utilisée par les décideurs dans sa dimension prédictive. Ainsi, elle s’applique d’autant mieux dans des configurations où la spécificité des connaissances de l’acteur est nécessaire dans un contexte économique donné. Les décideurs devraient alors tenir compte des éléments du triptyque avant de mettre en œuvre toute action stratégique. Dans la réalité, l’identité des acteurs économiques est réduite à leur expertise d’autant plus facilement qu’elle est disponible sur le marché mondial. Ainsi en Suisse, le CEO du Crédit Suisse, seconde banque suisse, est un franco ivoirien et le patron de la FIMNA, organe de contrôle des banques et des assurances est dirigée par un anglais. Ceci n’étant que la partie visible de l’iceberg.

Bibliographie

Dejours, C., 1990. « Nouveau regard sur la souffrance humaine dans les organisations ». In J.-F. Chanlat (dir.), L’individu dans l’organisation : les dimensions oubliées, 687-708. Québec : Presses de l’Université Laval & Éditions ESKA.
Dubar, C., 1991. La socialisation, construction des identités sociales et professionnelles. Paris : Armand Colin.
Michel Crozier et Erhard Friedberg, 1977, L’ACTEUR et le SYSTEME, Seuil 1977
Hatchuel, A., Weil, B., 1992. L’expert et le système, Paris : Economica.
Radon, B., 2013, Managers, utilisez votre intelligence organisationnelle. Le succès, une question d’attitude, Paris : Dunod.
Sainsaulieu, R., 1977. L’identité au travail, les effets culturels de l’organisation. Paris : Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques.
Sardas J.-C., 2004, « Dynamiques identitaires et transformations organisationnelles », dans Poltier H., A.M. Guénette, A.-M. Henchoz (dir), Travail et fragilisation, éd. Payot Lausanne.

Collectif et individuel. Maurice THEVENET, Professeur à l’Essec Business School

32Dans le cadre de leur transformation, les organisations peuvent-elles créer une identité commune tout en respectant la diversité d’identités personnelles autonomes et en favorisant l’articulation des identités au travail et hors travail ? Quelles bonnes pratiques apparaissent prometteuses ? Pourquoi le développement de l’identité d’une organisation - ce qui est le propre de toute société humaine – devrait-elle s’opposer aux identités personnelles ? D’où nous vient cette tendance à toujours opposer le collectif à l’individuel, comme si le premier avait forcément vocation à limiter, contrecarrer, nier ou opprimer le second ? Faut-il y voir une trace de ce paradigme de la domination selon lequel la personne est toujours dominée par des maléfices qui lui sont extérieurs ? N’est-ce pas plutôt une vision limitée de l’identité individuelle qui négligerait sa dimension collective comme si l’individu n’était pas un être social ? A moins que certaines appartenances et identités soient plus légitimes et correctes que d’autres ? L’entreprise serait alors sommée, comme elle paie des impôts, de favoriser les identités individuelles, quitte même à oublier sa raison d’être première. Par ailleurs comment imaginer qu’une transformation puisse réussir sans l’intégration et la collaboration de tous, de chacun avec ses appartenances personnelles dont l’entreprise pourrait aussi avoir soin de ne pas trop s’occuper…

L’identité, une déviance ? Delphine Van HOOREBEKE, MCF-HDR, Université de Toulon

33Les individus ont besoin de situer leur identité ou tout au moins de chercher un sens à ce qu’ils sont. Quel qu’en soit le processus, sensemaking (Weick, 1993) ou sensebreaking (Pratt, 2000) ou encore sensegiving (Gioia et Chittipeddi, 1991), ce capital intellectuel (Giulini, 2016), est une interaction de cognitions, émotions et comportements (Ashforth et Schinoff, 2016). Penser qui je suis, ressentir qui je suis et me comporter comme je suis, trois dimensions de l’identité individuelle parfois contrariées au sein d’un groupe de travail où peut primer, par les règles prédéfinies ou informelles, le biais de pensée de groupe (Janis, 1975). Le groupe en co-création prône la déviance de pensée, de ressenti, voire même de comportement. Si la créativité dépend de cette déviance, vue comme une marque d’affirmation de son identité, pourquoi le travail en équipe ne profiterait-il pas de ce ‘capital intellectuel’ pour favoriser incidemment l’innovation ordinaire (Alter, 2000) source d’idées nouvelles, en cherchant à limiter un consensus inhibiteur d’identité ?

