Notes
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[1]
Nous tenons à remercier tout particulièrement Geneviève Appell, Myriam David, Marcelle Geber pour leur accueil et leur disponibilité ; ainsi que le Pr Michel Soulé pour son éclairage sur cette période.
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[2]
Chef de clinique. Xe intersecteur de psychiatrie infanto-juvénile, CHU Bichat - Claude Bernard, Paris (18e).
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[3]
Chef de service. Xe intersecteur de psychiatrie infanto-juvénile, CHU Bichat - Claude Bernard, Paris (18e).
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[4]
Cf. G. Benoît et J. P. Klein (2000), I. Giordanino (1988), D. J. Duché (1990).
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[5]
Ce paragraphe doit beaucoup à l’article de Marcelle Geber : Jenny Aubry, professeur au collège de médecine des hôpitaux de Paris (1903-1987), La Semaine des hôpitaux de Paris, 1997, 73 (13-14), 426-434.
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[6]
Dans cet article, nous la dénommons Jenny Roudinesco pour relater ce qu’elle a fait et écrit avant 1952, puis Jenny Aubry après 1952, restant ainsi fidèle à ses références bibliographiques.
-
[7]
Communication personnelle, entretiens réalisés durant l’année 2002.
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[8]
Communication personnelle, entretiens réalisés durant l’année 2003.
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[9]
Communication personnelle, 2002-2003.
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[10]
Monique, un cas d’arriération psychogène (1953), 16 mm, COPES ; Les effets de la carence de soins maternels chez les jeunes enfants, Association Pikler-Lóczy-France.
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[11]
Deux articles résument leur travail : M. David, G. Appell (1964), Étude des facteurs de carence affective dans une pouponnière, La Psychiatrie de l’enfant, 4 (2), 407-442 ; M. David, G. Appell (1966), La relation mère/enfant. Étude de cinq patterns d’interaction entre mère et enfant à l’âge de 1 an, La Psychiatrie de l’enfant, 9 (2), 445-531.
1Au sortir de la guerre de 1939-1945 et de ses horreurs, de très nombreux enfants vivaient en situation de grande précarité : enfants de parents déportés, orphelins, issus de familles dispersées... La situation sociale dramatique pour une partie de la population a engendré une multiplication des placements d’enfants. Quelques professionnels de la petite enfance, soit par ce qu’ils avaient subi pendant cette guerre, soit par ce dont ils avaient été témoins, surent voir et entendre à quel point la situation de ces enfants était aliénante et quelle était leur vulnérabilité.
2Les quatre pionnières dont nous allons décrire le parcours ont vécu la guerre de façon bien différente. Néanmoins, toutes en ont subi les effets et en ont souffert. Jenny Roudinesco, par la précocité de son intérêt pour la carence, par sa capacité à mobiliser les individus, à obtenir des moyens, fut à l’origine de ces travaux novateurs en France. Geneviève Appell, Marcelle Geber, Myriam David ont toutes trois été recrutées par Jenny Roudinesco pour travailler au sein de la Fondation Parent de Rosan. De cette expérience précoce, elles se sont inspirées tout au long de leur carrière, même après avoir pris des chemins divergents.
3À l’aide de recherches bibliographiques et d’entretiens avec les acteurs de l’époque, ce travail met en relief l’importance de leur contribution à la reconnaissance des conséquences de la carence de soins maternels en France. Une première partie constituée de notices biographiques souligne l’originalité de leur parcours. Par la suite, à travers les travaux de chacune, nous montrerons la cohérence de leurs recherches sur l’élaboration de la relation mère/enfant à travers la question de la carence.
RAPPEL DU CONTEXTE AU LENDEMAIN DE LA DEUXIèME GUERRE MONDIALE [4]
La psychiatrie infantile en France
4Si certains datent les débuts de la psychiatrie infantile en 1925 avec la création de la clinique annexe de neuropsychiatrie, la première chaire, dont le titulaire était Georges Heuyer, remonte seulement à 1948. La pratique clinique de cette époque est marquée par la psychanalyse introduite par Édouard Pichon avec Le développement psychique de l’enfant et de l’adolescent (Pichon, 1947).
5Le premier centre médico-psycho-pédagogique date de 1946 sous l’impulsion de Georges Mauco et Juliette Boutonnier, organisé sur le modèle des centres de guidance infantile développés depuis les années 1920 aux États-Unis. À partir de 1954, Philippe Paumelle et Serge Lebovici créent une institution originale, axée sur le centre de consultations et se fixant comme objectifs une possibilité de continuité des soins, la limitation du travail à une population géographiquement proche, la constitution d’équipes de secteur ou de sous-secteur dirigées par des psychanalystes, un travail dans la communauté. C’est le centre de santé mentale infantile du 13e arrondissement (Geissmann, 1992). Cet organigramme sera repris comme modèle par les pouvoirs publics lors des réflexions de l’administration au sujet de la psychiatrie infantile française et officiellement reconnu en 1972 par la création des secteurs. L’équipe de l’intersecteur est alors responsable de l’ensemble des problèmes de santé mentale de la population d’enfants et d’adolescents concernés. Elle joue un rôle de dépistage et de prévention.
