Notes
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[1]
Psychologue clinicienne – Maître de conférences en psychologie clinique, Université de Franche-Comté.
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Psychologue clinicienne – Maître de conférences en psychologie clinique, Université de Franche-Comté.
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Source 2012, ADAPEI, Association Départementale des Amis et Parents de personnes handicapées mentales.
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Il s’agit de Rose-Angélique Belot.
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Au-delà des controverses sur les travaux de J. Bowlby, D. Anzieu proposa la notion de pulsion d’attachement (Golse, 2005).
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[6]
Définit par E. Bick comme la construction d’un objet dans un espace interne.
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[7]
Cette prise en charge a été assurée par R.A. Belot.
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[8]
ESAT : Etablissement et Service d’Aide par le Travail, anciennement CAT, Centre d’Aide par le travail.
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Mais par exemple, Lara ne connaît pas sa date de naissance et ne parviendra jamais à l’apprendre.
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[10]
Il nous faut relever particulièrement ce fait qui va dans le sens du manque de distance à autrui, la quête affective, et traduit les faiblesses de l’instauration des limites interne et de différenciation.
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[11]
Les nombreuses questions que posent les résidents et dont la réponse est pourtant connue ont comme visée la réassurance mais permettent aussi, selon nous, de boucher les trous d’une réalité interne défaillante, construite en pointillés, où la discontinuité est souvent la règle.
Introduction
1La France compte environ 3,5 millions de personnes handicapées, 700.000 d’entre elles sont reconnues déficientes au plan intellectuel, soit 20% des personnes handicapées. Chaque année, entre 6.000 et 8.500 enfants naissent avec un handicap mental [3].
2L’intérêt pour le handicap défini comme une « atteinte invalidante de l’intégrité somato-psychique » (Korff-Sausse, 1996) est récent et la prise en charge thérapeutique à destination de ces sujets l’est plus encore. En effet, peu de cliniciens se penchent sur la question du handicap et se confrontent à cette clinique, jusqu’à être nommée « clinique de l’extrême » (Korff-Sausse, 2007).
3Le travail de psychothérapie confronte toujours le thérapeute à la manière dont le sujet s’est développé précocement au plan psychique et comment s’est constitué pour lui son monde interne. Aussi, nous ferons une place particulière dans cet article au développement de la vie psychique dans les phases précoces chez l’enfant et aux enjeux que recouvre la mise en place du cadre.
4Notre pratique et notre expérience de psychologues cliniciennes dans un foyer de vie [4] pour personnes adultes handicapées ont très précocement mis l’accent sur les bénéfices premiers du cadre et ses effets dans le travail de psychothérapie proposé. C’est sur cet aspect particulier que nous aimerions cibler notre propos pour tenter d’en mesurer tous les effets, car la mise en place et l’instauration du cadre (unité de temps, de lieu et de personnes) favorise le développement de la vie psychique lorsqu’il est opérant.
5En amont des classiques attentes en termes de pensée réflexive, d’élaboration psychique en lien avec les conflits intrapsychiques et la possibilité pour le sujet de « se raconter », la mise en place du cadre et sa stabilité dans la clinique du handicap prennent une connotation et une importance spécifiques. Nous observons régulièrement comment de son instauration va dépendre la mise en place de paramètres spécifiques permettant à la vie psychique de se déployer.
6Nous ciblerons notre attention sur les processus précis au cours de la psychothérapie sur lesquels le cadre interfère et nous illustrerons notre propos par la restitution de la prise en charge psychothérapeutique de Lara. Celle-ci montre combien l’édification d’un cadre permanent et régulier mobilise la vie psychique dans ses fondements les plus archaïques et constitue un atout important dans la relation transféro-contre-transférentielle qui se déploie, de fait.
Les difficultés de prise en charge de la personne handicapée
7Au-delà de tous les éléments relatifs aux représentations que le handicap convoque et de la difficulté que chaque thérapeute peut éprouver intimement lors de ce type de prise en charge (Scelles, 2013), les difficultés inhérentes au travail de psychothérapie sont particulières et spécifiques dans cette clinique. Sur un plan technique et participatif, la déficience confronte d’emblée le thérapeute aux particularités du fonctionnement psychique du sujet, notamment aux failles s’agissant de l’expression des représentations et des affects.
8Nous ne pouvons par ailleurs occulter la difficulté identificatoire face à la personne handicapée (Grange-Ségéral, 2006). Il s’agit d’un processus qui s’active au moment même de la confrontation avec n’importe quel sujet humain différent. Cela peut constituer pour le sujet handicapé une véritable souffrance, car il peut se ressentir comme déshumanisé, gêné ensuite dans ses propres processus de subjectivation interne.
9Les difficultés liées au processus identificatoire peuvent également générer un état de sidération psychique qui rend difficile le travail thérapeutique auprès de ces personnes. Les effets de sidération peuvent aussi accroître les effets liés à la méconnaissance de la vie psychique des personnes handicapées. Par ailleurs, les réactions contre-transférentielles contiennent les inévitables angoisses que suscitent l’anormalité et le lot de ces réactions excessives (dégoût, rejet, fascination, fusion, indifférence…). Korff-Sausse (2007) souligne à quel point dans ces prises en charge l’asymétrie est accentuée, asymétrie entre le thérapeute et le sujet au plan des compétences langagières, comportementales mais aussi et bien entendu en premier lieu, psychiques. La défaillance des processus de réflexivité chez la personne handicapée augmente le « collage » au thérapeute ainsi que les représentations idéalisées de l’autre, paralysant l’expression du sujet : « La personne déficiente mentale oscille entre le renoncement dépressif à être sujet et la quête avide d’apports narcissiques, jamais suffisants » (Korff-Sausse, 2007, p. 51). Le travail contre-transférentiel prend ici une importance particulière, car le thérapeute est la cible de projections transférentielles contradictoires, nécessitant des niveaux de fonctionnement psychique très différents. Dans cette configuration, le thérapeute est souvent sollicité comme le Moi auxiliaire qui assure les fonctions défaillantes du Moi du patient, mais doit aussi être dans un état de réceptivité suffisant pour réussir à saisir les messages éminemment « archaïques, inachevés, fragmentaires, non secondarisés qui émanent du patient » (Korff-Sausse, ibid.). Par ailleurs, il ne faut pas méconnaître chez la personne handicapée déficiente l’ampleur des entraves psychiques en présence, notamment l’intensité des conflits intrapsychiques sous-jacents et la nature de l’angoisse qui rendent toujours difficile l’expression des émotions, des affects et des représentations.
Le développement de la vie psychique et ses aléas
Premiers soins et qualité de l’environnement
10L’environnement et la qualité des liens précoces sont, nous le savons, toujours de première importance pour l’éclosion de la vie psychique du bébé et son développement ultérieur.
11Depuis Freud et ses découvertes majeures autour de la constitution, de l’avènement de la vie psychique, les travaux accomplis par de nombreux chercheurs et psychanalystes ont réussi à cerner l’importance des relations au sein de la prime enfance, leurs conséquences sur la vie psychique et la santé pour l’adulte en devenir.
