Couverture de PSYS_041

Article de revue

Approches psychothérapiques dans des troubles gynécologiques fonctionnels

Pages 33 à 38

1Inséré dans le problème plus vaste des rapports entre psyché et soma ou, si l’on préfère, entre corps et esprit, le trouble fonctionnel risque de subir des vicissitudes conceptuelles destinées, peut-être, à n’être jamais vraiment résolues en ce qui concerne leur « noyau philosophique ». Et cela vaut, bien sûr, pour tout trouble fonctionnel, et pas seulement pour ceux limités au domaine de la gynécologie.

2Néanmoins, dans ce domaine spécifique, nous pouvons citer à titre d’exemple la problématique, toujours présente, reliée à des cas de stérilité pour lesquels on se demande si oui ou non, et dans quelle mesure, peut exister une importante implication psycho-émotionnelle. D’autant plus que parfois, comme nous le savons, un certain nombre de ces cas se résolvent « miraculeusement » sous l’effet de la résignation de la femme en cause à ne pas pouvoir enfanter ou à la suite d’une adoption. Cependant, souhaitant nous limiter à une approche plus restrictive et visant la pratique clinique, nous traiterons tout d’abord, de manière plus synthétique, de deux syndromes relativement fréquents, la dyspareunie et la frigidité post-partum, et ensuite et d’une manière un peu plus détaillée, du syndrome prémenstruel.

De la douleur au manque de plaisir

3Il peut entrer dans l’ordre des choses, ou plutôt dans la pratique courante de la médecine, qu’il y ait un moment de « dialogue de sourds » entre, par exemple, un psychiatre et un gynécologue à propos d’une femme qui se plaint de dyspareunie.

4Remarquons que le terme de dyspareunie, qui signifie « coït douloureux », peut très bien être appliqué aussi à des troubles masculins, par exemple en présence d’une urétrite ou d’une prostatite, mais en général c’est seulement chez la femme que cela acquiert les caractéristiques d’un véritable syndrome.

5Pour revenir tout à fait à ce que nous avons appelé « dialogue de sourds », il consiste en ceci : le gynécologue finit par adresser à un psychiatre une patiente qui se plaint d’une dyspareunie pour laquelle il ne trouve toutefois pas une explication gynécologique suffisante, présumant alors qu’elle puisse être anxieuse ou déprimée. Mais le psychiatre qui la reçoit peut la renvoyer de nouveau au gynécologue, n’ayant pas non plus trouvé une cause psychiatrique suffisante. Le gynécologue fera peut-être alors des investigations supplémentaires, visant par exemple une éventuelle endométrite sub-clinique ou une cystite intersticielle ; mais une fois de plus, ne trouvant rien de particulier, il finit par la renvoyer au psychiatre, en se demandant si des investigations psychiatriques encore plus poussées ne dénicheraient pas un quelconque conflit sous-jacent.

6En réalité, une solution possible pourrait être, au moins dans un certain nombre de cas, le recours à une psychothérapie capable de prendre en charge les aspects subjectifs plutôt que les aspects objectifs du trouble, ce qui implique surtout les rapports, réels ou imaginaires, que cette femme entretient avec son propre corps : en somme, l’autoperception globale qu’elle a du fonctionnement de son corps, et en premier lieu sa disponibilité ou non à gérer le plaisir et la jouissance.

7Une problématique analogue est d’ailleurs souvent sous-jacente au syndrome de la frigidité post-partum qui, en principe, doit être bien distingué d’une dépression post-partum. Une frigidité qui s’établit souvent d’une manière assez brusque quand la femme en question s’apprête peut-être à une reprise de rapports sexuels avec son conjoint : incapacité totale de retrouver une quelconque forme de désir, absence complète de sensations de type agréable lors de tentatives de reprise des rapports, aggravation progressive de la situation si cette femme s’obstine par « bonne volonté » à avoir une activité sexuelle, puisque à la place de l’absence de plaisir peut apparaître carrément de la douleur, et à la place du manque de désir se manifester un sentiment de dégoût.

