Couverture de PSYS_034

Article de revue

L'évolution de la notion d'inconscient et l'identité de l'analyste

Pages 223 à 232

Notes

  • [1]
    Le début de ce texte est une conférence présentée lors du Symposium Scientifique Annuel de la Société Suisse de Psychanalyse, à Berne, en mars 2003.
  • [2]
    Psychanalyste, membre formateur de la Société Suisse de Psychanalyse, consultante au Département de Psychiatrie des Hôpitaux Universitaires de Genève.

1Je souhaite me pencher sur la notion d’inconscient telle qu’elle est apparue dans les premiers écrits de Freud, chercher à dégager ensuite certains aspects de son évolution et réfléchir à l’impact que cela peut avoir sur notre pratique et notre identité d’analyste. Serions-nous devenus plus architectes qu’archéologues ?

2S’il fallait résumer d’un seul mot la découverte freudienne et son côté subversif, ce serait sûrement par la notion d’inconscient. Pour Michel de M’Uzan (1976), l’inconscient est une découverte d’autant plus géniale et révolutionnaire qu’elle déstabilise toutes les philosophies qui sont toujours des philosophies de la conscience. Dans sa 24e conférence, Freud affirme que le seul but et la seule contribution de la psychanalyse consistent à appréhender la part d’inconnu de l’être, à accéder à l’inconscient dans la vie psychique, et je dirais à démasquer le latent sous le manifeste.

3En 1900, dans l’Interprétation des rêves, il conçoit l’inconscient comme la base de la vie psychique et le refoulement comme son mécanisme constitutif. Refoulement et inconscient sont donc intimement associés. Il affirme que des désirs inconscients existent en nous de façon indestructible, souterraine, et il donne le nom de réalité psychique à cette forme particulière d’existence. L’inconscient est aussi vivant qu’indomptable, sa nature nous reste en partie inconnaissable : c’est une limite dont il faut bien nous accommoder. Il fournit sa force pulsionnelle aussi bien au rêve qu’à la séance d’analyse et à sa charge transférentielle. Pourtant l’inconscient n’est pas immédiatement observable, ce n’est que dans l’après-coup que l’on peut faire l’hypothèse qu’un phénomène s’explique par une activation de l’inconscient.

4Dans ses premiers écrits, l’inconscient est pour Freud une notion topique et dynamique, un lieu psychique, un système qui a des contenus, des mécanismes et une énergie spécifique qui impulse, à notre insu, nos désirs et nos actes. Notre vie psychique est remplie de pensées aussi efficientes qu’inconscientes. Il ne fait pas de doute que ce « credo » freudien est actuel : l’inconscient est bien la matière première de notre art ; il est au cœur de notre pratique.

5Dans la première topique, Freud en parle comme d’une zone de l’appareil psychique qui se caractérise par les manifestations d’un inconscient sexuel et refoulé formé de représentations de choses qui échappent à la structuration du langage ; la pulsionnalité serait donnée par la pulsion sexuelle. Les symptômes névrotiques classiques seraient les manifestations de cet inconscient refoulé. Dans cette perspective, le travail analytique est centré sur la levée du refoulement et du désir sexuel inconscient à travers des représentations de mots et des signifiants. Les rêves, l’association libre du patient et l’attention flottante de l’analyste étant les instruments privilégiés pour mettre à jour cet inconscient sexuel et signifiant. Ce modèle reste fondamental pour tenter la levée de l’amnésie infantile et la reviviscence de l’Œdipe. Travail de remémoration, de reliaison psychique et de remaniement après-coup d’événements passés.

6Mais les choses évoluent et si, dans cette première topique, l’inconscient est constitué de contenus refoulés qui se sont vu refuser l’accès au système préconscient-conscient par l’action du refoulement, dans le cadre de la deuxième topique, par contre, le terme inconscient est employé surtout sous sa forme adjective. L’inconscient n’est plus une instance particulière. Il qualifie non seulement le Ça mais aussi une partie du Moi et du Surmoi. Confronté à des organisations psychopathologiques où la répétition domine, Freud affirme en 1923 (1923b) que le Moi est en grande partie inconscient de ses propres défenses. Il parle de processus psychiques inconscients qui n’ont plus aucune tendance au retour du refoulé et de résistances inconscientes au changement et à la guérison. La compulsion de répétition vise un « au-delà du principe du plaisir » et souligne l’aspect destructeur de la pulsion qui fait obstacle à la libido. Pour ces patients, Freud fait l’hypothèse que le Moi est fixé dans des défenses massives et masochiques qui le protégent de l’émergence d’angoisses traumatiques et narcissiques. Green affirme que s’il devait caractériser d’un seul terme la nouveauté de la seconde topique, ça serait sans hésiter l’inconscience du Moi.

