Couverture de PSY_041

Article de revue

Identification et nomination

Pages 49 à 78

Notes

  • [1]
    P. Bruno et F. Guillen, Phallus et fonction phallique, Toulouse, Érès, 2012.
  • [2]
    S. Freud, Œuvres complètes, tome XVI, Paris, Presses universitaires de France, 1991, p. 42.
  • [3]
    H. von Kleist, Penthésilée, Paris, José Corti, 1954. Je ne perds pas de vue l’anomie de l’exemple, puisque d’une part la relation de Penthésilée à Achille se situe à l’intérieur d’une même génération, et que d’autre part la manducation n’est pas métaphorique, mais ce choix rehausse l’enjeu de cette identification dite primaire.
  • [4]
    J. Lacan, « La formation du je et l’assertion de certitude anticipée », dans Écrits, Paris, Seuil, 1966. Le mot de « sophisme » dans le sous-titre s’explique, selon moi, par l’impossibilité de tenir pour homogène la temporalité des raisonnements de chacun des trois prisonniers.
  • [5]
    Toutes les figures sont tirées de la version de l’ali du séminaire L’identification, p. 172, 173, 205, 304, 321, 322, 330, 346, 347, 358 et 376.
  • [6]
    J. Derrida, Khôra, Paris, Galilée, 1993.
  • [7]
    Pour autant, la demande ne se réduit pas à cette autoréférence. S’adressant à l’Autre, la demande, en effet, change le sujet.
  • [8]
    Hegel, dans sa Phénoménologie de l’esprit, est bien celui qui, comme le note justement Badiou (« Maîtres et esclaves chez Hegel », dans P. Faugeras [sous la dir. de], L’intime désaccord, Toulouse, Érès, 2017), introduit, notamment en abordant la dialectique du maître et de l’esclave, l’exigence d’une autre conscience de soi pour que toute conscience de soi soit en-soi et pour-soi. Pas de conscience de soi donc sans cette autre conscience de soi qui est censée reconnaître la première. Je fais cependant remarquer que, avant Hegel, Berkeley, dans sa formule fameuse Esse est percipi (« être c’est être perçu »), dit, à condition d’être bien entendu, la même chose. D’où cette question : pourquoi est-ce dans l’idéalisme philosophique que cette exigence d’autrui pour assurer mon être se trouve ? N’est-ce pas, pour rejoindre le fil de mon dire ici, que, dans l’idéalisme, l’Autre symbolique est seul en piste, et qu’il y a impasse sur l’Autre réel ? S’il fallait imputer à Hegel une définition de l’inconscient, ce serait : l’inconscient est réel parce que rationnel, ce qui, on le verra dans la suite de cet article, est une définition antinomique avec le dernier enseignement de Lacan.
  • [9]
    Le génie de Freud est de s’engager par anticipation sur des chemins qui ne vont encore, apparemment, nulle part. Ainsi, dans Totem et tabou, il évoque assez longuement, dans la section intitulée « Le tabou des morts », le tabou des noms, spécifiquement des noms propres. Il est remarquable qu’en situant le tabou des noms propres dans la rubrique « Tabou des morts », il institue une continuité entre le père « tué » et le nom propre qui, en somme, pourrait être le totem du meurtre de celui ou celle qui porte ce nom propre.
  • [10]
    J. Lacan, « D’une question préliminaire à tout traitement possible de la psychose », dans Écrits, op. cit.
  • [11]
    J. Lacan, Télévision, Paris, Seuil, 1974, p. 11.
  • [12]
    J. Lacan, Encore, à propos du livre de Nancy et Lacoué-Labarthe, Le titre de la lettre.
  • [13]
    Le quatre est alors spécifié comme nomination du symbolique et correspond au symptôme. De ce fait, la question est posée d’une équivalence ou non entre Nom-du-Père et symptôme. Par ailleurs, à la nomination du symbolique s’ajoutent la nomination du réel (l’angoisse) et celle de l’imaginaire (l’inhibition). 4, 5, 6…
  • [14]
    J. Lacan, L’envers de la psychanalyse, Paris, Seuil, 1991, mais cf. aussi, dans l’écrit de 1958 sur Schreber, l’apparition de l’expression « père réel ».
  • [15]
    Étant donné qu’il s’agit d’un couple « olympien », ne se situant pas dans un nœud borroméen, la fonction phallique n’opère pas.
  • [16]
    C. Soler, « Le savoir sans la fatalité », Link, n° 14-15, septembre 2002, p. 175.
  • [17]
    J.-A. Miller, « Présentation », dans J. Lacan, Des Noms-du-Père, Paris, Seuil, 2005.
  • [18]
    P. Bruno, La passe, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2003.
  • [19]
    G. W. F. Hegel, Science de la logique, Paris, Aubier, 1947.
  • [20]
    F. Pessoa, Le gardeur de troupeau, Paris, Gallimard, 1960.
  • [21]
    La distinction Nom nommant et Noms nommés traverse d’ailleurs, à travers la question des hétéronymes, toute l’œuvre de Pessoa, puisque, créant des hétéronymes, des noms nommés, il fait de son nom un Nom nommant, ce qui demande un acte qui n’est inscrit dans aucune fiche d’état civil.
  • [22]
    Dans Une psychanalyse : du rébus au rebut, j’ai soutenu la présence, dans Finnegans Wake, de la métaphore (Toulouse, Érès, 2013, p. 221-222).

1 Une première question : n’avons-nous que rien ? Avons-nous l’objet – quel qu’il soit, bien ou personne ? Rien n’est moins sûr. Avons-nous le phallus ? Une femme serait sans l’avoir. Un homme ne serait pas sans l’avoir, mais, pour lui, le phallus, j’entends le phallus symbolique, est un bien « meuble », c’est-à-dire dépendant strictement des déménagements, et sans que la sédentarité soit pour autant une garantie  [1]. Si c’est le cas, « être », comme conséquence du signifiant, est ce qui nous échoie, sous cette condition, nécessaire et encombrante, de l’iden­ti­fication. Pour donner cependant un fil directeur à mon propos, je dirai que l’identification est d’abord la seule réponse dont nous disposons au « qui suis-je ? », voire « que suis-je ? ». Il aurait été de toute façon difficile de trouver une réponse à ces questions à partir de la question : « Qu’est-ce que j’ai ? », même en ne tenant pas compte de l’incertitude qui est la nôtre, je parle des humains (ce qui suppose déjà une identification : qui est « humain » ?), au regard de l’avoir. Sans doute, dans l’astrologie capitaliste, l’homme est-il défini comme celui qui a, ou n’a pas, mais c’est une défiguration.

2 Cela dit, si tant est que l’objectif d’une psychanalyse soit la récusation des identifications, envisager celle-ci comme la production finale d’un sujet non identifié est problématique. D’une part, si l’identification est constitutive du sujet, en tant que celui-ci est conséquence du signifiant, la fin d’une psychanalyse serait l’obtention d’un non-sujet. D’autre part, à supposer qu’un sujet puisse subsister sans identification, que dire d’un sujet sans moi ? La naïveté même de ces questions est euristique.

Trois sources

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4 Freud a consacré en 1921 un chapitre de son article « Psychologie des masses et analyse du moi » à l’identification. Je cite la première phrase, dans la traduction des puf : « L’identification est connue de la psychanalyse comme la manifestation la plus précoce d’une liaison de sentiment à une autre personne  [2]. » Qu’est-ce à dire ? Le petit garçon fait du père son idéal, il veut être comme lui, venir à sa place (ce n’est en rien, précise Freud, une position passive ou féminine). En même temps, ou même antérieurement, il prend la mère comme objet, selon le « type par étayage ». Identification au père d’un côté, investissement libidinal de la mère de l’autre. Cette identification au père est un rejeton de la première phase orale de l’organisation de la libido. Elle incorpore le père sur le mode du cannibalisme, ce qui implique que l’objet dévoré est chéri – même si cet amour conduit à son élimination. Disons que le père est incorporé en tant que « modèle » pour le moi, et qu’il n’est pas pris alors comme objet sexuel, comme ce peut être le cas ultérieurement. Déduisons ainsi que le père peut être « chéri » sans pour autant être un objet sexuel. Autrement dit, originairement, l’objet se désiste devant l’identification. Tout cela correspond à la première forme d’identification. Je souligne : l’identification ne se produit que parce que l’avoir est un échec. Penthésilée  [3] mange Achille parce que, celui-ci étant mort, elle ne peut plus l’avoir comme amant. Que Penthésilée soit une femme, reine des Amazones, renforce la crudité non métaphorique de cette incorporation (Einverleibung). Remarquons qu’ainsi, elle ne fait aucun deuil de cet objet, pour autant que le deuil procède trait par trait. Penthésilée, elle, si j’ose dire, finit son assiette.

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6 Freud fait ensuite état d’une deuxième forme d’identification, présente dans la formation d’un symptôme névrotique. Cette deuxième forme se décompose en deux cas. Le premier : une petite fille s’identifie à un symptôme douloureux de sa mère (« une toux torturante»). Elle veut ainsi remplacer sa mère par hostilité et prendre sa place auprès du père. Le choix d’un symptôme « douloureux » s’explique par la conscience de la culpabilité. Deuxième cas : le symptôme identificatoire est le même que celui de la personne aimée (la toux du père chez Dora). L’identification ici vient à la place du choix d’objet. Pour Freud, il s’agit d’une régression du choix d’objet à l’identification. « Régression » nous indique non pas un « avoir » premier, mais un choix d’objet premier qui aboutit de nouveau à l’échec de l’avoir. J’insiste sur cette distinction entre « avoir » et « choisir ».

7 Dans ces deux cas, identification à une personne non aimée (la mère) ou aimée (le père), l’identification est partielle et limitée à un trait unique (einziger Zug) de la personne-objet.

