Notes
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[1]
Traduit de l’anglais par Maud Struchen.
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[2]
Docteur en psychologie, psychothérapeute, ancien « Research Scholar » à Harvard University.
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[3]
A peu près au même moment, « en 1898 ou 1899 », Ludwig Jekels rencontra Freud pour la première fois. Il était à Vienne, visitant un grand nombre de médecins bien connus afin d’obtenir des recommandations de patients pour son sanatorium. Jekels y inclut Freud simplement parce que son nom était sur la liste des Dozenten [enseignants] de l’Université. « J’arrivai au début de l’après-midi – le moment le plus occupé de la journée pour un médecin renommé.… [L]a salle d’attente était complètement vide… J’expliquai l’objet de ma visite. Freud ne fut pas impoli, mais… il exprima clairement qu’en matière de thérapie courante de patients nerveux, il “pensait être complètement différent”. Ma visite était évidemment tout à fait vaine. Et quelques instants plus tard, je pris congé, grandement soulagé malgré mon échec » (Memoirs, Division des Manuscrits, Library of Congress, Washington DC [= LC]). Jekels rencontra à nouveau Freud autour de 1905, quand il se rendit à Vienne et assista aux cours de ce dernier à l’Université. Lui aussi devint un analysand de Freud.
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[4]
Dans son ouvrage de 1984, Masson a publié une partie d’une interview de Hirst, ainsi que des extraits de la correspondance entre Freud et Emma Eckstein.
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[5]
« [L]e premier rêve que [Freud] soumit à une interprétation détaillée » (1900a, p. 99) le 24 juillet 1895 (ibid., pp. 101-102). Quelques semaines plus tôt seulement, il avait écrit une note à Eckstein, sa « très chère et bonne Mademoiselle » (12.6.1895, LC), qu’il lui fallait annuler un rendez-vous parce qu’il devait rencontrer des hôtes à Bellevue.
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[6]
Ceci n’est évidemment pas très différent d’aujourd’hui, avec l’importante exception que la procédure de faire de candidats des patients a été institutionnalisée, tandis que la voie consistant à faire de patients des candidats est considérée comme la moins souhaitable, bien que cela se pratique assez souvent.
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[7]
Il refusait de prendre certains autres, cependant, par exemple Robert Bárány (futur lauréat du Prix Nobel), qu’il avait « jadis… refusé comme élève parce qu’il [lui] semblait trop anormal et antipathique » (Freud à Ferenczi, 31.10.1915 ; Freud/Ferenczi, 1996, p. 99).
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[8]
En ne comptant pas les pauses dues à la maladie et à la fatigue dans ses dernières années.
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[9]
En 1902, Freud fut nommé Professeur extraordinaire. C’était un simple titre nominal, mais cela donnait du prestige et contribuait à attirer davantage de patients.
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[10]
Je suis redevable à Carlo Bonomi de m’avoir rendu attentif à cela.
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[11]
Sur ces quatre pionniers, ainsi que sur les autres membres de la Société Psychanalytique de Vienne, voir Mühlleitner (1992).
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[12]
Le nombre actuel est légèrement plus bas, en raison de quelques cas de double adhésion (IPA, liste des membres, 1935, LC).
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[13]
Soit dit en passant, la société de loin la plus nombreuse était encore celle de Vienne (53 membres titulaires).
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[14]
Hans Zulliger écrit qu’il traversa une analyse en 1912 (Zulliger, 1966, p. 171).
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[15]
A la même époque, Ferenczi tomba amoureux de la fille de sa maîtresse, Elma, durant son analyse avec lui, et pressa Freud de continuer l’analyse. Ce dernier accepta. Ainsi Elma Pálos et René Spitz furent-ils traités par Freud dans le même temps.
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[16]
Le 10 février, dans une lettre circulaire, Oskar Pfister et Mira Oberholzer proposèrent la fondation d’une Société Suisse de Psychanalyse. La réunion subséquente pour l’organisation eut lieu le 21 mars ; la première séance, avec des conférenciers invités : Jones, Rank et Sachs sur « La psychanalyse comme mouvement intellectuel », se tint le 24 mars ; l’affiliation avec l’IPA y fut aussi décidée. Le premier président fut Emil Oberholzer, le vice-président Hermann Rorschach ; les autres membres du Comité étaient Binswanger, Morel et Pfister.
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[17]
En février 1910, Eitingon offrit à Freud les Œuvres complètes de Dostoïevski comme une sorte d’honoraire qui rappela à Freud ces « intéressantes promenades qui vraiment furent utiles à ma santé « (Freud à Eitingon, 17-2-1910, Sigmund Freud Copyrights, Wivenhoe).
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[18]
« L’histoire du travail pratique supervisé commence avec les nombreuses lettres écrites par Freud en réponse à des collègues lui demandant son avis sur des cas psychanalytiques » (Pomer, 1966, p. 55).
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[19]
« La Deuxième Guerre mondiale se trouve être le facteur le plus important dans l’ascension météorique de la psychanalyse » (Bettinger, 1986, p. 4).
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[20]
Sonu Shamdasani (communication privée) souligne qu’à la fois Nunberg et Eitingon avaient travaillé au Burghölzli, et que la proposition de Nunberg rencontra une forte résistance de la part de Viktor Tausk et d’Otto Rank.
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[21]
André Haynal (communication privée) note le fait intéressant que, bien que le mouvement psychanalytique ait quitté le monde académique, l’Institut de Berlin, et plus tard ceux établis sur son modèle, imitèrent une organisation et un curriculum académiques.
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[22]
Si l’on ne compte pas les « promenades analytiques » d’Eitingon avec Freud.
1L’accession de la psychanalyse au rang de méthode thérapeutique et profession a eu peut-être autant d’influence que l’impact des idées de Freud en général. Sans doute, diverses formes de « psychothérapies » existaient avant Freud, par exemple celles utilisant le magnétisme, l’hypnose, le somnambulisme, l’écriture automatique, les phénomènes occultes et le spiritisme, sans parler des formes religieuses de la cure par la parole, le shamanisme, la confession, etc. En fait, la fin du XIXe siècle a vu la naissance d’un grand nombre de psychothérapies (Shamdasani, 2000) et, à bien des points de vue, la méthode et la théorie de Freud doivent beaucoup plus à ces dernières qu’on ne l’a habituellement reconnu. Il a cependant réussi à créer une synthèse unique et particulièrement séduisante, avec une structure organisationnelle par laquelle les notions théoriques et pratiques pouvaient être transmises aux autres. Simultanément, cela a donné naissance à des liens fortement émotionnels entre les personnes impliquées, et ainsi posé les fondations d’un réseau généalogique encore en expansion aujourd’hui.
2En d’autres termes, Freud a fondé une profession et une organisation profanes de psychothérapie qui aussitôt occupèrent le centre de la scène et éclipsèrent tous les mouvements concurrents (tels que le Mouvement Emmanuel aux Etats-Unis, pour ne citer qu’un seul exemple ; cf. Gifford, 1997). La psychanalyse devint une identité professionnelle en soi, avec la médecine, la psychologie, la neurologie, etc., et un nombre considérable de personnes lui consacrèrent leur activité professionnelle et gagnèrent leur vie grâce à elle. De nombreuses formes contemporaines de psychothérapie ont été influencées par la théorie et la technique psychanalytiques (s’étant développées directement comme issues d’elle, ou selon une ligne parallèle, ou en opposition). Bien plus, elles ont aussi repris son style unique de formation : l’expérience personnelle par le futur thérapeute de la méthode qu’il ou elle utilisera ensuite sur les autres, et la supervision de ses premiers cas.