7A partir de ce tournant des années 20, la représentation que l’on peut se faire du conflit intrapsychique se déplace. La notion d’inconscient perdure mais se spécifie. Il ne s’agit plus du conflit topique entre inconscient, préconscient et conscient, mais du conflit intrapsychique installé à l’intérieur du Moi lui-même. La disparition de la référence à la représentation (consciente-préconsciente et inconsciente) dans les définitions du Ça, son remplacement par l’idée de motions pulsionnelles contradictoires formant le ça et visant à la décharge, placent l’agir au centre de ces changements. Les anciennes instances, préconscient, inconscient, conscient sont reléguées au rang de qualités psychiques, ce qui limite leur portée. Pourtant le terme « inconscient » ayant une résonance si forte, celui de ça étant plus difficile à cerner et à manier, on a continué à appeler inconscient les caractéristiques que Freud avaient définies en parlant du ça. Le terme d’inconscient est donc resté présent dans la littérature psychanalytique. Si, avec ce changement de topique, on utilise d’autres concepts, ils n’en recouvrent pas moins la notion d’inconscient. Ainsi, le Ça de Freud, le terme de « potentiel » utilisé par Winnicott (1975) ou celui de « préconceptions » de Bion (1967) évoquent, chacun à sa manière, quelque chose qui est en attente, quelque chose de potentiel, d’inconscient, qui ne s’est pas actualisé. Le concept d’inconscient contient donc quelque chose de plus que le refoulé… et avec la seconde topique, Freud ouvre la voie aux opérations psychiques telles que le déni, le clivage, le désaveu, la forclusion. Green (1993) a bien montré qu’elles participaient toutes au travail du négatif. C’est désormais l’entropie et l’irreprésentable qui prennent une place centrale, et non plus le désir, l’interdit et le représentable comme dans la première topique. Ainsi, même si le projet principal de la cure reste toujours de décrypter l’inconscient, son véritable enjeu est lié à l’économique, à la « force » : force du Ça, du Moi, du Surmoi, mais également à l’intérieur et entre les instances. Dans Construction en analyse, Freud écrit : « Très souvent on ne réussit pas à ce que le patient se rappelle le refoulé ; en revanche une analyse correctement menée le convainc fermement de la vérité de la construction, ce qui, du point de vue thérapeutique a le même effet qu’un souvenir retrouvé » (Freud, 1937d, p. 278). Désormais, il accorde un rôle aussi important à la conviction et à la construction qu’à la remémoration de l’inconscient. Le travail analytique porte ainsi sur la transformation et le soutien à l’élaboration psychique des forces en conflit. Pourrait-on dire que l’analyste devient un peu architecte alors qu’il était archéologue ? Cette évolution ouvre la voie à la prise en compte de la multiplicité de « voies d’accès » à l’inconscient. Je vais tenter de le montrer.

8En effet, au travers de cette notion de Ça, l’analyse s’ouvre à la notion de trauma ; l’inconscient du signifiant et du dire s’élargit ainsi au trauma. La pathologie psychique ne sera plus seulement la manière dont s’exprime un désir, mais aussi la manière dont s’exprime une souffrance. Freud nous dit que les traumas précoces sont le résultat de perceptions sensorielles ou d’expériences relatives au corps, celles-ci ne prenant leur caractère traumatique qu’à cause du facteur quantitatif et du défaut de pare-excitation. Il souligne l’impossibilité pour le patient de se remémorer les traumas de ces premiers âges de la vie, du fait qu’ils surviennent avant l’acquisition du langage. Ils sont ensevelis dans des couches si profondes de la psyché que la remémoration prend des formes inhabituelles d’états hallucinatoires ou d’agirs répétitifs incoercibles. Il insiste sur le fait qu’avec ces pathologies, il ne suffit plus à l’analyste d’interpréter le désir. Il devra aussi accorder de la signification à ces traumas qui se répètent inlassablement et de manière démoniaque. Il devra construire une histoire à partir de ces traces mnésiques non liées aux représentations de mots et chercher une représentation qui puisse entraver la violence de ces éprouvés primaires.

9La formule freudienne des Nouvelles conférences (1933a) : « Wo es war soll ich werden » (là où était le Ça, le Moi sujet doit advenir), formule qui implique la conquête de parts d’inconscient en soi, de potentialités non accomplies, préfigure bien les élaborations des successeurs de Freud sur la question de l’identité et de l’appropriation subjective. Pour Winnicott (2000), par exemple, le sujet est caractérisé par ce « potentiel de relation avec l’inconnu de soi, avec le non-advenu de soi ». Quant à Green, il a consacré toute son œuvre à la recherche des conditions qui favorisent la représentation. Cela l’a conduit à chercher constamment les limites de l’analysable. Il montre que le défi pour l’analyste est bien de transformer une partie de cette zone psychique en mal de représentations en quelque chose qui soit accessible et interprétable, de lever les effets paralysants du lien à un objet, pour récupérer la poussée transformatrice de la pulsion (Green, 1999).

