Notes
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Voir contexte infra.
1À travers l’histoire singulière de Julien, il s’agit d’illustrer la richesse et la complexité des questions, autant cliniques que théoriques, touchant à la problématique des sujets atteints de toxicomanie. Une première partie décrit les fondements d’une prise en charge institutionnelle basée sur des concepts analytiques et en cela, tente d’éclairer la place de la substitution sujette à polémique dans ce champ théorique. Puis l’illustration clinique permet d’apprécier l’importance de l’histoire singulière de chaque sujet. Elle est articulée à des éléments théoriques afin d’ouvrir la discussion sur le sujet de la place de l’objet drogue dans l’économie psychique de Julien.
Présentation d’une prise en charge institutionnelle
2Le suivi clinique de Julien s’est déroulé au Pôle d’addictologie du Centre hospitalier spécialisé de Jury. Les patients sont pris en charge dans deux espaces distincts : le centre d’accueil Baudelaire qui reçoit la demande des patients, et qui les accompagne en ambulatoire, et le Service de soins pour toxicomanes, structure d’hospitalisation qui accueille les patients pour des sevrages à divers produits, pour des initialisations de traitement de substitution, ainsi que lors de situations de crise.
3La pensée qui fonde cette prise en charge et l’articulation des différentes structures de soins, est basée sur des concepts psychanalytiques. Puisqu’une des caractéristiques majeures de la problématique des patients toxicomanes est l’indifférenciation, la psychanalyse est, à ce titre, particulièrement à même d’apporter un éclairage. Elle tient compte de la dimension de subjectivité unique, inhérente à chaque être humain. Elle se définit par un savoir sur le désir propre à chaque individu, et vise à l’affirmation et à la différenciation du sujet.
« La pratique analytique ne peut réduire le sujet à son addiction et se consacre donc à soutenir le sujet dans sa désaliénation de l’identité d’emprunt représentée par l’addiction et dans son interrogation de ce que recouvre son comportement. » (30)
5En partant de la clinique propre au patient, ce mode de prise en charge institutionnel laisse une place à la conception de la toxicomanie comme symptôme. Si le thérapeute se positionne du point de vue des thérapies cognitivo-comportementales, son approche de la toxicomanie sera du côté du comportement. De la même façon, si l’on ramène la question de la toxicomanie à la spécificité de l’histoire individuelle, il s’agit d’une thèse considérant celle-ci comme « symptôme » au sens analytique, c’est-à-dire prenant en compte le sens historique du symptôme, et tenant compte des effets du toxique, qui font l’objet d’une mise en scène dans le transfert. (31) La question de la toxicomanie comme symptôme est donc une question particulièrement complexe qui dépend notamment du positionnement théorique du thérapeute.
6Par ailleurs, la notion de dépendance permet d’éclairer cette conception de la toxicomanie comme symptôme, dans le sens où celle-ci est une constante du fonctionnement de l’appareil psychique et de la construction subjective. Ici, la dépendance devient pour des raisons qui pourront être éclairées par l’histoire individuelle, un mode de fonctionnement prévalant au détriment d’autres modalités relationnelles. (25) Cette dépendance que l’on observe dans la toxicomanie aurait valeur pour le sujet, de tentative inconsciente de régler une dette en payant de son corps dans le réel. Dette qui est inversée, en lien avec le préjudice que le sujet estime avoir subi et pour lequel il demande sans cesse réparation. Cette dépendance à l’objet drogue vise paradoxalement à échapper à une autre dépendance suscitée par l’investissement libidinal et par le désir de l’autre, vécu comme dangereux. Elle organise ainsi toute l’économie psychique du sujet autour d’une pseudo-pulsion qui se rapproche plus de l’acte pervers désexualisé que de la mise en acte, effets des formations de l’inconscient. (30) Une citation de Joyce Mac Dougall (1978) permet ainsi de faire le lien entre symptôme et acte : « à l’atteinte narcissique originaire favorisant une fragilité identitaire, l’addiction répond par des “actes-symptômes” ». (27)
Chaque patient dispose d’un soignant référent, que ce soit au centre d’accueil Baudelaire ou au Service de soins pour toxicomanes. Référent auquel il s’adresse pour toute question concernant son suivi. Il ne peut solliciter un autre soignant pour un aménagement de son suivi qu’avec l’aval du référent. L’enjeu est de ne pas donner au patient l’illusion d’une interchangeabilité du soignant, qu’il s’agira donc toujours de bien différencier. Chaque soignant intervient en son nom dans la prise en charge, et en rend compte lors des réunions de service, qui ont lieu de manière hebdomadaire. Le sujet toxicomane et le soignant vont tenter dans cette prise en charge de dépasser les images caricaturales et de s’adresser l’un à l’autre, de sujet à sujet. Car l’enjeu majeur est d’aller au-delà d’une relation basée sur l’offre et la demande. En effet, l’image du « toxico » véhiculée et surdéterminée par les médias, les représentations sociales du « toxico » amalgamées très souvent au délinquant ou au malade, et la toxicomanie stigmatisée comme vice, faiblesse ou faute, sont à dépasser pour pouvoir aller à la rencontre du sujet. (33) De la même façon pour le patient, il s’agit d’avoir la possibilité d’entrevoir que derrière l’image du soignant, de celui « qui prend soin de », derrière la fonction, derrière l’institution, il y a un sujet qui parle en son nom. Il s’agit de dépasser la relation soignant-soigné pour aller vers celle que l’on pourrait caractériser de la manière suivante : un sujet formule une demande à un autre sujet qui tente de l’entendre et d’accompagner le premier.
La rencontre
7La première rencontre entre un patient toxicomane et un soignant référent a lieu en règle générale dans un centre d’accueil Baudelaire.
Deux écueils sont à éviter dans cette rencontre avec le patient toxicomane (20) :
- la complicité patient-soignant, celle-ci entraînant une méconnaissance de ce qu’il en est du désir de chacun, du désir du toxicomane d’être reconnu comme malade, et du désir de réparation, voire de guérison du soignant ;
- l’affrontement, si le soignant ne reconnaît pas le toxicomane dans son statut de malade. Celui-ci peut alors l’interpréter comme un rejet et le soignant risque soit de se sentir incompétent, soit de s’attribuer la place du juge, ou encore le rôle de pourvoyeur de drogue dans le cas d’une demande de substitution.
