Notes
-
[1]
Selon le mot de J.-C. Kaufmann cité par A. Ruffiot, A. Ruffiot (1981). La thérapie familiale psychanalytique. Paris, Dunod, p. 49.
-
[2]
J. Goody (2001). La famille en Europe. Paris, Seuil, p. 209.
-
[3]
A. Roucoules (2008). « Introduction », in J. Aïn (dir.). Familles : explosion ou évolution (p. 12). Toulouse, Erès.
-
[4]
J. Lacan (1938). « La famille », Encyclopédie française, p. 41.
-
[5]
P. Gutton (2008). « L’illusion familiale et ses paradoxes », in J. Aïn (dir.). Familles : explosion ou évolution (p. 204). Toulouse, Erès.
-
[6]
Y. Castellan (1993). Psychologie de la famille. Toulouse, Privat.
-
[7]
F. André-Fustier (1997). « L’approche psychanalytique de la famille à l’épreuve de l’institution », Parents/Famille/Institution-Approche groupale d’orientation psychanalytique, Université Lumière-Lyon 2, Les publications du Centre de recherches sur les inadaptations, pp. 5-49.
-
[8]
E. Goldbeter-Merinfeld (2011). « Nouvelles configurations familiales », Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux, 47(2), p. 6.
-
[9]
Ibid., pp. 7-8.
-
[10]
M. Delage (2005). « La thérapie du couple et de la famille revisitée à travers la théorie de l’attachement », Thérapie familiale, 26(4), pp. 407-425.
-
[11]
A. Eiguer (2011). « Le sens de la famille, le nous et le lien », Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux, 47(2), pp. 39-52.
-
[12]
S. Hefez (2008). « Au nom du père », in J. Aïn (dir.). Familles : explosion ou évolution (pp. 147-157). Toulouse, Erès.
-
[13]
M. Delage (2010). « Psychanalyse et système. Comment penser les pratiques thérapeutiques de la famille à la lumière de ces deux modèles ? », Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux, 45(2), p. 137.
-
[14]
Les liens narcissiques sont mobilisés par notre orientation vers le semblable, à l’indifférenciation et à ce qui est constant.
-
[15]
Le narcissisme familial est dominé par l’investissement narcissique commun à toute liaison humaine, résidu du narcissisme primaire, toujours en quête du semblable.
-
[16]
A. Eiguer (1984). « Le lien d’alliance, la psychanalyse et la thérapie de couple », in A. Eiguer, A. Ruffiot et al., La thérapie psychanalytique du couple (pp. 1-83). Paris, Dunod.
-
[17]
A. Eiguer (2008). « Une psychanalyse pour une famille en changement », Familles, Toulouse, Erès, p. 21.
-
[18]
A. Eiguer (2011). « Le sens de la famille, le nous et le lien », Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux, 47(2), p. 40.
-
[19]
Ibid., p. 48.
-
[20]
W.-R. Bion (1959, 1989). « Attaque contre les liens », Nouvelle revue de psychanalyse, 25.
-
[21]
E. Pichon-Rivière (1971, 2001). El Proceso Grupal, Buenos Aires, Nueva Visión.
-
[22]
E. Goffman (1967). Les rites d’interaction. Paris, Les Éditions de Minuit.
-
[23]
A. Eiguer (2011). « Le sens de la famille, le nous et le lien », op. cit., pp. 39-52.
-
[24]
R. Kaës (2005). « Pour inscrire la question du lien dans la psychanalyse », Le divan familial. Les liens familiaux aujourd’hui, 15(2), pp. 73-94.
-
[25]
Ibid., p. 74.
-
[26]
Ibid., p. 77.
-
[27]
Ibid., pp. 73-94.
-
[28]
C. Joubert (2004). « Psychanalyse du lien familial », Le Divan familial, 12(1), p. 166.
-
[29]
R. Kaës (2005). « Pour inscrire la question du lien dans la psychanalyse », op. cit., p. 87.
-
[30]
A. Eiguer (2011). « Le sens de la famille, le nous et le lien », op. cit., p. 52.
-
[31]
M. Beattie (1987, 2011). Vaincre la codépendance. Paris, Pocket, p. 49.
-
[32]
A. Rigaud, Codépendance, à propos de la femme de « l’alcoolique » et de son mari.
-
[33]
A. Eiguer (1989). Le pervers narcissique et son complice. Paris, Dunod.
-
[34]
Groupes familiaux pour adultes s’adressant aux membres de la famille et aux proches d’alcooliques, basés sur le programme des Alcooliques Anonymes.
-
[35]
D. Tordeurs, P. Jane, A. Kinappe et al. (2002). « Qu’est-ce que le coalcoolisme ? », Alcoologie et addictologie, 24(4), p. 304.
-
[36]
J.-P. Roussaux et al. (1996, 2000). L’alcoolique en famille. Bruxelles, De Boeck Université, p. 66.
-
[37]
Ibid., p. 146.
-
[38]
J.-P. Roussaux (1989). « L’alcoolique et son conjoint », in Alcoolismes et toxicomanies. Bruxelles, De Boeck Université, p. 55.
-
[39]
Ibid.
-
[40]
L. Israël, N. Charpentier (1972). « La femme de l’alcoolique », Confrontations psychiatriques, 18, p. 132.
-
[41]
D. Hers, M. Derely, J.-P. Roussaux (1989). « La thérapie de l’alcoolisme par le couple », in Alcoolisme et toxicomanies. Bruxelles, De Boeck Université, p. 62.
-
[42]
S. Fanello, B. Louet-Borg, P. Kiritze-Topor et al. (2002). « Conjoints de patients alcoolodépendants », Alcoologie et adddictologie, 24(2), p. 114.
-
[43]
J.-P. Roussaux et al. (1996, 2000). L’alcoolique en famille, op. cit.
-
[44]
P. Steinglass (1976). « Experimenting with treatment approaches to alcoholism 1950-1975. A review », Family Process, 15, pp. 93-123.
-
[45]
D. Tordeurs, P. Janne, C. Reynaert, J.-P. Roussaux (2001). « Quand la femme alcoolique dit : “j’ai mal à ma famille…” », Psychotropes, 7(2), p. 52.
-
[46]
J.-P. Roussaux et al. (2000). L’alcoolique en famille, op. cit., p. 69.
-
[47]
Ibid., p. 67.
-
[48]
M. Beattie (1987, 2011). Vaincre la codépendance, op. cit.
-
[49]
Les groupes « Al-Anon » (Alcoholic Anonymous), créés par l’association Alcooliques Anonymes (A.A.), qui, en France en 1962, ont pris en compte l’entourage du malade alcoolique, sachant que ces rencontres avec les familles étaient institutionnalisées aux États-Unis depuis 1950.
-
[50]
C. Reynaert et al. (2006). « Autour du corps souffrant : relation médecin-patient-entourage, trio infernal ou constructif ? », Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux, 36(1), pp. 110-111.
-
[51]
P. Watzlawick (1967, 2014). Une logique de la communication. Paris, Seuil.
-
[52]
A. Seneviratne, J.-B. Daeppen (2009). « Implication de la famille dans le traitement de l’alcoolodépendance », Alcoologie et addictologie, 31(4), pp. 283-284.
-
[53]
A. Robert, R. Bavoux (1997). « Approche systémique des situations d’alcoolisations en consultation d’alcoologie », Alcoologie, 19(2), p. 118.
-
[54]
J.-F. Croissant (2004). « Famille et alcool, et les enfants !? », Thérapie familiale, 25(4), p. 547.
-
[55]
L. Cassiers (1989). « Fonction familiale de l’alcoolisme », Alcoolismes et toxicomanies, op. cit., p. 13.
-
[56]
S. Wegscheider-Cruse (1981, 1990). « Another Chance: Hope and Health for the Alcoholic Family », Science and Behavior Books.
-
[57]
J.-F. Croissant, « Famille et alcool, et les enfants !? », op. cit., p. 549.
-
[58]
Les rituels familiaux sont constitués par un ensemble de comportements anciens répétitifs, qui sont mis en acte de façon systématique.
-
[59]
J.-F. Croissant, « Famille et alcool, et les enfants !? », op. cit., p. 548.
-
[60]
V. Anastassiou (2003). « Les distorsions de la fonction parentale dans le système alcoolique », Alcoologie et addictologie, 25(3), p. 192.
-
[61]
L. Cassiers (1989), « Fonction familiale de l’alcoolisme », op. cit., p. 20.
-
[62]
G. Bateson (1977). « La cybernétique du soi, une théorie de l’alcoolisme », in Vers une écologie de l’esprit. Paris, Seuil.
-
[63]
M. Bowen (1996). La différenciation de soi. Paris, Esf.
-
[64]
L. Cassiers, « Fonction familiale de l’alcoolisme », op. cit., p. 12.
-
[65]
V. Anastassiou (2008). « Quinze ans de pratiques familio-systémiques en alcoologie », Thérapie familiale, 29(2), p. 68.
Introduction
1L’alcoolisme fut longtemps considéré comme un problème individuel et sa dimension familiale abordée sous l’angle de l’atavisme et/ou de l’hérédité. À partir des années 1970, cette dimension a été progressivement abordée sous l’angle relationnel comme un problème de la famille. L’accompagnement de l’alcoolodépendant et de son entourage a permis d’observer le phénomène de « codépendance ». Cette notion de codépendance rend compte du fait que les proches d’une personne dépendante de l’alcool adoptent des comportements spécifiques de recherche de solutions et d’adaptations aux difficultés. Il s’agit pour elles, d’une part, de préserver la cellule familiale, voire de rechercher un meilleur équilibre, et, d’autre part, d’aboutir à ce que ces comportements présentent une similitude avec le comportement de dépendance alcoolique lui-même.
