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Article de revue

De l'introjection de la fonction rêvante de l'analyste

Pages 139 à 144

1Qu’en est-il de l’utilité de sa psychanalyse personnelle dans la conduite des psychothérapies psychanalytiques ? Quels sont la pertinence et le bien-fondé de cette expérience introspective qui aiderait à mener à bien et favoriserait alors le processus des psychothérapies psychanalytiques ? Il s’agirait de comprendre ce qui est importé, introjecté de l’analyse et utilisable ou, plutôt, réutilisable dans le travail avec les patients, en tenant compte du fait inévitable que tout processus psychothérapique relève d’une rencontre à deux, interpersonnelle, impliquant aussi bien le thérapeute que le patient. Ainsi, comment cerner ce qui, dans l’expérience psychique liée à l’analyse du thérapeute, facilite cette rencontre avec la souffrance psychique de son patient ? Mais, finalement, l’analyse du thérapeute se révèle-t-elle vraiment nécessaire ? Si oui, en quoi ? Une psychothérapie psychanalytique ne serait-elle pas suffisante ? En quoi l’analyse est-elle une expérience supplémentaire ? Questions fondamentales, pour lesquelles nous allons esquisser quelques pistes réflexives, forcément partielles devant l’ampleur de la tâche !

2Aussi étonnant que ce soit, ce thème est très peu abordé dans la littérature psychanalytique. Les psychanalystes se sont très peu penchés sur la question théorique et métapsychologique de l’utilité de leur propre psychanalyse dans la conduite des cures avec leurs patients. Tout porte à croire que cela est tellement évident qu’ils ont peu jugé utile de l’approfondir et d’y réfléchir. Que dire alors si l’on examine le rapport cure psychanalytique–psychothérapie psychanalytique !

3Certaines hypothèses nous apparaissent pourtant baliser utilement cette réflexion fondamentale sur l’analyse formatrice, elles laissent une large place à l’introjection. Il s’agit de :

  1. La dimension historique de la psychanalyse personnelle de l’analyste.
  2. L’introjection de la notion de pulsion que l’analyse favorise et l’identification à l’autre sur laquelle elle ouvre.
  3. L’introjection du cadre qui offre une dimension spécifique, régressive et narcissique conduisant à l’appropriation du féminin, à la passivité et à l’écoute de l’affect.
  4. L’introjection de la fonction rêvante de l’analyste et du modèle du rêve comme appropriation subjective de l’inconscient.

Dimension historique de la psychanalyse personnelle de l’analyste

4L’histoire de la psychanalyse nous transmet aussi les linéaments de la pertinence du modèle qu’elle défend. Il est évident aux pères de la psychanalyse que l’analyse personnelle et la résolution de sa « névrose personnelle » est indispensable à la pratique psychanalytique. Elle représenterait aussi un acte initiatique. Freud (1914, 1927) et Ferenczi (1928a) pensent que tout domaine de la pensée, des affects ou de l’action n’est intelligible que par l’identification à l’autre, soulignant l’indispensable passage par l’analyse personnelle pour aboutir à cette capacité intérieure. C’est ce qui présidera, pour Ferenczi (1928b), au « tact, cette faculté de se sentir avec » issu « de la dissection de nombreux psychismes humains mais surtout de la dissection de notre propre Soi ». De cette identification à l’analyste dérivera la capacité de s’identifier à l’autre, à l’autre-patient.

5André Green (2000), soulignant l’enjeu des réponses de l’analyste aux projections du patient, se demande comment l’analyste peut bien faire sans y faire participer sa propre réalité psychique. « C’est bien le sens de ce qu’on appelé la deuxième règle fondamentale, la nécessité de l’analyse de l’analyste. C’est dans l’entrelacement des intérieurs des deux partenaires du couple analytique que l’intersubjectivité prend corps, ce qui n’implique pas la symétrie des protagonistes ».