12Freud, dès 1909, dans « Cinq leçons sur la psychanalyse », décrit l’état de détresse originel du bébé (Hilflosigkeit). Sans l’aide de sa mère, de ses parents, de son environnement, le bébé ne peut pallier seul ses états de tension, réussir à développer un narcissisme primaire suffisant et développer une relation d’objet sécure. Par ailleurs, l’attachement (Bowlby, 1969) [5] s’avère une modalité centrale dans le développement des interactions et dans le développement ultérieur de l’objet interne. Concernant l’avènement de la vie psychique, ce qu’il advient durant les premiers mois et les premières années est essentiel, car ces phases conditionnent son développement, y compris l’accès à la symbolisation et les assises narcissiques et objectales.
13Depuis Spitz (1965), de nombreux travaux de recherche ont montré qu’une dislocation majeure des premières relations mère-enfant provoque chez ce dernier de graves altérations au sujet du développement de sa personnalité et au plan psychique. Citons Winnicott : « Les carences maternelles provoquent des phases de réactions aux empiétements et ces réactions interrompent la “continuité d’être” (going on being) de l’enfant. Un excès de cette réaction n’engendre pas la frustration, mais représente une menace d’annihilation : c’est, selon moi, une angoisse primitive très réelle, bien antérieure à toute angoisse qui inclut le mot mort dans sa description » (Winnicott, 1956, p. 289).
14Pour Winnicott, l’intégration du Moi dans le temps et dans l’espace dépend de la façon pour la mère de tenir l’enfant (holding, handling) et de lui présenter le monde (object presenting). C’est elle qui le met en contact avec le monde extérieur et le lui présente selon ses propres ressources internes. Par exemple, la qualité des échanges affectifs est au cœur des interactions précoces et maintient vivant le plaisir identificatoire. Winnicott prendra soin de préciser toutefois que les soins ne sont pas à eux seuls le garant de la bonne santé mentale ; il y a aussi les tendances innées vers l’intégration et la croissance qui sont variables d’un individu à l’autre.
15Le psychisme maternel filtre en effet « les excitations, en trop ou au contraire insuffisantes, venues du monde externe comme du monde interne au bébé et à la mère » (Debray, 1991, p. 46). Par ailleurs, il nous faut noter que le développement psychique du bébé se fait toujours en étayage sur l’organisation psychique de l’adulte qui s’occupe de lui de façon préférentielle (Debray, 1987). Retenons également l’importance de l’activité fantasmatique maternelle qui, entre autres fonctions, remplit celle de pare-excitation en liant les énergies pulsionnelles provenant du Ça du bébé et libidinalise (Fain, 1971) les grandes fonctions (sommeil, alimentation…). Dans la formation de l’appareil psychique, les travaux de W.R. Bion (1962) offrent par ailleurs un modèle pour visualiser la transformation des éprouvés bruts archaïques projetés par le bébé (ou l’enfant) dans son environnement (β) et la possibilité de traitement psychique assuré par l’adulte de référence qui les lui retransmet sous forme métabolisée et cette fois assimilable par lui (α). Nous envisageons une similarité de fonctionnement entre le travail psychique que la mère réalise à l’intention de son bébé et le travail psychique du psychologue clinicien. Par ailleurs, l’absence chez le bébé d’un système pare-excitation autonome (Debray et Belot, 2008) nécessite le recours à celui de sa mère ou de l’adulte qui s’occupe de lui. Dans ce cas de figure, les excitations subissent un traitement – psychique – par appareil psychique interposé, celui de l’adulte.
Continuité relationnelle et développement du self
16Selon Winnicott, ce sont les expériences de continuité relationnelle entre mère et enfant qui vont être déterminantes dans la conquête du sentiment de sa propre continuité existentielle, et fondent le sentiment de sa propre identité (self-being), l’ultime étape consistant en la « capacité d’être seul » (Winnicott, 1958, p. 325), ce qui, au plan du développement psychique, n’est pas une tâche aisée. Winnicott la décrit volontiers comme étant l’étape la plus sophistiquée du développement affectif, car éminemment reliée aux capacités d’intériorisation d’un bon objet dans la réalité psychique de l’individu. Pour cela, la qualité des interactions a été suffisante et les processus d’intériorisation également. Winnicott précise qu’elle ne peut advenir qu’après les phases classiques de relations satisfaisantes, gratifiantes du bébé à sa mère, puis du contexte œdipien où la relation comprend un tiers (Houzel, 2015). L’enfant au départ développe un sentiment de toute-puissance, d’omnipotence, il a l’illusion active de créer le monde autour de lui, car la satisfaction de ses besoins est souvent immédiate (ses besoins et leur assouvissement sont quasi simultanés). Pour Winnicott toujours, c’est cette illusion, permise par une mère « suffisamment bonne » (good-enough mother), qui permet à la psyché de résider dans le corps et vise l’unité psychosomatique, base d’un self authentique, pour se développer (Winnicott, 1971).
17Le visage, le regard et la voix de la mère représentent les premiers supports d’identification de l’enfant. Le développement du faux self correspond à une attitude de soumission de l’enfant, allant à l’encontre de ses besoins et désirs pour éviter le désaccordage (Stern, 1995). Ces états de non-intégration ont des répercussions sur la constitution des enveloppes corporelles et psychiques et sur le développement des processus de symbolisation. Tandis que le vrai self repose sur le sentiment d’identité et de continuité d’être, indispensable à l’équilibre psychique, le faux self répond à un environnement qui ne favorise pas les phénomènes transitionnels et la capacité créative de l’enfant ; celui-ci restera dans la dépendance. Les apports de M. Klein (1946) retiennent bien entendu toute notre attention dans les expériences d’introjection puis la possibilité d’accès à la position dépressive, réduisant l’expérience du clivage. Dans le cadre des entretiens psychothérapeutiques, la possibilité de résister aux attaques destructrices et à l’agressivité est bien entendu un enjeu de taille pour le développement de la vie psychique du patient et l’accès à des sentiments dépressifs eu égard à l’intensité de ces fantasmes destructeurs.