8Et si parfois on peut constater qu’en réalité, cette frigidité qui est maintenant attribuée au post-partum a existé précédemment, dans la majorité des cas les deux membres du couple se disent « étonnés », puisqu’une vie sexuelle satisfaisante a été soudain remplacée par une chute tout à fait inattendue chez cette femme ayant accouché, le plus souvent dans de bonnes conditions.

9Si, en outre, quelques cas bénéficient d’une manière assez efficace d’une rééducation périnéale, c’est toutefois une psychothérapie visant l’autoperception corporelle de la femme en cause qui peut dire le dernier mot.

10Pour compléter notre réflexion sur cette psychothérapie susceptible de prendre en charge ce genre de troubles, rappelons que l’autoperception du corps peut être autant perturbée par une douleur réelle que par une crainte subconsciente ; qu’elle peut relever autant d’une période limitée et particulière comme l’état de grossesse, où le corps de la femme est soumis à une déformation physiologique, que d’une image corporelle négative déjà présente auparavant. Qu’ensuite on peut également concevoir des « malentendus » dans les rapports entre douleur et plaisir, par exemple, puisque le plaisir, qui en principe devrait être recherché, pourrait susciter au contraire une peur, toute paradoxale qu’elle soit, à son approche. En effet, le plaisir peut apparaître « menaçant » par le simple fait qu’il est souvent fugace, et donc qu’on redoute de le perdre dès qu’on vient de l’atteindre.

11Par-dessus le marché, le plaisir a tendance a se configurer en tant que « valeur personnelle », et donc pas si facile à être partagé, à l’inverse de ce qui peut être le cas de la douleur, qui suscite si facilement de la pitié et certes pas de la jalousie.

Le syndrome prémenstruel

12L’histoire du concept de « Syndrome prémenstruel » retrace en fait l’évolution des connaissances médicales au sujet des rapports entre cycle menstruel, système nerveux central et psychologie de la femme. En fait, le syndrome prémenstruel ne commence à être reconnu comme une entité nosographique autonome qu’au moment où le concept de SNC commence à s’affirmer.

13A la fin du XIXe siècle, les phénomènes hystériques prennent une grande ampleur dans la littérature avec Freud, Charcot et Icard. Ce dernier décrit en 1890 déjà les symptômes essentiels du syndrome prémenstruel. Mais c’est en 1931 que Frank, dans son article « The hormonal causes of premenstrual tension », inscrit le syndrome prémenstruel dans le monde de la recherche médicale, bien que les fondements de l’endocrinologie soient encore très mal connus.

14Quelques années plus tard, les chercheurs à orientation psychanalytique ont ramené le syndrome prémenstruel à un processus de conversion de conflits intrapsychiques en relation avec le complexe d’Œdipe et le complexe de castration chez la femme. Actuellement la recherche s’est davantage orientée vers les facteurs neurobiologiques et neuro-endocrinologiques impliqués dans la genèse du trouble (Bianchi-Demicheli et al., 2002).

15Dans le DSM-IV, le manuel diagnostique des troubles mentaux, le trouble dysphorique prémenstruel est inclus dans la catégorie F 39 (296.90) : « trouble de l’humeur non spécifié » et remplace le « trouble dysphorique de la phase lutéale tardive » (TDPLT) du DSM-III-R qui était inclus dans la catégorie « trouble mental non spécifié » codée 300.90 (DSM-IV, 1996)). Les auteurs du DSM-IV suggèrent de différencier le TDPM du syndrome prémenstruel (SPM), réservant ce dernier diagnostic pour des symptômes physiques moins marqués et des changements d’humeur mineurs ; ils proposent que le TDPM se différencie du SPM par sa configuration des symptômes caractéristiques, leur sévérité et l’altération du fonctionnement qui en résulte (ibid.).

16Un pourcentage variant entre 80 et 90% des femmes en âge de procréer présenteraient un SPM (20-40% selon l’American College of Obstetricians and Gynecologists). Cinquante pour cent des femmes présenteraient une symptomatologie modérée, 35% des femmes des symptômes qui perturbent leur vie sociale, professionnelle ou familiale et 5 à10% des femmes un syndrome prémenstruel sévère avec une perturbation grave de tous les aspects de la vie (Bianchi-Demicheli et al., 2002).

