Notes
-
[1]
Le hardcore gamer, traduit également par « joueur passionné » (Grand dictionnaire terminologique, Office québécois de la langue française), désigne un joueur qui s’implique énormément dans les jeux vidéo, en nombre de jeux joués et en temps investi. Il recherche en particulier le challenge, la difficulté, la compétition.
-
[2]
L’Entertainment Software Rating Board (ESRB) est une organisation autorégulée qui évalue les jeux vidéo, c’est-à-dire qui estime à quel âge conviennent les jeux vidéo, et le signale au travers de symboles sur les boîtes de jeux vidéo, dans les publicités et sur les sites web, aux États-Unis et au Canada. Elle fut créée en 1994 par l’Entertainment Software Association.
-
[3]
Pan European Game Information (PEGI) est un système d’évaluation européen des jeux vidéo fondé pour aider les consommateurs européens à s’informer sur chaque type de jeu vidéo à l’aide de différents logos exposés sur leur boîte d’origine. Le système d’évaluation PEGI est composé de cinq catégories d’âge et de huit descriptions qui informent du contenu d’un jeu.
-
[4]
« Level » = « niveau ».
-
[5]
IRL = « In Real Life » (littéralement « dans la vie réelle »).
Introduction
1Ils font l’actualité très régulièrement, souvent accusés d’être à la source de comportements anormalement violents des adolescents, ils sont pointés du doigt, critiqués et pourtant déchaînent les passions. Des positions, parfois proches du clivage, se dessinent entre les « pour » et les « contre », comme si cet objet ne pouvait souffrir d’aucune nuance.
2Parce que les jeux vidéo ont eux aussi une histoire, il semblait important de les présenter et de parler d’eux comme d’un objet d’étude, bien culturel digne d’intérêt. Pour cela nous allons d’abord parcourir leur histoire, en faisant ressortir certains faits censés marquer leur évolution dans l’histoire numérique. Puis nous nous intéresserons à des genres plus précisément en lien avec la dimension clinique qui sera abordée dans un autre temps. Nous avons choisi de vous présenter quatre jeux, représentant chacun un style particulier, tant par leur mode de fonctionnement que par le type de joueurs qu’ils rassemblent.
3Counter Strike est un First Person Shooter, joué par des millions de personnes, il fait référence en la matière. Nous nous intéresserons particulièrement à l’aspect scoring du jeu.
4World of Warcraft est un MMORPG (Massively Multiplayer Online Role Playing Game), il est sûrement le plus connu et le plus médiatisé de sa catégorie. Très prisé des joueurs, il représente aussi pour le psychologue qui rencontre le joueur, une voie très constructive de travail.
5League Of Legends est un MOBA (Multiplayer Online Battle Arena), jeu de combat par équipe en ligne. On compte plusieurs centaines de millions de joueurs à travers le monde. Il sera traité ici par le filtre de l’e-sport, le jeu vidéo devenant sport de compétition.
6Enfin Dofus, MMORPG français, qui connaît un succès considérable auprès d’un public plus jeune, sera traité sous l’angle du cross et du transmédia.
Quelques repères chronologiques
Années 1970
7En 1972, arrivée de Pong qui devient le premier succès commercial.
8En 1978, sortie de Space Invaders, dont un des aliens est devenu le symbole du jeu vidéo.
Années 1980
9En 1980, apparition des Game & Watch, petites consoles portables.
10En 1980, le phénomène Pac-Man explose et devient la première mascotte du jeu vidéo en dépassant le cadre même du jeu (produits dérivés).
11En 1980, Donkey Kong excite les hardcore gamers [1] pour atteindre le meilleur score mondial.
12En 1983, Mario, celui qui deviendra le plombier le plus célèbre, fait ses premiers pas et devient la licence de jeu vidéo la plus vendue.
13En 1984, l’incontournable Tétris.
14En 1989, l’apparition de Sim City, jeu sans fin et potentiellement chronophage.
Années 1990
15En 1992, Dune 2, jeu de stratégie en temps réel dont le gameplay deviendra la norme des jeux en stratégie.
16En 1992, sort le jeu Mortal Kombat qui a généré une campagne politico-médiatique ayant abouti à la classification ESRB [2].