Phénomène d’introjection, manque et développement de la vie psychique
18Petit à petit, l’enfant, au contact d’un environnement stable et « suffisamment bon », non seulement est assuré dans ses besoins fondamentaux, mais devient aussi capable par son activité mentale de « pallier les inévitables petites défaillances des soins maternels ». Pour Winnicott, si un enfant, en réaction aux soins maternels, et ce trop précocement, a la nécessité de répondre par une fonction mentale, il s’ensuit une dissociation psyché-soma : « Certains types de carences de la part de la mère, en particulier un comportement désordonné, produisent une hyper-activité du fonctionnement mental » (Winnicott, 1949, p. 139). On conçoit ainsi que les inéluctables « petites défaillances » de la mère doivent être modérées et à la mesure de ce que l’enfant peut supporter. Pour que le bébé puisse petit à petit renoncer à l’omnipotence magique, reconnaître l’existence d’une réalité extérieure, et que les limites entre « dehors » et « dedans » se dessinent, il a toujours besoin d’une expérience de continuité. Elle est rendue possible par l’instauration d’une « aire intermédiaire » (Winnicott, 1971) d’expérience. L’investissement d’un objet transitionnel (inévitable doudou : mouchoir, coin de drap, peluche…) est le témoin de la conquête de cette aire intermédiaire. Mais de façon plus précoce, le bébé investit certaines perceptions, qui ont cette même fonction. C’est à partir d’éléments issus de sa pratique clinique auprès d’adultes présentant des impressions antérieures d’angoisses catastrophiques, de chutes, et ses observations ultérieures de bébés, qu’E. Bick (1968) postule que les différentes parties de la personnalité du bébé non liées entre elles doivent être tenues ensemble grâce à la peau fonctionnant alors comme une limite. Cette fonction « tenir ensemble les différentes parties », pour Bick, dépend initialement de la bonne introjection [6] d’un objet externe qui permettra plus tard la différenciation dedans/dehors. La recherche frénétique d’un objet chez un bébé : lumière, voix, odeur ou autre source de type sensoriel est le résultat de sa recherche d’un objet contenant qui permet, momentanément au moins, de tenir les différentes parties de sa personnalité, l’objet retenant alors toute l’attention du bébé. Bick (ibid.) précise que la situation optimale d’« être tenu », pour le bébé, est celle de l’allaitement (mamelon ou biberon dans la bouche). Là, les interactions intenses sont de qualité, l’attention est réciproque et partagée, les stimulations sensorielles (voix, toucher, regard) sont efficientes : l’enfant est tenu physiquement mais aussi psychiquement par sa mère, elle lui parle, il perçoit son odeur. Bick nomme cette fonction « contenant-peau », qui, mal assurée, conduit à des états de non-intégration.
L’émergence de la pensée et son développement
19La question concernant la construction de la vie psychique et la naissance des représentations retient ici toute notre attention. B. Golse (1985), dans son article sur la naissance des représentations, souligne combien la pensée a souvent été investie dans sa fonction défensive. Elle surviendrait pour permettre au bébé de lutter contre une angoisse de perte. En effet, comme l’énonce Freud, « l’objet naît dans la haine ». Par ailleurs, sa description du jeu de la bobine et du jeu symbolique correspond également à un mécanisme mis en place pour lutter contre les effets de la séparation. Les premières représentations du bébé pourraient donc concerner à la fois le fait de pallier l’absence (par exemple la mère) et le manque, mais d’autres fonctions comme celles d’anticiper et prévoir le monde qui l’entoure sont bien entendu importantes. M. Klein attribuera aussi à la pensée une fonction défensive, celle de protéger le sujet d’un retournement contre lui de la haine, dirigée au départ en direction de l’objet. Le travail de deuil et les processus de symbolisation permettraient donc aux pulsions libidinales et destructrices d’être déplacées sur d’autres objets, dits secondaires, et d’éviter ainsi de fonctionner selon la loi du talion. La théorie psychanalytique évoque par ailleurs comme point d’origine les sensations corporelles que le bébé perçoit et surtout, en cas d’attente, la tension qui survient (sensation supposée uniquement somatique au départ). Pour Marcelli (1992), les premières pensées du bébé pourraient précisément concerner le temps. En effet, le caractère prévisible de différentes séquences : alimentation, change, mais encore plus spécialement la succession des gestes que fait la mère pour venir prendre son enfant dans son lit, par exemple, permettrait au bébé de prévoir psychiquement la séquence ou le geste qui va suivre. Ce que le bébé parviendrait à se représenter, ce serait la suite de son vécu, voire des sensations corporelles qui lui appartiennent, comme : « A la sensation du plaisir de téter succède celle de la réplétion et du bien-être ». Nous pensons également au point de vue de Winnicott sur la continuité des soins que la mère procure à l’enfant et les processus complexes d’intériorisation qui se développent car associés au sentiment de continuité d’existence.
Cadre thérapeutique, institutionnel, et entretien à visée psychothérapeutique
Rappel conceptuel du cadre
20Notre conceptualisation du cadre dépend de la manière d’envisager la vie psychique dans son développement le plus précoce, la naissance des représentations de choses, des relations d’objet et les fondations du narcissisme, entre autres. Pour rappel, le narcissisme provient de la constitution d’une enveloppe psychique par identification aux capacités contenantes (Houzel, 2010) de la mère. Une relation contenant-contenu suffisamment bonne, celle empreinte de pensée et de rêverie (Bion, 1962), est nécessaire à la constitution d’un narcissisme de vie. A partir de là, les limites psychiques se consolident grâce à l’élaboration des notions de temporalité, d’absence et de présence qui seront possibles pour le sujet. Rappelons que le bébé vit dans le fantasme d’une peau commune avant de reconnaître sa propre peau et son propre Moi (Anzieu, 1985). La reconnaissance d’une enveloppe individuelle est mise à mal dans plusieurs pathologies, en l’occurrence dans le handicap. Pour Anzieu, le fantasme de peau commune agit en toile de fond dans le fonctionnement mental de tout un chacun, aussi l’enveloppe psychique n’est-elle pas qu’individuelle et familiale initialement, mais elle est aussi groupale (Kaës, 2012). En outre, le groupe que forment les soignants, mais aussi le groupe soignants-soignés, constitue à partir de l’existence du cadre (règles et fonctionnement institutionnel) une enveloppe psychique groupale, une enveloppe psychique institutionnelle. Ainsi, l’institution joue le rôle de réceptacle des parties archaïques de la personnalité, rôle originellement dévolu à « l’institution familiale originelle ». Nos patients entretiennent alors une relation à l’institution qui s’établit en écho à la relation fusionnelle qu’ils ont connue, par transfert sur l’institution. Si le cadre institutionnel propose une relation suffisamment constante et instituée, il pourra de ce fait constituer un réceptacle au psychisme du sujet. De plus, le cadre de l’institution symbolise à certains endroits la fonction maternelle, paternelle et familiale grâce aux différentes fonctions institutionnelles, chacune ayant un rôle sexué, nécessaire au traitement et aux changements psychiques des sujets. Il offre un contenant capable de supporter les émotions destructrices projetées par le sujet. Le cadre s’apparente donc à la fonction de contenance et/ou de contenant maternel et peut être mis en rapport avec le vécu primitif du sujet. Selon Bleger, le cadre représente « le dépôt de l’institution familiale la plus primitive » (1979, p. 38). Tout ce qui n’a pas pu faire l’objet d’un travail psychique antérieur suffisant peut être projeté et enfin contenu par la fonction contenante qu’offre alors l’institution.
21Ainsi, le cadre permet de recréer une forme de sentiment de sécurité interne en exerçant une fonction contenante (Houzel, 1987) à l’intention des patients. Par ailleurs, l’institution exerce d’autres fonctions, celle de limitation/délimitation avec le monde externe, mais aussi une fonction de séparation (cette fois agie) avec leur famille. Cette séparation participe aussi à la fonction de délimitation entre les espaces psychiques et permet aux sujets de tendre vers le processus d’autonomisation psychique. Le cadre n’est pas seulement un ensemble de conventions formelles (Bleger, 1979), mais il apporte des constantes grâce auxquelles l’évolution du processus peut être déclenchée, contrôlée, voire achevée. Il accompagne également le sujet dans un travail de reconstruction positive de la représentation qu’il a de lui-même.