3Le mode actuel de formation psychanalytique revient au modèle « tripartite » développé à Berlin en 1920 : (1) l’analyse personnelle du futur analyste (« analyse didactique »), complétée par (2) des cours et séminaires théoriques, et (3) une supervision du travail clinique (« analyse de contrôle »). Ce modèle a été repris par l’Association Psychanalytique Internationale en 1925. Cela signifie, par exemple, que « les Sociétés américaines ont admis des personnes non analysées en tant que membres jusqu’en 1925 encore » (Lewin et Ross, 1960, p. 28). Même après cela, au moins aussi longtemps que Freud vécut, il y eut beaucoup d’exceptions. Mais comment devenait-on psychanalyste dans les trente années précédentes ?
4Le premier de tous les psychanalystes – Freud – le devint (ou affirma l’être devenu) à travers l’auto-analyse. Mais qu’en est-il de ses premiers collègues ? Suivirent-ils le modèle de Freud, ou eurent-ils déjà quelque chose comme l’analyse didactique d’aujourd’hui ? Et sinon, où l’analyse didactique entre-t-elle dans le tableau ? Quelle fut la toute première analyse didactique ?
Les deux premiers élèves
5Peut-être le tout premier élève « freudien » de Freud fut-il Felix Gattel (1870-1904 ; cf. Masson, 1985 ; Scharnberg, 1993 ; Schröter et Hermanns, 1992a, 1992b ; Sulloway, 1979, pp. 491-493). Pendant quelque temps, Freud fut « grandement content… de son intelligence » (Freud à Fliess, 18.6.1897 ; Masson, 1985, p. 253), et passa beaucoup de temps, même ses vacances, avec lui. Mais leur collaboration prit fin sur une note aigre. A l’instigation de Freud, Gattel collecta du matériel sur les causes sexuelles de la neurasthénie et de la névrose d’angoisse à la clinique psychiatrique de l’Allgemeine Krankhaus (l’hôpital général) de Vienne. Quand il projeta d’inclure, dans sa publication à paraître, « un grand traité dans lequel il s’occupe de la théorie de l’hystérie, avec la substance sexuelle » (Freud à Fliess, 30.1.1898 ; Masson, 1985, p. 297), Freud se sentit plagié : « Le “grand traité”… n’a jamais trouvé son chemin dans la monographie de Gattel » (Schröter et Hermanns, 1992a, p. 98) qui parut en 1898. Les conclusions de Gattel étaient à l’évidence largement basées sur de courts entretiens anamnestiques, mais il rapporte aussi l’« analyse » (Gattel, 1898, p. 57) d’un seul cas, Mlle Ella E., en neuf séances (dont elle manque une). Selon Jones (1953, p. 367), Gattel devint aussi le patient de Freud. Jones déduisit probablement cela de l’affirmation de Freud à Fliess qu’« on pourrait avoir à foison des élèves à la Gattel [en français dans le texte] ; mais en règle générale, ils demandent finalement eux-mêmes à être soignés » (2.3.1899 ; Freud, 1950a, p. 249) [3]. Fliess affirmait, lui aussi, que Gattel était « patient et élève » de Freud (Fliess, 1906, p. 18).
6Un exemple intéressant du cas inverse, c’est-à-dire d’un patient devenant un élève, est celui de la personne qui fut probablement la première candidate de formation de Freud (par opposition à un élève). Elle était la quatrième de neuf enfants d’une riche famille juive de fabricants de papier. Cette famille « alliait les meilleures traditions de la pensée libérale avec une conscience sociale chaleureuse. Sigmund Freud et Victor Adler étaient parmi les amis de la famille » (Glaser, 1981, p. 56). Elle était active dans le mouvement des femmes, dont deux des éminentes protagonistes, Rosa Mayreder (1858-1938) et Marie Lang (1858-1934), étaient parmi ses amies. On peut aussi trouver son nom dans le comité fondateur du I. Wiener Frauenklub (principal Club Viennois des Femmes ; Huber, 1986a, pp. 68-69). Elle resta célibataire et était, selon son neveu, Albert Hirst, « une très belle femme », possédant « des qualités exceptionnelles » (Masson, 1984, p. 217 [4]). (Ce neveu serait d’ailleurs devenu aussi un analysand de Freud, étant adolescent, deux ans plus tard).
7Freud la soigna au milieu des années 1890 et son cas fut, de nouveau selon son neveu, « l’un des premiers succès de Freud en tant qu’analyste, sinon le premier » (ibid.). Elle souffrit cependant d’une rechute, reprocha à Freud d’avoir mis fin à son traitement, voulait le poursuivre et demanda qu’il la traite gratuitement. Freud refusa d’abord de la prendre – prétextant qu’il avait trop à faire à ce moment – et lui écrivit que sa demande d’être traitée « sans attendre d’argent de vous est quelque chose, cela vous ressemble si peu que je suis convaincu que c’est la première chose que vous retirerez » (20.11.1905 ; Masson, 1984, p. 219). Plus tard, cependant, Freud alla « la voir pour tenter de continuer l’analyse » (ibid.), soutenant que ses troubles étaient d’origine psychique, alors qu’elle-même était persuadée qu’ils étaient de nature organique ; le neveu affirme aussi qu’il l’a soignée, « je suis sûr, sans paiement… Egalement, et c’était le plus inhabituel pour lui, il la traita chez elle, non à son bureau » (LC). Le 4 août 1906, Freud lui écrivit : « Je ne suis pas content de vous, et j’aimerais l’être » (LC). C’était pendant ses vacances dans le Tyrol du Sud, et il avoua que la raison pour laquelle il lui avait écrit était « un rêve la nuit précédente » (ibid.) – un rêve contre-transférentiel. Une fois déjà, cette patiente avait provoqué chez Freud un rêve contre-transférentiel qui deviendrait d’une importance primordiale pour lui.
8Le traitement de Freud prit fin, selon les souvenirs du neveu, quand une femme médecin, liée d’amitié avec la patiente, voulut « l’opérer » (Masson, 1984, p. 220) d’un prétendu ulcère ou abcès, « ou le draina » (autobiographie de Hirst ; LC). Le symptôme avait soudain disparu. Freud fut furieux de l’interférence, arrêta l’analyse, et prédit que la patiente resterait névrosée et clouée au lit pour le reste de sa vie. Cette prédiction se réalisa – avec l’intéressante exception que pour un court laps de temps, la patiente perdit ses symptômes et s’occupa de ses proches, qui étaient eux-mêmes alités durant une épidémie de grippe. « Il y eut une rupture complète entre Freud et elle » (interview de Hirst, LC) bien que, fait intéressant, elle conserva les lettres de Freud, et même prit des dispositions particulières dans une note laissée lors d’une tentative de suicide, disant qu’on devait les donner à son neveu.
9Tel fut le destin d’Emma Eckstein (1865-1924 ; cf. Huber, 1986a ; Masson, 1984, notamment pp. 205-221), et bien qu’elle ait acquis quelque notoriété pour son rôle dans la relation Freud/Fliess, pour avoir failli mourir après que Fliess eut oublié un morceau de gaze dans sa plaie opératoire, et pour son importance présumée quant au rêve de l’« injection faite à Irma » (Freud, 1900a, pp. 99-112) [5], on se souvient moins qu’elle devint aussi une thérapeute pour son propre compte. Nous savons de la correspondance avec Fliess (Freud à Fliess, 12.12.1997 ; Masson, 1985, p. 286) qu’elle traita une jeune femme ou jeune fille selon la ligne freudienne, mais seule une investigation complémentaire pourrait indiquer pendant combien de temps et avec quel sérieux elle travailla comme thérapeute. Ce ne fut peut-être qu’un bref interlude. Il faudrait cependant relever que son traitement avec Freud fut son seul type de formation. En outre, elle publia quelques articles, notamment très tôt un compte rendu de l’Interprétation des Rêves de Freud (cf. Huber, 1986b), et une monographie d’inspiration psychanalytique sur La question sexuelle dans l’éducation des enfants (Eckstein, 1904). Freud supervisa étroitement l’écriture du dernier, lui donna accès à sa bibliothèque, et projeta d’écrire un compte rendu pour la Neue Freie Presse.
