Couverture de PSYE_602

Article de revue

Traces psychiques des carences et violences précoces en psychothérapie analytique médiatisée

Pages 283 à 304

Notes

  • [1]
    34. Spitz, R. (1968) : « Un rejet global de la maternité qui comprend aussi bien la grossesse que l’enfant et probablement aussi bien des aspects de la sexualité génitale » (p. 160).

1 Cet article est une contribution à la question du devenir des carences graves, abus et violences sur nourrisson à partir du cas d’une jeune fille en situation de handicap mental, Albane, suivie en psychothérapie analytique médiatisée. Les vécus de carences et d’abus précoces constituent des expériences traumatiques extrêmement dommageables au développement de l’enfant. Confrontés à leur survie psychique et physique dans une situation de quasi agonie, ces enfants développent fréquemment un retard du développement intellectuel, une pathologie psychique importante et de graves troubles relationnels. Un état de stress chez le nourrisson suscite des anxiétés correspondant à des éprouvés de tensions et de malaises physiques lorsque ce dernier n’est pas contenu par un environnement humain protecteur et rassurant. Un lien d’attachement précoce inadapté ou désorganisé du donneur de soins n’assurant pas un rôle tampon (maternal buffering) face à des situations stressantes prolongées expose le nourrisson à des répercussions physiologiques négatives sous l’effet de la production de cortisol de l’axe hypothalamo-pituito-surrénal (HPS) comme réponse aux stress (Bureau, Martin et Lyons-Ruth, 2010 ; Moureau, Delvenne, 2016). Pendant la période de dépendance absolue (de 0 à 4-6 mois), si la réponse du donneur de soins est incohérente, inadaptée, tarde trop à venir ou est absente, le bébé tente de se protéger par le recours à une forme d’accrochage perceptif à un objet ou à une sensation proprioceptive (Houzel, 2013). Ce vécu correspondrait à des états d’agonie qui se caractérisent par des sensations de chute, d’effondrement, d’engloutissement qualifiées généralement d’angoisses archaïques (Dessons, 2009). Le destin de ces éprouvés est marqué par la mise en place de défenses primitives de type clivage, repli autistique, retrait relationnel, arrêt du fonctionnement mental – équivalent d’une mise en veille mentale par anesthésie psychique, comme si, pour survivre, il avait fallu s’absenter de soi en cessant psychiquement d’exister. Chez l’enfant, le vécu d’expositions précoces à des situations cumulées de stress et la non-satisfaction des besoins relationnels sont des facteurs de risque lors de la puberté vers des pathologies psychiatriques, des actes délictueux ou pervers, la déscolarisation et les échecs professionnels ou bien engagent ces adolescents vers un parcours de soin institutionnel : « La désorganisation de l’objet et de l’environnement primaires, lors des moments sensibles du premier développement, a donc un impact considérable sur l’avenir, puisque près d’un tiers de ces jeunes sont orientés en hôpital de jour ou en établissement d’éducation spéciale » (Coen, 2003, p. 77).

2 En thérapie analytique, la question se pose, pour le clinicien, de la possibilité et de l’organisation d’un travail avec l’enfant ou le jeune ayant un handicap mental important associé à des traumatismes infantiles graves. Dans le cas d’Albane, un certain nombre d’interrogations découlent de la possibilité d’utiliser un dispositif thérapeutique à médiations plastiques pour une adolescente présentant une déficience intellectuelle et de faibles compétences langagières. Comment, par le dessin ou la peinture, les séquelles des traumatismes et des carences précoces graves se manifestent-elles ? Quelle est la part de réalité de l’expérience vécue, quelle est la part de reconstruction fantasmatique ? Comment, à partir des productions réalisées, accéder à une compréhension de l’événement traumatique et accompagner Albane vers une reprise signifiante de son histoire ?

Les effets des violences précoces et des carences relationnelles

3 Une recherche nationale publiée aux Etats-Unis en 2010 a montré que les expériences traumatiques de violence subies directement ou comme témoins impliqués avant l’âge de treize ans étaient courantes dans la population et concerneraient 40% des 5 692 sujets de l’étude épidémiologique (Koenen, Roberts, Stone et Dunn, 2010). La prévalence des effets psycho­pathologiques chez l’adulte des traumas précoces semblerait avoir été longtemps sous-estimée avant la mise en place récente de méthodes évaluatives montrant leurs impacts à long terme sur la santé mentale, comme en témoigne une revue de la question sur les séquelles chez l’adulte d’une exposition précoce aux traumatismes psychologiques (Ford, 2010). Plus spécifiquement, en s’intéressant au devenir d’enfants gravement carencés, Skuse (1984) dans une recherche fondée sur six cas de privation extrême de soins chez le nourrisson indiquait qu’au cours du développement, ces enfants présentaient tous, à la préadolescence et à l’adolescence, au moment de leur découverte dans leur milieu délétère, un retard moteur important, un déficit des capacités langagières ou des capacités extrêmement rudimentaires, des compétences perceptivo-motrices primaires, une expression émotionnelle pauvre, une absence de comportement d’attachement, un retrait social marqué. Skuse concluait – de façon plutôt optimiste – qu’une prise en charge adéquate permettait la réversibilité des troubles liées aux carences graves, les séquelles portant sur les troubles de l’attachement. La théorie de l’attachement (Bowlby, 1978, 1984) a amplement démontré l’importance fondamentale d’une base humaine de sécurité et de fiabilité relationnelle pour que le nourrisson se développe normalement, de même que Daniel Stern (1989) rend compte, avec la notion d’accordage affectif, du besoin d’un partage affectif et sensoriel du bébé dans la configuration dyadique mère-enfant, la relation empathique maternelle permettant à l’enfant de réguler ses états émotionnels.

