Notes
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[1]
D. Psy., Psychologue clinicien, diplômé de l’Université de Montréal (Montréal, Québec, Canada).
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[2]
Ph. D., psychologue clinicien et professeur agrégé au département de psychologie de l’Université de Montréal (Montréal, Québec, Canada).
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[3]
N.D.L. J’utiliserai pour éviter d’alourdir le texte le terme de « patient » pour faire référence à la personne qui reçoit un traitement, que celle-ci soit vue dans un cadre médical/psychiatrique ou de consultation privée auprès d’un psychologue.
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[4]
American Psychiatric Association.
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[5]
C’est-à-dire dans le contexte d’un attachement sécurisé avec la mère/ses parents.
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[6]
Diagnostic and statistical manual of mental disorders – text revision (4th ed.) (2000).
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[7]
Plus spécifiquement, et tel qu’il a été mentionné précédemment, la principale fonction du clivage serait, selon Kernberg (in : Clarkin et al., 2006), de protéger le segment idéalisé du psychisme du potentiel destructeur émergeant du segment contenant les ROI dévalorisées/aversives/au caractère persécutant).
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[8]
La structure psychotique est également caractérisée dans le modèle de Kernberg par la diffusion identitaire et les défenses immatures, mais diffère de l’organisation borderline par l’échec chronique du maintien de l’épreuve de réalité. Cliniquement, l’épreuve de réalité est reconnue par l’absence de délire et/ou d’hallucination, l’absence de comportement, de pensée ou d’émotion bizarre/inappropriée et la capacité de l’individu à être empathique au point de vue du clinicien (Kernberg, 1980).
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[9]
Ce qui dépend du pôle de la ROI auquel le patient est identifié dans ce moment de l’interaction. Voir plus bas dans le texte pour de plus amples détails à ce sujet.
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[10]
Un patient dont on décrirait l’attitude comme celle d’une mère contrôlante se reliant à un « thérapeute-enfant » méchant et sans défense pourrait par exemple se sentir tout à coup impuissant devant son interlocuteur, ce dernier étant alors vécu comme une mère très critique et dominatrice (exemple tiré de Clarkin et al., 2006).
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[11]
C’est-à-dire randomisée et disposant de groupes de comparaison/contrôles, par contraste à une étude initiale réalisée par Clarkin et al. (2001) qui ne disposait pas de tels groupes.
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[12]
Cette mesure évalue le degré avec lequel un individu donné se relie plus ou moins harmonieusement aux autres, au travers des rôles qu’il occupe dans sa vie (par exemple, occupation professionnelle, parent, ami, conjoint, etc.) (Weissman et Bothwell, 1976).
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[13]
Par exemple : comportements abusifs/de maltraitance, négligence, réponses émotionnelles envahissantes et/ou grossièrement inappropriées à l’expérience de l’enfant, etc. (Sharp et Fonagy, 2008).
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[14]
Cela entraînerait une réduction des réactions impulsives.
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[15]
Alternativement, on peut considérer que ce processus contribue à l’intériorisation de nouvelles représentations de l’expérience subjective, plus complexes et nuancées.
Introduction
1Le trouble de personnalité borderline (TPB) est une affection particulièrement problématique, dont les diverses ramifications pathologiques sont à même d’interférer sévèrement avec le fonctionnement des individus qui en sont atteints (Lieb et al., 2004). En contexte clinique, il est reconnu comme un des troubles les plus fréquents (Oldham et al., 2001 ; Skodol et Gunderson, 2008) et les plus difficiles à traiter (Cousineau, 1996 ; Clarkin, 1996 ; Skodol et al., 2002). La psychothérapie focalisée sur le transfert (PFT), mise sur pied par Kernberg et ses collaborateurs (Clarkin, Yeomans et Kernberg, 2006 ; Kernberg, Yeomans, Clarkin et Levy, 2008), a démontré empiriquement son efficacité thérapeutique. L’interprétation du clivage est considérée dans cette approche comme étant d’une absolue nécessité si l’on souhaite opérer des changements structuraux (c’est-à-dire au niveau de la structure de la personnalité) ; ces derniers rendraient compte des gains psychothérapeutiques durables et significatifs observés chez le patient [3] traité en PFT. Le lecteur intéressé trouvera dans le texte qui suit une réflexion critique concernant ce postulat fondamental, que des écrits récents permettent de remettre en question. Pour ce faire, les résultats d’efficacité thérapeutique rapportés pour la PFT (Levy, Meehan et al., 2006 ; Clarkin, Levy, Lenzenweger et Kernberg, 2004, 2007 ; Kernberg, Yeomans et al., 2008) seront contrastés avec ceux qui ont été obtenus par une autre approche psychodynamique du traitement du TPB : le traitement centré sur la mentalisation (Bateman et Fonagy, 2001, 2008). Cette réflexion est également fondée sur la lecture des théories et des techniques d’intervention présentées dans les manuels de traitement publiés par les deux groupes d’auteurs qui sont ici à l’étude, c’est-à-dire Psychotherapy for borderline personality : focusing on object relations de Clarkin et al. (2006) et sa mise à jour plus récente (Kernberg, Yeomans et al., 2008), ainsi que Psychotherapy for borderline personality disorders : Mentalization-based treatment et Mentalization-based treatment for borderline personality disorder : a practical guide de Bateman et Fonagy (2004a, 2006).
Contexte théorique
2Au cours des cinquante dernières années, des énergies considérables ont été dédiées à l’abord de la pathologie borderline, et ce autant sous l’angle de sa conceptualisation que de son traitement (Gunderson, 2001). Il est difficile d’ignorer l’importante contribution, à ces deux niveaux, de la pensée psychanalytique/psychodynamique. L’apport de Kernberg (1976, 1980, 1984, 2006) retient particulièrement l’attention, puisqu’il a donné lieu à l’émergence d’un modèle d’intervention spécifique dont l’efficacité est maintenant bien établie (Clarkin et al., 2001 ; Clarkin et al., 2004, 2007 ; Zanarini, 2009) ; la pertinence de la Psychothérapie focalisée sur le transfert (Transference-Focused Psychotherapy ; Kernberg, Yeomans et al., 2008 ; Clarkin et al., 2007 ; Clarkin et al., 2006) est notamment reconnue par l’APA [4], qui recommande son emploi en tant que stratégie de traitement de première ligne pour l’abord du TPB (Oldham et al., 2001).
3Ce modèle d’intervention repose sur une théorie de l’organisation de la personnalité et de ses troubles proposée par Kernberg (1976, 1980, 1984). Sa prémisse est essentiellement la suivante : les comportements et perturbations subjectives que connaissent les individus souffrant de troubles de la personnalité (dont le TPB) sont le reflet d’aspects pathologiques propres à une structure psychologique sous-jacente (Clarkin et al., 2006). Cette structure serait formée par l’intériorisation d’expériences relationnelles déterminantes ayant eu cours dans le développement précoce de l’enfant. Représentées psychiquement telles qu’elles ont été alors éprouvées, ces interactions seraient enregistrées sous forme de dyades composées d’une représentation de soi liée par un affect à une représentation de l’autre. Chacune de ces dyades constitue une relation d’objet intériorisée (ROI), terme utilisé par les auteurs du courant de la psychologie du Moi (voir par exemple Fairbairn, Jacobson, Mahler et Kernberg [Kernberg, 1976]) pour identifier ce qu’ils considèrent comme les unités de base du psychisme et de son fonctionnement.
4Tôt dans le développement infantile, les vécus affectifs intenses éprouvés en contexte relationnel seraient encodés sur un axe d’expériences toutes bonnes/gratifiantes versus toutes mauvaises/frustrantes/aversives (Kernberg, 1992) ; ce type d’encodage, qui reflète les limites inhérentes (mais normales) du fonctionnement cognitivo-affectif de l’enfant à ce stade de son développement, aurait une fonction adaptative (obtenir ce dont on a besoin et éviter ce qui est douloureux et/ou menaçant ; Clarkin et al., 2006). Ainsi, les expériences gratifiantes – c’est-à-dire où un besoin est satisfait – donneraient lieu à l’enregistrement d’une image idéale de l’enfant comblé en lien à un parent soignant et parfaitement disponible. A l’inverse, les expériences frustrantes s’inscriraient sous forme de représentations totalement négatives de soi (en tant qu’être dépendant, impuissant et enragé) et de l’autre (par exemple, un parent négligent, voire abusif). La résultante de ce processus serait donc une psyché construite en segments composés d’une part de ROI idéalisées et, d’autre part, de ROI dévalorisées. Puisque la présence d’un bon objet interne est nécessaire à la survie psychologique de l’individu, une séparation serait maintenue entre ces deux groupes de représentations, de manière à protéger la portion « toute bonne » des images de soi et de l’autre de l’agressivité destructrice découlant du segment « tout mauvais » des expériences relationnelles intériorisées. Le clivage, mécanisme de défense disponible et nécessaire à cette étape du développement du Moi, opérerait cette séparation et procéderait à son maintien.