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9 La troisième forme d’identification relève aussi d’une formation de symptôme. Cette identification est complètement indépendante du rapport à la personne copiée (haine ou amour). Elle consiste à se mettre « dans la même situation » que cette personne. Ainsi, dans un pensionnat, une jeune fille reçoit de son amoureux une lettre qui excite sa jalousie et qui provoque chez elle un accès d’hystérie. Ses camarades vont alors s’identifier à elle en faisant à leur tour un accès d’hystérie. Y a-t-il dans ce cas, comme précédemment, identification au symptôme de la personne, la seule différence étant que cette personne n’est ni aimée ni haïe ? Pas exactement : il faut en effet préciser que ce n’est pas un sentiment à l’égard de l’amoureux ou de la jeune fille qui est à la base de cette identification. Ce sentiment n’en est que le résultat. Il s’agit d’une identification par le symptôme (symptôme de l’autre), à partir d’une communauté de situation ressentie avec la personne à laquelle on s’identifie (le recouvrement des deux moi restant refoulé). Cette classification est en elle-même instructive, dans la mesure où elle fait de la relation à l’objet un critère différenciateur (amour, haine, ou indifférence).

Einziger Zug

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11 Le legs freudien n’est pas épuisé avec ces rappels. Il faut mentionner aussi l’identification à l’objet perdu dans le deuil (introjection) et dans la mélancolie. Dans la mélancolie l’objet perdu est rejeté parce qu’il m’a délaissé et je m’identifie à lui. Nous avons aussi une thèse qui concerne la constitution libidinale d’une masse par identification (Massenpsychologie). La formule de cette constitution, que Freud s’autorise à présenter graphiquement, implique que cette masse ait un « meneur » (Führer). Je peux d’emblée en déduire que cette formule ne vaut pas pour ce que Lacan a appelé « logique collective », dont il a tracé le négatif dans son article sur l’assertion de la certitude anticipée  [4]. Dans le cas d’une masse avec meneur, celui-ci est l’objet unique qui, choisi comme objet par plusieurs individus, est mis à la place de l’idéal du moi de chaque individu, le résultat étant une identification horizontale d’un moi à l’autre (cette identification n’est donc pas l’effet d’une « organisation » externe, de caractère politique par exemple, qui obligerait les individus à obéir au même idéal). On ne peut manquer de remarquer que ce processus ne va pas sans un amour pour le meneur. Est-ce le même amour que celui conduisant à l’incorporation du père ? Est-ce celui qui conduit à s’identifier à un trait de l’objet aimé ? On penche pour la seconde réponse, sans pouvoir pour autant exclure la première.

12 Je vais cependant m’en tenir à ces trois formes d’identification dans la mesure où elles ont été ratifiées par Lacan et qu’on va les retrouver d’un bout à l’autre de son enseignement, mais je ne peux manquer de poser deux questions, que je laisse en suspens : 1. Peut-on penser la constitution d’une masse qui n’aurait pas de meneur sans l’identification ? 2. La catégorie de discours implique-t-elle la mise en œuvre de l’identification ? question que justifierait peut-être Lacan quand il parle à propos du cartel de l’identification à un point du groupe, sans préciser ce point.

13 C’est dans l’année 1961-1962 que Lacan tient son séminaire intitulé L’iden­tification, qui prend place entre celui sur le transfert et celui sur l’angoisse. Ce qui caractérise ce séminaire c’est l’introduction massive de la topologie, celle du tore et du cross-cap. C’est une gageure que je vais tenter, en m’efforçant d’extraire de ce séminaire ce que je considère comme des acquis concernant la doctrine de l’identification. Je dégage d’abord la thèse majeure : l’identification est constituante du rapport du sujet au signifiant, ou plus précisément elle répond à la question : comment un sujet est-il constitué à partir du signifiant ?

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15 Le point de départ est la mise en cause de l’identité A = A. Dans la somme des considérations développées par Lacan pour justifier cette mise en cause, je retiens un exemple simple, emprunté par Lacan à Saussure : « l’express de 10 h 15 ». L’express en question est apparemment identique à lui-même, mais il n’est pourtant jamais le même d’un jour à l’autre. Autre mode de mise en cause : dans le « je pense donc je suis » de Descartes, censé fondé l’identité du sujet (son être), « je pense », selon Lacan, n’est pas une pensée, ce n’est qu’un énoncé. De même, dans le « je mens », dont on a fait un paradoxe logique, il faut distinguer l’énoncé de l’énonciation. L’énoncé dit : le sujet ment ; mais qui dit que l’énonciateur ment en disant « je mens » ? En disant « je mens », il dit la vérité. Autrement dit, le sujet de l’énoncé n’est pas identique au sujet de l’énonciation.

16 Dans le « je pense », l’énoncé est équivalent au « je mens », mais qui dit que le sujet de l’énonciation pense en disant « je pense » ? Dans le film Blade Runner (1982) de Ridley Scott, le héros tombe amoureux de Rachel, une réplicante (soit une androïde) qu’il est censé exécuter. Il lui apprend à dire « je t’aime », sans qu’on puisse savoir si Rachel, en prononçant ces mots, répète mécaniquement un énoncé, ou s’il s’agit d’une énonciation, ou encore, pour utiliser un terme linguis­tique, un acte performatif. Laissons l’incertitude dans ce cas. Concernant le cogito cartésien, Lacan dira ailleurs que c’est non pas le « je pense » mais le « donc je suis » qui est une pensée, parmi d’autres. En quoi donc l’être du sujet ­pourrait-­il être fondé ainsi, sinon, et Lacan en rend hommage à Descartes, en tant que « sujet supposé savoir », qu’il s’agit justement, dans une analyse, de destituer ?

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18 Pour fonder l’être du sujet, il est nécessaire de procéder autrement et de pren­dre comme départ non le cogito sum cartésien, mais l’einziger Zug de Freud, le trait unique, ou plutôt, comme le traduira bientôt Lacan, le trait unaire : il n’y en a pas deux ! Ce trait unaire, nous l’avons trouvé explicitement dans la ­deuxième forme d’identification chez Freud. Ce un n’est ni le Un de Parménide, ni celui de Plotin, ni le Un « d’aucune totalité ». C’est le un de l’instituteur qui dit à son élève : vous me ferez cent lignes de 1.

19 Le signifiant, tel que défini par Saussure, est cet un, soit une pure ­différence, ce que Lacan traduit par la formule : « L’un comme tel est l’Autre. » Cette formule est étonnante, mais elle nous permet de saisir en quoi, dans …Ou pire, dix ans plus tard, Lacan nous dit que ce un unaire n’a rien à voir avec le Y a d’l’Un. Gardons en mémoire cette tripartition : le Un de la totalité, le Un du Y a d’l’Un et le un du trait unaire. L’identification, elle, n’a rien à faire avec l’unification, « l’identification, ce n’est pas faire un ». Lacan va donc partir de ce un, qui n’est jamais le même y compris quand il se répète (on peut même dire que s’il se répète, c’est bien parce que ce « même » ne revient jamais). Ce un, c’est le trait unaire que Freud a posé comme étant caractéristique de la deuxième forme d’identification. Les bâtons d’écriture ou les coches sur le bâton du chasseur préhistorique illustrent la répétition en tant qu’elle n’est pas un retour du même, et que ce trait, comme le signifiant, est différenciel ; il présentifie l’altérité, même si les bâtons ou les coches sont matériellement semblables.

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21 C’est justement parce qu’il est différence pure qu’il y a répétition. C’est parce que cette répétition n’est pas le retour du même que la numération a pour fonction de distinguer chacun des uns qui se répètent en lui attribuant un numéro. À cet égard, le trauma n’est rien d’autre qu’un événement qui va se répéter dans le symptôme pour autant que son numéro a été refoulé.

22 Dans le séminaire L’identification, suit alors un développement sur la question du nom propre, avec la discussion des thèses respectives de Bertrand Russell et de Gardiner. Selon Lacan, c’est à partir de cette singularité absolue du trait unaire qu’il est possible de saisir la fonction de la lettre dans le statut du nom propre. Le nom propre en effet reste identique à lui-même quelle que soit la langue. Pour rendre intelligible cette thèse, je dirai que, à la différence du signifiant dans le nom commun, la lettre dans le nom propre n’est pas soumise à l’imposition d’un signifié. De mon point de vue, c’est ce qui fait la thèse du séminaire sur « La lettre volée », dans lequel l’équivoque entre lettre de l’écriture et lettre épistolaire permet à Lacan de souligner que cette dernière n’a pas besoin d’être ouverte et son message connu pour que son effet ait lieu (effet de féminisation, c’est-à-dire de mise en suspens du signifié). Cette thèse, qui anticipe sur la mise en évidence d’une logique du pas-tout, nous indique qu’une femme n’est pas astreinte au devoir de signification. C’est en ce sens qu’elle échappe aux grilles du langage, et sans doute aussi qu’elle peut être choisie comme muse, suscitant une alternative à une langue réduite à la communication. J’ajoute une observation mienne : en relisant l’Iliade, j’ai été frappé d’une part par la masse énorme de noms propres qu’il comporte et d’autre part par l’imposition d’une majuscule à nombre de mots comme faute, discorde, etc., ce qui s’explique par le fait que ce sont des déesses. À se demander si les noms communs ne sont pas apparus secondairement dans la langue. À se demander aussi pourquoi l’aphasie des noms propres, voire l’oubli d’un nom propre, n’ont pas le même statut que l’oubli de noms communs.

