Couverture de PSYT_181

Article de revue

Addiction, pharmakon et néoténie

Pages 103 à 116

Notes

  • [1]
    Vendredi 24 juin 2011, quarantième anniversaire du centre médical Marmottan « Corps et âme, les addictions ».
  • [2]
    Les interventions de ces deux philosophes ne portaient pas sur la néoténie mais sur leurs analyses critiques du néolibéralisme et de ses conséquences tant sociales que subjectives et qui mènent à l’idée que nous serions dans une société addictive.
  • [3]
    Georges Lapassade, L’entrée dans la vie : essai sur l’inachèvement de l’homme, Paris, Éditions de Minuit, 1963.
  • [4]
    Franck Tinland, La différence anthropologique: Essai sur les rapports de la nature et de l’artifice, Paris, Aubier Montaigne, 1977.
  • [5]
    Franck Tinland, « L’être humain : un vivant inachevé en quête de ‘‘monde’’ », Irema, séminaire de recherche La créativité dans la clinique des addictions, Paris, 2005.
  • [6]
    Dany-Robert Dufour, Lettres sur la nature humaine à l’usage des survivants, Paris, Calmann-Lévy, 1999 ; Dany-Robert Dufour, On achève bien les hommes : de quelques conséquences actuelles et futures de la mort de Dieu, Paris, Denoël, 2005.
  • [7]
    En 2009, pour la journée d’études « Addictions, consommation, société » et donc en 2011 pour le quarantième anniversaire.
  • [8]
    Marc Levivier, « Manque et puissance. Généalogie, concepts et interprétation de l’hypothèse néoténique dans les sciences humaines » (Paris 8, 2008), sous la direction de Dany-Robert Dufour.
  • [9]
    Alain Morel, François Hervé et Bernard Fontaine, Soigner les toxicomanes, Paris, Dunod, 1997, pp. 56-57.
  • [10]
    Selon l’étymologie choisie, néoténie signifie « qui retient la jeunesse » ou bien « qui étend la jeunesse ».
  • [11]
    On envisageait pour l’animal le même succès que pour la pomme de terre : une contribution notable à l’enrichissement nutritif de la population.
  • [12]
    Charles Darwin, L’origine des espèces, Paris, Flammarion GF, 1995. Traduction de la première édition du livre, parue en 1859.
  • [13]
    Witold Gombrowiszc, Ferdydurke, Paris, Gallimard, 1998.
  • [14]
    Sigmund Freud, « Esquisse d’une psychologie scientifique », La naissance de la psychanalyse 8 (1895) ; Sigmund Freud, Inhibition, symptôme et angoisse, Paris, Presses universitaires de France, 1981.
  • [15]
    Louis Bolk, « Le problème de la genèse humaine », Revue française de psychanalyse, 25 (1961).
  • [16]
    Marc Levivier, « La fœtalisation de Louis Bolk », Essaim, n° 26 (2011): 153-168.
  • [17]
    Lucien Cuénot, « L’homme, ce néoténique », Académie Royale de Belgique (1945): 427-432.
  • [18]
    Cette loi, qui domina la pensée évolutionniste durant plus d’un demi-siècle, édictait que l’ontogénie récapitule la phylogénie. Elle impliquait donc une évolution procédant par accélération. Les travaux de Bolk, eux, mettaient en avant un principe d’évolution par ralentissement.
  • [19]
    Gavin de Beer, Embryologie et évolution, Paris, Legrand, 1932.
  • [20]
    Stephen Gould, Ontogeny and Phylogeny, Cambridge, Mass.: Belknap Press of Harvard University Press, 1977.
  • [21]
    Jean Chaline, Les horloges du vivant : un nouveau stade de la théorie de l’évolution ?, Paris, Hachette, 1999.
  • [22]
    Aldous Huxley, Jouvence, Paris, Pocket, 1999 ; Aldous Huxley, Le meilleur des mondes, Paris, Plon.
  • [23]
    Edgar Morin, Le paradigme perdu: la nature humaine, Paris, Seuil, 1973.
  • [24]
    Konrad Lorenz, Trois essais sur le comportement animal et humain, Paris, Seuil, 1974.
  • [25]
    Arnold Gehlen, Anthropologie et psychologie sociale, Paris, Presses universitaires de France, 1990.
  • [26]
    Platon, Protagoras, Paris, Flammarion-GF, 1995, p. 85.
  • [27]
    D.-R. Dufour, On achève bien les hommes.
  • [28]
    D.-R. Dufour, Lettres sur la nature humaine à l’usage des survivants, p. 38.
  • [29]
    Ibid., p. 46.
  • [30]
    Ibid., p. 57.
  • [31]
    Bernard Stiegler, La technique et le temps I. La faute d’Épiméthée, Paris, Galilée, 1994.
  • [32]
    Remarquons qu’une de ses très grandes influences de l’époque, André Leroi-Gourhan, était un opposant à la théorie de la fœtalisation.
  • [33]
    Ibid., p. 196.
  • [34]
    Ibid., pp. 248-249.
  • [35]
    Ce travail, de presque 150 pages, a initialement paru dans les numéros 32 et 33 de la revue Tel Quel en 1968 ; il est aujourd’hui consultable dans le livre de Derrida, La dissémination et en postface de la traduction par Luc Brisson du Phèdre de Platon, dans la collection GF.
  • [36]
    De ce point de vue, les travaux de François Perea se situent dans un projet anthropologique qui n’est pas sans rapport avec la philosophie de Derrida. En effet, il nous donne à lire et à entendre tout un ensemble de moyens rhétoriques, discursifs, permettant au sujet parlant de dire au-delà de ce qu’il peut énoncer en son nom propre. Remèdes à des affects pouvant inhiber la parole, ils contiennent tout autant leur charge de poison en ce que le sujet risque de s’enfermer dans leur usage, n’accédant plus à une pleine parole en son nom propre : des pharmaka discursifs. Son orientation actuelle semble confirmer la validité de ce rapprochement puisqu’il développe l’intéressant concept de désénonciation qu’il corrèle d’ailleurs à des processus discursifs néoténiques (Perea, F., 2001, Paroles d’alcooliques. Discours, interaction, subjectivité, Paris, L’Harmattan ; Perea, F., 2012, « Ivresse, défonce et énonciation », Psychotropes, à paraître à l’automne 2012).
  • [37]
    Bernard Stiegler, « Questions de pharmacologie générale. Il n’y a pas de simple pharmakon », Psychotropes, 13, 2007, 3-4.
  • [38]
    Ce concept d’objet d’addiction, dont j’ai pris connaissance grâce à Marc Valleur, est d’un grand intérêt en ce qu’il lie tout en les distinguant et les sépare tout en les reliant l’addiction et son objet, voire son support. Si l’on en suit la logique, l’addiction serait première ; son objet serait second, et par suite possiblement changeant.
  • [39]
    L’instance sur la rencontre distingue, selon moi, le modèle de Claude Olievenstein de tout modèle simplement « bio-psycho-social ».

