Couverture de PSYE_601

Article de revue

Vécus de grossesse et de périnatalité de femmes ayant été adoptées

Pages 25 à 48

Notes

  • [1]
    Travail ayant fait l’objet de communications préliminaires : le 24/06/12 présentation en mini colloque de Diplôme Universitaire ; le 9/02/14 présentation en séminaire Adoption Internationale (Prs. Moro et Golse) ; le 17/03/14 présentation pour la formation au service Adoption Internationale de Médecins du Monde.
  • [2]
    Psychologue clinicienne. Article rédigé dans le cadre du Diplôme Universitaire Psychopathologie du bébé, encadré par Pr Marie Rose Moro (Paris 13).
  • [3]
    Professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent – Chef de service – université Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité.
  • [4]
    Tous les prénoms ont été modifiés ainsi que des informations qui pourraient les identifier.
  • [5]
    Notion proposée par Racamier (1979, p.193) qui englobe « l’ensemble des processus psychoaffectifs qui se développent et s’intègrent chez la femme à l’occasion de la maternité ».

1 « Crise maturative » (Bydlowski, 2002), « préoccupation maternelle primaire », « folie normale » (Winnicott, 1956), voire « modalité psychotique » (Racamier, 1979), sont autant de périphrases pour signifier l’état de grossesse et la période post-natale. Monique Bydlowski définit le processus de « transparence psychique » (2002) : l’économie psychique tend à adopter un régime narcissique et fusionnel, et le moi éprouve des difficultés à élaborer les mécanismes de défenses usuels. Mais matériel inconscient étrange et angoisse seraient des éléments positifs témoignant de la bonne organisation maternelle et prometteurs d’un environnement favorable pour l’enfant (Brazelton et al., 1979). Tout comme l’affirme Freud (1926, p. 254), « il y a beaucoup plus de continuité entre la vie intra-utérine et la toute petite enfance que l’impressionnante césure de l’acte de la naissance ne nous donnerait à croire ». Actuellement, les spécialistes sont effectivement convaincus que la vie du bébé d’homme commence bien avant la naissance et, en ce sens, c’est dès la grossesse que le bébé se construit, essentiellement dans le lien avec sa mère. Ainsi, Fernand Daffos (2005, p. 6) affirme-t-il que « la vie n’existe que dans la relation entre la mère et son fœtus ». Bien que vivant de par ses caractéristiques physiologiques, le fœtus n’existe effectivement que par sa relation avec sa mère. Tous deux entretiennent une relation privilégiée dans une bulle affective. La grossesse apparaît comme la période exceptionnelle et extraordinaire des premiers liens, qui exacerbe une certaine sensibilité et favorise un centrage sur soi, lesquels provoquent une constellation de remaniements et donc différents questionnements autour de transformations corporelles, identitaires et familiales.

2 La sérénité relationnelle, avec sa famille et avec soi-même (son corps, ses origines, son histoire familiale) serait-elle donc la clef de la grossesse heureuse ? Et, si les représentations du corps, de l’origine, de la famille et de la filiation sont justement fragilisées, comme c’est le cas chez les enfants adoptés, comment se passe la grossesse ? Ces femmes qui ont été adoptées dans leur enfance sauront-elles plus facilement prendre de la distance face aux transformations corporelles et à cette étrange impression de l’être en soi, elles qui décrivent, surtout dans l’adoption internationale, un sentiment d’étrangeté par rapport à leur apparence physique ? Comment se confrontent-elles à des questions qui pourraient rester sans réponse sur leur propre passé et leur état de nouveau-né ? Pourront-elles choyer un bébé alors même que l’identification à une mère est délicate ? Seront-elles, au contraire, encore plus attentives à créer une famille, fonder un foyer, ayant elles-mêmes souffert de ce manque ?

Méthodologie, déontologie et mise en garde

3 Sept femmes adoptées, devenues mères, ont pu s’exprimer sur leur vécu de grossesse en entretiens semi-guidés, de plus de 90 minutes, avec une psycho- logue clinicienne et ouvrir par leur témoignage précieux certaines pistes de réflexion. Signalons que cet échantillon est minime, et que ces femmes sont toutes des femmes volontaires dans cette démarche ; elles ne peuvent pas être considérées comme pleinement représentatives d’une population. Il s’agit d’une étude qualitative exploratoire concernant un sujet sur lequel il est encore très difficile de trouver des écrits. Toutefois, il n’y a pas de réel biais de sélection, car toutes n’appartiennent pas à une association d’adoptés et lors de leur grossesse, il y a plusieurs années, certaines ne se sentaient pas du tout concernées par la question de l’adoption.

4 Conformément à la déontologie, les femmes témoignent anonymement [4] après consentement libre et éclairé, et a posteriori, afin d’éviter que ces questionnements interfèrent dans le déroulement naturel de la grossesse.

5 L’échantillon se compose de :

6 Quatre femmes nées en Corée, dont deux sœurs adoptées à 5 et 2 ans (celle-ci en avait certainement 4 en réalité), Frédérique et Anne, toutes deux mamans depuis quelques mois, à 41 et 40 (ou 38) ans. Lucie, 41 ans, adoptée à 10 ans, maman depuis sept ans et Fanny 38 ans, adoptée à 18 mois, maman depuis trois ans et demi. Toutes quatre se sont intéressées à leur pays d’origine, seule Anne n’a pas étudié à l’université les « Langue et Civilisation Coréennes ». Toutes sont retournées dans leur pays d’origine avant leur grossesse et trois d’entre elles ont souhaité y retrouver leur famille biologique.

7 Nadège, 38 ans, née au Vietnam, adoptée à quelques mois et maman depuis six ans. Elle n’est jamais retournée au Vietnam et « ne pense pas avoir fait une singularité de son aspect fille adoptée », mais elle est intéressée par le sujet et à l’aise pour en parler.

8 Ombeline, 34 ans, née au Guatemala, adoptée à 2 ans et maman depuis douze ans. Elle n’ose toujours pas demander le dossier de son adoption à sa mère adoptive. Ombeline avait totalement occulté le thème de l’adoption, même pendant et après la grossesse. Le sujet n’a ressurgi que depuis quelques années, (l’enfant d’Ombeline avait alors une dizaine d’années).

9 Amandine, âgée de 33 ans, née en Colombie, adoptée à 2 ans et maman depuis onze ans. Elle ne s’est renseignée sur son adoption que six mois avant cet entretien et a encore du mal à prendre la décision d’y partir.

10 Il faut souligner qu’il sera impossible d’isoler le poids spécifique de l’adoption au sein de tous les autres évènements vécus par ces femmes avant et depuis leur accouchement. Il s’agit donc d’une étude qualitative qui ne se veut pas généralisable, mais qui a pour objectif d’ouvrir des perspectives sur un sujet quasiment pas étudié et de proposer des hypothèses heuristiques qui devront être démontrées ultérieurement dans d’autres études avec de plus grands échantillons.

Approches cliniques

Le rapport au corps

11 La grossesse s’accompagne bien sûr de transformations physiques auxquelles la femme ne reste pas insensible. Interrogée à ce sujet, Nadège estime pourtant que « cela faisait longtemps » qu’elle avait « réglé la question du physique, n’y pensant plus ». Toutes les interrogations autour du corps seraient-elles finalement du même ordre ? Ces femmes mettent-elles très tôt en œuvre des mécanismes de défenses qui scinderaient personnalité et apparence, comme un clivage qui mettrait à distance tout questionnement autour du physique ? Au premier abord, toutes ces femmes décrivent un quotidien totalement inchangé jusqu’au septième mois de grossesse et se rappellent avoir « vécu comme si de rien n’était ».