17En 1994, Warcraft débarque avec son mode multijoueur.
18En 1996, puis en 1998, sort le jeu de stratégie Starcraft qui deviendra la base des grands tournois en Corée du Sud.
19En 1996, la célèbre Lara Croft avec Tomb Raider dévoile ses formes au grand jour en devenant une icône du jeu vidéo.
20Par ailleurs, l’arrivée de l’internet à haut débit à la fin des années 1990 facilite l’émergence des jeux multijoueurs tels que Counter-strike.
Années 2000
21En 2000, le jeu de simulation familiale Les Sims qui deviendra le jeu PC le plus vendu et majoritairement féminin.
22En 2001, GTA III qui a déclenché une vive polémique médiatique sur la violence et l’immoralité présentes dans certains jeux vidéo.
23En 2004, apparaissent deux grands jeux à univers persistants (c’est-à-dire qu’ils ne s’arrêtent jamais), World of Warcraft, plutôt orienté vers les adultes, et Dofus plutôt dirigé vers les ados.
24En 2005, apparaît la nintendo DS avec écran tactile qui change les habitudes, car il ne suffit plus uniquement d’appuyer sur des boutons.
25En 2006, la Wii révolutionne la manière de jouer avec sa manette à détection de mouvements.
26En 2005 et 2006, la Xbox 360 et la PlayStation3 concurrencent la Wii et se positionnent en consoles HD.
27En 2008, GTA IV devient le jeu le plus cher de l’histoire avec 100 millions de dollars de budget.
28En 2008 également, explosion des jeux indépendants (Minecraft) et des jeux casuals tels Angry birds et Farmville (ce sont des jeux dits « occasionnels » simples et rapides à jouer, conçus pour prendre du plaisir rapidement).
29En 2009 et 2010, de super-blockbusters inondent le marché avec des budgets de plusieurs dizaines de millions de dollars (Call of Duty, Halo, Gears of War)
Quelques chiffres
30En France, 28 millions de personnes jouent aux jeux vidéo, ce qui représente 65 % des Français ayant une activité en ligne sur internet et plus de 40 % de la population tandis que les hardcore gamers représentent 4 millions de joueurs.
31Les femmes jouent de plus en plus et atteignent presque 50 % du total des joueurs. On les retrouve surtout sur la pratique du jeu occasionnel.
32Si 60 % des filles jouent, elles y consacrent moins de temps que les garçons. 95 % des garçons de 8 à 12 ans jouent 6 heures par semaine, durée qui augmente chez les 13-19 ans pour atteindre 9 heures par semaine.
3368 % des adolescents jouent en ligne dont 22 % « souvent ».
34Les 15-24 ans préfèrent les jeux d’action tandis que les joueurs au-delà de 25 ans ont une préférence pour les jeux de rôle et de stratégie.
- 90 % des 11-13 ans allument chaque jour la console,
- 84 % des 13-15 ans,
- et 80 % des 15-17 ans
- 39 % des 11-13 ans y jouent,
- 48 % des 13-15 ans
- et 37 % des 15-17 ans
35Seulement 37 % des joueurs connaissent bien le PEGI, 36 % n’en ont jamais entendu parler et 26 % ne savent pas trop de quoi il s’agit.
Les First Person Shooter (FPS)
Description
36C’est un genre de jeu vidéo qui apparaît en 1992 avec Wolfenstein 3d et surtout Doom, qui a donné son nom au genre : avant l’appellation FPS, on parlait de Doom-like. C’est ce qu’on appelle « un jeu de tir en vue subjective », c’est-à-dire voir le jeu à travers les yeux du personnage qu’on dirige, dont on ne voit que le bras et/ou l’arme qu’il tient. Ce sont des sessions de jeu rapides et rythmées, avec une thématique guerrière omniprésente. Sans surprise, la population masculine est très largement représentée parmi les joueurs de FPS et dans une tranche d’âge majoritaire de 15-24 ans. Ces jeux peuvent se jouer en solo, en multi-joueurs « chacun pour soi » ou en organisation en équipe, ce qui permet la mise en place de stratégies qui donnent un intérêt supplémentaire à ce genre.