9Les patients s’acceptent manquant au travers de leur demande de soins. Ce n’est pas une mince affaire pour eux qui saturent le manque par un objet matériel en lien avec un fantasme de complétude et de retour à une satisfaction primordiale. Cette satisfaction primordiale survient sans médiation psychique et est associée à un plaisir immédiat. Lacan reprendra ces notions de manque et de satisfaction primordiale au travers de la satisfaction alimentaire en les articulant aux dimensions de la demande, du besoin et du désir, qui nous intéressent particulièrement. Il s’agit de notions importantes dans le domaine des toxicomanies. Concernant la satisfaction alimentaire, la pulsion se manifeste chez l’enfant par le surgissement d’un déplaisir lié à une excitation occasionnée par la faim. C’est un pur besoin dans un registre essentiellement organique. L’objet proposé à l’enfant pour la satisfaction du besoin, en l’occurrence le sein, l’est sans qu’il le demande, et sans qu’il en ait une représentation psychique. Cette première expérience va donner lieu à une représentation psychique liant la satisfaction et l’objet ayant assuré cette satisfaction. La répétition du déplaisir lié au besoin occasionne l’apparition de manifestations corporelles de l’enfant réalisant une demande à l’endroit de la satisfaction attendue qui manque. Avec cette demande qui prend valeur de signe pour l’autre, s’amorce la communication symbolique. Ceci témoigne de l’entrée de l’enfant dans l’univers du désir, qui s’inscrit toujours entre la demande et le besoin, au-delà d’une jouissance non médiatisée par la parole. (7)
C’est cette jouissance immédiate non médiatisée par la parole, court circuit de la pensée par l’acte, que l’on retrouve dans la clinique des sujets toxicomanes. Le passage de l’objet primordial perdu vers un univers de désir a été compromis chez ces sujets. L’insuffisance ou l’absence d’intégration de la loi symbolique lors de la traversée œdipienne ne leur a pas permis l’accès au monde des désirs. (9) Il existe chez eux, une dépendance qui tient de la passion. Celle-ci met en question leur rapport à la jouissance, au manque, dans une alternance entre « combler un manque » pour rejouer le comblement, et « être en manque » quand le manque vient à manquer. Leur fantasme se résume dans la réduction du désir qu’aucun objet ne peut satisfaire, au besoin totalement comblé par un objet. (20) Au travers de la demande, ils acceptent de prendre le risque d’avoir quelque chose à perdre ou à gagner en même temps qu’ils reconnaissent être manquants. C’est alors le contrat entre deux sujets – soigné et soignant –, qui va fonctionner comme protection de part et d’autre durant tout le temps de la prise en charge.
L’accord, le contrat
10Le Service de soins pour toxicomanes est un service considéré comme un lieu de vie et un lieu de soins, temporaire, avec des règles qui engagent chacun. Il s’agit d’inciter les patients à participer à la vie institutionnelle, vie qui pourrait fonctionner comme une « perfusion de désir » en lieu et place des injections de produits, produits amenant une pure jouissance au détriment de ce désir.
11L’accord oral entre le patient et son référent a pour objectif de lui permettre d’entrevoir une alternative à la logique de consommation, au monde sans limites dans lequel il reste pris, monde dans lequel le rapport interhumain n’est plus caractérisé que par la loi de l’offre et de la demande : offre du dealer/demande du drogué. Symptôme de la société actuelle de consommation ? Le toxicomane constituerait alors une figure emblématique de notre temps et de notre civilisation centrés sur l’avoir plus que sur l’être. (20) L’accès à la dimension désirante entre le besoin et la demande implique la confrontation du patient et du soignant à des lois, en l’occurrence celles du service, qui vont réguler les fantasmes de dévoration, de maîtrise ou de violence contre soi ou contre l’autre.
12L’accord va permettre de définir l’espace de soin spécifique par un dedans et un dehors. C’est un espace imaginaire permettant de faire entrevoir au sujet ce qu’est une parole qui engage sa responsabilité. Le service va être contenant et sécurisant. L’intérêt de cet espace imaginaire est de permettre la projection des conflits, du mode relationnel et des frustrations du patient. Le patient va tester cet espace, va y bouger pour y trouver une place, parfois au travers de transgressions qui seront travaillées avec lui, afin de lui permettre d’apercevoir progressivement le côté engageant de sa parole et de celle de l’autre. Ce qui compte dans cet accord, ce sont les marges, les limites, les jeux et transgressions. Dans cet espace, le collectif soignant et le soignant, en tant que sujet, vont être tour à tour, surface d’inscription, surface de transfert.
13La fermeture de cet espace est elle aussi une fermeture contractuelle, plaçant le patient et son référent infirmier, chacun face à sa responsabilité et à son identité de soigné ou de soignant. Chaque patient va s’engager à respecter la fermeture de l’espace du service, à ne pas apporter et à ne pas consommer de produits pendant son séjour, à ne pas avoir de gestes hétéro- ou auto-agressifs, sous peine d’être réorienté, c’est-à-dire de quitter le service afin de réengager une demande de prise en charge, s’il le souhaite, en ambulatoire. Son référent infirmier s’engage, lui, à l’accompagner tout au long de sa démarche de soin et à sanctionner les transgressions durant le séjour. Il s’agit d’instaurer une limite, de régler l’échange afin de pouvoir sanctionner la transgression éventuelle des patients pendant leur séjour et de les protéger contre une éventuelle emprise, la compassion ou le désir de guérir de leur référent infirmier ou médical.
Ainsi, comme le dit Roland Barthes, le contrat « libère des embarras imaginaires de l’échange », ou de la question angoissante : « Que me veut l’autre ? Quel est son désir à mon égard ? ». (23)
Spécificités des techniques psychanalytiques
14La technique psychanalytique classique semble être inadaptée aux sujets toxicomanes, en ce que les risques liés à la neutralité, au préjudice en cas de non-contrôle du symptôme, ainsi qu’au risque de recrudescence des consommations de toxiques face à des interprétations anxiogènes, sont potentiellement présents. Cependant, du fait de l’importance des expériences infantiles précoces dans le développement des troubles toxicomaniaques, ainsi que de la prévalence des troubles émotionnels et conflits interpersonnels comme facteurs précipitant des rechutes, la technique psychanalytique peut trouver des indications dans la prise en charge des toxicomanes.
15Il y a nécessité d’aménagements techniques, d’inscription dans un projet de soins multidisciplinaire (31), dans le cadre d’un accord ferme, tel que nous l’avons évoqué au travers de la description des divers temps institutionnels et des intervenants. Le cadre doit être adapté à chaque situation avec souplesse, mais sans compassion, en tenant compte de la capacité de chaque patient de supporter la rencontre avec l’autre.
Certaines spécificités se dégagent quant au travail psychothérapique mené auprès de sujets toxicomanes : imprévisibilité, tentations de rechute dans les drogues, drogue occupant toute la place dans le discours du sujet ou encore inconstance dans le suivi (8). Ce à quoi le thérapeute a à faire, c’est à l’absence du patient (5). La mise en œuvre de la pulsion de mort au travers de la destruction du corps rend les réactions thérapeutiques négatives extrêmement fréquentes : inconstance dans le suivi, transgression du contrat par exemple. Ces réactions sont liées à la culpabilité qui trouve une satisfaction par la punition. Ceci permet au sujet de conserver une pseudo maîtrise en initiant le rejet, plutôt que de risquer devoir le subir. Il s’agit d’aider le patient à mettre sa souffrance en mots, « dans l’idée d’un échange de la drogue contre une parole » (9), d’un passage du domaine de l’agir au symbolique.
La question de la substitution par méthadone
16Ces dernières années, des programmes généralisés de substitution ont été adoptés, visant une efficacité dans le domaine :
- de la réduction significative des risques : sociaux, économiques, médicaux (infections virales et autres comorbidités liées aux toxicomanies) ;
- de la réduction des problèmes de pharmacodépendance.