2Ainsi, la clinique et les études ont montré, d’une part, que beaucoup de personnes présentant une alcoolodépendance connaissent des problèmes familiaux et que, d’autre part, ces problèmes peuvent contribuer à la poursuite de l’alcoolisation ou favoriser la rechute. Le travail avec l’entourage du patient, par les enjeux thérapeutiques qu’il comporte, permet dans les pratiques de soin en institution spécialisée d’aborder et de penser l’articulation entre les souffrances psychiques individuelles et la souffrance familiale, ainsi que de considérer le sujet porteur du symptôme également comme le « haut-parleur » [1] de la souffrance familiale.
3Tout d’abord, nous questionnerons la souffrance de l’entourage confronté à l’alcoolisation d’un de ses membres. Ainsi, nous aborderons la problématique alcoolique en fonction du groupe familial dans lequel est offerte la réactivation des processus psychiques liés au vécu affectif et imaginaire de ses membres.
4Nous reprendrons le vécu de la famille en le situant explicitement dans le contexte de la dépendance, composante fortement structurante du sujet alcoolodépendant dont les alcoolisations engendrent des perturbations familiales. Ainsi, nous tenterons de percer la contradiction apparente entre les allégations de l’alcoolodépendant à propos de l’attachement à ses proches et le recours à l’alcool, à la fois organisateur et perturbateur des relations familiales. En effet, les travaux des psychiatres, des psychanalystes et des systémiciens (P. Fouquet, J. Clavreul, L. Cassiers, J.-P. Roussaux) ont non seulement accueilli l’expression d’une souffrance collective mais aussi mis en évidence la circularité des jeux relationnels et la fonction stabilisante du symptôme alcool, et le rôle que l’entourage peut jouer dans la persistance ou la résolution du comportement d’alcoolisation.
5Nous illustrerons notre étude par la présentation d’une situation familiale rendant compte de notre pratique clinique face à la problématique alcoolique.
6Enfin, pour terminer, nous tenons à préciser que pour nous, le terme « familial » vient qualifier les relations entre les individus dans la famille.
7Ce travail ne prétend pas être exhaustif mais propose plutôt d’indiquer les repères conceptuels pour aborder le problème de la prise en charge familiale face à des sujets présentant une problématique de dépendance.
La famille
8Traditionnellement en France, la famille est considérée comme ayant été construite sur un modèle hiérarchique obéissant à un ordre patriarcal qui permettait de coordonner les intérêts des membres de la famille. À l’inverse, la « famille moderne » [2] devenue progressivement individualiste et relationnelle a subi des évolutions sociétales faisant de l’individu la cellule de base de la société. De ce point de vue, « la famille dit la société dans laquelle elle est prise » [3]. Elle est un groupe spécifique composé majoritairement de membres liés dans des modalités d’alliance, de filiation et de fraternité qui dépend de l’organisation du système de parenté, c’est-à-dire d’une hiérarchie, des places prédéterminées, du père, de la mère, de l’enfant, et des liens entre ces places également préétablis. « La famille paraît d’abord comme un groupe naturel d’individus unis par une double relation biologique : la génération, qui donne les composants du groupe ; les conditions de milieu que postule le développement des jeunes et qui maintiennent le groupe pour autant que les adultes générateurs en assurent la fonction [4]. »
9De la famille centrée autrefois sur le patrimoine à transmettre se dégage la considération d’une sphère privée familiale faite d’amour conjugal et de naissance de « l’enfant du désir » prise dans les modalités du lien des membres de la famille dans leurs relations familiales et extrafamiliales. « Du fait du déclin de l’institution familiale se manifestent au grand jour les paradoxalités privées de la vie de famille [5]. » Elle est généralement beaucoup moins institutionnalisée et beaucoup plus « intimisée », et se définit sur un projet commun en privilégiant l’avenir. Sa taille s’est progressivement réduite au cours du développement de nos sociétés, jusqu’à la famille nucléaire (père, mère, enfant), noyau qui actuellement tendrait à se déstructurer du fait de la fréquence des séparations conjugales.
10Ainsi, la famille nucléaire et/ou élargie au milieu d’origine est un des plus puissants systèmes auxquels appartient un individu après l’appartenance à la société. Pour les démographes, il s’agit d’un groupe constitué par des individus ayant un lien de parenté habitant ensemble pendant un laps de temps plus ou moins grand, groupe qui peut se faire, se défaire et se refaire. Pour Yvonne Castellan [6], la famille est une réunion d’individus unis par les liens du sang, vivant sous le même toit ou dans un même ensemble d’habitations et partageant une communauté de services. Mais, selon Francine André-Fustier [7], la famille est un groupe qui forme une entité particulière avec ses propres lois de fonctionnement. Elle est soumise aux lois symboliques qui régissent tout groupe humain dont elle constitue une sorte de proto-groupe. Son objectif étant le bonheur, mais aussi la transmission de la vie, de la langue, de la civilisation. Ce n’est pas une somme d’individus mais un ensemble organisé, caractérisé par des liens d’alliance, de filiation, de consanguinité. Ces liens sont régis par les interdits fondamentaux du meurtre et de l’inceste.
11Dans la logique systémicienne, la famille est définie par rapport au comportement de chacun des membres et de l’interaction de ses comportements entre eux. La famille est une totalité différente structurellement de la somme de ses parties. Les systémiciens vont définir la famille comme un système, c’est-à-dire un ensemble d’individus en interaction gouvernés par une série de règles implicites et explicites, se référant à des valeurs attribuant parfois à certains de ses membres des rôles spécifiques, soutenant collectivement un mythe, une image d’un idéal familial. « Les membres sont liés entre eux par un sentiment d’appartenance qui peut se manifester par des liens de loyauté entre générations (filiation) et dans un même système de génération (la fratrie, le couple) pouvant rendre les espaces personnels (d’autonomisation) difficiles à préserver [8]. »
12Philippe Caillé n’hésite pas à souligner les difficultés de définir aujourd’hui ce qu’est une famille vu l’étendue de l’éventail de configurations stables qui réunissent des adultes et des enfants dans un lien de filiation biologique ou juridique. Il soutient que l’ensemble du tissage interrelationnel familial et des rôles attribués à chacun de ses membres permet de développer un « absolu relationnel » ou « récit fondateur », ou encore ce qu’il nomme le « plus-un » du système familial qui contribuera à son identité. Selon lui, une des fonctions essentielles de la famille serait de fournir « un terreau émotionnel suffisamment riche pour permettre à ses membres de se créer une identité propre » [9]. Pour Michel Delage [10], fidèle aux théories de l’attachement, une famille constitue toujours une base de sécurité : la famille est le lieu dans lequel chaque nouvel arrivant au monde trouve à exprimer et réguler ses émotions et à les mentaliser, quelle que soit la configuration de cette famille.
13Dans une optique psychanalytique, Alberto Eiguer [11] parle du « nous » qui touche à l’identité commune des membres d’une même famille et qui rejoint les notions de « corps familial ». Il souligne que ce « nous » acquiert une autonomie par rapport aux « je » des individus formant une famille. Différentes dimensions impliquées dans le lien intersubjectif entre les membres d’une famille renvoient aux places symboliques qu’ils vont occuper. Selon lui, la famille est forte du fait qu’elle bâtit un collectif où les lignes imaginaires et symboliques sont nombreuses et enchevêtrées, créant ainsi un réseau trans-subjectif qui construit ce nous familial.
14Mais la famille ou plutôt l’espace familial, quelle que soit sa configuration, est un espace tensionnel, creuset d’attentes plurielles au carrefour de celles de chacun de ses membres. Au gré des dynamiques inter- et intra-individuelles, des fluctuations psychiques individuelles et groupales, va se constituer un point d’externalité plus ou moins négatif. Il est fréquent que le parcours de la famille soit amené à se confronter à des mouvements pulsionnels âcres et violents, une violence dont l’essence est psychique et qui se manifeste de manière insidieuse en s’infiltrant dans des situations courantes. Face à un risque de délitement des liens vont intervenir des professionnels indispensables à un travail de libération. L’approche psychanalytique vient éclairer ce qu’il en est de ces mouvements psychiques qui conditionnent la qualité des liens et des relations au sein de la famille.
15Pour aider les familles fragilisées, il est nécessaire de prendre du temps pour redéfinir les nouvelles places des uns et des autres, et pour travailler sur la mentalisation de ce qui demeurait impensable, voire irreprésentable, ainsi que sur l’élaboration des liens afin d’arriver à un apaisement émotionnel. Selon Serge Héfez [12], le rôle du thérapeute face aux souffrances familiales serait d’aider au développement et à la concrétisation par l’expression d’une « rêverie familiale ». Il s’agirait donc pour le thérapeute familial de comprendre et de soutenir ce qui aide les familles à rester ensemble, à « fabriquer de la famille ».
La théorie du lien en psychanalyse appliquée au groupe familial
16Si, d’un côté, la famille résulte de constructions sociales variables selon les époques et selon les cultures, d’un autre côté, elle apparaît comme une réponse à la nécessité qu’éprouvent les humains d’être liés. Il a été montré combien le besoin absolu de relation génétiquement déterminée est perceptible dès la naissance dans l’intensité du regard du nouveau-né. Michel Delage distingue la relation de l’interaction et du lien en remarquant qu’il ne suffit pas d’être en relation pour être lié, la relation se définissant à partir d’échanges durables possédant un caractère qualitatif (relations sociales, professionnelles, de voisinages, amicales, amoureuses, relations bonnes ou mauvaises, stables ou instables).