Freud en tant que l’« Autre »
10Après avoir développé sa théorie du rêve, Freud pensa que d’autres pourraient simplement suivre son propre exemple – entreprendre une auto-analyse en analysant leurs rêves. A la même époque, il semblait avoir confiance en sa propre capacité de convaincre intellectuellement d’autres personnes de ses idées sans rencontrer de forte résistance. C’est seulement peu à peu qu’il conclut que la lecture de ses travaux et l’auto-analyse étaient insuffisantes, ou ne marchaient pas réellement, et devraient être complétées, voire remplacées par la psychanalyse elle-même.
11Il y a de sa part, sur ce sujet, des affirmations contradictoires, montrant son ambivalence et son malaise, mais aussi sa conscience des conséquences problématiques que cela entraînait. En 1910, par exemple, Freud tenait que « celui qui n’arrive à rien dans une telle auto-analyse… n’a pas autre chose à faire qu’à se contester à lui-même la capacité de traiter analytiquement des malades » (1910a, p. 67). Deux ans plus tard, il reconnaissait la nécessité d’une analyse didactique (voir ci-dessous), alors qu’en 1914 il affirmait qu’une auto-analyse avec l’aide des rêves serait possible et « peut suffire lorsqu’il s’agit d’un bon rêveur et d’un homme qui ne s’écarte pas trop de la normale » (1914d, p. 88). Il faut noter que Freud ne prétendit jamais qu’une analyse didactique devrait être aussi longue et aussi approfondie que celle d’un patient, ou même davantage (comme Ferenczi le pensa plus tard). En 1937 encore, il pensait qu’une analyse didactique « ne peut être que brève et incomplète » (Freud, 1937c, p. 264), et qu’elle remplirait son but si elle convainquait le candidat de l’existence de l’inconscient et lui montrait comment la technique agissait (ibid.).
12Le livre de Freud sur les rêves, qui offrait la promesse de décrire une méthode reproductible d’analyse des rêves, ne contenait pas une seule analyse complète d’un rêve. En fait, il ne démontrait même pas de manière convaincante sa principale thèse : que le rêve est la réalisation d’un désir inconscient (probablement infantile), parce qu’il ne révélait pas ce désir, laissait seul l’« ombilic » (1900a, p. 446), pour certains de ses rêves. Même l’interprétation du rêve « specimen » de l’injection faite à Irma (ibid., pp. 99-112) est complètement lacunaire à cet égard. Quand Abraham demanda « si l’interprétation est volontairement incomplète » et aventura quelques spéculations de son crû (« la seringue impure (!) ») (8.1.1908 ; Freud/Abraham, 1965a, p. 26), Freud donna un peu plus d’indications, mais ensuite déclara la discussion close : « Toutes choses intimes, naturellement » (9.1.1908, ibid., p. 28).
13Ainsi, si l’on voulait acquérir un savoir de première main de la méthode de Freud et la conviction, qu’il réclamait, d’être d’accord avec lui, la meilleure façon semblait de l’avoir essayée sur soi-même avec l’aide d’une autre personne, et la seule à approcher pour cette tentative était Freud lui-même. Inévitablement, une relation thérapeutique, ou quasi thérapeutique, s’ensuivait.
14Freud, pour sa part, était prêt à offrir une telle assistance, comme dans le cas de Heinrich Gomperz (1873-1943), fils de l’ex-patiente de Freud Elise et du philologue Theodor Gomperz, qui avait servi de médiateur pour la traduction par Freud de John Stuart Mill. Manifestement, Freud espérait pouvoir faire de Heinrich Gomperz un élève (note éditoriale, Masson, 1985, p. 388), quand il suggéra à son collègue de l’université de faire de lui un analysand : « Très honoré Docteur,… si vous pouvez prendre votre parti de ce danger et me pardonner l’indiscrétion dont je devrai faire usage pour voir et explorer en vous, me pardonner aussi les affects pénibles que je serai probablement obligé de susciter en vous – bref, si vous voulez appliquer aussi à votre vie intérieure l’inexorable amour de la vérité des philosophes, je serai très heureux de jouer auprès de vous le rôle de l’“autre” au cours du travail.… La perspective de vous convaincre, à quelque degré que ce soit, de la justesse de mes découvertes me tente énormément et votre allusion au fait que vous pourriez peut-être vous-même aborder scientifiquement ce sujet équivaut vraiment pour moi à un accomplissement de désir… Je vous tiens pour un hystérique, qui peut être aussi très bien portant et capable de résistance. En tous les cas nous rencontrerons des difficultés – je ne sais pas lesquelles car, jusqu’ici, personne de votre valeur intellectuelle ne s’est encore mis à ma disposition » (15.11.1899 ; Freud, 1960a, pp. 254-255). Malheureusement, l’expérience échoua et Freud « ne… réussit pas à convaincre [son] philosophe » (9.12.1899 ; Masson, 1985, p. 271). Gomperz affirma plus tard que Freud lui avait dit qu’il était l’une des deux personnes dont il ne pouvait pas analyser les rêves (note éditoriale, ibid., p. 388).
15L’analyse par Freud d’un autre collègue, le psychologue Hermann Swoboda (1873-1963), ne fut pas non plus entièrement couronnée de succès. De nos jours, on se souvient de Swoboda, dans les cercles psychanalytiques, surtout pour son rôle dans le conflit à propos de plagiat entre Freud, Fliess et plus tard Otto Weiniger, mais on se souvient moins qu’il fut aussi l’un des collègues universitaires de Freud que ce dernier traita comme patient, bien que n’ayant pas réussi à le convertir à ses idées. En 1906, au plus haut du conflit de priorité, Freud mit une grande partie du blâme sur son ex-patient. Swoboda était fâché par la publication d’extraits de lettres de Freud à Fliess – par Fliess lui-même (1906, pp. 18-23) et par Pfennig (1906) – qui contenaient des remarques peu flatteuses de Freud à son sujet (cf. Freud, 1950a, p. 37, note 1, et pp. 288-289, note 1). Freud soutint ces remarques comme entièrement justifiées et réprimanda à nouveau Swoboda pour sa « gratitude névrotique » (19.7.1906, LC), pour ses « manières rudes », et pour être « un anti-sémite racial ». Il se sentait « déçu et blessé » par le comportement de Swoboda (Freud à Swoboda, 6.8.1906. LC).
16En 1903, le psychologue et psychiatre allemand Willy Hellpach (1877-1955) avait publié une critique de la théorie des rêves de Freud dans le journal Der Tag. Freud envoya une réplique (9.10.1903, LC, et Gundlach, 1977), attribuant largement cette critique à des malentendus (« Si quelqu’un désirait formuler le contenu de ma théorie des rêves comme suit : Le rêve est la réalisation d’un désir ou de son opposé – anxiété, peur [Befürchtung] – je n’aurais pas d’objection », ibid.). Une correspondance s’ensuivit. Freud était impatient de persuader Hellpach, interpréta l’un de ses rêves par courrier (Freud à Hellpach, 10.6.1904, ibid.), et espérait qu’il reprendrait finalement sa théorie de l’hystérie si seulement il voulait bien « laisser sa propre expérience et plus tard les communications suivantes avoir une influence sur le changement de [ses] vues » (ibid.). Le 30 novembre 1904, Freud plaida à nouveau auprès d’Hellpach, dans l’espoir que ce dernier « serait aussi surpris par le rôle que joue la sexualité dans les névroses que je l’ai été, moi qui, comme élève de Charcot, n’y étais certainement pas préparé. J’ai foi en vous – et j’en dis long par là – qu’alors vous n’hésiterez pas à l’admettre » (ibid.). Après avoir lu le Grundlinien einer Psychologie der Hysterie de Hellpach (1904), qui critiquait la théorie sexuelle et le concept de Freud de l’inconscient, ce dernier lui envoya une lettre très amicale et souhaita au livre « un grand succès » (5.2.1905, ibid.).