17L’incidence du TDPM se situerait autour de 3 à 8% des femmes en âge de procréer, bien moindre que celle du SPM (DSM-IV, 1996). Le TDPM doit être distingué de l’exacerbation prémenstruelle d’un trouble mental actuel (trouble de l’humeur, troubles anxieux, troubles somatoformes, etc.). Il est important de confirmer le diagnostic prospectivement en demandant aux patientes de noter les symptômes pendant deux cycles consécutifs, pour établir un diagnostic différentiel avec un trouble bipolaire II à cycles rapides (DSM-IV, 1996 ; Hendrick et Altshuler, 1998).

18Des antécédents personnels et familiaux de troubles de l’humeur sont courants chez les femmes présentant un TDPM et de nombreuses études ont rapporté une prévalence élevée de dépression majeure au cours de l’existence chez des femmes présentant un TDPM (DSM-IV, 1996).

19Le TDPM correspond donc à une forme sévère du syndrome prémenstruel avec une configuration symptomatique ayant au premier plan des symptômes psychiatriques. Les caractéristiques essentielles sont une humeur dépressive, une anxiété et une labilité émotionnelle marquées, ainsi qu’une diminution de l’intérêt pour les activités (DSM-IV, 1996) (Tableau I). Ces symptômes qui commencent pendant la phase lutéale cessent dans la phase folliculaire.

Tableau I

DSM-IV : Critères de recherche pour le trouble dysphorique prémenstruel.

  1. Au cours de la plupart des cycles menstruels de l’année écoulée, cinq ou plus de symptômes suivants ont été présents la plupart du temps lors de la dernière semaine de la phase lutéale. Ils se sont améliorés au cours des premiers jours de la phase folliculaire et sont demeurés absents pendant la première semaine après les règles. L’un des symptômes doit être 1, 2, 3 ou 4 :
    1. Humeur dépressive marquée, sentiments de désespoir ou auto-dépréciation (idées de dévalorisation).
    2. Anxiété marquée, tensions, impression d’être nouée, tendue, nerveuse.
    3. Labilité émotionnelle marquée (p. ex. brusque sentiment de tristesse, envie de pleurer, hypersensibilité au rejet).
    4. Colère ou irritabilité marquée et persistance ou augmentation des conflits interpersonnels.
    5. Diminution de l’intérêt pour les activités habituelles (p. ex. travail, école et amis, loisirs).
    6. Difficultés subjectives à se concentrer.
    7. Léthargie, fatigabilité excessive ou perte d’énergie marquée.
    8. Modifications marquées de l’appétit, hyperphagie, envie impérieuse de certains aliments.
    9. Hypersomnie ou insomnie.
    10. Sentiment d’être débordée ou perte de contrôle.
    11. Autres symptômes physiques tels que tension ou gonflement des seins, céphalées, douleurs articulaires ou musculaires, impression d’« enfler », prise de poids.
  2. La perturbation interfère nettement avec le travail ou l’activité scolaire, les activités sociales habituelles et les relations avec les autres (p. ex. évitement des activités sociales, diminution de la productivité ou de l’efficacité au travail ou à l’école).
  3. La perturbation ne correspond pas seulement à l’exacerbation des symptômes d’un autre trouble comme un Trouble dépressif majeur, un Trouble de panique, un Trouble dysthymique ou un Trouble de la Personnalité (bien qu’elle ne puisse se surajouter à chacun de ces troubles).
  4. Des évaluations quotidiennes prospectives réalisées pendant au moins deux cycles symptomatiques consécutifs doivent confirmer la présence des critères A, B et C (avant cette confirmation, le diagnostic peut être porté à titre provisoire).

DSM-IV : Critères de recherche pour le trouble dysphorique prémenstruel.

20Pour que ce diagnostic puisse être posé, il doit exister un intervalle libre de tous symptômes d’au moins une semaine dans la période suivant les règles et le diagnostic est confirmé par une auto-évaluation prospective pendant au moins deux cycles.

21Plusieurs thérapies ont été proposées : modifications du régime alimentaire et de l’hygiène de vie, psychotropes, inhibiteurs de l’ovulation, toutefois l’approche psychothérapeutique reste de grande importance (Dimmock et al., 2000 ; Johnson, 1998 ; Bianchi-Demicheli et al., 2003 ; Mottram et al., 2000).