17L’interaction concerne les comportements observables entre des individus en train de communiquer ici et maintenant. Il situe des différences de niveaux dans la famille entre le niveau communicationnel et interactionnel, et le niveau relationnel qu’il distingue nettement du niveau des liens inscrivant les partenaires de la famille dans un ensemble où se mêlent les réalités psychiques des uns et des autres, et où se définissent des places reliant chacun au symbolique. La famille représente bien au-delà d’un ensemble d’individus en relation, elle répond à une nécessité de constituer un espace privé qui préserve l’intimité, la proximité de ceux qui la constituent, elle « signifie l’existence d’une réalité invisible à l’origine d’un espace virtuel, d’un entre plusieurs qu’on peut nommer l’espace intime de la famille, et qui fait de celle-ci une singularité à laquelle chacun est lié par une appartenance où s’entrecroisent ses inclinations affectives et son inscription dans les structures de la parenté » [13].
18Il est nécessaire de différencier le lien de la relation d’objet afin de rendre compte de la spécificité du lien. Le lien concerne les relations dans leurs dimensions d’appartenance. La famille, premier groupe d’appartenance, est régie par des liens spécifiques : liens d’alliance ; liens consanguins ; liens de filiation ; liens avunculaires (le lien de la mère à sa famille d’origine, et donc le lien de l’enfant à la famille de la mère) ; liens généalogiques ; liens du groupe familial avec l’extérieur. Dans la famille, les liens narcissiques [14] et les liens objectaux s’entremêlent et contribuent à la solidité de la relation dans la famille. Le narcissisme familial [15] permet à chaque membre de la famille de construire son propre narcissisme en assise sur ses liens d’appartenance et participe à l’image que la famille en tant que groupe a d’elle-même, le « soi familial » [16]. « Être en lien suppose non seulement d’aller au-delà de son narcissisme propre, mais aussi de le mettre au service de “l’être avec l’autre” pour chercher les points communs dans lesquels nous allons trouver le narcissisme de l’autre et fonder ainsi un narcissisme partagé où le lien sera reconnu comme unique, identique à lui-même, et l’étayage de l’identité de chacun [17]. »
19Selon Alberto Eiguer, les membres de la famille construisent un nous qui touche leur identité commune et qui s’enracine dans leur inconscient. « Si le nous familial peut se formuler, c’est parce qu’il acquiert une autonomie par rapport au je des individus formant une famille [18]. » Il qualifie ce nous de spécifique, imprédictible et non déductible au vu des particularités psychiques des sujets familiaux. Le trans-subjectif introduit une nuance, en laissant en suspens la notion d’individu, « le nous et tous les miens » [19].
20En psychanalyse, Wilfred Bion [20] est le premier à avoir développé une théorie du lien qu’il définit comme la relation du sujet avec une fonction plutôt qu’avec l’objet qui le favorise. Il distingue un lien intrapsychique – lien entre la pulsion et la représentation, entre des représentations différentes, entre la pensée et l’affect, entre le sujet et sa propre capacité de penser – et le lien interpersonnel. En Argentine, Ernest Pichon-Rivière [21] développe de son côté une théorie du lien. Il affirme qu’« il n’y a pas de psychisme en dehors du lien à l’autre ». Le lien est une structure complexe qui inclut le sujet, l’objet et leur mutuelle interaction à travers des processus de communication et d’apprentissage, dans un cadre intersubjectif. Ceci vient rappeler la sociologie interactionniste d’Erving Goffman [22] pour qui l’individu se constitue à l’intérieur d’un réseau de liens et appartient à celui-ci. Pour Alberto Eiguer [23], le lien suppose une dimension intra- et intersubjective, il est le fruit d’une interaction comportementale et fantasmatique entre deux psychés qui s’influencent réciproquement. Le lien « je-tu » est celui de l’intersubjectivité.
21René Kaës [24] s’attache à penser avec la psychanalyse ce qui spécifie une approche du lien et parle de configuration du lien dans un ensemble particulier qu’est tout groupe, et par conséquent le groupe familial qu’il distingue du lien en tant que lieu d’une réalité psychique. Il définit le lien comme la réalité psychique inconsciente spécifique construite par la rencontre de deux ou plusieurs sujets. Les effets de réalité que constitue l’irréductible altérité de l’autre dans le lien engagent à comprendre cette autre réalité psychique produite dans le lien, « la réalité inconsciente commune, partagée et différente pour chacun des partenaires d’un lien » [25]. Le lien s’organise sur les tensions entre trois composantes : le commun, le partagé, le différent. Le commun est la substance psychique qui unit les membres d’un lien (un trait, un espace, un désir, un fantasme, des espaces oniriques, des idéaux, des signifiants communs). Le commun suppose la perte des limites individuelles de ses membres, une certaine indifférenciation. Le partagé correspond à la part ou à la place complémentaire de chaque sujet dans un fantasme, une alliance, un contrat un système défensif qui désormais les lie entre eux dans un espace, un processus psychique partagé. Le différent prend en considération l’écart dans le lien entre les sujets au point où leur différence révèle ce qui ne peut être entre eux commun ou partagé. « Dans le groupe, nous n’avons pas seulement affaire à une altérité en terme de l’Un ou du Deux pour penser l’autre, mais à une altérité plurielle que j’exprime comme le rapport à plus d’un autre [26]. »
22Ce lien est compris comme ce qui, dans la relation entre deux ou plusieurs personnes, n’appartient ni à l’un ni à l’autre, mais appartient à l’un et l’autre ensemble. Ce qui fait que les individus sont liés, c’est précisément quelque chose qui ne peut être différencié entre eux, et qui les conduit à être les uns et les autres constitutifs d’un ensemble qui en même temps les constitue. On peut dire que le lien se construit et ne dure que grâce au refoulement « de ce qu’il ne faut pas savoir » qui permet de maintenir la face cachée des choses grâce aux collusions et pactes inconscients, qui seront particulièrement à l’œuvre dans la « codépendance » des familles alcooliques.
23René Kaës [27] distingue à propos du lien les états du lien et les structures du lien. Les états du lien correspondent à ces liens immédiats et supposent un état d’indifférenciation primaire nécessaire à la transmission directe des états émotionnels inconscients qui constituent la dépendance originaire à travers le soin, le bain sonore et langagier, le soutien et le maintien prodigués par le groupe familial au nourrisson. Cette recherche de la dépendance originaire se manifeste ensuite dans les groupes et donc dans le groupe familial par « la quête impérieuse de l’ambiance » [28] faite des affects, des émotions, du sensoriel qui circulent en deçà du langage. Les structures du lien correspondent à une différenciation des membres les uns par rapport aux autres, assurant l’écart nécessaire à la transmission et permettant la séparation. Selon René Kaës, le « pacte dénégatif » [29], qui est un accord inconscient sur ce qui doit rester inconscient, non dit, non représenté, est nécessaire à l’organisation du lien et au maintien d’une communauté d’intérêts dans les relations entre les sujets. Il est à l’œuvre dans la famille avec sa première polarité qui organise le lien sur des représentations inconscientes visant à satisfaire les désirs, et son autre polarité, défensive, par laquelle le lien s’organise sur ce qui sera refoulé, dénié ou rejeté. Ainsi, le lien met en jeu la rencontre entre deux psychismes, il met en jeu l’identification réciproque, il renvoie au narcissisme et il représente aussi un investissement objectal.
24Au sein du fonctionnement familial, les liens narcissiques et libidinaux s’entrecroisent sans cesse. Lorsque les liens narcissiques envahissent la scène au détriment des liens libidinaux témoignant d’un déséquilibre, cela correspond à une fragilité familiale. Un fonctionnement régressif familial s’installe. Le fonctionnement dominant des liens narcissiques dans la famille provoque une tendance vers l’indifférenciation des liens et une grande souffrance. Ces positions narcissiques familiales s’opèrent soit sur le mode fusion-rupture, soit sur des modes pervers narcissiques (idéalisation, dénigrement, confusion des générations). Selon Christiane Joubert, les deuils non faits dans les lignées entraînent une prévalence des liens narcissiques dans la famille et un fonctionnement dans l’indifférenciation, ce qui renvoie aux problématiques de la transmission psychique inconsciente entre les générations, la référence à deux lignées généalogiques, liée à leur histoire transgénérationnelle.
25Dans la famille, les sens collectifs donnent un sens à la vie de chacun. Cela se cristallise dans les perspectives réalisées en commun. Le sens constitue l’un des piliers du nous et participe à faire l’existence de cet objet qu’est la famille. Si le sens devient une affaire collective, c’est parce que les membres de la famille se trouvent en relation intersubjective et tissent un maillage psychologique. « La famille se donne un sens, c’est sa force et sa fragilité. Sa force parce que, grâce au sens, elle se définit et se projette dans l’avenir ; sa faiblesse, parce qu’elle vacille quand le doute s’installe [30]. »
Le dysfonctionnement familial alcoolique
Notion de codépendance
26Le concept de codépendance est né aux États-Unis dans les années 1980 et visait au départ l’entourage de l’alcoolique ; il s’est étendu par la suite aux relations malsaines ou dysfonctionnements familiaux face à l’émergence d’une théorie systémique ainsi qu’à une professionnalisation des intervenants. Melody Beattie dans son ouvrage princeps en propose la définition suivante : « L’individu codépendant est celui qui s’est laissé affecter par le comportement d’un autre individu et qui se fait une obsession de contrôler le comportement de cette autre personne [31]. »
27En fait, la notion de codépendance prend son origine dans la prise de conscience que la dépendance n’est pas un phénomène qui touche la personne dépendante uniquement, mais également son entourage familial, quand l’organisation de la vie familiale se fait autour et en fonction des conduites alcooliques du buveur.