Déni et fantasme d’auto-engendrement

12 Les premiers ressentis physiques restent très variables : une des femmes a « su » juste après le rapport sexuel, tandis que deux d’entre elles sont tombées malades juste au début de leur grossesse et ne se sont aperçues de leur état de grossesse qu’après trois mois. L’absence de sensations spécifiques voire la confusion entre grossesse et maladie contribue à dénier la représentation de l’enfant, et cet abrasement tend à ôter à la grossesse son ancrage sexuel, et aussi bien sûr ses conséquences.

13 Lorsqu’elles en parlent, les femmes maintiennent cette désexualisation, n’évoquant ni le désir d’enfant ni le partenaire. Ces témoignages qui scotomisent le caractère sexuel et objectal de la conception de l’enfant abou-tissent même éventuellement à un fantasme implicite d’auto-engendrement (Birraux, 2011).

14 Si l’enfant à venir convoque inéluctablement l’enfant que la mère fut, la grossesse et la conception renvoient, quant à elles, aux étapes de ses propres origines. Ainsi, le déni de la mère portant l’enfant fait écho au déni de sa propre histoire, sa propre conception et la scène primitive dont elle est issue.

15 Anne a vécu sa grossesse comme « une découverte, quelque chose de nouveau », notamment elle a pris conscience que l’« on nait tous d’un ventre ». Par ailleurs, la prise de poids de plus de vingt kilos est signalée par trois des sept femmes. L’une d’elles explique qu’elle a « dissimulé sa grossesse derrière son embonpoint imminent ». Une autre dit avoir « changé de corps » et se souvient de sa mère lui disant : « Ma fille, je ne te reconnais plus ! ».

16 Cette expression si franche d’une mère envers sa fille adoptée semble témoigner du changement intégral de la femme enceinte, et éventuellement de la difficulté qu’a l’entourage à l’accepter. Maladie et rétention d’eau seraient-elles à interpréter comme la difficulté à se reconnaître enceinte, une punition ou une dénégation, une dissimulation à soi-même et au regard des autres ? La prise de poids par excès d’alimentation serait aussi une façon de prolonger le déni de la conception et de la sexualité, sous-tendant un fantasme de conception orale. La nourriture, objet de dépendance, qui puise sa source dans la séduction maternelle, éprouve les limites dedans-dehors et l’alternance des mouvements d’introjection et de projection de mauvais objets susceptibles d’attaquer le moi.

La culpabilité

17 Chez toute femme, la grossesse est embarrassante, au sens où elle témoigne de l’activité sexuelle, et la plupart du temps c’est la fierté de porter une future vie en soi qui permet d’estomper la gêne éventuelle. Mais pour des femmes adoptées, cette même fierté peut être vécue comme culpabilisante, notamment par rapport à la mère adoptive, et la transgression serait alors dédoublée.

18 En fait, parmi les témoignages, les conditions de conception apparaissent à elles seules comme des passages à l’acte réprimandables. Si elles n’évoquent pas leurs désirs sexuels, la relation avec leur partenaire est potentiellement suffisante à susciter chez ces femmes un sentiment de culpabilité et un vécu de transgression : ainsi, Ombeline encore étudiante a une liaison avec un jeune homme sans papiers, à l’insu de ses parents ; Amandine trouve un compagnon dans le but de quitter le domicile parental ; Frédérique est en procédure de divorce lorsqu’elle tombe enceinte de son amant ; Nadège a une relation avec un ancien amant à quelques jours de la conception de son fils ; et Lucie a un enfant avec un homme qu’elle n’aime plus, espérant ainsi ressouder son couple.

19 Ces scénarios de conception reflètent-ils la culpabilité que ces femmes éprouvent à devenir mamans ? Donnent-ils prétexte à ces femmes pour s’éloigner de leur mère adoptive, en mauvaise fille, et éviter l’emprise que celle-ci pourrait avoir sur leur petit enfant ? À moins que, pour ces femmes, la faute se situe tout simplement dans le fait de devenir mères, par rapport à leur mère adoptive ? Se sachant coupables d’emblée, elles créeraient une situation encore plus condamnable et provoqueraient ainsi la réaction prévisible de rejet de leur mère adoptive.

L’objet interne

20 Face au corps médical, la réticence n’est pas la même : les femmes ne sont pas dans le déni et se rendent aux rendez-vous de suivi. Les images de l’échographie permettent d’expliquer rationnellement ce ventre arrondi et ces kilos supplémentaires, mais, figurant l’autre en soi, elles peuvent être traumatisantes. Le couple se heurte à la réification, par la réalité d’une image actuellement très précise, l’anatomie visuelle étant complétée par la dynamique du mouvement. Cette image et ces preuves que l’enfant est bien présent et bien vivant peuvent susciter une inquiétante étrangeté (Soubieux et al., 2004), d’autant que les automatismes – automatisme du procédé, mais aussi automatismes des membres, du flux sanguin, des battements cardiaques et de la succion – rappellent la lutte biologique entre les corps, celui de la mère et de son fœtus sexué, et donc les risques mortifères.

21 Les images obtenues par échographie influencent le regard maternel : peu à peu, la femme ne se considère plus seulement comme contenant d’une partie d’elle-même, son attention psychique se centre davantage sur son contenu. L’objet reste intérieur physiquement, mais est déjà externalisé psychiquement. La concrétisation de la virtualité envisagée autour de l’enfant imaginé, cette « démystification de l’idéalisation » (Soubieux et al., 2005) tendent en effet à abolir les limites entre imaginaire et réel, à estomper les limites dedans-dehors, en rendant le corps de la femme vraiment transparent. Cette infraction peut être vécue comme une « profanation » (Kohn-Feist, 1996), la femme peut se sentir mise à nue non seulement par l’échographiste, perçu parfois comme une mère archaïque toute puissante, mais également par le fœtus lui-même. La visualisation de son ventre par l’intérieur, d’un habitant inquiétant, peut aussi réactiver chez cette femme vulnérable des fantasmes de gratification narcissique ou au contraire des idées de menaces sur son intégrité corporelle. Des angoisses archaïques de dévoration peuvent surgir au vu de ce petit être encore si peu développé et pourtant si impressionnant. Son corps de mère, envahi de l’intérieur, pourrait alors être dévoré par le fœtus lui-même, ou encore convoité par sa propre mère. Ces fantasmes confirment la prépondérance du rôle des premières relations mère-fille et l’importance de la préhistoire maternelle. Aucune des femmes interrogées n’évoque des souvenirs de telles angoisses. Seule une se rappelle un rêve peu après l’échographie où elle portait « un poulet et des larves » en elle. L’absence d’angoisses et de rêves chez les autres témoigne-t-elle d’une réelle mise à distance ? Là encore, ne serait-ce pas leur habitude au clivage intérieur ou à la confusion entre soi et non-soi qui atténuerait les préoccupations ? Une des femmes décrit sa propre personne comme presque dédoublée, distinguant sa « personnalité tout à fait occidentale » acquise depuis une trentaine d’années au sein d’une famille française ordinaire de son « physique et [sa] personnalité enfouie et imperceptible de fillette coréenne ». Toutes expliquent en effet que le dedans est européen, français, tandis que leur apparence physique donne à voir une femme asiatique ou latino-américaine. Cette double existence intime pourrait-elle atténuer l’étrangeté de l’expérience de grossesse éprouvée par une mère qui ressent une autre vie en elle ? Selon Bydlowski (2002), la grossesse inaugure l’expérience d’une rencontre intime avec soi-même, l’objet interne cesse d’être une métaphore et se figure en ce fœtus. Pendant cette période de transparence psychique, le fœtus est bien perçu comme objet interne et réactive l’existence de la petite fille que la mère fut, ou pense avoir été, et qui se trouvait en elle mais était jusque-là enfouie.