1Lors de la remarquable journée du quarantième anniversaire de Marmottan [1], un échange entre les philosophes Bernard Stiegler et Dany-Robert Dufour a porté sur « l’homme néoténique » [2]. Si cette notion permet d’expliciter la sympathie que l’on devine, tant entre les travaux qu’entre les deux hommes, je voudrais ici, selon la belle formule que Deleuze reprit à Nietzsche, « affirmer le hasard » et soutenir que cette néoténie, qui n’était nullement au programme de la journée et qui a subrepticement surgi dès la matinée, est susceptible de nourrir la réflexion en addictologie, apportant une notable contribution à ce qui pourrait se nommer une philosophie de l’addiction.

2Les textes français sur « l’homme néoténique », ceux qui ne font pas que s’y référer mais qui en proposent une histoire ou une problématisation, restent rares en sciences humaines. On peut citer tout d’abord L’entrée dans la vie[3], le livre de Georges Lapassade qui, au début des années 1960, inaugure les travaux universitaires en sciences humaines et sociales, faisant une part à l’homme néoténique. On remarquera alors que les principaux contributeurs suivants ont été sollicités par le milieu de l’addictologie. En 1977, le philosophe Franck Tinland publie La différence anthropologique[4] qui accorde une place de choix à la néoténie et qu’il présentera lors du septième séminaire de l’Irema en 2005 [5]. Plus près de nous, Dany-Robert Dufour y a consacré deux livres [6] et a travaillé à plusieurs reprises avec Marmottan [7]. Enfin, en 2008, j’ai moi-même soutenu une thèse sur ce sujet [8].

3D’un autre côté, il arrive aux addictologues de se référer à la néoténie sans nécessairement la nommer. C’est, par exemple, le cas d’Alain Morel, François Hervé et Bernard Fontaine qui, dans Soigner les toxicomanies, rappellent que « [si l’homme] bénéficie à la naissance d’un très haut degré de développement neurosensoriel, il est par contre affecté d’une prématurité motrice, d’un retard du développement locomoteur qui mettra de longs mois à s’estomper. Il y a dans cette dissociation constitutionnelle une spécificité du rejeton humain en regard de toutes les autres espèces animales, une spécificité dont les conséquences seront aussi massives qu’ineffaçables » [9].

4En effet, même si on ne peut l’y réduire, l’extrême prématurité du nouveau-né de l’homme est une des importantes composantes de cet homme néoténique, les principales autres composantes étant la grande longueur de l’enfance et le maintien d’une forme et d’une plasticité psychique juvéniles.