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24 Si je voulais respecter le pas à pas de Lacan dans ce séminaire, je devrais maintenant expliquer pour quelles raisons et par quels chemins il en vient à dire que c’est le symbole racine carrée de moins un (soit un nombre imaginaire) qui « supporte le sujet ». Je m’en abstiendrai, sauf à proposer une citation de Leibniz qui suffira peut-être pour soulever la jupe de cette équivalence : « L’esprit divin s’est manifesté de façon sublime dans cette merveille de l’analyse, ce prodige d’un monde idéal, cet intermédiaire entre l’être et le non-être, que nous appelons la racine imaginaire de l’unité négative. » Le génie de cette citation est bien de situer le sujet entre être et peut-être – ce qui est une définition psychanalytiquement lumineuse. À partir de quoi je peux en venir à une conclusion : le sujet se constitue par le processus d’identification (j’avais écrit « identi-fiction »), ou encore : sans identification, pas de sujet. On est aux antipodes de l’idée de la psychologie qui fait de l’identification un attribut du sujet conçu comme déjà là.

Demande et désir

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26 Je brise là. J’en ai en effet terminé avec ce que j’appellerai les prolégomènes de notre question. Il est peut-être risqué de dire que la topologie de Lacan supplée à la métapsychologie de Freud, il y a cependant du vrai dans cette formulation. Bien entendu, qui dit topologie ne dit pas, c’est le contraire, métalangage : la seule façon d’être à la hauteur de la topologie de Lacan, c’est de se faire tore, cross-cap ou… « main bleue » (soit un opérateur topologique qui est lui-même objet topologique), et non d’objectiver ces figures dans de savantes manipulations. Cette topologie commence avec le tore, qui se construit de la circonvolution d’un anneau autour d’un point fixe. Comme je l’ai déjà souligné, le trait unaire n’a rien à voir avec l’Einheit, l’unité, soit la catégorie du Un dans toute la philosophie de Platon à Kant. Pour bien saisir le point de départ de cette topologie, je mentionnerai, à la suite de Lacan, le quadrant de Peirce, qui nous décale de la logique aristotélicienne des classes (fondée sur la solidarité de l’Einheit, l’unité, et de la totalité), en proposant une formalisation nouvelle dans laquelle existe un quartier où aucun trait unaire (par exemple le trait « mamme » en zoologie) n’existe. Dans ce quartier, « le sujet comme tel est moins un », c’est-à-dire constitué du trait unaire en tant qu’exclu, ce que Freud avait pensé sous le terme de privation (Entbehrung). Le sujet doit être posé comme privé (moins un), le trait unaire étant alors conçu comme la marque qui cerne l’effacement de toute trace, ce qui n’est autre, j’interprète ici ce que dit Lacan, que le trauma, soit tout événement qui survient dans la vie de cet x (ou cet ex) non encore sujet. Ce trait unaire va alors se répéter en faisant le tour du tore, ne pouvant jamais retrouver ce même, puisqu’il est impossible, je cite, « de faire ressurgir l’unaire primitif d’un de ses tours » (7 mars 1962).

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28 Sur le tore nous avons trois sortes de cercle (figure 1  [5]), le cercle vide qui fait le tour du trou central, le cercle plein qui s’enroule autour de l’âme du tore, et enfin un troisième cercle qui fait ces deux tours. Ce qu’il faut ici remarquer, c’est que, lorsque la demande se rejoint, elle n’a pas fait qu’un seul tour, celui qui est compté comme étant le parcours du cercle plein, mais deux, puisque, en se rejoignant, la demande fait, à son insu, le tour du trou central. Dans ce moins un, nous retrouvons donc bien l’effet de la privation. D’autre part, ce tour qui manque au compte est ce qui nous met sur la voie de la nécessité pour le sujet ainsi constitué par sa demande d’un détour par l’Autre, à savoir ce qu’il en est de ce tour du trou central, pour entrer dans une numération (autrement dit la castration) qui lui permette non pas de retrouver le même de « l’unaire primitif », mais de consentir à ce qu’il soit structuralement perdu.

Figure 1

Figure 1

Figure 1

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30 Cet « unaire primitif », de quoi est-il fait ? Impossible de répondre à cette question, puisque ce un qui se répète n’est identifiable comme un que dans la répétition et non dans une pseudo-origine. En tout cas, même si nous le tenons pour un atome d’expérience, cette expérience n’a lieu que dans l’univers du discours qui préexiste au sujet.

31 Notons alors que, sur le tore, les tours de la demande ne sont pas réductibles à un point évanouissant, c’est-à-dire à un point qui serait celui de la saturation d’un besoin, parce qu’il y a le trou central dont on va voir qu’il est l’âme du second tore, celui qui passe par ce trou, tore qui est dit celui de l’Autre. À ce niveau s’introduit une deuxième dimension, impliquée par l’Autre symbolique, la frustration (Versagung). Versagen est un verbe à multiples connotations : refuser, dénier, promettre, rater, etc. Je dirais volontiers que c’est une promesse issue d’un refus, ou un refus consécutif à une promesse. À cause de l’univers de discours, le besoin en tant que tel est raté, il est malentendu. Non simplement parce que le mot se substitue à la chose, mais, beaucoup plus fondamentalement, parce que cette substitution du mot à la chose implique un lieu qui commande cette métonymie déjà présente dans la demande et qui, dans le désir, fait de l’objet, autour duquel la demande se déroule jusqu’à se rejoindre sans l’avoir saisi (c’est la frustration), un objet inarticulable. Il en résulte que le névrosé, et je vais citer un peu moins brièvement Lacan, y compris pour ne pas faire l’impasse sur la ténue déception que peut provoquer cette formulation, « essaiera de faire passer dans la demande ce qui est l’objet de son désir, d’obtenir de l’Autre, non pas la satisfaction de son besoin pour quoi la demande est faite, mais la satisfaction de son désir, à savoir d’en avoir l’objet, c’est à dire précisément ce qui ne peut se demander ». Conclusion : le névrosé veut satisfaire à la demande de l’Autre en y conformant (imaginairement) son désir. C’est la fonction du surmoi.

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33 Nous avons donc ces deux dimensions : celles que Freud a introduites avec le terme de privation (le sujet comme moins un) et le terme de dédit, autre traduction, plus juste, de Versagung, à savoir le sans-pouvoir où se trouve l’Autre symbolique de répondre à la demande en satisfaisant au désir du sujet. Lacan résume son parcours par une figure, là encore pas vraiment satisfaisante, mais suffisamment loquace (figure 2). Ce qui est loquace dans ce schéma, c’est la distinction entre Ñ et a. Le petit phi se situe comme centre du cercle tiers, celui qui conjoint demande et désir (D et d). Le phallus imaginaire est ainsi ce qui soutient l’illusion d’une continuité demande-désir, le second étant la réponse à la première. Si nous posons maintenant que le trou central du tore sur lequel se déroule la demande est l’âme d’un autre tore, celui de l’Autre, l’objet a se situe au centre du trou central du premier tore, centre qui se trouve être aussi celui de l’âme du tore de l’Autre. Notons ainsi cette distorsion entre la position de Ñ et celle de a. Cette distorsion signifie que le sujet doit pouvoir se compter comme moins (– Ñ, la castration) pour ek-sister et que a est à jamais impossible à articuler dans une demande, d’où le sans-pouvoir de l’Autre symbolique à satisfaire le désir du sujet. Au passage, retenons, sans les commenter, quatre indications de Lacan : la métaphore (condensation) est ce par quoi un sujet en se comptant comme moins se décale par rapport à la manie métonymique ; l’identification première doit avoir un rapport avec le père en tant que tué, et avec son incorporation par amour ; au-delà du principe de plaisir, c’est la répétition éternelle de la demande qui fait la pulsion ; enfin, l’angoisse, c’est la sensation du désir de l’Autre.

Figure 1

Figure 1

Figure 1

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35 Avant d’en venir au cross-cap, je voudrais, pour une investigation future et décisive, extraire d’un développement réalisé par Lacan sur le fait que la jouissance de la Chose est interdite et que l’Autre se présente comme métaphore de cette interdiction, à savoir la loi, une remarque furtive, mais essentielle : le seul « Autre réel », puisqu’il n’y a pas d’Autre de l’Autre, est ce dont on pourrait jouir « sans la loi ». Et Lacan ajoute : « Cette virtualité définit l’Autre comme lieu. La Chose, en somme, élidée, réduite à son lieu, voilà l’Autre avec un grand A » (4 avril 1962). Pour­quoi « virtualité » ? Parce qu’un tel Autre sans loi est impossible à symboliser, la symbolisation n’étant rien d’autre que la loi.

36 Platon, dans Timée, introduit une troisième sorte d’être, entre le modèle, intelligible et immuable, et sa copie, sujette au devenir ; c’est la chôra, concept qui a suscité nombre de commentaires dont aucun ne s’impose et qui se distingue et de l’être (on), et du devenir (genesis), et du topos (le lieu au sens de la physique). Je ne vais pas me hasarder à rivaliser avec le commentaire que Jacques Derrida fait de ce terme  [6]. Je note seulement que chôra, qui, dans la langue grecque courante, désigne la zone agricole et cultivée attenante à la cité, serait le terme susceptible de rendre intelligible le fait que les éléments sensibles, ainsi le feu, ainsi l’eau, peuvent dans la matérialité de leur devenir revêtir des caractéristiques dissemblables (de la glace à la vapeur d’eau, par exemple). La chôra s’avère alors nécessaire pour rendre compte, en tant que lieu de leurs variations, de ce que ces éléments sensibles sont chacun référés à une unité distinctive : l’eau, quelles que soient ses formes, n’est pas le feu. Ce lieu virtuel donc, qui ne correspond à aucune matérialité particulière, n’est pas sans faire penser au lieu de l’Autre symbolique, après élision de la Chose. Disons, pour ne pas forcer une comparaison anachronique, que ce terme fait signe de l’impossibilité à saisir conceptuellement quoi que ce soit une fois que la Chose est élidée.