17Vers 1910, cependant, Hellpach était devenu un opposant, « à l’affût » (Freud à Jung, 31.10.1910 ; Freud/Jung, 1974, p. 108) des signes de « l’inévitable écroulement du mouvement freudien (Hellpach, ibid.). Freud était fâché par son « bavardage » (Freud à Abraham, 3.7.1910 ; Falzeder, 2002, p. 114), et Jung était consterné « du fabuleux délire de ce lamentable écrivaillon » (Jung à Freud, 18.1.1911 ; Freud/Jung, 1974, pp. 132-133).
18Aussi tard qu’en 1907, Freud analysa le caractère du psychologue Wilhelm Betz (cf. Betz, 1918, 1927) sur la base d’un livre manuscrit et de leur correspondance (Freud à Betz, 4.11.1907, LC), ajoutant : « J’espère apprendre davantage de vos rêves et j’aimerais laisser entièrement tomber ce premier diagnostic quand j’aurai une meilleure information » (ibid.). De fait, le 24 novembre 1907, Freud envoya à Betz une sorte de brève analyse des rêves de ce dernier (LC) – une autre analyse par correspondance.
19Dans ces premiers temps, on ne peut pas encore parler de « psychanalystes ». Freud essayait de convaincre d’autres collègues – médecins, psychologues, psychiatres, philosophes – de sa théorie qui, il en était certain, devrait « entraîner un jour un renversement de la psychologie » (Freud à Hellpach, 9.10.1903, LC, et Gundlach, 1977) et qui « deviendra sûrement un jour un savoir courant » (Freud à Sadger, 20.1.1902, LC). Par la suite, comme jusqu’à la toute fin de sa vie, il fut beaucoup plus soucieux de fonder une nouvelle science de l’homme que simplement une branche de la psychiatrie. Et il essaya de persuader les autres en démontrant sa méthode in vivo.
20En somme, si l’on voulait apprendre la psychanalyse, ou même l’utiliser dans la pratique, on pouvait commencer soit en tant que collègue ou disciple intellectuellement intéressé, et probablement finir comme patient ; soit en tant que patient, avec l’option de devenir psychothérapeute par la suite [6]. En fait, le traitement et l’enseignement (ou la formation, si on peut l’appeler ainsi) étaient virtuellement indistincts l’un de l’autre. En d’autres termes, il n’y avait pas encore de distinction claire entre « ceux identifiés comme “patients” et ceux identifiés comme “analystes” » (Vida, 1998).
21Freud lui-même était ambigu quant à ce mélange. D’un côté, il était disponible sans réserve pour certains collègues [7], d’un autre côté sa soif de reconnaissance était mitigée : « Je redoute l’adulation de partisans très jeunes et dépourvus de sens critique » (Freud à Fliess, 2.3.1899 ; Freud, 1950a, p. 249), adulation qui lui donnait un sentiment de « dégoût » (Freud, 1900a, p. 401), et les frontières floues entre l’enseignement et la thérapie le mettaient mal à l’aise. En tout cas, il n’attira pas un nombre remarquable de disciples et presque aucun de ces tout premiers patients/élèves ne resta avec lui ou au sein de la famille psychanalytique. Manifestement, la façon expérimentale et quelque peu contradictoire de Freud d’essayer de convaincre les autres de ses idées par un mélange d’écrits, d’enseignement et de traitement ne fut pas une réussite.
Le Groupe
22Après la publication de l’Interprétation des Rêves (1900a) et le refroidissement, puis la rupture définitive de sa relation avec Fliess, Freud était à un carrefour. Il approchait de cinquante ans, et voyait derrière lui une série d’impasses et d’échecs. Pratiquement toutes ses relations avec des partisans ou disciples potentiels (par exemple Josef Breuer, Emma Eckstein, Wilhelm Fliess, Felix Gattel, Heinrich Gomperz, Hermann Swoboda) étaient dénouées ou sur le point de l’être. Les amis personnels qui restaient (Emmanuel Löwy ou Oscar Rie, par exemple) n’avaient rien à faire avec la psychanalyse. Sa carrière académique, également, était arrivée à une impasse. C’était dû en partie à une attitude hostile, ou au moins peu accueillante, de la part des pouvoirs en place, mais il est également clair que Freud n’avait pas poursuivi une carrière sans détours. Il avait envisagé, ou essayé et abandonné, des carrières de philosophe, de zoologue, de politicien, de pédiatre, de psychopharmacologue et de neurologue. Bien qu’il eût été à deux reprises très proche de la célébrité, une fois il avait laissé passer la chance de faire une importante découverte, et la seconde fois avait à tort proclamé qu’il l’avait réellement faite. Ce n’est pas lui, mais son ami Carl Koller qui découvrit l’emploi médical de la cocaïne, alors que Freud restait simplement connu comme celui qui avait imprudemment et aveuglément recommandé l’usage de cette drogue, par exemple pour soigner le morphinisme, avec des résultats désastreux. Et peu de temps après avoir déclaré que sa prétendue théorie de la séduction était la découverte d’un « caput Nili » (une source du Nil, Freud, 1896 ; Masson, 1985, p. 184), il dut se rétracter, même s’il ne le fit qu’en privé.
23Restait la psychanalyse. Sans un disciple, déçu par l’échec du soutien de ses collègues du même âge ou qui pouvaient avoir été ses « pères » scientifiques, Freud se tourna pendant un moment vers la « fraternité » B’nai B’rith. C’était une société très respectable, à laquelle appartenaient pratiquement tous les membres éminents de la communauté juive de Vienne (interview de Klemperer, LC). Pour quelque temps ce fut le principal auditoire de Freud. Ainsi, il y parla de l’« Interprétation des rêves » (7 et 14.12.1897 ; cf. Klein, 1981, pp. 155-157) avant d’avoir publié sur le sujet. Il resta toujours reconnaissant pour le soutien et le sentiment d’appartenance que cette loge lui avait donnés, mais ce n’était pas le cercle où recruter des élèves ou des disciples.
24Si le « splendide isolement » de Freud (1914d, p. 90) n’était probablement pas aussi complet qu’il le prétendit plus tard, il n’était pas non plus si splendide. A l’évidence, il traversait une crise sérieuse : ce fut la seule période prolongée de sa vie d’adulte où il ne publia pas [8]. A l’exception de deux comptes rendus de livres et de quelques lignes, il ne publia rien du tout de 1902 à 1904. Lui-même prétendait que c’étaient les « manifestations d’un air supérieur malveillant, qui était la seule réaction qu’[il] pouvait tirer de ses collègues viennois », qui l’avaient « détourné de publications ultérieures » (Freud à Hellpach, 30.11.1904, LC, et Gundlach, 1977), mais rien ne permet de penser qu’il ait retenu certains travaux notables, sauf l’histoire du cas de Dora, écrite en 1901 (Freud, 1905e). Il semble, en fait, que pendant quelque temps il n’écrivit pas.
25Comme Privat Docent (depuis 1895), Freud avait déjà enseigné depuis plusieurs années à l’Université de Vienne. Sans entrer dans les détails (cf. Eissler, 1966 ; Gicklhorn et Gicklhorn, 1960 ; souvenirs de Klemperer, LC ; Sachs, 1960), il est intéressant de remarquer que son auditoire était souvent très peu nombreux (si bien que parfois il avait de la peine à avoir les trois étudiants requis pour qu’un cours puisse se tenir [« tres faciunt collegium »], et que cela incluait plusieurs étudiants non médicaux. D’ailleurs, seuls très peu d’entre ces premiers étudiants entrèrent dans le mouvement psychanalytique [9].
26Un tournant survint en novembre 1902. Freud invita une poignée de collègues – qui n’étaient plus des étudiants, mais étaient plus jeunes que lui – à discuter « les thèmes de la psychologie et de la neuropathologie qui nous intéressent » (Freud à Adler, 2.11.1902, LC) : Alfred Adler (1870-1937), Max Kahane (1866-1923), Rudolf Reitler (1865-1917) et Wilhelm Stekel (1868-1940).