5Issue de la zoologie du XIXe siècle, la néoténie désigne initialement un phénomène adaptatif rarissime. Transposée à l’homme, il s’agit d’une affaire plus complexe et sous certains aspects bien plus ancienne. Nous allons maintenant en esquisser l’histoire à grands traits pour ensuite en venir aux travaux de Dufour et Stiegler.

Qu’est-ce que la néoténie appliquée à l’homme ?

6On entend par homme néoténique l’idée que l’homme conserverait tout au long de sa vie « quelque chose de la jeunesse » [10]. Cette idée est à la fois fort ancienne et toujours actuelle. Une généalogie introductive de l’hypothèse d’un homme néoténique retiendrait les séquences suivantes :

1 – L’époque des Grandes Découvertes

7Les premiers naturalistes européens à voyager au Mexique sont intrigués par un étrange animal, l’axolotl, qui ressemble fortement à une larve de salamandre à la différence radicale qu’il ne connaît pas de métamorphose et qu’il se reproduit donc tel quel. Des débats ont lieu pour décider s’il s’agit d’un « animal parfait » ou bien de la larve un peu curieuse d’une salamandre restant introuvable. Le grand Cuvier procède à l’autopsie de spécimens arrivés morts en France. Si, sur la base de ses observations, il pencherait pour l’hypothèse qu’il s’agit d’une larve, l’absence du moindre témoignage de l’existence de l’hypothétique salamandre adulte le décide finalement à classer l’axolotl parmi les « reptiles douteux » mais néanmoins parfaits.

2 – L’arrivée des axolotls vivants en Europe

8Les premiers axolotls vivants sont rapportés en France à l’issue de la guerre du Mexique [11]. Auguste Duméril, du Muséum, procède à la fois à un élevage et à des observations qui l’occuperont jusqu’à sa mort. Au bout de deux années, il assiste à un phénomène extraordinaire : les axolotls se reproduisent bien tels quels mais certains descendants se métamorphosent en salamandre. L’axolotl serait donc un animal possédant deux formes adultes : l’une que l’on pourrait qualifier de manière oxymorique d’adulte larvaire, l’autre d’adulte complet. Nous sommes en 1865 et le livre événement de Darwin, L’origine des espèces[12], est publié depuis moins de dix ans.

3 – L’invention de la néoténie

9En 1884, un zoologiste suisse, Julius Kollmann, observe des phénomènes sinon identiques du moins comparables chez des larves de grenouilles européennes de tailles considérables. Il relève alors que certaines espèces à métamorphose possèdent la capacité de reporter celle-ci, autrement dit de « retenir la jeunesse ». C’est cette capacité qu’il propose de nommer néoténie et qu’il attribue également à l’axolotl.

4 – Le succès du thème de l’homme juvénile

10Le premier tiers du vingtième siècle voit le développement d’importants travaux explorant le thème des caractéristiques juvéniles de l’homme adulte. On peut citer, par exemple, l’œuvre littéraire de Gombroviszc [13], certains textes de Freud [14], mais surtout, en ce qui nous concerne ici, les méticuleuses études de Louis Bolk, un remarquable anatomiste hollandais, qui synthétisera près de vingt-cinq années de recherches en une « théorie de la fœtalisation » [15]. Selon lui, les principaux traits spécifiques de l’homme possèdent tous la même caractéristique : ils existent de manière transitoire chez les fœtus de primates (faible pilosité, localisation du trou occipital, non fermeture de la fontanelle, pouces des mains postérieures non opposables, etc.). L’hominisation consisterait ainsi en une fœtalisation de la forme et un ralentissement du développement [16].

11Cette théorie va connaître un grand succès, bien au-delà du cercle restreint des anatomistes et même de la biologie. Neuville puis Cuénot saluent très rapidement ce travail (ce dernier donnera une conférence intitulée « L’homme, ce néoténique » [17]). Il faut dire qu’elle ne fertilise pas seulement les travaux sur l’origine de l’homme mais qu’elle permet aussi de s’émanciper du diktat de la loi biogénétique de Hæckel qui dominait encore, et entravait, le développement du darwinisme [18]. C’est en partie pour cette raison que le grand théoricien de l’évolution, le Britannique Gavin de Beer, va très tôt intégrer la théorie de la fœtalisation à ses décisives élaborations sur les mécanismes de l’évolution.