22Par analogie aux poupées gigognes, nous pourrions d’ores et déjà nous représenter l’institution comme un ensemble d’enveloppes contenantes thérapeutiques qui s’encastrent les unes dans les autres afin d’envelopper les sujets dont il faut prendre soin. Le cadre de l’entretien clinique fait partie de cet ensemble et, selon nous, dans son niveau le plus inférieur car au contact des parties les plus primitives au plan du développement de la vie psychique.
Cadre de l’entretien clinique
23Rappelons que la première notion du cadre se définit par le lieu des entretiens, un espace où l’on entre et d’où l’on sort. Il est fondé également par des règles, une rythmicité (un rendez-vous hebdomadaire, par exemple, avec le/la psychologue clinicien(ne)), des repères temporels et des limites entre le dedans et le dehors. C’est l’ensemble des conditions matérielles que toute institution met à la disposition du patient dans une unité de temps, de lieu et de personne. Ces aspects englobent l’environnement au sens large, le lieu de vie du résident, dont le but est de modifier, changer quelque chose dans sa psyché. Dans le travail de psychothérapie, nous aimerions souligner certaines analogies entre les mécanismes à l’œuvre dans le développement psychique du sujet et ce que le cadre permet de réactiver. Précisément, le cadre tel qu’instauré permet de rejouer chez le sujet la permanence, la continuité d’être, la sécurité. Il permet de recréer en toile de fond un sentiment de sécurité qui repose sur un sentiment continu d’existence et nourrit le fondement même de son narcissisme. Il s’agit, nous le savons, d’ingrédients indispensables au développement de la vie psychique du sujet humain. Ainsi et pour nous, le cadre constitue dans tout processus du soin un pivot central. Dans la clinique du handicap, ces aspects se trouvent renforcés, prennent une valeur et une importance considérables. Le cadre se matérialise par la permanence, le lieu des rendez-vous toujours unique et préservé, le temps défini et invariable au fil des séances et des personnes présentes. En effet, selon Bleger (1979), le cadre des entretiens est une modalité contrôlée par le clinicien. Il doit être muet et demeurer le plus invariant possible. Grâce à sa suffisante constance, il fonctionne en arrière-fond de la rencontre sur lequel pourront se produire les phénomènes et processus psychiques en jeu chez le sujet : « Il est l’implicite dont dépend l’explicite » (ibid., p. 259). Ce lieu de non-processus (cadre initial posé tel quel) renvoie au non-moi du sujet et peut ainsi devenir le dépositaire de ses liens symbiotiques primitifs. Dans ce sens, le cadre peut être pensé comme « espace transitionnel » au sens winnicottien (1971) du terme. Il s’agit alors d’une zone a-conflictuelle, ne se situant ni dedans, ni dehors. Elle favorise de ce fait l’illusion et la créativité ainsi qu’une « interrelation psychosomatique et la relation d’objet » (Winnicott, ibid.) grâce à sa délimitation. Le cadre crée une frontière entre l’intérieur et l’extérieur qui sécurise le sujet pour se laisser aller à une rêverie créatrice. Il permet d’amorcer progressivement un travail de différenciation, de séparation (entre soi et l’autre, entre l’interne et l’externe). Le sujet peut ainsi prendre plaisir à fonctionner pour soi, afin d’acquérir l’autonomie et l’indépendance nécessaires pour la consolidation de sa propre identité, de son self. Le cadre doit être au service d’une topologie dynamique qui suppose le maintien d’un contenant avec des limites nécessaires à la construction psychique. L’espace thérapeutique proposé doit donc être assez solide pour que les patients osent s’approcher de leur monde interne. De plus, les possibilités d’élaboration psychique s’agissant des problématiques de séparation-individuation sont régulièrement sollicitées, ainsi que tout ce qui concerne le renfort de l’investissement objectal et narcissique. S’agissant précisément du suivi thérapeutique individuel, les fonctions « alpha » et de contenance du thérapeute sont particulièrement mises à contribution. De même, il faut du temps et un dispositif de soins approprié pour permettre chez le sujet l’instauration de nouvelles modalités défensives, plus adaptées face à l’émergence pulsionnelle souvent déstabilisante car insuffisamment contrôlée.
Entretien clinique et travail de psychothérapie
24L’objectif d’un travail de psychothérapie est classiquement d’augmenter le travail de la pensée puis le développement de la vie psychique, favoriser la liaison entre représentation et affects, assouplir, chemin faisant, l’expression des symptômes du sujet, toujours dans le respect de ses modalités défensives.
25C’est aussi pour le thérapeute le « prêt de son appareil à penser les pensées » (Bion, 1962). La clinique avec des personnes handicapées nous sollicite particulièrement dans ce registre. Des contenus psychiques parfois très bruts (transmis par l’intermédiaire de paroles, mais aussi par le biais de communications non verbales) sont projetés au sein de la relation transférentielle, reçus par le psychothérapeute qui les soumet à sa propre activité psychique de transformation et les retourne, transformés, pouvant alors être assimilés. Dans cette lignée, les travaux de Houzel (2010) sur la fonction contenante et le concept d’enveloppe psychique nous apportent des éclairages tout à fait précis sur les mécanismes en présence dans le soin et le développement de la vie psychique.
26Avant de parvenir au travail psychique proprement dit, la possibilité première pour le sujet d’exprimer des représentations et des affects peut être une difficulté de taille dans la clinique du handicap. Les capacités de maîtrise de la réalité interne peuvent s’avérer défaillantes et mettre en échec les souhaits d’élaboration psychique ultérieurs.
27Puiser dans ses représentations, en créer et accorder suffisamment de valeur à ses émotions, ses affects pour pouvoir non seulement les reconnaître, mais aussi les exprimer, est une première étape essentielle, fondamentale du travail psychique. La seconde a trait au travail de liaison entre les représentations de mots, de choses et d’affects. Or, chez les personnes présentant une déficience intellectuelle, qu’il s’agisse d’enfants ou d’adultes, ces deux étapes s’avèrent souvent difficiles, voire inaccessibles. En effet, les opérations de pensée sont souvent défectueuses (faillite du monde interne) ou parfois surinvesties pour lutter contre la réalité externe, jugée dangereuse (mots répétés à l’infini ou phrases prononcées systématiquement de façon stéréotypée). Dans ce cas, la pensée est mise au service de la lutte pour justement « ne pas penser ». Il ne s’agit pas d’un travail de la pensée engagé et au service de la compréhension interne comme celui qui conduit au travail d’élaboration psychique. La pensée reste là « engluée », répétitive, et possède alors une visée défensive. Et pourtant, il faut pouvoir « constituer du psychique, là où il n’y en a pas, ou de manière incomplète ou défaillante » (Korff-Sausse, 2006, p. 508).