Introjection de la notion de pulsion, identification

6Pour Green, c’est en se soumettant à cette deuxième règle fondamentale que s’introjecte la notion de pulsion, de son ancrage dans le soma, d’excitation parvenant au psychisme, de mesure de l’exigence de travail imposée au psychisme du fait du lien de la pulsion au corporel. Il est question d’une identification introjective au processus analytique qui pourra s’importer secondairement dans le travail avec le patient. Il s’agirait d’une matrice primaire d’où pourront surgir ultérieurement les rets de la rencontre analytique. Il en va alors de l’appropriation subjective de la pulsion, qui fait que soi est soi et que l’on peut mesurer dès lors ce qui s’adresse à l’autre de soi. J.- L. Donnet (2001) parle, lui, « d’accostage » de la rencontre psychanalytique, « la neutralité bienveillante et le silence d’écoute produisant une sollicitation pulsionnelle et des défenses contre cette relation, qui est la caractéristique même du psychisme ».

7L’appropriation objectale conduisant à l’appropriation pulsionnelle est le creuset de l’appropriation subjective, elle conduit, par la dépendance qu’elle engendre, à une reconnaissance implicite de l’Hilflosigkeit. C’est là que se jouent les capacités identificatoires, évoquées déjà plus haut. C’est cette identification à l’autre, qui donne le sens et les lignes de forces pulsionnelles de la rencontre psychanalytique. La pulsion étant la matrice du sujet : « So es war, soll Ich werden », comme Freud l’évoque dans Les Nouvelles Conférences (1933). La rencontre analytique nourrira donc cette introjection pulsionnelle.

L’introjection du cadre

8Si, comme Freud, on considère le modèle divan/fauteuil comme le modèle princeps de l’approche psychanalytique, il faut remarquer que l’interprétation n’acquiert de valeur mutative et thérapeutique que dans la mesure où elle survient dans un cadre défini qui fournit les conditions pour que la régression s’organise dans ses aspects à la fois topique, formel et temporel.

9Ces trois éléments sont indissociables du dispositif du cadre tel que Freud l’inventa. Ils sont destinés à favoriser et à stimuler la sphère des représentations et invitent l’analysant à se tourner sur ce qui se manifeste psychiquement en lui, pensées, émotions, perceptions. Ceci lève, secondairement, la cohérence logique et la censure morale.

10Le patient allongé s’en remet à la « neutralité bienveillante » du psychanalyste, en dehors de l’échange visuel du face à face, ce qui permet aussi au psychanalyste d’être à l’écoute de ses perceptions, ce qui est beaucoup moins aisé dans le dispositif fauteuil/fauteuil.

11L’interprétation est alors véhiculée par le dispositif même du cadre psychanalytique et l’attitude du psychanalyste. Le silence, la neutralité bienveillante et les techniques spécifiques de la psychanalyse offrent les rets d’un sentiment de « portance » (J.-M. Quinodoz, 1991). C’est cette portance qui, introjectée, permet au psychanalyste, mais aussi au psychothérapeute psychanalytique, d’être guidé et de rythmer ses interprétations. Succinctement, je me représente le cadre comme s’il s’agissait d’une salle de cinéma intérieure, avec écran, projecteur et fauteuil à disposition permettant de voir ce qui est projeté de l’autre sur et en soi-même, afin de mixer, lier image et parole, processus et interprétation.

12Winnicott (1971) soulignera le cadre interne du psychanalyste pour jouer avec son patient indépendamment du cadre externe. Ce dispositif de cadre avec ses exigences de la règle fondamentale, mais aussi spatiales (allongement, diminution de la motilité, absence perceptive du psychanalyste, désir de ne pas influencer quoi que ce soit, ce qui rend alors analysable le transfert), temporelles (avec sa triple dimension : nombre de séances hebdomadaires, fixité de la durée des séances, non-limitation de la durée de la cure), matérielle avec le paiement fonctionnant comme cadre aussi, permet à l’analysant de mieux se concentrer sur ce qui se passe à l’intérieur de lui-même. Le cadre rendu relativement constant offre un fond perceptif, dans la mesure de son invariance, ouvrant sur la rencontre intersubjective, sur un espace à découvrir mais aussi sur un espace de jeux, comme le souligne Roussillon (1998a) : jeux de la bobine, de la spatule, du coucou, du miroir, qui sont des éléments clés de cette rencontre. Le cadre devient cet espace de jeux garant aussi de la perception, ce qui prend une importance particulière dans les cures de patients limites. Ce sont la variété et la diversité de ces expériences qui sont importées et introjectées au cours de la psychanalyse personnelle. A ce stade, il paraît heuristique de penser que la fréquence des séances (comme c’est le cas dans l’analyse, 3 à 5 fois par semaine) joue en faveur de ce sentiment de portance et de l’écoute qui peut être faite des éléments de la détresse interne du patient (en ce qui nous intéresse ici, du futur psychothérapeute psychanalytique). Il y a un seuil, notion quantitative, en dessous duquel la psyché renonce à exposer son histoire traumatique, ou du moins n’en expose que des aspects fragmentaires, trop parcellaires, la résistance prenant alors le pas sur l’élaboration. Si cette résistance interne n’a pas été assez levée, nous voyons mal comment le thérapeute pourra aller à la rencontre de cette souffrance chez son patient et l’aider à dépasser ses résistances. Autrement dit, un homme qui ne sait pas jouer d’un instrument est bien en difficulté pour enseigner l’art d’en jouer !