Un historique de la reconnaissance de la carence de soins maternels
6Au XIIIe siècle, Frédéric II, roi de Sicile de 1220 à 1250, veut savoir quelle est la langue qui vient naturellement aux enfants en l’absence de toute stimulation pour le langage. La consigne est alors donnée aux nurses responsables d’un groupe d’enfants de ne jamais leur parler. Tous les enfants mourront (Koupernik, 1980).
7La première étude à caractère scientifique remonte à 1801, lorsque le Dr Itard prend en charge un enfant sauvage de l’Aveyron qu’il prénomme Victor. Il démontre alors les capacités évolutives de l’enfant en privilégiant l’aspect éducatif, l’apprentissage. C’est lui qui, le premier, met en doute le diagnostic d’ " idiotisme incurable " car il l’estime, ici, attribué à un défaut absolu d’éducation.
8À la fin du XIXe siècle, Archambaud et Parrot insistent sur l’importance des facteurs psychologiques dans les désordres présentés par les enfants élevés en institution.
9En 1908, le Dr Chapin, pédiatre américain, décrit comme enfants " atrophiques " les enfants élevés en institution pendant de longues périodes (Prugh, 1962). Il attire aussi l’attention sur le lien entre le retard de croissance, la dépression et l’hygiène chez l’enfant. En 1915, Pfaundler décrit sous le terme d’ " hospitalisme " des désordres parmi lesquels il souligne le manque de soins maternels. Christoffal montre, lui, que les désordres somatiques présentés par les enfants en bas âge ne dépendent pas uniquement d’une baisse des résistances aux infections par manque d’hygiène mais aussi d’un manque d’interrelations entre l’enfant et la mère.
10C’est à la fin des années 1930 que ce problème est abordé dans la littérature psychiatrique et psychologique où les auteurs décrivent les effets d’un placement précoce en les mettant en relation avec un manque de soins maternels. La première description de l’indifférence affective à la suite d’une séparation serait celle du Dr David Levy publiée à New York en 1937 dans l’American Journal of Orthopsychiatry. Le titre de l’article est " Besoin primitif d’affection (Primary affect hunger) ". Il est le premier à utiliser les termes de " déprivation maternelle " et de " carence de soins maternels ". Les enfants décrits sont incapables d’établir avec autrui des relations sociales lorsque leurs sentiments entrent en jeu.
11Après 1940, Dorothy Burlingham et Anna Freud (Freud, 1949), René Spitz se penchent sur le même sujet. En 1946, ce dernier décrit la dépression anaclitique et l’hospitalisme (Spitz, 1954 ; Golse, 2000). Launay et coll. critiquent ses travaux, estimant que si le tableau de la dépression anaclitique ne peut être mis en doute, il " apparaît aux pédiatres habitués aux services hospitaliers et aux maisons d’enfants comme très rarement réalisé " (Launay, 1956).
12John Bowlby, encore, écrira une monographie pour l’OMS, Soins maternels et santé mentale (Bowlby, 1951), résumant l’ensemble des travaux sur la carence et la séparation intitulée. Il ne cite alors que deux auteurs français, Jenny Roudinesco et Geneviève Appell.
13Les années 1950-1960 seront ensuite fécondes en publication et recherches sur la carence affective et la séparation, cela aussi bien dans leur description que dans les moyens d’y remédier. Ce qui était le sujet d’un petit nombre de praticiens devient l’occasion de débats contradictoires, de controverses violentes dans les communautés aussi bien médicales que psychanalytiques (Lebovici, 1962 ; OMS, 1962).
Brèves définitions de la séparation et de la carence
14La séparation, dans le sens que l’on souhaite définir ici, consiste en une séparation effective d’avec la mère ou un substitut maternel stable chez un enfant de moins de 3 ans. Mary Ainsworth précise que " la séparation n’implique pas nécessairement carence [...]. Sans doute la séparation est-elle génératrice de carence si l’enfant est placé dans un milieu où l’interaction avec un substitut maternel est insuffisante ou si les épisodes de séparation sont fréquents " (Ainsworth, 1961). Serge Lebovici et Michel Soulé, dans La connaissance de l’enfant par la psychanalyse (Lebovici, 1970), reprennent cette conception de la séparation.
15James Robertson, collaborateur de John Bowlby, a étudié en 1952 de façon très rigoureuse le traumatisme consécutif à la séparation auprès d’enfants âgés de 6 mois à 3 ans, séparés de leur milieu familial pendant une période d’hospitalisation allant de quelques jours à plusieurs semaines (Robertson et Bowlby, 1952 a, 1952 b). Il a alors décrit une séquence de trois phases devenues célèbres : protestation, désespoir, détachement.