28Ainsi, l’objectif premier et non des moindres dans la clinique du handicap s’avère souvent être, dans un premier temps, la mise en place d’un cadre sécurisant, garantissant au sujet l’intériorisation première d’une temporalité. C’est ce cadre posé au préalable qui facilitera les premières possibilités d’identification du sujet au thérapeute. Ce sont ces aspects antérieurs et essentiels au travail psychique proprement dit qui concernent le développement du self. L’objectif premier est ainsi l’intériorisation d’un cadre stable, ferme, puis la possibilité ultérieure d’une identification à un objet « suffisamment bon » et permanent dans le temps. Ces aspects apparaissent prioritaires dans cette clinique. L’augmentation des ressources psychiques internes s’effectue avec l’accroissement du pool des représentations et la reconnaissance de ses états affectifs. La possibilité ultérieure de rattacher les représentations à des affects précis survient dans un temps parfois très éloigné du premier.
29Soulignons également chez certains sujets, qu’il s’agisse d’enfants, d’adolescents ou encore d’adultes, les difficultés de symbolisation mais aussi la difficulté de se re-présenter un objet absent et ainsi le retrouver, fonction particulièrement atteinte chez les sujets déficients au plan intellectuel. Aussi, le sentiment de continuité d’existence est régulièrement battu en brèche par l’insuffisante constitution de la relation d’objet interne.
30C’est l’ensemble de ces processus que nous aimerions illustrer ici avec la présentation du travail psychothérapeutique réalisé avec Lara [7].
Lara
31Lara est une jeune femme âgée de 34 ans qui vit en foyer d’accueil et d’hébergement spécialisé dans lequel elle réside depuis ses 9 ans. Ce foyer accueille principalement des adultes déficients intellectuels légers à sévères. Lara vit dans l’Unité des personnes les plus autonomes. Elle présente une déficience moyenne à légère et des séquelles psychomotrices secondaires à une encéphalopathie néo-natale, mais aussi liées à une chute dans les escaliers lorsqu’elle était chez ses parents, responsable aujourd’hui d’une hémiplégie partielle gauche. Lara ne peut se servir de son bras gauche, désormais rétracté. Elle porte des chaussures orthopédiques. Depuis 1999, elle présente une épilepsie stabilisée. Ses difficultés psychiques et physiques ne lui ont pas permis de conquérir une autonomie suffisante pour intégrer un établissement de type « travail protégé », ESAT [8]. Au plan des capacités cognitives, Lara possède des repères plus fiables dans l’espace que dans le temps, connaît globalement la valeur de l’argent, peut lire l’heure [9], mais l’ampleur de ses mécanismes défensifs et de ses angoisses gêne considérablement les apprentissages, l’accès à son monde interne et le travail qui peut y être associé. Ses capacités langagières lui permettent de communiquer avec autrui assez aisément.
32Au niveau familial, elle est la cinquième enfant d’une fratrie de onze. Sa famille a toujours été prise en charge par les services sociaux et l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE). Délaissée par ses parents durant sa prime enfance (son dossier relate de graves carences affectives et éducatives), elle est placée dès l’âge de 3 ans, sur décision de justice, dans une famille d’accueil qu’elle quitte à l’âge de 9 ans pour intégrer l’institution actuelle. Lara est restée attachée à sa famille d’accueil, particulièrement à Madame. Jusqu’à son décès, l’équipe du Foyer organisait des visites et rencontres annuelles à son domicile.
Au Foyer
33De prime abord avenante, spontanée, liant assez facilement contact avec autrui, y compris les personnes inconnues [10], ses relations avec les autres résidents et membres éducatifs sont cependant tendues. Lara est omniprésente et repoussée régulièrement par tous. Ses attitudes de collage et de questionnements permanents rendent aussi difficiles ses relations avec certains éducateurs. Très active sur son Unité de vie et au Foyer, Lara suit en effet, pas à pas, les éducateurs et éducatrices et « veut tout faire ». Elle cherche à se rendre utile à chaque instant, débarrasse, range la vaisselle, s’inscrit à toutes les tâches, brusque les autres résidents s’ils n’ont pas terminé leur repas. Elle a peu de relations avec les autres, mis à part avec les plus faibles qu’elle se plaît à aider. Elle prend parfois la place des éducateurs « pour faire tourner la boutique », justifie-t-elle sans hésitation. Pour certains ateliers comme la gymnastique ou l’équitation, elle parvient à trouver des parades pour pallier certaines de ses difficultés motrices. Il lui faut toujours faire « bonne figure ». Elle ne peut avouer des faiblesses, une fatigue… Pour autant, sa détermination et sa volonté sont souvent mises en avant, elle fait preuve d’un certain courage face à ses difficultés motrices et remporte plusieurs prix d’équitation. Susceptible et très sensible aux critiques, Lara reçoit toute remarque très péniblement. Malgré le nombre d’années très important vécues dans la même institution, Lara n’est pas encore assurée de sa place. Elle écoute plusieurs conversations en même temps, se mêle de tout et est à l’affût en permanence. Désireuse de capter sans cesse l’attention, elle interpelle les personnes susceptibles de lui renvoyer une image positive, cherche à se valoriser par ce qu’elle fait, maintient le lien à l’autre à tout prix. Ses multiples manœuvres apparaissent « usantes » pour autrui. Lara, désireuse pourtant de l’effet inverse, se voit opposer du rejet.
Le travail de psychothérapie
Les premières années de prise en charge : du manque de limites psychiques à la permanence du cadre thérapeutique
34Lara est âgée de 35 ans lorsqu’elle débute ce travail de psychothérapie en face à face à raison d’un rendez-vous hebdomadaire.
35Les éducateurs ont formulé une demande de suivi concernant cette jeune femme et ont fait part de leurs difficultés. Dans leur travail, ils relatent un certain niveau de souffrance, la présence de craintes et d’angoisses.
36Le travail au cours des premiers mois, voire des premières années, ne se déroule pas comme nous avions pu l’imaginer. Les limites intrapsychiques sont faibles et le cadre interne est insuffisamment stable et sécurisant. Le besoin de valorisation prime et son discours ne se focalise que sur des faits concrets, comme l’aide qu’elle apporte aux autres. Elle cherche à dénier en permanence son handicap par le dynamisme dont elle fait preuve dans les activités. Pourtant, ses difficultés de marche sont patentes et son bras gauche de moins en moins mobilisable. C’est à un fonctionnement opératoire que nous sommes confrontées, suscitant chez nous au plan contre-transférentiel un état d’impuissance, voire parfois de sidération. De plus, sa logorrhée empêche tout travail psychique. Aucun interstice n’est visible pour réussir à partager au plan émotionnel ses expériences internes, notamment en termes d’émotions et d’affects.
37En entretien, Lara s’inscrit dans un flot ininterrompu de paroles, ne nous fait aucune place, ne serait-ce que dans notre désir d’acquiescement de ses propos. Lara semble ne pouvoir que s’installer dans une fuite en avant perpétuelle. Elle relate sans cesse en entretien combien elle est occupée ! « Je vais, je viens… à droite, à gauche… », phrases qui interrogent quant au vide, car en fait, nous savons qu’elle « brasse de l’air ». A certains moments, aux prises avec des positions contre-transférentielles maternelles, nous craignons pour elle un épuisement physique et psychique. Lara ne peut rester seule dans sa chambre et n’investit aucune activité personnelle. Elle affiche une assurance « de surface », cherchant à mesurer combien elle est utile pour son groupe et pour le Foyer en général (cuisine, repassage, jardinage…). Elle ne tarit pas d’éloges sur « tout ce qu’elle sait faire ! » et « tout ce qu’elle fait ! ». Toute la journée, si elle n’est pas en activité, ce qu’elle souhaite en permanence, elle se tient auprès des éducateurs ou déambule au sein du Foyer à la recherche d’informations, pour « ne pas se sentir isolée » et « dans le vide », pensons-nous.