27La priorité d’avoir été le premier médecin à entreprendre une brève analyse avec Freud revient probablement soit à Felix Gattel, soit à Wilhelm Stekel. Ce dernier eut huit séances avec Freud en raison d’une impuissance (cf. Stekel, 1950, pp. 107-108, 115), après quoi ce fut lui qui proposa un groupe de discussion. (Dans sa lettre à Stekel du 4.2.1904 [LC], Freud parle de « la société psychologique fondée par vous »). Stekel devint l’un des tout premiers analystes praticiens et, pour quelques années, l’un des plus importants disciples de Freud.
28Ces hommes se rencontraient en privé dans l’appartement de Freud et formèrent le noyau de ce qu’on connaît sous le nom de Société du Mercredi. Tous ces membres fondateurs étaient des docteurs en médecine ayant un intérêt spécial pour les névroses, mais ils n’étaient pas psychiatres. A l’exception de Stekel, il n’y a pas d’indication que l’un d’entre eux ait eu une expérience analytique. Adler et Stekel sont bien connus aujourd’hui, mais Rudolf Reitler et Max Kahane sont pratiquement oubliés. L’un et l’autre ont assisté aux premiers cours de Freud à l’Université, et tous deux étaient des thérapeutes pratiquant des traitements physiques : « Il n’y avait pas longtemps que les névrosés étaient traités seulement par l’électricité et l’hydrothérapie ; c’est pourquoi des thérapeutes “physiatres” comme Reitler et Kahane furent parmi les tout premiers disciples de Freud » (Hitschmann, note autobiographique, LC). Reitler était directeur d’un sanatorium à Vienne ; selon Jones, il devint « la première personne après Freud à pratiquer la psychanalyse » (Jones, 1955, p. 7).
29« Kahane était un ami de jeunesse de Freud » (Wittels, 1924, p. 279). Ils travaillèrent probablement ensemble à la Clinique des Enfants de Kassowitz (Hochsinger, 1938, pp. 13, 46) [10]. Il est intéressant de remarquer que Kahane était le traducteur en allemand de la seconde partie des conférences de Charcot, dont la première partie avait été traduite par Freud (Charcot, 1892, 1895). Il travaillait au Allgemeine Krankenhaus [Hôpital Général] à Vienne, et fonda et dirigea un Institut für physicalische Heilmethoden [Institut pour les méthodes de traitement physique]. Kahane était un auteur extrêmement prolifique, principalement de manuels médicaux pour les praticiens et les étudiants. Il ne publia aucun texte psychanalytique, quitta le groupe en 1907, et se brouilla avec Freud peu de temps après. (Wittels donne deux dates différentes de cette rupture : « [e]nviron quinze ans avant sa mort » – datant ainsi la rupture autour de 1908 – ou « vers 1912 » ([Wittels, 1924, pp. 279, 341). Dans son livre Therapie der Nervenkrankheiten [Sur la thérapie des troubles nerveux] (1912), Kahane faisait la liste des méthodes pharmacologiques, hygiéniques, diététiques, climatologiques, électrothérapeutiques, thermales, hydrologiques, mécaniques et chirurgicales, mais pas la psychothérapie, et moins encore la psychanalyse. Il tempêtait même contre le fait « de trop insister sur la sexualité », qui serait « même dans le genre d’une présentation scientifique, un facteur significativement nuisible pour la culture [kulturschädigend], parce que seuls le travail, la tempérance et la droiture représentent la base d’un développement matériel, intellectuel et éthique salutaire, alors qu’une prépondérance de la sexualité, un combat contre le mariage et la procréation et une croissance régnante de l’élément sexuel dans la littérature et l’art doivent absolument être vus comme des symptômes de déclin » (ibid., notre trad., souligné dans l’original).
30De ce premier cercle, seul Rudolf Reitler resta un adepte de Freud [11]. Sans aucun doute, ce forum était très important pour ce dernier, mais il n’avait pas beaucoup d’impact sur des cercles plus larges. Tels furent les débuts discrets d’un mouvement qui, quelque trente ans plus tard, comptait 374 membres titulaires actifs [12] dans 15 pays à travers le monde (USA, Allemagne, Inde, Israël, Hongrie, Pays-Bas, Norvège, Danemark, Suède, Finlande, France, Russie, Suisse, Japon, Autriche [13]), presque tous pratiquant la psychanalyse comme profession, et aujourd’hui compte quelque 10.000 analystes dans les seuls Etats-Unis, dont environ un tiers sont membres de l’Association Psychanalytique Internationale fondée par Ferenczi et Freud en 1910. Mais revenons aux débuts.
La « Swiss Connection »
31Tandis que Freud et ses premiers disciples se rencontraient le mercredi et discutaient d’un large éventail de sujets, de l’usage du tabac à l’amitié, de la sexualité féminine aux confessions autobiographiques sur les années précédant le mariage, un changement majeur se produisit, déplaçant le centre de la psychanalyse loin de Freud et de Vienne. Il n’y a pas de doute qu’un nouvel espoir très important apparut sur l’horizon de Freud quand deux jeunes Suisses, Carl Gustav Jung (1875-1961) et son élève Ludwig Binswanger (1881-1966), lui rendirent visite en mars 1907, envoyés par le Burghölzli, la clinique psychiatrique universitaire de Zurich (Suisse), dirigée par Eugen Bleuler. Ceci fit naître la perspective que les portes de la psychiatrie et de l’université pourraient s’ouvrir à travers Bleuler, professeur à l’Université de Zurich, et aussi à travers l’oncle de Binswanger, Otto Binswanger, professeur et directeur de la clinique psychiatrique à l’Université de Iena (Allemagne). J’ai décrit ailleurs en détail le bref mais intense flirt entre la psychiatrie « officielle » et la psychanalyse, les analyses par Freud de Bleuler et de James Jackson Putnam, et la rupture définitive entre Bleuler et Freud, si bien que je renvoie les lecteurs à mon article récemment publié dans la présente revue (Falzeder, 2003).
32Aucune des « analyses » mentionnées jusqu’ici. cependant, que ce soit celles de Eckstein ou Spielrein, de Ferenczi, Gross, Stekel ou Seif, de Bleuler ou Putnam, ne peut être d’une façon quelconque qualifiée d’analyse didactique selon les standards contemporains. Quelle fut donc la première analyse d’un collègue avec le but explicite de reproduire plus ou moins l’analyse d’un patient en longueur et en profondeur ?
Rien dont il faille avoir honte
33Ernst Jones écrit : « Je fus, me semble-t-il, le premier analyste ayant décidé de se faire analyser » (Jones, 1955, p. 172), exagérant légèrement la durée (« été et automne ») et l’originalité (« c’était une idée révolutionnaire ») de cette analyse (Jones, 1959, p. 213). L’analyse de Jones avec Ferenczi à Budapest se fit pendant deux mois en été 1913, à raison de deux heures par jour (Freud/Ferenczi, 1922 ; Freud/Jones, 1993).
34Jones fait erreur non seulement sur la durée de sa propre analyse, mais aussi sur sa primauté. Je vais donner quelques détails sur deux autres analyses de collègues, conduites par Freud avant celle que Jones a eue avec Ferenczi. (A peu près au même moment, en 1913-1914, Clarence Oberndorf était analysé par Paul Federn, qui était alors aux Etats-Unis ; Lewin et Ross, 1960, p. 13) [14].