28Elle participe à l’idée – que certains n’hésitent pas à qualifier d’excessive – que les conduites d’alcoolisation engagent une « maladie familiale », c’est-à-dire que lorsqu’une personne est devenue dépendante de l’alcool, elle génère chez les proches des comportements spécifiques d’adaptation aux difficultés, et notamment que les préoccupations liées à l’alcool envahissent tous les aspects de la vie du conjoint au détriment de son propre épanouissement : « La femme de l’alcoolique met au point un véritable arsenal de stratagèmes afin de pallier à la vie chaotique que lui impose son mari. Elle se doit de gérer la vie de la famille et de l’adapter au rythme des alcoolisations [32]. »
29À force de vouloir aider l’autre et pallier les difficultés induites par son alcoolisation en endossant à sa place le maximum de responsabilités de manière à maintenir l’unité familiale, le partenaire déresponsabilise le buveur en le désignant comme « malade » alcoolique et participe, par cette déresponsabilisation, au maintien et à la persistance des conduites d’alcoolisation. Autrement dit, en subissant les conséquences de la dépendance à l’alcool de son partenaire alcoolique, le conjoint développe des mécanismes de codépendance qui participent à l’homéostasie du système conjugal et contribuent à la pérennité du fonctionnement du couple. Le lien se construit fréquemment sur la sécurité et la stabilité du membre dit sain et le « non-alcoolique » reste le seul à supporter les excès du conjoint. L’alcool s’impose en dénominateur commun tant il se situe à la fois du côté du conjoint souffrant de la maladie alcool, du côté du couple, en renvoyant à un comportement de codépendance qui favorise la poursuite de l’alcoolisme du conjoint, et également parce qu’il nourrit la crise en conviant ses auteurs à des excès paroxystiques.
30Du côté du partenaire buveur, l’angoisse fondamentale de séparation alimenterait des mécanismes de codépendance : « j’accepte tout plutôt que de te voir me quitter ». C’est le cas du conjoint qui assimile la position de victime et s’arrange pour que toute la vie conjointe tourne autour de sa souffrance. Il peut ainsi exercer un pouvoir sur les décisions en possédant un art de la maîtrise de la relation, que l’on peut qualifier de relation d’emprise qui implique la domination à travers son action d’appropriation de l’autre. « L’emprise est en dernière analyse, une tentative d’assujettir l’autre aux fins de rendre le lien figé et de soulager à tout jamais de l’angoisse d’incomplétude [33]. » Et chez le malade alcoolique, le recours au produit introduirait un plaisir infantile régressif et engendrerait la mise à distance des affects tout en permettant au sujet d’être physiquement présent dans la relation, en demeurant en retrait des initiatives concernant la vie familiale.
31Un concept émergé du milieu Al-Anon [34] est celui de « co-alcoolisme », qui est employé souvent à la place de celui de « codépendance » tant le glissement de l’un à l’autre persiste chez les auteurs et ne fait pas l’objet d’un consensus parmi les soignants. Ce concept demeure, encore imprécis dans ses limites : « Ainsi pensons-nous que le terme générique de codépendance est flou et suscite l’éclatement davantage que la précision [35]. »
32Alors que des études américaines mettent davantage l’accent sur le rôle de victime ou de personne en souffrance chez le co-alcoolique, en insistant sur la dimension individuelle de la maladie alcoolique au détriment du symptôme familial, J.-P. Roussaux, qui a développé ce concept depuis 1982 et le qualifie volontiers de concept « mou » [36], c’est-à-dire aux origines diverses et obscures, et susceptible de connaître une extension outrancière et pour lequel les références scientifiques sont peu nombreuses, propose la définition suivante pour caractériser cette relation particulière concernant l’alcoolique et son co-alcoolique, en évoquant un comportement actif de la part du co-alcoolique : « Agir en sorte que se perpétue l’alcoolisation en voie d’installation ou déjà installée, d’un proche désigné par son symptôme comme l’alcoolique [37]. » En effet, les personnes co-alcooliques présentent des comportements qui permettent à l’alcoolique de maintenir sa consommation d’alcool, en le protégeant des conséquences néfastes de ses consommations et en préservant le pseudo-équilibre de vie mis en place : « Le co-alcoolique, c’est celui ou celle qui permet, le plus souvent involontairement, que l’alcoolique puisse continuer à vivre sa vie personnelle, conjugale ou professionnelle, sur le même mode [38]. » Il empêche l’alcoolique de se heurter aux limites imposées par la réalité extérieure en lui facilitant la vie : « Le co-alcoolique glisse une main protectrice entre la tête de l’alcoolique et le mur de la réalité [39]. » Le co-alcoolique, plein de sollicitude, favorise sans en être conscient le développement de l’alcoolisation de son conjoint.
33Devant la honte éprouvée, il se présente comme celui qui a sacrifié sa vie pour le bien de son partenaire. L. Israël décrit cette situation clinique à travers le choix du conjoint du co-alcoolique et propose une sorte de portrait-robot de la femme de l’alcoolique, y remplissant le rôle idéal féminin selon les canons conventionnels et qualifié par la suite par certains auteurs de tableau caricatural aux simplifications hâtives. Par identification à la mère qui n’a été qu’épouse dans la sollicitude, la « matrone caritative », le futur conjoint choisit une femme, un homme qui lui-même deviendra alcoolique. Cette description de l’épouse de l’alcoolique l’inscrit avec son conjoint dans un destin auquel il leur est impossible d’échapper et permet d’expliquer la répétition : « Il s’agit d’une relation privilégiée à la mère, mère qui elle-même, était l’élément dominateur du couple parental [40]. » Selon J.-P. Roussaux, ce type d’épouse dominatrice et autoritaire s’appuie sur une image maternelle puissante. Il la répertorie sous le terme du « conjoint dominateur » parmi les différents modèles de conjugalité qu’il décrit. Il distingue par ailleurs quatre autres configurations :
- « Le connaisseur ès alcoolisme » : il s’agit du conjoint qui a été confronté à l’alcoolisme d’un proche, dans sa famille d’origine et qui entretient un mode de relation à l’alcool qui oscille du rejet à la banalisation, que ce soit pour lui ou pour son conjoint.
- « Le mariage dans la sollicitude », où la femme est avant tout maternante pour son conjoint considéré comme un enfant de plus. C’est une femme de devoir, préoccupée par son rôle de bonne mère et de bonne épouse ; la place de l’homme à la maison l’indiffère et elle délaisse le domaine de la sexualité conjugale. « Le désir d’un homme les inquiète et les effraie [41]. »
- « Le surinvestissement d’activités extraconjugales » : c’est le cas de certains couples où la femme s’alcoolise face à l’absence du mari, qui est davantage tourné vers sa vie professionnelle et sociale, l’essentiel de ces investissements se fait à l’extérieur. La vie relationnelle au sein du couple et de la famille est très pauvre en affects.
- Et enfin, « le mariage de la dernière chance », où la dépendance du co-alcoolique au conjoint est particulièrement accrue et remonte dans le passé à une rupture (deuil, séparation). Le conjoint vient combler un manque et peu importe s’il est alcoolique.
34On voit ainsi que, dans un couple alcoolique-co-alcoolique, se développe un phénomène de pseudo-complémentarité et que ce jeu de codépendance génère à la fois de la souffrance conjugale et des bénéfices secondaires quant à la place que chacun occupe en tant que sujet, et qui rend la situation acceptable. Mais quand survient un événement qui bouscule l’équilibre précaire de la dynamique conjugale le conjoint se décidera à s’orienter vers une consultation car il aura atteint un point de limite : « Les conjointes d’alcooliques consultent dans la rupture, rupture provoquée par un événement, un acte insoutenable commis par l’autre et qui vient tout à coup donner un sens à des années de silence où elles ont caché, nié l’évidence [42]. »
Alcoolisme et fonction familiale
35L’observation clinique nous invite le plus fréquemment à considérer l’aspect familial dans la prise en charge d’un patient alcoolique car il est démontré que la famille joue un rôle considérable dans la problématique de l’alcoolisme. Différents auteurs systémiciens se sont investis dans l’analyse de ce lien à établir entre alcoolisme et famille (J.-P. Roussaux [43], P. Steinglass [44]) et n’hésitent pas à parler de ce « pouvoir des autres » [45] comme une dimension caractéristique de l’alcoolisme. Peter Steinglass qualifie ces familles de « familles alcooliques », désignant celles pour qui s’est opérée la réorganisation familiale autour de l’alcool générant dans la dynamique familiale un dysfonctionnement alcoolique.
36Les réactions de rejet ou d’étouffement de la part des différents membres de la famille à l’égard du patient alcoolique soutiennent également ce rôle de l’entourage. Il s’agit de l’entourage immédiat d’un malade de l’alcool (conjoints et enfants dans la majeure partie des cas ou enfants adultes), ce premier cercle familial correspondant à la famille nucléaire et étant le noyau souffrant en prise directe avec le buveur. Ces enfants de parents « qui boivent » ou ces adultes ayant vécu dans une famille sous l’emprise de l’alcool gardent les traces de leur passé inscrites dans leur façon d’être (le syndrome des « adultes ex-enfants d’alcooliques ») et développent le plus souvent un comportement de codépendant assuré par la transmission où pointe l’angoisse déjà éprouvée face à cette maladie.