38Malgré ses capacités langagières, entrer en relation avec elle est laborieux. Lara ne peut entendre aucune de nos tentatives d’intervention quelles qu’elles soient (acquiescements, interrogations…), alors que les rendez-vous sont très attendus. Elle guette notre arrivée le matin et vient même à notre rencontre sur le parking. Elle souhaite être reçue avant l’heure, interrogeant le cadre, cherchant à le bousculer pour tester, sans doute, sa résistance et sa fermeté.
39Ainsi, les premières années de prise en charge sont éprouvantes, car l’ampleur de ses défenses et notre « mise à l’écart » ne serait-ce que pour « penser avec elle » prédominent. De même, Lara fuit et refuse toutes les propositions de « penser avec elle son histoire », parfois même avec agressivité. Rien ne semble pouvoir se fissurer dans cette carapace que nous nous représentons, à l’époque, comme narcissique, à l’image d’une cuirasse protectrice. Cependant, comme nous craignons de fragiliser un système défensif si rigide et fermé, nous maintenons le cadre, notre écoute bienveillante, notre présence attentive. Nous nous interrogeons sur l’objectif même de notre présence en entretien : « A quoi pouvons-nous lui servir ? » Nous percevons l’importance pour elle d’être reçue et écoutée, mais l’ampleur de ses mécanismes de défense lui refuse l’accès à toute subjectivité. Nous nous résolvons à l’écouter sans pouvoir travailler avec elle comme nous l’espérions.
De la blessure narcissique, problématique abandonnique, abrasion du système défensif et changement de cadre
40A l’époque, lorsqu’elle se voit opposer un refus sur son Unité de vie, il s’agit pour elle d’un rejet pur et simple de sa personne. Comme elle s’expose beaucoup au plan relationnel, elle reçoit de nombreuses attaques verbales. Certains résidants l’invitent « à dégager », ce qu’elle prend au pied de la lettre : « Y’en a qui disent que je dois partir ! », prenant toujours « pour argent comptant » ce qui lui est dit sans que ces éléments puissent être repris avec nous et qu’elle puisse aller au-delà. La blessure narcissique est vive et béante. Mais Lara, à cette époque, balaye d’un revers de main tout affect qui a trait à l’angoisse, la peur, le chagrin, ne pouvant les exprimer et les prendre en compte. Son handicap physique est lui aussi nié, voire dénié. Elle ne l’évoque jamais au cours des entretiens et semble, au quotidien, ne pas en tenir compte. Ses préoccupations majeures sont et restent ses relations avec les autres et sa place au sein du Foyer, qu’elle défend avec beaucoup d’énergie.
41Nous la recevons depuis déjà au moins trois ans lorsque nous emménageons dans une nouvelle construction, à proximité de l’ancienne mais neuve. Lara quitte alors son ancienne institution et l’intensité de ces changements commence à la perturber. Elle formule pour la première fois des craintes, notamment celles de perdre sa place, ce dont elle me fait part. Elle évoque alors le directeur, le chef de service qu’elle cherche à rencontrer afin qu’ils la rassurent quant à sa place au foyer, mais sans pour autant pouvoir les solliciter et demander un rendez-vous.
Changement de cadre externe thérapeutique, fissure de la carapace défensive et déploiement de l’imaginaire « inquiétant »
42Peu après cette période, un mouvement tout à fait différent s’amorce lors des entretiens, « la carapace se fend », des angoisses se précisent et s’expriment. Alors qu’elle s’apprête à quitter le foyer comme d’habitude pour un séjour de vacances (elle part régulièrement de façon bi-annuelle), Lara fait part d’inquiétudes jusqu’alors inconnues. Elle imagine que personne ne sera présent pour la conduire ou la ramener. Elle se visualise seule « sur le bord de la route », devant revenir à pied avec sa valise. A la suite de ce scénario, toute tentative pour aborder la solitude, la peur, l’abandon ne peut encore être réalisée. Mais Lara ressent des peurs et les exprime même si elle reste enfermée dans des schémas de pensée comme « Personne ne va venir me chercher ! » sans pouvoir trouver d’issue ou accepter les réassurances données par les éducateurs. L’ampleur des craintes internes prend systématiquement le pas sur la réalité externe. Nous continuons comme toujours à lui remettre un carton de rendez-vous, espérant qu’il puisse représenter la continuité, être un gage de sécurité interne, favoriser la symbolisation et lui permettre de supporter l’absence. C’est aussi le symbole des retrouvailles et le lien qui ne se brise pas [11].
Cadre thérapeutique solide et amorce d’un changement interne psychique : différenciation, soi, moi et non-moi mieux délimités
43Cette année-là, durant l’été, Lara part seule alors qu’habituellement, deux ou trois résidents du Foyer partent ensemble sur le même séjour de vacances. Alors que Lara n’a jamais manifesté aucun trouble du comportement ni agressivité au Foyer, son séjour est abrégé au regard des symptômes qu’elle présente sur place : agitation, agressivité et violence envers autrui et elle-même. Confrontée à la solitude et rattachée d’aucune manière au Foyer, Lara décompense au plan psychique. La connaissance de ces éléments a permis un aménagement ultérieur spécifique pour ses séjours et départs en vacances : Lara ne partira plus seule, mais toujours accompagnée d’un ou de plusieurs résidents choisis. Ces faits ont créé un point d’ancrage important et semblent constituer le point de bascule. La carapace narcissique se fend. Lara ne peut plus soutenir indéfiniment cette position figée où l’idéal cherche à occuper toute la place. Les troubles qu’elle a présentés semblent la surprendre elle-même. Une brèche s’est ouverte. Son rapatriement d’urgence au Foyer l’a surprise et peut-être l’a confortée : sa place est bien là, surtout « en cas de problèmes ». Elle évoque alors au cours des entretiens ses difficultés, ce qu’elle a pu ressentir, seule dans ce centre de vacances, livrée à ses peurs, sans attache et sans lien concret et direct avec le Foyer. Avançant dans le travail, pouvant aborder ses difficultés et ses peurs, Lara développe de l’intérêt pour autrui et est à l’écoute désormais de leurs difficultés. Un jour, de façon très émouvante, Lara nous fait part de ses préoccupations quant à ceux qui n’ont pas de travail, pas de place ! « J’ai entendu au poste ce matin, y’en a qui ont perdu leur boulot ; y’en a qui perdent leur place ; j’espère que je vais revenir, moi, après mes vacances ! » Ses possibilités de penser la vie d’autrui, cette empathie nouvelle, cette ouverture au monde, aux autres et à leur environnement, constituent des préoccupations tout à fait majeures, lui ouvrant la voie à l’intersubjectivité. Une autre fois, en séance, elle pleure parce qu’elle ne participe plus à certaines activités. Elle ne comprend pas pourquoi, elle verbalise enfin sa crainte d’être rejetée et se laisse aller à l’expression d’affects intenses.