35Le 11 août 1911, Freud écrit à Ferenczi depuis ses vacances à Klobenstein, dans le Sud Tyrol (en réponse à une communication de Ferenczi non retrouvée) : « Si l’on peut prendre le Dr Spitz au sérieux, je suis d’accord. Mais c’est la condition ; sinon ce serait trop désagréable de prendre un médecin comme patient. Comme vous le recommandez chaudement, il me semble que tout est en ordre » (Freud/Ferenczi, 1992, p. 316). Il s’agit de feu le célèbre psychanalyste et psychologue développemental René A. Spitz (1887-1974), qui commença une analyse avec Freud en octobre 1911. Freud garda Ferenczi informé : « Le Dr Spitz est très intéressant, toutes les fioritures sont tombées et il se conduit tout à fait correctement, comme un bon névrosé avec de fortes résistances » (5.11.1911, ibid., p. 326). « Dr Spitz a un peu voulu jouer l’important et il en a été puni par un retrait de trois séances. Depuis lors, il semble vouloir prendre les choses plus au sérieux. Ses ressorts sont fort diminués, puisqu’il veut céder à son père et ne pas rester médecin. Il est, toutefois, bien gentil » (30.11.1911, ibid., p. 333) [15].
36Environ trois mois plus tard, le jeune médecin suisse Emil Oberholzer (1883-1958) écrivit à Freud. Je n’ai pas pu retrouver cette lettre, mais sa demande peut se déduire de la réponse de Freud du 1er mars 1912 : « J’approuve certes votre plan et j’appuierai personnellement, dans une publication, l’idée que chaque analyste devrait avoir subi lui-même une analyse. Ainsi, si vous pensez que vous avez besoin de mon aide, je ne serai que trop heureux de vous la donner » (LC). Freud proposa même d’interrompre le traitement de l’un de ses patients afin de libérer une place pour son collègue, mais il ne voulait pas subir une perte substantielle de revenu : « Malheureusement, je suis… dans l’embarrassante situation de devoir demander des honoraires aussi aux collègues, à qui je préférerais donner tout mon intérêt sans être payé pour cela » (ibid.). En plus, il y avait la question de la discrétion et de savoir si cette analyse serait ou pourrait être gardée secrète : « Le Dr Jung ne sera pas informé de votre suggestion, ni personne d’autre, même si je pense que votre présence à Vienne peut difficilement être dissimulée. Mais une analyse n’est rien dont il faille avoir honte entre nous » (ibid.).
37A nouveau trois mois plus tard, Oberholzer commença son analyse et Freud, non seulement se hâta d’informer Jung (Freud à Jung, 13.6.1912 ; Freud/Jung, 1974, p. 281), mais aussi fit un rapport à l’épouse d’Oberholzer, Mira, née Gincburg (1887-1949), elle-même l’une des premières femmes analystes pour son propre compte, qui avait envoyé à Freud quelques informations supplémentaires sur son mari. Freud, délibérément, n’avait pas lu ces notes, lui dit-il, parce qu’il avait décidé « de le traiter aussi correctement, c’est-à-dire aussi sévèrement que possible – et pour une telle entreprise toute information qui ne vient pas du patient [sic] lui-même est perturbatrice [störend] » (6.6.1912, LC). Il ajoutait qu’à son avis, – ce qui fut sans doute peu rassurant pour Mme Oberholzer – son mari souffrait de « troubles très sérieux. Malheureusement, cinq semaines ne sont pas un temps suffisant pour apporter un changement. Ce que je peux faire est de le traiter aussi profondément que possible. Dans la première séance il s’est montré très désagréable et m’a ainsi révélé plusieurs choses cachées. Mais ensuite, dans la deuxième heure, il était aimable, ce qui me fait craindre qu’il cachera maintenant ses résistances pour qu’elles ne soient pas découvertes. Mais je promets d’avoir l’œil sur lui » (ibid.).
38Sept ans plus tard, cet ancien patient était sur le point de devenir président de la Société Suisse. Freud n’en était pas partisan et exprima sa forte désapprobation à Ferenczi : « Le président devrait être Oberholzer, qui ne me pose problème qu’en sa qualité de névrosé grave. Assurément, ils ont en Suisse un élevage de fous pur sang tout à fait particulier » (Freud à Ferenczi, 24.1.1919 ; Freud/Ferenczi, p. 364, souligné dans l’original).
39Néanmoins, Oberholzer devint co-fondateur, en 1919, de la « Société Suisse de Psychanalyse » (qui existe encore aujourd’hui) [16], et il devint son premier président, restant à ce poste jusqu’en 1927, lorsque lui-même et neuf autres se séparèrent d’elle, fondant leur propre groupe psychanalytique purement médical. A cette occasion, Max Eitingon répéta qu’il avait été « tout à fait clair pour nous tous » que Oberholzer était « un névrosé complètement intraitable » (lettre circulaire du 16 février 1928 ; Archives de la British Psycho-Analytical Society). Par la suite, le groupe d’Oberholzer fut dissout, après l’émigration de ce dernier en 1938 : lui et sa femme partirent pour New York City et rejoignirent la Société locale.
40Spitz et Oberholzer furent probablement les premiers à chercher activement l’expérience d’une analyse « didactique » (Jones s’étant vu plus ou moins ordonner par Freud d’en faire une), et bientôt deux autres suivirent. C’était encore une exception rare, certainement pas considérée comme une condition préalable obligatoire pour exercer la psychanalyse, et elle était pratiquement limitée aux membres de la « seconde génération ». Des membres éminents parmi la première génération, seul Jones et plus tard Ferenczi – dont trois courtes tranches d’analyse avec Freud pendant la Première Guerre mondiale sont déjà bien connues aujourd’hui (cf. Dupont, 1994 ; Falzeder, 1996 ; Hoffer, 1996) – furent près d’avoir une analyse stricto sensu. A la fin de 1909, Eitingon était à Vienne et se fit analyser par Freud « au cours des promenades du soir » (Freud à Jung, 17.10.1909 ; Freud/Jung, 1974, p. 336) [17]. Freud analysa Van Emden pendant des promenades l’après-midi alors qu’ils étaient en vacances à Karlsbad (Freud à Ferenczi, 5.7.1911 ; Freud/Ferenczi, 1992, p. 310). De même, Abraham A. Brill « et Freud faisaient de longues promenades, discutant de psychanalyse, se racontant l’un à l’autre leurs rêves, et les analysant » (Romm, 1966, pp. 212-213). Freud, Ferenczi et Jung analysèrent mutuellement leurs rêves à bord du bateau qui les emmenait en Amérique en 1909. Rank, se sentant déprimé, avait prévu d’aller trouver Jones en Angleterre pour une analyse en 1914, mais ce projet n’aboutit pas en raison de l’éclatement de la Première Guerre mondiale. C.G. Jung affirmait, dans sa lettre à Freud du 18 décembre 1912, qu’il s’était soumis « lege artis et tout humblement » à l’analyse (Freud/Jung, 1974, p. 311), mais il semble hautement improbable qu’il se soit agi d’une analyse prolongée et en profondeur. (L’analyste de Jung pourrait avoir été Maria Moltzer [1874-1944], plus tard une éminente analyste jungienne). Karl Abraham, Alfred Adler et Hanns Sachs ne furent pas analysés du tout.
41Dans leur activité clinique, pratiquement tous ces pionniers expérimentèrent et souvent entrèrent dans des difficultés avec leurs patients, bien que rien n’en ait été écrit dans la littérature. De nouveau, beaucoup d’entre eux vinrent demander conseil à Freud. Si l’analyse des débuts était menée, dans une mesure considérable, par des échanges de lettres, il en fut de même pour les débuts de la supervision : la correspondance professionnelle de Freud à cette époque est souvent une supervision épistolaire [18].