Illustration clinique

22Il s’agit d’une patiente de 36 ans, nulligeste et nullipare, adressée au Service de gynécologie pour un syndrome prémenstruel sévère. Elle souffre de symptômes prémenstruels depuis plusieurs années : fatigue, tristesse, insomnie, hyperphagie, irritabilité, crises d’angoisse, changements d’humeur, tension mammaire, impression d’enfler. Les tâches les plus simples de la vie quotidienne deviennent insurmontables. Ce tableau clinique qui interfère nettement avec ses activités quotidiennes et sociales disparaîtrait complètement après les règles.

23Le cycle menstruel est régulier, d’une durée de 5 jours, avec un rythme de 31 jours. L’examen de la patiente indique un poids de 53 kg et une tension artérielle de 130/80 mm/Hg. Les caractères sexuels sont normalement développés. Vulve, vagin et col sont sans particularité. L’utérus est antéfléchi, légèrement agrandi. L’annexe droite est légèrement douloureuse. La patiente est tendue pendant l’examen. Les examens complémentaires sont sans particularité : PAP test négatif. Ultrason : Utérus d’aspect normal, antéversé. Taille : 70-37-29 mm. Endomètre 8 mm. Pas de liquide dans le Douglas, pas de masse annexielle. Pas de grossesse en cours.

24Une évaluation psychiatrique est demandée en raison de la prédominance et de l’intensité des symptômes psychiatriques.

25Au premier entretien, effectué dans la période prémenstruelle, la patiente semble mal dans sa peau, regarde le sol, est habillée d’une manière simple et peu soignée. Le langage est pauvre, ralenti, hésitant, non spontané, elle a des difficultés à s’exprimer. Les fonctions cognitives sont conservées malgré des difficultés de concentration et un ralentissement psychomoteur. La pensée est cohérente dans sa structuration et normale dans son contenu. Il n’y a pas de troubles de la perception.

26On constatre une thymie triste, une anxiété marquée, une diminution de l’intérêt et du plaisir, une fatigabilité accrue avec nette diminution de l’énergie et réduction de l’activité, une difficulté à faire face aux tâches quotidiennes. L’affect est émoussé, congruent à l’humeur. La patiente présente une labilité émotionnelle marquée. Elle souffre d’une hyperphagie et de troubles du sommeil, avec difficultés à l’endormissement et réveils nocturnes avec l’impression d’étouffer. Elle se plaint de tension mammaire avec impression d’enfler. Au moment de l’entretien, elle présente une céphalée et des douleurs abdominales diffuses. Le test de Hamilton (Echelle de dépression de Hamilton) à 17 items montre un score de 13 points (Thase et al., 1983 ; Williams, 2001 ; Stoller, 1979).

27La patiente, originaire de France, est issue d’un milieu socio-économique modeste et travaille comme employée. Elle est mariée depuis une dizaine d’années, la relation avec son mari est décrite comme harmonieuse, sans disputes, et leur vie sexuelle satisfaisante.

28Le diagnostic de « trouble dysphorique prémenstruel » est posé selon les critères du DSM-IV. La disparition de la symptomatologie en phase folliculaire permet d’exclure un « épisode dépressif ». Des modifications diététiques (augmentation de l’apport en hydrates de carbone complexes, réduction du sel et de la caféine), une augmentation de l’activité physique et un agenda des symptômes au cours du cycle menstruel ont déjà été proposés par le gynécologue. On introduit alors un traitement avec citalopram, un inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine (SSRI) au dosage de 40 mg/j. En raison du tableau clinique sévère, on décide d’associer une psychothérapie à une fréquence d’une séance par semaine.

29Les premiers entretiens se focalisent sur la famille et les figures parentales. Après une enfance et une adolescence apparemment normales, la patiente quitte la maison subitement, avec une conduite s’apparentant à une fuite, pour aller vivre à l’étranger avec son futur mari.