125) En effet, dès le début des années 1930 avec Embryologie et évolution[19], de Beer fait grand cas du travail de Bolk. Pour lui, la fœtalisation est un cas particulier de la néoténie et on peut dater de la parution de son livre l’équivalence qui va dès lors prévaloir : la néoténie, c’est la fœtalisation et c’est donc une création de Bolk. Les travaux de Gavin de Beer vont fortement populariser l’idée que l’homme est un être vivant néoténique. Quarante ans plus tard, un autre livre incontournable pour l’évolutionnisme va faire grand cas de la néoténie, l’admirable Ontogeny and Phylogeny[20], de Stephen Jay Gould. Reprenant les travaux de Bolk et de de Beer, les enrichissant, les complexifiant, il va donner un nouvel essor aux travaux sur les hétérochronies du développement. L’évolution est alors analysée comme variation de vitesse relative de développement des différentes parties d’un organisme, ce que l’on nomme l’évolution en mosaïque. C’est dans ce cadre que s’inscrivent, par exemple, les travaux de Jean Chaline [21].

13Dans le même temps, la néoténie appliquée à l’homme va fertiliser différents travaux, en dehors des anatomistes et des évolutionnistes. Citons, parmi d’autres, Aldous Huxley [22], Edgar Morin [23] ou encore Konrad Lorenz [24] qui contribuera, avec le philosophe allemand Arnold Gehlen, à développer les aspects comportementaux, psychiques et affectifs de la néoténie chez l’homme [25].

Sur un mythe platonicien

14Venons-en maintenant aux philosophes Dufour et Stiegler.

15À vrai dire, chacun a travaillé de son côté une facette de la néoténie et s’est rapproché ensuite de l’autre. Pour aborder leurs travaux, on pourrait partir d’un mythe platonicien qui les a tous deux inspirés, celui d’Épiméthée et Prométhée, tel que le Protagoras de Platon nous le livre.

16Lorsque les dieux décidèrent de créer les êtres mortels, ils en façonnèrent les formes nues (entendons, génériques) à l’aide des éléments primordiaux puis, avant de les faire paraître, ils chargèrent deux titans, les frères Épiméthée (celui qui agit avant de réfléchir) et Prométhée (celui qui réfléchit avant d’agir) de distribuer à chacune ce dont elle aurait besoin pour vivre (ce que nous appellerions aujourd’hui leurs spécialisations). Épiméthée demanda à procéder seul à la répartition et que, seulement ensuite, son frère en vérifiât le résultat, ce que Prométhée accepta.

17Lors de la distribution, Épiméthée se montre, semble-t-il, avisé : à ceux auxquels il donne la force, il ne donne pas la vitesse, qu’il attribue à d’autres. La faiblesse sera compensée par l’agilité, la grandeur protège d’elle-même les êtres qui la possèdent, quant aux petits, ils reçoivent des ailes ou bien un habitat protecteur, par exemple souterrain, etc. En procédant ainsi, en distribuant les forces et les faiblesses, il fait en sorte qu’aucune espèce ne soit détruite par une autre. De la même manière, il attribue à chacune les moyens de faire face aux circonstances : celles qui auront à affronter le froid sont revêtues d’une épaisse fourrure, à celles qui serviront de nourriture aux autres, il réserve la fécondité, les espèces carnassières ne pouvant que se multiplier fort peu de façon à maintenir l’équilibre, et ainsi de suite.

18Cependant, lorsqu’il en arrive à l’homme, Épiméthée a épuisé toutes les facultés dont il disposait. Face au titan, l’homme se tient nu, sans moyens de défense, de fuite ou d’attaque. Aussi faible et démuni qu’un nouveau-né. Lorsque son frère Prométhée s’en aperçoit, il décide de le doter du « savoir technique » [26] et du feu, qu’il dérobe aux dieux. L’homme devra par conséquent sa survie au vol de Prométhée, qui lie l’espèce humaine à la technique (ainsi qu’au don que Zeus lui-même lui fera ensuite, par l’intermédiaire d’Hermès, de l’art politique).

19Ce mythe peut être interprété d’au moins deux manières. Sous le signe d’Épiméthée, on pourra développer une réflexion sur la nature si particulière de l’homme, sur son corps dénué des spécialisations qui caractérisent, qui spécifient, chacune des autres espèces vivantes et lui permettent de survivre. Autrement dit, il s’agit d’une réflexion sur l’homme néoténique. D’un autre côté, sous le signe de Prométhée, on pourra développer une réflexion sur tous les artifices, toutes les techniques, toutes les créations humaines qui constituent tout autant la spécificité de l’homme que son absence de spécialisations corporelles. Dans le premier cas, on reconnaîtra le travail de Dufour, dans le second, celui de Stiegler.