16On désigne sous le nom de " carence de soins maternels " une situation dans laquelle un enfant très jeune (moins de 3 ans) ne jouit pas du lien affectif à sa mère (biologique ou de substitution). C’est un processus morbide qui risque d’apparaître lorsque l’enfant a subi une rupture de ses premiers investissements avec les personnes significatives de son entourage sans que cette rupture ait pu être réparée. Si, généralement, ces situations de carence sont observées en institution (Spira et coll., 2000), Mary Ainsworth écrit également que " la carence non accompagnée de séparation physique peut être aussi pathogène que la carence accompagnée de séparation. Les deux types d’expérience peuvent produire l’un et l’autre de graves effets irréversibles " (Ainsworth, 1961).
BIOGRAPHIES
Jenny Aubry-Roudinesco [5] (1903-1987)
17Née Jenny Weiss en 1903, d’origine juive et protestante, elle a trois enfants d’un premier mariage avec Alexandre Roudinesco (dont Élisabeth Roudinesco) ; elle divorce et se remarie en 1952 avec Pierre Aubry [6]. Elle suit une formation initiale de pédiatre, de neurologue, illustrée par sa thèse Les lésions encéphaliques de la diphtérie ; étude clinique, anatomique et expérimentale. Elle est interne, puis chef de clinique de 1935 à 1939, dans le service du Pr Heuyer (Benoît et Klein, 2000) où elle côtoiera Sophie Morgenstern, la première psychanalyste à s’occuper d’enfants en France (Fleury, 1988).
18En 1939, elle est la deuxième femme de France reçue au concours des hôpitaux de Paris. Entre 1939 et 1968, elle est médecin chef de différents services de pédiatrie. C’est ainsi qu’elle a la charge de la Fondation Parent de Rosan, pouponnière pour enfants de 0 à 3 ans, annexée au service de pédiatrie de l’hôpital Ambroise-Paré. Plus tard, elle est responsable de la policlinique du boulevard Ney ; puis, jusqu’à sa retraite, d’un service de pédopsychiatrie à l’hôpital Necker - Enfants malades.
19Jenny Roudinesco s’intéresse très vite au développement du jeune enfant, écrit de nombreux articles (Roudinesco, 1948 ; Roudinesco, 1950 ; Aubry, 1955 ; Levy-Bruhl et Aubry, 1956 ; Aubry, 1959), enjoint ses collègues à travailler sur le sujet, voyage aux États-Unis afin d’y étudier l’organisation de la psychiatrie de l’enfant, participe aux colloques internationaux tels que le premier congrès de psychiatrie infantile qui se tient à Londres en 1948. Elle y rencontre Anna Freud et, forte de ses encouragements, s’engage dans la psychanalyse à partir de 1950 en effectuant la visite, alors réglementaire, des six analystes titulaires de la Société psychanalytique de Paris. Par la suite, elle est en supervision avec Jacques Lacan. Avec d’autres comme Françoise Dolto (Dolto, 1989 ; Geissmann, 1992), elle suit Lacan au cours des différentes scissions (Aubry et Raimbault, 1967 ; E. Roudinesco, 1994).
20Elle est à l’origine de nombre de pratiques innovantes de la psychiatrie infantile en France ; elle crée le premier placement familial spécialisé en 1950 (Aubry, Guiton et Bargues, 1961), elle organise la première consultation inspirée de la psychanalyse au sein d’un service de pédiatrie entre 1963 et 1968, elle y introduit aussi, dès le début, un instituteur. Mais, surtout, elle est la première en France à s’intéresser de façon rigoureuse, par le biais de la recherche clinique, aux conditions de vie des enfants placés en institution et à démontrer les conséquences néfastes de la carence affective. Pour cela, dès 1950, elle et son équipe travaillent en collaboration étroite avec l’équipe londonienne de John Bowlby à la Tavistock Clinic, avec l’aide financière du Centre international de l’enfance (CIE), à une étude des " effets produits sur le développement de la personnalité de l’enfant lorsqu’il est séparé de sa mère au cours du premier âge " (Roudinesco, 1950 ; Rosenbluth, 1951 ; Robertson, 1952 a, 1952 b). Ce projet de recherche est né de sa découverte des enfants placés à la Fondation Parent de Rosan. Nous y reviendrons. Mais, déjà, nous pouvons rapporter que le fruit de cette recherche est illustré par la parution d’un livre ayant longtemps fait référence en France, La carence de soins maternels (Aubry, 1955). Jenny Aubry meurt en 1987.