4 En France, les recherches cliniques menées par Maurice Berger et son équipe au CHU de Saint-Etienne sur les traumatismes relationnels précoces définissent de manière précise les conséquences catastrophiques des traumas répétitifs précoces en termes d’atteintes neurologiques irréversibles, de troubles de la pensée, de désorganisation du schéma corporel, de troubles somatiques, de gel postural, d’absence de comportements exploratoires liés à la curiosité, d’évitement, de dégradation cognitive, de troubles relationnels (Bonneville-Baruchel, 2015). On observe, chez le nouveau-né en souffrance, un « évitement relationnel » qui se traduit soit par une indifférence aux tentatives d’interactions, soit par la fixation à un objet-source de stimulation sensorielle (Picot, Carel, 2002). Ce comportement qui met en évidence une souffrance du lien nourrisson-environnement ne peut se réduire à un réflexe, mais correspondrait à un mécanisme psychique de défense du nourrisson pour conserver sa vitalité de base et signalerait une forme d’entrée dans la dépression (Guedeney, Vermillard, 2004). Les expériences de déprivation et de violence ont des conséquences neurologiques irréversibles lorsqu’elles se situent entre 0 et 18 mois (Frish-Desmarez, 2012). Il est probable qu’un état prolongé de stress chez le nourrisson, particulièrement en situation d’abandon, occasionnera des dommages neurologiques sur le cerveau en développement en raison des modifications épigénétiques impliquées par un environnement non protecteur et stressant (Ladha et al.,2012). Ainsi, selon les auteurs, dans le cas d’enfants placés en orphelinat où fait défaut un environnement sécurisant, où il existe une absence de stimulation affective, où peuvent s’exercer des abus et des négligences graves, une telle situation va générer un état de stress chez le nourrisson provoquant des atteintes importantes du système nerveux central.

5 Par ailleurs, des preuves expérimentales sur des modèles animaux et des études épidémiologiques montrent que le stress maternel agit sur le fœtus et pourrait retentir sur son développement neurologique avec de possibles conséquences en termes de pathologies organiques cérébrales. Un environnement intra-utérin défavorable prédisposerait l’individu à des patho­logies somatiques et psychiques lors du développement (Cambonie, 2011). Une revue de la littérature des risques associant stress et grossesse montre qu’en situation prolongée de stress sévère pendant la période anténatale, les nouveau-nés présentent des altérations neuro-développementales, les interactions dyadiques sont perturbées, ils sont irritables, hyper-réactifs et ont des difficultés de régulation de l’attention (Van den Bergh, 2011).

6 Qu’en est-il lorsque des violences et des carences s’exercent également dans le milieu intra-utérin ? Dans les cas de maltraitances sur le fœtus (Tabet, et al. 2009), carences et violences sont liées à un environnement stressant, une malnutrition, des coups sur la mère, l’alcoolisation chronique ou massive, le tabagisme, le mésusage de médicaments et la consommation de drogues… Enfin, pour compléter ce tableau, la situation est encore plus dramatique avec des bébés gravement carencés quand ceux-ci ont subi des violences sexuelles. Lorsque ces différents éléments sont cumulés, comme nous le verrons dans le cas d’Albane, les effets sont dévastateurs.

Quelle clinique dans le champ du handicap mental ?

7 Souvent, pour pallier le défaut de verbalisation ou son insuffisance, les cliniciens qui œuvrent dans le champ du handicap mental font appel, dans leur pratique, à un dispositif de psychothérapie à médiation plastique (dessin, peinture ou modelage). Cette méthode thérapeutique se fonde sur une approche métapsychologique de la médiation plastique (Brun, 2007), le cadre de la psychothérapie étant conçu comme une variation de la technique analytique (Guay, 2009). Le principe qui sous-tend ces dispositifs à médiation plastique s’appuie sur la possibilité de donner progressivement forme, par l’utilisation d’un « medium malléable » (Milner, 1976 ; Roussillon, 2001), à des expériences primitives non inscrites dans le registre du langage (Roussillon, 2011). Ces expériences précoces sont susceptibles de se révéler selon des modalités autres que langagières, tels que des manifestations corporelles, l’expression de l’affect, le jeu de la sensori-motricité, éminemment sollicités dans le cadre des médiations thérapeutiques (Chouvier, 1998 ; Brun, 2002 ; Ferrières-Pestureau, 2007).

8 Ce dispositif est surtout adapté aux enfants présentant des troubles importants de la symbolisation, ne pouvant faire appel ni à l’associativité verbale, ni accéder à la figuration, portant l’attention du clinicien sur l’enchaine­ment des formes et des expressions sensori-motrices afin d’accompagner l’enfant vers une possible figuration signifiante (Brun, 2014). Comme fixés à ce niveau présymbolique, on constate que des enfants au fonctionnement mental déficitaire grave ou profond échouent à faire appel à la figuration, là où des enfants présentant des troubles psy­chiques et comportementaux associés à une déficience intellectuelle moyenne en sont capables. Dans le cas d’Albane, si ses capacités verbales et de compréhension sont faibles en raison de son retard mental, la qualité des productions graphiques se révèle tout à fait exceptionnelle, faisant appel à un grand degré de sophistication figurative. Les images sont travaillées dans un souci d’exactitude d’un rendu qui porte à affiner les détails et à agencer une composition créant une mise en scène afin de construire un récit en image. J’entends par là que l’objet produit en séance, en tant que système de signes plastique et iconique, propose une forme de narrativité de l’expérience du sujet au moyen de l’image (Sens, 2014). Pour autant, dans le cas présent, nous avons affaire à une image à caractère traumatique où le processus de création cherche à rendre compte, sous la forme d’une adresse au thérapeute, de l’irreprésentable des traumas infantiles relatifs à des situations de carences et d’abus sexuels. Le traumatisme n’est jamais représenté dans l’image, mais l’image a quelque chose à signifier à propos du traumatisme. Ce qui caractérise ce dispositif, c’est la potentialité de faire émerger un récit verbal de la souffrance traumatique à partir de et en s’appuyant sur la narrativité de l’image.

9 Dans le cas d’Albane, mon hypothèse est que l’image graphique correspond à une tentative de figuration symbolique des angoisses précoces liées à des situations de déprivation et d’abus. L’objet créé est un embrayeur narratif visuel pour tenter de relater des vécus actuels très angoissants où viennent se télescoper traces perceptives d’expériences infantiles d’effrois traumatiques à caractère sexuel et reviviscences hallucinatoires. En effet, lors de leur production, ces dessins amènent Albane à évoquer des situations actuelles de perceptions provoquant des réminiscences hallucinatoires incontrôlées, porteuses d’une excitation désorganisatrice de la psyché. Par voie de conséquence, « ses pensées qu’elle voit dans sa tête » suscitent chez Albane d’intenses angoisses en raison de la confusion mentale qu’elles provoquent.