La figure d’Épiméthée et la néoténie selon Dany-Robert Dufour

20Pour Dufour, ce mythe inaugure dans la culture occidentale le récit d’un homme néoténique, autrement dit un être vivant fondamentalement inachevé et par conséquent essentiellement inadapté à tout milieu. Spécifiquement incapable de survivre seul, en lui-même, une sorte d’erreur de la nature. Erreur parmi le règne animal, puisque seul, il ne survivrait pas une journée dans la nature, mais tout autant erreur de la part de la nature d’avoir laissé cet avorton la conquérir [27]. L’homme inachevé manque d’une part de nature dont n’étaient pas privés dans les temps immémoriaux ses lointains et oubliés ancêtres, lesquels, accordés à leur milieu, vivaient pleinement leur vie immédiate. Car ce qui caractérise l’animal, c’est « la pleine suffisance de cet être » :

21« L’animal est fini, finalisé, il “sait” ce qu’il a à faire, où et comment il doit le faire, et quand il a rendez-vous avec son objet – proie ou partenaire. Il est tout entier présent dans l’espace-temps de la rencontre. Ici même et pas à côté. Sans retard ni avance. Intégralement dans le présent immédiat de l’instant [28]. »

22Le processus de néoténisation de l’homme a été un progressif ralentissement du développement, laissant persister une forme juvénile, formant un être foncièrement affaibli et inadapté à tout environnement déterminé et que décrit Dufour dans des termes sans concession :

23« Réduit à mes seules qualités, je ne suis en effet comme néotène qu’un être débile au sens où je suis constitutivement faible, défaillant, et même doublement défaillant : hors de l’instant et sans espace propre. De tout temps, j’ai été jeté hors de là où le temps se rejoue constamment, hors de l’instant où tout événement arrive [29]… »

24La seule issue à sa survie a été l’invention d’un complément d’une autre nature, d’une « seconde nature ». Car l’homme serait le seul vivant qui, pour survivre, doit nécessairement se supplémenter d’artifices dont certains, paradoxalement, seront ressentis comme relevant de sa profonde nature. Dufour choisit de nommer « seconde nature » ce que d’autres nomment culture pour rendre plus concrète sa nécessité : en tant qu’espèce néoténique, l’homme n’est pas en condition de vivre seul, de lui-même, en fonction ou non d’une culture qui viendrait en plus de sa nature. La seconde nature reste tout aussi vitale et nécessaire que la première. Elle est certes constituée des techniques et des artefacts matériels, des outils, des techniques mais aussi des langues, des récits, des cultures, des rites : toutes les constructions symboliques. Ainsi, l’habitat proprement humain est lui aussi d’une « nature » bien particulière :

25« L’espèce néoténique, composée comme telle d’êtres inachevés et incapables d’habiter le vrai monde, s’en est donc créé un second, de substitution, grâce au langage. Elle habite un territoire coextensif à sa parole, un territoire qu’elle crée à mesure que chacun de ses membres parle, qu’il peuple de choses absentes qu’il ne cesse de rendre présentes, d’avérer et de tenter de porter par tous les artifices possibles à la vue de ses congénères [30]. »

26Il faut ici souligner la nature très particulière de cet habitat coextensif à la parole, qui se crée « à mesure que chacun de ses membres parle » : cet habitat se constitue non seulement des artifices, mais aussi de l’acte même de parler, créer, non seulement ce qui est créé mais aussi l’acte et le processus de création. Autrement, l’habitat de l’homme ne saurait se réduire à ce que ses prédécesseurs ont déjà produit, ni même à ce que lui-même aura créé : il lui faut en permanence former son habitat ou, comme l’écrivait Heidegger, configurer son monde. La seconde nature de l’homme, c’est dans le même temps ses créations et la création elle-même.

27Dufour toutefois n’a pas exploré tous les aspects de cette seconde nature et s’est surtout intéressé à ses expressions symboliques (mythes, récits, arts…). On dirait que, sans concertation, il a laissé à son collègue et ami Bernard Stiegler la tâche d’en explorer les aspects techniques.

La figure de Prométhée et la néoténie selon Bernard Stiegler

28À partir du même mythe, Stiegler développe une analyse serrée des rapports de l’homme et de la technique [31]; cette technique dont l’homme inachevé a vitalement besoin.

29Alors qu’à l’époque de ses premiers travaux, il semble ne pas avoir connaissance des travaux sur la néoténie [32], il interprète pourtant le mythe d’Épiméthée dans des termes qui pourraient être ceux de Dufour. Épiméthée, celui qui pense après coup, a laissé les hommes « nus comme de petits animaux prématurés, sans fourrures ni défenses, arrivés en avance, comme en avance, et aussi bien trop tard » [33]. C’est cet état de détresse qui va inciter Prométhée à fournir aux hommes de quoi survivre malgré leur nudité : la technique.