Marcelle Geber [7] (née en 1919)
21Née en 1919, Marcelle Geber est victime d’une rougeole compliquée d’une kératite à l’âge de 6 ans ; c’est de cette époque que date son désir d’être médecin, soutenue qu’elle était par sa mère. À la déclaration de la guerre, en 1939, elle est étudiante en deuxième année de médecine. Durant ses études, elle est externe dans les services des professeurs Delay et Heuyer ; choquée par les traitements infligés à certains patients (cure de Sakel, camisole de force), elle se détourne de son souhait initial d’être psychiatre et se dirige vers la pédiatrie. Désarçonnée par les horreurs de la guerre et ce qu’elle apprend des camps, elle est prête à abandonner la médecine, n’y trouvant plus de sens. Elle reprend goût à la pratique médicale au sortir de la guerre, dans le sud de la France, en prodiguant des soins réguliers aux hommes et femmes rescapés des camps. Elle rentre ensuite à Paris, travaille comme résidente aux urgences de l’hôpital Ambroise-Paré où elle rencontre Jenny Roudinesco qui l’impressionne par ses qualités d’écoute et la rigueur de son travail. Marcelle Geber travaille alors dans son service à partir de 1948, se forme au test de Gesell, test de développement de l’enfant entre 0 et 6 ans, qu’elle fera passer aux enfants de la Fondation Parent de Rosan (Roudinesco et Geber, 1951). Elle écrit sa thèse, L’échec scolaire des enfants surdoués, en 1950, sous la direction de Jenny Roudinesco. Elle participe aussi à la création des premiers Centres de Guidance infantile en province, sur le modèle de ce qui se faisait aux États-Unis (Geber, 1968).
22Mais surtout, à partir de 1954, à la demande de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), et grâce au soutien de Jenny Aubry, elle s’engage dans une étude en Ouganda (Afrique) sur les relations entre mère et enfant victime de kwashiorkor. Ce travail sur le développement psychomoteur des enfants africains et sur les causes psychologiques du kwashiorkor se poursuivra jusqu’en 1992 (Geber, 1999).
23Encouragée par Jenny Aubry, elle entreprend une analyse tout en suivant les séminaires de Jacques Lacan. Plus tard, elle est en supervision avec Françoise Dolto. Aujourd’hui, elle n’a plus d’activité clinique mais continue de travailler pour certaines commissions de l’OMS. Ainsi, elle s’est engagée à l’Unesco dans une Organisation non gouvernementale (ONG) qui lutte contre la prostitution, et elle participe à la commission mixte ONG/Unesco qui vise à diminuer la pauvreté.
Myriam David [8] (1917-2004)
24Née en 1917, de formation pédiatrique, Myriam David passe sa thèse de médecine, Les néphrites aiguës chez l’enfant, en 1939, lorsqu’il en est encore temps, deux jours avant la rafle du vélodrome d’hiver, avant de ne plus pouvoir exercer en raison des mesures anti-juives. Elle s’enfuit en zone libre dans le sud de la France puis entre dans la résistance. Elle est arrêtée fin 1943 et déportée en camp d’extermination à Auschwitz-Birkenau. Elle y survit et regagne Paris en juin 1945. Un an plus tard, grâce à une bourse de l’Aide alliée à la Résistance française, elle séjourne aux États-Unis jusqu’en 1950. Elle travaille d’abord à Baltimore dans le service de Léo Kanner, y suit ses présentations cliniques, ce qui la conforte dans son idée d’être psychiatre, projet déjà entamé au cours de ses études par ses différents stages ainsi que certaines lectures comme Psychanalyse et pédiatrie de Françoise Dolto (Dolto, 1971). Elle se forme ensuite à Boston auprès d’enfants d’âge pré-scolaire, à la Judge Baker Guidance Clinic ainsi qu’au Child Center James Jackson Putnam. Elle y est d’ailleurs supervisée par Beata Rank. L’ensemble du personnel de ces différentes institutions est alors en formation analytique, les enfants admis bénéficient d’une psychothérapie quotidienne, ainsi que de prises en charge en petits groupes. Tous les intervenants sont supervisés individuellement de façon hebdomadaire. Chaque semaine, plusieurs situations cliniques sont présentées à l’équipe et tiennent lieu de séances d’enseignement. Cette organisation institutionnelle inspirera fortement ses travaux ultérieurs. En même temps, elle débute une analyse avec Felix Deutsch dans le cadre de l’Institut de Psychanalyse de Boston (Golse, 2003 ; Guedeney, 1994).
25Son retour à Paris, en 1950, est difficile, elle a peu de contacts avec les psychiatres de l’époque. C’est alors que Jenny Roudinesco (qui l’avait rencontrée lors de son séjour aux États-Unis grâce à une bourse de la Fondation Rockfeller) lui propose de prendre en charge la recherche à la Fondation Parent de Rosan, ce qu’elle fera jusqu’en 1953. Au cours de cette recherche, elle s’intéresse à la formation des assistantes sociales, à partir de ce qu’on appelle alors le Case-work qui combine aide sociale matérielle pure et accompagnement psychologique, un mode de formation développé aux États-Unis. C’est encore une fois son séjour outre-atlantique qui permet à Myriam David d’être naturellement sollicitée. Ce travail durera plus de vingt ans.