10Mais, en fait, dans les derniers textes de Freud, tout est pratiquement déjà là. Il nous parle d’un signifié gouverné par un inconscient s’enracinant dans la vie pulsionnelle, ancré dans le somatique, d’un objet trauma dont l’analyste devrait recueillir une partie de la préhistoire. Il souligne surtout le rôle de l’hallucination comme pouvant être le retour d’un événement oublié des toutes premières années, de quelque chose que l’enfant a vu et entendu à une époque où il ne savait qu’à peine parler. Il évoque aussi les formations délirantes qui contiendraient un « morceau de vérité historique », la croyance compulsive tirant sa force de cette source infantile, les délires pouvant ainsi être des équivalents de constructions. Dans L’Homme Moïse et la religion monothéiste (1939a), il insiste sur le fait que la répétition serait bien la traduction d’événements qui se seraient effectivement passés, et non d’un pur fantasme. Pourtant, « le temps où ça se passe n’est pas celui où ça se signifie » et nos constructions sont sujettes à toutes les déformations de l’après-coup. On peut d’ailleurs se demander avec Green si ce noyau de vérité inconscient peut rester intact sous toutes ces déformations.

11Mais le trauma n’implique-t-il pas le rôle de l’objet ? Cela m’amène à évoquer ici le texte de Freud sur le narcissisme (1914c), qui me paraît fondateur de développements psychanalytiques ultérieurs. En effet, il y reconstruit le processus qui va de l’auto-érotisme à la constitution du narcissisme et démontre l’importance de l’objet dans la constitution du psychisme et donc de la pathologie. Mais ce sont surtout les auteurs qui lui succédèrent qui poursuivirent dans cette voie et se penchèrent sur le rôle de l’environnement primaire dans les traumas précoces inconscients. Ainsi Melanie Klein, Piera Aulagnier, Donald Winnicott et bien d’autres montrent que le rôle de l’objet primaire est incontournable. Les effets de ce rôle plongent dans la constitution du narcissisme, de l’identité, du Moi et de l’appareil psychique en général, le non-respect des besoins originaires de l’infans exerçant des blessures de tous ordres.

12Quelques mots encore du déni. Freud nous montre que, face à la menace de castration, une partie du Moi va la reconnaître tandis qu’une autre va la dénier, ce qui va donner lieu à un inconscient non refoulé, un inconscient qui est le produit du déni. Je reviendrai plus tard sur des difficultés techniques et spécifiques auxquelles cette évolution de la notion d’inconscient nous confronte.

13Mais parlons déjà de technique au sens large… Dans son dernier livre, André Green (2002) constate qu’aujourd’hui nos divans accueillent de moins en moins de patients semblables à ceux que décrivent les textes fondateurs de la psychanalyse. Face à cela, il se demande si ce sont les patients qui ont changé ou si c’est notre regard sur eux. Pontalis (1977) nous dit : « Soyons claustrophobes » ; par ces termes il signifie que tout enfermement dans une théorie de la technique signe la fin de la pensée. Avec les patients limites, il me semble qu’il ne s’agit pas de véritablement changer de technique, mais plutôt de pouvoir à la fois l’assouplir et la consolider, la question principale étant : que puis-je faire pour amener ces patients à faire quelque chose de leur inconscient ? On le sait, tout changement technique n’est que relatif et depuis leurs balbutiements, la métapsychologie et la technique n’ont fait qu’évoluer au contact de la résistance de certaines conjonctures cliniques. Ainsi, sous l’impulsion de Ferenczi et dans les cas jugés difficiles, Freud admettait une certaine dose d’activité de la part de l’analyste pour faire surgir l’inconscient, cette activité ne représentant pas une fin en soi, mais une phase préliminaire qui précéderait une analyse plus classique. Et en effet, ne faut-il pas d’abord tisser une infrastructure psychique, une trame de sens, un contenant pour faire quelque chose avec le latent et sortir du manifeste, créer un cadre interne pour tenir les pensées et introduire une temporalité ? Dans un premier temps c’est donc un travail de liaison sur le contenant davantage que sur le contenu. On revient à ce que Freud affirmait dans Construction en analyse : il faut construire une histoire, un sens, avant de se pencher sur les interprétations de désirs.

14Si le représentable et l’irreprésentable sont constamment mêlés dans ces pathologies, cela implique que l’analyste utilise son esprit pour donner sens à ce qui n’a pu en avoir, qu’il offre sa capacité de rêverie, selon la formule de Bion. D’où l’importance fondamentale accordée au contre-transfert durant ces dernières décennies. Il sera le lieu privilégié à partir duquel l’analyste pourra opérer sur ces traces mnésiques qui ne possèdent pas de représentations de mots et qui s’inscrivent dans le temps éclaté d’un inconscient qui ignore le temps. L’élaboration des traumas précoces serait ainsi une élaboration psychique à deux. C’est un changement de perspective fondamental par rapport à la première topique.