17La substitution est, a priori, totalement opposée à la démarche psychanalytique en ce qu’elle propose de substituer un produit à un autre produit. Seule la question du sevrage est parfois laissée à la discrétion du patient. Cependant, il s’agit d’avoir une position nuancée dans ce domaine au vu de la nécessité de protéger des sujets qui se mettent à mal. Ceci en évitant le raisonnement manichéen des tenants et détracteurs de la substitution se positionnant avec un savoir non discutable, et où chacun idéalise sa position en stigmatisant la position opposée (25). Selon Philippe Jeammet, « psychanalyse et substitution se situent à des niveaux de réponse et plus encore de logique interne plus différents qu’antagonistes ».
18Dans certaines situations, le risque de la méthadone est de maintenir le patient dans sa pseudo identité de toxicomane en substituant simplement un « approvisionnement réglementé, non pas seulement du produit, mais du mode d’obtention » (21). La dispensation de méthadone de cette façon met le thérapeute en position maternante. Il fournit l’objet du besoin sans introduire d’écart avec la demande du patient toxicomane. Il s’agit dans un premier temps de refuser cette demande afin d’installer une relation axée autour de la perte, où le toxicomane parle de ses frustrations, de sa colère. Car c’est ce type de relation – relation engageante, où il y a du désir – que fuit le toxicomane. L’instauration immédiate d’un traitement par méthadone pour l’obtention du risque minimum n’est pas thérapeutique, elle place le toxicomane en position d’objet de soin, et ne lui laisse pas la possibilité d’être acteur et responsable de sa prise en charge (21).
19Sous substitution, un autre risque est représenté par la consommation d’autres toxiques. Cette consommation d’autres toxiques sous substitution ou les changements de toxiques peuvent être expliqués par le fait que les conduites de dépendance sont liées à une prédisposition à se mettre sous la dépendance de quelqu’un ou quelque chose (5), sachant que la seule chose recherchée est un système assez fort pour interdire de penser. C’est un mécanisme de défense majeur des sujets toxicomanes et alcooliques, qui tient pour une part au refoulement, mécanisme majeur dans l’hystérie, mais aussi à un système de verrouillage et de réduction des pensées, des émotions et des représentations au profit des sensations. Les prises de cocaïne chez des patients bien équilibrés sous méthadone pourraient signer un échec de la mise en place du transfert dans le sens d’une dépendance au thérapeute.
Dans d’autres situations, la substitution permet d’entrer en relation thérapeutique, puis de la maintenir (25). Dans un second temps, l’objectif est d’aider le patient à découvrir ou redécouvrir le plaisir lié à l’expression des pensées, et lui permettre d’accéder à un autre type de relation en se dégageant des enjeux liés à la drogue. Par ailleurs, la substitution permet de remplacer l’objet factice « drogue », obturant le manque dans l’Autre, par un autre objet, la méthadone, dont les propriétés sont nettement différentes. Ainsi, le traitement par méthadone ne procure pas de sensations corporelles à type d’anesthésie ou de jouissance, il n’existe pas de fantasme de complétude. Le traitement de substitution réintroduit une temporalité permettant au patient d’expérimenter à nouveau l’angoisse, la relation à l’autre et de retrouver une mobilité dans cette relation. La prise de méthadone peut aider les patients à appréhender à nouveau la réalité sans produit, à se confronter à autrui, à des situations potentiellement conflictuelles, donc à avoir une meilleure perception de leurs difficultés dans le rapport à autrui, car le produit n’est plus la solution à portée de main pour y faire face. La méthadone introduit une temporalité et une régularité dans le suivi. Elle évite la dimension obsessionnelle de la prise de drogue, de la répétition infinie besoin/comblement.
Illustration clinique : Julien
20Julien fait une demande de consultation au centre Baudelaire pour plusieurs raisons : sous le coup d’une injonction thérapeutique pour consommation de stupéfiants, il est en cours de rupture avec son ami, au chômage, et il se pose la question de l’aide que pourrait lui apporter un traitement de substitution par méthadone.
Julien et les toxiques
21L’histoire des consommations de produits psychoactifs de Julien commence « à la sortie de l’école » en 1983 par une consommation de cannabis dans un contexte festif. Pour certains adolescents, l’addiction va être le moyen de remplacer une dépendance par une autre, de grandir sans grandir (32). Il travaille dans le milieu des discothèques et se met à consommer de l’alcool. Il trouve du plaisir dans le goût de la bière et sa consommation va aller jusqu’à plus de 20 bières par jour. Dans la consommation d’alcool, il recherche une accélération du temps, il dit encore l’utiliser « pour décoller », « pour remplir un vide ». Il utilisera ce même signifiant « décoller » pour qualifier les effets de l’héroïne. C’est par la suite qu’il pense être devenu « accro » à la drogue, l’année où son cousin qui tenait une place importante dans sa vie, meurt dans un accident de voiture. Il dit alors avoir fait une dépression et deux tentatives de suicide par intoxication médicamenteuse. Il dit encore « je n’avais plus envie de vivre ». À cette même période, Julien décrit des variations cycliques de l’humeur, une diminution du besoin de sommeil. Il fait des « projets sans queue ni tête » qu’il abandonne en cours de route pour passer à autre chose. Il semble alors que la drogue vienne là comme un mode de protection contre des angoisses de perte et de séparation, théorie développée par Bowlby (2) qui considère la dépendance comme un échec des processus d’attachement. Dans le même ordre d’idée, Winnicott postule l’absence d’une mère suffisamment bonne et/ou la survenue d’un traumatisme psychique entraînant la confrontation du nourrisson à des sentiments de détresse et de dépendance avec échec de la symbolisation, puis difficulté ou impossibilité à élaborer la perte ou la séparation (34).
22C’est au moment où il traverse « le périphérique à quatre pattes » sous l’emprise de l’alcool, qu’il décide d’en arrêter sa consommation. Il débute alors une consommation d’héroïne et occasionnellement de cocaïne, mais ajoute « la cocaïne j’aime pas, la descente est trop dure ». Par rapport à la consommation d’héroïne, il dit « j’ai pas le sentiment d’exister, je prends de la came au lieu de me foutre en l’air », « j’ai un manque dans ma vie », « l’héroïne me convient très bien, c’est une béquille », « tout disparaît, j’oublie tout ». La recherche de la « défonce » est là pour entraîner une anesthésie physique et psychique. Elle semble constituer une béquille. Il y a nécessité pour Julien de consommer des toxiques pour « tenir debout ».
23Suite à une rupture avec son ami et à une opportunité professionnelle, il quitte la ville et arrête la « came » par la même occasion. Il est traité par Prozac® 20 mg par jour, sans aucune efficacité. Il recommence dans la même période à consommer de l’alcool « en remplacement des autres produits ». Il prend 3 à 4 bières fortes « pour décoller », mais aussi par « peur de ne pas avoir d’occupations ». Cette situation se maintient pendant un an durant lequel il évoque un isolement social croissant, qu’il vit très difficilement, et qui l’amène à reprendre contact avec son ami. De retour, à peine était-il sorti du train qu’il ressent une « envie furieuse de se défoncer ».