Traumatismes et détresses précoces

10 On sait que le modèle « classique » du traumatisme infantile, tel que l’avaient théorisé Freud et Breuer pour expliquer l’étiologie des névroses dans les Etudes sur l’hystérie avec le cas d’Elisabeth Von R (1895), implique deux temporalités distinctes. D’abord, le temps du choc dont l’intensité entraîne un afflux d’excitation excédant les capacités de l’enfant à y faire face – le traumatisme à proprement dit – et un temps de reviviscence de celui-ci qu’une perception ayant un lien associatif direct ou indirect avec l’expérience traumatique dans l’environnement de l’adolescent ou de l’adulte peut réactualiser. C’est en raison de son immaturité psychique à faire face à un afflux d’excitations qu’il ne peut lier à des représentations pour en permettre l’élaboration ou sa décharge, que l’enfant intériorise cet événement inaltérable et énigmatique sous la forme d’une impression traumatique comme une marque. Ordinairement, l’expérience d’un traumatisme grave s’accompagne toujours d’un effet de sidération et de déréalisation dû à l’effroi, cela, chez l’enfant comme chez l’adulte. De fait, l’événement traumatique suscite, à un niveau cognitif, l’incompréhensible, confrontant le sujet traumatisé à une quête de sens à ce qui demeure radicalement confus, obscur, étrange dans son psychisme.

11 Si l’oubli – non pas nécessairement de l’événement mais du vécu d’anéantissement de soi qui l’accompagne – joue son rôle protecteur par le mécanisme du refoulement (quand le sujet n’a pas tout simplement réprimé le souvenir de l’événement traumatique jusqu’à l’effacer), la quête de sens du non-sens est le creuset de fomentations fantasmatiques qui viendront intensifier la compulsion de répétition du trauma. Comme le souligne Christian Lachal (2010), cette quête paradoxale de représentations de l’irreprésentable entretient une activité fantasmatique qui peut être elle-même très dommageable pour le sujet, littéralement envahi et obsédé par ses pensées. L’activité représentationnelle autour du traumatisme, jeu dynamique de mise en images fantasmatiques, n’est certes pas le « trou noir » du traumatisme, par définition irreprésentable. Bien que voués à l’échec, les fantasmes cherchent plutôt à combler le déficit symbolique afférant au traumatisme. Or, l’activité représentationnelle, par sa puissance productrice, peut envahir le sujet et susciter la peur. Toutefois, derrière la peur se cache l’angoisse, et derrière l’angoisse se cache l’effroi. Le paradoxe de l’activité de fantasmatisation traumatique tient au fait qu’elle est à la fois l’écran d’« un réel qui ne passe pas » (Tyszler, 2010, p. 4) et la manifestation répétitive de ce même réel sous forme d’ecmnésies insupportables que Paul-Laurent Assoun définit comme « le retour perceptuel d’une trace mnésique erratique » (Assoun, 2005, p. 89). Cliniquement, il est à signaler que ces phénomènes d’ecmnésie sont le symétrique inversé de l’amnésie du traumatisme. Nettement séparées des souvenirs-écrans, ces reviviscences très intenses d’images anciennes, non situables dans son histoire pour le sujet, font corps avec le fantasme traumatique. D’où le fait que ce dernier, bien qu’opérant par déplacements et contre- investissements, ne se situe jamais loin de la marque traumatique, sans toutefois s’y conformer. Si les détresses traumatiques précoces ne peuvent s’élaborer mentalement au moyen d’une activité de représentation qui permet un travail de liaison topique entre Ics et Pcs-Cs, elles se vivent sous la forme irrépressible, intense et automatique de « flashs hallucinatoires » (Berger, 2012) dès lors qu’une perception actuelle permet l’embrayage vers l’hallucination perceptive.

12 En construisant une théorie de la mémoire, Freud a élaboré le concept de trace mnésique pour rendre compte du fait que les souvenirs sont fondés, originairement, sur des perceptions inscrites dans le psychisme sous forme de traces (Freud, 1920). Ces traces ont pour caractéristique d’être constituées, de manière préférentielle, par des restes optiques, fonde­ments d’une pensée archaïque en images (Freud, 1922). La puissance du rêve tient dans cette possibilité de mettre en images les traces d’expériences de satisfaction les plus anciennes sous une forme hallucinatoire, en les déformant-recomposant par le jeu des processus de déplacement, de condensation, de figurabilité. Il n’y a donc pas de souvenir « pur » qui restituerait point par point les coordonnées du réel. Intervient le fantasme, ce « sang-mêlé » ou ce « métis » (Freud, 1915, p. 231) des expériences infantiles, qui topiquement se situe dans le Pcs-Cs mais est issu de l’Ics. On se souvient, au demeurant, que dans le modèle freudien princeps des psychonévroses, la logique de l’après-coup accorde une place prépondérante aux remaniements fantasmatiques de l’événement traumatique initial et donne un statut psychique à l’expérience traumatique dans l’après-coup (Le Guen, 2008). Il y a cependant quelque chose de différent lorsque nous avons à nous préoccuper des traumatismes précoces car la logique de l’après-coup, celle qui permet, sous l’effet du refoulement, des remodelages d’expériences traumatiques en fantasmes, ne fonctionne pas. En l’absence d’une mesure défensive tel que le refoulement qui suppose un moi déjà organisé, le trauma dont l’intensité peut être comparable à une commotion est soumis à la forclusion (Balestrière, 2001, p. 44).

Oubli et mémoire traumatique

13 Dès lors, comment penser une mémoire du traumatisme, alors même que le retour du refoulé lié à l’effet d’après-coup est hors de toute possibilité de souvenance ? Certains événements très précoces se rappellent au sujet traumatisé sous forme de reviviscences, à tout jamais inaccessibles à la conscience sous la forme d’un souvenir (Gori, 2003). À la différence du symptôme hystérique où le corps « parle », c’est-à-dire opère une activité de symbolisation du refoulé par le corps, possiblement accessible à l’analyse, le rappel traumatique ne symbolise rien, pur automatisme réactif du coup porté sur le corps et que le corps commotionné exprime à nouveau lorsque, dans le champ perceptif, se présentent des stimulations sensorielles identiques. Ainsi, les vécus d’agonie précoces tiennent du paradoxe d’être des événements corporellement réels quoique « non advenus » psychiquement, forclos pour le sujet (Balestrière, 2001).