15Comme on l’a vu, Winnicott prolonge l’apport de Freud et insiste sur la part de l’objet dans la structuration primaire, dans la construction Moi/non-Moi. Il cherche à repérer « après coup » les traces « muettes » de l’impact qu’eurent les premières réponses des objets aux élans pulsionnels et aux besoins primaires du bébé. Il place au centre des souffrances et des vécus subjectifs des patients narcissiques une expérience de terreur agonistique inélaborée, contre laquelle l’ensemble de l’appareil psychique s’est construit et qui serait à l’origine d’un traumatisme primaire affectant les processus de symbolisation. Là où il parle de mort psychique, Bion parle de terreur sans nom. Selon ces auteurs, ces agonies hantent la vie du sujet lorsqu’elles cherchent à se manifester et à faire reconnaître leurs traces. Ils nous incitent à reconstruire ce qui a « dû » se passer dans les relations précoces du patient pour que sa pathologie actuelle soit ce qu’elle est, à traquer ces traces irreprésentables qui ont été évacuées et qui sont restées en souffrance dans la psyché, en tentant de les rendre représentables, intelligibles et éprouvables par le patient.

16Mais qu’en est-il justement de ce retour de l’éprouvé inconscient ? Cette question qui se posait déjà du temps de Freud est centrale dans la clinique actuelle. Dans les états névrotiques, cet éprouvé concerne principalement le retour de l’émotion. Par contre, dans les états narcissiques, il se dévoile souvent par des affects passionnels, par une passion transférentielle, qui nous en dit long sur des vécus primaires inconscients. René Roussillon (1999) pense que, dans ces cas, l’ébranlement traumatique originaire a été si menaçant, si peu maîtrisable, qu’il a mobilisé une défense massive et un retrait subjectif. Quand, au cours de l’analyse, petit à petit la défense primaire se déconstruit, le caractère passionnel et désorganisateur de l’expérience première se reproduit dans la situation de transfert, en dehors de toute logique et temporalité.

17Mais cette question du retour de l’éprouvé nous amène à parler de l’affect inconscient. Qu’est-ce qu’un affect inconscient ? N’est-ce pas le passionnel, l’impulsif, l’inorganisé ? Freud parle de « sentiment inconscient de culpabilité », en lien avec le surmoi, la réaction thérapeutique négative, le besoin de punition et toutes les formes de masochisme. Le terme d’affect inconscient est paradoxal puisqu’il comprend l’idée d’un éprouvé affectif mais d’un éprouvé inconscient, d’un éprouvé non éprouvé en quelque sorte, que l’on doit deviner pour saisir et intégrer tout un pan de la vie psychique du patient. Il me semble en tout cas que la notion d’affect inconscient nous éloigne de l’inconscient tel qu’il est défini dans la première topique et nous rapproche de la pluralité des formes qu’elle prend dans la seconde topique.

18Que se passe-t-il dans les cas de défenses névrotiques ? Là, l’affect n’est pas vraiment devenu « inconscient », il continue d’être éprouvé soit dans ses manifestations corporelles, soit dans sa coloration affective, c’est le lien qui l’unit à la représentation psychique qui est refoulé et inconscient. Le retour de l’éprouvé dans ces cas-là va concerner le retour de l’affect vers la représentation à laquelle il est accordé.

19Par contre, dans d’autres cas, on voit souvent que les manifestations psychiques de l’affect sont supprimées ou paraissent l’être. L’affect est réprimé, il est contre-investi par une sorte de gel psychique ou de pétrification. Freud en parle dans la Gradiva (1907a) ou dans Vue d’ensemble sur les névroses de transfert (1915). Dans ces états psychiques, le contact avec la réalité est conservé, mais c’est comme si le patient se retirait, se dégageait affectivement ; tout mouvement pulsionnel semble abrasé, blanchi, avant toute expression, aussi bien corporelle qu’affective. Dans ces états de souffrance narcissique, l’analyste a souvent l’impression que l’analysant vient lui faire reconnaître un pan de lui-même qu’il ne sent pas, comme si le patient lui demandait d’être le miroir de ce qui n’a pas été perçu de lui. Roussillon (1999) montre ainsi qu’au transfert par déplacement qui caractérise les formes habituelles de la névrose de transfert, se substitue ici une forme de transfert par retournement dans lequel le sujet fait vivre à l’analyste ce qu’il n’a pas pu vivre de son histoire et qui est resté clivé, sans possibilités d’intégration.

20Winnicott (2000) nous dit que quand une expérience est trop menaçante, le sujet s’en retire au point de ne même plus l’éprouver, comme si elle était gelée. Une patiente m’a exprimé : « J’ai pris forme autour d’une terreur. Elle était là et je ne la connaissais pas ; elle dirigeait ma vie, il a fallu que ce soit vous qui m’en parliez. » Ne peut-on pas dire que l’autisme serait en quelque sorte l’aboutissement d’une sorte de contre-investissement constant d’une nouvelle menace ? En tous les cas, ces rencontres traumatiques primaires semblent laisser des séquelles autistiques secrètes mais déterminantes chez les cas limites.