5Lorsque l’évolution de l’enfant se fait dans des conditions normales [5], une intégration graduelle des deux ensembles de ROI permet éventuellement à celui-ci de profiter d’un sens de soi et des autres plus réaliste, complexe et nuancé (et donc plus ajusté, plus fonctionnel) (Kernberg, 2004). Cette intégration n’est pas possible chez l’enfant dont le développement se situe dans le contexte d’un attachement anormal à ses parents. Les frustrations vécues par l’enfant dans ce même contexte feraient en sorte que sa colère, combinée à l’agressivité destructrice émanant de l’activation des ROI « toutes mauvaises », menacerait encore plus fortement la survie du bon objet interne. Conséquemment, le Moi serait contraint de maintenir activement le clivage ; ainsi, la séparation des ROI idéalisées des ROI dévalorisées se cristalliserait en une structure de personnalité beaucoup moins bien adaptée, davantage sujette à l’instabilité et handicapée dans ses capacités à gérer différents états de détresse émotionnelle. La structure pathologique sous-jacente au trouble de personnalité borderline (Clarkin et al., 2006 ; Kernberg et Caligor, 2005), c’est-à-dire l’organisation borderline de la personnalité (OBP) serait le produit d’une telle situation développementale. La diffusion de l’identité, l’utilisation de mécanismes de défense primitifs et le maintien de l’épreuve de réalité constituent les trois principales caractéristiques de cette structure (Kernberg, 1984, 2004) ; celles-ci forment en quelque sorte une toile de fond sur laquelle il devient possible d’organiser de manière plus cohérente les différentes manifestations cliniques du TPB présentées dans le DSM-IV-TR [6] (Kernberg, 1984). Cette relation figure-fond entre les concepts de trouble et d’organisation borderline de la personnalité est illustrée dans les paragraphes suivants : les signes et symptômes du TPB y sont expliqués de par leurs liens avec les éléments structuraux propres à l’OPB tout juste mentionnés (soit la diffusion identitaire, les défenses primitives et le maintien de l’épreuve de réalité).
6L’important manque d’intégration des relations objectales intériorisées précoces (les segments positifs/idéalisés étant maintenus séparés des segments de représentations négatives/dévalorisées/ persécutrices) conduirait à l’existence d’un syndrome de diffusion identitaire (Kernberg, 2006). Caractérisé par l’absence d’un concept intégré de soi et des autres, ce syndrome s’illustre cliniquement par les descriptions chaotiques, vagues, stéréotypées et souvent contradictoires qui sont verbalisées par la personne avec un TPB lorsqu’elle fait référence à elle-même ou à autrui. L’incapacité à reconnaître ces contradictions lorsqu’elles sont exprimées constitue un autre élément définitionnel du syndrome qui, dans son ensemble, contribue à affecter sévèrement le fonctionnement. Plus spécifiquement, la précarité du concept de soi interférerait avec l’intégration de repères identitaires stables, auxquels l’individu ayant vécu un développement normal a accès lorsque la situation le requiert (par exemple, lorsqu’il s’apprête à investir objectifs de carrière, fonctions professionnelles et sociales, projets personnels et relations intimes). En plus, le manque d’intégration du concept de l’autre viendrait handicaper la capacité à jauger autrui de façon réaliste, à faire le choix d’un partenaire qui correspond à ses attentes et besoins et, somme toute, à investir harmonieusement les relations aux personnes significatives (Kernberg, 2006).
7Au plan subjectif, ce syndrome laisserait la personne qui en souffre aux prises avec un sentiment chronique de vide intérieur (Kernberg, 1980), qu’elle tenterait de combler entre autres relationnellement – c’est-à-dire en faisant d’autrui une figure soignante idéalisée, parfaitement gratifiante et avec laquelle on se sent totalement comblé (à l’image des ROI composant le segment « tout bon » du psychisme). L’expérience de la déception et de la frustration dans le cadre du lien à l’autre donnerait lieu à d’intenses ressentis de colère et de détresse émotionnelle, via l’activation des ROI appartenant à la portion « toute mauvaise » (dévalorisée) du monde interne. Ces affects seraient notamment rendus manifestes dans le TPB au travers de comportements impulsifs, hostiles et autodestructeurs (comme par exemple : attaques verbales et/ou physiques, menaces et agirs suicidaires, automutilation, etc.). L’émission de tels comportements provoquerait une intensification des angoisses reliées à la perspective de se retrouver et de se sentir (à nouveau) rejeté, abandonné, seul et vide. Cet état, rapporté comme particulièrement intolérable par les individus dont l’identité est diffuse (dans le contexte d’un TPB), motiverait des efforts effrénés pour la reprise de relations idéalisées. Ainsi, le rapport à l’autre (et, conjointement, à soi) en viendrait à être vécu avec un mélange de dépendance et d’hostilité, oscillant entre des attitudes d’impuissance soumise et d’agressivité tyrannique (Clarkin et al., 2006). Il va sans dire qu’un tel fonctionnement promet une évolution plutôt tumultueuse des relations interpersonnelles, accompagnée par des variations importantes au plan émotionnel/de l’humeur.
8L’emploi de défenses primitives constitue la deuxième composante caractéristique de la structure psychologique sous-jacente au TPB. Pour Kernberg (1980), c’est le clivage qui se situe au centre de l’organisation défensive propre à l’ensemble de la pathologie borderline. Ce mécanisme, appuyé par l’action de défenses primitives dites secondaires (telles les formes primitives de l’idéalisation, de la dévalorisation et du déni), protégerait le Moi de l’angoisse en gardant activement séparées les parties qui pourraient s’affronter et ainsi former des conflits intrapsychiques [7]. Autrement dit, tant et aussi longtemps que ces portions du monde interne (c’est-à-dire les groupes de ROI idéalisées ou dévalorisées) sont en mesure d’être activées en alternance dans l’expérience subjective, le conflit – et l’angoisse qu’il peut générer – sont évités. Toutefois, en effectuant une division massive du psychisme, ce mécanisme de défense exerce un lourd coût : il impose un abord rigide, inflexible et non intégré de la réalité autant intérieure qu’extérieure (voir notamment le syndrome de diffusion identitaire et ses manifestations cliniques, présentés dans les paragraphes précédents), diminuant ainsi les capacités d’adaptation individuelles. En ce sens, on retrouve couramment chez la personne avec TPB des opinions fortes mais instables, ainsi que des points de vue marqués et catégoriques, sujets à changements drastiques en fonction des aléas des circonstances immédiates. Ces variations contribuent à une expérience de vie chaotique : dans le cadre des relations interpersonnelles, par exemple, un événement frustrant peut mener à la mise au rancart d’une relation amicale, qu’un événement positif peut ensuite restaurer d’un coup. Qui plus est, on observe que l’alternance soudaine des réactions à l’environnement peut avoir un impact qui s’étend jusqu’à l’état de l’humeur : en effet, une seule expérience décevante peut être en mesure de faire passer la vision du monde sous un angle dépressif, vécu comme tel (« Tout est moche »), alors qu’une heureuse surprise peut renverser le processus et provoquer un état d’euphorie. Le clivage, en prévenant l’intégration des ROI de valeurs opposées, laisserait surgir dans la conscience toute la force de l’affect lié à ce qui est activé à un temps donné. Ceci expliquerait les sérieuses perturbations touchant la régulation des expériences émotionnelles. Le caractère débordant, intense et labile de ces dernières motiverait notamment l’emploi de l’identification projective (défense s’inscrivant elle aussi au registre des mécanismes dits primitifs), qui contribuerait aux bouleversements que connaissent les relations interpersonnelles dans le TPB (Clarkin et al., 2006).
9Finalement, le maintien de l’épreuve de réalité est posé comme un troisième trait caractéristique de l’OBP, qui permet de la distinguer de la structure psychotique de la personnalité [8]. On a observé que les individus souffrant d’un TPB sont habituellement en mesure de reconnaître les contradictions touchant leur fonctionnement, lorsqu’on les y confronte avec tact… à moins que ceux-ci ne se trouvent dans un état de stress considérable. Il faut effectivement noter que l’épreuve de réalité peut faire défaut de façon transitoire en période de grande angoisse chez ces mêmes individus ; l’expérience subjective serait alors dominée par le passage à l’avant-plan de relations objectales intériorisées appartenant au segment « tout mauvais » du monde interne. Des symptômes dissociatifs (par exemple, dépersonnalisation, déréalisation) peuvent survenir face à l’émergence des affects intenses rattachés à ces représentations activées ; une régression vers un mode de pensée paranoïde, coloré par une idéation persécutoire, peut également faire partie du tableau clinique dans ce contexte.
La psychothérapie focalisée sur le transfert
10Les bases théoriques qui viennent tout juste d’être explicitées constituent les principes fondamentaux sur lesquels s’appuient les modalités d’intervention propres à la psychothérapie focalisée sur le transfert (PFT). Ses auteurs (Clarkin et al., 2006 ; Kernberg, Yeomans et al., 2008) la définissent et la présentent comme un ensemble de stratégies et de techniques à mettre en œuvre pour le traitement efficace des troubles sévères se situant au sein de l’OBP. Le TPB constitue dans ce cadre le principal représentant de ces mêmes troubles, étant considéré comme la manifestation clinique prototypique des éléments structuraux propres à l’organisation borderline de la personnalité (Kernberg, 2004).
11On cherche d’abord, en PFT, à établir (puis à maintenir) un espace sécuritaire dans lequel pourront se réactiver les relations d’objet qui seront vécues dans l’ici et maintenant du lien thérapeutique sous forme de transfert. Le rôle de l’intervenant consiste à se concentrer sur l’observation, l’identification, la clarification, la confrontation puis l’interprétation de ces manifestations transférentielles ; celles-ci renverraient à des ROI régressées et clivées, dont on veut développer progressivement l’intégration. Des éléments du cadre thérapeutique sont pensés de manière à faciliter cette réactivation des unités de base du monde interne : la fréquence des séances (fixée à deux ou trois rencontres par semaine), le positionnement en face à face du clinicien et de son patient, ainsi que la règle d’association libre favoriseraient effectivement leur émergence dans le transfert.