22 Le risque pour la jeune femme enceinte de revivre des angoisses primitives serait d’autant plus grand que cette future maman n’aura pas pu constituer un bon objet interne lorsqu’elle était elle-même bébé. Aussi, si la jeune femme a reçu, toute petite, des soins intrusifs ou insuffisants, sa grossesse, l’accouchement et le bébé risquent d’être vécus comme angoissants voire menaçants.

23 Ces sept femmes évoquent des périodes d’angoisse pendant leur grossesse, mais ce n’est jamais en lien avec leur bébé. Leur environnement souvent hostile leur a-t-il permis d’éviter une confrontation avec le bébé, et de se rapprocher plus naturellement de leur seul « allié » ? Elles semblent en effet avoir trouvé les ressources nécessaires pour considérer ce bébé comme bon objet, par un clivage qui les renverrait elles-mêmes au mauvais objet, s’accablant de reproches et ne prenant pas réellement soin de leur corps. Au-delà de l’angoisse face à la rupture, ces femmes ont-elles éprouvé la crainte de perdre leur bon objet interne peut-être difficile à conserver en métaphore ? Elles décrivent ainsi une angoisse à voir et recevoir leur bébé.

24 L’échantillon est trop petit pour pouvoir généraliser ces constats, mais notons tout de même que ces femmes ont connu pour la plupart des complications, parfois morbides. La réaction du corps exprimerait-elle des sentiments de culpabilité voire de rejets de l’intrusion du non-soi dans le soi ? Parmi ces sept femmes, une minorité a accouché par voie naturelle, la plupart ayant recours à une césarienne. Anne considère sa grossesse comme l’aboutissement de huit ans de thérapie ; Nadège a fait une hémorragie post-partum après une grossesse ponctuée de contractions dès le quatrième mois ; et outre ces grossesses, Frédérique et Ombeline ont fait des grossesses extra utérines, et Fanny une fausse couche.

25 Si les transformations corporelles sont les plus manifestes, il est indéniable que la femme dont le ventre s’arrondit est aussi au cœur de transformations psychiques. Une femme qui devient mère adopte une nouvelle identité, pour elle-même et bien sûr par rapport aux membres de sa famille.

La quête identitaire

26 La grossesse, crise maturative, pourrait être considérée comme une quête identitaire où les processus d’identification se développent selon deux directions : l’identification à la mère en tant qu’imago maternelle et celle au bébé. Cette quête ne pourrait s’effectuer qu’à partir de processus d’identification, qui s’élaborent très tôt chez la petite fille.

27 Selon les théories freudiennes concernant la reconnaissance de la différence des sexes pour l’enfant, la fille éprouverait d’abord « l’envie du pénis », puis cette envie glisse très rapidement vers une envie d’enfants. La rivalité avec la mère entraîne l’abandon de l’objet maternel ; ce détache-ment nécessite pour la fille de trouver des raisons d’abandonner la mère, d’avoir des griefs contre elle. S’il est certain que la vie quotidienne peut procurer des prétextes à en vouloir à sa mère, il semble que la fillette soit aussi animée par les reproches qu’elle peut faire à sa mère de l’avoir fait naître fille, c’est-à-dire de ne pas lui avoir donné de phallus. Comme Hélène David (2006) le rappelle, la fille, lorsqu’elle devient femme et donc mère potentielle, est dans une dynamique d’acquisition d’indépendance, voire de rejet par rapport à sa propre mère, qu’elle souhaite avant tout ne pas imiter. Or, lorsque sa maternité se concrétise, d’abord par sa grossesse, la confusion des places devient inévitable. La distinction entre identification et identité devient délicate : la fille construit son « être soi », mais est rattrapée par l’ « être comme ». La quête d’intégrité narcissique de la fille se trouve en effet freinée et risque même d’être entravée par une identification absorbante qui ne respecterait pas la distance à la mère que la fille tente de créer.

Un isolement nécessaire à l’émancipation ?

28 Lorsqu’elles sont amenées à qualifier par trois adjectifs la femme qu’elles ont été lorsqu’elles étaient enceintes, deux femmes sur sept n’utilisent que des adjectifs dépréciatifs, trois femmes ajoutent l’adjectif « heureuse » ou « courageuse » à un duo d’adjectifs dépréciatifs, et deux ont une majorité d’adjectifs positifs. Les entretiens ont été menés plusieurs mois, parfois plusieurs années (selon les femmes de dix mois à douze ans) après l’accouchement. Toutes ces données reposent sur des souvenirs, inéluctablement remaniés au cours du temps. Sans que cela doive être interprété par quelque rapport de causalité, une constante se retrouve chez ces sept femmes adoptées : la difficulté à stabiliser leur vie conjugale. Toutes ont souhaité quitter le domicile parental dès leur majorité, voire même à 17 ans, mais sans aucun projet familial défini. Pour la plupart des femmes, le désir d’enfant n’est apparu que progressivement, et le désir de fonder une famille et de trouver un compagnon de vie n’était jamais prioritaire. En effet, ces femmes semblent toutes devoir faire un effort de mémoire pour se revoir petites filles rêvant d’être mamans, et celles qui s’y replongent constatent que le désir d’enfant était très différencié du désir de famille : il n’était jamais question de la grossesse ni de père de l’enfant. Une majorité explique avoir songé à adopter un enfant, même seule, s’il le fallait. Frédérique explique qu’elle avait pensé « faire un bébé toute seule », comme dans un fantasme d’auto-engendrement et Anne se souvient : « Toutes mes copines qui commençaient à être mamans, à avoir des bébés, alors c’est vrai que je me suis dit, est-ce que toi tu vas encore faire une singularité de ta vie, voire jusqu’au rôle de mère, je me sentais prête à avoir, enfin à avoir, enfin à éduquer un enfant, mais pas du tout à le porter. »