37En effet, le codépendant cherche longtemps à arranger, à excuser, puis la pathologie s’aggravant, il fait preuve de plus en plus d’abnégation mais aussi de ressentiment, en endossant de plus en plus de responsabilités et de rôles. La complexité des jeux relationnels de codépendance fait qu’un climat d’incertitude et d’angoisse s’installe dans ce vécu projectif toujours centré par rapport à l’autre qui vient exprimer une quête désespérée du lien.
38Toutefois, ce concept reste très utile dans le traitement et la prise en charge de l’alcoolique et de son entourage, quelles que soient les différences des réponses d’une famille à l’alcoolisme d’un de ses membres. C’est un outil didactique qui permet d’exposer clairement aux familles d’alcooliques les difficultés qu’ils sont eux-mêmes susceptibles de rencontrer dans leur vie avec un alcoolique. C’est également un concept psychologique qui permet d’attirer l’attention des professionnels sur l’entourage de l’alcoolique et concevoir ainsi un traitement spécifique contre « la maladie de la perte de soi » [46], considérée en tant qu’« entité morbide » [47] par certains auteurs. La codépendance serait dans cette conception un faisceau de traits de personnalité retrouvé de façon habituelle chez la plupart des membres de famille dépendante. Par exemple, la culpabilité de ne pas assez « entourer » celui qui est souffrant du symptôme alcool au détriment de sa propre souffrance physique et psychique. On définira la personne codépendante comme ayant tendance à gérer les problèmes de l’autre, à le protéger, à faire sienne sa souffrance, tout cela en secret, par crainte du jugement d’autrui.
39Cette codépendance a été mise en lien avec des émotions telles que la peur, la honte, l’imprévisibilité, l’instabilité et le doute et apprendre à les nommer peut faire prendre conscience des impacts de la dépendance sur le système familial. Il s’agit de modifier son mode de communication en s’appuyant sur le ressenti, c’est-à-dire ne pas être en accusation de l’autre afin de reconnaître sa codépendance.
40La codépendance prenant naissance dans la famille d’origine, le milieu familial n’a pas reconnu ce que Melody Beattie [48] appelle les caractéristiques naturelles d’un enfant : sa valeur, sa vulnérabilité, son imperfection, sa dépendance et son immaturité. Un attachement de type insécure est souvent remarqué chez les enfants de parents dépendants représentant un type d’attachement négatif caractérisé par l’ambivalence des enfants à l’égard des figures d’attachement et correspondant à des perturbations dans leur développement psychoaffectif. Des problèmes cognitifs, des difficultés relationnelles et une faible estime de soi peuvent en découler. L’individu développe alors des attitudes et des comportements de survie construisant ainsi sa propre dynamique de codépendance.
41On estime qu’au moins 5 à 7 personnes souffrent de la codépendance quand il y a une personne dépendante de l’alcool dans une famille. En effet, les rôles joués par les membres de la famille sont modifiés, les hiérarchies intrafamiliales sont perturbées. Devant l’abandon du rôle de parent du dépendant, c’est l’autre qui doit assurer le manque et endosser des rôles qui ne lui sont pas destinés. Une des dynamiques rencontrées au sein de certaines familles de parents dépendants est la parentification, soit l’inversion des rôles face aux distorsions de la fonction parentale. L’enfant face à l’alcoolisation du parent est amené à jouer un ou plusieurs rôles parmi sept rôles principaux correspondants chacun à une dynamique spécifique (liste de Sharon Vegscheider, thérapeute et membre des Al-Anon [49]) : le héros chargé d’afficher à l’extérieur de sa famille par le biais de sa réussite que tout va bien, le sauveteur, précocement parentifié, le bouc émissaire avec le risque de passage à l’acte et de prises de substances psychoactives à l’adolescence, le clown, l’enfant invisible qui se réfugie dans un monde imaginaire, le petit roi, devenant souvent tyrannique, ou l’enfant déficient intellectuel manifestant sa douleur à vivre en sacrifiant son intelligence. L’enfant s’identifie à la position parentale qui fait défaut dans le système parental ; il est dès lors défini par les besoins de l’un ou de l’autre des parents et se trouve pris dans un conflit de loyauté envers eux. La parentification est un frein à la socialisation car l’enfant est placé dans une situation où il se sent forcé d’endosser prématurément un rôle parental et d’assumer des responsabilités d’adulte. Il sacrifie son enfance au profit de l’équilibre familial. Par conséquent, la vie sociale est souvent réduite à cause des manques du dépendant ou du renoncement des autres membres de sa famille. La famille s’enferme dans un silence essayant de dissimuler ainsi le problème. « Ce sont les familles sans crise qui s’obligent à l’harmonie à tout prix, qui répriment l’ébauche de tout désaccord, qui sont aussi celles qui génèrent le plus de maladies somatiques et au sein desquelles un événement de santé risque le plus de se chroniciser [50]. » Paradoxalement, ce n’est que le jour où l’entourage aussi peut s’intéresser à autre chose et prendre de la distance par rapport à cet alcoolisme que le patient devient libre de prendre lui-même en main sa situation.
42Ainsi, lorsque l’alcoolique exprime le souhait de s’abstenir de consommer de l’alcool, tout l’équilibre de la famille est perturbé, qui se retrouve sans liant alcool stabilisateur. La famille est confrontée à des conséquences négatives et l’alcoolique devenu abstinent se heurte aux dommages qu’il a causés à sa famille et à lui-même. L’abstinence va conduire à une redistribution des rôles dans la famille à travers l’élaboration de nouvelles règles de fonctionnement et il s’agira de donner un soutien au changement opéré dans la famille et d’aider celle-ci à se réorganiser. De ce fait, l’arrêt de la consommation d’alcool justifie la nécessaire prise en charge de l’entourage conjointement à celle de l’alcoolique.
Approche systémique de l’alcoolodépendance
43Par la théorie des systèmes, la famille est envisagée sous la forme d’un système, c’est-à-dire que l’ensemble de la famille est affecté par les comportements de chacun de ses membres. Un changement de comportement d’un des membres de la famille provoque un changement de comportement d’un autre ou de plusieurs (processus de rétroaction) selon un phénomène circulaire. Tout système familial est composé de personnes en étroites relations circulaires et interdépendantes. Elles sont unies par les liens du sang, les alliances et par certaines conventions et valeurs. Selon Paul Watzlawick [51], dans une famille, le comportement de chacun des membres est lié au comportement de tous les autres et en dépend.
44Dans l’approche systémique, l’alcoolisme est perçu comme un symptôme qui se développe au moment où le système familial doit faire face à des perturbations qui mettent en péril son équilibre et ses règles de fonctionnement. Il représente l’expression des difficultés interrelationnelles au sein du système familial. Les problèmes d’alcool d’un individu se développent dans un certain contexte relationnel, incluant les relations familiales. La dépendance à l’alcool est ainsi considérée comme une maladie qui n’affecte pas uniquement l’individu mais la totalité du système familial : relation conjugale, fonctions parentales, relations avec la famille d’origine (parents, frères et sœurs) et relations professionnelles. L’alcoolisme d’un des membres de la famille affectera les autres qui développeront des comportements de défense, de protection, de survie. Chacun de ses membres va tenter de se protéger au mieux des violences inhérentes à la consommation (violence en acte, en parole, par négligence ou manque de sécurité…). Sa conduite majore l’anxiété familiale et provoque la survenue de crises. « Les répercussions négatives relevées sont, entre autres, la présentation de symptômes de stress et d’anxiété chez les membres non alcooliques de la famille, un plus haut niveau de violence intrafamiliale [52]. »
45La situation d’alcoolisation implique toujours les proches de l’alcoolodépendant et nécessite une perception circulaire du phénomène permettant de découvrir la fonction stabilisatrice du symptôme, la traduction de la souffrance collective et le rôle joué par l’entourage dans le maintien ou la résolution du problème. Au même titre que la dépendance à l’alcool d’un individu est à l’origine de dysfonctionnements familiaux, les difficultés familiales engendrent à leur tour des alcoolisations. Ainsi, la famille est le système « malade » auquel la thérapie doit s’appliquer et l’alcoolique devient le patient identifié, c’est-à-dire le révélateur d’une dynamique particulière qui englobe toute la famille. « Une unité systémique où l’un des membres est étiqueté comme “pathologique” crée des modes de communications spécifiques à cette pathologie [53]. » En effet, le symptôme d’alcoolisation apparaît fonctionnel au sein du couple ou de la famille, il empêche le changement, il maintient les règles internes à la famille. L’alcoolisme va venir protéger la famille d’un danger menaçant en maintenant l’homéostasie et en permettant de sauvegarder l’organisation familiale initiale.
46Par ce rôle stabilisateur, l’alcoolisme acquiert une fonction adaptative qui va permettre au système familial de résister au changement, résistance renforcée par les différents membres qui entretiennent inconsciemment la dépendance de l’alcoolique dans un souci de préserver la stabilité du système familial. Il s’agit de maintenir les conséquences bénéfiques que ses prises d’alcool ont sur le système et d’en masquer ainsi l’importance et finalement empêcher sa remise en question.