12Dans ce type de traitement, on demande au thérapeute d’être attentif aux façons avec lesquelles la personne qui le consulte se relie à lui. De cette manière, on souhaite qu’il puisse obtenir graduellement une bonne appréciation des ROI dominant l’expérience de son patient aux différents moments de leurs interactions en séance. Ce processus est divisé en quatre sous-étapes. La première étape consiste à tolérer le caractère chaotique, frustrant, confus et parfois hostile qui se dégage du contact avec le monde interne du patient activé dans la relation thérapeutique. La tâche du clinicien est de prendre en compte ses propres réactions (par exemple, confusion, perplexité, impuissance) ; il peut tirer de ses ressentis contre-transférentiels des informations précieuses concernant l’existence d’un état affectif semblable ou complémentaire [9] chez son interlocuteur. Deuxièmement, le thérapeute a à tenter d’identifier, via la récurrence de certains patterns d’interactions relationnelles, le rôle adopté par le patient et celui qui est projeté sur lui dans le scénario évoqué dans l’ici et maintenant du transfert. Ces scénarios peuvent impliquer par exemple le rôle d’un parent contrôlant en relation à un enfant qui se sent impuissant et enragé, ou encore celui d’un parent parfait en relation à un enfant comblé et dépendant. Il faut noter que le rôle du parent n’est pas automatiquement attribué dans le transfert au thérapeute et celui de l’enfant au patient ; chacune de ces positions illustre un pôle de la relation objectale auquel le patient peut s’identifier. La tâche du clinicien au cours de la troisième étape consiste à communiquer au patient, sous forme d’hypothèses de travail, ses observations et impressions concernant les rôles qu’il a pu voir s’actualiser dans le transfert. Finalement, l’étude des réactions du patient à de telles interventions doit être faite, puisqu’elle permet notamment de corroborer ou d’infirmer les hypothèses qui ont été amenées au cours des étapes précédentes du travail thérapeutique. On observe en PFT que les interventions du clinicien peuvent mener : a) à une intensification des rôles déjà actifs dans le transfert ; b) à un renversement de ces rôles (c’est-à-dire que le patient peut réagir en s’identifiant inconsciemment à l’autre pôle de la même relation objectale, projetant alors sur le thérapeute la position qu’il venait tout juste d’occuper [10]) ; c) à l’activation d’une ROI qualitativement différente (passage d’une dyade « toute bonne » à une dyade « toute mauvaise » et vice versa) ; d) au déni ou e) à un insight, c’est-à-dire à une prise de conscience du pattern décrit par le thérapeute.
13On souhaite que le travail accompli dans cette première phase du traitement soit en mesure d’accroître les capacités du patient à prendre conscience des rôles qui sont activés dans le transfert, mais surtout des renversements que ceux-ci peuvent connaître. Les oscillations qui marquent l’identification du patient aux pôles d’une dyade donnée expliqueraient en partie le chaos et la confusion qui caractérisent son expérience subjective, affective et relationnelle, et ce parce qu’on observe qu’elles s’effectuent à l’extérieur du champ de sa conscience. Progressivement, le processus d’identification des rôles actualisés dans le transfert tendrait à faire émerger des relations objectales qualitativement différentes, de valeur opposée à celles qui étaient tout juste en cours d’analyse. Ainsi, il est possible qu’au fil d’une même séance, des ROI dévalorisées (comprenant des représentations « toutes mauvaises » de soi et de l’autre liées par un affect dysphorique/négatif) et des ROI idéalisées (comprenant des représentations « toutes bonnes » de soi et de l’autre liées par un affect positif) puissent prendre tour à tour l’avant-plan dans l’interaction avec le thérapeute. L’interprétation du clivage serait alors indiquée : on cherchera à communiquer au patient la fonction du mécanisme qu’on suppose à l’œuvre derrière l’alternance des attitudes opposées qu’il manifeste à l’endroit de l’intervenant.
14Le clivage permettrait, tel que mentionné plus haut dans ce texte, d’éviter l’angoisse qui émergerait de la mise en contact des deux « univers » de représentations gardés séparés par son action. Tant que ceux-ci ne seront pas intégrés, l’individu affecté ne pourra se dégager d’un rapport non nuancé et instable à soi, à autrui et au monde. Lorsqu’il aura identifié les oscillations qui marquent l’actualisation dans le transfert de groupes de ROI aux charges affectives opposées, le travail du thérapeute devra donc se concentrer sur l’interprétation des motifs qui appellent leur ségrégation. Autrement dit, il fera partie de la tâche du clinicien de communiquer à son patient ses hypothèses concernant les fonctions du clivage qu’il voit s’opérer dans leurs échanges. Essentiellement, ces fonctions seraient de l’ordre de la protection mutuelle. D’une part, la séparation faite par le clivage permettrait de protéger l’intégrité des relations objectales idéalisées/investies par l’amour de la rage destructrice dont sont chargées les ROI « toutes mauvaises ». D’autre part, la fonction du mécanisme consisterait à garder à l’abri des sentiments plus tendres reliés aux ROI « toutes bonnes » les affects de colère émergeant des relations objectales dévalorisées. La colère et ses variations (la rage, par exemple) auraient effectivement avantage à être protégées/non altérées, dans la mesure où leur caractère consolidant permettrait de chasser de façon transitoire les états de confusion typiquement associés au syndrome de diffusion identitaire. La vignette clinique suivante, tirée de Clarkin et al. (2006), illustre l’interprétation du clivage :
(Une patiente) a commencé une séance en disant : « Je me sens très chanceuse de vous avoir comme thérapeute. Toutes mes autres thérapies n’ont pas vraiment aidé ; j’ai des amies qui ne tirent rien de leur thérapie. A mon avis, vous êtes la personne qu’il me faut ». Plus tard dans l’entretien, la patiente a fait savoir que son statut d’invalidité était sur le point d’arriver à échéance et a demandé au thérapeute de remplir les formulaires nécessaires à sa reconduction. Lorsque le thérapeute a fait part de son questionnement concernant l’invalidité de la patiente à ce point dans son parcours thérapeutique, cette dernière a répondu avec rage : « Je ne sais même pas pourquoi je prends le temps de venir ici. Ces séances me font perdre mon temps et je n’en ai toujours rien retiré. Vous prétendez aider vos patients, alors que vous ne faites rien du tout. La seule chose qui pourrait faire du sens pour moi serait de vous dénoncer aux autorités pour fraude ».
16Le thérapeute a répondu à ces propos en confrontant la patiente avec les deux points de vue opposés qu’elle a verbalisés à son intention… Déterminée dans sa dévalorisation du thérapeute, la patiente a indiqué que ses premiers propos représentaient une tentative de tirer le plus de bénéfices d’une mauvaise situation (…), d’une thérapie sans valeur. Elle a ajouté que le changement dans ce qu’elle a dit était simplement le reflet du fait qu’elle ne pouvait plus se mentir en pensant qu’il y avait du bon dans sa thérapie.
17Le thérapeute a alors formulé une interprétation du clivage manifesté par la patiente, au travers de son transfert : « Les sentiments que vous avez eus envers moi au début de la séance peuvent refléter le souhait profond que je – ou quelqu’un d’autre – sois l’être soignant parfait que vous désirez. Votre désir de rencontrer une telle personne et votre conviction qu’il soit possible de la trouver sont si importants que vous cherchez à les protéger de l’éventualité d’une déception en adoptant une vision du monde opposée : un monde froid et indifférent où les gens ne se préoccupent pas de vous, ou pire, vous souhaitent du mal…Avec le temps, vous en êtes venue à sentir la connexion qui s’est établie entre vous et moi et, je pense, à sentir mon intérêt à vous fournir toute l’aide dont je suis capable. Vous êtes ainsi devenue anxieuse au fait que je vous déçoive. En fait, de la façon dont votre esprit fonctionne présentement, vous percevez toutes déceptions, tous manquements de ma part à prendre parfaitement soin de vous comme la preuve que vous ne pouvez pas vous attendre à quoi que ce soit de moi et que vous avez raison de m’éprouver comme cruellement négligent. Le fait de vous retirer dans cette perception de moi vous permet de vous protéger de votre souhait profond d’être parfaitement prise en charge. Toutefois, ce retrait vous empêche d’éprouver et d’accepter le bon qu’une relation comme la nôtre pourrait vous apporter. Dans le but de protéger votre vœu d’obtenir un pourvoyeur parfait, vous vous privez des vrais soins que vous pouvez trouver dans votre environnement (traduction libre).
18La répétition du processus thérapeutique décrit jusqu’à maintenant, dont le point culminant consiste en l’interprétation du clivage, c’est-à-dire le dévoilement au patient des fonctions de cette opération défensive, serait en mesure d’amener peu à peu une plus grande intégration des divers éléments composant le monde interne du patient. En faisant progressivement prendre conscience au patient des distorsions qui affectent son expérience subjective et relationnelle dans le cadre du lien thérapeutique, on pense que ce processus l’amènerait éventuellement à se relier à lui-même et aux autres de façon plus réaliste et nuancée. L’interprétation du clivage contribuerait ainsi à la résolution de la diffusion identitaire et à la modulation des affects intenses qui l’accompagnent.