29 Ces réflexions, qui peuvent illustrer l’idée de Lacan (1975) selon laquelle « la femme n’est reconnue que quoad matrem », exposent aussi l’hypothèse de la dette envers la société. Ces sept femmes ne semblent pas avoir recherché à être entourées. D’une manière générale, les relations avec les femmes de générations antérieures semblent être peu investies. C’est éventuellement leur belle-mère qui les soutient en tant que famille de « substitution ». Mais les aides et conseils que ces femmes acceptent sont essentiellement ceux du corps médical et éventuellement d’amies (notamment des camarades pendant les études). Dans l’échantillon général, seules deux des mamans ont vécu sereinement leur grossesse, entourées de leur compagnon. Pour les cinq autres, la grossesse a été une période délicate et d’isolement plus ou moins contraint. Amandine s’est isolée par elle-même, et a profité de ses études pour partir outre-Atlantique pendant un trimestre ; Frédérique, certes avec le soutien de son amant, père de l’enfant, a divorcé pendant sa grossesse ; Lucie est restée avec son époux mais a quitté la France pour le suivre à l’étranger avant de sombrer dans une violente dépression, comprenant qu’il lui était impossible de continuer à vivre avec cet homme ; Nadège s’est séparée quatre mois après l’annonce de la grossesse et a énormément souffert de sa solitude ; et enfin Ombeline, encore étudiante, s’est sentie renvoyée de chez sa mère et, se cachant du regard de celle-ci, s’est fait héberger par son ancienne nourrice considérée comme une grand-mère. Il semble ainsi qu’un sentiment de culpabilité et une angoisse latente de la rupture entraînent un isolement, peut-être nécessaire à l’acquisition de l’indépendance, et cela pourrait finalement renforcer la relation au fœtus.

L’identification au bébé 

30 Toutes se souviennent avoir beaucoup parlé au fœtus, apparemment plus en tant que confident externe qu’en tant qu’objet interne. Auraient-elles très rapidement externalisé l’objet interne, évitant ainsi la confrontation avec leur propre objet interne et donc avec la petite fille qu’elles ont pu être, peut-être inaccessible, impossible à convoquer, trop fragile ? Quel que soit leur âge d’arrivée en France, ces sept femmes adoptées gardent très peu de souvenirs conscients de leur petite enfance et s’interrogent, de fait, beaucoup plus sur le vécu de leurs parents biologiques que sur leur propre petite enfance. Même pour les femmes qui ont été confiées à l’adoption plus tardivement, les souvenirs de leur vie dans leur pays d’origine sont très ténus, et jamais évoqués spontanément. Mais plusieurs reconnaissent qu’elles se sont « revues » dans ce bébé, et pour certaines, c’est un soulagement de voir « enfin quelqu’un qui [leur] ressemble ». Toutes décrivent une relation très proche au bébé, et toutes ont ressenti le besoin d’allaiter, malgré la peur de leur nourrisson, fréquemment évoquée. Anne explique qu’elle a pris cette décision, se disant que « ça c’est quelque chose qu’[elle] a vécu ».

31 Les témoignages recueillis sont parfois très ultérieurs aux grossesses, mais les souvenirs d’attachement au bébé et d’identification au nourrisson ne semblent pas sensibles à la distance temporelle. Plusieurs années après, l’émotion lorsque ces femmes décrivent leur grande proximité avec le bébé est encore très forte.

32 Chez des femmes qui ont été confiées à l’adoption, l’identification au bébé pourrait représenter a priori un danger potentiel, celui de l’abandon. C’est justement ce sentiment de rupture et de solitude qui peut être questionné lors de l’accouchement. Anne se souvient que la première pensée en voyant son bébé fut : « Je ne serai plus jamais seule » ; cette remarque pourrait surgir de sa voix de mère qui voit son prochain, mais également de son moi nouveau-né qui se projette dans celui qu’elle vient de mettre au monde. Au cours de l’entretien, Nadège explique que sa « vie a été ponctuée de trois abandons » : celui qu’elle a vécu à quelques mois, celui qu’elle a vécu lorsque son compagnon l’a quittée et celui que son fils a vécu lors de l’accouchement. Ici, la confusion entre son fils et elle-même marque l’identification. Ombeline semble également se retrouver dans son fils, elle déclare qu’elle souhaitait « à tout prix un garçon » et non une fille, peut-être par peur inconsciente de trop s’identifier à l’enfant. C’est surtout après la naissance de son fils qu’elle se souvient avoir pensé qu’elle, à son âge, « n’avait rien », et elle s’est sentie spécialement attentive à lui pendant ses deux premières années ; elle a aussi souffert de n’avoir aucune photographie d’elle avant ses deux ans, et a donc senti le devoir de photographier son fils le plus possible. Cela pourrait correspondre à un désir de revivre une enfance perdue.

33 Une grande majorité de ces mères avait songé à l’adoption avant même de penser à la grossesse, sans savoir expliquer pourquoi, n’invoquant jamais l’angoisse de porter un enfant. Ce désir soulignerait la représentation de l’enfant réparateur, enfant auquel ces femmes peuvent s’identifier et grâce auquel se rejouerait quelque chose qu’elles pourraient éventuellement mieux revivre. Lucie explique qu’elle a sans doute été une mère trop anticipatrice pour son bébé. Sept ans après, elle estime que son attention relevait de l’hypervigilance et aura pu finalement entraver un développement du bébé à son propre rythme. Cette femme décrit sa relation très intime avec le bébé comme une échappatoire à la détresse et à la solitude dans laquelle elle se trouvait, s’étant éloignée de son compagnon. Ce rapprochement presque fusionnel du nourrisson ressemblerait à une attitude de compensation face à l’abandon ressenti : « abandonnée » par son partenaire, elle renforcerait le lien avec son bébé. Mais cet état d’hypervigilance pourrait aussi d’une part faire écho à l’état d’éveil dans lequel cette mère était lorsqu’elle était nouveau-née, et d’autre part, faire rempart au risque de manque de soins et d’attention. Lucie en parle sur un ton vraiment sévère de reproches envers elle-même. Comme le souligne Bydlowski (2002), certaines mères peuvent avoir l’intime conviction d’être des mauvaises mères, quoi qu’elles fassent, souvent parce qu’elles auraient, selon elles (ou selon leur propre mère), été de mauvaises filles.

34 Devenir mère n’est en effet pas si simple, et nécessite des identifications antérieures de bonne qualité. Pour Bernard Golse (2006), l’accès de l’adulte au nourrisson passe par une régression au bébé que chacun a été et qui demeure enfoui en chacun, après d’inéluctables transformations. Ainsi, c’est par le biais de ces identifications régressives au bébé que l’adulte espère ou craint avoir été, qu’est créé le lien au bébé réel. La mère suffisamment bonne s’autorise à la régression pour entendre les besoins et désirs du bébé qu’elle a à présent en se référant à celui qu’elle était, sans sentir sa propre existence menacée. Si elle n’y parvient pas, elle risque de rester distante par rapport à son bébé voire de le considérer lui-même comme un danger pour sa survie. L’arrivée de l’enfant implique donc des remaniements dans les investissements, notamment un investissement narcissique visant un objet appartenant à la personne propre. Cette régression la rapproche également de son imago maternelle, au risque que celle-ci soit omni- potente destructrice et donc haïe, ou fascinante et idéalisée. L’apparition du bébé réveille ainsi les relations d’ambivalence existant entre la mère et sa propre mère. Un certain degré de réconciliation ou de conciliation entre mère et fille qui ont su trouver la bonne distance est un bon pronostic pour une grossesse vécue suffisamment bien, car l’enfant n’est pas ressenti comme objet exigé de la future grand-mère et la fille s’autorise alors plus facilement à régresser vers ses propres origines, sans mise en péril. A contrario, la primipare qui rompt brutalement avec l’ascendance maternelle risquerait de ne pas savoir comment se positionner, et d’interpréter sa grossesse plus selon l’avoir (la maternité) que selon l’être (mère). Dans le meilleur des cas, la fille enceinte « touche sa mère, la prolonge » tout en se différenciant d’elle (David, 2006). Ces relations, si elles sont vécues comme menaçantes, irréalisables, voire impossibles, génèrent dépressions ou angoisses.