14 Pour rendre compte théoriquement de ce type de détresse traumatique précoce où il y a eu atteinte de la capacité de survie de l’organisme, Ferrucio Bianchi (2007) a proposé un modèle explicatif s’appuyant sur la distinction, dans le modèle freudien, entre traces sensorielles et traces mnésiques, déjà formulée dans les travaux des Botella (1988). Pour Bianchi, au seuil de la vie psychique, le système nerveux central traite des perceptions qui ont le seul statut de traces neuronales. Ces traces perceptives (ou traces neuronales), par frayage neuronal, s’inscriraient secondairement sous la forme de traces mnésiques, acquérant dès lors un statut psychique. Normalement, pour que s’élaborent ces traces perceptives primaires en traces mnésiques, un filtrage du pare-excitation maternel rend possible leurs combinaisons et leurs réinscriptions pour former de nouvelles traces, qui, par étapes successives de réélaborations-retranscriptions, en se complexifiant, aboutissent à la création de représentations fantasmatiques inconscientes. Ces dernières sont elles-mêmes susceptibles de se modifier en de nouvelles transcriptions capables, par la suite, de passer la censure de l’Ics vers le système Pcs-Cs puis, sous condition de recevabilité, vers le conscient verbalisable et la motricité. Selon Ferrucio Bianchi, les expériences traumatiques précoces sont du ressort de vécus somatiques excitants, inscrits au niveau synaptique en tant que signes de perception sans possibilité de réinscription psychique en raison de l’absence ou de la défaillance grave de l’objet primaire. L’excitation traumatique n’est pas convertible psychiquement et demeure fixée à un niveau somatique en tant que traces perceptives. Toute stimulation analogue intervenant dans le champ perceptif réactualise, par le même chemin neuronal, cette « mémoire du corps » (Bianchi, 2007, p. 1154).

15 En prenant appui sur ce modèle, on comprend que les traumatismes du nourrisson ne nous confrontent pas de la même façon à la mémoire du traumatisme comme celui de l’oubli par refoulement supposant un stade du développement où l’enfant a accédé à des compétences symboliques. Comme le propose le modèle de Bianchi, les états de détresses traumatiques précoces correspondent à une mémoire originaire, non constitués de souvenirs mais plutôt d’impressions sensorielles inscrites sous forme de traces perceptives qui, à elles seules, ne peuvent s’organiser en traces mnésiques puis en une représentation.

Albane

16 Albane est une jeune fille âgée de 18 ans, prise en charge en psycho­thérapie analytique à médiation plastique depuis l’âge de 12 ans sur demande de ses parents et faisant suite à une précédente psychothérapie de plusieurs années à partir de l’âge de 5 ans, en parallèle à une orthophonie. Albane a été adoptée à l’âge de 18 mois après un placement dès sa naissance dans un orphelinat à l’Étranger. Selon ce qu’en rapportent ses parents adoptifs, les conditions de vie d’Albane dans cet établissement étaient caractéristiques d’une forme de maltraitance institutionnelle par négligences graves, ainsi que par un manque d’investissement relationnel et de sécurité affective du personnel à son égard. Du discours de la mère, il ressort que le processus d’adoption a été difficile en raison de la situation administrative d’adoption à l’international, présentée comme « le parcours du combattant ». Après l’accueil dans la famille adoptive, très rapidement les parents d’Albane ont dû faire face à l’importance des troubles du développement de leur enfant en termes de retard psychomoteur, de troubles du sommeil, de troubles attentionnels et des fonctions exécutives, de réactions massives d’insécurité, consécutifs aux états graves de carences précoces des enfants issus d’orphelinats au fonctionnement sévèrement défectueux (Moureau, Delvenne, 2016, p. 336). Il est certain que si les parents d’Albane, au moment de l’adoption, possédaient des éléments d’information sur le contexte social et l’état somatique général de l’enfant, ils ont découvert dans l’après-coup l’importance des soins à fournir à Albane en rapport à des problématiques pédiatriques physique et psychique lourdes, ­ce qui soulève, au demeurant, la question de la nécessité d’un accompagnement des parents aux « besoins spéciaux » de l’enfant ayant un vécu de carences graves dans le cadre d’un suivi pré- et post-adoption (Chicoine et al., 2012).

17 Les difficultés d’Albane liées à un important retard dans les apprentissages ont commencé très tôt, impliquant une année supplémentaire en petite section de maternelle puis, à l’école élémentaire, un redoublement en CP relatif à ses difficultés scolaires dues à l’importance des troubles cognitifs et comportementaux. À partir de l’école primaire, la scolarité d’Albane a été aménagée du fait de sa situation de handicap en relation à sa déficience mentale. Par la suite, au collège, Albane a été orientée vers une classe ULIS (unité localisée pour l’intégration scolaire) et, ultérieure­ment, vers un établissement spécialisé d’apprentissage en alternance où elle poursuit actuellement sa formation.

18 De petite taille, l’apparence physique d’Albane évoque un syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF) (Lejeune, 2001), comme l’indiquent un périmètre crânien réduit (microcéphalie) et une dysmorphie au niveau du visage (fentes des paupières raccourcies qui bride l’œil, un nez court à la racine aplatie, dont l’extrémité est recourbée vers le haut comme un « nez en trompette »). D’autres éléments sont évocateurs d’un SAF, compte tenu de son retard mental important, d’un déficit d’attention et de mémoire. Ces caractéristiques sont à mettre en relation avec une hypotrophie à la naissance (1kg 200g) associée à une malformation cardiaque ainsi qu’un retard du développement psychomoteur. Née à terme, Albane a été abandonnée à la naissance par une génitrice qui consommait vraisemblablement beaucoup d’alcool pendant la grossesse.

19 Précédant sa prise en charge en psychothérapie médiatisée, Albane a passé un test d’efficience intellectuelle (WISC 4) qui a permis d’établir un retard mental moyen (QIT = 48) avec une déficience homogène. L’évolution d’Albane montre une bonne adaptation sociale et une réduction des troubles du comportement. Bien qu’invalidée par sa déficience, Albane fait preuve de détermination face aux difficultés qu’elle rencontre et c’est une revendication marquée de sa part d’être « une adolescente comme les autres », selon ses propres dires. Au fur et à mesure du temps, Albane a acquis une autonomie pour faire seule les trajets afin de se rendre à sa séance et pour se déplacer dans les transports en commun. Par ailleurs, Albane est beaucoup moins en recherche d’un étayage pour être rassurée et a développé une plus grande tolérance aux frustrations liées à une éventuelle difficulté dans une tâche à accomplir (il lui arrive encore de bougonner et de taper du pied). Albane a également progressé pour rendre compte de ce qui la préoccupe ou l’inquiète, mais aussi de ce qu’elle apprécie.