19On souligne à plusieurs endroits dans les écrits traitant de la PFT le rôle essentiel que joue l’interprétation du clivage dans le traitement des personnes souffrant d’un TPB. En effet, les auteurs de ce modèle soutiennent que ce type d’intervention est absolument nécessaire à l’atteinte de changements structuraux (c’est-à-dire à une modification de la structure des ROI sous-jacentes aux différentes manifestations du TPB). Caligor et al. (2009) énoncent par exemple : « Une hypothèse sous-jacente à notre théorie de la technique est que l’interprétation joue un rôle essentiel (…) dans l’amélioration thérapeutique globale (…). Dans notre modèle, la réalisation de nouvelles capacités psychologiques correspondant à l’intégration d’aspects dissociés de l’expérience de soi et de l’autre dans une identité cohérente (…) requiert le processus interprétatif entier, incluant l’interprétation des anxiétés inconscientes sous-jacentes aux manœuvres défensives, menant à l’insight » (italiques et soulignés ajoutés).
20Levy, Clarkin et al. (2006), dans un article dédié à l’identification des mécanismes de changement impliqués dans le traitement du TPB via la PFT, soutiennent dans le même sens que : « Les interprétations du thérapeute, données au moment opportun de façon claire et pleine de tact sur les thèmes dominants chargés d’affect ainsi que sur les agissements transférentiels du patient dans l’ici et maintenant du transfert, sont supposés jeter une lumière sur les raisons pour lesquelles les représentations restent clivées et facilitent ainsi l’intégration de représentations polarisées de soi et des autres (…) l’interprétation des obstacles à l’intégration est nécessaire pour permettre au patient de progresser au-delà du niveau d’organisation clivée » (italiques et soulignés ajoutés).
21Cette même position concernant l’interprétation du clivage était communiquée par Kernberg dans le cadre d’une conférence récente portant sur la PFT (Kernberg et Yeomans, 2011). L’auteur y exprimait « de très sérieux doutes quant à la capacité du traitement à produire des changements structuraux sans interprétation du clivage » (traduction libre).
22Somme toute, dans les écrits portant sur la PFT, on identifie systématiquement l’interprétation du clivage comme indispensable aux modifications de la structure de personnalité sous-jacente au TPB. Autrement dit, l’instauration du cadre de traitement, ainsi que les interventions de clarification et de confrontation des ROI activées dans le transfert seraient des éléments nécessaires mais non suffisants à l’atteinte du changement structural en PFT. On soutient en fait que c’est le travail d’interprétation de la défense qui rend possibles ces modifications profondes de la personnalité, en permettant l’intégration des ROI polarisées en un tout plus cohérent. Tel que mentionné précédemment, l’intégration des éléments constituant le monde interne mènerait au développement d’un sens de soi et des autres plus cohérent, nuancé et réaliste qui permettrait une meilleure régulation affective. Ce sont ces nouvelles capacités psychologiques (Caligor et al., 2009) qui produiraient des améliorations au plan relationnel, affectif et comportemental (par exemple, relations interpersonnelles plus équilibrées et intimes, rapport à autrui qui n’est plus menacé par des vécus envahissants de rage, expérience émotionnelle plus stable/moins labile, réduction significative de la tendance à agir impulsivement et de façon autodestructrice, amélioration générale du fonctionnement ; Levy, Clarkin et al., 2006) chez le patient traité par la PFT.
Critique du rôle accordé à l’interprétation du clivage dans la PFT
23Les passages soulevés dans la section précédente mettent bien en relief le rôle essentiel qui est accordé à l’interprétation du clivage, technique conçue dans le cadre de la PFT comme composante nécessaire à l’atteinte des modifications structurales – modifications dont l’amélioration clinique serait tributaire. Au plan théorique, on présente le clivage comme un mécanisme opérant de façon active une séparation des éléments constituant le psychisme ; on soutient que son maintien pose un sérieux obstacle à l’intégration des ROI et, ce faisant, conduit à miner le rapport à la réalité intérieure et extérieure. Il appert donc que cette défense doit être ciblée par le traitement, si l’on souhaite produire des changements thérapeutiques significatifs et durables chez le patient.
24Les résultats obtenus par la première étude rigoureuse [11] ayant évalué la PFT (Clarkin et al., 2007) démontrent son efficacité. En comparant cette approche à deux autres traitements spécifiques au TPB (soit la dialectical behavioral therapy (DBT) et la thérapie de soutien d’orientation psychodynamique), cette recherche a démontré que les trois modèles ont généré après un an d’intervention une amélioration générale de l’état clinique : on a observé dans les trois groupes de participants un amoindrissement des vécus dépressifs et anxieux, ainsi qu’une augmentation du degré d’ajustement social [12] et du fonctionnement global. En plus, une diminution du nombre de tentatives de suicide a été relevée au sein des groupes traités en DBT ou en PFT ; par ailleurs, des améliorations au plan de la colère et de certaines facettes de l’impulsivité ont été repérées chez les participants suivis en PFT ou dans le cadre de la thérapie de soutien d’orientation psychodynamique. Finalement, l’étude de Clarkin et al. (2007) a révélé une atténuation de l’irritabilité et des gestes agressifs (verbaux et physiques) qu’auprès du groupe de patients traités en PFT. Il n’est donc pas possible à partir de ces données seulement de rattacher à l’approche développée par Kernberg et ses collaborateurs des effets qui lui sont si spécifiques. En l’absence de ces derniers, on ne peut suggérer que les améliorations cliniques soient attribuables à la composante technique retrouvée uniquement dans le cadre de la PFT (c’est-à-dire à l’interprétation du clivage).
25Une étude de Levy, Meehan et al. (2006) présente toutefois des résultats intéressants concernant le caractère distinctif de ce traitement. Ces auteurs ont d’abord démontré – à partir du même échantillon employé par Clarkin et al. (2004, 2007) – que la PFT se démarque des autres approches par sa capacité à modifier le type d’attachement de ses participants. On a effectivement observé, via l’administration d’une entrevue semi-structurée spécialisée (l’Adult Attachement Interview (AAI) ; Main et al., 1995, tiré de Levy, Meehan et al., 2006), une augmentation du nombre de patients ayant un attachement de type sécurisé au terme de l’année d’intervention ; cet effet n’a pas été relevé sous les deux autres modalités de traitement étudiées (soit la DBT et l’approche de soutien psychodynamique). Cette donnée est interprétée par Levy, Meehan et al. (2006) et Levy, Meehan et Yeomans (2012) comme indicatrice d’un changement structural, dans la mesure où le type d’attachement reposerait sur un système de représentations de soi et de l’autre en interaction (c’est-à-dire un internal working model ; Bowlby, 1973) – un concept analogue à celui des ROI. Au plan clinique, une personne disposant d’un attachement sécurisé est caractérisée par un discours bien organisé et authentique, dans le cadre duquel les émotions sont exprimées de façon spontanée, ainsi que par le maintien d’un point de vue réaliste et balancé des rapports précoces aux parents et aux autres relations significatives subséquentes ; cette description correspond aux conséquences attendues de l’intégration des ROI présentée dans le modèle théorique sous-jacent à la PFT.
26Par surcroît, l’étude de Levy, Meehan et al. (2006) a révélé que la PFT fut la seule à améliorer de façon marquée le fonctionnement réflexif (FR). Ce construit fait référence à la capacité d’un individu à mentaliser – c’est-à-dire à faire du sens de soi et des autres en termes d’états subjectifs (Fonagy et Bateman, 2008). Plus précisément, la mentalisation consisterait en un processus de représentation des éprouvés subjectifs sous forme d’états mentaux (soit des désirs, des besoins, des affects, des pensées, des intentions, etc.), à partir desquels la personne peut interpréter/comprendre ses actions et celles d’autrui. Un FR faible correspond cliniquement à des réflexions simplistes, naïves, diffuses et non intégrées concernant les états mentaux pouvant motiver son comportement et celui de l’autre ; par contraste, on observe chez la personne dont le FR est élevé des réflexions plus complexes, nuancées, précises et intégrées à propos des états mentaux (Jurist et Meehan, 2009). Levy, Meehan et al. (2006) interprètent l’augmentation du FR dans le contexte de la PFT comme témoignant d’un changement structural. En effet, ces auteurs suggèrent que l’amélioration de la capacité de mentalisation reflète l’établissement d’un sens intégré de soi et de l’autre, par rapport auquel l’individu peut dorénavant comparer et mettre en perspective ses perceptions momentanées. Autrement dit, ces auteurs conçoivent la croissance du FR comme un indice de la résolution de la diffusion identitaire amenée par l’intégration des ROI. Ils soutiennent ainsi que la possibilité de contenir et d’articuler avec recul, nuances et réalisme sa propre expérience subjective en contexte relationnel signale l’existence d’une structure interne plus cohérente et moins sujette à l’instabilité associée à l’activité du clivage.
27L’évolution vers un attachement sécurisé et l’amélioration du FR sont comprises par Levy, Meehan et al. (2006), Kernberg, Yeomans et al. (2008) et Levy et al. (2012) comme des indices suggérant que la PFT opère comme le prévoit le modèle théorique qui lui est sous-jacent. Tel que mentionné précédemment, ces changements laissent entendre qu’une modification des structures internes du psychisme a eu lieu. Kernberg, Diamond et al. (2008) suggèrent que les gains au plan de l’attachement et du FR sont dus à l’interprétation du clivage, puisque ces résultats ont été uniquement observés en PFT – la seule approche qui emploie cette technique d’intervention. On reconnaît cependant dans les écrits que la spécificité du rapport « technique d’intervention – type de changement » propre à la PFT n’a pas encore été établie empiriquement (Kernberg, Diamond et al., 2008 ; Caligor et al., 2009). Autrement dit, en l’absence de données plus précises concernant ce rapport, on ne peut affirmer hors de tout doute que c’est l’interprétation du clivage qui est la composante absolument nécessaire à la réalisation de changements thérapeutiques significatifs et durables… d’autant plus que ceux-ci peuvent être obtenus par le biais d’un autre modèle d’intervention visant le traitement du TPB.