35 L’emprise d’une mère archaïque omnipotente fragilise l’intégrité de la fille et renforce le sentiment d’obstacles intérieurs : s’identifier à la mère détruirait celle-ci et s’identifier au futur enfant sans se perdre en lui serait inenvisageable. L’intrication entre les sentiments de la mère pour sa propre mère et ceux surgissant face à son bébé est parfois solide au point que la seule défense pour la nouvelle mère est la mise à distance de ce danger que représente le bébé.

36 Dans le cas d’une filiation naturelle, les liens du sang peuvent exacerber des problématiques complexes autour de l’identique et de sa reproduction. Mais, pour la femme qui a été adoptée, la confrontation aux imagos maternelles ne serait-elle pas d’autant plus délicate qu’elle est double, puisque le lien existe à la fois avec la mère biologique et la mère adoptive ? Et l’identification au bébé représente pour elle un danger potentiel, celui d’être à nouveau abandonné. Serait-ce une explication à la réaction récurrente chez ces femmes d’avoir d’abord souhaité adopter ? En effet, cinq femmes sur sept expliquent qu’elles ont pensé à l’adoption, avant d’envisager la grossesse. Cette situation aurait-elle permis une double identification, à l’enfant adopté et à la mère adoptive ? Cette démarche aurait-elle aussi permis de devancer l’abandon, déjà effectué par une autre mère ? Comment une fille adoptée se situe-t-elle dans cette confrontation à la mère ? Mères naturelle et biologique peuvent-elles alors être imaginées en tant que modèles ou rivales potentielles ? Comment la construction de la vie familiale a-t-elle été envisagée et mûrie, de l’appréhension de leur féminité à leur maternalité [5] ?

L’identification à la mère adoptive ?

37 Toutes décrivent leur malaise par rapport à leur mère adoptive, qui n’a pas connu ce bonheur. L’annonce de la grossesse à la mère adoptive peut même être vécue comme difficile pour certaines. Ombeline se sent trop gênée pour se montrer à sa mère « avec [son] gros ventre ». Amandine raconte qu’elle s’est éloignée de sa mère (adoptive) pendant sa grossesse, mais elle regrette une dizaine d’années plus tard, dans une dénégation : « J’aurais voulu lui faire vivre, faire partager ce bonheur, elle qui n’avait jamais eu son propre enfant. » Par ailleurs, elles sont nombreuses à ne pas utiliser de moyens de contraception et à rester perplexes lors du test de grossesse positif. Lucie explique qu’elle pensait être stérile, puisque dans sa famille, sa mère (adoptive) avait adopté et sa tante n’avait pas d’enfant. Frédérique aura même recours à la procréation médicalement assistée, sans preuve physiologique de problème de fécondité, mais plus par angoisse, persuadée qu’elle « n’y arriverait pas ». Frédérique explique qu’« une femme stérile est diminuée, pas capable, pas une femme à part entière ». En de telles circonstances, l’identification pourrait être difficile : une certaine condescendance ne pourrait-elle pas se substituer à l’identification à cette mère qui n’a pas pu être leur mère biologique ? Frédérique élabore une théorie où l’adoption serait « un acte purement égoïste pour des parents stériles, qui bénéficient de l’enfant après que la mère biologique a fait le plus dur ». Notons que cette remarque émane d’une femme qui sort d’une grossesse qu’elle a difficilement vécue, elle dit d’ailleurs être « preneuse, si on pouvait avoir un enfant sans passer par la femme enceinte ». D’une manière générale, alors que la mère biologique semble être épargnée, la mère adoptive serait apparemment davantage mise à mal.

38 Ce rejet et ce mépris de la mère correspondraient au matricide de la mère devenue insuffisante. Toute mère, selon Bydlowski (ibid.), doit passer d’idéalisée à affaiblie, vaincue et perdante, pour que sa fille accepte de l’aimer pour sa faiblesse et s’acquitte de sa dette de vie envers elle en lui donnant un enfant. C’est un sentiment très ambivalent à l’égard de cette mère qui s’instaurerait alors, de l’idéalisation au dépit puis à la pitié, avec le sentiment de dette. Ne pourrait-on pas ici déceler une sorte de clivage entre rivalité et dette ? Ainsi, la duplicité des mères permettrait de lever l’ambivalence et de cliver bon et mauvais objet : la mère biologique incarnerait la mère à qui la fille doit physiquement la vie, et la mère adoptive celle qui s’est trouvée être la rivale lors du « devenir femme » de la jeune fille. À moins que ce ne soit la nature de la dette qui soit double : s’il s’agit bien d’une dette de vie envers la mère biologique, la fille adoptée devrait-elle se confronter à une dette d’impossibilité de procréation envers la mère adoptive ?

39 Finalement, la mère adoptive pourrait incarner un mauvais objet à abandonner, facilitant ainsi une identification potentiellement « dangereuse » à la mère biologique. S’éloignant de leur mère adoptive et éventuelle- ment même de leur compagnon, ces femmes sauvegarderaient la seule fusion avec leur enfant. L’empreinte corporelle et inconsciente, à l’origine des bases de l’attachement, est à son acmé lorsque l’embryon, puis le fœtus est porté par sa mère : tant qu’elle le porte en elle, la séparation et donc l’abandon est inenvisageable et la plénitude inébranlable. Et, si la fille ne s’identifie pas à sa mère adoptive, elle pourrait lui faire endosser le rôle de l’être abandonné, et ainsi sauvegarder sa relation au bébé, s’identifiant à la mère biologique sans craindre pour autant d’abandonner son bébé, voire de l’abandonner à sa mère adoptive. Si elle n’évite pas, ne dénie pas la dette envers la mère adoptive, la fille devrait-elle faire don de son bébé, rejouant ainsi symboliquement l’abandon du bébé ? Un jeu complexe d’identifications pourrait-il alors être salvateur ?

L’identification à la mère biologique ?

40 Quel serait alors le risque pris en s’identifiant à une mère qui n’a pas pu élever sa propre fille ? Rejeter voire abandonner les proches soulagerait-il la mère de l’angoisse d’abandonner son bébé ? Ces femmes décrivent rarement l’angoisse d’abandonner mais précisent spontanément qu’après être devenues mères, elles ont ressenti plus de compassion pour leur mère qui les avait mises au monde, et avait dû les confier à l’adoption. Lorsqu’elles envisagent le contexte de leur famille biologique, ce n’est en effet pas à elles-mêmes qu’elles pensent, mais à leurs parents et à leur mère en particulier. Beaucoup de femmes verbalisent cet inconcevable : « Pour une mère, abandonner son bébé, je n’imagine même pas la douleur que ça doit être », et semblent éluder la question de savoir comment elles, petits bébés, ont été traitées, ont pu survivre. La compassion, et donc l’identification à la mère biologique, semblent de fait plus naturelles que pour elles-mêmes à l’âge de nourrisson.