37 De mon cru, ou plutôt d’un millésime plus récent du cru Lacan, je formule une question : n’est-ce pas avec la castration pas-toute des femmes que cet Autre réel peut surmonter sa contradiction apparente d’être virtuel ? Ou encore, de ce que, sans la loi, tout lieu soit élidé de la Chose, virtuel, n’est-ce pas là que, prenant acte de l’impossible de ce lieu à être autre que virtuel, que nous pouvons dire de cet Autre qu’il est réel ? S’il en est ainsi, la thèse de Miller selon laquelle une fin d’analyse est la vérification que l’Autre n’existe pas est problématique, cette thèse reposant sur une assimilation entre l’Autre de l’Autre et l’Autre réel.

38 Ce n’est sans doute pas un hasard si, peu après, Lacan, évoquant la butée de la castration comme fin d’une analyse, se demande si cette butée est une impasse, comme le pensait Freud, « ou si ailleurs on peut passer ». Cet ailleurs n’est rien d’autre que le chemin tracé par les formules de la sexuation et la découverte du « pas-tout ». Ce chemin est-il sans langage, ce qui nous renverrait à une religion du silence, ou est-il le chemin des ornières du langage, ou, mieux, la confrontation avec l’a-cheminement du langage ?

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40 Nous avons vu que la demande, au moyen de cet enroulement du tore, se boucle quelque part en dessinant l’objet du désir. Venons-en alors à cet objet topologique dont Lacan a fait la trouvaille dans les mathématiques et qui s’appelle le cross-cap, ou bonnet croisé, ou mitre (figure 3). On peut voir, sur ce schéma en deux dimensions, mis à plat donc, des coupures. Une autre modalité de présentation de ce cross-cap est de partir du plan projectif, ou d’imaginer un trou dans une sphère, trou dont chaque point du bord est rejoint à son point antipodique (figure 4). Comme Lacan le dira dans « L’étourdit », il est impossible de localiser les coordonnées de cette conjonction sur une ligne (« ligne sans points » et « point hors ligne »). Quel est le statut de ces coupures ? La réponse est fondamentale : « Le signifiant, dans son essence la plus radicale, ne peut être envisagé que comme coupure dans une surface » (16 mai 1962). La première présentation du cross-cap (figure 5) donne à voir une ligne zigzagante (b) et un petit cercle (a). Ce (a) est la place du trou (celui que nous avons fait par exemple sur la sphère) et c’est à cette place que l’objet a peut être introduit. Autrement dit, c’est ce trou qui est la condition de l’échange entre les deux tores, entre le trou central de l’un et l’âme de l’autre. Pour ne pas m’abstenir d’un recours à la clinique analytique, j’évoque ici une séquence dans laquelle un adolescent dit autiste prélève dans mon cabinet un objet qu’il sait m’appartenir et qu’il me restitue sous la forme d’un étron dans une défécation suffisamment preste pour que je ne puisse l’éviter.

Figure 3

Figure 3

Figure 3

Figure 4

Figure 4

Figure 4

Figure 5

Figure 5

Figure 5

41 Dans le tore, cette place du trou n’est rien d’autre que le trou central, le rien (et non le vide), mais dans ce cas, de l’objet a, nous ne saisissons que son contour, faute de tenir compte de ceci que la place du trou est à situer aussi dans l’âme du trou de l’Autre. Le phallus n’est autre que le fait d’acter cette équivalence entre le trou central du premier tore et l’âme du second. Il est en quelque sorte la cicatrice de ce trou, cicatrice antipodique, en tant qu’elle marque cette équation topologique. Sinon, le phallus ne serait qu’un point réductible sur une surface.

Le passage du tore au cross-cap

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43 Faisons un pas de plus. La surface donc est engendrée par la coupure. Si le signifiant est différent de lui-même, il ne peut savoir quand son parcours se ferme, puisque, en rejoignant le « départ » de son lacis, il est incapable de reconnaître ce « départ » comme premier, c’est-à-dire de tenir le point de jointure comme « même » que celui dont il est parti. Pour cette raison, Lacan introduit le réel comme « même », « ce qui revient toujours à la même place », et il fait du signifiant qui se recoupe la condition de cette mise en évidence d’un réel qui, pour autant, n’est pas su. Cette coupure qui se redouble, c’est le huit intérieur (figure 6). La demande, nous l’avons vu, se répète, parce qu’elle rate à chaque fois ce qu’elle demande. Pour illustrer plaisamment ce ratage de la demande, cet objet qui à chaque boucle se confirme comme non atteint, Lacan cite Ubu (de Jarry) : « Vive la Pologne, messieurs, parce que s’il n’y avait pas la Pologne il n’y aurait pas de Polonais. » Traduction : s’il n’y avait pas la demande-Pologne, il n’y aurait pas répétition de signifiants polonais. Cela étant, quand un seul tore est pris en considération, nous avons affaire à une coupure simple, qui ne se recoupe pas. La déception de la demande se concrétise par le fait que, en bouclant son circuit de boucle autour du premier tore, elle ne fait que cerner non pas un vide (celui de l’âme) mais un rien. Encore une fois, je rendrai hommage à la philo­sophie d’avant Lacan, et nommément à Kant qui, dans sa Critique de la raison pure, pose une quatrième forme de « rien », l’objet vide sans concept, nihil negativum, qui donne assez bien à penser, malgré la réserve d’usage, cette autoréférence de la demande  [7].

Figure 6

Figure 6

Figure 6

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45 Ce tore premier implique un complémentaire, que nous nommerons donc tore de l’Autre, sur lequel nous pouvons faire coupure grâce au cercle tiers déjà évoqué, qui fait le tour et du premier tore et de l’âme du second, qui est au départ le trou central du premier tore (le rien). Cette équivalence fonde la formule : « Le désir du sujet est le désir de l’Autre » (6 juin 1962), dans laquelle il ne faut pas confondre, sous peine de contresens, l’Autre, soit l’univers de discours à partir duquel le sujet est constitué par sa demande, et l’autre (sans quoi la formule de Lacan ne serait rien de plus qu’une définition de la suggestion !). L’autre n’est manifestation de l’Autre qu’en tant que vecteur de celui-ci  [8].

46 Partons de cette coupure tierce sur le premier tore et de ce que cette ­coupure tierce donne sur le second tore après une rotation à 90 degrés d’un tore sur l’autre, enlacé au premier (figure 7). Les deux figures ne sont pas super­posables, mais elles sont spéculaires : il suffit de plier le schéma de la première sur la seconde. Par contre, si nous considérons maintenant une coupure qui fait deux fois la traversée du trou central et une seule fois son entour (figure 8a), et que, de nouveau, nous procédons à une rotation à 90 degrés, nous obtenons sur le second tore la figure suivante (figure 8b) qui n’est ni superposable ni spéculaire. Du coup, l’identité des deux désirs, celui du sujet et celui de l’Autre, devient problématique.

Figure 7

Figure 7

Figure 7

Figure 8 (8a et 8 b)

Figure 8 (8a et 8 b)

Figure 8 (8a et 8 b)

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48 Pour surmonter cette aporie dans la relation du sujet et de l’Autre, ou pour en élucider la raison, il est nécessaire de recourir au cross-cap, et de tracer sur le cross-cap, mais pas à n’importe quel endroit, cette coupure double qui se recoupe elle-même, le fameux huit intérieur (figure 9).

Figure 9

Figure 9

Figure 9

49 C’est très exactement ce que nous allons retrouver dix ans plus tard, sous une forme rigoureuse, dans « L’étourdit ». L’essentiel est de retenir que cette double coupure doit s’effectuer autour de la place du trou (l’objet a), d’où s’origine un même prélèvement et sur le sujet et sur l’Autre. Le phallus symbolique, c’est-à-dire la négativation de ce qui masque la constitution antipodique du trou alors qu’il en est le résultat (le phallus imaginaire), a pour fonction au contraire de marquer ce qu’il en est de ce trou. Il s’avère que cette double coupure, ainsi effectuée, est la seule qui permette une division réelle de cet objet cross-cap, la partie inférieure (figure 10) se détachant en tant que surface bilatère (extériorisation de l’objet a) et la partie supérieure comme surface unilatère (bande de Mœbius comme mise à plat du phallus).

50 Pour clore ce long cheminement dans le séminaire L’identification, j’en retire une conclusion qui fait le pont avec ce que dit Freud dans son chapitre sur l’identification, dans « Psychologie des masses et analyse du moi » : le deuxième mode d’identification n’est pensable qu’à partir de la fonction du trait unaire. Quant à l’introduction du huit intérieur et du cross-cap, elle permet d’élucider ce qu’il en est du troisième mode d’identification, dans « laquelle le sujet se constitue comme désir » (20 juin 1962).

Figure 10

Figure 10

Figure 10

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52 Reste la première forme de l’identification, celle au père. C’est elle dont Freud a traité dans Totem et tabou, et elle est de l’ordre d’une incorporation du père tué  [9], de son Einverleibung. Ce terme se retrouve chez Nietzsche, avec d’ailleurs un double sens, intéressant, d’incorporation exclusive ou inclusive. Pour conclure cette partie, je tiens à revenir, avec Lacan, à la fonction du point privi­légié constitué par la suture du trou dans la sphère, trou dont les bords sont reliés de façon antipodique pour construire le cross-cap. Ce point, en tant qu’il est le phallus, fait la connexion entre ce qui relève du sujet et ce qui relève de l’objet a. Il est à cet égard ce qui fait connexion dans le fantasme : $ & a. La double coupure autour de ce point est ce qui va diviser le sujet de a. Cette division (splitting) est la conséquence de ce que, le signifiant étant différent de lui-même, « rien du sujet ne saurait s’y identifier qu’à s’en exclure » (20 juin 1962). L’objet a vient à la place de ce splitting.