28Il est en effet étonnant de constater qu’une autre approche psychodynamique, développée dans le but de soigner le TPB et faisant aussi usage du concept de FR, est en mesure de produire chez ses participants des changements positifs marqués et continus (soit une diminution des comportements d’automutilation, des tentatives de suicide, des éprouvés anxieux et dépressifs, de l’utilisation des services psychiatriques et des conflits interpersonnels, ainsi qu’une amélioration du fonctionnement social et vocationnel ; Bateman et Fonagy, 1999, 2001, 2008, 2009). On affirme en effet dans le cadre du traitement centré sur la mentalisation (TCM ; Bateman et Fonagy, 2004a, 2006) que des gains thérapeutiques significatifs peuvent être obtenus par le truchement d’interventions ayant directement pour but l’amélioration du FR, sans que soit utilisée l’interprétation du clivage (qui n’est en fait pas encouragée, au plan technique ; Bateman et Fonagy, 2004a, 2004b, 2006). Ce postulat s’avère assez intrigant dans la mesure où il pose le développement du FR non pas comme le résultat de l’intervention clinique (comme c’est le cas en PFT), mais bien comme le mécanisme primaire par lequel devraient s’opérer les changements thérapeutiques. Qui plus est, les résultats empiriques obtenus dans le cadre des études ayant évalué le TCM démontrent non seulement son efficacité au terme du traitement, mais également une bonification continue des gains après sa cessation (Bateman et Fonagy, 2001, 2008). Il serait difficile d’argumenter à partir de cette information qu’un clivage actif du monde interne puisse toujours être en action, dans la mesure où son activité n’est pas cohérente avec le maintien et l’amélioration qui persiste suite au TCM. Il semble plus plausible, en fait, que le modèle de traitement proposé par Bateman et Fonagy soit lui aussi en mesure d’entraîner la résolution du clivage. Tel que mentionné précédemment, l’état actuel des connaissances ne permet pas de vérifier directement cette assertion, qui reste néanmoins intéressante à explorer notamment au plan théorique.
29Le lecteur trouvera dans les prochaines sections une présentation sommaire des assises théoriques et des principes d’intervention propres au TCM, qui servira à avancer la réflexion critique concernant le rôle essentiel qui est accordé à l’interprétation du clivage en PFT.
Traitement centré sur la mentalisation : théorie et pratique
30Bateman et Fonagy (2004a) suggèrent que la qualité du lien d’attachement de l’enfant à ses parents, au cours des premières années de sa vie, est déterminante pour la santé des processus qui lui permettront de faire progressivement du sens de sa réalité extérieure et intérieure. Plus spécifiquement, les auteurs soutiennent que la capacité du parent à identifier, à nommer et à refléter en termes d’états mentaux (c’est-à-dire son FR) l’expérience subjective/émotionnelle sous-jacente aux comportements de son enfant permettrait à ce dernier de développer une aptitude similaire. Si elle souhaite avoir l’effet désiré, l’intervention du parent doit posséder certaines caractéristiques. D’abord, celui-ci doit être en mesure de tolérer et de contenir la communication affective de son enfant (ne pas réagir, par exemple, à l’expression de la colère par davantage de colère) ; son comportement subséquent portera donc la marque d’une certaine modulation de l’affect communiqué. A ce sujet, il a été démontré qu’un FR élevé chez le parent contribue au développement d’un attachement sécurisé chez son enfant : en évoluant dans ce contexte, ce dernier est en mesure d’explorer librement son expérience subjective, se sentant assuré de pouvoir compter sur l’aide et le soutien de son parent en cas de détresse. En plus, la réponse du parent devrait présenter à l’enfant, par l’expression verbale et non verbale, une image de l’affect correspondant à l’expérience de ce dernier (par exemple, la tristesse, pour la tristesse). Par surcroît, cette même réponse devrait être « marquée » (markedness), c’est-à-dire qu’elle doit prendre une forme indiquant son caractère clairement séparé et différent de l’éprouvé de l’enfant : le parent signale à son enfant, notamment en lui fournissant une version exagérée de son expression émotionnelle, que ce dernier voit un reflet de ses sentiments (et non pas ceux du parent). L’image ainsi présentée serait intériorisée par l’enfant et liée à son expérience subjective pour former la représentation de cette même expérience. Bateman et Fonagy (2004a) suggèrent que de cette façon, le parent contribue à la création chez son enfant d’un système de représentations de ses états internes, auquel ce dernier pourra désormais se référer afin d’identifier, comprendre et gérer ce qui l’habite. Les reflets parentaux permettraient ainsi à l’enfant de se reconnaître et participeraient donc, via leur intériorisation, au développement d’un sens de soi cohérent. Par ailleurs, la capacité de mentalisation acquise dans le contexte d’un attachement sécurisé aux parents aiderait aussi l’individu dans sa compréhension du comportement d’autrui. En fait, Bateman et Fonagy (2004a) soutiennent que l’aptitude à pouvoir inférer un état mental chez l’autre pour s’expliquer ou même prévoir ses gestes dans des circonstances données est d’une aide précieuse pour la régulation des échanges interpersonnels.
31Le développement du TPB prendrait racine, selon Bateman et Fonagy (2004a), dans le contexte d’un lien d’attachement non sécurisé caractérisé par la présence de comportements parentaux non mentalisants [13], c’est-à-dire qui donnent lieu à des ratés (ou encore même à l’absence) du processus réflexif présenté ci-haut. En raison de leurs difficultés émotionnelles, certains parents se trouvent débordés par l’expression d’affects négatifs par leur enfant, qu’ils ne parviennent pas à refléter de façon marquée. En fait, le parent réagissant avec beaucoup d’intensité affective aux manifestations émotionnelles de son enfant risque non seulement d’amplifier sa détresse, mais d’être éprouvé comme terrifiant par ce dernier ; l’expérience de l’enfant devient ainsi traumatisante, au lieu d’être contenue. Bateman et Fonagy (ibid.) supposent que l’enfant se trouvant confronté à un tel parent (imaginez par exemple une mère/un père enragé ou encore débordé par l’angoisse) serait contraint d’intérioriser l’état de l’adulte en plus du reflet de lui-même qui lui est ainsi présenté (c’est-à-dire celui d’un enfant méchant, terrifiant, ingérable, etc.). Au lieu de faire entrer dans le psychisme en développement une représentation correspondant à l’expérience subjective de l’enfant, ces auteurs suggèrent que ce type de réaction parentale engendre la formation d’éléments « étrangers » dans la structure du Soi. Ces mêmes éléments constitueraient le « Soi étranger » (« alien self », ibid.), dont l’existence viendrait perturber la cohérence du sens de soi : en plus de générer des affects intenses, les représentations qui le composent seraient éprouvées à la fois comme faisant partie du Soi, à la fois comme n’y appartenant pas. C’est ce phénomène qui rendrait compte à l’âge adulte de l’instabilité de l’image de soi et de la labilité affective caractéristiques du TPB.
32Le besoin de rétablir la congruence du Soi motiverait l’utilisation intense et continue de l’identification projective. Bateman et Fonagy (ibid.) suggèrent que l’extériorisation de l’alien self permet à l’individu de se défaire des représentations désorganisantes et intolérables qu’il porte en lui, en contraignant autrui à agir ce qui lui est attribué par projection. Ainsi, l’autre devient, par exemple, l’agresseur oppressant, terrible, rejetant, etc. La personne chez qui se manifeste ce mécanisme serait par conséquent en mesure de se défendre et de combattre en dehors d’elle-même ce qu’elle observe concrètement chez son partenaire. Bateman et Fonagy (ibid.) soulignent toutefois qu’un tel processus exerce un lourd coût, notamment en empêchant le développement d’une relation véritable (c’est-à-dire où l’autre est rencontré et connu réellement, en l’absence de projection à même de plaquer une perception toute faite sur lui) et en rendant le rapport à l’autre absolument nécessaire au maintien d’une expérience de soi assurée et tolérable. Qui plus est, la projection du Soi étranger, en « créant » un objet persécuteur à l’extérieur de la psyché, contribuerait à la répétition de vécus relationnels chaotiques et traumatisants. Dans ce contexte, la rupture de la relation par l’autre est chose courante et est redoutée par l’individu souffrant d’un TPB. Des comportements suicidaires et d’automutilation peuvent apparaître suite au départ d’autrui ; éprouvé comme un abandon, celui-ci entraînerait une ré-intériorisation de l’alien self. Ce type de geste, souvent commis impulsivement, viserait en fantasme la destruction des éléments étrangers qui font retour dans le Soi. L’instabilité relationnelle chronique des individus souffrant d’un TPB, ainsi que leur vulnérabilité et leur dépendance en contexte de relations intimes, pourraient donc être comprises comme les conséquences des efforts dédiés à la gestion du Soi étranger.