41 Amandine explique qu’elle avait toujours voulu un enfant avant 25 ans, et en le verbalisant, elle subodore que c’est parce qu’elle savait que sa propre mère avait eu des enfants très jeune ; or, finalement, elle est tombée enceinte exactement à l’âge que sa mère avait lorsqu’elle lui avait donné la vie. Selon elle, ce serait une « volonté totalement inconsciente de faire exactement pareil ». Par ailleurs, elle confie ne pas prendre de contraception : « La pilule qui contrefait la nature, prendre un médicament pour contrefaire la nature qui dit normalement on doit avoir des enfants, on a des enfants, ça, non. » Cette réaction dénote la rivalité, la mise à mal de la mère adoptive, pas « normale », et soulignerait une identification à la mère biologique, qui a eu des enfants alors qu’elle n’a pas eu la possibilité de les assumer. Et elle ajoute d’un ton frondeur : « Je n’ai pas peur de tomber enceinte. » Serait-ce alors pour cette femme qui a déjà dû avorter, une façon de s’affirmer par rapport à ses mères qui ne furent pas infaillibles par rapport à leur maternité ? Amandine semble en effet éprouver ce besoin de prendre elle-même sa vie en main, et elle reconnaît avoir « eu besoin de tirer un trait sur eux [ses parents] pour construire quelque chose ». Mais ce trait tiré n’a pas empêché Amandine de se soucier de son passé et les questions ont resurgi de manière assez inattendue, si bien qu’elle était allée ouvrir son dossier quelques semaines avant l’entretien et s’était découvert un frère aîné qui serait encore en Colombie. Elle confie être persuadée que, depuis, sa mère a eu d’autres enfants.

42 Anne explique que, depuis sa grossesse, elle est intriguée par sa conception et, alors même qu’elle a retrouvé sa mère biologique et que son père putatif serait mort lorsqu’elle était en très bas âge, elle imagine un roman familial à partir des quelques éléments qu’elle a pu recueillir, et qui pourrait justifier le fait qu’elle ait été confiée à l’adoption.

43 Lucie explique que son âge tardif d’arrivée en France a facilité l’acceptation de sa situation, car elle sait que c’est le contexte économique qui a contraint ses parents à la confier à l’adoption. La narrativité, la construction d’une histoire, semblent effectivement être indispensables pour permettre à la vie de continuer et de mettre à distance tout sentiment de culpabilité (Golse et al., 2005). La rationalisation par évocation du contexte permettrait aussi à ces femmes de rendre l’identification totale inconcevable et ainsi d’éloigner l’angoisse d’abandonner. L’une d’elles en parle ouvertement, elle fait référence à une « sensibilité sur la rupture », reconnaît qu’elle a « abandonné un nombre de fois incommensurable », mais elle précise : « Le fait d’avoir un enfant qu’on engendre, dont je serai toujours la mère, là j’ai senti que c’était trop sérieux. »

44 Il ressort que seules les deux femmes qui n’avaient pas osé aborder le sujet de leur vie avant l’adoption avec leurs parents adoptifs ont évoqué leur appréhension de la reproduction de l’abandon. Ombeline explique que son regard sur son enfant a changé, elle s’est « sentie rassurée » dès lors qu’il a atteint ses deux ans, âge auquel elle-même avait été adoptée. Amandine raconte qu’elle est « adepte du système de disparition » et a ainsi disparu quelques mois lorsque son fils a eu l’âge qu’elle avait lors de la disparition de sa propre mère. Il semble que la répétition soit presque un automatisme lorsque la séparation n’a pas été ré-évoquée ultérieurement : c’est pourquoi, beaucoup de personnes ayant été adoptées recréent des relations de type fusionnel, où le partenaire recherché est paradoxalement absent ou rejetant. Chacun se construit autour d’un fantasme d’abandon résultant de l’expérience de l’alternance présence/absence de l’objet, mais la loi du tiers séparateur, dans les cas usuels, permet une déculpabilisation de l’enfant qui comprend que la mère ne le quitte pas parce qu’il n’est pas un « bon » enfant, mais parce qu’elle a d’autres activités, en l’occurrence elle vit avec le père. Dans le cas des enfants adoptés, le contexte socio-économique pourrait alors éventuellement tenir lieu de tiers séparateur. Mais l’identification à la mère biologique reste vraisemblablement douloureuse.

45 Nadège se souvient d’un rêve éveillé après son hémorragie post-partum : l’image d’une femme accouchant dans la souffrance, et elle imagine alors que cette femme serait sa mère biologique qui, selon elle, serait donc morte en couche. S’agirait-il ici, plus que du matricide post-natal, d’une identification, cette jeune mère ayant elle-même réchappé de peu à la mort, ou d’une réelle transparence absolue provoquant la réminiscence d’un souvenir très enfoui des premières heures de la vie ?

46 Pour David (ibid.), la maternité sollicite en chaque femme ce qui existe en elle de plus archaïque et ce qui s’est joué de plus précoce dans ses premières relations à l’environnement, les toutes premières secondes de sa propre histoire, et des éléments parmi les plus refoulés sont alors reconvoqués. L’apparition de l’enfant accentue aussi la dualité des pulsions, de vie et de mort : outre la perte physique du bébé après l’accouchement, le deuil de l’enfant idéalisé, enfant entièrement bon, peut être difficile à supporter. Malgré ces témoignages de schémas où l’identification à la mère bio­logique est saillante, l’empreinte de la mère adoptive se retrouve également dans les réactions de ces jeunes femmes, notamment dans la perception de leur fertilité. Cette identification presque absurde avec leur mère adoptive montre bien la confusion de la filiation. Serait-ce une totale réussite de l’affiliation, considérant, selon la conception ternaire de la famille de Pierre Lévy-Soussan (2013), que le pilier juridique et le pilier psychique ont été assez crédibles et puissants pour que le pilier des liens du sang, qui reste le pilier défaillant dans l’adoption, ne soit plus questionné ? Jean Guyotat (1980) considère justement l’axe biologique et l’axe affectif comme un seul et même axe, celui de la filiation narcissique. Alors que la filiation instituée serait très conscientisée et légitimée par la société, la filiation imaginaire narcissique reposerait sur une construction fictive transmise sous forme d’un mythe familial, et se composerait d’une transmission biologique, génétique, et d’une transmission de « corps-à-corps ».

47 Affiliation et filiation sont bien sûr questionnées lors de la grossesse qui provoque, de fait, un remaniement des générations. Pour toute femme, devenir mère correspond à une évolution qui l’ancre dans un nouveau schéma de vie. Quel peut être l’impact d’un abandon infantile sur la disponibilité à la mobilité intergénérationnelle ?

Le remaniement de générations, quel ancrage dans la filiation ?

48 Comme le souligne Françoise Héritier (2010), « la filiation partout et toujours ne peut être qu’un acte social » suivant une convention juridique fondatrice. Pour autant, le poids du biologique et du passé ne peut être sous-estimé. Avoir un enfant est un acte qui ne concerne pas seulement les parents en tant que personnes, mais aussi des lignées, une société qui se poursuit et une culture qui se transmet par l’enfant.