26Un premier groupe de travail se forme, un peu hétéroclite, composé d’une dizaine de jeunes assistantes sociales provenant d’horizons divers : service social des immigrés, service social des caisses d’allocations familiales, assistantes sociales de secteur... Elles décident alors de réunir toutes les directrices des services sociaux et des écoles d’assistantes sociales de Paris, elles souhaitent aussi former les services d’assistantes sociales : une soixantaine de personnes se réunissent ainsi une fois par mois pendant trois ans. Deux autres services s’engagent aussi, les assistantes sociales des caisses d’allocations familiales et le service social de la SNCF ; cette formation s’étend en province, particulièrement à Bordeaux. Myriam David se souvient qu’à l’époque les assistantes sociales ne s’occupaient absolument pas des enfants, elles étaient dirigistes, moralisantes avec les parents ; elles ne disposaient que de deux recours d’aide : le secours financier auprès des parents et le placement. Le but de Myriam David est de faire changer leurs idées sur le placement en institution qui était encore une solution d’emploi trop facile et aussi de les sensibiliser à une compréhension psychodynamique des comportements humains. Elle crée ainsi un cycle de formation de deux ans avec un an supplémentaire optionnel. Cette formation peut se poursuivre deux ans pour accéder à la fonction de superviseur. Puis, elle fait évoluer cette formation en un séminaire transdisciplinaire ouvert aux éducateurs, aux puéricultrices.
27À partir de 1955, elle entame une étude des facteurs de carence affective dans une pouponnière de la banlieue parisienne, en collaboration avec Geneviève Appell, psychologue rencontrée au sein de la Fondation Parent de Rosan (David et Appel, 1964). Cette étude est financée par l’OMS grâce au soutien de John Bowlby qui apprécie leur travail depuis leurs rencontres tout au long des années 1950-1953. C’est dans le cadre de cette étude, aussi, qu’elles développent le concept de patterns d’interactions (David et Appel, 1966). Par la suite, elles découvrent le travail original de l’Institut Lóczy qu’elles contribuent à faire connaître (David et Appel, 1973 ; Vamos, 2003).
28En 1959, Serge Lebovici lui demande de le rejoindre dans le secteur du 13e arrondissement, dans ce qui deviendra le Centre Alfred Binet. Au départ, elle vient pour faire le lien avec les pédiatres par le biais de la Protection maternelle infantile, puis des crèches. C’est en travaillant avec le service de psychiatrie adulte auprès de mères psychotiques qu’elle perçoit la différence entre les bébés carencés et les bébés de mère psychotique. Elle écrit alors deux articles où elle expose ses vues sur la différence de comportement chez un nourrisson selon qu’il est exposé à des facteurs carentiels ou selon qu’il est confronté à une mère psychotique (David, 1987 ; David et coll., 1988).
29Parallèlement, Philippe Paumelle, connaissant son enseignement auprès des travailleurs sociaux, lui demande de faire de même en ouvrant un centre de formation pour le personnel soignant du tout nouvel hôpital de Soisy. En 1966, avec le soutien de Serge Lebovici, elle fonde et dirige le placement familial de Soisy-sur-Seine. Cette institution fait partie intégrante de l’association pour la santé mentale du 13e. Elle y restera jusqu’en 1987. Il en résultera un séminaire ainsi qu’un livre, Le placement familial. De la pratique à la théorie, publié en 1989 (David, 1989).
30En 1976, elle fonde " l’unité de jeunes enfants " dans le cadre de la fondation Rotschild, sur le modèle du Child Center James J. Putnam et selon des principes proches de ceux développés plus tard par Selma Fraiberg dans l’optique de son travail avec des familles d’accès difficile (Selma Fraiberg qu’elle a rencontrée au 4ème congrès international de psychiatrie infantile de Lisbonne où elle exposait son travail et ses idées sur la thérapie mère/enfant). Myriam David ne pourra travailler que dix ans dans l’unité de jeunes enfants, temps qu’elle estimait trop bref pour mettre en place tout ce qu’elle souhaitait.
31Dernièrement, sa préoccupation était de parvenir à ce que les soins donnés aux jeunes enfants bénéficient aussi bien des apports d’Emmi Pikler, fondatrice de l’Institut Lóczy, que de ceux de la psychanalyse, comme elle a toujours souhaité le faire au sein de sa propre pratique.
Geneviève Appell [9] (née en 1924)
32Geneviève Appel naît en 1924 à Paris. Son père est ingénieur, sa mère femme au foyer. Elle a trois frères aînés. Sa mère meurt en juillet 1939. Dès le début de la guerre, sa famille s’engage dans la résistance. Un de ses frères est arrêté puis déporté, il n’en reviendra pas. Geneviève Appell se souvient d’avoir eu l’impression que le monde basculait lorsqu’elle prit connaissance des récits des rescapés des camps.
33Après son bac, elle ne sait pas vers quelles études se diriger (cette année-là, en 1946, lors d’un séjour à Londres, elle rencontre John Bowlby grâce à un ami commun). Geneviève Appell décide alors de s’inscrire à l’Institut national d’orientation professionnelle (INOP). En même temps, cependant, elle suit des cours à l’Institut de Psychologie. La formation dure deux ans. Ses professeurs sont Henri Wallon, René Zazzo, Pierre Mâle.