Le quatrième terme

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54 Lacan revient sur l’identification dans R.S.I. (1974-1975) et dans L’insu que sait de l’une-bévue s’aile à mourre (1976-1977), les deux séminaires qui bordent et bornent Le sinthome. Dans un premier temps (18 mars 1975), il pose que « s’il y a un Autre réel, il n’est pas ailleurs que dans le nœud même, et c’est en cela qu’il n’y a pas d’Autre de l’Autre ». Notons la supposition : s’il y a un Autre réel, et l’antinomie entre l’existence de l’Autre réel et l’Autre de l’Autre. L’Autre réel n’est en rien incarnation d’un métalangage, mais au contraire insigne de l’impossibilité qu’il y en ait un. Partant de là, Lacan répartit ainsi les trois identifications définies par Freud : « Cet Autre réel, faites-vous identifier à son Imaginaire, vous avez alors l’identification de l’hystérique au désir de l’Autre […] Identifiez-vous au symbolique de l’Autre réel, vous avez alors cette identification que j’ai spécifiée de l’einziger Zug, du trait unaire. Identifiez-vous au réel de l’Autre réel, vous obtenez ce que j’ai indiqué du Nom-du-Père, et c’est là que Freud désigne ce que l’identification a à faire avec l’amour ».

55 Dans cette répartition, l’Autre réel est donc le nœud lui-même et le Nom-du-Père, ce qui est obtenu par identification au réel de l’Autre réel. Cette identification est en rapport avec l’amour. Il s’agit donc de la première identification, qualifiable d’incorporation. Cette identification acquise, le Nom-du-Père se répartit en trois formes (pluralité des Noms-du-Père), qui nomment respectivement l’imaginaire, le symbolique et le réel. Cela étant, comment distinguer ces trois formes du Nom-du-Père et le Nom-du-Père dont l’obtention ne tient qu’au réel ? Si la nomination des trois ronds est une métaphore, faut-il alors entendre que la possibilité de la métaphore implique cette incorporation fondamentale et distinguer le père en tant que nommant des Noms-du-Père, au pluriel, en tant que nommés ? Qu’en est-il du père, non plus seulement en tant que nommé, mais en tant que nommant ?

56 En formulant ainsi cette question, je dois prendre acte du choix que je fais d’une voie conceptuelle dont Lacan, dans cette phase de son enseignement, s’écarte délibérément au profit d’un recours heuristique à la topologie – qu’il tient désormais pour ce qui prend la place de la clinique. En suivant cette voie conceptuelle, je pourrais par exemple aller jusqu’à me demander s’il existe deux catégories du Nom-du-Père : celui dont la fonction est de nommer, y compris le père lui-même, et ceux qui sont nommés et dont la fonction est d’abolir toute signification qui pourrait être attribuée au désir de la mère. Une telle démarche n’est pas sans tenir compte du départ freudien : le père n’est incorporé que parce qu’il est tué, et de la critique par Lacan qui s’ensuit, dès le séminaire interrompu sur les Noms-du-Père : Freud a tort de prendre en considération le père de la jouissance alors que ce dont il s’agit est le père du désir. Ce déplacement explique d’ailleurs la formule au départ quelque peu sidérante de Lacan, dans cette même leçon unique : « Il n’y a de cause qu’après l’émergence du désir ».

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58 Ce rappel donne son relief à ce dont il s’agit : la distinction entre le père en tant que nommant et les Noms-du-Père en tant que nommés est un tournant décisif. Elle décalque la double qualification du réel : soit le nœud borroméen dans son entier, soit le cycle dit réel. Elle implique qu’il y ait dans le nœud borroméen, qui commence à trois, toujours une consistance en plus, car c’est cette consistance en plus qui, au moyen de la nomination, fait trou ; le quatrième est nécessaire pour nommer les trois autres. Lacan tourne ici autour du constat que, dans le nœud à deux consistances, aucune de ces consistances ne franchit un trou (le trou est « entre les deux ») et que, dans le nœud à trois consistances, il n’y a trou que pour autant qu’il y a nomination (« la nomination, c’est la seule chose dont nous soyons sûrs que ça fait trou »). Lacan propose alors une réponse que Freud n’a pas formulée. La voici : « Il n’y a d’amour que de l’identification portant sur ce quatrième terme, à savoir le Nom-du-Père. » Ou encore, car ce point est si décisif que deux citations valent mieux qu’une : « […] le complexe d’Œdipe, c’est pas si complexe que ça. J’appelle ça le Nom-du-Père. Ce qui ne veut rien dire que le père comme Nom, ce qui ne veut rien dire au départ, non seulement le père comme nom, mais le père comme nommant » (15 avril 1975). La fonction du Nom-du-Père en tant que nommant se révèle ainsi être ce qui produit la métaphore qui substitue le Nom-du-Père « à la place premièrement symbolisée par l’absence de la mère », pour reprendre la formulation de Lacan en 1958  [10]. Le nouveau ici est bien entendu le quatrième terme.

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60 Lacan délivre son enseignement en tant qu’analysant. Ensuite, une fois la passe inventée, il n’a cessé, dit-il, de la faire, c’est-à-dire de questionner le point où le conduisait son enseignement, puisque, par son enseignement, il persévérait dans une analyse, la sienne, dont il pensait, à juste titre sans doute, qu’elle n’avait pas atteint la fin, celle qu’il espérait pour ses analysants. En tout cas, c’est ainsi que j’entends ce qu’il dit dans Télévision : « Heureux les cas où passe fictive pour formation inachevée : ils laissent de l’espoir  [11]. » Façon de rendre hommage à son propre analyste qui, tout en n’ayant pu le conduire qu’à une « passe fictive », n’a pas compromis irrémédiablement sa cure, par un « défaut »… de présence en tant qu’analyste, comme c’est le cas quand un dit « analyste » n’a pas sa place dans le discours de l’analyste – celle du rebut.

61 Cela pour ne pas coller aux lacunes de ma propre compréhension, en tant que lecteur de Lacan, ou encore pour ne pas me satisfaire d’une identification du troisième type, y compris si celle-ci m’élevait à une intelligence de la lettre inaccessible sans cette appropriation du « sentiment partagé » avec celui, Lacan en l’occurrence, dont je serais « infecté », pour reprendre le terme de Freud. L’intelligence de la lettre, qui est nécessaire, doit passer par autre chose qu’une haine inconsciente  [12].

62 Dans les dernières leçons de R.S.I., la nécessité topologique de ­l’introduction du quatrième rond peut laisser perplexe. Par contre, l’enjeu de cette introduction me paraît clair : il s’agit de souligner que le symbolique à lui seul ne peut faire trou : « La nomination c’est la seule chose dont nous soyons sûrs que ça fasse trou. » Or, la nomination relève du père en tant que nommant, alors que le réel, en tant qu’un des trois ronds, je viens de l’écrire, n’est que nommé, comme le symbolique et l’imaginaire  [13]. Pour ne pas reculer à formuler une thèse univoque, je dirai que l’incorporation de ce quatrième terme, tout en trouvant sa source dans la conception freudienne de l’identification primaire, s’en détache en situant cette incorporation comme celle du père nommant, c’est-à-dire du père du désir et non de la jouissance. Quand, dans la métaphore paternelle, Lacan introduit la forclusion du Nom-du-Père comme raison de l’échec de cette métaphore, il peut s’en déduire que le père alors n’est pas nommé (le pourquoi de cette non-nomination restant encore à élucider). Dès lors, doit-on distinguer, des Noms-du-Père en tant que nommés, le père en tant que nommant ? De même, si l’incorporation est celle du père nommant, et que sans elle il me paraît insensé de parler de sujet, au sens psychanalytique, s’ensuit-il que la nomination par ce père incorporé aboutit dans tous les cas ? Si l’on veut conserver ne serait-ce qu’un pétale de rose entre névrose et psychose, ne faut-il pas envisager l’échec de la nomination du père, par le père ? Je viens de souligner que le père dont parle Freud est le père de la jouissance, en tant que tué, mais, si l’on part de l’équivalence entre père du désir et père nommant, ne faut-il pas envisager, pour la psychose, un père nommant, mais incapable de se nommer comme père, faute de consentir à devenir signifiant, et donc de consentir à tomber sous le coup de la loi qui veut qu’un signifiant ne puisse se signifier lui-même ?

63 Ce qui peut donner relief à cette question est de constater que, quand Lacan introduit le père réel  [14], il le définit comme « agent de la castration », qui s’excepte de ce fait, lui-même, à celle-ci. Cependant, dans les formules de la sexuation qu’on peut lire dans Encore ou dans « L’étourdit », là où on pourrait s’attendre à ce que ce père réel figure, en haut et à gauche, à cet endroit du schéma où est placé le « dire que non à la fonction phallique », c’est-à-dire l’exception à la castration, Lacan substitue un x, une inconnue donc. Sans doute, le fait qu’à droite le « dire que non » soit indécidable explique cette substitution : le père réel, encore une fois, n’est pas le père de la horde, et c’est pourquoi il opère en tant que fonction du langage. Dans sa réalité de père, il est aussi castré que tout un chacun. Du même coup, son refus dans certaine configuration (on pense au père du président Schreber) à devenir un signifiant, celui dit du Nom-du-Père, ou, dit autrement, à opérer en tant que métaphore, rend compte de la conséquence : l’évocation du père réel échoue à signifier la castration ; la signification phallique n’est pas produite.