47Dans leur fonction homéostatique du système, les relations familiales s’organisent autour du maintien des liens du buveur avec ses conduites d’alcoolisation : « Au sein de cette dynamique familiale, l’entourage du buveur est invité dans une danse où le but prioritaire devient la conservation par le buveur du lien privilégié qu’il a établi avec son usage de l’alcool [54]. »
48Le système est ici la famille dont l’alcool fonctionne comme un principe organisateur, voire constitue un pivot organisationnel, c’est-à-dire que toutes les activités familiales sont effectuées en fonction de la recherche ou de l’évitement de l’alcool. L’abus d’alcool prend place non seulement dans les rituels familiaux mais aussi dans le fonctionnement de la vie quotidienne fait de comportements prédictibles pour l’ensemble de la famille venant rassurer paradoxalement ces familles qui sont intolérantes à l’aléatoire. Le système à transaction alcoolique est représenté par une spirale de répétitions, de recommencements. Plus la personne alcoolodépendante perd le contrôle sur ses consommations et leurs effets, plus elle doit prendre le contrôle sur les conduites et les sentiments de ceux qui composent son environnement. Elle va établir des coalitions avec l’un ou l’autre des enfants engendrant des tensions émotionnelles, la cohésion des décisions parentales devient incertaine, amplifiant l’insécurité et le laisser-aller, et on assiste à une altération des compétences parentales.
49Ces familles disposant d’une homéostasie fragile ont pendant l’imprégnation alcoolique d’un des leurs des comportements pathogènes très stéréotypés, avec un renforcement de la fixité des rôles dont la signification s’enchaîne sur celle des périodes sobres consistant à « jouer » leurs problèmes non résolus, voire même y apporter une espèce de solution. « Les périodes d’ébriété sont donc aussi des espèces de catharsis qui soulagent les tensions intrafamiliales sans pour autant conduire à la rupture, mais non plus à une solution véritable [55]. » Mais ceci menacerait, en cas de réalisation effective, la stabilité de la famille, déjà en équilibre précaire. Les membres de la famille mettent en acte des règles dysfonctionnelles intriquées et complémentaires, et une distribution inconsciente des rôles stabilisateurs se met en place, à l’insu même des protagonistes, assurant la pérennité du système. Ces règles relationnelles rigides ont un coût pour chacun de ses membres et empêchent l’adaptation au cycle développemental de chacun ; la famille constituant un lieu d’expérimentation de l’individuation, de narcissisation, d’identification et de consolidation de la personnalité.
50Dans le cadre d’un modèle de compréhension des dynamiques familiales sous dysfonctionnement alcoolique, quatre règles familiales dysfonctionnelles issues des travaux de Sharon Wegscheider-Cruse [56] inspirés par le courant humaniste de thérapie familiale de Virginia Satir ont été répertoriées :
- La règle de déni ou de minimisation : une organisation des croyances pouvant aller jusqu’au déni, destinée à conserver, construire ou renforcer une vision du monde ou un cadre de référence. Elle s’appuie sur une programmation linguistique, cognitive et émotionnelle, des jeux relationnels complexes. « Cette règle peut imposer sa propre logique et devenir la nouvelle réalité partagée [57]. » Les attitudes sont celles de la banalisation, de la rationalisation, du repentir, de la menace, de la séduction, de la confusion hiérarchique. Les mécanismes cognitifs consistent à sélectionner, distordre, exclure, modifier certains stimuli perceptifs ou leur signification et ainsi amoindrir l’impact des conclusions. Ces mécanismes créent une dissociation entre le niveau de compréhension émotionnelle et le niveau cognitif, ceci va se traduire par des rationalisations, des scenarii à conclusion optimiste. Certains enfants renoncent à comprendre, perdent leur appétit de savoir ; leur lien de confiance envers leur esprit et leurs intuitions. La confusion devient une des clés pour masquer la réalité. Cette règle profondément ancrée et cette impression fugace d’être utilisé alimentent une méfiance envers les personnes qui devraient être dignes de confiance et envers soi-même.
- La règle de silence : le silence vis-à-vis de l’extérieur est à la fois une conséquence et une cause. Comme les autres règles, il fait partie d’un processus de causalité circulaire. Se taire est la conséquence des pressions familiales ; le sujet est dominé par la honte et par la loyauté vis-à-vis du parent et de l’image de la famille.
- L’isolement : cette règle est favorisée par celle du silence car ne pas échanger en confiance crée artificiellement une solitude et l’isolement social protège du regard de réprobation ou d’apitoiement. Partager avec d’autres des activités sociales en dehors de la famille chez des enfants vivant avec un ou des parents qui boivent peut avoir des effets thérapeutiques.
- Une métarègle de rigidité : elle renforce les trois premières règles en leur imposant un caractère durable. Chaque membre de la famille lié par ces règles contribue au maintien du contrôle du dépendant sur le système en ne nommant pas ses besoins, en restant isolé, en faisant silence sur les conséquences des épisodes problématiques des alcoolisations.
51L’alcool assume donc une fonction paradoxale capable de réunir des positions contradictoires pour le sujet et les relations dans la constellation familiale. Il infiltre tous les aspects de la vie psychique et les patterns relationnels du système familial.
52Parfois même ces règles se transmettent sur au moins trois générations, voire plusieurs générations, car elles ne sont pas explicites et proviennent des mythes familiaux. Il s’agit de la transmission des rituels familiaux [58] et autres modalités relationnelles qui procurent le sentiment de continuité, d’appartenance et en font un « marqueur » de l’identité familiale. Ceci concourt à la perpétuation des rôles et comportements dysfonctionnels intergénérationnels du système alcoolique. Pour faire face à tous ces déséquilibres, chacun s’installe dans un ou plusieurs rôles. Le rôle peut être vécu et investi comme un vrai Moi, bien qu’il ne corresponde pas à l’identité car il n’est pas permanent et demeure fonctionnel. Ces nouvelles règles, nouveaux rôles et patterns vont s’imposer activement et rétroactivement à tout le groupe, vont prévaloir sur un certain nombre de besoins des membres de la famille et servir d’éléments équilibrants du système familial. Celui-ci s’organise à son insu et avec la participation de chacun autour de la préoccupation alcool jusqu’à devenir ce que les associations d’entraide appellent une « maladie familiale » [59]. Un système familial avec un membre alcoolique manifeste des « répétitions agies » en lieu et place d’un défaut de paroles, de symbolisation, de « l’impossible à penser » derrière le voile du symptôme. Tout se passe comme si on assistait à la transmission d’une carence de liaison dans une forme de télescopage des générations. Il s’agirait de l’émergence d’un système familial plurigénérationnel fondé sur le manque, c’est-à-dire du manque comme principe organisateur du système familial et transmissible d’une génération à l’autre. « L’expérience clinique s’oriente vers l’angoisse de séparation et la transmission transgénérationnelle du manque [60]. »
53La difficulté centrale dans les familles avec addiction est le manque de distance émotionnelle, mais ce manque se manifeste dans toute relation avec l’extérieur, avec les autres membres du système familial et avec soi-même avec un degré de tension et d’angoisse chronique proche de la fusion émotionnelle où baigne le système familial empêchant de définir clairement la relation entre chacun. Tout fait bloc d’un seul tenant. « Tout le système glisse dès lors vers des alternatives binaires, inlassablement menacées du choix : tout ou rien. Si on s’attache à son conjoint, on perd ou rejette ses parents [61]. » Ce faible degré de différenciation de chaque membre est caractéristique des systèmes familiaux à transaction alcoolique, traduisant le concept de codépendance en tant que menace du narcissisme défaillant des acteurs du système.
54Selon Gregory Bateson [62], la relation symétrique dans laquelle les partenaires ont tendance à adopter un comportement en miroir, se caractérise par l’égalité et la minimisation des différences. Il propose en 1971, dans un article princeps et dans une description quasi structurale, une théorie du comportement alcoolique qui englobe, d’un point de vue systémique, la relation du sujet à lui-même et à son entourage. Chaque être humain doit s’individualiser ou se différencier dans ce qu’il appelle un « self » (concept de la différenciation de soi de Bowen [63]), c’est-à-dire garder une certaine distance émotionnelle afin de sauvegarder son individualité qui peut être sacrifiée à la dominance de l’autre, généralement la mère, lorsque cette distance émotionnelle fait défaut. Selon lui, l’alcoolique provient d’une telle famille où règne le paradoxe d’une fausse autonomie et individuation, une indifférenciation avec la famille d’origine qui peut être marquée par une attitude de « super-indépendance » au déni de tout attachement à l’égard des parents, « répondant au fond à une sorte d’éthique familiale qui semble nécessaire au maintien du système » [64].
55La dimension de dégagement, de démarcation, aboutit rapidement à renforcer les systèmes de dépendance intrafamiliaux, y compris dans les situations de rupture apparente des liens. C’est ce qui conduit à faire de ces troubles des conduites des pathologies du lien témoignant peu ou prou d’un achoppement du travail de séparation-individuation. « Nous pensons que les conduites addictives résultent de l’abolition de l’altérité et de la temporalité, sous la pression de l’angoisse de séparation alimentée par l’apparition de conduites centrifuges au sein du système familial (tentatives d’autonomisation, comportements de différenciation) ; certains ou la majorité de ses membres présentent alors des distorsions de leur fonctionnement relationnel en rapport à des modes d’attachement insécure [65]. »
Vignette clinique : Famille E.