21Cela m’amène à tenter de différencier traumatisme primaire et traumatisme secondaire par rapport à l’inconscient. Lorsque l’on est dans la dialectique refoulement-retour du refoulé, le refoulé reste actif et menace le sujet d’un retour des représentations et motions pulsionnelles traumatiques. Dans ce cas, il s’agit d’un traumatisme secondaire : la situation a été vécue, représentée, puis secondairement refoulée. Par contre le traumatisme primaire affecte le processus de symbolisation. Du fait de l’immaturité de son Moi, l’enfant n’a pas eu la possibilité de représenter et de donner sens à des vécus angoissants et probablement que l’environnement n’a pas su y pallier. Cela a submergé sa psyché. Pour survivre à cette expérience, c’est comme s’il s’en était retiré. Le Moi se clive d’une expérience à la fois éprouvée et en même temps non représentée. Contrairement au clivage dont parle Freud – qu’il décrit comme la déchirure d’un Moi écartelé entre deux chaînes représentatives incompatibles entre elles – ce clivage-là est une tentative de séparer une partie du tout dans un but défensif, de séparer une partie représentée d’une partie non représentable qui est tout simplement lâchée. Le Moi cherche ensuite à immobiliser ce « clivé » et la détresse qu’il contient. Cette partie est donc clivée du Moi. Alain Fine (2002) décrit bien ces expériences infantiles qui ne se sont pas inscrites dans le Moi à cause du manque de préparation de l’appareil psychique. Il parle d’une expérience sans sujet et donc sans vécu. Puisque le Moi n’a pu l’inscrire dans une histoire et une temporalité, c’est resté hors-moi, quelque part dans la psyché. Le paradoxe est grand : l’expérience a été vécue et a laissé des traces mnésiques de son éprouvé mais, en même temps, elle n’a pas pu être appropriée car elle n’a pas été représentée. C’est bien différent de l’inconscient refoulé.

22Cela m’amène à l’article de Winnicott (2000) où il soutient que la crainte de l’effondrement est la crainte d’un effondrement qui a déjà été éprouvé. Je le cite : « Il s’agit d’un fait que le patient porte lointainement caché dans l’inconscient, mais l’inconscient n’est pas ici l’inconscient refoulé de la névrose. Dans ce contexte singulier, l’inconscient veut dire que le Moi est incapable d’intégrer quelque chose, de l’enclore. Le Moi était trop immature… L’épreuve initiale d’agonie primitive ne peut se mettre au passé que si le Moi a pu d’abord la recueillir dans l’expérience temporelle de son propre présent » (p. 212)… Le patient cherche dans le futur le détail du passé qui n’a pas encore été éprouvé et, dans ce cas, « la seule façon de se souvenir est que le patient fasse pour la première fois, dans le présent, c’est-à-dire dans le transfert, l’expérience de cette chose passée ». Il termine en disant que c’est l’équivalent de la remémoration et de la levée du refoulement qui survient dans l’analyse freudienne classique.

23Mais quel sera le destin des traces mnésiques de ces expériences restées non symbolisées et clivées du Moi ? On sait qu’elles sont soumises à la contrainte de répétition et qu’elles vont faire retour en actes et dans des pathologies diverses, dans la régression de transfert ou dans des délires. Elles vont être constamment réactivées et réinvesties hallucinatoirement. C’est avec ces traces que nous allons travailler pour tenter de réduire ce clivage au Moi.

24Une autre voie d’accès à l’inconscient pourrait être de chercher à écouter la séance d’analyse comme un rêve. Plusieurs auteurs, tels Laplanche et Green, le suggèrent. Les différents personnages évoqués en séance seraient ainsi écoutés et compris comme des représentants des différentes parties du patient, des différents moments de sa vie pulsionnelle. La difficulté pour l’analyste, c’est qu’il doit chercher à comprendre qui sont ces ombres et ces fantômes qui viennent ainsi visiter la séance.

25Quelques mots aussi des fantasmes inconscients décrits par Freud et repris à sa manière par Melanie Klein. Freud rappelle que le fantasme est un sang-mêlé d’histoire et de transformation assimilatrice personnelle. A côté de son aspect pulsionnel, il porte donc sa part de mémoire inconsciente des vécus du patient. En cela il est une clef vers l’inconscient. Melanie Klein, quant à elle, définit les fantasmes inconscients de façon très large comme le contenu de l’inconscient, comme la représentation psychique des pulsions, pour reprendre la formulation de Susan Isaacs.

26Mais, revenons plus spécifiquement à la cure et la technique. On le sait, l’enjeu pour l’analyste est sa réceptivité aux communications conscientes et inconscientes du patient. Il doit aussi s’écouter lui-même, utiliser ses rêveries pour porter attention à ses propres irruptions inconscientes, à ses sensations corporelles, chercher à y donner sens et à les relier à des affects. C’est comme si certaines choses ne pouvaient émerger de l’inconscience qu’au travers de l’espace interne de l’analyste et de ses propres sensations. L’hypothèse étant que ce que l’analyste ressent dans son corps pourrait être une expression de vécus précoces du patient ; cela donne à penser que des sensations avaient été évacuées dans le corps, faute d’un objet primaire pour y donner sens. Ce qui est difficile, c’est de repérer pas à pas dans la séance les fluctuations des modes d’expression du fonctionnement psychique du patient, et d’y trouver une voie d’accès au latent, à l’inconscient. Le but est bien de construire un espace tiers, un espace de pensée à deux, indispensable à la cure. Raymond Cahn (2002) parle de travail de métaphorisation à deux.