30Le père est décrit comme un homme très gentil, compréhensif. Il est décédé d’une mort subite et elle se culpabilise énormément d’avoir été loin de lui au moment de sa mort. La mère est décrite comme soumise, avec une capacité réduite à la prise de décisions dans la vie quotidienne en l’absence de réassurance.

31Le mari, plus âgé qu’elle, a eu une enfance douloureuse. Abandonné par ses parents, il a été adopté, mais la famille a révoqué la procédure d’adoption en raison de son agressivité. Il aurait énormément souffert à l’orphelinat à cause des abandons à répétition et des violence subies. L’image du mari est idéalisée comme celle du père. Les adjectifs utilisés pour le décrire sont les mêmes, « gentil », « compréhensif ». La vie sexuelle du couple serait très satisfaisante et épanouissante.

32Après quatre séances, à l‘arrivée des règles, la symptomatologie prémenstruelle s’est discrètement améliorée, la patiente semble plus détendue, moins triste et le sommeil est moins perturbé. Le test de Hamilton, répété à cette occasion, a un score de 6 points. Toutefois, au cours des entretiens, la patiente exprime de plus en plus de fortes préoccupations pour la santé de son mari.

33Au cours d’une séance, ses défenses cèdent et la patiente s’effondre. Son mari est malade, souffre d’alcoolisme. Par moments gentil, en fait, il devient rapidement très agressif et persécuté. Elle décrit ensuite sa vie comme un enfer et sa vie sexuelle est en réalité vécue comme dramatique. Son désir sexuel a disparu et elle ne voudrait plus avoir de rapports sexuels, mais son mari souhaite avoir des rapports très fréquents. Dans la période prémenstruelle, seul moment où elle pouvait éviter les rapports, son mari l’oblige désormais à le satisfaire, malgré son aversion vis-à-vis de la sexualité. Elle se dit dégoûtée par le sperme. Son bilan de vie lui paraît sombre. Sa vie de couple est en crise profonde et son désir d’enfant n’est pas comblé. A chaque menstruation elle réalise son manque d’enfant et la frustration de son identité de femme et de mère. La crise conjugale, l’impossibilité d’en parler avec autrui et le problème sexuel ne lui laissent aucun espoir. La peur de l’abandon, de la solitude et la culpabilité de se détacher d’un homme malade l’empêchent d’entreprendre toute démarche de séparation.

34Après huit séances (deux mois), la symptomatologie prémenstruelle semble s’aggraver et s’étale sur tout le cycle, avec un tableau dépressif franc qui s’installe, ceci malgré l’instauration depuis plus de huit semaines d’un traitement par citalopram (Seropram 40 mg/j).

35A la neuvième séance, l’entretien se focalise sur la figure paternelle. Des souvenirs remontent à la conscience de la patiente et elle commence à les évoquer durant la relation psychothérapeutique, au fur et à mesure que le refoulement s’efface.

36Un souvenir de l’enfance remonte à l’état de conscience. Le père « parfait » était aussi, en réalité, alcoolique et agressif. A environ 9 ans elle se trouvait seule à la maison. Le père était ivre et menaçant. Elle se rappelle des taches d’un liquide par terre. Puis c’est le noir. Elle se retrouve à l’hôpital, avec l’interdiction de voir ses parents. L’hospitalisation dure plusieurs jours et quand elle rentre à la maison, elle a très peur d’aller se coucher seule. Elle développera depuis ce moment des crises d’angoisse.

37La psychothérapie se concentre sur l’élaboration des événements remontés à la conscience et sur l’expression des émotions associées. La patiente peut finalement exprimer ses émotions refoulées : peur, colère, tristesse, désespoir, révolte et haine envers son père. Elle met des mots sur ses émotions et des émotions sur ses mots.

38A la dixième séance, la patiente décide de proposer à son mari une thérapie. Celui-ci réagit avec une forte agressivité, puis avec des menaces de suicide. Elle ne se laisse pas intimider et le mari cède, prenant un rendez-vous chez un médecin.

39Deux semaines plus tard, la patiente affirme se sentir beaucoup mieux, elle semble bien dans sa peau, relaxée, par moments souriante. Elle a pris un rendez-vous chez une esthéticienne. La relation avec le mari se serait beaucoup améliorée. Après avoir longuement discuté, un accord est trouvé sur le plan sexuel.