Régression narcissique et élaboration de la passivité et du féminin liées au cadre

13La régression narcissique permet l’écoute des résistances liées aux revendications de la sexualité infantile. Alain Gibeault (2001) rappelle que la psychothérapie psychanalytique en face-à-face ne permet pas la régression narcissique, ce qui favorise l’élaboration de conflit autour de la passivité (notamment avec la mère prégénitale) et du refus du féminin, ce roc du biologique (Freud, 1938), l’enjeu fondamental, selon nous, se situant alors autour de la façon dont s’appréhendent le maternel primaire et les expériences non symbolisées de cette rencontre.

14Il devient plus clair que ces expériences subjectives ayant pu prendre place dans un double cadre historique et contextuel vont produire chez le thérapeute une capacité d’entendre et d’aller à la rencontre de pans de l’histoire subjective de son patient. Il aura ainsi la liberté d’aller écouter de ces « fragments de réalité historique », pour citer Freud dans « Construction en analyse » (1937), qui ne seraient pas accessibles autrement. Cette écoute régressive ne se réalise favorablement, selon nous, qu’en dehors du regard de l’autre, la perception symétrique altérant l’écart entre perception personnelle et perception réceptive des projections du patient.

15Mais comme le met remarquablement en évidence R. Roussillon dans Quelques remarques épistémologiques à propos du travail psychanalytique en face à face (1998b), chaque dispositif thérapeutique (entre psychothérapie et psychanalyse) active des modalités de transfert et de pans de la vie psychique spécifiques au dispositif incriminé. Roussillon poursuit : « La présence perceptive de l’autre modifie le fonctionnement du préconscient et sa perméabilité aux rejetons de l’inconscient, et ce même si la règle fondamentale reste la même. La capacité d’écoute flottante, acquise durant la propre analyse de l’analyste, reste relativement tributaire de la manière dont elle été acquise. Etre seul en présence de l’autre sous le regard de l’autre ne mobilise pas les mêmes fonctionnements psychiques, ne sollicite pas la capacité d’être seul (Winnicott, 1958a) en présence de l’analyste, de la même manière que si le dispositif, par sa structure, économise une partie du travail psychique à accomplir pour s’abstraire des effets de “séduction” narcissique de la présence visuellement perceptible de l’autre ».