20 Si les productions picturales d’Albane se révèlent d’une grande qualité graphique et chromatique, elles restent cependant focalisées sur des thématiques imprégnées de son histoire infantile, en relation avec le besoin de protection et la sécurité affective. De fait, les compétences graphiques d’Albane ne sont pas transférables vers un projet d’apprentissage et de formation, cette activité artistique demeurant de l’ordre de l’expression personnelle. On constate donc que si les données du WISC 4 montrent un déficit intellectuel, par contraste, les capacités graphiques et plastiques d’Albane sont excellentes (dessin et modelage), notamment du point de vue de l’exécution. En effet, bien que l’imaginaire soit restreint, Albane peut reproduire des éléments de la réalité de son environnement sans faire appel à un modèle et dans un espace perspectiviste inventé. Elle travaille de la main gauche, s’aide avec une gomme ou une règle de la main droite. Albane utilise le plus souvent la procédure suivante : elle part du local en posant d’abord les figures au crayon à papier puis organise l’espace global avant la mise en couleur aux crayons et aux pastels secs. Bien que le travail de perspective et le réalisme du dessin soient très élaborés, l’image garde un caractère « enfantin » en raison du procédé de transparence (on voit au travers des murs à l’intérieur des pièces). On notera que le travail artistique est exclusivement effectué aux crayons (noir ou couleurs), l’utilisation de la peinture est rare et d’une exécution moins élaborée. Le projet de dessin est libre et vient exclusivement d’Albane sur la base de la proposition que j’ai formulée ainsi : « Ici, on peut dessiner tout ce que l’on veut. »

21 Du point de vue de l’évolution des productions, j’ai constaté pendant la première année que sa production graphique était assez diversifiée, même si elle restait ancrée autour des thématiques suivantes : les animaux de compagnie qu’elle affectionne (chat, lapin, chien, oiseaux, lézard), la maison de vacances. Le traitement des surfaces est très coloré. Par la suite, les scènes se restreignent à des situations d’intérieur, ou alors à un groupe d’enfants dans un espace fermé (une église, une salle de classe, un espace de jeu enclos de murs, une plage bordée d’arbustes), protégé du monde extérieur qui semble menaçant, sans que cette menace soit précisément figurée. Les dessins sont alors minutieusement élaborés sur des périodes de temps relativement longues. Les petits animaux inoffensifs restent présents. Le souci de réalisme des personnages, traités de façon très individualisée avec un raffinement de détails dans les vêtements, permet d’identifier précisément chacun d’eux comme étant une connaissance ou un camarade d’Albane, qu’elle nomme par son nom en s’exclamant, par exemple : « C’est lui, c’est bien lui ! » Viendront, enfin, des dessins produits sur de très longues périodes (plusieurs mois). Pour l’ensemble des dessins, tous « racontent » une histoire qu’il n’est pas toujours aisé de saisir, car il est difficile pour Albane de dire quelque chose qui dépasse le commentaire factuel ou la description succincte. Il s’agit toujours de dessins autobiographiques dans lesquels Albane se représente. La plupart du temps, les dessins font référence à des préoccupations importantes pour elle. Par exemple, un dessin décrit une scène où un enfant est accueilli dans sa nouvelle classe mais n’a pas de table où s’asseoir, métaphorisant l’angoisse d’abandon et le sentiment d’exclusion d’Albane (Dessin 1). Souvent, des enfants sont mis en scène alors qu’ils échappent à un péril non identifiable ou à une situation de détresse, étant rassemblés dans un lieu à l’abri.

Dessin 1. Sans titre. 2012. Crayons de couleur et crayon graphite sur papier. 50cm x 65cm

Dessin 1. Sans titre. 2012. Crayons de couleur et crayon graphite sur papier. 50cm x 65cm

Dessin 1. Sans titre. 2012. Crayons de couleur et crayon graphite sur papier. 50cm x 65cm

22 Le dessin suivant (Dessin 2) a été réalisé sur 43 séances pendant une période d’un an et demi. Commencé au début du mois de février, il sera achevé l’année suivante, début juillet. Ce dessin libre correspond à une situation nouvelle car, plus facilement qu’auparavant, Albane associe une parole spontanée à l’acte de dessiner. Elle sait qu’il est possible de parler librement tout en dessinant et, notamment, de parler de ce qui l’angoisse.

23 Le dessin représente un groupe de dix-neuf personnages : elle-même, des enfants de son âge qui sont des proches ou des connaissances de classe ainsi qu’un prêtre, personnage important qu’Albane affectionne beaucoup. Tous se tiennent debout et sourient comme sur une photo de classe. La pièce est vide, dotée de trois fenêtres en arrière, la vue de face ouvre sur l’ensemble du groupe, tel un plateau de théâtre. La pièce est détachée du sol, comme en lévitation ; elle s’élève au-dessus d’une prairie verte avec quelques arbres sur la ligne d’horizon, sans habitation, ni présence humaine ou animale, se détachant sur un ciel bleu uni et vide. On remarque, sur la gauche, partiellement représentée dans le cadre de la feuille, une forme dont Albane précise qu’il s’agit d’un « char d’assaut » pointant son canon sur la pièce qui s’envole dans le ciel. La menace est visible, identifiable et dangereuse. C’est le scénario qu’Albane a proposé et, dès la première séance, la salle, le char d’assaut, les premiers personnages sont composés. Albane explique que les enfants s’envolent au loin pour fuir le char d’assaut qui cherche à les attaquer.

Dessin 2. Sans titre. 2015. Crayons de couleur, crayon graphite, pastels secs sur papier. 50cm x 65cm

Dessin 2. Sans titre. 2015. Crayons de couleur, crayon graphite, pastels secs sur papier. 50cm x 65cm

Dessin 2. Sans titre. 2015. Crayons de couleur, crayon graphite, pastels secs sur papier. 50cm x 65cm