24Dans son discours, les signifiants de l’oralité (« on se bouffait la gueule [1] ») sont très fréquemment utilisés. Il existe chez lui, des périodes de compulsions alimentaires « pour remplir un vide », et ceci « jusqu’à me faire mal et je continue encore ». Il mange alors tout ce qui lui tombe sous la main.
25Ses consommations présentent par ailleurs un versant de recherche de sensation, car l’évocation de sa pratique du parapente lui fera dire « c’est comme la came, j’aime décoller et être en l’air ». Cette recherche de sensations vient en lieu et place des représentations psychiques, notamment des représentations psychiques désagréables.
26Le discours de ce sujet montre un amalgame net entre les traitements antidépresseurs et les toxiques, justifiant l’hypothèse d’automédication par la consommation de produits. Dans Malaise dans la civilisation, Freud abordera sa conception des toxiques comme des sédatifs :
La substance exogène se substitue à la satisfaction de pulsions sexuelles, dont l’objet est interchangeable. Et de fait, pour Julien, l’objet de la pulsion est nettement interchangeable puisqu’alcool, produits, partenaire sexuel et antidépresseur sont mis dans son discours sur un pied d’égalité, et la relation qu’il entretient avec ces objets est de nature incorporative.« nous ne pouvons nous passer de sédatifs […] ils sont peut-être de trois espèces […] de fortes diversions qui nous permettent de considérer notre misère comme peu de chose, puis des satisfactions substitutives qui l’amoindrissent, enfin des stupéfiants qui nous y rendent insensibles. L’un ou l’autre de ces moyens nous est indispensable » (9).
Biographie
27Julien est né en 1964. Il évoque une consommation « culturelle » d’alcool chez son père. Il parle de lui en des termes de « père absent », ajoutant « quand il rentrait des navigations, tout allait très mal à la maison, j’attendais qu’il reparte ». À plusieurs reprises, il s’effondre en pleurs à l’évocation de ce père lui tenant des propos tels que « tu es nul, bon à rien », et disant « j’ai passé toute ma vie à vouloir lui prouver l’inverse et je n’y suis pas arrivé ». Il ajoute encore « ma mère m’a dit, il y a 3 ans seulement, que mon père ne voulait pas que je naisse ».
28Sa mère est mère au foyer. Il la décrit comme une mère « aimante », pour laquelle il n’a pas cédé à ses envies suicidaires, ne voulant pas « lui infliger ça ». Ses parents ont divorcé il y a 10 ans, son père est parti brutalement du domicile conjugal, en raison d’un début de maladie d’Alzheimer.
29Julien est un élève moyen durant toute sa scolarité. Il ne travaille que lorsqu’il est au contact d’enseignants ayant une « autorité » sur lui, « une personne qui me transmet une passion ». Il obtient un diplôme de Bep de comptabilité, fête avec ses amis sa réussite, et se fait réprimander fortement par son père lorsqu’il rentre chez lui en raison de son retard, et non, comme il l’espérait, félicité pour sa réussite. Par la suite, Julien s’engage dans une formation continue d’animateur socioculturel.
La vie sentimentale de Julien est marquée par la découverte de son homosexualité à l’adolescence grâce à son cousin dont il était amoureux. C’est lui qui décède d’un accident de voiture en 1986. Des expériences sexuelles avec des garçons à l’adolescence l’ont confirmé dans ses impressions. Il dit avoir toujours bien accepté son homosexualité. Julien se souvient avoir toujours préféré les garçons et avoir des difficultés à faire une différence entre une relation amicale avec un homme et une relation amoureuse, la seule différence se situant dans « le passage à l’acte sexuel ». Il évoque une « consommation de sexe » vers l’âge de 20 ans. De sa relation avec son ami, il parle en ces termes : « relation fusionnelle » marquée par des difficultés de séparation, mais aussi par des conflits violents entre eux : « on se bouffe la gueule ».
Hospitalisation pour initialisation d’un traitement par méthadone
30Durant la période de sevrage d’héroïne, avant l’efficacité de la méthadone, Julien s’effondre. L’apparition brutale d’une tristesse avec douleur morale intense associée à un discours d’auto-dépréciation, des pleurs, une mésestime de soi, constituent l’essence de la culpabilité. Des idées suicidaires passives sont exprimées, non mises en acte grâce à la drogue. Le sentiment de ne pas exister est dominant dans son discours. Il n’existe pas de délire ou d’idées d’indignité. Durant cette période, Julien s’est replié sur lui-même, isolé dans sa chambre sans aucun contact avec les autres patients, mais sans ralentissement moteur. La haine exprimée par Julien contre lui-même, qui l’incite à détruire son corps dans les consommations de drogues, correspond selon Freud dans Deuil et mélancolie à des plaintes dirigées contre un autre, contre un objet d’amour vis-à-vis duquel le sujet a vécu un préjudice (13).
31Ainsi, la souffrance morale exprimée s’articulait pour lui à deux questions centrales :
- la question du père ;
- la question du deuil de son cousin.
32Une autre thématique cause de souffrance pour lui, le décès de son cousin dont « je n’ai toujours pas fait le deuil ». C’est cet élément qu’il mettra en avant lors du premier entretien, premier point explicatif de sa souffrance. Ce cousin objet réel, et ce deuil perte imaginaire, frustration indépassable pour Julien qui se réactualise dans des dépressions récurrentes lors de séparations après des relations passionnelles, homosexuelles. Ces dépressions sont systématiquement colmatées par des conduites toxicomaniaques. Passions conduisant à la mélancolie : « L’ombre de l’objet tomba sur le Moi ». Pour Freud dans Deuil et mélancolie l’identification narcissique à l’objet, cause de la mélancolie, nécessite plusieurs éléments. La relation à ce cousin a lieu sur un mode narcissique, relation homosexuelle avec recherche du même, du semblable, et est associée à une ambivalence forte entre l’amour qui lui est porté, et la haine sur le mode d’un fantasme d’incorporation que l’on retrouve dans les relations homosexuelles de Julien par la suite (« on se bouffe la gueule »). Le deuil survient, entraînant la perte de l’objet d’amour avec une culpabilité inconsciente de Julien, la seule fois qu’il n’était pas auprès de son cousin pour une sortie. Le sentiment d’infériorité de Julien, tension entre le surmoi et la réalité de son moi, vient révéler une culpabilité inconsciente au travers du décès de son cousin. Pour ne pas perdre l’amour pour cet objet, le sujet l’inclut dans le moi par identification narcissique et la libido réabsorbée transforme le moi qui va acquérir les caractéristiques de l’objet. C’est un mécanisme régressif oral. L’identification à ce cousin se retrouve dans deux traits : l’homosexualité (« c’est lui qui m’a permis de découvrir et d’assumer mon homosexualité ») et la toxicomanie.