34En 1948, elle est engagée par Jenny Roudinesco qui cherche une jeune psychologue pour travailler à la Fondation Parent de Rosan. Les deux premières années sont difficiles, faites de tâtonnements, au cours desquelles, Geneviève Appell et Jenny Roudinesco tentent d’alerter l’opinion médicale en publiant plusieurs articles (Roudinesco et Appel 1950 ; 1951). Ceux-ci, articulés autour de statistiques, voire de formules mathématiques en sus de descriptions cliniques rigoureuses, sont accueillis avec réticence. Les pédiatres et psychiatres de l’époque tardent à reconnaître la réalité des troubles décrits (Launay, 1943 ; Heuyer, 1956 ; Launay, 1956 ; Soulé, 1958 ; Lebovici, 1962 ; De Wit, 1964 ; Koupernik, 1980 ; Soulé, 1985 ; Neyrand, 2000). Elles ne se découragent pas et parviennent finalement à susciter suffisamment d’intérêt pour être subventionnées par le CIE, ce qui leur ouvre la porte d’une collaboration avec l’équipe londonienne de John Bowlby.
35Néanmoins, Geneviève Appell se sent isolée au sein de l’équipe. Seule la jardinière d’enfants est plus impliquée. Cette jeune femme juive avait, elle aussi, souffert de la guerre dans sa chair (ses parents avaient été arrêtés et déportés alors qu’ils tentaient de passer la ligne de démarcation. Ils n’en sont pas revenus. Se retrouvant seule avec son jeune frère à passer en France libre, elle fut recueillie par un oncle et une tante).
36Malgré ce soutien, Geneviève Appell est découragée et souhaite partir travailler à l’étranger. Mais l’arrivée de Myriam David modifie les perspectives (Appel, 2003). Ses initiatives donnent une cohérence au travail effectué et permettent de comprendre les obstacles et de commencer à les surmonter. Forte de cette expérience, Geneviève Appell débute une analyse personnelle en 1952, tout en restant en marge des conflits d’écoles psychanalytiques. Plus tard, elle poursuit sa collaboration avec Myriam David, comme décrit précédemment. Geneviève Appell se consacre encore aujourd’hui à la diffusion de son expérience de la carence en rédigeant plusieurs articles sur les institutions, les facteurs de carence, le bébé seul, et aussi à travers l’Association Pikler-Lóczy-France (Appell, 1982 ; 1983 a ; 1983 b ; 1990 ; 1998).
LA FONDATION PARENT DE ROSAN, UN LIEU DE RENCONTRES
37Nous allons décrire, ici, la Fondation telle que l’ont découverte ces quatre pionnières, et les modifications qu’elles ont su y apporter ; mais aussi, comment ce travail a alimenté leurs recherches et leurs élaborations théoriques. Ce lieu existe toujours, c’est devenu un foyer de l’Aide sociale à l’enfance (ASE).
38Le premier mérite de Jenny Roudinesco lorsqu’elle prend en charge la Fondation en 1946, quasiment par hasard, alors que la France subit encore les restrictions de la guerre, est de ne pas se contenter de l’appréciation des professionnels de l’époque qui considèrent ces enfants comme souffrant de pathologies héréditaires ou congénitales (alcoolisme, syphilis...). Constatant le marasme dans lequel est organisée cette institution et l’état de quasi-abandon dans lequel vivent les enfants, elle exige et obtient des moyens supplémentaires, entamant la première d’une de ses nombreuses luttes contre l’administration hospitalière. Néanmoins, Jenny Roudinesco est pédiatre et ne connaît pas encore la psychiatrie de l’enfant qui en est d’ailleurs à ses balbutiements. Dans cette même période, elle rencontre Arnold Gesell et René Spitz (Spitz, 1954 ; Spitz, 1957 ; Emde, 1965) qui, dès lors, inspirent très largement son travail. Jenny Roudinesco et Geneviève Appell seront les seuls auteurs français cités par John Bowlby dans la monographie rédigée pour l’OMS, Soins maternels et santé mentale (Bowlby, 1951), qui faisait un état des lieux des pratiques des institutions d’accueil de jeunes enfants en Europe.
Description de la Fondation
39La Fondation Parent de Rosan est une annexe du service de pédiatrie de l’hôpital Ambroise-Paré. Elle est constituée de deux maisons particulières où séjournent 60 enfants de moins de 3 ans. Les pavillons sont situés en dehors de l’hôpital, les externes et internes du service de pédiatrie assurent le suivi médical des enfants, mais c’est une fonction un peu en marge. Le personnel est composé de trois infirmières et de " filles de salle ". Elles se sentent abandonnées, à l’image de la population des enfants et de leurs parents (Maître-Compain, 1950 ; Appell, 2003).
40Les enfants sont séparés de leur mère suite à un célibat, un divorce, une maladie, un emprisonnement, une attente de logement, un abandon. Ils ont déjà passé quelques jours à la section des enfants assistés de l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul. Ils sont en " dépôt ", en attente de pouvoir retourner chez leur mère ou d’un départ chez une nourrice dépendant de l’Assistance publique. La durée du séjour est toujours indéterminée. Certains sont depuis quelques jours séparés de leur mère pour la première fois, d’autres ont connu des mois d’errance, d’hôpital en hôpital, ou de placement nourricier en placement nourricier, avec chaque fois un passage au dépôt central. On ne se préoccupe ni du maintien des liens avec les parents, ni de la qualité de ces liens.