64 Cette question touchant au statut du Nom-du-Père sera reprise dans Le sinthome, soit le séminaire suivant, avec les conséquences que nous allons examiner.

L’identification au symptôme

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66 De conséquence, il n’y en a en fait qu’une : il existe une quatrième forme d’identification, absente dans l’œuvre freudienne, l’identification au symptôme, et non « par » le symptôme. Nous savons, si nous suivons Lacan, que le symptôme est défini comme nomination du symbolique, le symbolique étant incapable de faire trou. Cela confirme que l’opération du meurtre de la chose dans le symbolique n’est pas ce qui ferait du symbolique l’agent du trou. Le meurtre de la chose ne permet pas, voire masque structuralement, le fait que le sens induit par le symbolique est incompatible avec le réel comme l’impossible du sens, et que là est le trou. C’est ainsi que je propose de définir le symptôme comme ce qui émerge à la limite du savoir concernant l’être de filiation (ce que constate tout généalogiste, s’il n’est pas fou de Dieu). Pour formuler autrement la même chose, je dirai que le sujet se confronte à l’injustifiable de la nomination par le père, et que le symptôme vient à la place de l’impossible justification. Le clin d’œil que nous adresse Joyce en citant la devinette du renard est assez éloquent à cet égard : toute solution de cette devinette est absurde !

67 Pour ne pas prendre ce changement par son bout le plus pertinent mais aussi le plus usé, à savoir l’utilisation de cette quatrième forme comme définition de la fin d’une analyse, je partirai de ce que Lacan découvre être, presque au terme de son séminaire, la raison de son choix de Joyce. Cette raison se révèle à lui à propos de la nature particulière de l’ego chez Joyce. Cette nature particulière, Lacan en voit le signe dans l’incident qu’il rapporte du tabassage de Joyce par ses camarades et de l’indifférence ou du dégoût qu’il en a éprouvé, pour en déduire qu’il y a chez l’écrivain un « lapsus du nœud ». Réel et symbolique sont noués directement ; l’imaginaire est libre : « Si l’ego est dit narcissique, c’est bien parce que, à un certain niveau, il y a quelque chose qui supporte le corps comme image. Dans le cas de Joyce, le fait que cette image ne soit pas intéressée dans l’occasion, n’est-ce pas ce qui signe que l’ego a chez lui une fonction toute particulière ? » (11 mai 1976). En conséquence, le grand I « n’a plus qu’à foutre le camp ».

68 Comment alors l’ego intervient-il ? Il intervient pour rectifier ce glissement hors du couple réel-symbolique  [15] et corriger le lapsus du nœud en passant par-dessous le réel et par-dessus le symbolique. La portée de cette correction, qui est précisément ce que Lacan appelle le sinthome, est double : d’une part elle caractérise l’écriture de Joyce, et, selon Lacan, sa dimension énigmatique (elle a le même statut que la devinette du renard) ; d’autre part, elle restitue le caractère borroméen du nœud, soit le passage sous le réel et sur le symbolique, passage qui a été initialement raté par l’imaginaire et corrigé par l’ego. En ce dernier sens, la correction par l’ego produit ce qui est au fondement de la découverte freudienne, qui « fait tout tenir sur la fonction du père ».

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70 Il en découle l’exigence de distinguer deux faces du sinthome : la transformation du symptôme (maniaque chez Joyce) en art et la suppléance du Nom-du-Père. Ce dernier est, indissociablement, le père nommant son signifiant et le résultat de cette nomination. Ainsi peut-on résoudre l’étonnement qui naît de ce que, du séminaire R.S.I. au séminaire Le sinthome, le quatrième terme change de nom : du père nommant au sinthome. S’il en est ainsi, on peut se demander ce qu’il en est en dehors du cas de Joyce. Je soutiens que, dans tout cas, se pose le problème du quatrième rond comme nomination, et plus précisément, comme je l’ai rappelé, du quatrième rond comme nomination du symbolique, c’est-à-dire du quatrième rond en tant que symptôme, symptôme qui vient marquer l’impossibilité d’un savoir, autre que très court, sur la filiation, quand un sujet se passe du recours à Dieu. Il faut distinguer d’une part la fonction de la nomination qui relève du quatrième rond, et d’autre part ce qu’il en est de la séparation à faire entre l’Autre réel et l’Autre de l’Autre. Cette séparation veut dire en effet que S(%) n’a rien à voir avec la fonction du phallus – ce que Lacan ne se fait pas faute de rappeler à ses élèves ! L’Autre réel n’est rien d’autre que l’élision de la Chose en tant qu’elle produit un espace dans lequel l’Autre symbolique peut se déployer sans pouvoir jamais dire quoi que ce soit sur la chose dont l’élision l’a rendu possible, sinon nécessaire. De là une conception du symptôme qui marque l’absence du rapport sexuel, et non le masque. Il n’est d’ailleurs pas étonnant de constater qu’ici se donnent la main la conception du symptôme comme masque qui est celle de Colette Soler  [16] et la conception jumelle, que je récuse, de Jacques-Alain Miller, qui, réduisant le Nom-du-Père à un « ustensile » du symptôme  [17], efface la fonction propre du Nom-du-Père. Si le symptôme, se faisant sinthome chez Joyce, peut en effet suppléer à la forclusion du Nom-du-Père, ce n’est pas toujours le cas.

71 J’en viens ainsi à poser : 1. Il y a nomination, toujours, et incorporation, toujours, du père nommant ; 2. Un symptôme, quel qu’il soit, résulte de cette nomination ; 3. Cette nomination produit ou non la nomination du père par le père, sa transformation en signifiant métaphorique – quand cette dernière nomination n’a pas lieu, nous avons comme conséquence la forclusion du signifiant Nom-du-Père.

72 Rappelons ici que le signifiant Nom-du-Père, soit le signifiant du père en tant que nommé, reste nécessaire pour fonder un rapport à la loi de la castration, dont on sait qu’elle se révèle très précaire, sinon plus, chez un sujet psychotique, au point de rendre problématique son rapport à la loi civile, avec les dommages que l’on sait quand le sujet en question devient un dictateur.

73 « Sans pouvoir jamais dire » ai-je dit. C’est la question. Le sinthome pourrait-­

74 il être, dès lors qu’un sujet s’identifierait au symptôme, et se détacherait de sa jouissance, un signe… du ciel, de l’enfer, de « l’hors-monde » ? Le séminaire L’insu que sait de l’une-bévue s’aile à mourre succède au séminaire Le sinthome. Lacan veut introduire « quelque chose qui va plus loin que l’inconscient » (16 novembre 1976). Il récuse d’abord la thèse de Balint, selon laquelle la fin d’une analyse consisterait à s’identifier à son analyste, et la thèse (celle de Pontalis ?) d’une identification à son inconscient, et il avance sa propre thèse de l’identification à son symptôme : « Savoir y faire avec son symptôme, c’est là la fin de l’analyse. » « Savoir y faire », est-ce une identification ? Je répondrai oui en faisant le même commentaire que Lacan : identification « en prenant ses garanties, une espèce de distance ». Je serai même plus direct : en se détachant de la jouissance phallique attenante audit symptôme, ce qui implique soit qu’il ait été interprété, soit qu’il ait accédé à une autre dimension, celle de l’écrit. Cette dernière proposition peut d’ailleurs ouvrir à malentendu, si on confond l’écrit avec un kilométrage de caractères…

75 Dans cet antépénultième séminaire, Lacan introduit un autre chapitre topologique, qui consiste à tenir le tore comme susceptible d’être coupé ou troué de telle sorte qu’il puisse être retourné, par invagination, sur un autre tore, et il va se demander, dans ce séminaire, comment répartir les trois identifications freudiennes selon les diverses combinaisons topologiques qu’on peut ainsi obtenir, et en tentant de tenir compte de l’exigence nouvelle introduite par le quatrième rond.

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77 Pour ma part, au terme de cette longue ascèse identifiable à la poursuite de la baleine blanche (au Léviathan biblique selon Melville), je voudrais, puisque, de par cette métaphore, nous sommes plongés dans la mer, mettre mon grain de sel. Je me permets d’abord de renvoyer à l’élucidation que j’ai proposée, dans La passe, de la topologie qualifiée par Lacan, dans sa leçon du 15 mars 1977, de « tour de force du poète  [18] ». Elle n’est pas sans rapport avec ma conclusion.