33Finalement, il semble que la perte de ce cousin constitue pour Julien les coordonnées de déclenchement de sa toxicomanie. Avant, il s’agissait de consommations à visée festive. Après le décès de son cousin, objet d’une véritable passion, la passion amoureuse se réactualise dans une passion des drogues, masque d’angoisses de séparation et de perte massives, colmatant un point mélancolique. La passion est évoquée par Jacques Hassoun en ces termes :
Les entretiens suivants sont l’occasion d’évaluer l’efficacité de la mise sous méthadone. Il lui semble difficile d’évaluer les symptômes de manque, il est nécessaire de les rechercher avec précision, ce qui est inhabituel dans la prise en charge de patients toxicomanes plutôt au fait des symptômes de manque et très demandeurs d’augmentation de posologie. Julien, lui, est très peu demandeur d’augmentation de traitement. Au fil de l’hospitalisation, et plus rapidement que l’on pouvait le supposer, le contact durant les entretiens, s’améliore. Dans le même temps, il exprime un besoin de relation et l’impossibilité pour lui, de faire un métier où ce côté relationnel ne serait pas présent. Il se plaint de ne jamais réussir à rester longtemps à un poste (« je m’ennuie et je n’apporte plus rien aux autres »), il quitte alors ses emplois successifs. Très isolé dans le service au début, il reste beaucoup dans sa chambre, explique qu’il ne supporte pas la vie communautaire, il s’intégrera progressivement au groupe des patients hospitalisés. Le dernier entretien durant l’hospitalisation permet de faire le point. Julien évoque des rêves récurrents concernant son père : « Depuis qu’on a parlé de mon père, je rêve de lui toutes les nuits, je l’ai vu mourir en rêve, il me jette hors de la maison», il ajoute : « Je pense que j’ai besoin de mon père, en tout cas j’ai besoin d’un père. » Par rapport à l’hospitalisation, il dira encore qu’il a le sentiment d’avoir beaucoup reçu, et qu’il espère avoir été utile aux autres patients, aux soignants.« surgissement d’un objet cause de tous les désirs, qui se moule sur un être élu dont l’apparition capture le sujet et l’entraîne dans une expérience de désubjectivation radicale, la passion mélancolique s’adresse au moi qu’elle affecte » (15).
Suivi ambulatoire
35Dans un premier temps, Julien change radicalement de façon d’être en entretien. Le discours spontané, fluent, riche avec expression de sentiments, d’émotions, de rêves qu’il avait en fin d’hospitalisation s’est transformé en un discours non spontané, purement factuel. Il évoque l’hospitalisation dans les termes suivants : « L’hospitalisation a changé ma perception, les autres patients m’ont renvoyé une image de moi, j’ai envie maintenant de m’occuper de moi, et j’aimerais que mon ami arrête la came aussi ». De sa famille, il ajoutera que sa mère a toujours été dépressive, qu’il existait des violences physiques et verbales de son père sur sa mère : « Mes parents ne se sont jamais entendus, ils n’étaient pas faits pour être ensemble ». Au sujet des conflits, il ajoutera : « Je ne disais rien, j’étais trop petit ».
36Il sera ensuite nécessaire au cours du suivi d’intervenir d’une manière un peu plus directive pour que Julien se remette au travail, tant les entretiens étaient devenus factuels. Cette résistance à l’évocation des souvenirs cachait une souffrance intense qu’il exprimera lorsque nous aborderons à nouveau le décès de son cousin, souvenir pour lequel les mots lui manquent. Souvenir qui marque aussi, selon Julien, le début de sa dépendance aux produits : alcool et cannabis. Par la suite, après la rupture d’une relation amoureuse d’une durée d’un an, qu’il décrit comme passionnelle, avec un homme qui ressemblait à son cousin, il explique avoir commencé à consommer l’héroïne après s’être dans un premier temps effondré.
37Dans son histoire, il évoque des relations amoureuses, mais en parle d’une manière indifférenciée. Son rapport aux femmes est marqué par le souvenir d’une relation amoureuse avec une petite fille lorsqu’il avait 7 ans. Par la suite, Julien a toujours préféré les garçons. Il a eu des relations hétérosexuelles à l’adolescence, mais il s’est aperçu que son amie était « lesbienne ». Il dit encore : « J’ai la trouille des femmes », et ce pour plusieurs raisons : Julien a peur de décevoir les femmes, de ne pas être à la hauteur, de ne pas arriver à assumer la responsabilité de chef de famille et surtout, « je ne sais pas ce qu’attend une femme ». Quant à la famille idéale, dans la « norme », il la conçoit faite d’une femme « maligne, terre-à-terre », et d’un homme qui est dans un « univers de jeu ». Fera retour alors une image de son père, assumant ses responsabilités de chef de famille. Il se décrit comme « un petit garçon qui tire la manche de son père pour obtenir son intérêt », et s’identifie à celui-ci dans ses aspects passionné et solitaire. C’est à l’âge de 8 ans qu’il commence à vider les fonds des verres d’alcool pour les sensations et parce que c’est interdit par sa mère. Au même moment, son père souffrait d’alcoolisme chronique. L’alcoolisme pourrait être pour lui un appel au père, une forme d’identification à ce père. De sa mère, Julien pense avoir hérité la douceur, elle a été le modèle principal de son enfance, mais elle n’avait aucune autorité sur lui. Son attachement à celle-ci s’exprime sous cette forme : « Elle s’est déjà faite larguer par son mari alors je vais pas la laisser tomber ». Attachement incestuel où fantasmatiquement, il prend la place du père.
38Son rapport à l’argent est marqué par l’accumulation des factures qu’il n’arrive pas à payer alors qu’il en a les moyens, et des dépenses compulsives avec achats de vêtements pour avoir « une bonne image de moi ». L’argent n’est utile que pour jouer. Julien se taxe d’« infantilisme », il reste enfant pour éviter les obligations. Ainsi, « je ne peux pas entretenir une famille ».
39La susceptibilité à l’ennui et une dépressivité fluctuante marquent son discours pendant tout un temps où Julien est en recherche d’emploi. Il se sent inutile, dit avoir besoin de nouveauté, d’originalité, et envisage de travailler dans le domaine humanitaire. Il paye sa dette au travers de cet altruisme et de ce don de soi dans son travail d’éducateur.
La question de son désir d’enfant le met au travail pendant un temps : ce désir d’enfant est présent et intense depuis très longtemps chez Julien. Néanmoins, il explique qu’il ne souhaite pas se mettre avec une femme juste pour cela : « Ce n’est pas qu’un réceptacle ». Il ajoute : « Maintenant, ce n’est plus possible », « Ma sœur, elle aussi, ne peut plus avoir d’enfant à cause de son horloge biologique ». C’est ainsi que la question de la différence des sexes apparaît, avec de manière sous-jacente au travers du « elle aussi », la question « suis-je un homme ou une femme ? ». L’identité de toxicomane peut alors servir à éluder cette question. Associée à la question du désir d’enfant, la question de la transmission du nom : « Quand je serai mort, il n’y aura plus rien, pas de transmission du nom ».