40Environ trois mois plus tard, la patiente vient au rendez-vous. Elle est souriante, de bonne humeur, a envie de plaisanter, le mari est suivi par un alcoologue, il va mieux, leur relation affective et sexuelle s’est beaucoup améliorée. Elle se sent heureuse, elle rayonne. Une pause de la psychothérapie est concordée entre médecin et patiente.

41Quelques mois plus tard la patiente revient pour un contrôle. La symptomatologie dépressive s’est résolue et la constellation symptomatique prémenstruelle a disparu complètement. Depuis plusieurs mois elle a oublié de prendre ses médicaments.

Discussion

42Dans ce cas clinique de TDPM, le symptôme semble représenter une défense envers un traumatisme ancien. Les figures parentales sont l’objet d’un profond conflit. Le conflit est évident avec la mère qui présente de fortes composantes de dépendance et semble se situer dans la soumission et l’acceptation totale du comportement du père. L’image du père est fortement idéalisée et le deuil de sa perte n’est pas résolu.

43Au cours des entretiens ressort une culpabilisation massive liée à la figure paternelle. Cette idéalisation joue un rôle défensif, protégeant la patiente d’un conflit avec son père, inavouable après sa mort. L’idéalisation du mauvais objet protège de la souffrance liée à celui-ci.

44Au début, la relation avec le mari est aussi présentée comme très harmonieuse et idéale pour camoufler la profonde crise avec lui. Les analogies descriptives et défensives entre la relation avec le père et le mari sont frappantes.

45La sexualité, caractérisée par une disparition du désir sexuel et une aversion à tout contact, est vécue comme une soumission au mari et à la figure masculine.

46La symptomatologie prémenstruelle qui, dans une première période, protégeait la patiente de toute activité sexuelle, n’empêche pas le mari, au cours du temps, de prétendre à des pratiques masturbatoires qui la confrontent à son aversion de tout contact physique avec un homme.

47L’idéalisation de la figure paternelle cachait un profond traumatisme refoulé, qui est devenu conscient pendant la psychothérapie. Son mari, comme son père l’était, est agressif et alcoolique. Les rapports sexuels forcés avec le mari réactivaient le traumatisme de l’enfance et l’aversion de la sexualité prend naissance dans l’événement incestueux réel ou fantasmatique avec son père.

48La culpabilité de l’inceste, renforcée par la mort de son père et la peur de perdre aussi le mari menaçant mais malade, plonge la patiente dans un conflit sans issue. La psychothérapie lui permet de prendre conscience des événements et de leurs conséquences psychologiques. La culpabilité détermine son comportement autodestructeur, avec le retournement contre soi des pulsions sadiques et la tendance à répéter dans l’expérience contemporaine l’expérience initiale traumatique. Le masochisme comme moyen de contrôle lui permet de prévenir d’autres souffrances en revivant le traumatisme initial (Stoller, 1979).

49L’approche psychiatrique semble décisive dans ce cas de TDPM. La thérapie proposée par le gynécologue, consistant en modifications diététiques et hygiéniques de vie, ne modifie pas la symptomatologie prémenstruelle. L’introduction d’une thérapie psychotrope avec un antidépresseur sérotoninergique améliore partiellement le tableau clinique, qui s’aggrave quand la psychothérapie se focalise sur la relation conflictuelle avec son mari. C’est seulement quand la patiente revit dans la psychothérapie la souffrance des événements avec son père que commencent l’élaboration consciente du traumatisme et l’effacement des symptômes.

50De toute évidence, il faut se méfier de la disparition rapide des symptômes. Les guérisons rapides, les pseudo-guérisons, les fuites dans la guérison sont légende dans la pratique clinique et dans l’histoire de la psychanalyse.

51Toutefois, l’approche psychiatrique, comme le démontre cette illustration clinique, reste utile comme complément intégré à la prise en charge somatique du TDPM.

Bibliographie

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Mots-clés éditeurs : psychothérapie, psychosomatique, frigidité post-partum, syndrome prémenstruel, dyspareunie

https://doi.org/10.3917/psys.041.0033

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