24 Ce n’est que quelques mois après le début de ce dessin qu’Albane commence à évoquer des situations en relation avec la sexualité. À la fin d’une séance, très culpabilisée, Albane mentionne avec une certaine confusion due à un état d’excitation difficilement contenu, un jeu sexuel qu’elle a eu plusieurs fois de suite, à sa demande, avec une camarade de son âge lorsqu’elle avait, probablement, entre huit et dix ans. Albane demandait, lorsqu’elle invitait son amie à la maison, de lui caresser le sexe avec ses doigts de pieds. Quelque temps plus tard, Albane me parle de ses « obsessions » qui la dérangent et l’inquiètent. S’il était déjà arrivé à Albane, au cours des années précédentes, de mentionner ses « angoisses » et ses « obsessions », le contenu de ses pensées intrusives restait toujours assez pauvre et énigmatique. Les mots manquaient. Maintenant, Albane décrit plus précisément les états d’angoisse qui l’envahissent. Il s’agit de « pensées » excitantes qu’elle ne peut réprimer, en lien à des perceptions lorsqu’une personne marche pieds nus (par exemple, un membre de la famille, une personne de son entourage ou à la piscine). J’apprendrai par son père que cette intolérance aux pieds nus existe depuis qu’elle est petite (dès l’école primaire, semble-t-il). Cependant, ce qui ne concernait que certaines situations s’est étendu aujourd’hui à la crainte de toute rencontre avec une personne qui marche­rait pieds nus. Ses obsessions l’envahissent, les pensées intrusives sont de plus en plus invalidantes. Plus tard encore, elle évoquera « un souvenir lorsqu’elle était petite », où sa mère l’aurait fessé parce qu’elle avait renversé un pot de fleurs au bord d’une piscine. C’était la première fois, dira-t-elle, qu’elle sentait une forte excitation devant les personnes marchant pieds nus. Un jour, pour la première fois depuis qu’Albane a commencée sa thérapie, elle m’appelle au téléphone et me laisse un message. Ce dernier est confus, incompréhensible, les propos inorganisés ont un caractère quasi délirant. Son état m’alerte. À la séance suivante, à propos de ses « pensées », elle me dit qu’« elle voit dans sa tête un cheval blanc en bois qui avance et recule, il y a aussi la queue d’une gerbille blanche qui bouge aussi en même temps ». Elle m’explique qu’elle a vu, un jour, dans une vitrine, un cheval à bascule. Elle ne peut situer ce souvenir dans le temps. Je lui demande de faire le dessin de ce cheval. Avec difficulté, elle exécute ce dessin sur un petit carnet à dessin que je lui donne. Il lui faut beaucoup d’effort pour maitriser son tremblement et son angoisse pendant qu’elle dessine. Le dessin évoque, effectivement, un cheval à bascule mais comporte les particularités d’être sans queue ni crinière, le museau de l’animal curieusement représenté, suggérant les doigts ramassés d’une main (Dessin 3). Elle doit s’interrompre.

Dessin 3. Sans titre. (Détail). 2015. Mine graphite et crayon de couleur blanc. 21cm x 14,6cm

Dessin 3. Sans titre. (Détail). 2015. Mine graphite et crayon de couleur blanc. 21cm x 14,6cm

Dessin 3. Sans titre. (Détail). 2015. Mine graphite et crayon de couleur blanc. 21cm x 14,6cm

25 À la séance suivante, Albane me dit : « Ça prend du temps de parler de ça, mais ça devient plus facile » et reprend le dessin du cheval qu’elle n’a pas terminé. Elle tente de faire un dessin plus précis avec plus de maîtrise que précédemment. Cette fois-ci, Albane ajoute également du crayon blanc. Elle précise que cette image est active, il y a un rythme de balancement d’avant en arrière. Ce rythme est accompagné de sons qui, selon l’imitation qu’elle en fait, ressemblent à une respiration haletante et saccadée. Albane ajoute qu’elle entend aussi une musique rythmique qu’elle a écoutée à la radio. Cette musique est associée à cette image. Albane dit qu’elle voit le cheval qui bouge en même temps. Lors d’une autre séance, alors qu’elle a repris son dessin habituel, Albane m’interroge. Elle voudrait savoir pourquoi lorsqu’elle voit des personnes marchant pieds nus elle pense auto­matique­ment au cheval à bascule et entend « dans sa tête » des bruits. Lorsque je lui demande ce qu’elle entend, Albane fredonne très bas la chanson de Billy Jean et la chanson des Mots bleus. Elle me dit qu’elle entend aussi des voix lui dire : « Il faut pas penser à ça. » Albane, lors d’une séance, quelque temps plus tard, ajoute qu’elle sait que « c’est juste une pensée dans sa tête et pas la réalité » lorsqu’elle entend des « bruits bizarres, des sons ». Quelqu’un parle et dit : « Oh, oh, la-la », comme si c’était murmuré. Albane ne peut dire qui est ce quelqu’un. Elle explique que lorsqu’elle voit ses parents ou une personne qui marche pieds nus, elle s’énerve : « Ça lui grignote dans la tête. » Une autre fois, Albane arrive à la séance, confuse et excitée. Elle voudrait me parler d’un rêve. Elle se met à raconter un rêve extrêmement long qui apparaît de plus en plus comme un fantasme délirant dans lequel elle se perd à mesure qu’elle en parle. J’interromps son discours qui l’excite trop et la déborde. Ce rêve, dit-elle, lui faisait peur mais aussi lui a fait très plaisir. Dans la vie courante, Albane évite les situations qui l’exposent à ses perceptions angoissantes. La vie familiale en est affectée. Personne de la famille, cependant, ne sait la raison de ses réactions qui paraissent disproportionnées lorsqu’elle s’enfuit en état d’excitation colérique. Récemment, m’explique-t-elle, elle participe avec son école à une pièce de théâtre. Les acteurs sont pieds nus, elle aussi. C’est une sorte de défi qu’elle a tenté. Albane me dit qu’elle a pu, sur le coup, contrôler ses pensées. C’est un vrai progrès, mais qui se révèle psychiquement coûteux. Albane me raconte que lorsqu’un camarade, dans les coulisses, se change et remet ses chaussettes elle lui marche sur le pied, très « énervée », incapable de supporter plus longtemps la tension. Plus récemment, Albane me déclare que lorsqu’une perception l’angoisse, « elle enregistre dans sa tête ce qu’elle a vu » et, par la suite « se refait le film dans la tête ».

Analyse

26 L’histoire d’Albane est faite d’un « rejet primaire actif » (Spitz, 1968, p. 160) [1], de carences, de maltraitances et d’abus, cela même dès le stade intra-utérin et jusqu’à son adoption à l’âge de 18 mois, avec pour conséquences une déficience intellectuelle et des angoisses massives. S’il n’est pas possible de remonter directement à la source des expériences traumatiques et à leur réalité objective, les thématiques des dessins d’Albane, par leur contenu symbolique, mettent sur la voie de vécus précoces d’angoisses d’abandon, de craintes d’intrusion d’éléments persécuteurs reliés à des empiètements intenses.