78 Partons du signifiant de ce que l’Autre est barré. L’Autre en question dans cette formule est d’une part le sens, « l’Autre que le réel » (8 mars 1977), mais que dire de l’autre moitié ? Pour donner une idée, aussi vertigineuse que possible, de ce qui traverse alors Lacan, je le cite : « Il y a un choix à faire entre l’infini actuel qui peut être circulaire, à condition qu’il n’y ait pas d’origine désignable, et le nœud dénombrable c’est à dire fini. » Je voudrais produire une émotion stéréoscopique à partir de cette citation en évoquant un philosophe, Hegel, et un poète, Pessoa. Le philosophe, dans Science de la logique  [19], aborde la question de l’infini, et fait état de deux formes d’infini : l’infini abstrait, unilatéral, et le vrai infini. Dans ce chapitre, d’une part il pose une égalité entre le faux infini et la ligne droite, qui ne peut aboutir qu’à un indéfini, et d’autre part il pose le cercle, soit « la ligne qui a réussi à se rejoindre, qui est close et tout à fait présente, sans commencement ni fin ». Quant au poète, son recueil Le gardeur de troupeaux comporte un dialogue entre Alberto Caeiro et Alvaro de Campos, deux ­hétéro­nymes de Pessoa, qui prend le contrepied de la démonstration hégélienne  [20] : « Ce qui n’a pas de limites n’existe pas, dit Caeiro. L’existence implique autre chose, et par conséquence que toute chose soit limitée. En fait, est-il difficile de concevoir qu’une chose est une chose, et non une autre chose qui la prolonge indéfiniment ? » Je n’ajouterai qu’un mot, peut-être illisible : pour le philosophe, le vrai infini relève de l’Autre symbolique, sans commencement ni fin ; pour le poète – je ne peux que répéter Pessoa : « Ce qui n’a pas de limites n’existe pas  [21]. »

79 Qu’en est-il alors de l’Autre réel ? Reprenant son A barré, son A rompu par une barre, Lacan (10 mai 1977) en fait ce commentaire : « Est-ce que ça veut dire que rompu, ce soit nié ? L’analyse à proprement parler, énonce que l’Autre ne soit rien d’autre que cette duplicité. » C’est ce que je qualifierai d’Autre réel, qui ne cesse pas de ne pas s’écrire (l’impossible) et qui dessine un possible en attendant qu’il s’écrive. Le plus étonnant est que Lacan continue ainsi : « Y a de l’Un, mais il n’y a rien d’autre. » Est-ce le même Un que le trait unaire ? Non, pour une raison que je n’aborde pas. Puis enfin la cerise : « Le S indice 1 ne représente pas le sujet auprès du S indice 2, à savoir de l’Autre. Le S indice 1 et le S indice 2, c’est très précisément ce que je désigne par le A divisé dont je fais lui-même un signifiant, S(A barré). »

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81 Voilà comme j’entends la chose. Nous avons rencontré, dans le séminaire L’iden­tification, ce rapport d’éversion entre le phallus imaginaire négativé (Ö) et l’objet a. Le premier est le trouage lui-même, en tant que toujours déjà corrélatif de sa cicatrisation (phallus imaginaire). Le trouage est constituant du cross-cap. L’objet a est ce qui occupe la place du trou, objet du même prélèvement sur l’Autre et le sujet, si nous considérons que, dans une sphère trouée, il y a deux surfaces, l’une externe, l’autre interne.

82 Nous retrouvons ce même rapport d’éversion entre le sinthome et le Nom-du-Père, mais dans un cadre refondé à neuf par la découverte, du côté femme, de la castration pas-toute. Le sinthome, en tant que quatrième, par dédoublement du symbolique, est ce qui fait limite à ce Un qui se prétendrait tout, qui n’est ni le Un du Y a d’l’Un, ni le un unaire, ni même le Un de la trinité (le trois en un du nœud borroméen à trois). Le Nom-du-Père à cet égard est « un bouchon ». Il fonde l’assomption par le sujet de la loi de la castration au prix de lui masquer que cette loi ne garantit aucune harmonie avec le désir. J’ajoute seulement que, contingentement, le sinthome peut pallier l’absence de production de la signification phallique, conséquence de ce que le père n’est pas nommé comme signifiant de la loi.

83 En suivant ce fil, entre symptôme et filiation, il s’avère que le sinthome est ce qui résulte d’une identification au symptôme, c’est-à-dire au seul réel au-delà de l’inconscient. Pour être aussi clair que possible, le sinthome est ce qui, dans la névrose, transforme le Nom-du-Père en symptôme (passage de l’être de filiation à l’être de symptôme), ou, plus justement, le réhabilite comme symptôme en révélant l’insuffisance de la filiation. La filiation conditionne l’être du sujet au sens cartésien, c’est-à-dire un sujet supposé savoir, mais non son existence, pour autant que celle-ci ne peut être qu’inconditionnée.

84 Dans la psychose, comme je viens de le rappeler, et c’est le cas de Joyce, le sinthome pallie aussi l’absence du père nommant le signifiant du père. Autrement dit, il y a toujours, quels que soient les ratages initiaux du nœud, intervention du quatrième rond, sous des modalités distinctes selon la forme d’assujettissement (cela est valable aussi pour l’autisme). Quand la métaphore paternelle est ratée, le sinthome peut venir corriger ce ratage.

85 L’interprétation du symptôme, en tant que quatrième nommant le symbolique, est alors la voie d’une transformation de celui-ci en sinthome, soit au terme d’une analyse, soit dans l’épreuve d’une œuvre authentique. Dans le cas d’un défaut initial de la métaphore paternelle, là encore le symptôme est là, toujours, pour nommer le symbolique, et peut alors, s’il devient sinthome comme chez Joyce, suppléer au Nom-du-Père.

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87 C’est déjà une énonciation présente, sous forme inchoative, dans l’article de Lacan « Du “Trieb” de Freud et du désir du psychanalyste » (1964), dans lequel le splitting est posé entre identification et désir d’un côté, Chose et jouissance de l’Autre, ce qui fait écrire à Lacan que les « identifications se déterminent du désir sans satisfaire la pulsion ». D’où la question rebondit : de quelle façon la fin d’une analyse, par l’identification au symptôme, à différencier donc des trois identifications freudiennes, pourrait-elle conjuguer satisfaction et jouissance ? N’est-ce pas que l’identification au symptôme ne vise plus la question de l’être, mais celle de l’existence ? Elle n’est plus ce qui pallie l’absence d’avoir.

88 Le Nom-du-Père n’est pas une des versions du sinthome, mais ce dont le symptôme doit se détacher pour produire le sinthome. Plus précisément encore, le symptôme, pour se transformer en sinthome, doit être interprété dans sa fonction de Nom nommant (en tant que causation donc), et non de nommé (c’est-à-dire réduit à son déterminisme par la filiation).

Tétraèdre et quatresse

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90 Je ne peux conclure sans exposer ce que je nommerai volontiers « constellation de la cerise ».

91 À propos de la leçon du 10 mai 1977, Marie-Claire Terrier m’a signalé une étrange discordance, en fait une contradiction, entre la version transcrite par Jacques-Alain Miller en 1979, dans le numéro 18-19 d’Ornicar ?, et les transcriptions respectives de l’ali et de Patrick Valas. Je vais, pour constituer ce dossier, citer les deux versions. Miller d’abord :

92

« Qu’est-ce que ce sujet divisé a pour effet si le signifiant indice 1 ne représente pas le sujet auprès du S2, à savoir de l’Autre ? Le S1 et le S2, c’est très précisément ce que je désigne par le A divisé, dont je fais lui-même un signifiant, S de A barré. »
Transcription de l’ali maintenant (elle est la même que celle de Valas) :
« Qu’est-ce que ce sujet, sujet divisé, a pour effet si, le S1, le signifiant indice 1, S indice 1, se trouve dans notre tétraède, puisque ce que j’ai marqué, c’est que, de ce tétraèdre, il y a toujours une de ses liaisons qui est rompue, c’est à savoir que le signifiant indice 1 ne représente pas le sujet auprès du signifiant indice 2, à savoir de l’Autre. Le signifiant indice 1 et le signifiant indice 2, c’est très précisément ce que je désigne par le A divisé dont je fais lui-même un signifiant, A de A barré. »

93 Outre la désinvolture avec laquelle deux lignes (celles qui concernent le tétra­­èdre) sont effacées, il faut noter que, dans la transcription millérienne, la négation de la représentation du sujet par S1 auprès de S2 se transforme en hypothèse, alors que dans la transcription de l’ali l’hypothèse porte sur la présence de S1 dans le tétraèdre, et que la conséquence de cette hypothèse est une conclusion affirmative : S1 ne représente pas le sujet auprès de S2 ! Autrement dit, si l’hypothèse de la présence de S1 dans le tétraèdre est vérifiée, la conclusion, dont on voit bien qu’elle met en cause, par Lacan, une thèse majeure de son enseignement de toujours, est elle-même confirmée ! Rien à voir donc avec la transcription millérienne et il n’est pas abusif de penser que Miller a raté ce tournant – avec un résultat qui disqualifie, sur un point décisif, le dire de Lacan.

94 Du coup, on saisit la portée de ce qui est affirmé par Lacan dans la suite et la fin de cette leçon, à savoir que l’inconscient est « impossible à saisir », réel donc.Ce n’est pas une thèse nouvelle, mais elle ne prend sa portée que d’être fondée sur la non-représentation du sujet par S1 auprès de S2.

95 À élucider donc, le recours au tétraèdre. Il en est question entre autres dans la leçon précédente du 18 janvier 1977. Pour lire cette leçon, il faut saisir l’équi­valence posée par Lacan entre le nœud borroméen à quatre, la quatresse qui permet de le construire et le tétraèdre. On peut alors déduire que le tétraèdre a quatre faces, quatre triangles, qui dans la topologie sont de même nature que les quatre cercles du nœud borroméen à quatre. Quant aux arêtes, il en a six, qui correspondent aux six passages dessus ou dessous, repérables tant dans le nœud à quatre constitué que dans la quatresse en voie de constitution du nœud. Il est donc tout à fait facile à partir de quatre triangles (les quatre faces du tétraèdre) de construire un nœud borroméen à quatre en respectant l’ordre des dessus-dessous des arêtes se franchissant en six points les unes par rapport aux autres.

96 Or, et c’est ce que constate Lacan et qu’il formule dans la transcription citée de l’ali, dans un tétraèdre, « il y a toujours une liaison qui est rompue », et c’est cette rupture même qui lui permet de conclure à la non-représentation (du sujet par S1 auprès de S2). On pourra le vérifier aisément en construisant un tétraèdre et en numérotant de 1 à 6 ses arêtes : quel que soit le parcours suivi, il y a toujours une arête qui est laissée de côté (il faut lever le crayon pour la surligner).

97 Après coup, est ainsi mise en évidence, aussi, la nécessité du recours au qua­trième cercle (ou terme), sans lequel la non-représentation du sujet par S1 auprès de S2 n’est pas fondée. Les conséquences sont majeures pour cette dernière séquence de l’enseignement de Lacan : l’inconscient en tant que réel, le statut de l’Autre réel, la distinction entre père nommant et père nommé, l’identification au symptôme, avec sa double face, en somme ce qu’on peut nommer, en raison cette fois, le dernier Lacan.