41L’état général de ces enfants n’est jamais bon. Leur souffrance s’exprime par des troubles somatiques (rhino-pharyngites, diarrhées...), des comportements variés, mais non identifiés comme signes de détresse. D’autres, dès leur arrivée, présentent de grandes arriérations, des états catatoniques, des stéréotypies, sans trouble organique décelable. Leur état est mis sur le compte de " tares " dues au caractère défavorisé de leur milieu d’origine, à leurs parents alcooliques, syphilitiques, malades mentaux... Les plus atteints sont jugés irrécupérables. S’ils sont malades, les enfants sont transférés dans le service de pédiatrie des Enfants-malades ou celui de Saint-Vincent-de-Paul.
42Geneviève Appell se souvient de son arrivée à la Fondation comme du " choc de son existence " : " Jamais je n’avais imaginé que des jeunes enfants puissent avoir un tel comportement et être traités ainsi. " Elle s’insurge contre certaines pratiques, courantes alors, d’appeler les enfants par leur numéro, inscrit sur des colliers et sur leur oreiller, de les changer de lit sans cesse par commodité, de les calmer en fermant les volets et en frappant dessus, en menaçant de la venue du loup.
43Marcelle Geber, quant à elle, rapporte sa première impression, étrange, quand elle n’entendait pas un bruit, pas un cri, mais seulement le battement sourd des têtes se balançant contre les berceaux. En effet, les enfants grognent, gémissent, se balancent. Les regards sont vides, aveugles. Les plus jeunes restent couchés ; parfois, ils sont attachés. Certains sont immobiles, allongés, d’autres sucent le rebord de leur lit. Les plus grands font quelques pas, tombent à plat ventre ou demeurent assis. Les enfants, une fois levés, " déambulent sans but, gauches, atones, plutôt silencieux " (Appell, 2003). Ceux, peu nombreux, qui cherchent le secours de l’adulte, sont toujours déçus. D’autres fuient discrètement le contact. D’autres, enfin, demeurent inertes ou absorbés dans des balancements sans fin. Ils peuvent garder des heures un objet serré contre eux. Au fil de la journée, ils passent sans cesse d’une pièce à l’autre, pour être lavés, nourris, pour jouer. Ils sont peu stimulés. La toilette (ils sont douchés car le bain prend trop de temps), l’alimentation (ils mangent avec de grandes cuillers à soupe car les petites se perdent trop facilement) se font sans paroles : " personne ne parle à l’enfant " sauf pour " ordonner ou réprimer " (Maître-Compain, 1950 ; Spitz, 1957). Les enfants n’utilisent pas les quelques jouets à leur disposition (jusqu’en 1948, il n’y en avait pas car ils n’étaient pas prévus dans le budget du service, les rares jouets étant alors apportés par les uns et les autres). Ils sont victimes de nombreuses infections (rhino-pharyngites, diarrhées...). Il y a un grand jardin où les enfants ne vont guère, jamais l’hiver parce qu’il fait froid et que les vêtements ne sont pas adaptés, et rarement l’été parce qu’entre autres raisons, ils pourraient abîmer les fleurs. Tout cela contraste avec l’entretien soigneux des lieux (les parquets sont toujours cirés...). Par ailleurs, le personnel paraît négligent, voire maltraitant.
44Si Jenny Roudinesco n’avait accepté de prendre en charge la Fondation qu’à la condition d’avoir les moyens d’apporter certaines modifications, ce n’est pourtant qu’après de nombreuses luttes à l’encontre de l’administration qu’elle obtient les transformations matérielles et humaines souhaitées, à savoir : un plus grand nombre d’infirmières, l’embauche d’une jardinière d’enfants, la réfection des locaux avec des peintures claires, des salles décorées, plus gaies ; quelques jouets sont achetés. Pourtant, l’atmosphère persiste. Les enfants sont tristes craintifs, inhibés. Ils ne profitent pas des modifications apportées. Plusieurs contraintes sont identifiées telles que les changements fréquents d’infirmières, les vacances, les transferts incessants des enfants (jusqu’à neuf changements pour un enfant).
45Soulignons que Jenny Roudinesco, pionnière par la précocité de son intérêt pour la question de la carence, a aussi montré sa capacité à fédérer ; toujours soucieuse de garder cohérent le travail entrepris, elle a su s’entourer d’une équipe performante à qui elle a laissé une grande autonomie. Geneviève Appell se souvient de la liberté qu’elle laissait à ses collaborateurs, tout en soulignant combien elles étaient démunies devant la découverte de ce processus morbide qui n’avait jusqu’alors guère suscité d’intérêt, au point de n’être pas reconnu.