27 Le travail thérapeutique engagé a d’abord consisté en un repérage de ces vécus de violence et de détresses traumatiques précoces. Est-il besoin de souligner, dans le dessin produit, le processus formel sous-jacent de condensation/déplacement du canon – sexe pointant sa menace sur les enfants ? Il serait néanmoins imprudent de s’appuyer sur un tel indice pour en tirer la conclusion qu’il s’agit là d’un élément représentationnel tangible du trauma sexuel : « Le fantasme est une fiction qui protège de la réalité du trauma autant qu’il le révèle » (Condamin, Diere, 2013, p. 491). Allusion possible et plausible à un effroi traumatique, le dessin d’Albane propose une figuration fantasmatique, c’est-à-dire une mise en image partageable de l’irreprésentable du trauma. Conjointement, par un travail d’accompagne­ment thérapeutique associant mise en mots et en images, il devient possible pour Albane de rendre compte de ses vécus angoissants à teneur hallucinatoire. On retiendra que c’est par ce long et minutieux travail graphique que se construit, dans la relation thérapeutique, un contenant pour accueillir l’expression de la compulsion de répétition traumatique sans qu’Albane soit totalement débordée. Car il faudra du temps pour qu’elle puisse trouver les mots qui permettent une distanciation de ses vécus hallucinatoires et non plus de camper sur leur déni.

28 En parallèle à sa création graphique, Albane confiera qu’enfant, elle a sollicité et obtenu plusieurs fois des caresses sexuelles par l’attouchement des doigts de pied de son invitée sur son sexe. Cette caractéristique du jeu érotique proposé invite à s’interroger sur la possibilité d’une reprise dans l’après-coup d’expériences énigmatiques d’excitations-tensions su­bies à un âge précoce. On se demande, en effet, si la logique qui préside à ce jeu ne concernerait pas la possibilité de répéter l’excitation-tension par le renversement dans le contraire d’un vécu de paralysie par forçage en une position de sollicitation active. D’un côté, le jeu érotique qu’invente Albane réactualise dans l’après-coup des sensations énigmatiques d’excitations en recherche d’une intégration psychique sous la gouverne des théories sexuelles infantiles. De l’autre, il est aussi concevable que ce jeu érotique permette de connecter l’excitation sexuelle aux traces sensorielles précoces de souffrances corporelles. Ce qui invite à considérer cette hypothèse tient à la concomitance du souvenir d’avoir été fessée au bord de la piscine lorsqu’elle était enfant et le fait d’avoir ressenti, à ce moment-là, une excitation-tension devant les pieds nus. La sensation touchant-touché excitante de la fessée possèderait une valeur qualitative d’excitation-tension de même nature que les traces perceptives précoces de sensations de forçage et d’intrusion par attouchements ou pénétrations. La violence de la décharge de l’excitation-tension, hors de toute conscience, et la désorganisation du moi qu’elle inflige, est une indication de sa source traumatique. Par la suite, les sensations visuelles et auditives (vue et chuintement des pieds sur le sol) qui accompagnent la perception des doigts de pieds nus occa­sionnent un violent choc affectif. Le processus de tension-excitation s’accomplit de manière identique aux expériences répétées de violences précoces et de détresse, lorsque la situation de perception actuelle peut être associée analogiquement aux vécus catastrophiques incommunicables (Winnicott, 1975). Ainsi, les pieds nus sont susceptibles de déclencher chez Albane, par identité de perception, des ressentis d’excitations violentes associés à un vécu hallucinatoire angoissant. La nature compulsive de cette expérience hallucinatoire se fonde sur une identité de perception avec des traces perceptives auditives, visuelles, cénesthésiques, activées automatiquement en raison de leurs caractéristiques sensorielles identiques. En réalité, il ne s’agit pas d’un fantasme réélaboré dont Albane devrait se défendre sous l’effet de la culpabilité, mais bien d’images de perception très nettes comme le sont les phénomènes ecmnésiques. L’irruption répétitive, incontrôlable, incompréhensible et insistante de représentations visuelles et auditives telles qu’un cheval blanc en bois, la queue d’une gerbille, des bruits saccadés et haletants, des bribes de chansons entendues, quelques paroles dites ou murmurées suscitent de la part d’Albane une lutte angoissée pour se prémunir de la menace d’annihilation psychique.

29 Quelle est la part de réalité de l’expérience vécue des traumatismes précoces, quelle est la part des reconstructions fantasmatiques de ce qu’Albane livre tant dans ses dessins que dans les récits qu’elle fournit de ces vécus hallucinatoires ? Il est impossible d’apporter une réponse univoque à cette question. C’est un point de controverse fréquemment mis en avant lorsque l’on cherche à déterminer la réalité des souvenirs rapportés en séance par les adultes ayant subi des violences sexuelles pendant l’enfance ; s’agit-il de « faux » souvenirs ou de souvenirs « authentiques » retrouvés et quelle est la part entre reconstruction et création de souvenirs (Dalenberg, Paulson, 2010) ? Une conviction clinique de la réalité des traumatismes précoces se fonde plutôt sur un faisceau d’indices, même s’ils ne peuvent recevoir le statut de preuve. On peut raisonnablement penser, dans le cas d’Albane, que si l’acte traumatique en lui-même n’est pas mémorisable, le contexte de l’action est engrammé puis réélaboré en images visuelles et auditives : « Ce qui persiste, mais désarrimé, ce sont des restes perceptifs non de l’acte mais de son environnement » (Roman, 2008, p. 224). Après qu’Albane a été adoptée, la possibilité de s’attacher à un environnement pourvoyeur de sécurité et d’affects positifs, le développement libidinal orienté vers le désir de vivre, les interventions thérapeutiques et éducatives ont favorisé une réorganisation des traces traumatiques par réinscriptions et recombinaisons, jusqu’à la formation d’images recombinant des souvenirs indirects des événements traumatiques. Ces images œuvrent à l’effacement ou au recouvrement des zones traumatiques. Ainsi, ce qui était effroi non représentable, éprouvé de terreur sans nom, sans image, sans angoisse, a pu, au cours du développement d’Albane, trouver un statut psychique et une qualité d’affect. L’état initial excitation-tension est devenu angoisse. Il existe désormais un objet de peur phobique (le pied nu) dissimulant l’angoisse inconsciente, qui colmate plus ou moins efficacement le trou noir de l’expérience d’effroi traumatique. Il s’agit pour Albane, à l’avenir, de se distancier de ces vécus de souffrance incompréhensible que suscitent ses états hallucinatoires par le travail de figurabilité engagé avec la médiation graphique, afin d’établir une jonction signifiante entre perception et vécu subjectif.

Conclusion

30 Le cas d’Albane, abandonnée à la naissance et placée en pouponnière, relève du devenir des carences, violences et abus précoces d’un nourrisson présentant un syndrome d’alcoolisation fœtale. Les traumatismes subis ont eu de graves conséquences sur le développement somato-psychique d’Albane et les symptômes actuels peuvent être mis en relation avec des vécus de détresse précoces. J’ai décrit l’action de la compulsion de répétition traumatique et la manière dont les vécus hallucinatoires renvoient à des processus psychiques complexes de réorganisation-réinscription des traces perceptives en « traces folles » (Assoun, 2005) sous la forme d’ecmnésies angoissantes.