42La publication des lettres Freud/Edoardo Weiss est très justement intitulée Freud comme consultant (Freud/Weiss, 1970). La correspondance Freud/Pfister (1963, et LC) tourne autour de deux cas cruciaux (qui ont été lourdement censurés dans la version publiée). Immédiatement après sa première visite à Freud, Ferenczi lui demanda son avis sur le traitement d’une femme paranoïde et sur la possibilité de se passer d’un traitement en institution (10.2.1908 ; Freud/Ferenczi, 1992, p. 6). La correspondance Freud/Jung commence sur le ton sombre du compte rendu d’une analyse difficile avec une étudiante russe – Sabina Spielrein. Un thème capital dans leur échange fut aussi le cas de Mme Hirschfeld, patiente à la fois de Freud et de Jung (Falzeder, 1994b). Abraham écrivit à Freud, le 8 janvier 1908, qu’il avait pris en analyse un cas de névrose obsessionnelle, avait réussi à découvrir deux souvenirs, mais était maintenant dans une impasse. « Voilà le point jusqu’où je suis arrivé en deux séances sans de trop grandes résistances. Mais maintenant, je suis arrêté… Je suis certain de n’avoir mis à nu qu’une partie seulement du matériel refoulé, mais jusqu’à présent je n’ai pas trouvé d’accès. Peut-être pouvez-vous, à partir de cas semblables, indiquer une voie pour parvenir aux couches plus profondes » (Freud/Abraham, 1965, pp. 24-25). Freud répondit par retour du courrier : « Je vous écris rapidement, d’une manière peu soignée, afin que vous puissiez tirer parti au plus vite de mes renseignements. Je suis contrit que vous ayez peur de rester en panne ; cela ne m’arrive pas une seule fois dans l’année. Il faut que je vous fasse rapidement connaître les règles techniques.… Règles principales : (1) “Laisser le temps”.… Après deux heures, déjà insatisfait. Comme si l’on pouvait tout savoir ! (2) Le problème : comment vais-je trouver davantage ? n’a pas lieu d’être. Le patient montre le chemin : en suivant strictement la règle analytique (tout dire ce qui lui vient à l’esprit) il montre chaque fois sa surface psychique » (9.1.1908 ; ibid., pp. 27-28).
43En 1908, face aux problèmes de ses disciples, Freud commença d’écrire le texte auquel il fait allusion dans sa lettre à Abraham, une vue d’ensemble, « une méthode générale de la psychanalyse » (cf. aussi Freud à Ferenczi, 26.11.1908 ; Freud/Ferenczi, 1992, p. 29). Cependant, il abandonna ensuite ce projet et, à la place, écrivit entre 1911 et 1914 une série de six articles courts et non systématiques sur des recommandations techniques (1911e, 1912a, 1912b, 1913c, 1914b, 1915a [1914]). Plus tard, il qualifia ces conseils de moyens pour « les débutants » (Blanton, 1971, p. 47) et « surtout négatifs » (Freud à Ferenczi, 4.1.1928 ; Freud/Ferenczi, 2000, p. 370). Et c’était bien cela, comme James Strachey le nota : « Dans les vingt ans qui suivirent leur publication, il ne fit rien de plus que deux contributions plus explicites sur le sujet » (in : Standard Edition, 13, p. 86).
L’Institut
44La Première Guerre mondiale mit une fin temporaire à l’expansion de la psychanalyse. Les revues furent arrêtées ou réduites en fréquence et en longueur. Publier était presque impossible en raison du manque de papier. Beaucoup parmi les patients, collègues et élèves de Freud étaient appelés sous les drapeaux. En même temps, cependant, la guerre fit avancer la psychanalyse, comme le ferait plus tard la Seconde Guerre mondiale [19].
45Le cinquième Congrès Psychanalytique International, à Budapest, en septembre 1918, fut un grand moment pour le mouvement psychanalytique. Il était lié de très près à la guerre ; son sujet : les névroses de guerre. Des officiels militaires de haut rang et le maire de Budapest étaient parmi les participants, presque tous les analystes (à l’exception de Freud) étaient en uniforme. « Réception officielle par le bourgmestre, banquet savoureux, présences du chef de service de la santé de Budapest, d’un général autrichien, de deux représentants officiels du ministre de la Guerre allemand, jouissance de la salle des séances de l’Académie des Sciences… Ils croient maintenant qu’il pourraient avoir besoin de nous dans des buts pratiques, mais ils ne semblent pas avoir de compréhension pour une étude scientifique des névroses de guerre », écrit Freud (4.10.1918, in : Andreas-Salomé, 1966, pp. 108-109).
46Freud donna un exposé sur « Les voies nouvelles de la thérapie psychanalytique » (1919a) qui peut être considéré comme son chant du cygne sur le sujet. Dans cet article, il parlait d’« un nouveau domaine de la technique analytique… dont l’élaboration requerra des efforts approfondis » (ibid.), nouveau développement dans la thérapie qui « empruntera d’autres voies… avant tout celles que Ferenczi… a… caractérisées… comme étant l’“activité” de l’analyste » (ibid., p. 102). Freud lui-même ne s’aventura pas plus loin dans les explorations de l’innovation technique. A peu d’exceptions près, il renonça aussi aux analyses thérapeutiques et se limita aux analyses didactiques.
47Ferenczi fut élu président, et von Freund secrétaire de l’Association Psychanalytique Internationale. Anton von Freund (Antal Freund von Tószeghi) (1880-1920), Dr phil., était le riche directeur de la Bürgerliche Brauerei Aktiengesellschaft [Brasserie de la Ville S.A.] à Budapest. Il était en analyse avec Freud de façon intermittente depuis 1915 (von Freund à Freud, 4.1.1916, Freud Museum, Londres). Le 7 avril 1918, Freud écrivit à Ferenczi que « le Dr Freund est en train de se détacher d’un bout de sa vieille névrose. Il est délivré de ce qui était délirant, mais son humeur est encore inégale. Sa propension à aider est maintenant au premier plan, moi aussi il veut m’aider, et il a formulé à cet égard une intention sur laquelle j’aurais voulu avoir votre opinion. Sa tendance à surpayer mérite d’être notée » (Freud à Ferenczi, 7.4.1918 ; Freud/Ferenczi, 1996, p. 304). Peu de temps après, von Freund fit effectivement don d’une somme de presque deux millions de couronnes pour l’avancement de la psychanalyse.
48Le Congrès de Budapest nourrit l’illusion que la psychanalyse obtiendrait la reconnaissance et le soutien du public, que des polycliniques pourrait être fondées, et que le mouvement psychanalytique pourrait conserver son indépendance avec l’aide de l’argent de von Freund. Freud espérait même « que Budapest devienne désormais la centrale de notre mouvement » (27.8.1918 ; Freud/Abraham, 1965, p. 283). Les conférences du congrès furent publiées, ce fut le premier livre du Internationaler Psychoanalytischer Verlag [Editions Psychanalytiques Internationales] qui avait été fondé grâce au fonds von Freund. Ferenczi fut bientôt nommé professeur de psychanalyse à l’université, le premier au monde, et directeur d’une clinique psychanalytique.
49C’est à ce même congrès de Budapest, en 1918, que Nunberg affirma publiquement pour la première fois « que personne ne pourra apprendre davantage la psychanalyse s’il n’est pas lui-même passé par une analyse » (Eitingon, 1937, p. 197). Comme Eitingon le dit plus tard : « Lorsque ces mots franchirent ses lèvres, nous réalisâmes que quelque chose d’extraordinairement important avait été dit, qui deviendrait un jour un but général et très bientôt aussi une réalité » (ibid.) [20].
50Ce fut Etingon lui-même qui mit la chose en route. Avec la fin de la guerre, le bouleversement politique, la chute de la République des Conseils en Hongrie et la Terreur Blanche qui s’ensuivit, les projets à Budapest échouèrent. La clinique fut fermée, Ferenczi perdit son statut de professeur, fut exclu de la Société Hongroise des Médecins, et pendant des semaines ne put même pas se montrer en public. Anton von Freund mourut d’un cancer, une grande partie de sa fondation fut gelée par le gouvernement et de plus dévaluée par l’inflation. Dans cette situation, Eitingon, qui était riche, créa la Clinique et Institut de Berlin avec ses propres fonds le 14 février 1920. Au lieu d’Anton von Freund, ce fut lui qui reçut l’anneau de Freud, le signe qu’il avait maintenant été admis dans le cercle interne, le Comité Secret.