Aller-retour entre clinique et théorie autour de la situation de Julien
Toxicomanie et perversion
40La question de la perversion se pose d’emblée en ce qui concerne la toxicomanie. Henri Ey définit les perversions comme des « comportements sexuels régressifs qui se substituent avec prédilection et parfois avec exclusivité aux conditions normales de l’orgasme ou aux conduites qui s’y rattachent ». Dans le cas de la toxicomanie, il s’agit d’une perversion par anomalie dans le choix de l’objet (10, 11). Ferenczi évoquant la toxicomanie en parlera comme d’une jouissance permise par un autre moyen qu’une relation génitale, évoquant une conduite de dimension perverse sado masochiste (12). Selon Nestor Braunstein, la drogue n’est pas un objet sexuel substitutif, elle manque de valeur phallique. C’est un substitut de la sexualité elle-même. Le sujet s’administre à lui-même une substance avec une jouissance immédiate et un éloignement de l’Autre dans un mouvement de va-et-vient (3). Philippe Jeammet considère la conduite addictive comme une variante d’aménagement pervers à laquelle il manque la dimension sexuelle et le désaveu de la castration pour parler véritablement de perversion (29).
41Les signifiants utilisés par le sujet font résonner cette dimension sexuelle et passionnelle de la toxicomanie : « accro », « pour décoller », signifiants utilisés aussi pour caractériser les relations homosexuelles passionnelles qu’il entretient. L’utilisation de l’héroïne en injection évoque la pénétration du corps, des sensations encore plus fortes, véritables équivalents masturbatoires. Il s’agit effectivement d’une modalité perverse de la jouissance. La toxicomanie apparaît comme un évitement du manque et de la castration. Ainsi, le discours des patients toxicomanes met en évidence la tentative d’absence de confrontation au manque, et la nécessité pour eux de toujours avoir accès à un produit afin de ne pas développer de symptômes de manque, façon de le reconnaître, mais aussi de le créer.
La toxicomanie, alternance entre besoin et comblement, met en évidence une confusion puisque cela place cette dynamique du côté de la privation et du réel. Évitement de la frustration que le sujet ne supporte pas et qui se traduit chez lui par des moments dépressifs. Dans le cadre de la dimension perverse des conduites toxicomaniaques, placer cette dynamique du côté de la privation permet en outre de nier la dimension symbolique de la castration. L’utilisation d’objets interchangeables : produits, médicaments utilisés comme des toxiques pour une absence de confrontation à l’autre, notamment à l’autre sexe.
Drogue comme « prothèse structurelle » en lieu et place d’un point mélancolique
42Cette hypothèse d’un point mélancolique démasqué par le sevrage s’est imposée pour plusieurs raisons. Ce syndrome dépressif, contrairement aux précédents évoqués par Julien, survenant lors d’échecs ou de frustrations, survient dans le cadre de la période de sevrage d’héroïne, avant l’efficacité de la méthadone. Selon Claude Escande (9), « le sevrage entraîne une crise existentielle et un effondrement interne marqués alternativement de passages à l’acte et de plaintes de type mélancolique, qui signalent, contrairement au travail de deuil, un impossible deuil qu’il s’agit de préciser ». Par ailleurs, Julien l’articule autour de l’événement de la mort de son cousin, ainsi qu’autour d’une souffrance intense liée à sa relation avec son père. Il présente probablement un point mélancolique dans sa structure psychique. Cette hypothèse est renforcée par l’antécédent d’hypomanie après le décès de son cousin. Sandor Rado (29) fait l’hypothèse que la drogue a une fonction de bouclier contre la souffrance face à une dépression initiale, et restitue au sujet sa toute-puissance narcissique originelle. Edward Glover note qu’une toxicomanie survenant sur un terrain dépressif peut se substituer à un suicide et être une sauvegarde contre celui-ci.
43La toxicomanie comme prothèse structurelle ou comme automédication a été développée par Sylvie Le Poulichet (26). Elle met en évidence l’ambiguïté du pharmakon : psychotrope remède ou psychotrope poison en fonction des modalités et des circonstances d’utilisation (6). Le premier, supplément mettant à l’abri de la castration et le deuxième, suppléance à un manque d’élaboration psychique, qui tente de façonner un corps séparé. L’hypothèse initiale de la consommation d’héroïne à visée d’automédication s’est trouvée confirmée par plusieurs éléments. L’héroïne vient là comme une béquille, colmatant une faille narcissique, comme une « prothèse structurelle » venant étayer un point mélancolique dans la structure psychique du sujet. Dans cette situation, il a deux types de solutions (9) : résoudre la souffrance en la mélancolisant dans la faute – ce qui s’est passé lors des premiers jours d’hospitalisation –, ou bien la mettre en acte au travers des addictions. La mélancolie apparaît, lorsque le colmatage par les drogues cède. Le sujet toxicomane passe du tout de la drogue au rien de la position mélancolique. Les passions de ce sujet – drogue, relations homosexuelles – cachent au fond une dépression, une peur de la perte qu’il cherche à éviter en se fixant à ces objets, dont il pense qu’ils peuvent être plus sûrs qu’une relation à l’Autre :
« L’univers du toxicomane, c’est la promesse d’un paradis où l’Autre est substitué par un objet de besoin, un objet inerte qui ne trahit pas, qui permet à celui qui s’y adonne, de se fixer à un lien qui tienne, qui, paradoxalement, le maintient quelquefois en vie. » (8)
45Pour lui, c’est la recherche d’un objet qui ne risque pas de disparaître, de mourir comme son cousin. Il joue avec l’absence, mais aussi avec la drogue qui provoque chez lui des sensations de disparition et d’apparition de son corps. Cela évoque le jeu de la bobine comme jeu de symbolisation de la présence-absence de la mère, tentative de maîtrise de cette dernière. Serait-il possible que cette alternance retrouvée avec la drogue puisse être une tentative de symbolisation d’une perte où le sujet lui-même devient l’objet qui disparaît et apparaît ?
46Sa mère, dépressive, n’a peut-être pas eu les moyens de jouer cette présence-absence avec son fils. Jacques Lacan indique que « la structure de départ de la relation objectale, c’est le manque de l’objet » comme la mère qui vient à manquer dans l’exemple freudien du « fort-da ». Le toxicomane convoque le manque d’une autre manière par sa dépendance même. Mère dépressive, repliée sur elle-même, au regard vide exempt de désir, qui ne confirme pas la présence de son enfant dans le miroir. Enfant qui se trouve alors dans une grande solitude, sans objet transitionnel, et chez qui la toxicomanie vient créer de l’objet là où il n’y avait rien (15). D’où la nécessité d’expérimenter la présence-absence dans son corps, pour que Julien ait la confirmation qu’il existe. « L’image interne de ce corps n’a pas pris, ne s’est pas constituée » dit encore Jacques Hassoun (15). Cette confirmation par les effets de la drogue l’empêche de se « foutre en l’air ». Ce corps n’existe que dans le réel des effets de la drogue, corps non symbolisé, non passé dans l’imaginaire, est-ce là une tentative de le lier aux signifiants ?