49 Pour Alberto Eiguer (2012), la famille se construit selon trois axes : généalogique, groupal et subjectivant. L’aspect généalogique de la famille se justifie en ce sens que c’est l’assurance de la perpétuation par le renouvellement fidèle de la vie biologique et psychique, respectant les idéaux et les ancêtres fondateurs. La famille est de forme intrinsèquement groupale, puisqu’elle est le support organisateur, ou encore l’enveloppe psychique des espaces psychiques de chacun de ses membres. Enfin, ces liens puissants sont mobiles et susceptibles de se transformer selon l’évolution de chaque membre ; la famille est donc le berceau d’identités singulières, indépendantes et autonomes. Cette conception laisse à penser que le biologique n’est pas si primordial, dans la notion de famille, lorsque celle-ci s’inscrit réellement dans une continuité générationnelle autour d’un axe fondamental solide. La transmission de l’héritage concret, mais aussi de l’héritage psychique reste une, voire la fonction majeure de la famille, grâce aux enveloppes et liens familiaux. Selon Eiguer (ibid.), il est nécessaire que le parent puisse parler ou du moins penser un événement embarrassant pour réellement se libérer de ce fantôme potentiel. Les traces d’un souvenir trop gênant, qu’un parent croit avoir enfoui, dont il se croit débarrassé, mais sans avoir pu l’évoquer se transmettront aux héritiers de générations en générations. Pour Serge Lebovici (1997), il s’agit de mandat transgénérationnel et la transmission est intergénérationnelle, car elle s’apparente à une négociation entre générations.

50 Comment ces mères, adoptées, se situent-elles alors dans une famille ? En quelles mesures ont-elles pu porter un mandat, introjecter les traces de leurs parents ? Quelles projections ont-elles pu construire ?

Les liens familiaux

51 Dans la même logique que Lebovici (1999), et afin d’éviter une trop grande rationalisation, le processus de filiation et de parentalisation est étudié selon une autre approche, le dessin d’arbre généalogique. Chacune de ces mamans est soumise à la consigne : « Effectuez un arbre généalogique de votre enfant tel que vous vous le représentez. » Cette consigne a surpris toutes les femmes, mais elles ont apprécié l’exercice. Par respect de l’anonymat, les arbres ne sont pas présentés dans leur intégrité : des étiquettes recouvrent les prénoms.

Figure 1 : Amandine

Figure 1 : Amandine

Figure 1 : Amandine

Figure 2 : Frédérique

Figure 2 : Frédérique

Figure 2 : Frédérique

Figure 3 : Ombeline

Figure 3 : Ombeline

Figure 3 : Ombeline

Figure 4 : Lucie

Figure 4 : Lucie

Figure 4 : Lucie

Figure 5 : Nadège

Figure 5 : Nadège

Figure 5 : Nadège

Figure 6 : Fanny

Figure 6 : Fanny

Figure 6 : Fanny

Figure 7 : Anne

Figure 7 : Anne

Figure 7 : Anne

52 Loin d’être graphiquement identiques, les arbres présentent tout de même certaines caractéristiques communes, récurrentes. Aucune femme ne dessine ses ascendants biologiques. De fait, elles disent ne pas sentir d’appartenance. Nadège dit : « Faire un deuil sur mes questions d’adoption, c’était important avant de tomber enceinte », et Anne souligne ainsi la complexité des liens du sang qui perdurent au-delà des générations : « Je lui fais hériter de gênes asiatiques, mais moi en tant que telle, je me sens… dans ma tête, je suis européenne. » Elle raconte que sa sœur biologique non confiée à l’adoption et donc encore en Corée a exprimé ses regrets de ne pas avoir pu être présente lorsque sa « sœur » de sang accouchait. Mais celle-ci émet des réserves, considérant que « de toute façon ce n’est pas [sa] sœur ! » Ainsi, l’éloignement avec la famille d’origine est parfois bien réel, et cette mise à distance pourrait renvoyer à la volonté d’un recommencement de la filiation. Les parents adoptifs sont d’ailleurs également rarement représentés : seules Amandine (1) et Frédérique (2) les ont explicitement inscrits.

53 Ombeline (3) et Lucie (4) ont écrit des noms en tant qu’ascendants, mais ce sont en réalité des membres éloignés de la famille ou des amis, et Nadège (5) a dessiné, sans s’y individualiser, deux bulles représentant les familles respectives, reliées chacune à l’enfant uniquement. Enfin, les deux derniers dessins, de Fanny (6) et d’Anne (7) montrent une simple triade composée de l’enfant et de ses deux parents. Pour celui d’Anne (7), le père est représenté dans un arbre figuratif, tandis que la mère flotte dans le vide.

54 Par ailleurs, les liens intragénérationnels sont quasiment inexistants : seule Amandine (1) trace des liens entre parents avant d’aboutir à un enfant, et sur ce seul arbre où les parents sont liés par un trait, l’enfant de la mère rencontrée est, lui, issu non pas du trait d’union, mais de la seule mère. Cet arbre remonte exclusivement du côté maternel, de manière très ordonnée, rectangulaire, et d’un trait épais, affirmé, voire défensif, jusqu’aux arrière-grands parents de l’enfant. La représentation de l’enfant issu exclusivement de la femme pourrait traduire le fantasme d’auto-engendrement chez une femme qui, selon ses dires, voulait que « les gens voient [son] ventre », s’est beaucoup alimentée, mais n’a « pas aimé sa grossesse ».

55 L’absence de lien entre les deux parents pourrait plus généralement rappeler l’ambiguïté de ces femmes face à la conception : elles étaient une majorité à avoir envisagé adopter, voire à se croire stériles et, alors qu’elles ont toutes finalement procréé naturellement et que trois d’entre elles vivent encore avec leur conjoint, le lien conjugal n’est pas dessiné.

56 Les genres ne sont pas non plus différenciés. Ne serait-ce pas une autre façon de dénier et défier les lois de la conception ? Enfin, à l’exception de l’arbre d’Amandine (1) très détaillé du côté maternel, les dessins ne représentent pas les fratries.

57 Ces singularités rappellent l’ambiguïté de la notion de famille, où dès lors que le lien du sang n’est pas indispensable, le lien affectif domine et permettrait donc d’exclure des membres de la famille adoptive et d’englober les amis, les personnes essentielles, pas nécessairement de la sphère familiale.

Les rapports intergénérationnels

58 Toutes ces femmes adoptées témoignent de leur grand bonheur d’avoir accueilli leur enfant, mais aucune n’est sereine à l’idée de « devoir » présenter ses origines à son enfant, lui « justifier » sa famille, « le choix de son père », sa couleur de peau, et certaines s’inquiètent même : « Le pauvre, je vais lui transmettre mes traits. » Elles parlent de « comptes à rendre à l’enfant ». Ces justifications dénotent une culpabilité encore latente et montrent probablement qu’elles se projettent dans cet enfant, toujours en attente d’explications. Amandine suppose que la maternité l’a faite femme et, pour la plupart, leur grossesse représente davantage un « soulagement » qu’un glissement vers la génération précédente. Nadège dit de son fils : « Il me ressemble énormément, je me revois quand j’étais petite […] C’est des choses que je vois de mon enfance au travers de lui, il a des tics, comme j’en avais quand j’étais petite. » Fanny se souvient : « J’allais enfin avoir quelqu’un de ma famille qui allait me ressembler. »

59 Le choix des prénoms pourrait également constituer un indice quant à l’ancrage dans une filiation. Mais, dans le petit échantillon des sept mères, il est impossible de repérer une uniformité de stratégies : à l’exception de la fille d’Anne qui n’a qu’un prénom, tous les autres enfants ont des seconds prénoms en référence aux ancêtres. Amandine a souhaité donner un prénom originaire de son pays de naissance, suivi par les prénoms des oncles de l’enfant, et Lucie a donné à son fils un prénom français symbolique pour elle, mais comme second prénom, son nom de famille en coréen.