16Il y a là une limitation du face-à-face, mais aussi un gain. Le gain c’est que le regard du thérapeute crée une présence perceptive, reprise du regard absent de l’objet primaire, de ce creux (à pénétrer) du regard maternel et des objets premiers, qui interroge le creux du sexe féminin qui est à découvrir et/ou redécouvrir en soi. La limitation m’apparaît liée justement à la butée représentationnelle rencontrée par la perception visuelle du thérapeute. Paradoxalement, il nous semble y avoir aussi là une limitation à une autre activité d’accueil, une capacité réceptive et représentationnelle liée à l’exclusion de la représentation par la perception. « La perception arrache la représentation », disait un jour A. Green. Les représentations, présentes ou à créer, sollicitées par le divan, fondent et organisent l’intériorisation et l’introjection de la réceptivité maternelle, à notre avis plus riche, profonde et complexe que dans le face-à-face. L’écoute réceptive d’un en-soi toujours à se représenter, ou du moins en quête de représentations, sans la confrontation dans le face-à-face de l’image spéculaire d‘un toujours autre soi-même (Roussillon, 2004) creusant l’introjection représentationnelle d’un féminin primaire. C’est là que s’élabore la représentation de soi, ouvrant sur une passivité féconde du féminin, d’un laisser-aller en la présence de l’autre, d’une capacité de dépendance envers cet autre, déjouant les pièges de la solitude. Cette introjection « suffisamment bonne » des qualités réceptives de l’objet contribue à déjouer les avatars fondamentaux que représente le roc du biologique, ouvrant sur les capacités identificatoires, et l’insight du thérapeute. Il nous apparaît ici que ces éléments militent en faveur d’une plus grande complétude offerte par l’analyse par rapport à la psychothérapie psychanalytique pour l’expérience personnelle du psychothérapeute psychanalytique. Dans l’analyse, il y a reprise, à un autre niveau, de ce qui a pu s’élaborer en face-à-face, ouvrant sur une perception plus affinée et complète de sa propre vie psychique, à la mesure, peut-être, d’une maison dont la construction aurait des fondations plongeant en terre, par rapport à une maison ne reposant que sur un simple socle. L’une et l’autre sont des maisons, certes, mais l’une a une plus grande assise que l’autre en cas d’intempéries et de tremblement de terre si fréquents dans la rencontre psychothérapeutique !

Mobilisation des affects liée au cadre

17On voit ainsi que la place qu’occupe l’affect dans cette affaire est contingente et corrélative au dispositif du cadre. André Green (1995) a proposé de considérer le processus affectif comme une anticipation de la rencontre du corps du sujet avec un autre corps (le corps de l’autre imaginaire ou présent). Il y a là pour Green une spécificité de l’expérience psychanalytique que les tenants de la relation d’objet négligent. Dans les formes affectives primitives on a affaire à de l’indicible et de l’irreprésentable, face à de véritables raz de marée affectifs.

18Pour Freud (1938, p. 278), la vie psychique est contingente à « la poussée vers le haut du refoulé ». Pour Green, la topique affective est une topique interne dont les investissements ont une orientation de l’interne vers la périphérie du corps, nous ajouterons centrifuge. Ce pôle corporel de l’affect, comme Freud le définit dans « Le Moi et le Ça » (1923), est facilité par la régression narcissique du cadre psychanalytique. La perception endopsychique ainsi obtenue, reliant traces mnésiques et affectives du sujet à son propre Moi, à son propre corps, à son Moi corporel, ouvre sur l’investissement subjectif du Moi et, de là, au Moi corporel et au subjectif de l’autre. Cette rencontre avec l’autre, vers le corps de l’autre, de soi vers l’autre, procède du même mouvement centrifuge de l’affect.

19Cette expérience de corps à corps affectif, favorisée par la régression spécifique du dispositif analytique, permet de gagner la souplesse interne indispensable, l’insight, de la rencontre avec l’autre. C’est de la perception de cet en-soi que l’en-soi de l’autre peut être appréhendé. Le thérapeute psychanalytique peut alors jouir de cette liberté intérieure dont il va, toutefois, faire usage sous le regard de l’autre dans le face-à-face.

Le rêve et l’introjection de la fonction rêvante de l’analyste

20Freud, malgré les avancées que son œuvre connut, considéra jusqu’à la fin de sa vie sa « Traumdeutung » (1900) comme l’œuvre la plus importante qu’il ait jamais écrite. Peut-être considérait-il le rêve comme la référence essentielle, le paradigme prévalant à toute l’organisation psychique ?

21Si le rêve est l’équivalent du symptôme pour Freud, il est aussi le siège de la liaison affect-représentation, pierre angulaire de tout travail et processus analytique, de toute rencontre psychanalytique. Ainsi, de son schéma sur le processus psychique au chap. VII de L’interprétation des rêves, Freud nomme sous le vocable d’inconscient le système placé plus en arrière (c’est moi qui souligne), par rapport au préconscient. Ainsi : « Il (l’inconscient) ne saurait accéder à la conscience, si ce n’est en passant par le préconscient,… ». Il y a là un écho au dispositif analytique. Le psychanalyste est aussi placé en arrière par rapport à son patient, comme s’il devenait le réceptacle efflorescent, prêt à bourgeonner, à se représenter de l’inconscient de son analysant. C’est aussi par le préconscient, prêté par le psychanalyste à son patient, que ce dernier accède à son propre inconscient. Dans le rêve, le psychanalyste se retire à l’arrière d’une scène dont il est le spectateur énigmatique, dépositaire intrigué des représentations et affects, des traces mnésiques de l’inconscient de son patient. Il est aussi la parole préconsciente, finalement articulée, de cet inconscient.