27Comment appréhender psychanalytiquement ce fondement qui émane du temps avant le langage et qui est partiellement hors du champ représentatif ? Je pense à une patiente qui se présentait sans passé, et pourtant toutes ses orientations personnelles dans le hic et nunc de sa vie n’étaient mues que par un passé aussi vivace qu’inconscient et gelé. Elle n’avait, semble-t-il, aucune représentation de ce passé, ou celles qui se présentaient à elle n’étaient que factuelles, démunies d’éprouvés. Ce n’est que petit à petit, au gré de vécus transférentiels douloureux, et par les hypothèses constructrices qui ont pu en découler, qu’elle a pu se réapproprier certains éprouvés, inscrire ces vécus dans son histoire psychique, réintroduire une temporalité. On sait que l’expérience infantile ou précoce ne connaît pas le temps, le relatif, la limite. Quand elle est réactivée dans l’expérience transférentielle, elle se présente avec la même intensité et les mêmes caractéristiques. Elle se vit comme actuelle et se donne dans l’absolu et dans un éternel présent. Des patients ayant subi des séparations précoces en parlent souvent de façon si détachée, si factuelle ; c’est comme si l’affect avait été englouti et que tout cela ne faisait pas partie d’eux. Et pourtant, toute la vie psychique du patient semble souvent organisée autour de ce traumatisme sans qu’il en soit le moins du monde conscient. Je pense aussi à certains patients ayant eu à subir des hospitalisations précoces. On a l’impression que ce qu’il ne faut, à tout prix, pas revivre, c’est la douleur liée à la solitude et l’« hilflosigkeit » de l’enfant hospitalisé. Ils s’en défendent comme si leur corps lui-même était menacé de dissolution. En cours de cure, une patiente comprenait les choses ainsi : « J’ai tellement peur que ça ressorte que c’est comme si j’avais fait tache d’huile » ; ses associations sur ce « ça » la conduisent à parler d’une douleur brute, atemporelle, sans image, un pur éprouvé. Puis elle associe sur une sensation physique d’être dans un cachot, comme si elle se sentait soudain coupée de tout, avec la sensation physique d’un néant entre quatre murs où l’on pourrait la retrouver morte ou enterrée vivante. Un autre patient me disait : « Je n’ai plus de traces de ces années difficiles ; pourtant je sais que je les ai vécues. » Il empruntait l’image suivante : « C’est comme si on m’avait lavé le cerveau », tout est passé à la trappe. Il a ajouté quelque chose qui me paraît très important : « Lorsque ça aura du sens pour moi de dire JE, je pourrai ouvrir la porte au ressenti ; pour l’instant je me bride de peur d’être envahi ». Cela renvoie bien à l’immaturité du Moi de l’enfant, inapte à donner du sens à des stimuli externes ou internes qui l’envahissent.

28Qu’est-ce que ce travail de transformation ? Un travail de mise en mots, en signifiants, une tentative de « déminage », la reconstitution de quelque chose qui n’a pu se vivre psychiquement et qui a été évacué ou un travail de décondensation pour tenter d’inscrire les vécus psychiques dans une temporalité ? Ne s’agit-il pas en quelque sorte de rendre les mots « aptes à l’affect », de créer du sens là où il n’y avait que chaos ?

29Chez certains patients, la mise en actes est la seule manière de représenter l’irreprésentable, de se souvenir. Le but est d’accéder ensuite peu à peu à une mise en sens et en histoire au gré de l’analyse. Claude Le Guen (1996) parle d’un traumatisme qui deviendrait ainsi partageable, communicable et non plus seulement commémorable. On a en effet souvent l’impression que dans toute cette répétition il y a un aspect presque « commémoratif ». Freud écrivait en 1914 (1914c) que ce qui n’est pas symbolisé est agi répétitivement. René Roussillon exprime bien ceci en disant que « c’est la représentation et la reconstruction de ce qui a rendu absolu le désespoir qui permettent que celui-ci ne devienne que relatif, relatif à un temps, relatif à un objet, relatif à un caractère de l’objet en un temps donné, relatif à un fragment de l’expérience subjective historique » (Roussillon, 2003). Il ajoute que la recherche de l’intelligibilité du vécu d’agonie psychique est l’essentiel de la tâche spécifiquement psychanalytique. Le partage d’affect (cf. : Catherine Parat, 1995) ne soigne pas, il ne fait que créer les conditions pour qu’une intelligibilité du vécu du patient advienne et qu’il puisse se l’approprier.