56Au Centre d’addictologie médico-psychologique de Reims, nous intervenions en tant que psychologue dans le cadre d’entretiens familiaux menés au sein d’un dispositif appelé « Accueil Situation-famille ». Le dispositif fonctionnait en binôme, deux psychologues recevaient une famille dans une sorte d’extra-territorialité, c’est-à-dire en dérivation des autres modalités de soins proposées l’institution. C’est un dispositif destiné à se démarquer d’une prise en charge médicale afin de répondre à la dimension de l’aspect familial et dans un projet d’élargir la prise en charge du patient alcoolodépendant. Il va agir, premièrement, en tant qu’espace contenant de la crise, de l’angoisse, de la colère ou de la violence et, deuxièmement, comme une élaboration par la mise en mots de représentations renvoyant à l’élaboration des projections qui ont été faites sur les membres de la famille. Lors du premier entretien, il est annoncé que le dispositif propose cinq séances d’environ une heure pour un suivi s’échelonnant sur quatre à cinq mois, ceci dans un souci constant de ne pas faire évoluer le suivi vers une thérapie familiale. Les thérapeutes pouvaient ainsi agir comme des Moi-auxiliaires, médiateurs de paroles et le dispositif permettait le transfert dans ses effets bienfaisants afin que les consultants puissent retrouver des capacités adaptatives et dépasser un épisode de crise et de blocage. Il s’agissait d’un cadre thérapeutique solide et fiable pour contenir les demandes et les angoisses de la famille afin de laisser au transfert le temps de jouer son rôle de restauration narcissique par le sentiment qu’il peut donner à chacun d’être écouté, respecté. Ce type de dispositif nous paraît opérant pour permettre le réaménagement du lien entre le patient et la famille. Cette consultation familiale enclenche la relation famille-institution en réduisant le morcellement d’une prise en charge de mode individuel au sein de l’institution.
57Dans ce contexte, nous recevons en entretien familial Olivier, la quarantaine, alcoolique accompagné de ses parents et revenu vivre chez eux. D’emblée, celui-ci prend la parole, un discours qui ressemble à une leçon apprise où émane peu de subjectivation. Il semble réciter des événements extérieurs à sa vie. Son visage reste figé, son regard fixe sans la moindre émotion. Il parle de son addiction à l’alcool en termes de quelque chose dont il a besoin pour le faire vivre et vibrer. Ses parents l’écoutent bienveillants mais manifestement dépassés par la situation. Monsieur se présente comme un homme concret dans la maîtrise apparente, il veut comprendre. Il a lu des articles sur la dépression et s’applique à stimuler son fils. Madame discrète contraste avec une attitude autoritaire au téléphone.
58Au deuxième entretien familial, Olivier paraît plus détendu et laisse pointer un léger sourire mais son attitude se rigidifie dès que ses parents parlent de lui. Monsieur se montre très pragmatique et parle en termes d’efficacité thérapeutique, soulignant par là que nous n’aidons pas beaucoup son fils. Il nous fait part des articles qu’il a lus sur les addictions. Il s’étonne qu’un projet thérapeutique tel qu’une cure en clinique de désintoxication ne soit pas proposé à son fils. Il semble attendre que l’institution soit pourvoyeuse d’une démarche de soins qu’il tente de dicter plus ou moins, désignant son fils comme le porteur de symptôme. Il nous apparaît que cette famille reste unie telle une forteresse qu’on ne peut pas attaquer de front. En effet, la cellule familiale paraît obéir à une forme de rigidité qui maintient les différents membres entre eux qui n’est pas sans rappeler la « métarègle de rigidité » de S. Wegscheider-Cruse permettant d’entretenir le dysfonctionnement alcoolique.
59Le père relate sa carrière professionnelle en tant que responsable des stocks dans une entreprise. Olivier, après un BTS commercial, a travaillé dans la vente de serrures de coffres-forts. Mais très vite cela n’a pas tenu et quand il a appris qu’il était embauché, il est allé se saouler. Ses conduites d’alcoolisations viennent non pas par dépit mais après une réussite qu’il ne s’approprie pas comme la sienne, correspondant à l’idéal du moi du père. Nous voyons là une voie professionnelle choisie par identification au père et dans un enfermement d’un avenir trop vite tracé, correspondant au désir du père et surtout ne laissant pas de place à l’expression d’un choix. Olivier nous fait part qu’il aurait aimé devenir coiffeur. Nous pensons également que quelque chose semble verrouillé dans cette famille comme un secret bien gardé, symbolisé par les serrures et les coffres forts.
60Au fil des entretiens Olivier prend des initiatives et semble sortir de sa torpeur. Nous apprenons qu’il a une fille, qu’elle est en vacances chez lui et que tous les matins, il se lève pour l’emmener au centre aéré. Un certain apaisement familial semble advenir et le nœud du conflit se déplace sur l’espace thérapeutique. En effet, les parents attaquent le cadre en permanence, la durée des entretiens leur paraît trop courte avec une impression de ne pouvoir tout dire. Le père sollicite son fils pour aller faire du vélo ensemble manifestant par là la recherche d’un moment privilégié avec lui bien qu’il semble douter de l’arrêt des consommations chez Olivier. Celui-ci refuse prétextant que son frère aîné a fait beaucoup de VTT et semblant vouloir se différencier de cette place de privilégié que son frère a toujours occupée auprès du père. Nous apprenons qu’Olivier par sa place de fils cadet a toujours été beaucoup plus proche de sa mère. Ceci vient se manifester dans l’organisation des vacances estivales. La mère déclare que cela ne lui fait rien de ne pas partir en vacances mais, en fin d’entretien, elle avouera que si Olivier et son père partent ensemble à la montagne, alors elle les accompagnera. La problématique de séparation semble au cœur de la relation mère-fils qui laisse peu de place à l’existence d’une relation de couple entre les parents.
61Une nouvelle alcoolisation massive d’Olivier avec hospitalisation apportera un déploiement à l’expression de la colère du père et de l’inquiétude de la mère. Ils diront qu’ils ne savent plus quoi faire et défendent le fait que leur fils est incapable de s’en sortir seul. Nous apprendrons plus tard qu’Olivier se serait alcoolisé en ayant appris par sa fille qu’elle partait vivre avec sa mère loin de la ville où il réside. Il manifeste l’envie de prendre un appartement et de partir loin de ses parents. À cela Monsieur menace la famille de « tout quitter pour ne plus les voir », vendre sa maison et partir à la montagne, manifestant un état de révolte et de saturation. Madame ne dit rien, comme oubliée dans cette histoire familiale. Il y a là une manifestation de la place de chacun et de l’impossibilité pour les parents de constituer une alliance stable face à leur fils favorisant son autonomie. Le père en menaçant de quitter sa famille vient ainsi signifier à son fils de s’occuper de sa mère en mettant en difficulté son désir de prise d’indépendance. Finalement, la situation évoluera favorablement pour Olivier qui obtiendra seul un logement social, son père ayant refusé de se porter garant pour son appartement et pour la première fois nous assistons à une cohésion du couple parental assis devant nous l’un près de l’autre.
62Mais les parents se disent inquiets devant le déménagement de leur fils et manifestent leurs doutes devant la prise d’indépendance de celui-ci. « Il est comme un retraité, il ne fait rien », dira son père. Il en vient même à dénigrer la nouvelle orientation professionnelle d’Olivier qui va entreprendre une formation de chauffeur de taxi, choisie pour « l’indépendance » de la profession. Sa mère également en vient à agir en téléphonant à son ex-belle-fille pour l’avertir qu’Olivier s’était réalcoolisé lors du précédent exercice du droit de visite alors qu’il devait repasser devant le juge aux affaires familiales. Elle s’en excuse devant son fils mais soutient que c’est pour le bien de sa petite fille.
63À l’issue de ces entretiens familiaux, les choses ont bougé pour Olivier qui vit seul désormais et adresse une demande de suivi en psychothérapie, exprimant là un désir d’avancer dans une démarche d’individuation.
64Proposer un lieu d’accueil et d’écoute de la famille, c’est permettre de reprendre ce qui achoppe dans le groupe familial et de réélaborer du lien subjectivant dans l’accompagnement des familles en souffrance par rapport à l’alcool. C’est ainsi leur apprendre à instaurer une relation de sujet à sujet s’étayant sur une reconnaissance mutuelle en reconnaissant l’altérité et la différenciation de chacun. Le travail de médiation auprès des familles permet d’accorder du temps à la parole et à l’écoute des membres de la famille en introduisant une dynamique des échanges afin de les aider à sortir de la rigidité du présent et accorder une importance à la fluidité du devenir. Ce qui supposerait un travail sur la durée dans un accompagnement modulable en fonction des demandes et des ressources des participants.
Conclusion
65Nous retiendrons en conclusion une interrogation autour de notre pratique clinique qui vient inscrire notre travail dans un mouvement de recherche et de compréhension autour de l’interaction de la problématique de la dépendance à l’alcool dans l’histoire du lien familial. Cela a constitué notre fil d’Ariane pour illustrer les liens entre une clinique du sujet et les interactions sociales et familiales au sein même de la question du besoin de dépendance et du désir d’autonomie. Et nous pouvons penser que c’est le sens attribué à son ambivalence qui nous fait exister en tant que sujet humain.
66Nous avons souhaité appréhender l’écoute du familial face à l’alcoolodépendance et nous avons voulu montrer qu’instaurer de la parole, instigatrice de lien, c’est amener la famille à découvrir ce qui fait lien de réciprocité dans leur parcours familial de « familles alcooliques » et à envisager la famille comme un élément médiateur du rapport du sujet à ses événements de vie. En effet, travailler avec la famille, c’est ramener la notion d’altérité et permettre un travail de subjectivation de chacun à travers le processus de différenciation entre les membres qui la constituent à travers les générations.