Al Dante

98 La nomination est-elle l’exclusivité du père ? Derrière un timide « ­peut-être », Freud évoque la possibilité que la mère soit objet de l’identification primaire. Je répondrai cependant « oui », en ce qui concerne la capacité à introduire dans le langagier la loi de castration, et donc de produire ce signifiant tel qu’on le trouve dans la métaphore paternelle. La métaphore consiste-t-elle en un nom commun ? Dois-je écrire la métaphore « cet homme est un lion » avec un L majuscule ? Une femme aussi parle, même si elle devient mère, et j’ai repris la thèse de Lacan selon laquelle l’effet de féminisation est synonyme d’un laisser-tomber du surmoi de la signification. On pourrait imaginer qu’elle parle par noms propres, c’est-à-dire en se défaussant de la contrainte du signifié. Dès lors, comment écrire ce qu’elle dit en questionnant son amoureux sur la cuisson qu’il veut des pâtes ?

99 Je m’en tiens à une seule boussole : « Seul le symptôme sait. » En avoir plusieurs comporte un risque d’égarement, même si on peut envisager une axiomatique nouvelle dans laquelle il y aurait plusieurs nord. À partir de là, l’identification au symptôme prend un sens précis, celui de l’identification à un savoir inaccessible au sujet, mais aussi qui ne se sait pas lui-même. Dire que le produit de cette identification est un sinthome, en généralisant à tout un chacun la solution que Lacan promeut pour Joyce, est envisageable.

100 Cette solution se décomposerait ainsi, en tenant compte de ce qu’il en est de la relation du sujet, homme ou femme, à la signification phallique, c’est-à-dire en se repérant sur l’absence ou non de la métaphore paternelle. Le père, en nommant, se présentifie comme le point perspectif sans lequel l’espace ne peut être construit, sinon comme ce hors-monde dans lequel nous jette ce qu’on appelle « dépersonnalisation ». Mon point de vue est que le sinthome peut ou bien pallier l’absence de métaphore paternelle, et créer une métaphore tout court  [22], ou bien défaire la prétention de la métaphore paternelle à garantir une harmonie entre loi et désir (qui serait une forme d’écriture du rapport sexuel).

101 Que le rapport sexuel soit impossible à écrire ne doit pas nous conduire à poser une ontologie de l’inexistence de ce rapport. Nous savons, explicitement depuis Lacan mais bien avant lui grâce à la poésie, de Dante notamment, que l’amour supplée au défaut du rapport sexuel. L’Autre symbolique, puisqu’il manque au savoir qu’on lui impute, se transforme ainsi en muse, qui relève du réel, que présentifie au mieux la muse Écho dès lors qu’elle se détache du reflet dans lequel Narcisse l’enferme. Nous savons aussi, un peu moins, que la pulsion de mort ne se réduit pas à dénoter le meurtre de la chose par le mot. Fondamentalement, elle vise à éliminer « l’Autre en moi », en tant qu’inconscient comme marque de ce même Autre symbolique. Dans le même mouvement, elle me soustrait, par mon élimination, à la dépendance de cet Autre. Le suicide, à cet égard, est un malentendu, qui substitue le passage à l’acte à une interprétation qui permettrait l’advenue de l’inconscient comme réel, et non plus comme auxiliaire d’un Autre de l’Autre, à savoir du fantasme coextensif à l’Autre symbolique quand l’impasse est faite sur l’Autre réel.

102 Ce qui est en jeu dans cette aurore boréale surgie du dernier enseignement de Lacan, c’est, en définitive, la nature du trou. Si le trou ne relève que du symbolique, l’exigence du quatrième est méconnue. Le trou relève de la nomination, et spécifiquement de la nomination du symbolique, même si l’angoisse et l’inhi­bition sont déjà des signes que le symbolique ne suffit pas à faire trou. Or ce trou, celui qu’opère la nomination du symbolique, aboutit à ce paradoxe dont il serait souhaitable qu’une logique inédite rende compte, qui est que ce trou ne révèle aucun manque, ni même aucune perte, sinon celle qui s’éprouve pour un sujet dans l’opération même du trouage, qui est le trouage du langage et non le trouage par le langage.


Mots-clés éditeurs : trou, nomination, Autre réel

Mise en ligne 04/04/2018

https://doi.org/10.3917/psy.041.0049

Notes

  • [1]
    P. Bruno et F. Guillen, Phallus et fonction phallique, Toulouse, Érès, 2012.
  • [2]
    S. Freud, Œuvres complètes, tome XVI, Paris, Presses universitaires de France, 1991, p. 42.
  • [3]
    H. von Kleist, Penthésilée, Paris, José Corti, 1954. Je ne perds pas de vue l’anomie de l’exemple, puisque d’une part la relation de Penthésilée à Achille se situe à l’intérieur d’une même génération, et que d’autre part la manducation n’est pas métaphorique, mais ce choix rehausse l’enjeu de cette identification dite primaire.
  • [4]
    J. Lacan, « La formation du je et l’assertion de certitude anticipée », dans Écrits, Paris, Seuil, 1966. Le mot de « sophisme » dans le sous-titre s’explique, selon moi, par l’impossibilité de tenir pour homogène la temporalité des raisonnements de chacun des trois prisonniers.
  • [5]
    Toutes les figures sont tirées de la version de l’ali du séminaire L’identification, p. 172, 173, 205, 304, 321, 322, 330, 346, 347, 358 et 376.
  • [6]
    J. Derrida, Khôra, Paris, Galilée, 1993.
  • [7]
    Pour autant, la demande ne se réduit pas à cette autoréférence. S’adressant à l’Autre, la demande, en effet, change le sujet.
  • [8]
    Hegel, dans sa Phénoménologie de l’esprit, est bien celui qui, comme le note justement Badiou (« Maîtres et esclaves chez Hegel », dans P. Faugeras [sous la dir. de], L’intime désaccord, Toulouse, Érès, 2017), introduit, notamment en abordant la dialectique du maître et de l’esclave, l’exigence d’une autre conscience de soi pour que toute conscience de soi soit en-soi et pour-soi. Pas de conscience de soi donc sans cette autre conscience de soi qui est censée reconnaître la première. Je fais cependant remarquer que, avant Hegel, Berkeley, dans sa formule fameuse Esse est percipi (« être c’est être perçu »), dit, à condition d’être bien entendu, la même chose. D’où cette question : pourquoi est-ce dans l’idéalisme philosophique que cette exigence d’autrui pour assurer mon être se trouve ? N’est-ce pas, pour rejoindre le fil de mon dire ici, que, dans l’idéalisme, l’Autre symbolique est seul en piste, et qu’il y a impasse sur l’Autre réel ? S’il fallait imputer à Hegel une définition de l’inconscient, ce serait : l’inconscient est réel parce que rationnel, ce qui, on le verra dans la suite de cet article, est une définition antinomique avec le dernier enseignement de Lacan.
  • [9]
    Le génie de Freud est de s’engager par anticipation sur des chemins qui ne vont encore, apparemment, nulle part. Ainsi, dans Totem et tabou, il évoque assez longuement, dans la section intitulée « Le tabou des morts », le tabou des noms, spécifiquement des noms propres. Il est remarquable qu’en situant le tabou des noms propres dans la rubrique « Tabou des morts », il institue une continuité entre le père « tué » et le nom propre qui, en somme, pourrait être le totem du meurtre de celui ou celle qui porte ce nom propre.
  • [10]
    J. Lacan, « D’une question préliminaire à tout traitement possible de la psychose », dans Écrits, op. cit.
  • [11]
    J. Lacan, Télévision, Paris, Seuil, 1974, p. 11.
  • [12]
    J. Lacan, Encore, à propos du livre de Nancy et Lacoué-Labarthe, Le titre de la lettre.
  • [13]
    Le quatre est alors spécifié comme nomination du symbolique et correspond au symptôme. De ce fait, la question est posée d’une équivalence ou non entre Nom-du-Père et symptôme. Par ailleurs, à la nomination du symbolique s’ajoutent la nomination du réel (l’angoisse) et celle de l’imaginaire (l’inhibition). 4, 5, 6…
  • [14]
    J. Lacan, L’envers de la psychanalyse, Paris, Seuil, 1991, mais cf. aussi, dans l’écrit de 1958 sur Schreber, l’apparition de l’expression « père réel ».
  • [15]
    Étant donné qu’il s’agit d’un couple « olympien », ne se situant pas dans un nœud borroméen, la fonction phallique n’opère pas.
  • [16]
    C. Soler, « Le savoir sans la fatalité », Link, n° 14-15, septembre 2002, p. 175.
  • [17]
    J.-A. Miller, « Présentation », dans J. Lacan, Des Noms-du-Père, Paris, Seuil, 2005.
  • [18]
    P. Bruno, La passe, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2003.
  • [19]
    G. W. F. Hegel, Science de la logique, Paris, Aubier, 1947.
  • [20]
    F. Pessoa, Le gardeur de troupeau, Paris, Gallimard, 1960.
  • [21]
    La distinction Nom nommant et Noms nommés traverse d’ailleurs, à travers la question des hétéronymes, toute l’œuvre de Pessoa, puisque, créant des hétéronymes, des noms nommés, il fait de son nom un Nom nommant, ce qui demande un acte qui n’est inscrit dans aucune fiche d’état civil.
  • [22]
    Dans Une psychanalyse : du rébus au rebut, j’ai soutenu la présence, dans Finnegans Wake, de la métaphore (Toulouse, Érès, 2013, p. 221-222).
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