Le scénario dans un jeu de type FPS
37Et l’histoire racontée par le jeu ? C’est plutôt une sorte de « prétexte » dans l’immense majorité des cas, car l’action étant le principe même du jeu, il faut se hâter d’en découdre avec les ennemis… La Seconde Guerre mondiale a été très représentée, mais on assiste de plus en plus souvent à de l’action prenant place dans les conflits actuels (anti-terrorisme, Pays de l’Est…). Il ne faut pas oublier non plus la science-fiction et les thèmes futuristes qui sont loin d’être en reste avec de nombreux jeux. Quant à la mission de base, il s’agit le plus souvent de sauver sa patrie, le monde, l’univers… Rien de moins !
Objectifs et survie
38Plusieurs objectifs peuvent accompagner le joueur vers la réalisation de la mission ultime. Ainsi, on retrouve le fait de délivrer des otages, d’aller d’un point A à un point B en survivant, d’éliminer entièrement l’équipe adverse, de détruire à l’explosif une zone particulière, etc. Survivre n’est donc pas une mince affaire et il existe de nombreux moyens de perdre des points de vie : par les armes adverses, par ses coéquipiers (ce qui est particulièrement mal vu), par un mécanisme du jeu (sol qui s’effondre, écrasé, brûlé, etc.).
39Cependant, il est possible, lorsque le personnage n’est que blessé, de récupérer des points de vie :
- en récupérant des trousses de soins disséminées sur l’aire de jeu à des endroits stratégiques ;
- de manière auto-régénératrice (l’écran indique que le personnage est touché en s’assombrissant par exemple, et il faut se mettre à couvert quelques secondes pour retrouver une santé de fer) ;
- grâce à un appareil ou à un coéquipier dont c’est la fonction et équipé en conséquence.
Les éléments de l’écran de jeu
40Outre les éléments du décor, l’arme du personnage, les personnages secondaires et les adversaires, il se passe beaucoup de choses sur l’écran d’un joueur de jeu vidéo. Il est possible d’en lister les éléments principaux communs à la plupart des FPS.
- L’arme : primaire et/ou secondaire en fonction de ce que tient le personnage. Ces armes se distinguent par leur puissance (primaire = armes lourdes, et secondaires = armes de poing par exemple).
- Les objets divers : nombre de grenades possédées et leur type, pack de soins, outils…
- Les munitions : un chiffre pour le nombre total et un autre pour la contenance du chargeur en temps réel.
- L’armure : souvent représentée par un pourcentage qui décroît au fur et à mesure qu’elle encaisse les coups.
- La santé : les points de vie (PV) apparaissent également fréquemment sous la forme d’un pourcentage. Dans certains jeux, leur diminution entraîne des conséquences directes sur la jouabilité du personnage (la respiration est de plus en plus audible, le personnage se déplace plus lentement, il vise moins bien, car il bouge davantage, l’écran s’assombrit).
- Le radar : il s’affiche sous la forme d’une petite fenêtre qui prend place dans un coin de l’écran et qui permet au joueur de se repérer dans son environnement de jeu, de repérer ses coéquipiers, parfois ses adversaires, les objectifs à atteindre…
- Les faits de jeu : qui a tué qui, de quelle manière et à quel endroit ? Cela donne des informations importantes sur le jeu et la stratégie que va devoir adopter le joueur en fonction des nouvelles données. Cela participe à une adaptation constante au contexte de jeu.
Le scoring
41C’est en quelque sorte la mesure de la performance du joueur qui aboutit à la mise en place de ses statistiques individuelles. Il permet d’établir des classements que les joueurs surveilleront avec plus ou moins d’anxiété en se comparant aux autres dans une recherche de gratification.
42Les statistiques individuelles sont constituées de toutes les actions menées et subies par le joueur pendant ses sessions de jeu : nombre de victimes, nombre de fois où il est tué, avec quelle arme, par qui, pourcentage de précision avec un ratio nombre de balles qui ont fait mouche / nombre de balles tirées, tirs à la tête, etc.
43Les classements apparaissent sous forme de tableaux et sont remplis de chiffres, de ratios et de pourcentages que même l’élève le plus réfractaire aux mathématiques s’empressera de vous commenter avec passion et détail.