33Les écueils du FR parental interféreraient, selon Bateman et Fonagy (2004a), avec le développement de la capacité de mentalisation de l’enfant. Plus précisément, ces auteurs suggèrent que l’enfant ayant grandi sous le signe d’une attitude parentale non mentalisée est en mesure de se représenter ses propres états mentaux ainsi que ceux des autres pour faire sens de son expérience et de son environnement, mais seulement lorsqu’il n’est pas engagé dans une relation d’attachement. L’intensité de l’activation émotionnelle générée par le lien plus intime à l’autre, résultant de l’intériorisation d’éléments étrangers dans la structure du Soi et de leur traitement par l’identification projective, serait effectivement à même de juguler le processus de mentalisation. Ainsi, l’enfant – et plus tard l’adulte – serait contraint de faire l’expérience de ses interactions avec autrui sous des modes plus primitifs de représentation de sa subjectivité. L’enfant gagnerait l’aptitude à considérer les états mentaux d’autrui pour la compréhension de leurs comportements vers l’âge de 2-3 ans (Fonagy, 2006 ; Fonagy et Bateman, 2006). Cependant, à cette étape de son développement, l’enfant tend à assumer une correspondance directe entre ce qu’il pense et ce qui se trouve dans son environnement extérieur, et vice versa. Autrement dit, sa réalité est éprouvée comme la réalité et, réciproquement, ce qui existe dans la réalité extérieure est automatiquement conçu comme existant à l’intérieur de soi. Ce mode de représentation de l’expérience subjective, c’est celui de l’« équivalence psychique » (« psychic equivalence » ; Bateman et Fonagy, 2004a) ; l’attitude parentale non mentalisante contribuerait à sa persistance, les reflets non marqués ne permettant pas à l’enfant de différencier clairement son état interne de celui de sa figure d’attachement. Le fonctionnement mental s’effectuant sous le mode d’équivalence psychique aide à comprendre encore davantage comment l’individu souffrant d’un TPB peut être débordé par l’expérience de son rapport à lui-même et à autrui dans le contexte de ses relations intimes (c’est-à-dire là où il y a attachement). En effet, sous ce mode, le contenu des représentations de soi qui sont réactivées dans le rapport à l’autre serait vécu comme « trop vrai » : le fait de se sentir « mauvais », par exemple, serait éprouvé littéralement comme le fait d’être mauvais. Alternativement, lorsque ces mêmes représentations de soi sont projetées, l’autre n’est pas perçu avec autocritique « comme s’il » était un persécuteur : il est un agresseur persécutant. Il est donc possible de comprendre que la réactivation des représentations constituant l’alien self soit en mesure d’enrayer la fragile capacité de mentalisation, dont le développement et l’accès nécessitent, avant de permettre, une plus grande régulation de l’affect.
34Somme toute, Bateman et Fonagy (2004a) proposent que les manquements du FR parental laissent l’enfant – et plus tard l’adulte – avec une compréhension inadéquate de sa propre subjectivité et des situations interpersonnelles qu’il rencontre, étant aux prises avec des affects intenses, pas représentés symboliquement et donc difficiles à réguler.
Traitement centré sur la mentalisation
35Le but du TCM consiste à stabiliser la structure du Soi via le développement d’un système de représentations stables et la formation d’un sens de soi plus cohérent, afin que le patient puisse établir des liens interpersonnels plus sécurisés. Cet objectif pourrait être atteint, selon Bateman et Fonagy (2004a), par des stratégies visant la consolidation de la capacité de mentalisation du patient : on cherche à ce que cette dernière puisse se maintenir dans le contexte des relations d’attachement étant marquées par une activation émotionnelle intense. Autrement dit, on souhaite que le patient développe un FR plus robuste, agissant en quelque sorte comme une « zone tampon » entre ses états subjectifs et ses agirs [14], qui lui permette d’observer et de comprendre avec recul ses propres motivations ainsi que celles d’autrui. Pour ce faire, l’intervenant doit accepter/tolérer de devenir le véhicule du Soi étranger du patient et maintenir son aptitude à penser les états mentaux (c’est-à-dire les siens et ceux du patient). L’attitude mentalisante du psychothérapeute se trouve au cœur des stratégies déployées dans le but de stimuler le retour du FR chez son patient. Cette attitude est caractérisée par une curiosité concernant les états internes, qui s’articule par des questions comme les suivantes : « Pourquoi le patient dit-il ça maintenant ? Pourquoi le patient se comporte-t-il comme cela ? Je me sens x actuellement, pourquoi ? Qu’est-ce qui s’est passé récemment dans les séances ou dans la relation thérapeutique pour justifier cet état mental ? etc. » (Bateman et Fonagy, 2004a). Ces questionnements font partie de la réflexion du thérapeute et peuvent être communiqués directement au patient, de manière à inciter chez lui – notamment par modelage (modeling) – une curiosité similaire. En plus, ces interactions génèrent le matériel avec lequel le travail thérapeutique pourra être conduit.
36Plus spécifiquement, au plan technique, Bateman et Fonagy (ibid.) proposent une progression de la complexité et de la profondeur des interventions, afin de tenir compte de la vulnérabilité de la capacité de mentalisation propre au TPB. Il a été mentionné précédemment que des affects intenses sont vécus par les patients lorsqu’ils se trouvent en relation intime ; il va sans dire qu’il n’est pas possible, lorsqu’on est débordé émotionnellement, de se représenter sa propre expérience subjective. Le psychothérapeute se doit donc de jauger le niveau de son intervention de manière à ce que l’affect soit présent (sans quoi l’expérience n’est pas significative), sans toutefois qu’il soit trop vif et donc en mesure d’enrayer le FR du patient. Tout au cours du traitement, le clinicien devra d’abord s’assurer de stabiliser le niveau de contrôle affectif chez le patient. En ce sens, il n’est pas recommandé en TCM de faire l’emploi d’interprétations complexes, visant par exemple des conflits inconscients, l’ambivalence, etc. Bateman et Fonagy (ibid.) observent que ce type d’intervention peut être reçu par le patient qui ne dispose pas d’une flexibilité dans son fonctionnement mental (puisque gouverné par le mode d’équivalence psychique) comme une attaque ou un reproche (par exemple, « Je suis mauvais ; je ne suis pas correct ») ; l’interprétation ne pourra donc pas être utilisée au profit d’une meilleure compréhension de soi. Le soutien et les réponses empathiques seront davantage de mise en tant que premières interventions visant à contenir l’affect, avant que des techniques favorisant la mentalisation puissent être efficaces dans le même sens. Par la suite, la clarification et l’élaboration de l’affect seront indiquées : le thérapeute cherchera à comprendre les gestes impulsifs et les réactions incomprises rapportés par le patient en les reliant à leurs états mentaux sous-jacents. Le clinicien tentera d’identifier/de nommer ces derniers et de les relier aux contextes dans lesquels ils se sont manifestés ; les circonstances relationnelles (par exemple, la perception d’intentions malveillantes chez autrui) ayant précédé l’agir seront explorées afin d’identifier le moment où le FR du patient a fait défaut. Les interventions subséquentes pourront se porter sur les moments de rupture du processus de mentalisation observés dans l’ici-maintenant des séances ; le thérapeute se doit dans ces cas d’interrompre le discours du patient et de diriger son attention sur l’interruption de son FR. Ainsi, lorsque le patient refuse de répondre à une question, semble distant, fournit des explications plaquées, prend pour acquis un état mental stéréotypé chez l’autre (par exemple, un agresseur aux intentions hostiles), présente un discours très souvent interrompu et/ou commet un agir, le clinicien fera s’arrêter leur interaction afin de court-circuiter le processus non mentalisant en cours. En amenant le patient à observer la séquence ayant mené au point d’arrêt de son FR, le thérapeute voudra stimuler la réflexion sur ce qui a contribué à un débordement de l’affect. Pour ce faire, il tentera de nommer avec le patient les états mentaux soi/autre étant impliqués dans la même séquence. Par surcroît, le clinicien pourra présenter une perspective alternative à ce qui est rapporté par son interlocuteur concernant par exemple la perception d’intentions hostiles chez autrui. Le cas suivant, tiré de Bateman et Fonagy (2006), illustre ces interventions :
« Un étudiant de 22 ans rapporte en séance qu’il s’est absenté pendant plusieurs semaines de ses cours universitaires. Au moment de son retour, son professeur a cherché à savoir où il était passé. Froissé, l’étudiant a répondu “qu’il pouvait se mettre son cours dans le (…)” et a quitté subitement la classe. Le thérapeute a identifié avec son patient cet événement comme indiquant un échec de mentalisation. L’exploration des états mentaux a révélé que le patient a senti que son professeur le critiquait avec mépris pour son absentéisme. Afin de stimuler la réflexion sur cette situation, le clinicien a encouragé son patient à penser aux sens alternatifs pouvant être attribués à la question de son professeur. Cela a permis au patient de comprendre le comportement de son professeur comme pouvant être une manifestation de préoccupation bienveillante »
38Le palier d’intervention subséquent consiste en la formulation d’interprétations mentalisantes (interpretative mentalizing ; Bateman et Fonagy, 2006), dans le cadre desquelles le thérapeute tentera de relier l’agir à l’affect qui l’a motivé, puis de lier ce dernier de façon causale à un autre état mental sous-jacent (qui aura été généré par le travail d’élaboration décrit plus haut). En ce sens, le clinicien ajoute un degré de complexité et de profondeur à son intervention, de façon à accroître la compréhension de l’expérience subjective du patient. La phrase suivante illustre ce type d’intervention : « Peut-être avez-vous quitté la pièce avec rage (l’agir et l’affect l’ayant motivé, qu’on représente en le nommant) parce que vous avez eu peur d’être méprisé et rejeté (état mental sous-jacent) devant l’attitude critique que vous avez perçue chez votre professeur à votre intention (perception de l’état mental de l’autre) ». Ici encore, le thérapeute présentera une perspective alternative aux perceptions et réactions du patient. Ce faisant, il permet de confronter l’équivalence psychique (la perception de l’autre comme un persécuteur, par exemple, en est une parmi d’autres possibles : « Votre professeur manifestait peut-être son inquiétude quant à votre état, vu vos absences ») et donnera l’occasion au patient d’éprouver les impacts positifs (notamment en termes de régulation affective) qu’engendre la modification de son point de vue sur une situation donnée. Les mêmes techniques s’appliquent au niveau le plus complexe et profond d’intervention, où il est question de mentaliser le transfert. Encore une fois, le clinicien cherchera à attirer l’attention du patient sur les moments où son FR achoppe, mais dans l’ici et maintenant de leur rapport en séance. Le thérapeute se concentrera ici aussi sur les états mentaux, afin d’aider le patient à identifier ceux qu’il perçoit chez lui ainsi que ceux qu’il infère chez le clinicien. Puis, l’intervenant amènera son interlocuteur à contraster ses perceptions avec les siennes, de façon à stimuler sa réflexion concernant son fonctionnement (lorsqu’il s’effectue sous le mode d’équivalence psychique).