60 Les prénoms du fils d’Ombeline sont exclusivement originaires de la lignée maternelle (père et grand-père adoptifs de la maman), tandis que ceux du fils de Fanny sont exclusivement en lien avec les origines du père de l’enfant. Le fils de Nadège a quatre prénoms, choisis par les deux parents : celui de son grand-père paternel et celui de son arrière-grand-père maternel (faute de grand-père maternel connu), et l’enfant de Frédérique a les prénoms de ses deux grands-pères.

61 Quatre de ces femmes soulignent qu’elles auraient pu ou dû donner un prénom qui renvoyait à leur propre origine natale. Ces hésitations entre l’autorisation et le devoir de rappeler ces origines à elles-mêmes, à leur famille et à leur enfant témoignent de l’ambiguïté du sentiment de ces femmes par rapport à leur passé. S’ancrer dans une famille, accepter une affiliation, serait-ce alors réalisable sans pour autant impliquer une renonciation à une partie d’elles-mêmes ? Des arbres assez peu renseignés, des attributions de prénoms indécises pourraient être les indices d’une recherche de création, pour recommencer une famille toute nouvelle. Cela pourrait-il aussi expliquer les choix des partenaires ?

La créativité, pour une famille nouvelle ?

62 Cinq femmes sur sept ont choisi un compagnon d’origine étrangère, et trois d’entre-elles ont conscience d’avoir délibérément recherché un « étranger », ou du moins un homme de phénotype différent. Ombeline confie : « La différence c’est ce qui doit rapprocher les gens », puis : « Je me suis mise dans des racines qui ne sont pas les miennes. » Elle se rend compte que la différence l’a attirée, mais aussi qu’elle s’est tout naturelle­ment ouverte à la culture de son compagnon, beaucoup plus volontiers qu’aux cultures française et de son pays de naissance. Ces femmes qui ont du mal à se situer pourraient ainsi avoir l’impression de choisir délibérément un nouveau pays d’adoption, de manière éclairée, de s’ouvrir sciemment et activement vers une nouvelle culture, prêtes cette fois à l’assumer, et vaincre ainsi leur impression de déracinement. Ces femmes souhaitent-elles trouver quelqu’un d’aussi différent qu’elles ou d’encore plus étranger ?

63 Cette recherche doit-elle être interprétée comme le désir de répéter un scénario d’ « étranger dans la maison » où elles peuvent s’identifier à la fois au compagnon en tant qu’étranger « adopté » et à leur propre mère adoptive pour avoir, elle aussi, accueilli un être étranger ? Amandine explique aussi qu’elle souhaitait un enfant métis, sans avoir envisagé qu’avec ses propres origines l’enfant aurait été métis, même avec un père de type caucasien. À nouveau, ce désir doit-il être compris comme la recherche de reproduction de l’état d’hétérogénéité des phénotypes, ou au contraire comme l’évitement de l’enfant qui lui ressemblerait, et qui lui renverrait en miroir sa différence phénotypique, parfois difficilement acceptée ? Une autre hypothèse évoquée par Nadège serait celle de la recherche du géniteur en l’inconnu. Alors, si toute jeune femme peut avoir tendance à fantasmer une figure paternelle en son partenaire, le danger pourrait ici paraître trop saillant chez la femme qui ne connaît pas son propre père, et cette recherche d’altérité devrait donc être contrecarrée. Or, comme l’adoptée se sent européenne et se sait originaire d’un autre pays, un parte­naire d’origine totalement différente permettrait d’éviter d’enfreindre l’interdit de l’inceste.

64 Si la grossesse est fréquemment vécue comme une transgression dans le cadre familial, l’enfant pourrait finalement jouer le rôle de réparateur qui restaurerait l’ordre : les parents de l’adoptée se montrent beaucoup plus ouverts, tolérants et indulgents, quand leur petit-enfant est né et semblent même beaucoup plus enclins à se tourner vers les racines de leur fille qu’ils ne le furent avec celle-ci. L’angoisse de voir leur fille adoptive leur échapper est-elle diminuée et la gratitude envers leur fille de leur « donner » un petit enfant les apaiserait-elle ? Serait-ce un soulagement pour la fille de pouvoir assumer la dette d’enfants vis-à-vis de la société, de leur mère adoptive, et de leur mère biologique ? Lucie, après être retournée en Corée avec son enfant, a eu le sentiment que celui-ci transformait sa situation ; elle explique : « Moi, j’ai eu l’impression que c’était un peu une réparation, émotionnellement, au niveau des générations, je trouve qu’il s’est vraiment passé quelque chose de fort. »

65 Les arbres dessinés mettent également en relief le fait que l’enfant ré­parateur serait aussi trait d’union entre les parents. Ainsi, l’enfant pourrait permettre à la femme de pouvoir dessiner un arbre, donc de s’ancrer dans une famille et de se restaurer une identité. Anne explique que, pour elle, « c’était un challenge de recoller à une image classique de la famille ».

Conclusion

66 Ainsi, la grossesse qui représente une crise maturative pourrait être spécialement délicate à vivre pour des femmes adoptées dans leur enfance et donc potentiellement plus vulnérables aux bouleversements du corps et de l’image du corps, aux questionnements sur l’identité, la filiation et la place dans la famille. La période du devenir mère correspond à une constellation de remaniements qui s’accompagne d’une quête identitaire pour laquelle les identifications sont prégnantes. Des angoisses archaïques et des ressentis de culpabilité surgissent, l’isolement semble souvent nécessaire, mais ces femmes soulignent aussi leur capacité à mettre à distance les ressentis corporels, et à transformer en ressources leurs expériences traumatisantes pour se forger une identité et s’ancrer dans une famille dont elles sont finalement fondatrices. Ces témoignages, parfois ambivalents, toujours passionnants, insistent sur la difficulté de cette épreuve qui serait vécue comme un passage à l’acte indispensable à l’émancipation.

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Mots-clés éditeurs : grossesse, adoption, identification

Mise en ligne 05/06/2017

https://doi.org/10.3917/psye.601.0025

Notes

  • [1]
    Travail ayant fait l’objet de communications préliminaires : le 24/06/12 présentation en mini colloque de Diplôme Universitaire ; le 9/02/14 présentation en séminaire Adoption Internationale (Prs. Moro et Golse) ; le 17/03/14 présentation pour la formation au service Adoption Internationale de Médecins du Monde.
  • [2]
    Psychologue clinicienne. Article rédigé dans le cadre du Diplôme Universitaire Psychopathologie du bébé, encadré par Pr Marie Rose Moro (Paris 13).
  • [3]
    Professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent – Chef de service – université Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité.
  • [4]
    Tous les prénoms ont été modifiés ainsi que des informations qui pourraient les identifier.
  • [5]
    Notion proposée par Racamier (1979, p.193) qui englobe « l’ensemble des processus psychoaffectifs qui se développent et s’intègrent chez la femme à l’occasion de la maternité ».
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