44Voici un exemple de tableau statistique de joueur pour le jeu Counter-Strike :
45Le joueur peut apparaître dans plusieurs classements et donc avoir une surveillance multiple de ses performances. Les classements individuels lui permettent de se situer par rapport à un serveur de jeu, par rapport à une ligue qui organise des tournois, au niveau national et au niveau international. Les classements par équipe ? lorsque ce joueur appartient à une équipe ? viennent compléter ses statistiques, qu’on retrouve de la même manière sur un serveur, au niveau national et international.
46D’autres éléments comme les succès peuvent permettre au joueur de prouver aux autres joueurs sa valeur. Ce sont des actions particulières à réaliser, dont certaines plutôt ardues, et qui une fois obtenues apparaissent sur le profil du joueur comme un badge. Ainsi, obtenir un succès très difficile et qu’un faible pourcentage de joueur a débloqué, confère au joueur une certaine valeur.
47Les bonus sont des récompenses gagnées par le joueur et peuvent être de plusieurs natures : éléments de protection (casque, gilet par balles), amélioration pour les armes (lunette de visée, laser) ou encore des armes spéciales. De même, les niveaux de progression sont également une mesure de performance que les joueurs vont s’efforcer de gravir un à un, et pour certains, cela va demander d’y consacrer beaucoup de temps.
48Le scoring est donc l’élément « addictif » du FPS. Atteindre un certain niveau de classement et y rester, obtenir tel succès ou tel bonus, atteindre ce fameux niveau maximum ne se fait pas du jour au lendemain et n’est pas donné à tout le monde. Ces joueurs avides de performance et de reconnaissance par leurs pairs peuvent être littéralement happés par l’atteinte de l’objectif, au point d’occulter d’autres aspects de leur vie réelle et bouleverser ainsi l’ordre des priorités de l’individu au niveau de ses besoins physiques et psychologiques. De la tension et du stress commencent à faire leur apparition que l’individu gérera de moins en moins bien.
Le jeu en équipe
49L’arrivée de l’internet haut débit a donné un formidable élan à la pratique du jeu en ligne à plusieurs. Auparavant, il fallait se déplacer avec son ordinateur et créer un réseau de l’un à l’autre pour jouer ensemble, mais le haut débit a permis que cela soit possible depuis chez soi avec un nombre important de joueurs connectés ensemble.
50L’évolution technologique de l’informatique et des réseaux facilite de plus en plus le jeu en ligne à plusieurs, mais aussi les échanges d’informations et de logiciels sur les jeux vidéo. Chaque année, de nouveaux sites et forums internet voient le jour et proposent à cette immense communauté des informations sur tel ou tel jeu, des conseils techniques et/ou ludiques, échanges d’impressions…
51De même, la part des jeux « dématérialisés », c’est-à-dire ceux qui sont achetés et téléchargés via internet (par opposition aux jeux « boîtes »), augmente chaque année, rendant le jeu encore plus facile d’accès à l’achat ; il n’est plus nécessaire de sortir acheter son jeu et d’attendre qu’il arrive par la Poste.
Les interfaces communautaires
52Ce sont des logiciels qui permettent de centraliser beaucoup d’actions autour des jeux vidéo : on y fait apparaître son profil de joueur, page qui peut être visible de tous et dans laquelle sont présentés les statistiques, succès, records, publications de vidéo et captures d’écran de ses exploits et autres gratifications accumulés par le joueur. Cela peut servir de carte de visite, ou du moins de mettre en avant une certaine existence au sein de la communauté des joueurs.
53L’interaction entre joueurs est grandement facilitée, car il est possible d’établir une liste d’amis, de les retrouver en jeu, de les découvrir par le jeu et d’échanger avec eux via un module de tchat, s’échanger des objets de certains jeux, etc.
54Outre la gestion de la communauté de joueurs, ce système permet également d’acheter des jeux et/ou des contenus de jeu et de les télécharger directement. La centralisation du système et son automatisation évitent au joueur de se préoccuper des mises à jour éventuelles, notamment techniques.
55Citons trois interfaces parmi les plus présentes : le XboxLive de Microsoft, le PlayStation Network (PSN) de Sony et Steam de Valve.