30Avec ces patients, l’inconscient apparaît souvent de façon si déroutante que l’analyste est confronté aux limites de son entendement. Fédida (1992) parle de « l’analyste à l’état limite » en soulignant la situation paradoxale dans laquelle il se trouve. Ils sollicitent notre inventivité technique, notre liberté de réflexion théorique aussi bien que nos capacités régressives pour aller à la découverte de nos propres aspects fous. Leur régression nous amène à ressentir en nous une large variation de niveaux émotionnels qui me paraît refléter la discontinuité, ainsi que la difficile différenciation Moi/non-Moi, qui est au cœur même de leur problématique. L’extrême mobilité de leurs affects rend la mise en mots difficile. Toute interprétation risque d’être ressentie comme aliénante, intrusive ou réveillant un profond sentiment d’abandon. Il faudrait trouver des mots ou des métaphores pour figurer l’archaïque, pour évoquer le perceptif, le toucher, la sensation aussi bien que pour symboliser leurs mouvements pulsionnels. C’est parfois délicat de concilier la nécessité de verbaliser et le côté insoutenable et souvent douloureux des mots eux-mêmes. En plus, dans ces situations limites, comment éviter tout risque que les mots de l’analyste ne s’alimentent pas de sa problématique personnelle, qu’ils deviennent intrusifs et répètent ainsi justement l’abus dont ces patients ont souvent souffert ?

31Comment être entendu dans des moments où justement le patient régresse vers un « hors temps », avant le langage ? « Les mots soudain n’ont plus aucun sens ; je ne comprends plus les mots », me disait un patient. Et si « le timing » des interprétations semble pour certains patients d’une importance particulière, cela n’est-il pas en lien avec un vécu très dysrythmique, chaotique ou contrasté avec leurs objets primaires ? Cette attention au rythme intérieur du patient semble aller de pair avec une écoute du type de mots qu’il utilise et du registre sensoriel dans lequel il se situe. A travers cela, que nous révèle-t-il, que pouvons-nous déduire de ses vécus primaires ?

32Compte tenu de leur sensibilité à la désorganisation, ces patients nous placent souvent devant une situation délicate. En effet, paradoxalement, c’est comme s’il fallait à la fois tenir le cadre avec rigueur et le manier avec souplesse, « inventant » ponctuellement des aménagements, un « nouveau cadre ». Sur ce « fil du rasoir », notre travail consisterait à respecter la douleur psychique du patient et la défense par clivage tout en tentant de l’organiser en souffrance psychique représentable. Lorsque le patient ne trouve à s’exprimer que par des acting, l’analyste ne court-il pas lui aussi le risque d’agir, ou tout au moins de trop verbaliser ? Il est d’autant plus sollicité que la capacité de ces patients de jouer avec les mots est maigre. C’est un travail bien différent de celui qui passe d’emblée par le langage et la symbolisation. Fédida (ibid.) parle d’un travail de mise en images par l’analyste, d’une pensée « imageante » des vécus et des souffrances du patient. Il me semble que certaines traces d’éléments traumatiques précoces ne pourront s’élaborer qu’autour d’un « événement » fantasmatique ou historique repérable et imageable.

33Ces patients semblent souvent attacher une grande attention aux moindres détails de notre environnement, de notre style personnel, à la tonalité de nos mots ou de nos silences. Ils nous utilisent comme des véhicules, des outils pour se réapproprier de multiples manières ces expériences non subjectivées qui assaillent leur Moi. En premier lieu, l’analyste est « utilisé » par le patient, en tant qu’objet qui doit survivre à la répétitivité de ses attaques. A force de constater qu’il y survit, le patient peut se représenter les choses différemment et accéder à une activité plus symbolisante. Winnicott (1975) décrivait les choses ainsi : « Le sujet se relie à l’objet, le sujet détruit l’objet, l’objet survit, le sujet peut utiliser l’objet », et ceci dans une répétition inlassable. L’analyste convie en fait son patient à un jeu ; il l’invite à apprendre à jouer avec certains aspects de son expérience psychique, à la rejouer pour mieux se l’approprier et la symboliser et ainsi s’en rendre moins dépendant. Ainsi, le préconscient s’épaissit et devient ce terrain de jeu où affect et représentation peuvent se lier. Cette capacité progressive à jouer me paraît une notion précieuse, elle évoque bien l’idée de la construction à la fois d’un espace et d’un symbole.

34Une des difficultés avec ces patients manquant d’accès à leur inconscient est leur tendance à nous entraîner vers l’interpersonnel au détriment de l’intrapsychique. Pourtant la causalité psychique ne se contente pas d’une théorie des relations d’objet, qui se passerait de la théorie des pulsions, donc d’une source dynamique pulsionnelle. Green (1998, p. 89) affirme que cette causalité n’est ni intrapsychique, ni intersubjective, mais que c’est l’articulation de la théorie des pulsions et de la théorie des relations d’objet qui est à la base du processus psychique. Pourtant ces patients difficiles font tout pour nous pousser, nous, à évacuer l’inconscient et à travailler avec eux au niveau du principe de réalité, à travailler la relation d’objet en termes factuels et non en termes d’intrication avec la théorie des pulsions. Je pense à nouveau à ces patients qui ne parlent que de faits, comme si tout travail psychique était évacué de peur qu’il les confronte à une douleur insupportable. Là encore, on dirait que c’est à nous d’initier un travail de transformation de ces faits en énigmes ou en hypothèses représentables qui ouvriraient sur l’inconscient.