39Bateman et Fonagy (2004a, 2006) soulignent que l’objectif visé par les interventions en TCM n’est pas de générer un insight sur les fonctions assurées par les mécanismes de défense engendrant des distorsions dans le fonctionnement du patient, mais bien de favoriser sa réflexion à propos des formes prises par son expérience subjective dans le contexte de ses relations plus intimes à autrui. L’attitude mentalisante du thérapeute, analogue à celle d’un parent suffisamment bon, lui permet de refléter de façon marquée l’expérience que lui présente son patient. De cette façon, ce dernier serait en mesure d’intérioriser des représentations de ses états mentaux qui correspondent de façon significative à ses éprouvés subjectifs. Ainsi, il y aurait développement d’un système de représentations plus stables menant graduellement à un sens de soi plus cohérent. Par ailleurs, en favorisant l’exploration de perspectives alternatives, le clinicien aiderait son patient à se dégager des perceptions rigidement imposées sous un mode d’équivalence psychique par la projection de son alien self sur autrui. Dans l’ensemble, ce processus permettrait au patient de découvrir comment ses ressentis et ses pensées à propos de lui-même et des autres l’aident à faire du sens de ses réactions et des comportements qu’il observe dans son environnement relationnel (Fonagy et Bateman, 2007). En somme, le TCM vise à ce que le patient en vienne à utiliser davantage son FR (soit sa capacité à se servir avec recul des représentations des états mentaux soi/autre qu’il a pu former dans le contexte de ses interactions avec autrui), maintenant plus robuste, pour la régulation de son expérience subjective plutôt que de faire l’emploi d’un mode de fonctionnement mental conduisant bien souvent à l’agir.
Discussion
40Les données empiriques démontrant l’efficacité thérapeutique du TCM ne sont pas pour l’instant aussi poussées que celles qui soutiennent le modèle proposé par Kernberg et ses collaborateurs. Néanmoins, les résultats disponibles actuellement laissent croire, tel qu’il a été mentionné précédemment, que cette approche est elle aussi en mesure d’engendrer des changements structuraux. En effet, Fonagy et Bateman (2007), ainsi que Bateman et Fonagy (2008), interprètent le maintien des améliorations cliniques post-TCM comme l’indice d’un changement réhabilitant. On entend par un effet réhabilitant (Howard et al., 1986, tiré de Levy, Meehan et al., 2006) une transformation de la personnalité ; le concept est défini par des changements plus profonds que la simple résorption des symptômes, changements qui constituent en fait un facteur de protection individuelle menant à une adaptation ultérieure accrue. Cette prémisse sert de point de départ à la réflexion critique qui suit concernant l’importance capitale qui est accordée à l’interprétation du clivage dans le traitement des personnes souffrant d’un TPB. Tel que mentionné précédemment, les résultats obtenus par le TCM laissent entrevoir la possibilité que d’autres types d’intervention soient en mesure de mener à la résolution du clivage (et donc à des changements structuraux), sans que ce mécanisme de défense ne soit directement interprété dans le transfert.
41Les deux modèles d’intervention abordés dans cet essai présentent une différence fondamentale au niveau de ce que chacun d’eux identifie comme étant le mécanisme d’action véritablement curatif du TPB. Toutefois, on peut observer plusieurs similarités entre ces approches. On note par exemple qu’elles visent toutes les deux la transformation du monde intérieur, autant au plan des processus que des contenus qui le composent ; leur démarche en est une où on s’efforce de faire du sens des éprouvés et des problématiques relationnelles rapportées en séance par le patient. Au plan théorique, elles s’intéressent aux systèmes de représentations dérivés des interactions précoces avec les figures parentales, dont la contribution nocive consisterait en quelque sorte à figer les capacités normales de l’enfant (considérant son stade de développement) en des procédés pathologiques rigidement maintenus dans le fonctionnement individuel ultérieur. On porte aussi particulièrement attention dans le cadre de ces approches aux mécanismes de défense primitifs et à leur impact en termes d’instabilité de l’image de soi et de la perception d’autrui. Qui plus est, les deux modèles suggèrent que le recours à l’autre aurait pour fonction la régulation d’expériences intolérables organisées autour de la gestion d’éléments persécuteurs, visant la préservation d’un sens de soi cohérent et bon. L’ensemble de ces similarités permet un arrimage des théories sous-jacentes à la PFT et au TCM, pertinent dans le sens où celui-ci offre la possibilité d’éclairer encore davantage notre compréhension des mécanismes supposés à l’œuvre dans le TPB et son traitement.
42Le modèle théorique développé par Bateman et Fonagy permet d’expliciter certains aspects qui restent peu précisés dans celui de Kernberg et de ses collaborateurs. En effet, on trouve dans les fondements conceptuels du TCM une présentation détaillée du processus par lequel on suppose que l’enfant grandissant dans le contexte d’un attachement sécurisé en arrive à développer un système de représentations stables, différenciées et nuancées. Tel que mentionné précédemment, on suggère que le parent qui contient la détresse propre à l’expérience subjective de son enfant et qui fournit un reflet marqué de ce même éprouvé contribue à ce que ce dernier puisse non seulement s’apaiser, mais se reconnaître ; l’intériorisation de ces reflets mènerait donc à la consolidation d’un sens de soi cohérent. En plus, ce type d’interaction avec le parent permettrait à l’enfant de développer progressivement sa capacité à observer avec recul ce qu’il éprouve (c’est-à-dire son FR) et donc de transcender le mode d’équivalence psychique sous lequel il fonctionnait jusqu’alors. Autrement dit, on suggère que l’attitude parentale mentalisante est en mesure d’amener une transformation du processus de représentation de l’expérience subjective, des représentations composant le monde intérieur de l’enfant et des affects qui y sont associés. En ce sens, on peut soutenir que le développement de la mentalisation peut contribuer à la modification des unités de base du psychisme, c’est-à-dire des ROI, et ainsi faciliter leur intégration.
43Cette réflexion concernant l’apport de Bateman et Fonagy à la compréhension du TPB est d’autant plus intéressante lorsqu’elle est appliquée à la conception du fonctionnement pathologique mise de l’avant par les deux modèles théoriques pour rendre compte de ses manifestations symptomatiques. Ces auteurs proposent un mécanisme très spécifique afin d’expliquer le maintien des processus psychiques plus primitifs qui sont identifiés comme les facteurs étiologiques du même trouble : ils suggèrent en fait qu’une attitude parentale non mentalisante serait responsable de la persistance du mode d’équivalence psychique, où l’expérience subjective est représentée de façon très peu nuancée. Par surcroît, les ratés du FR parental contribueraient à l’intériorisation d’éléments étrangers dans la structure du Soi, qui devront être gérés par l’identification projective. Ces deux conséquences des manquements parentaux peuvent s’accorder aux propos de Kernberg (1976, 1980, 1984, 2006) au sujet du développement pathologique du TPB. En effet, on peut penser que la mobilisation continue du clivage est motivée notamment par l’injection dans le psychisme – suite aux interactions avec le parent non mentalisant – de représentations « toutes mauvaises » (voir par exemple l’image d’un parent enragé face à un enfant méchant/mauvais) accompagnées d’une forte activation émotionnelle. Réciproquement, on note que le maintien du clivage, parce qu’il conduit à l’activation en alternance des segments de représentations idéalisées ou dévalorisées dans le champ de conscience, imposerait une perception de la réalité intérieure et extérieure qui ne laisse pas de place à la nuance ; on peut ainsi concevoir que la persistance du clivage puisse contribuer à la perpétuation du mode d’équivalence psychique.