30Quittant la mythologie pour la paléoanthropologie, Stiegler développe alors le riche concept d’épiphylogenèse pour penser les rapports entre le processus d’hominisation et le développement de la technique. Celle-ci possède en effet une propriété mnésique : elle est la possibilité de « sommation d’événements épigénétiques » qui sinon se perdraient « avec la perte de l’individu qui en a été le support ». Tout au long de la longue histoire des hominidés, chaque outil fabriqué a permis de conserver une partie de la mémoire de son créateur parce que l’outil peut persister bien après celui qui l’a fabriqué. Et ainsi se constitue une forme de mémoire extérieure, à la fois trace de ce qui a été et anticipation de ce qui peut advenir. L’inscription dans la temporalité commencerait donc avec le premier outil, première trace mnésique extériorisée. Mais plus profondément, chaque avancée de la technique modifie le milieu dont elle est constitutive, ce qui, en retour, va imposer que se modifient ceux qui la développent.

31« Chaque fois que l’individu endure son déphasage avec lui-même, c’est à l’occasion d’une épreuve de son déphasage avec ce qui n’est pas lui, son “milieu”. Et chaque fois qu’il “s’adapte” à son milieu, bien plus profondément, il se modifie lui-même selon sa nécessité interne dont la pression du milieu occasionne l’expression comme nouveau stade d’organisation, déplaçant les limites des déphasages qui sont les traces de son histoire comme individuation sans commencement ni fin [34]. »

32La technique se développant par l’homme et l’hominisation se couplant avec le développement de la technique, les spécialisations, spécifiques, vont alors être projetées hors du corps et du cortex vers des artefacts mobiles et substituables, autorisant une plus grande plasticité et polyvalence de l’individu. On dira que l’hominisation est un processus de dé-spécialisation, autre nom de la néoténie, ou encore de développement des non-spécialisations (Konrad Lorenz considérait l’homme comme le spécialiste de la non-spécialisation). Or ce processus procède par néoténisation, c’est-à-dire que la déspécialisation consiste en une stabilisation de traits génériques juvéniles, voire fœtaux, autrement dit propres à l’état de dépendance dans lequel se trouve tout être vivant qui vient au monde. Mais il est une autre dépendance puisque la projection de spécialisations chaque fois plus riches et complexes dans des artefacts, des techniques, des constructions symboliques, etc., à la fois accroît les puissances d’agir et de penser mais dans le même temps nécessite, conditionne et nourrit une dépendance à leur égard.

33On comprend mieux maintenant l’intérêt de Stiegler pour le pharmakon, concept introduit en philosophie par Jacques Derrida en 1968 grâce à son admirable écrit « La pharmacie de Platon » [35], concept qui est en train d’être intégré à la réflexion addictologique, notamment par Marc Valleur et par Jean-Pierre Couteron, qui permet de désigner ce avec quoi l’homme entretient des rapports paradoxaux qui en font un remède (une solution, un bénéfice…) en même temps qu’un poison (une difficulté, une entrave…). Le pharmakon dont traite Derrida nous est très précieux, notamment parce qu’il ne s’agit pas d’une substance, mais de l’écriture. Dans le Phèdre, à l’heure de son invention, l’écriture est présentée comme un pharmakon-remède qui viendra soutenir la mémoire. Mais elle peut aussi constituer un pharmakon-poison en tant qu’elle va affaiblir la capacité de mémorisation en la rendant inutile. La discussion se situe dans les temps mythologiques. Nous savons nous, aujourd’hui, à quel point l’écriture a permis de décupler les puissances de l’homme tout en affaiblissant il est vrai la puissance de mémorisation individuelle : qui donc de nos jours serait capable de mémoire de déclamer l’Iliade ? Mais dans le même temps, on comprend que notre dépendance à l’écriture due à l’affaiblissement de nos capacités mnésiques nous a libérés de la charge de mémoriser et nous permet de mobiliser des puissances nécessitant des mémorisations que l’on a extériorisées dans des suppléments techniques. On appréhende dans cet exemple inaugural la nécessaire polysémie autant que la polyvalence du pharmakon, non réductible à une substance et auquel on ne peut assigner de valeur univoque et déterminée en dehors des rapports, contextes, établis avec lui [36]. Poison et remède restent liés : il n’est pas dans la nature du pharmakon d’être toxique, mais il est dans ses caractéristiques, dans ses puissances, ses possibilités, d’entrer dans la composition de rapports à effets toxiques, bénéfiques, addictifs.