44En entretien, Lara évoquera désormais les conflits avec les autres et la peine ressentie. La position hiérarchique des éducateurs la rassure, sachant qu’ils représentent l’autorité. Elle peut s’appuyer sur un cadre perçu comme solide. Elle cherche à se rassurer en recensant toutes les personnes « qui sont là pour elle », comme elle le verbalise. C’est aussi l’époque où elle est confrontée au décès de ses parents et aux retrouvailles avec un frère qu’elle n’a presque jamais connu. Les départs et retours de vacances sont toujours douloureux, mais aujourd’hui Lara peut en parler. A la suite d’un séjour durant les vacances de Noël, elle confie : « Je ne voulais pas revenir ici, car j’ai cru qu’on avait pris ma place ! »
Discussion
45Parvenues à ce point de réflexion, nous ne pouvons que mesurer les effets et conséquences des contextes de négligence éducative et carences affectives infantiles. Le défaut dans la constitution de la relation d’objet, qu’elle soit de type environnemental ou non, perturbe les assises identitaires et narcissiques et le développement du sentiment continu d’existence. Les angoisses d’abandon sont majorées et les sensations de chute, d’anéantissement sont trop vives, non amorties par un appareil psychique capable de contenir ce type de vécu.
46Si la déficience de Lara peut s’expliquer par l’encéphalopathie dont elle a été victime enfant, celle-ci a été majorée par les conditions d’existence carentielle avant son placement en famille d’accueil à ses 3 ans et la défaillance d’intériorisation d’un objet « suffisamment bon, fiable et permanent ». Le placement a sans doute limité les effets délétères s’agissant du développement des troubles de la personnalité. Il a sans doute permis à Lara d’établir quelques repères stables et de développer tout de même ses liens à autrui et sa vie psychique (ses capacités langagières en témoignent), mais la sécurité interne et la constitution de l’objet sont défaillantes. Les conséquences motrices de l’encéphalopathie néo-natale sont venues majorer les failles liées à l’intégration et la construction de l’image inconsciente du corps, affaiblir un narcissisme déjà fragilisé par des relations précoces carencées. Nous pensons que les situations de carences et de déprivations affectives représentent des situations tout à fait paradigmatiques des difficultés de croissance psychique et nous permettent de visualiser précisément les étapes nécessaires au bon développement somato-psychique.
47Durant les premières années de suivi hebdomadaire, nous avons observé combien « penser », pour Lara, a pu être extrêmement douloureux. C’est ainsi en tout cas que nous l’avons ressenti. Exprimer des affects, des émotions, évoquer son histoire, sa vie au quotidien et ses liens avec autrui était quasi impossible. Lara était trop engagée à consolider son arsenal défensif, en particulier sa carapace narcissique dans une recherche de valorisation permanente « pour se maintenir » et « survivre psychiquement ». La défaillance et le dysfonctionnement dans la relation à l’objet primaire ont nécessairement laissé des traces dans la constitution du self, dans ses capacités d’identification, dans l’établissement de son narcissisme primaire, secondaire, puis dans ses capacités réflexives. Lara, à son image, se vit toujours seule, abandonnée, exclue du groupe. Elle est celle à qui personne ne pense. Les difficultés d’accès à la position dépressive, comme M. Klein (1957) l’a conceptualisée, sont majeures et renvoient à une angoisse de perte d’objet et d’abandon qui domine l’ensemble de son fonctionnement psychique.
48La mobilisation des représentations et la reconnaissance des affects ont représenté une difficulté majeure chez Lara durant les premières années. Là, nous interrogeons le plaisir de penser lorsque les qualités d’investissement à l’objet ont été si faibles. L’accès à un certain travail d’élaboration psychique fut très progressif. Penser les liens intersubjectifs et interpersonnels a pu être possible, mais au bout d’un temps très long où le cadre, intégré, lui a permis enfin de rendre moins étanches certaines de ses frontières intrapsychiques.
49Cette prise en charge (nos entretiens, leur permanence, leur régularité et leur continuité dans le temps) a permis à Lara l’intériorisation progressive d’un cadre stable. Puis, progressivement, l’expression de certains affects, blessures, souffrances lui a permis de poser certaines questions comme sa place au sein de l’institution, nœud central dans sa problématique de type abandonnique. Initialement, le besoin d’occuper l’espace et de le remplir de paroles ininterrompues montre la difficulté chez Lara de la construction d’un espace personnel interne où les pensées peuvent se déployer sans risque. Dans le collage et l’indifférenciation, Lara, lors des entretiens, montrait peu d’aptitudes à entrer en relation avec autrui.
50A la lumière de nos connaissances sur le développement de la vie psychique, nous envisageons différemment les difficultés de Lara. Par exemple, nous avons observé combien, en début de psychothérapie, la capacité d’être seule (Winnicott, 1958, p. 325) en notre présence était réduite. Cette capacité nous est apparue comme constamment battue en brèche par l’insuffisance de son monde interne, défaillant à contenir ce type d’expérience. Les angoisses d’abandon majeures nécessitaient la préservation du lien à autrui ininterrompue. Le silence ou la ponctuation ne pouvaient avoir lieu.
51Initialement, Lara n’a rien pu laisser paraître de ses difficultés en lien avec son système défensif extrêmement fermé, mais l’expérience du cadre et sa permanence ont permis l’assouplissement de ses défenses pour investir l’autre, aborder ses difficultés affectives et intrapsychiques sans danger. La carapace narcissique se fend, les défenses dans ce registre sont moins utiles. Lara peut alors sans péril intérieur se laisser aller à ressentir ses douleurs, ses souffrances, puis à les exprimer.
52C’est le cadre offert et sa permanence indéfectible qui ont pu permettre à Lara la diminution de ses angoisses, y compris celles d’abandon, envisager de nouvelles capacités d’attachement, d’étayage et prendre appui sur les capacités psychiques et de contenant offertes par nous mais aussi par l’institution, nous y reviendrons.
53Nous pensons en outre que sa difficile problématique d’abandon et les troubles liés à l’attachement ont longtemps gêné son engagement transférentiel envers nous. En effet, réclamant une attention exclusive, Lara n’a, pendant longtemps, jamais pu en bénéficier au cours des entretiens, les douloureux phénomènes de la répétition et la dimension transférentielle lui faisant systématiquement craindre la convocation du mauvais objet et la possible rupture avec lui. Nous comprenons alors que « notre mise à l’écart » fut pour elle une façon de préserver notre relation. Nous tenir à distance pendant un certain temps fut pour elle nécessaire. Craignant inconsciemment le retour d’un lien actif mais néfaste, elle envisageait aussi inconsciemment sa rupture. C’est ainsi que nous avons pu nous représenter ultérieurement notre « immobilisme apparent », mais avant tout la préservation du cadre : « accueillir mais ne pas bouger ! ».