67Réanimer une réflexion par le chemin de l’écriture, c’est aussi transmettre la solitude singulière du travail d’élaboration autour de ces « rencontres cliniques », constitué par notre activité d’écoutant. Accompagner une famille, ce n’est pas uniquement tenter une médiation qui se contenterait d’offrir une paroi de résonance aux conflits, mais c’est offrir un appui par l’écoute de la parole de sujets en souffrance dans la quête de l’origine de leur lien.
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Mots-clés éditeurs : entourage, accompagnement, thérapie systémique, famille, codépendance, psychanalyse, alcool
Date de mise en ligne : 20/04/2017
https://doi.org/10.3917/psyt.231.0059Notes
-
[1]
Selon le mot de J.-C. Kaufmann cité par A. Ruffiot, A. Ruffiot (1981). La thérapie familiale psychanalytique. Paris, Dunod, p. 49.
-
[2]
J. Goody (2001). La famille en Europe. Paris, Seuil, p. 209.
-
[3]
A. Roucoules (2008). « Introduction », in J. Aïn (dir.). Familles : explosion ou évolution (p. 12). Toulouse, Erès.
-
[4]
J. Lacan (1938). « La famille », Encyclopédie française, p. 41.
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[5]
P. Gutton (2008). « L’illusion familiale et ses paradoxes », in J. Aïn (dir.). Familles : explosion ou évolution (p. 204). Toulouse, Erès.
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[6]
Y. Castellan (1993). Psychologie de la famille. Toulouse, Privat.
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[7]
F. André-Fustier (1997). « L’approche psychanalytique de la famille à l’épreuve de l’institution », Parents/Famille/Institution-Approche groupale d’orientation psychanalytique, Université Lumière-Lyon 2, Les publications du Centre de recherches sur les inadaptations, pp. 5-49.
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[8]
E. Goldbeter-Merinfeld (2011). « Nouvelles configurations familiales », Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux, 47(2), p. 6.
-
[9]
Ibid., pp. 7-8.
-
[10]
M. Delage (2005). « La thérapie du couple et de la famille revisitée à travers la théorie de l’attachement », Thérapie familiale, 26(4), pp. 407-425.
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[11]
A. Eiguer (2011). « Le sens de la famille, le nous et le lien », Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux, 47(2), pp. 39-52.
-
[12]
S. Hefez (2008). « Au nom du père », in J. Aïn (dir.). Familles : explosion ou évolution (pp. 147-157). Toulouse, Erès.
-
[13]
M. Delage (2010). « Psychanalyse et système. Comment penser les pratiques thérapeutiques de la famille à la lumière de ces deux modèles ? », Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux, 45(2), p. 137.
-
[14]
Les liens narcissiques sont mobilisés par notre orientation vers le semblable, à l’indifférenciation et à ce qui est constant.
-
[15]
Le narcissisme familial est dominé par l’investissement narcissique commun à toute liaison humaine, résidu du narcissisme primaire, toujours en quête du semblable.
-
[16]
A. Eiguer (1984). « Le lien d’alliance, la psychanalyse et la thérapie de couple », in A. Eiguer, A. Ruffiot et al., La thérapie psychanalytique du couple (pp. 1-83). Paris, Dunod.
-
[17]
A. Eiguer (2008). « Une psychanalyse pour une famille en changement », Familles, Toulouse, Erès, p. 21.
-
[18]
A. Eiguer (2011). « Le sens de la famille, le nous et le lien », Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux, 47(2), p. 40.
-
[19]
Ibid., p. 48.
-
[20]
W.-R. Bion (1959, 1989). « Attaque contre les liens », Nouvelle revue de psychanalyse, 25.
-
[21]
E. Pichon-Rivière (1971, 2001). El Proceso Grupal, Buenos Aires, Nueva Visión.
-
[22]
E. Goffman (1967). Les rites d’interaction. Paris, Les Éditions de Minuit.
-
[23]
A. Eiguer (2011). « Le sens de la famille, le nous et le lien », op. cit., pp. 39-52.
-
[24]
R. Kaës (2005). « Pour inscrire la question du lien dans la psychanalyse », Le divan familial. Les liens familiaux aujourd’hui, 15(2), pp. 73-94.
-
[25]
Ibid., p. 74.
-
[26]
Ibid., p. 77.
-
[27]
Ibid., pp. 73-94.
-
[28]
C. Joubert (2004). « Psychanalyse du lien familial », Le Divan familial, 12(1), p. 166.
-
[29]
R. Kaës (2005). « Pour inscrire la question du lien dans la psychanalyse », op. cit., p. 87.
-
[30]
A. Eiguer (2011). « Le sens de la famille, le nous et le lien », op. cit., p. 52.
-
[31]
M. Beattie (1987, 2011). Vaincre la codépendance. Paris, Pocket, p. 49.
-
[32]
A. Rigaud, Codépendance, à propos de la femme de « l’alcoolique » et de son mari.
-
[33]
A. Eiguer (1989). Le pervers narcissique et son complice. Paris, Dunod.
-
[34]
Groupes familiaux pour adultes s’adressant aux membres de la famille et aux proches d’alcooliques, basés sur le programme des Alcooliques Anonymes.
-
[35]
D. Tordeurs, P. Jane, A. Kinappe et al. (2002). « Qu’est-ce que le coalcoolisme ? », Alcoologie et addictologie, 24(4), p. 304.
-
[36]
J.-P. Roussaux et al. (1996, 2000). L’alcoolique en famille. Bruxelles, De Boeck Université, p. 66.
-
[37]
Ibid., p. 146.
-
[38]
J.-P. Roussaux (1989). « L’alcoolique et son conjoint », in Alcoolismes et toxicomanies. Bruxelles, De Boeck Université, p. 55.
-
[39]
Ibid.
-
[40]
L. Israël, N. Charpentier (1972). « La femme de l’alcoolique », Confrontations psychiatriques, 18, p. 132.
-
[41]
D. Hers, M. Derely, J.-P. Roussaux (1989). « La thérapie de l’alcoolisme par le couple », in Alcoolisme et toxicomanies. Bruxelles, De Boeck Université, p. 62.
-
[42]
S. Fanello, B. Louet-Borg, P. Kiritze-Topor et al. (2002). « Conjoints de patients alcoolodépendants », Alcoologie et adddictologie, 24(2), p. 114.
-
[43]
J.-P. Roussaux et al. (1996, 2000). L’alcoolique en famille, op. cit.
-
[44]
P. Steinglass (1976). « Experimenting with treatment approaches to alcoholism 1950-1975. A review », Family Process, 15, pp. 93-123.
-
[45]
D. Tordeurs, P. Janne, C. Reynaert, J.-P. Roussaux (2001). « Quand la femme alcoolique dit : “j’ai mal à ma famille…” », Psychotropes, 7(2), p. 52.
-
[46]
J.-P. Roussaux et al. (2000). L’alcoolique en famille, op. cit., p. 69.
-
[47]
Ibid., p. 67.
-
[48]
M. Beattie (1987, 2011). Vaincre la codépendance, op. cit.
-
[49]
Les groupes « Al-Anon » (Alcoholic Anonymous), créés par l’association Alcooliques Anonymes (A.A.), qui, en France en 1962, ont pris en compte l’entourage du malade alcoolique, sachant que ces rencontres avec les familles étaient institutionnalisées aux États-Unis depuis 1950.
-
[50]
C. Reynaert et al. (2006). « Autour du corps souffrant : relation médecin-patient-entourage, trio infernal ou constructif ? », Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux, 36(1), pp. 110-111.
-
[51]
P. Watzlawick (1967, 2014). Une logique de la communication. Paris, Seuil.
-
[52]
A. Seneviratne, J.-B. Daeppen (2009). « Implication de la famille dans le traitement de l’alcoolodépendance », Alcoologie et addictologie, 31(4), pp. 283-284.
-
[53]
A. Robert, R. Bavoux (1997). « Approche systémique des situations d’alcoolisations en consultation d’alcoologie », Alcoologie, 19(2), p. 118.
-
[54]
J.-F. Croissant (2004). « Famille et alcool, et les enfants !? », Thérapie familiale, 25(4), p. 547.
-
[55]
L. Cassiers (1989). « Fonction familiale de l’alcoolisme », Alcoolismes et toxicomanies, op. cit., p. 13.
-
[56]
S. Wegscheider-Cruse (1981, 1990). « Another Chance: Hope and Health for the Alcoholic Family », Science and Behavior Books.
-
[57]
J.-F. Croissant, « Famille et alcool, et les enfants !? », op. cit., p. 549.
-
[58]
Les rituels familiaux sont constitués par un ensemble de comportements anciens répétitifs, qui sont mis en acte de façon systématique.
-
[59]
J.-F. Croissant, « Famille et alcool, et les enfants !? », op. cit., p. 548.
-
[60]
V. Anastassiou (2003). « Les distorsions de la fonction parentale dans le système alcoolique », Alcoologie et addictologie, 25(3), p. 192.
-
[61]
L. Cassiers (1989), « Fonction familiale de l’alcoolisme », op. cit., p. 20.
-
[62]
G. Bateson (1977). « La cybernétique du soi, une théorie de l’alcoolisme », in Vers une écologie de l’esprit. Paris, Seuil.
-
[63]
M. Bowen (1996). La différenciation de soi. Paris, Esf.
-
[64]
L. Cassiers, « Fonction familiale de l’alcoolisme », op. cit., p. 12.
-
[65]
V. Anastassiou (2008). « Quinze ans de pratiques familio-systémiques en alcoologie », Thérapie familiale, 29(2), p. 68.