Conclusion

34On balaie parfois un peu rapidement la dépendance par l’argument que tout vivant est dépendant, par exemple que nous sommes dépendants de l’air que nous respirons. Si c’est vrai, ce n’est pourtant pas si simple. L’homme entretient aussi un rapport spécifique à la dépendance en tant que sa genèse (sa phylogenèse et son ontogenèse) nécessite et résulte du développement et de la prolongation des dépendances : aux autres bienveillants qui l’entourent mais aussi aux objets de toutes sortes que ses prédécesseurs avaient précédemment créés. L’homme en tant qu’espèce est le vivant dépendant des créations, artifices qu’il s’est lui-même donnés pour obvier à sa dépendance constitutive. L’hominisation, nous l’avons dit, c’est la lente histoire d’un vivant devenant chaque fois plus dépendant des artefacts, des objets techniques qu’il crée, utilise et avec lesquels dans le même temps il se développe. C’est le processus de néoténisation couplé au développement des techniques. Celles-ci peuvent être bénéfiques (en tant qu’elles soutiennent l’homme, suppléent à ses faiblesses et même accroissent ses puissances de percevoir, de penser ou encore d’agir) et tout autant maléfiques, en tant qu’elles nécessitent, entretiennent, et même accroissent la faiblesse constitutive de l’homme et sa dépendance à leur égard. En ce sens, tout objet technique, toute construction symbolique, peuvent être pensés comme pharmakon. L’hominisation est dans le même temps une pharmacolisation et il s’agit de penser les rapports nécessairement complexes entre hominisation, technique et addiction, en d’autres termes entre néoténie, pharmakon et addiction. C’est en quelque sorte ce que soutenait assez récemment Stiegler dans un article paru précisément dans Psychotropes : « Je suis en défaut : en tant qu’être pharmacologique qui tente d’être non inhumain, je suis un être néoténique, c’est-à-dire tout aussi bien technique » [37].

35Il y aurait alors lieu de situer la dépendance dans l’addiction relativement à la dépendance néoténique qui nous constitue. Les objets d’addiction [38] pourraient-ils être constitués en une classe particulière de pharmaka ? L’addiction procéderait-elle d’un rapport particulier à un pharmakon quelconque ? Au vu de ce que nous avons présenté, on pourrait formuler l’hypothèse d’une précipitation, ou d’une réduction, dans la polyvalence des rapports au pharmakon, rupture dans la dialectique entre faiblesse et puissance.

36Ce serait une manière, peut-être anthropologique, de considérer le modèle trivarié de Claude Olievenstein dont on pourrait alors dire qu’il propose de penser l’addiction comme la rencontre[39] entre un sujet donné, une modalité d’usage donnée d’un pharmakon donné et un moment socio-culturel donné, ce qui pose le temps logique de la constitution de l’addiction comme précédant celui de la dépendance.

Bibliographie

Références

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Mots-clés éditeurs : addiction, hominisation, néoténie, technique, dépendance