Le maintien de l’identité organisationnelle. Catherine VOYNNET FOURBOUL, MCF-HDR, Université Panthéon-ASSAS Paris II. Directrice du Master Executive du CIFFOP

34Tout individu a de multiples identités qui voient le jour selon les rôles attribués et les contextes. Dans les situations de changement les membres organisationnels deviennent plus attentifs à l’identité organisationnelle. Quand une organisation rencontre des désagréments profonds et durables et que des solutions techniques ont échoué, des questions identitaires sont soulevées (Albert et Whetten, 1985) au sens de ce qui est « central, durable et distinctif ». L’identité organisationnelle comprend une partie dynamique qui se construit au fil du temps et des événements et une partie stable constituée d’invariants transmis par le fondateur (Schein, 1984). Ces caractéristiques fondamentales sont présumées être résistantes aux tentatives de changement en raison de leur lien avec l’histoire de l’organisation. La principale stratégie d’une organisation est axée sur le maintien de son identité. Des consultants travaillent sur l’identité et par exemple Patrick Mathieu Recherche & Conseil a développé un outil, la « singularité trifonctionnelle » pour capturer les invariants d’une organisation, des dirigeants et des équipes et les classifier dans un cadre de référence de six noyaux de singularité. L’outil permet ainsi une révélation de la spécificité organisationnelle. L’intérêt d’un outil identitaire est sa capacité à accompagner le management des équipes : chacun a sa propre singularité et peut mieux connaître celle de l’organisation qu’il sert. Il ouvre la voie de l’élucidation des dysfonctionnements managériaux explicables par des erreurs identitaires.

Pour un changement de culture, misons sur les personnes ! Bruno WIERZBICKI, DRH du Pôle Assurance du CMNE, Ancien officier et pilote de chasse

35Un changement de culture au travers d’un changement d’identité est souvent un enjeu important et structurant pour un Dirigeant et pour son DRH. La mutation d’une organisation lui permet d’évoluer au regard de son environnement, de s’y adapter et par là-même, d’y survivre. Or, comment changer de culture quand on sait qu’elle n’est pas écrite sur les murs de l’entreprise, mais qu’elle est présente partout ? Ce que nous avons choisi de faire, c’est de faire porter culture et identité par les collaborateurs en prenant comme principe de base que notre Société était comme un contenu sans contenant. Une entité sans limite extérieure, simplement incarnée par les personnes qui la composent. Prenant ceci comme paradigme, nous en avons conclu qu’en recherchant non plus de « simples » compétences, mais des personnalités compétentes, nous nous donnions un nouveau levier de changement, celui du changement de culture porté par l’impact qu’ont nos nouveaux collaborateurs sur notre structure, sur nos pratiques et nos process. Recruter des personnalités revient à donner encore plus d’importance aux gens, à mettre en place, au travers de l’impact souhaité, de l’innovation participative… contagieuse. Car, bien entendu, l’impact résonne et, tel un pavé dans une mare, il crée des vagues et pénètre doucement dans tous les secteurs de l’entreprise. C’est peut-être une nouvelle preuve que, finalement, ce sont bien les personnes qui sont importantes et qui donnent valeur, culture et identité aux organisations.


Date de mise en ligne : 19/12/2016

https://doi.org/10.3917/qdm.163.0133

Notes

  • [1]
    Nous faisons là référence aux réseaux de salariés (sur base thématique, fonctionnelle, affinitaire ou de cause…), aux espaces de parole, aux communautés de pratiques et d’échange, aux forums, aux ateliers de créativité, aux hakathons, working labs, fablabs
  • [2]
    Si vous voulez allez plus loin, vous pouvez vous inscrire au MOOC gratuit et certifiant « du manager agile au leader designer », inscription sur www.fun-mooc.fr à partir du 15 novembre 2016.
  • [3]
    R. REICH, L’économie mondialisée, Dunod, Paris, 1993.
  • [4]
    P. PIERRE, « Les figures identitaires de la mobilité internationale. L’exemple d’une entreprise pétrolière », Sociétés contemporaines, 41-42, Octobre 2001.
  • [5]
    D. MARTIN, J. L. METZGER et P. PIERRE, Les métamorphoses du monde. Sociologie de la mondialisation, Le Seuil, Paris, 2003.

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