51Pour la première fois, il y avait un curriculum standardisé de formation pour les psychanalystes. Freud n’était pas tout à fait content de cette institutionnalisation quelque peu « prussienne » de la formation analytique, mais finalement il l’approuva. Ce fut le Berlin d’Abraham, Sachs, Simmel et Eitingon, non la Budapest de Ferenczi ou la Vienne de Freud et Rank, qui devint le nouveau centre de psychanalyse ; ce fut d’après l’institut de Berlin que pratiquement tous ceux qui suivirent furent constitués. Sándor Radó, par exemple, fut invité à venir à New York pour créer un institut selon les lignes de Berlin [21]. Pendant des années, Eitingon et Sachs firent fonctionner la formation à Berlin. Sachs était l’analyste didactique (pendant les deux premières années, il analysa 25 candidats, Franz Alexander étant le premier à compléter sa formation selon les nouvelles lignes), Eitingon l’analyste superviseur.
52Il vaut la peine de remarquer que ces deux hommes, qui développèrent et surveillèrent ce qui est devenu le modèle de formation psychanalytique dans le monde entier, de même que Karl Abrahm, sous la présidence de qui ce modèle prit place, n’avaient eux-mêmes jamais été analysés [22]. Je suggérerais de voir leur modèle de formation comme une réaction plutôt qu’une évaluation positive de ce qui devrait être inclus dans une telle formation ; c’est-à-dire une réaction aux transgressions et violations des limites qui parsèment la préhistoire de la formation psychanalytique (que j’ai décrites plus complètement ailleurs : Falzeder, 1994b ; cf. Gabbard, 1995 ; Gabbard et Lester, 1995). La formation fut institutionnalisée selon certaines règles destinées à réprimer, à travers ce processus, ces modèles répétés de relations chargées d’affect, qu’elles soient incestueuses, hostiles, érotiques ou des relations de pouvoir, mêlées à des doses variées d’analyse, conduisant à beaucoup de confusion et de souffrance parmi les personnes impliquées.
53Cela ne réussit que partiellement et apporta d’autres dangers. Avec l’institut de Berlin, cependant, prit fin la préhistoire de la formation psychanalytique. Savoir si le développement ultérieur vers un système de formation hautement institutionnalisé et contrôlé a pu ou non contourner les pièges de l’époque des pionniers est une autre question.
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Mots-clés éditeurs : psychanalyste, formation, mouvement psychanalytique, méthode psychanalytique
Notes
-
[1]
Traduit de l’anglais par Maud Struchen.
-
[2]
Docteur en psychologie, psychothérapeute, ancien « Research Scholar » à Harvard University.
-
[3]
A peu près au même moment, « en 1898 ou 1899 », Ludwig Jekels rencontra Freud pour la première fois. Il était à Vienne, visitant un grand nombre de médecins bien connus afin d’obtenir des recommandations de patients pour son sanatorium. Jekels y inclut Freud simplement parce que son nom était sur la liste des Dozenten [enseignants] de l’Université. « J’arrivai au début de l’après-midi – le moment le plus occupé de la journée pour un médecin renommé.… [L]a salle d’attente était complètement vide… J’expliquai l’objet de ma visite. Freud ne fut pas impoli, mais… il exprima clairement qu’en matière de thérapie courante de patients nerveux, il “pensait être complètement différent”. Ma visite était évidemment tout à fait vaine. Et quelques instants plus tard, je pris congé, grandement soulagé malgré mon échec » (Memoirs, Division des Manuscrits, Library of Congress, Washington DC [= LC]). Jekels rencontra à nouveau Freud autour de 1905, quand il se rendit à Vienne et assista aux cours de ce dernier à l’Université. Lui aussi devint un analysand de Freud.
-
[4]
Dans son ouvrage de 1984, Masson a publié une partie d’une interview de Hirst, ainsi que des extraits de la correspondance entre Freud et Emma Eckstein.
-
[5]
« [L]e premier rêve que [Freud] soumit à une interprétation détaillée » (1900a, p. 99) le 24 juillet 1895 (ibid., pp. 101-102). Quelques semaines plus tôt seulement, il avait écrit une note à Eckstein, sa « très chère et bonne Mademoiselle » (12.6.1895, LC), qu’il lui fallait annuler un rendez-vous parce qu’il devait rencontrer des hôtes à Bellevue.
-
[6]
Ceci n’est évidemment pas très différent d’aujourd’hui, avec l’importante exception que la procédure de faire de candidats des patients a été institutionnalisée, tandis que la voie consistant à faire de patients des candidats est considérée comme la moins souhaitable, bien que cela se pratique assez souvent.
-
[7]
Il refusait de prendre certains autres, cependant, par exemple Robert Bárány (futur lauréat du Prix Nobel), qu’il avait « jadis… refusé comme élève parce qu’il [lui] semblait trop anormal et antipathique » (Freud à Ferenczi, 31.10.1915 ; Freud/Ferenczi, 1996, p. 99).
-
[8]
En ne comptant pas les pauses dues à la maladie et à la fatigue dans ses dernières années.
-
[9]
En 1902, Freud fut nommé Professeur extraordinaire. C’était un simple titre nominal, mais cela donnait du prestige et contribuait à attirer davantage de patients.
-
[10]
Je suis redevable à Carlo Bonomi de m’avoir rendu attentif à cela.
-
[11]
Sur ces quatre pionniers, ainsi que sur les autres membres de la Société Psychanalytique de Vienne, voir Mühlleitner (1992).
-
[12]
Le nombre actuel est légèrement plus bas, en raison de quelques cas de double adhésion (IPA, liste des membres, 1935, LC).
-
[13]
Soit dit en passant, la société de loin la plus nombreuse était encore celle de Vienne (53 membres titulaires).
-
[14]
Hans Zulliger écrit qu’il traversa une analyse en 1912 (Zulliger, 1966, p. 171).
-
[15]
A la même époque, Ferenczi tomba amoureux de la fille de sa maîtresse, Elma, durant son analyse avec lui, et pressa Freud de continuer l’analyse. Ce dernier accepta. Ainsi Elma Pálos et René Spitz furent-ils traités par Freud dans le même temps.
-
[16]
Le 10 février, dans une lettre circulaire, Oskar Pfister et Mira Oberholzer proposèrent la fondation d’une Société Suisse de Psychanalyse. La réunion subséquente pour l’organisation eut lieu le 21 mars ; la première séance, avec des conférenciers invités : Jones, Rank et Sachs sur « La psychanalyse comme mouvement intellectuel », se tint le 24 mars ; l’affiliation avec l’IPA y fut aussi décidée. Le premier président fut Emil Oberholzer, le vice-président Hermann Rorschach ; les autres membres du Comité étaient Binswanger, Morel et Pfister.
-
[17]
En février 1910, Eitingon offrit à Freud les Œuvres complètes de Dostoïevski comme une sorte d’honoraire qui rappela à Freud ces « intéressantes promenades qui vraiment furent utiles à ma santé « (Freud à Eitingon, 17-2-1910, Sigmund Freud Copyrights, Wivenhoe).
-
[18]
« L’histoire du travail pratique supervisé commence avec les nombreuses lettres écrites par Freud en réponse à des collègues lui demandant son avis sur des cas psychanalytiques » (Pomer, 1966, p. 55).
-
[19]
« La Deuxième Guerre mondiale se trouve être le facteur le plus important dans l’ascension météorique de la psychanalyse » (Bettinger, 1986, p. 4).
-
[20]
Sonu Shamdasani (communication privée) souligne qu’à la fois Nunberg et Eitingon avaient travaillé au Burghölzli, et que la proposition de Nunberg rencontra une forte résistance de la part de Viktor Tausk et d’Otto Rank.
-
[21]
André Haynal (communication privée) note le fait intéressant que, bien que le mouvement psychanalytique ait quitté le monde académique, l’Institut de Berlin, et plus tard ceux établis sur son modèle, imitèrent une organisation et un curriculum académiques.
-
[22]
Si l’on ne compte pas les « promenades analytiques » d’Eitingon avec Freud.