Mise en ligne 26/06/2012

https://doi.org/10.3917/psyt.181.0103

Notes

  • [1]
    Vendredi 24 juin 2011, quarantième anniversaire du centre médical Marmottan « Corps et âme, les addictions ».
  • [2]
    Les interventions de ces deux philosophes ne portaient pas sur la néoténie mais sur leurs analyses critiques du néolibéralisme et de ses conséquences tant sociales que subjectives et qui mènent à l’idée que nous serions dans une société addictive.
  • [3]
    Georges Lapassade, L’entrée dans la vie : essai sur l’inachèvement de l’homme, Paris, Éditions de Minuit, 1963.
  • [4]
    Franck Tinland, La différence anthropologique: Essai sur les rapports de la nature et de l’artifice, Paris, Aubier Montaigne, 1977.
  • [5]
    Franck Tinland, « L’être humain : un vivant inachevé en quête de ‘‘monde’’ », Irema, séminaire de recherche La créativité dans la clinique des addictions, Paris, 2005.
  • [6]
    Dany-Robert Dufour, Lettres sur la nature humaine à l’usage des survivants, Paris, Calmann-Lévy, 1999 ; Dany-Robert Dufour, On achève bien les hommes : de quelques conséquences actuelles et futures de la mort de Dieu, Paris, Denoël, 2005.
  • [7]
    En 2009, pour la journée d’études « Addictions, consommation, société » et donc en 2011 pour le quarantième anniversaire.
  • [8]
    Marc Levivier, « Manque et puissance. Généalogie, concepts et interprétation de l’hypothèse néoténique dans les sciences humaines » (Paris 8, 2008), sous la direction de Dany-Robert Dufour.
  • [9]
    Alain Morel, François Hervé et Bernard Fontaine, Soigner les toxicomanes, Paris, Dunod, 1997, pp. 56-57.
  • [10]
    Selon l’étymologie choisie, néoténie signifie « qui retient la jeunesse » ou bien « qui étend la jeunesse ».
  • [11]
    On envisageait pour l’animal le même succès que pour la pomme de terre : une contribution notable à l’enrichissement nutritif de la population.
  • [12]
    Charles Darwin, L’origine des espèces, Paris, Flammarion GF, 1995. Traduction de la première édition du livre, parue en 1859.
  • [13]
    Witold Gombrowiszc, Ferdydurke, Paris, Gallimard, 1998.
  • [14]
    Sigmund Freud, « Esquisse d’une psychologie scientifique », La naissance de la psychanalyse 8 (1895) ; Sigmund Freud, Inhibition, symptôme et angoisse, Paris, Presses universitaires de France, 1981.
  • [15]
    Louis Bolk, « Le problème de la genèse humaine », Revue française de psychanalyse, 25 (1961).
  • [16]
    Marc Levivier, « La fœtalisation de Louis Bolk », Essaim, n° 26 (2011): 153-168.
  • [17]
    Lucien Cuénot, « L’homme, ce néoténique », Académie Royale de Belgique (1945): 427-432.
  • [18]
    Cette loi, qui domina la pensée évolutionniste durant plus d’un demi-siècle, édictait que l’ontogénie récapitule la phylogénie. Elle impliquait donc une évolution procédant par accélération. Les travaux de Bolk, eux, mettaient en avant un principe d’évolution par ralentissement.
  • [19]
    Gavin de Beer, Embryologie et évolution, Paris, Legrand, 1932.
  • [20]
    Stephen Gould, Ontogeny and Phylogeny, Cambridge, Mass.: Belknap Press of Harvard University Press, 1977.
  • [21]
    Jean Chaline, Les horloges du vivant : un nouveau stade de la théorie de l’évolution ?, Paris, Hachette, 1999.
  • [22]
    Aldous Huxley, Jouvence, Paris, Pocket, 1999 ; Aldous Huxley, Le meilleur des mondes, Paris, Plon.
  • [23]
    Edgar Morin, Le paradigme perdu: la nature humaine, Paris, Seuil, 1973.
  • [24]
    Konrad Lorenz, Trois essais sur le comportement animal et humain, Paris, Seuil, 1974.
  • [25]
    Arnold Gehlen, Anthropologie et psychologie sociale, Paris, Presses universitaires de France, 1990.
  • [26]
    Platon, Protagoras, Paris, Flammarion-GF, 1995, p. 85.
  • [27]
    D.-R. Dufour, On achève bien les hommes.
  • [28]
    D.-R. Dufour, Lettres sur la nature humaine à l’usage des survivants, p. 38.
  • [29]
    Ibid., p. 46.
  • [30]
    Ibid., p. 57.
  • [31]
    Bernard Stiegler, La technique et le temps I. La faute d’Épiméthée, Paris, Galilée, 1994.
  • [32]
    Remarquons qu’une de ses très grandes influences de l’époque, André Leroi-Gourhan, était un opposant à la théorie de la fœtalisation.
  • [33]
    Ibid., p. 196.
  • [34]
    Ibid., pp. 248-249.
  • [35]
    Ce travail, de presque 150 pages, a initialement paru dans les numéros 32 et 33 de la revue Tel Quel en 1968 ; il est aujourd’hui consultable dans le livre de Derrida, La dissémination et en postface de la traduction par Luc Brisson du Phèdre de Platon, dans la collection GF.
  • [36]
    De ce point de vue, les travaux de François Perea se situent dans un projet anthropologique qui n’est pas sans rapport avec la philosophie de Derrida. En effet, il nous donne à lire et à entendre tout un ensemble de moyens rhétoriques, discursifs, permettant au sujet parlant de dire au-delà de ce qu’il peut énoncer en son nom propre. Remèdes à des affects pouvant inhiber la parole, ils contiennent tout autant leur charge de poison en ce que le sujet risque de s’enfermer dans leur usage, n’accédant plus à une pleine parole en son nom propre : des pharmaka discursifs. Son orientation actuelle semble confirmer la validité de ce rapprochement puisqu’il développe l’intéressant concept de désénonciation qu’il corrèle d’ailleurs à des processus discursifs néoténiques (Perea, F., 2001, Paroles d’alcooliques. Discours, interaction, subjectivité, Paris, L’Harmattan ; Perea, F., 2012, « Ivresse, défonce et énonciation », Psychotropes, à paraître à l’automne 2012).
  • [37]
    Bernard Stiegler, « Questions de pharmacologie générale. Il n’y a pas de simple pharmakon », Psychotropes, 13, 2007, 3-4.
  • [38]
    Ce concept d’objet d’addiction, dont j’ai pris connaissance grâce à Marc Valleur, est d’un grand intérêt en ce qu’il lie tout en les distinguant et les sépare tout en les reliant l’addiction et son objet, voire son support. Si l’on en suit la logique, l’addiction serait première ; son objet serait second, et par suite possiblement changeant.
  • [39]
    L’instance sur la rencontre distingue, selon moi, le modèle de Claude Olievenstein de tout modèle simplement « bio-psycho-social ».
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