L’intégration au sein d’une team / d’un clan
56Bien qu’il soit possible de jouer en multijoueur sans faire partie d’une équipe, en rejoignant simplement des parties en cours avec d’autres joueurs, intégrer une équipe ou un clan va donner une autre dimension à l’exercice du jeu vidéo en lui-même et potentiellement dans tout ce qui tourne autour de cet univers en fonction de son degré d’investissement.
57Pour faire la distinction entre une team et un clan, l’équipe aurait une vocation plus « pro » du jeu que ne l’aurait un clan, davantage orienté vers un côté ludique communautaire.
58Intégrer une team va permettre au joueur de bénéficier d’une structuration autour de la pratique du jeu vidéo afin de progresser en utilisant des stratégies, en s’entraînant et en participant à des matchs et des tournois. On retrouve au sein des teams les mieux structurées une organisation très similaire à celle des entreprises : il y a une hiérarchie, des domaines de spécialisation avec éventuellement des profils de poste précis, une obligation de présence, des tâches à accomplir, un planning à gérer, une attitude particulière à respecter (charte à signer), des recrutements à effectuer, des joueurs à former, un aspect technique très présent (site internet et serveur de jeu à rendre opérationnels, mettre à jour, développer).
59Pour aller plus loin dans notre parallèle avec le monde de l’entreprise, nous pourrions parler de :
- direction générale (détermination des objectifs de l’activité, moyens mis en œuvre),
- pôle ressources humaines (recrutement, formation, affectation),
- pôle technique (gestion du site internet, du ou des serveurs de jeu),
- pôle financier (location serveurs de jeu, site internet et nom de domaine, cotisations des membres, recherche de sponsors, revenus de la publicité),
- pôle marketing (faire la publicité de la team, création d’un logo, d’une identité),
- pôle opérationnel (le cœur d’activité avec l’établissement d’un planning, la création de stratégies de jeu, le test de la compétence du joueur et son affectation à un rôle ou à une fonction.
60Lorsque la team a optimisé tous les processus décrits ci-dessus, il évolue naturellement vers une pratique plus professionnelle du jeu vidéo, à savoir l’e-sport.
L’e-sport
61C’est un terme qui vient de la contraction d’électronique et de sport. C’est une discipline qui regroupe des compétitions nationales et internationales réservées à l’élite des jeux vidéo, appelés aussi pro-gamers. C’est en quelque sorte la voie de professionnalisation du joueur de jeu vidéo, avec beaucoup d’appelés et très peu d’élus.
62À titre d’exemple, un joueur ordinaire sur Warcraft 3 ne dépassera pas les 50 Actions Par minute (APM) alors qu’un pro-gamer atteint les 300 APM. Ainsi, il est aisé d’imaginer qu’un joueur capable de déclencher 300 actions de jeu sur une minute sera beaucoup plus performant qu’un joueur ne pouvant en faire que 50.
63Pour atteindre un tel niveau, il y a d’abord des capacités innées du joueur, mais aussi un entraînement qui est de plus en poussé plus le niveau est élevé. Certaines équipes font appel à des coachs et des managers pour les guider dans leur préparation physique et mentale, car cette discipline demande des qualités importantes de concentration, de communication, de gestion du stress et de coordination entre les joueurs.
64Ces joueurs vivent du jeu grâce aux prix remportés et aux dotations en suscitant l’intérêt de nombreux sponsors (en général issus du monde de l’informatique).
65Ce sont principalement des ligues privées qui s’occupent de l’e-sport car il n’est régi par aucune fédération.
66Les matchs peuvent être retransmis à la télévision et sur internet. La Corée du Sud est le pays référence tant il a fait une place importante à cette discipline.
World of Warcraft
67Né en 2004, World of Warcraft est un jeu de rôle en ligne massivement multijoueurs (MMORPG) créé par la société américaine Blizzard. Il compte aujourd’hui plus de 10 millions de joueurs à travers le monde, dont près de 600 000 en France. Chaque joueur payant s’acquitte d’un abonnement mensuel de 12 euros par mois, celui-ci permettant entre autres fonctionnalités le jeu en guilde.