44Il faut noter que la présente analyse critique des mécanismes sous-jacents aux difficultés présentées par l’individu souffrant d’un TPB ne remet pas en question l’existence et la fonction du clivage, mais plutôt la nécessité de son interprétation dans le transfert. En fait, ce concept reste très utile à la compréhension du trouble ; on peut même penser que son maintien en tant que processus défensif actif interfère de façon importante avec le rétablissement de la capacité de mentalisation. En effet, on peut concevoir que la persistance de représentations stéréotypées et accompagnées d’affects très intenses empêche l’individu de prendre du recul par rapport à son expérience subjective. Plus spécifiquement, on peut suggérer que l’activation d’une ROI « toute bonne » ou « toute mauvaise », en déterminant la façon avec laquelle la réalité extérieure est perçue, empêche la formation de perspectives alternatives sur cette même réalité. Ainsi, il est plausible que l’interprétation du clivage – au sens où elle permettrait au patient de prendre conscience et de se défaire des distorsions qui affectent son expérience subjective en contexte relationnel (Kernberg, 2004) – participe au rétablissement du FR, comme le suggèrent les données empiriques relevées par Levy, Meehan et al. (2006). Il demeure toutefois un certain flou quant au processus par lequel la résolution du clivage mènerait à la transformation du monde intérieur, c’est-à-dire à l’intégration des ROI. Encore une fois, il est pertinent d’avoir recours au modèle théorique proposé par Bateman et Fonagy : on peut en fait suggérer que c’est le retour de la capacité de mentalisation qui permet cette intégration. Ces auteurs proposent que le travail dédié par le thérapeute à la restauration du FR chez son patient mène au développement d’un système de représentations stables, à l’image de ce qu’un parent mentalisant générerait chez son enfant. En ce sens, on peut considérer que ce même travail est en mesure de transformer – via la régulation de l’intensité émotionnelle, l’identification des états mentaux perçus en contexte relationnel et la proposition de perspectives alternatives – les représentations qui composeront dorénavant le monde intérieur du patient [15].
45Cette hypothèse, en plus de l’argument que fournissent les données empiriques obtenues à propos de l’efficacité du TCM, laisse même penser que l’interprétation du clivage ne serait pas absolument nécessaire à sa résolution. En effet, on peut concevoir que les aspects irréconciliables des groupes de représentations clivées puissent être réunis et intégrés si ces mêmes représentations sont altérées et que les affects leur étant associés sont régulés par le travail de la capacité de mentalisation. Autrement dit, il est possible que l’instauration d’un système de représentations stables, qui ne serait plus contaminé par des éléments étrangers/« tout mauvais », ne nécessite plus l’usage du clivage (ou même d’autres mécanismes de défense primitifs comme l’identification projective). Doté d’un tel système, le patient ne serait plus en proie aux perceptions imposées sous le mode d’équivalence psychique par l’activation en contexte relationnel de ROI « toutes bonnes » ou « toutes mauvaises ». Au contraire, l’individu fort d’un sens de soi cohérent et d’un FR robuste serait en mesure de reconnaître avec recul son expérience en situation interpersonnelle et de la réguler, notamment en ayant recours à des inférences concernant les états mentaux d’autrui.
46En somme, cette reconfiguration et cet assemblage nouveau des concepts relatifs à la PFT et au TCM conduisent à accorder au rétablissement du FR un rôle fondamental pour l’intégration des sections clivées du psychisme. Ces considérations théoriques mènent en fait à penser que l’atteinte de changements structuraux puisse se réaliser par le biais du travail de la capacité de mentalisation, que celui-ci prenne une voie plus « directe » dans le cadre du TCM ou qu’il se fasse par le biais de l’interprétation de ce qui l’entrave, c’est-à-dire le clivage. Au final, on suggère par cette hypothèse que deux routes (ou davantage) plutôt qu’une seule puissent conduire à des changements profonds et significatifs de la structure de la personnalité.
Limites
47Les limites de la réflexion critique présentée ici sont essentiellement celles qui marquent le niveau d’avancement de la recherche concernant les mécanismes de changement thérapeutique qu’on suppose à l’œuvre en PFT et dans le TCM. Malgré le soutien empirique dont profite chacun des modèles, il faut noter qu’on ne dispose pas pour l’instant de données permettant de confirmer hors de tout doute le rapport causal entre les interventions prescrites, le mécanisme de changement que celles-ci visent et les gains thérapeutiques observés chez le patient en bout de piste. Cela étant dit, les idées exposées dans cet essai tirent leur validité de déductions logiques effectuées à partir d’une articulation théorique nouvelle, mais sensée : bien qu’elles ne soient pas vérifiées empiriquement, les hypothèses présentées ici permettent raisonnablement de jeter un doute sur le fait que ce n’est que par l’interprétation du clivage qu’on peut traiter en profondeur le TPB.
48Par ailleurs, il faut souligner que l’analyse des mécanismes de changement qui a été exposée dans cet essai aurait pu profiter d’être élargie, afin de tenir compte des autres modèles d’intervention existant pour le traitement du TPB (par ex., la DBT, la thérapie focalisée sur les schémas, la thérapie interpersonnelle reconstructive, etc. ; de Groot, Verheul et Trijsburg, 2008). Cependant, le TCM mis sur pied par Bateman et Fonagy (2004a, 2006) a été retenu parce qu’il s’inscrit, comme la PFT, dans l’approche psychanalytique/psychodynamique. Le modèle de Bateman et Fonagy a également été choisi en raison de ses diverses ressemblances avec celui de Kernberg et ses collaborateurs ; leur proximité s’illustre notamment par l’emploi que tous deux font du concept de FR. Tout compte fait, les affinités théoriques de ces modèles et leurs divergences pratiques ont constitué un milieu particulièrement stimulant pour la réflexion qui a été développée ici.
Conclusion
49Le postulat selon lequel l’interprétation du clivage serait d’une absolue nécessité à l’atteinte de changements structuraux dans le traitement du TPB a été remis en question dans cet essai. Une voie thérapeutique alternative a été proposée : il a été suggéré que le rétablissement de la capacité de mentalisation peut lui aussi amener la résolution du clivage et contribuer à l’intégration des éléments constituant le monde interne. Par surcroît, l’arrimage théorique qui a été avancé ici offre une analyse plus fine de chacun des modèles d’intervention, qui participe à l’enrichissement de la compréhension du TPB et des moyens efficaces par lesquels peut s’effectuer son traitement. A ce chapitre, on peut notamment retenir la relation réciproque qui a été mise de l’avant entre l’activité du clivage et le processus de mentalisation. Malgré qu’il ne dispose pas d’un soutien empirique, le travail conceptuel qui a été réalisé dans le cadre de cet essai théorique comporte une valeur heuristique ; en ce sens, il pourra participer à guider la recherche future visant le développement de la spécificité des connaissances concernant les processus psychopathologiques sous-jacents au TPB et les mécanismes qui permettent sa résorption.
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Notes
-
[1]
D. Psy., Psychologue clinicien, diplômé de l’Université de Montréal (Montréal, Québec, Canada).
-
[2]
Ph. D., psychologue clinicien et professeur agrégé au département de psychologie de l’Université de Montréal (Montréal, Québec, Canada).
-
[3]
N.D.L. J’utiliserai pour éviter d’alourdir le texte le terme de « patient » pour faire référence à la personne qui reçoit un traitement, que celle-ci soit vue dans un cadre médical/psychiatrique ou de consultation privée auprès d’un psychologue.
-
[4]
American Psychiatric Association.
-
[5]
C’est-à-dire dans le contexte d’un attachement sécurisé avec la mère/ses parents.
-
[6]
Diagnostic and statistical manual of mental disorders – text revision (4th ed.) (2000).
-
[7]
Plus spécifiquement, et tel qu’il a été mentionné précédemment, la principale fonction du clivage serait, selon Kernberg (in : Clarkin et al., 2006), de protéger le segment idéalisé du psychisme du potentiel destructeur émergeant du segment contenant les ROI dévalorisées/aversives/au caractère persécutant).
-
[8]
La structure psychotique est également caractérisée dans le modèle de Kernberg par la diffusion identitaire et les défenses immatures, mais diffère de l’organisation borderline par l’échec chronique du maintien de l’épreuve de réalité. Cliniquement, l’épreuve de réalité est reconnue par l’absence de délire et/ou d’hallucination, l’absence de comportement, de pensée ou d’émotion bizarre/inappropriée et la capacité de l’individu à être empathique au point de vue du clinicien (Kernberg, 1980).
-
[9]
Ce qui dépend du pôle de la ROI auquel le patient est identifié dans ce moment de l’interaction. Voir plus bas dans le texte pour de plus amples détails à ce sujet.
-
[10]
Un patient dont on décrirait l’attitude comme celle d’une mère contrôlante se reliant à un « thérapeute-enfant » méchant et sans défense pourrait par exemple se sentir tout à coup impuissant devant son interlocuteur, ce dernier étant alors vécu comme une mère très critique et dominatrice (exemple tiré de Clarkin et al., 2006).
-
[11]
C’est-à-dire randomisée et disposant de groupes de comparaison/contrôles, par contraste à une étude initiale réalisée par Clarkin et al. (2001) qui ne disposait pas de tels groupes.
-
[12]
Cette mesure évalue le degré avec lequel un individu donné se relie plus ou moins harmonieusement aux autres, au travers des rôles qu’il occupe dans sa vie (par exemple, occupation professionnelle, parent, ami, conjoint, etc.) (Weissman et Bothwell, 1976).
-
[13]
Par exemple : comportements abusifs/de maltraitance, négligence, réponses émotionnelles envahissantes et/ou grossièrement inappropriées à l’expérience de l’enfant, etc. (Sharp et Fonagy, 2008).
-
[14]
Cela entraînerait une réduction des réactions impulsives.
-
[15]
Alternativement, on peut considérer que ce processus contribue à l’intériorisation de nouvelles représentations de l’expérience subjective, plus complexes et nuancées.