31 La singularité du cas d’Albane réside dans son étonnante capacité graphique à produire des images figuratives décrivant son univers personnel. On fait généralement valoir le défaut d’imaginaire et de capacité de représentation chez l’enfant lorsque l’environnement a été défaillant (Henni-Juillard, Mazoyer, 2014). L’enfant ayant vécu un traumatisme relationnel précoce tenterait de maîtriser par la répétition le traumatisme grâce à un type de jeu avec la matière picturale. Ce jeu « plastique » serait l’occasion de générer des sensations en relation aux premières expériences sensori-affectives avec l’objet primaire plutôt que des représentations (Brun, 2007 ; Ferrières-Pestureau, 2007). On constate en effet le plus souvent, dans la clinique avec les enfants souffrant de psychose infantile et de troubles du spectre autistique, l’exclusion de formes figuratives dans les productions, au profit de jeux de matières faiblement organisés et de tracés informels. Dans le cas d’Albane, au contraire, les productions graphiques sont toujours figuratives et visent à l’exactitude, comme s’il s’agissait de conformer le dessin au plus près de ses perceptions. Par exemple, concernant les personnages, Albane peut passer un temps très long à dessiner, gommer, reprendre une même figure afin d’obtenir une image au plus près de la réalité de son modèle. Le dessin cherche à restituer la mémoire visuelle de la scène évoquée comme un décalque de la réalité perçue. Si l’on veut bien, sans préjuger du talent d’Albane, s’interroger sur cette caractéristique de ses dessins, je formulerais l’hypothèse qu’il s’agit, pour l’essentiel, d’une opération défensive qui vise au contrôle et à la maîtrise par le dessin de l’environnement en relation aux angoisses traumatiques infantiles. Les conduites graphiques d’Albane témoignent d’un surinvestissement du visuel visant à reproduire avec minutie la réalité de l’environnement. Cet effort pour saisir visuellement la réalité découlerait des réactions d’aguets pendant sa toute petite enfance lors des situations d’alerte face à un environnement hautement insécurisant qu’elle ne pouvait fuir.

32 Avec cette jeune patiente, l’accompagnement thérapeutique initial a consisté à instaurer une qualité relationnelle contenante avant que les éléments bruts du vécu traumatique originaire puissent faire l’objet d’une élaboration. Le sentiment de sécurité pour Albane est le besoin premier. Lorsque la clinique nous confronte aux traumatismes précoces et particulièrement aux abus sexuels ou aux sévices sur l’enfant, le partage de ce vécu est souvent une épreuve émotionnelle pour le thérapeute. L’angoisse qu’il éprouve est une réponse inconsciente contre-transférentielle à ce qu’apporte le patient d’un vécu qui peut excéder ses capacités d’écoute. De ce point de vue, l’offre d’une médiation plastique a un rôle d’allégement de la forte charge psychique à laquelle se confronte le thérapeute, mais demande à ne pas se focaliser uniquement, par une contre-attitude d’évitement, sur le travail plastique. Sur le versant analytique, comme le souligne Lachal (2007, p. 51), le contre-transfert peut constituer un outil d’« apprentissage par transmission » du patient vers le thérapeute de ce qui ne peut se représenter du vécu d’effroi devant la menace de mort, tandis que se transmet l’expérience traumatique de ce qui s’est passé perceptivement en termes de solutions de survie et qui servira à construire ce que l’auteur nomme « un scenario émergeant » (Lachal, 2007, p. 53). On constate, en effet, qu’il est possible à une personne traumatisée de décrire la scène traumatique en faisant appel à des détails de perception comme s’il s’agissait de flashs mnésiques, mais qu’elle ne peut rien dire de son éprouvé. Le concept de « scenario émergeant » sert à décrire l’émergence de représentations spontanées chez le thérapeute à partir du récit du patient impliquant une écoute empathique. L’attention aux scenarii émergents, ce que le thérapeute peut en dire au patient, ouvre à la possibilité d’une narration qui réinscrit le temps figé du traumatisme dans la continuité temporelle de l’existence du sujet. Ce concept de « scenario émergent » possède une correspondance analytique avec le travail de figurabilité sur lequel s’appuie l’analyste en séance, lorsqu’il cherche à saisir le trauma dans les cures d’adulte face à l’émergence d’éléments perceptifs hallucinatoires qu’il s’agira par la suite d’intégrer en contenus représentationnels conscients (Botella, 1988, p. 1471). En proposant un dispositif associant création plastique ou graphique et verbalisation, il s’agit de permettre une autre forme de narrativité de l’expérience du sujet, de s’en imprégner du côté du thérapeute selon un processus analogue au scenario émergeant. En se laissant atteindre par l’image à partir de ce que Josée Leclerc nomme « les émanations sensibles » de l’ordre de manifestations primaires produites par la médiation artistique (Leclerc, 2009, p. 55), il devient possible d’effectuer un travail de figurabilité par le thérapeute pour accéder à une compréhension de la réalité psychique du patient. Ce travail de dévoilement, comme le montre le cas d’Albane, ne signifie pas un accès à la réalité historique des traces psychiques des carences et violences précoces. Lorsque, en psychothérapie à médiations plastiques, nous touchons à une zone traumatique infantile, l’image qui en est issue fonctionne comme un masque ou un écran, un symptôme parfois, derrière lequel se tient l’inaccessible du vécu de l’événement traumatique. Cela est d’autant plus vrai avec une jeune adulte dont les capacités cognitives sont déficientes, alors même que des adultes en pleine capacité de faire appel à leur mémoire peuvent réprimer les souvenirs d’abus sexuels subis dans l’enfance jusqu’à l’oubli complet malgré le fait que ces abus aient été, à l’époque, clairement authentifiés (Widom, Morris, 1997). Cependant, faut-il le rappeler, le besoin de donner une signification à un événement insensé qui désarrime de la communauté humaine concerne tout sujet, porteur d’une déficience intellectuelle ou non.

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Mots-clés éditeurs : oubli, psychothérapie médiatisée, narrativité imageante, traumatismes précoces, carences relationnelles

Date de mise en ligne : 28/12/2017

https://doi.org/10.3917/psye.602.0283

Notes

  • [1]
    34. Spitz, R. (1968) : « Un rejet global de la maternité qui comprend aussi bien la grossesse que l’enfant et probablement aussi bien des aspects de la sexualité génitale » (p. 160).

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