68L’âge moyen des joueurs de WoW est de 27 ans. On compte 84 % d’hommes contre 16 % de femmes. Le joueur moyen est un actif, il est souvent marié (36 % des joueurs) et père de famille à 22 %.
69La question du temps de jeu, qui intéresse souvent l’opinion publique et les médias, est de 22 h/semaine ; 8 % des joueurs concèdent jouer plus de 40 heures. Lors des premières sessions de jeu, il n’est pas rare que la grande majorité des joueurs y passent plus de 10 h (découverte de l’univers, compréhension des règles, création de l’avatar…).
70Les particularités de WoW sont les suivantes :
- Monde persistant : le jeu fonctionne 24 h/24, 7 j/7 partout dans le monde. Quand le joueur arrête de jouer, le jeu continue, les autres joueurs évoluent.
- Jeu sans fin : + de 7600 quêtes, nombreux donjons, extensions.
- Il faut créer un avatar pour accéder à ce monde.
- Gratifications : les règles sont strictes, si on gagne il y a une récompense, chaque effort est gratifié.
- Très importante communauté autour du jeu.
World of Warcraft
World of Warcraft
71Un MMORPG est un jeu dans lequel l’investissement tant en termes de temps que d’affects est important. La création de son avatar, première étape avant de rentrer dans le jeu, en est l’exemple le plus flagrant. Il s’agit d’un double virtuel, on le nomme, on le personnalise, on l’habille. C’est à travers lui que le joueur parcourt le jeu et se présente d’une certaine manière aux autres joueurs.
72On peut avoir plusieurs avatars, l’un primaire et les autres secondaires. On a observé que les hommes choisissent plus facilement d’incarner une femme que l’inverse (une femme sur deux est donc un homme !). Viennent ensuite divers choix :
- Choix de la faction : Alliance (humains) ou Horde (non-humains).
- Choix de la race : nain, gnome, elfe (Alliance) ou orque, troll, tauren (Horde).
- Choix de la classe : guerrier, mage, druide…
- Choix du métier : pêcheur, forgeron, secouriste.
- TANK : armure solide, riche en points de vie, il prend les coups.
- HEALER : soigne et/ou ressuscite ses coéquipiers.
- DPS : inflige les dégâts au corps à corps ou à distance.
73La guilde est organisée autour d’une charte, avec des règles que les joueurs, devenus interdépendants, s’engagent à respecter.
74L’une des principales actions du jeu est la conquête de donjon et la victoire sur le Boss. Cela nécessite une organisation en amont où chaque joueur de la guilde « révise » les actions à entreprendre afin de mener à bien la mission. L’investissement en temps est important, car la phase de jeu peut s’avérer très longue. On comprend dès lors pourquoi il est compliqué pour le joueur de s’arrêter pendant cette phase de jeu : sentiment d’abandonner ses coéquipiers, frustration de ne pas aller au bout de la mission, déception de ne pas récolter les fruits du combat.
75Le succès de WoW est planétaire et ne faiblit pas ; en plus de l’accessibilité du jeu, un marketing de haut niveau accompagne les joueurs… et les sorties de contenus additionnels :
- publicité,
- produits dérivés,
- extensions (nouvelles cartes, nouvelles races, augmentation de niveau),
- événementiels,
- concours,
- sites dédiés (forums, blogs, fan art…),
- applications smartphone.
Dofus
76Dofus est un MMORPG français, lancé par la société Ankama en 2004. Son public cible est plus jeune (adolescents, dont 20 % de filles) ; l’univers graphique type manga est coloré et mignon. Il compte 2 millions de joueurs actifs dont 500 000 payants. Dofus est jouable gratuitement, mais l’abonnement donne accès à tous les lieux, objets et ennemis, l’accès prioritaire aux serveurs, hotline et surtout aux guildes ! Le coût est 5 €/ mois ou 48 €/an, les extensions sont gratuites.
Dofus
Dofus
77L’histoire est une « love story » qui finit mal, un jeune garçon et un dragon qui se disputent l’amour d’une jeune fille. En mourant le dragon va laisser derrière lui six œufs qui rassemblés donnent des pouvoirs extraordinaires. Le but du jeu va être de les retrouver en faisant des quêtes et en combattant des ennemis.