Les effets contenants du cadre
54Le cadre psychothérapeutique que nous avons mis en place (à distance du quotidien et de sa vie sur son Unité) permet au sujet de reprendre certaines positions psychiques inhérentes à la construction d’un objet interne fiable, sécurisant, sur lequel il pourra s’étayer. Il convoque également un grand nombre de particularités de l’attachement et de la construction du self. Lorsque le cadre est bien instauré, le sujet peut y projeter la violence de son agressivité et ses éprouvés, sans représailles. Il peut reprendre le jeu des identifications, mobiliser ainsi son propre monde interne, ses représentations, ses affects et développer de meilleure manière l’image de soi. De même, la permanence et la continuité dans le temps, lorsqu’elles sont garanties, permettent au sujet d’intégrer un sentiment continu d’existence. Enfin, l’appui sur l’appareil psychique du thérapeute, ses capacités à penser les conflits intra-psychiques et interpersonnels apparaissent comme autant de signes permettant la réussite de ce type de prise en charge.
55Nous avons à chaque fois constaté la valeur pour un sujet d’avoir un rendez-vous hebdomadaire au sein de la vie rythmée du Foyer. Les entretiens offrent de fortes garanties en termes d’attention et de présence à autrui. A de multiples reprises, nous avons observé avec Lara mais aussi avec d’autres résidents combien le cadre, lorsqu’il est respecté, incarne la sécurité, la continuité, la permanence. Ces aspects constituent des bases indispensables, des préalables incontournables pour que les matériaux psychiques bruts puissent être projetés, accueillis puis métabolisés par le psychothérapeute.
56Nous précisons lors du déménagement de l’institution (nouveau bâtiment) la conservation intacte de notre bureau et des éléments qui le composaient. Lara a de nouveau pu facilement s’inscrire dans les entretiens, de ce fait.
Le travail d’équipe et ses effets
57Il faut également souligner le bénéfice de l’institution dans les avancées de cette prise en charge. Les équipes ont été demandeuses et ont toujours soutenu notre travail. Par ailleurs, éloigné du travail thérapeutique avec Lara, un travail clinique a été réalisé avec l’équipe où nous avons pu entendre et accueillir les éléments du quotidien et les difficultés générées par les symptômes de Lara. Nous avons travaillé ensemble, non sur le matériel des entretiens psychothérapeutiques, restés confidentiels, mais sur la problématique abandonnique de Lara et ses traductions au quotidien. Ce décryptage et la mise en sens des symptômes, comportements, ont permis des modifications s’agissant des représentations de l’équipe et permis d’engager un travail différent. L’équipe pluridisciplinaire a réussi ainsi à investir différemment Lara. La nature des échanges relationnels mieux appréhendés a permis des réponses différentes « sur le terrain » et la sortie des schémas répétitifs.
Conclusion
58Les psychologues connaissent amplement les difficultés liées au travail de psychothérapie avec des personnes en situation de handicap. La mobilisation de la vie psychique nécessite la mise en place de pré-requis indispensables, d’où notre désir de communiquer cette prise en charge. Celle-ci permet en outre de mesurer combien le temps et la permanence du cadre comptent dans les modifications structurelles et économiques constatées. C’est indéniablement le travail de suivi thérapeutique hebdomadaire long et continu qui a permis à Lara d’assouplir ses mécanismes défensifs initiaux pour permettre l’émergence de certains de ses affects, puis leurs possibles liaisons à de nouvelles représentations.
59Jusqu’à présent, la prise en charge institutionnelle de Lara (longue pourtant car depuis ses 9 ans) avait été comme « sans effet » pour diminuer l’intensité de sa problématique abandonnique. Nous avons observé que les paramètres déterminants dans l’évolution de cette prise en charge ont été pluriels : décompensation suite à un séjour de vacances, nouveau positionnement de l’équipe, stabilité du cadre thérapeutique…
60En parallèle, et à la manière de la constitution des enveloppes, nous pensons que Lara a pu éprouver la plus petite Unité de rassemblement au sein des entretiens individuels et a pu ensuite apprécier l’effet contenant d’une dimension plus vaste, celle de l’institution. C’est a priori le cadre très précis et étayant de la relation duelle (primaire) qui a permis au cadre institutionnel d’assurer une fonction plus contenante. Ainsi, nous percevons à quel point la mise en place du cadre dans la pratique des psychothérapies de personnes déficientes a des vertus s’agissant du travail de la pensée. Le cadre et son application stricte permettent de recréer des conditions favorables au développement de la vie psychique et de la relation intersubjective. Ce sont des notions archaïques au plan psychique en termes de rythmes, de permanence, d’attention et d’immuabilité qui sont toujours convoquées et retrouvées lors des rendez-vous. Ce sont elles qui permettent au sujet d’éprouver un sentiment de continuité d’existence, nécessité première pour que puissent ultérieurement se déployer un sentiment de sécurité, une pensée investie et des liens transférentiels. Lara a enfin pu percevoir le cadre institutionnel et sa sécurité parce qu’au préalable, elle a vécu la permanence du cadre au sein des entretiens psychothérapeutiques. La clinique du handicap et de la déficience nous confronte en effet à des questions épineuses s’agissant de la genèse de la vie psychique. C’est uniquement lorsque le cadre a été suffisamment bien intériorisé que nous pouvons observer la mise en place ultérieure de modalités transférentielles au service du renforcement identitaire et de l’assouplissement des défenses.
61La transmission de ces aspects liés au terrain nous permet d’envisager de nouvelles voies de recherche clinique du côté de la constitution des enveloppes, du développement psychique et, concrètement de la manière dont les prises en charge et le soin peuvent se dessiner « sur le terrain ». Dans le développement du sujet humain, la naissance des représentations ou « comment l’esprit vient aux bébés » s’avère donc une donnée fondamentale. Nous soulignons l’importance de cibler les modalités des processus psychiques à l’œuvre au sein du développement du sujet, à l’aune de son propre développement psychique. Cela constitue un atout thérapeutique majeur pour une prise en charge efficiente.
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Notes
-
[1]
Psychologue clinicienne – Maître de conférences en psychologie clinique, Université de Franche-Comté.
-
[2]
Psychologue clinicienne – Maître de conférences en psychologie clinique, Université de Franche-Comté.
-
[3]
Source 2012, ADAPEI, Association Départementale des Amis et Parents de personnes handicapées mentales.
-
[4]
Il s’agit de Rose-Angélique Belot.
-
[5]
Au-delà des controverses sur les travaux de J. Bowlby, D. Anzieu proposa la notion de pulsion d’attachement (Golse, 2005).
-
[6]
Définit par E. Bick comme la construction d’un objet dans un espace interne.
-
[7]
Cette prise en charge a été assurée par R.A. Belot.
-
[8]
ESAT : Etablissement et Service d’Aide par le Travail, anciennement CAT, Centre d’Aide par le travail.
-
[9]
Mais par exemple, Lara ne connaît pas sa date de naissance et ne parviendra jamais à l’apprendre.
-
[10]
Il nous faut relever particulièrement ce fait qui va dans le sens du manque de distance à autrui, la quête affective, et traduit les faiblesses de l’instauration des limites interne et de différenciation.
-
[11]
Les nombreuses questions que posent les résidents et dont la réponse est pourtant connue ont comme visée la réassurance mais permettent aussi, selon nous, de boucher les trous d’une réalité interne défaillante, construite en pointillés, où la discontinuité est souvent la règle.