35Dans d’autres cas, le patient cherche à tout prix à nous déloger de notre position analytique d’interprète ou à induire en nous un contre-transfert paradoxal en réponse à son transfert paradoxal. Je pense à une patiente qui cherche de toutes ses forces inconscientes à me faire agir de quelque manière que ce soit. Parfois c’est comme si notre appareil psychique était envahi par la psyché du patient, puis soudain c’est le sentiment d’être totalement nié qui prend le dessus. Je pense aussi à ces identifications projectives violentes où une terreur primitive semble éjectée sur nous, ces patients nous faisant vivre des affects violents dont ils sont inconscients et qu’ils cherchent paradoxalement à faire reconnaître. Claude Janin (1996) souligne l’importance de ces vicissitudes transféro-contretransférentielles en montrant que c’est par cette voie qu’émergent l’inconscient et la compréhension d’un traumatisme non représenté qui tente de se manifester dans la cure et de produire des rejetons. Il utilise le terme d’« animisme » à deux pour illustrer l’intensité des processus régressifs. Pour lui aussi c’est un travail de construction à deux pour frayer des voies à la figurabilité. C. et S. Botella (2001) parlent d’« écoute régrédiente », définissant ainsi la disponibilité psychique de l’analyste qui devrait lui permettre d’opérer un travail de figurabilité à partir des propos du patient et de son propre appareil psychique. M. de M’Uzan (1976) évoque le fait que « ces pensées, qui appartiennent à l’analysé ou plutôt qui sont potentiellement en lui, se forment pourtant chez l’analyste ». Ceci souligne l’importance d’interventions échos de nos éprouvés, pour tenter de refléter une émotion à laquelle le patient n’a apparemment pas accès, mais qu’il semble nous demander de décrypter. On a vu comment cette tentative d’accéder à ces zones traumatiques impliquait l’analyste et sa capacité d’accueillir et de renvoyer en miroir des éléments de la problématique de son patient qu’il ne réussit pas à reconnaître. Lorsque la contrainte de répétition est au premier plan, on pourrait penser cette fonction miroir en termes de « réfléchir » la répétition. En effet, si elle se « réfléchit » et se fait voir, elle peut se représenter. « Réfléchir » serait là une sorte de miroir du « négatif » du patient, de ce qu’il ne sent pas de lui. Par ce biais, on pourrait imaginer des hypothèses concernant les relations précoces du patient et le mode d’expression de ses demandes à l’objet. Ce travail de construction me paraît narcissiquement fondamental pour des patients limites qui se présentent souvent à nous comme construits sur un vide.

36A côté d’un travail interprétatif ramassant ou synthétisant un mouvement psychique, il est parfois nécessaire avec ces patients, d’être une sorte de tête chercheuse, à l’affût de l’inconscient et de « mots qui touchent » (D. Quinodoz, 2002). Je repense souvent à une remarque de René Diatkine faisant allusion au tableau d’un maître hollandais où un personnage couché tend l’oreille, son regard s’illumine ; derrière lui quelqu’un exprime des mots qui visiblement le surprennent et l’interpellent. On sait d’ailleurs toute la valorisation narcissique que ces effets de surprise peuvent provoquer par leur ouverture vers l’inconnu et l’inconscient.

37J’espère avoir montré que les voies d’accès à l’inconscient sont variées et multiples ; en tout cas elles sollicitent grandement notre attention flottante et non flottante. Comme nous avons pu le constater, notre travail d’analyste consiste en une intrication, un va-et-vient constant entre un travail d’archéologue et une élaboration constructive, que l’on pourrait définir comme architecturale. On a vu l’apport fondamental des deux topiques freudiennes et des perspectives que chacune d’elles a ouvertes pour la compréhension de l’inconscient. En plus du rêve, du fantasme, de l’hallucinatoire, du délire et du retour du refoulé, il y a la question du retour de l’éprouvé sous différentes formes, mais aussi, comme on a pu le voir, les difficiles questions du retour du dénié et du clivé. Le parcours analytique reste plus que jamais orienté vers l’exploration de l’inconscient et de la sexualité infantile qui sont les aspects fondateurs de la découverte freudienne. Ce qui est espéré du travail analytique, c’est qu’il aboutisse un jour à ce que la fonction analysante de l’analyste puisse être introjectée par le patient et qu’en fin de cure il puisse suffisamment percevoir et jouer avec ses mouvements inconscients.

Bibliographie

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Mots-clés éditeurs : technique, inconscient, reconstruction

https://doi.org/10.3917/psys.034.0223

Notes

  • [1]
    Le début de ce texte est une conférence présentée lors du Symposium Scientifique Annuel de la Société Suisse de Psychanalyse, à Berne, en mars 2003.
  • [2]
    Psychanalyste, membre formateur de la Société Suisse de Psychanalyse, consultante au Département de Psychiatrie des Hôpitaux Universitaires de Genève.
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