78La progression se fait par niveaux, le joueur incarnant un avatar comme dans n’importe quel jeu de rôle.
79Une des particularités de Dofus, qui en fait un acteur majeur dans l’offre de loisirs des jeunes, est son interactivité.
Du cross-media…
80On peut trouver du Dofus sous toutes les formes :
- Dofus Arena = stratégie au tour par tour.
- Wakfu les gardiens : jeu gratuit sur internet.
- Islands of Wakfu sur console de salon Xbox 360 (en téléchargement).
- Un jeu sur smartphone.
- Un nouveau MMORPG tiré de Wakfu (même univers mais 1000 ans après Dofus).
- Série TV, magazines, mangas, événementiel, média (VOD, web tv), produits dérivés, films, jeux de cartes, de plateaux…
… au transmedia
81La narration transmedia utilise des plates-formes différentes (TV, web, réseaux sociaux, mobile), chacune proposant des contenus complémentaires et qui se répondent.
82Son point fort est l’interactivité. Les contenus transmedia invitent les spectateurs à participer, voire à être l’un des maillons de la chaîne de création du programme.
83Concrètement, pour Dofus, cela s’est décliné ainsi : l’histoire commence dans le numéro de février 2011 de Dofus Mag. Les lecteurs doivent se rendre sur maxi-mini.fr pour découvrir de nouveaux contenus, puis de nouveaux épisodes à la télévision complètent le récit. Des bonus sont disponibles sur maxi-mini.fr et monludo.fr et de nouveaux mini-jeux tous les deux jours sur wakfu.fr. Parallèlement à la Ankama Convention sont organisées des rencontres IRL avec les auteurs ainsi que des quêtes IRL ! Le but est la découverte d’histoires parallèles, de biographies plus approfondies des personnages (notamment des secrets), et toujours des quêtes exclusives.
84Ce qui est important à observer, c’est que le temps de jeu, qui a longtemps servi d’indicateur pour connaître l’investissement du joueur par rapport à son jeu, est ici obsolète. Dofus s’infiltre en quelque sorte dans plusieurs aspects de la vie de l’adolescent, le suivant tout au long de la journée, dans les transports avec la lecture du manga ou le jeu sur plate-forme portable, le soir en rentrant avec les dessins animés ou le jeu sur l’ordinateur, le week-end en sortie…
85Le jeu peut devenir à lui seul l’unique investissement ludique de l’enfant.
League of Legends (LoL)
86Né en 2009, LoL est un MOBA (multiplayer online battle arena), c’est-à-dire un jeu de combat multijoueurs en arène, en ligne, dans un univers semi-persistant. On peut jouer gratuitement, même si certains achats permettent de faire progresser ses champions un peu plus rapidement.
League of Legends
League of Legends
87Le but est de « prouver sa bravoure au combat », comme l’annonce l’éditeur (Riot games). À la tête d’une faction de 3 ou 5 joueurs, il s’agit d’occuper le terrain adverse et de détruire un Nexus, tout en protégeant le sien. Une partie se déroule de 20 à 60 minutes en moyenne.
88Pour être un vrai champion de League of Legends, il faut bien connaître la carte, maîtriser les champions et leurs compétences, avoir une équipe équilibrée et dotée de stratégie (attaque, soin, tank), jouer beaucoup (!), associer habilité et performance, avoir un très fort esprit de compétition et respecter la philosophie du jeu qui exclut les « leaver » (ceux qui se déconnectent lorsqu’ils se savent vaincus).
89Les statistiques et les scores sont primordiaux pour les joueurs. De vrais tableaux de chasse sont constitués avec des champions et des équipes à la reconnaissance mondiale. LoL est très pratiqué en e-sport, avec des tournois aux dotations gigantesques de plusieurs millions de dollars.
90Pour la question qui nous intéresse ici, à savoir ce qui peut accrocher un joueur au point qu’il se désintéresserait du reste de ses investissements quotidiens, la notion de scoring est à retenir. La marge de progression du joueur est énorme et quasiment sans fin étant donné la diversité des combats et la complexité des champions à créer. On peut dès lors imaginer que tel un sportif de haut de niveau, le joueur cherche toujours à gagner, gagner et encore gagner.