L’autodestruction signale que le sujet est à la place de l’objet perdu, le sujet l’incarne pour l’encrypter et le récupérer, il prend son moi et le traite comme l’objet perdu, montrant par là qu’il sait que le manque existe, mais qu’il ne l’accepte pas (9).
Place de la toxicomanie dans l’hystérie
47L’hypothèse de l’hystérie a été évoquée au fil du suivi de Julien, et ce, pour différentes raisons que je vais évoquer tout au long de cette partie. Cette hypothèse n’exclut pas l’existence d’un point mélancolique colmaté par les consommations de drogue, et il est acquis que l’hystérie est plus ou moins favorable à l’expression de manifestations perverses qui peuvent être renforcées par l’effet facilitateur et désinhibant des drogues.
48L’évolution de Julien au cours et au décours de l’hospitalisation a permis d’observer l’apparition de manifestations hystériques : altruisme dans la relation aux autres patients et aux soignants, démonstrativité, émotivité, exposition de problèmes somatiques. Le moment dépressif peut être considéré dans le transfert comme une demande d’attention et une demande d’être comblé par le thérapeute mis en position maternante puisqu’il est dispensateur de méthadone, objet du besoin. Chez Julien, ce moment dépressif va céder plus rapidement que ne le laissait présager la mise en place d’un traitement antidépresseur. Moment dépressif comme frustration, c’est-à-dire perte imaginaire d’un objet réel (la drogue), vécue par le patient comme une privation, perte réelle d’un objet imaginaire, que le traitement antidépresseur va venir combler avec disparition de ce moment dépressif. Celui-ci avec son effondrement spectaculaire aura été un symptôme destiné à indiquer qu’une parole manque. La caractéristique du discours névrotique est de nouer une relation ou de vouloir nouer une relation. Mais le névrosé n’est pas disponible pour autrui, préoccupé par ses manques, ses désirs, obsédé par son avenir professionnel, sentimental, occupé à s’ajouter du poids – de l’être pour Julien –, occupé à sentir son corps apparaître puis disparaître, comme si cette dialectique était la garantie de son existence (17, 18).
49La sexualité de Julien écarte l’autre sexe au travers de relations homosexuelles. En cela, il ne s’agit pas d’une sexualité adulte génitale. Il privilégie la masturbation lorsque son compagnon ne souhaite pas avoir de relation sexuelle : « Mais je n’y tiens pas, je sais me faire plaisir tout seul ». Par ailleurs, comme souligné précédemment, sa description des effets de l’héroïne utilise les mêmes signifiants qu’en ce qui concerne les relations amoureuses. Ce masque pervers est destiné à éviter le « redoutable colloque singulier » avec la femme. Cet évitement du manque au travers de la recherche du même le rassure. Cela ne constitue cependant pas un déni du manque, puisque Julien le recherche, le met en évidence chez l’autre, chez son partenaire homosexuel pour le mettre en difficulté lors de conflits. Il recherche alors les failles dans l’autre, montrant là une agressivité orale intense.
50La question de la différence des sexes, question hystérique, s’est posée discrètement pour Julien lors de son suivi. En effet, l’identité de toxicomane permet d’éviter cette question de la différence des sexes et de l’être. Le toxicomane est un être indifférencié, ne parlant de lui que dans un rapport à l’objet de son besoin et à la privation.
51C’est la doctrine de consommation que l’hystérique conteste, façon de refuser l’adaptation sociale et les normes. Chez Julien, sa toxicomanie et son homosexualité le mettent en marge de la société. Pour l’hystérique, la liberté, l’espace, le temps non balisé sont angoissants et intolérables : Julien évoquera cette fonction de la drogue qui l’aide à faire passer le temps plus vite. Les périodes de chômages sont pour lui extrêmement difficiles à vivre en raison du manque de repères temporels, elles sont marquées par une insatisfaction et un ennui confinant parfois au vide. Les contraintes sont elles aussi mal tolérées lorsqu’il retrouve un emploi. Il tente de les éviter (retard au travail, refus de certaines tâches). Elles le dépossèdent de son libre arbitre et entraînent des troubles du comportement, qui prennent la forme de colères clastiques et de dépressions. L’insatisfaction et la déception sont présentes de manière récurrente dans son discours, et constituent un état d’âme permanent chez Julien associé à une incapacité à profiter et à jouir. La générosité hystérique se retrouve aussi chez Julien. Il revendique la guérison pour lui et son entourage : « Maintenant que je suis sous méthadone, mon ami, je veux qu’il s’en sorte ». Julien a fait le métier d’éducateur avant tout pour « aider les autres » et son hospitalisation se soldera sur ces paroles, espérant qu’il a pu apporter quelque chose aux patients, ainsi qu’aux soignants, dans l’attente d’une reconnaissance pour son dévouement.
52« Cette souffrance psychique transposée au corps signale en tant que figure du ravage l’échec de l’institution du sujet au sens de Legendre, une débâcle du père et de sa fonction qui permet de supporter la vie. » (8) Ainsi, la quête hystérique est avant tout la recherche d’une image de père qui viendrait combler les lacunes laissées béantes par le père. Père décevant chez Julien, toujours absent ou provoquant des conflits par sa présence au domicile familial, père dont il est toujours le petit garçon venant tirer sur sa manche pour obtenir de l’attention. Julien recherche un substitut paternel dont il espère obtenir l’assurance qu’il est bon, gentil, estimé. Julien aurait souhaité suivre une psychothérapie avec le chef du Pôle d’addictologie, justifiant cette demande par la remarque suivante : « J’ai fait un transfert paternel ». Julien reste ainsi en compétition infantile avec un père qui n’a pas su lui montrer qui était le plus fort. Il a été élevé par une mère dépressive, qui a fait de lui la compensation de ses manques. Julien se positionne alors dans la vie comme un faire-valoir, n’assumant qu’une fonction de représentation, ce qui lui permet de conserver la relation fantasmatique privilégiée qu’il entretient avec sa mère.
53Chez le sujet hystérique, la femme est idéalisée placée sur un piédestal inaccessible, femme désirable, objet à faire valoir, objet d’admiration phallique. Elle peut être aussi femme déchue, objet menaçant, objet à détruire. Il s’agit là de « tenir sa mère en respect » avec une certaine ambiguïté. Julien a peur des femmes, a peur du désir des femmes. « Qu’est-ce que me veut une femme ? » sera sa question sur ce sujet, posée dans le transfert : « Alors qu’est-ce que vous me voulez ? ». La problématique hystérique est de « ne pas avoir le phallus ». Julien l’exprime au travers de l’expression : « J’ai un manque ». L’hystérique répond alors au désir de la femme par l’impuissance ou l’éjaculation précoce. Julien, lui, répond par l’homosexualité, autre façon d’éviter la question : « Qui a le phallus ? ». Car si une femme se met à le désirer, c’est la preuve qu’il lui manque quelque chose, elle le convoque à l’ordre d’être supposé avoir ce qui lui manque à elle. C’est encore une fois la question de la possession de l’objet phallique. L’homme hystérique se sent disqualifié d’office, car il n’a pas le phallus. Il s’effondre quand il est confronté au signifiant du manque dans l’autre féminin. Il ne lui reste plus qu’à maltraiter et détruire l’objet féminin, ou s’en passer en raison de cette peur : c’est l’homosexualité. Le sujet hystérique se met en situation expiatoire : il s’offre comme victime en aliénant son désir au désir de l’autre, en sacrifice. C’est peut-être ainsi que Julien aliène son désir à celui de son cousin, objet de sa passion, en devenant toxicomane et homosexuel. Il fait une confusion tragique entre l’amour et le désir : plus il exprime un amour sans limites, plus le lieu du manque dans l’autre est occulté… Passion des drogues, passion amoureuse menant à la mélancolie par identification narcissique à l’objet.