22Freud commente son schéma de L’interprétation des rêves (p. 420) : « L’excitation suit une voie rétrograde. Au lieu de se transmettre vers l’extrémité motrice de l’appareil, elle se transmet vers son extrémité sensorielle et arrive finalement au système des perceptions ». Si nous appelons « progrédiente » la direction dans laquelle se propage le processus psychologique au sortir de l’état de veille, nous sommes en droit de dire du rêve qu’il a un caractère « régrédient ». Cet « en arrière », ce régrédient, m’apparaît renvoyer à la régression narcissique propre au modèle psychanalytique. Elle ouvre alors sur le refoulé, l‘organisation du clivage, les traces mnésiques, sur ces affects indicibles, sur l’irreprésentable et l’irreprésenté, convoquant écoute et disponibilité maternelle réceptive de l’analyste. Cette écoute régrédiente (ainsi que la régression formelle de la pensée) est aussi de mise pour l’analyste lors de l’énonciation du rêve par le patient où se révèle tout cet indicible et imperceptible de l’expérience psychique qui tente de se frayer un chemin (comme la force centrifuge de l’affect) à travers les représentations disponibles, mais n’y arrive pas encore. Ces expériences psychiques non encore symbolisées vont, par la pression pulsionnelle de la rencontre analytique (activée par la fonction objectalisante de l’objet de Green, 1995) et la mise à disposition chez l’analyste des liaisons affects-représentations de son préconscient, pousser à une mise en sens symbolique (fonction symbolisante de l’analyste décrite par Roussillon, 1997), à une mise en scène onirique du processus analytique. Ce « rêve à rêver », représente aussi la tentative d’organiser la vie psychique sur le modèle plaisir/déplaisir. Il deviendrait une mesure d’exigence de travail imposée au psychisme de l’analyste lors de la rencontre analytique. La fonction rêvante de l’analyste, capacité à penser les expériences non symbolisées du psychisme de son patient et à les « transformer » (Bion,1965) pour tenter de les organiser sur un mode onirique avec comme horizon le modèle plaisir/déplaisir, m’apparaît au centre de l’expérience introjective de l’analyse. Une illustration clinique apparaît lorsque nos patients se mettent à rêver au cours de leur analyse, alors qu’ils ne rêvaient pas avant. Selon notre expérience cela ne se produit pas dans les psychothérapies psychanalytiques en face-à-face et militerait pour l’analyse du futur psychothérapeute psychanalytique.

23L’interprétation du rêve, « voie royale vers l’inconscient », avec ce qu’elle ouvre sur le transfert, serait l’aboutissement asymptotique, toujours renouvelé au fil des séances, de cette rencontre intersubjective, rencontre d’un fonctionnement psychique avec celui d’un autre. Rencontre d’un objet dont la fonction objectalisante tisse les linéaments du symbolique avec le pulsionnel. Le rêve, en tant que « ce rêve dont on rêve ensemble », véritable éclosion commune, serait le témoin de cette rencontre mais aussi du processus par lequel il est advenu. C’est dans l’introjection de ce modèle de transformation que se gagne la liberté intérieure indispensable à l’investissement de son propre inconscient et de là à l’inconscient d’autrui. C’est cette fonction rêvante à laquelle l’analysant va s’identifier. L’analysant (ou, dans ce qui nous intéresse, le futur psychanalyste ou psychothérapeute) importe, incorpore, introjecte spécifiquement cette capacité rêvante et transformatrice de son analyste pour ses propres expériences psychiques au processus qui conduit à la résolution élaborative par le rêve. C’est ce modèle de la fonction rêvante du psychanalyste qui mène à l’exploration et à l’investissement de son propre fonctionnement psychique, de son propre inconscient, un inconscient qui sera au centre de la psychothérapie psychanalytique.

Bibliographie

Bibliographie

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Mots-clés éditeurs : psychothérapie psychanalytique, introjection, psychanalyse, fonction rêvante

https://doi.org/10.3917/psys.043.0139

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