Conclusion
91Le jeu vidéo recouvre un ensemble complexe, difficile à définir (Triclot, 2011), et dont le processus créatif est en perpétuel mouvement. Cependant, il est intéressant pour nous cliniciens de porter notre regard sur ce qui unit le joueur au jeu, sur ce qui constitue la substantifique moelle (on peut parler jeu vidéo et avoir lu Rabelais) de cette relation. Les transformations historiques du jeu vidéo, l’apparition du jeu en ligne alliée à la progression exponentielle des débits de l’internet ont profondément modifié les schémas et les aires de jeu. D’un plaisir solitaire, le jeu vidéo est devenu un loisir communautaire, avec ses codes et ses langages. Par ailleurs, les qualités graphiques des jeux, associées à un souci constant de leurs créateurs de renforcer l’immersion du joueur, ont participé à un essor de l’industrie vidéo-ludique, la rendant incontournable tant sur le plan économique que social.
Bibliographie
Bibliographie
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- Chamoux J.-P. (2009). Le jeu vidéo : usages et pratiques, Paris, IUT Paris Descartes, Laboratoire de psychologie économique.
- Coulombe M. (2010). Le monde sans fin des jeux vidéo, La Nature humaine.
- Craipeau S. (2011). La société en jeu(x), Paris, Presses universitaires de France.
- Craipeau S. (2009). « Jeux vidéo en réseau : mondes imaginaires, mondes sociaux », Rapport final JEMTU Usages, mai 2009 / Contrat Institut Télécom Projet Innovant / Télécom et Management Sud.
- Étude GfK (2011). « Les Français et l’entertainment », février 2011.
- Étude Médiamétrie (2010). « Observatoire des jeux vidéo », juillet 2010.
- Étude TNS SOFRES (2010). « Enquête sur les jeunes et les jeux vidéo », novembre 2010.
- Fortin T. (2008). « La guerre », Les Cahiers du jeu vidéo, 1. Pix’n love éditions.
- Genvo S. (2009). Le jeu à son ère numérique : comprendre et analyser les jeux vidéo, Paris, L’Harmattan.
- Lafrance J.-P. (2006). Les jeux vidéo : à la recherche d’un monde meilleur, Lavoisier.
- Rufo M., Choquet M. (2007). Regards croisés sur l’adolescence, son évolution, sa diversité, Anna Carrière.
- Stora M. (2005). Guérir par le virtuel, Presses de la Renaissance.
- Tisseron S., Stora M., Missonnier S. (2006). L’enfant au risque du virtuel, Dunod.
- Triclot M. (2011). Philosophie des jeux vidéo, Zones.
Sites Web
Mots-clés éditeurs : joueur, définition, MMORPG, FPS, jeux vidéo, histoire, caractéristiques cliniques, concept
Mise en ligne 06/03/2013
https://doi.org/10.3917/psyt.183.0025Notes
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[1]
Le hardcore gamer, traduit également par « joueur passionné » (Grand dictionnaire terminologique, Office québécois de la langue française), désigne un joueur qui s’implique énormément dans les jeux vidéo, en nombre de jeux joués et en temps investi. Il recherche en particulier le challenge, la difficulté, la compétition.
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[2]
L’Entertainment Software Rating Board (ESRB) est une organisation autorégulée qui évalue les jeux vidéo, c’est-à-dire qui estime à quel âge conviennent les jeux vidéo, et le signale au travers de symboles sur les boîtes de jeux vidéo, dans les publicités et sur les sites web, aux États-Unis et au Canada. Elle fut créée en 1994 par l’Entertainment Software Association.
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[3]
Pan European Game Information (PEGI) est un système d’évaluation européen des jeux vidéo fondé pour aider les consommateurs européens à s’informer sur chaque type de jeu vidéo à l’aide de différents logos exposés sur leur boîte d’origine. Le système d’évaluation PEGI est composé de cinq catégories d’âge et de huit descriptions qui informent du contenu d’un jeu.
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[4]
« Level » = « niveau ».
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[5]
IRL = « In Real Life » (littéralement « dans la vie réelle »).