54L’hystérique apparaît comme celui qui peut tout offrir : aider son compagnon à se sortir de la drogue, aider les jeunes en difficulté au travers de son métier d’éducateur, aider les patients et les soignants lors de son hospitalisation, réparant inconsciemment ce qu’il ne peut donner faute de l’avoir. C’est la question de la dette, dette qu’il paye en trouant son corps :
« Le toxicomane, l’alcoolique, l’anorexique, c’est celui qui s’oppose à l’exigence de la perte, de la dette symbolique, qui refuse l’exigence de sacrifier la jouissance, qui utilise la transgression pour jouir en payant de son corps, de sa vie à la place d’une livre de chair ». (8)
56L’identité de toxicomane si souvent revendiquée par les patients n’est pas sans évoquer le rôle factice et artificiel d’une identité de rechange, qui permet de faire l’économie de la question de la différence des sexes – question au centre de la problématique hystérique : « Suis-je un homme ou une femme ? ».
57Les symptômes hystériques sont un langage du corps ou par le corps. Dans le cas de ce sujet, la prise de drogue s’inscrit clairement dans un rapport au corps, où il s’agit avant tout de pouvoir ne plus en tenir compte, surtout d’un point de vue des besoins : l’héroïne lui permet de faire passer le temps plus vite. La délivrance de la servitude des besoins fait partie des revendications hystériques. Elle devient possible grâce à la prise d’héroïne, qui efface le temps, temps qui devient non balisé, ce qui libère des contraintes de la vie quotidienne (17, 18). Dans l’hystérie, on trouve une inhibition de la zone génitale et une érotisation de l’ensemble du corps (28). Dans ce contexte, une des fonctions de la prise de drogue au travers de l’anesthésie du corps pourrait être une réduction des tensions occasionnées par cette érotisation du corps entier, un frein à la jouissance, une coupure, en quelque sorte une recherche de la castration. Mais aussi, a contrario, une recherche de la jouissance, du rapport à un autre sans faille, d’une sorte d’extase obtenue grâce à la réduction des tensions apportée par l’héroïne – ce que Julien évoque sous les termes de « j’aime décoller et être en l’air » –, et qui ramène à la solution perverse (29).
58La toxicomanie permet aussi de se mettre en marge de la société, de refuser ses normes, de se mettre à l’écart dans une position à la fois de victime et/ou de revendication. La toxicomanie, comme la société de consommation, ne comble pas le manque : elle est un leurre puisqu’elle finit par provoquer le manque. L’évitement, le contournement du manque dans l’hystérie avec l’impossibilité d’accéder à la dimension de la perte est un autre élément justifiant le recours à la toxicomanie. Celle-ci devient alors une tentative de combler le manque au travers de la drogue dans un premier temps avant que la drogue n’en vienne à créer le manque elle-même, mettant en échec cette stratégie d’évitement. A contrario, on peut considérer que la drogue puisse être une tentative de créer du manque, de rechercher des failles dans l’autre, et en même temps, comme évoqué précédemment, un objet factice qui comble un manque, un phallus positivé. Dans tous les cas de figure, l’immédiateté de l’objet drogue tue le désir. Cet objet factice entraîne un évanouissement du manque et du désir. La mobilité permise par la recherche d’un lieu vide dans l’autre, d’un manque dans l’autre se fige et le toxicomane hystérique risque de basculer dans un état fixé que Lucien Israël appelle l’hystérie dépassée. Cet objet factice peut être à la fois un objet anal de maîtrise des sensations, un objet normatif ou encore un objet oral dévoré (17, 18, 19).
Ainsi, la jouissance humaine est irréductiblement marquée par le manque et non par la plénitude.« La toxicomanie tente peut-être, par un objet oral qui ne passe pas par ce que la fonction phallique pose en termes de semblant et non d’essence, de donner consistance à la jouissance de l’Autre, de combler la béance qu’elle indique dans une infinitude qui ne peut plus être bornée par la fonction phallique, mais par la mort. » (3).
L’histoire de vie de ce sujet amène à distinguer plusieurs fonctions distinctes de l’objet drogue dans son économie psychique :
- objet lui permettant un jeu de disparition-apparition avec son corps comme tentative de symbolisation d’une perte, réactualisée dans le deuil non élaboré de son cousin, objet lui permettant par ce biais le colmatage d’un point mélancolique, drogue comme « prothèse structurelle » ;
- objet de délivrance de la servitude des besoins, de gestion de la jouissance, d’évitement du manque, d’expression de traits pervers et de confrontation à la société et à la loi dans le cadre d’une structure de personnalité hystérique.
Conclusion
59Le toxicomane n’arrive pas à parler en son nom. Cette difficulté est renforcée par notre société qui en véhicule une image négative, inquiétante, à travers les médias, et a tendance à amalgamer toxicomanie et délinquance. Pourtant, c’est par la singularité de son histoire et sa mise en mots que le patient peut arriver à aller au-delà de cette image. Du côté du soignant existe une difficulté nette à différencier les patients les uns des autres tellement leur discours est identique, et tellement les représentations du « toxicomane » sont figées dans notre société. Il est essentiel de ne pas identifier le sujet à son comportement. D’où l’importance d’amener le patient de la question de l’avoir, de l’économie de besoin vers la question de l’être, la question de « qui il est ? » en tant que sujet, et de « pourquoi le recours à la drogue ? ». Ceci passe par l’accès à une parole, chose difficile pour ces patients, habitués du passage à l’acte. Mais la place occupée par la drogue dans l’économie psychique du sujet est un élément crucial à appréhender afin de définir au mieux une prise en charge adaptée.
Article reçu en octobre 2008 et accepté en septembre 2009
Bibliographie
Bibliographie
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- 22Jacob, Claude : « Banalisation ou spécificité ? Psychiatrisation et ses limites. Articulations » – L’Information psychiatrique, n° 1 (janvier 1999).
- 23Jacob, Claude : « Contraindre ou contracter ? Réflexions sur le contrat. » –Psychotropes, vol.12(2), p. 23-32 (2006).
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Mots-clés éditeurs : prise en charge, hospitalisation, relation soignant-soigné, substitution, héroïne, psychanalyse, méthadone, sevrage
Mise en ligne 01/01/2010
https://doi.org/10.3917/psyt.154.0095Notes
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Voir contexte infra.