La recherche à Parent de Rosan
46Lorsqu’elle prend le service en charge, Jenny Roudinesco a lu et fait lire René Spitz (il avait particulièrement travaillé sur la dépression anaclitique) et John Bowlby (il travaillait alors sur l’indifférence affective des enfants séparés précocement de leur mère), ce dernier venant d’ailleurs visiter la Fondation, ainsi qu’Anna Freud et Dorothy Burlingham. Jenny Roudinesco écrit ensuite des articles pour en diffuser les idées autour d’elle (Roudinesco, 1950 ; 1951 ; 1952).
47De plus, en 1948, elle revient des États-Unis où elle a rencontré Arnold Gesell, dont elle a ramené son test de développement du petit enfant (Roudinesco, 1951). Elle souhaite que Geneviève Appell évalue les enfants placés à la Fondation aussi bien à leur arrivée qu’au fil du séjour, afin de faire un état des lieux, ce qui est rendu possible par une bourse de l’Institut national d’hygiène (précurseur de l’INSERM).
48Geneviève Appell n’a une expérience des enfants et de leur éducation qu’à travers ses nombreux neveux et nièces nés durant la guerre et d’âge semblable à celui des enfants de l’institution dont elle eut à s’occuper. C’est avec eux qu’elle apprend à manier le test de Gesell. Ces enfants qui lui serviront de référence étaient faciles à tester, rentraient facilement dans le jeu. La pratique du test ne lui paraît ainsi pas particulièrement ardue. Mais, lorsqu’elle commence à tester les enfants de Parent de Rosan et d’autres " dépôts ", beaucoup lui apparaissent comme non évaluables. Lorsqu’elle y parvient néanmoins et qu’elle renouvelle le test après 3 mois, le Quotient de développement (QD) baisse inexorablement au cours du séjour. Ce qui étaye l’hypothèse de troubles acquis, consécutifs des traumatismes subis.
49Parallèlement, elle s’attache avec Jenny Roudinesco à faire l’anamnèse de ces enfants, ce qui n’avait encore jamais été réalisé. C’est ainsi qu’elles s’aperçoivent du nombre impressionnant d’institutions fréquentées, des multiples séparations successives subies par chaque enfant. En remontant dans leur histoire, elles montrent aussi que les troubles semblent de plus en plus importants au fil des placements.
50Mais leur travail bute sur l’approche thérapeutique de ces enfants. Ils semblent refuser la relation, ne progressent pas. C’est à cette même époque que Spitz écrit que les troubles sont irréversibles (Spitz, 1954 ; Lemay, 1968). La première jardinière quitte le poste au bout d’un an. Sa remplaçante est tout aussi démunie. Les jouets encore rares sont cassés. Parfois les enfants deviennent violents. Lors des temps individuels, le personnel est rapidement débordé. Les propositions de changement sont mal perçues, il est difficile de changer la routine, ce qui se retourne contre les enfants.
51Geneviève Appell, soutenue par Jenny Roudinesco, a l’idée de filmer les enfants [10]. Mais leurs premières initiatives se montrent particulièrement malheureuses. Ainsi, dans un film, elles montrent les balancements incessants de certains enfants au responsable de l’Assistance publique ; celui-ci, pris de colère, renvoie la surveillante chef sans rien modifier de plus. De même, au cours d’une de ses visites, Jenny Roudinesco recommande qu’on détache un enfant du lit. Le lendemain, lorsque Geneviève Appell revient, elle trouve cet enfant accroché aux barreaux de son lit, seul dans la chambre, hurlant, ne sachant pas se rasseoir.
52Les deux premières années, de 1948 à 1950, sont consacrées au bilan du développement psychomoteur de ces enfants. Ainsi, en 1949, grâce à une communication sur les résultats des tests aux Journées d’étude d’hygiène mentale, Le syndrome de stabulation hospitalière, Jenny Roudinesco retient l’attention du Pr Robert Debré, alors directeur du CIE, qui accepte de financer une recherche sur " les effets de la séparation et la stabulation hospitalière chez les jeunes enfants " débutée en 1950. Cette recherche allie une observation médicale, la passation du test de Gesell, une observation psychologique, une anamnèse très détaillée, la prise en compte du milieu familial. Jenny Roudinesco embauche alors Myriam David à mi-temps pour organiser la recherche, introduire la psychothérapie d’enfant, superviser l’équipe (CIE, 1951 a ; 1951 b ; 1952 ; 1953).
53L’équipe londonienne de la Tavistock clinic menée par John Bowlby, qui travaille sur un sujet similaire depuis deux ans, y est associée (Bowlby, 1950 ; Robertson et Bowlby, 1952 ; Bowlby, 1956). John Bowlby travaille dans des conditions différentes de l’équipe parisienne puisqu’il se rend dans des institutions et des hôpitaux et examine les enfants avant, pendant et après la séparation. Il étudie, en outre, des enfants ayant souffert d’une séparation au cours des quatre premières années de leur vie ; il se sert d’interviews, de tests, d’observation directe, de questionnaires.
le travail entrepris
54Monique fut une des premières enfants suivie en psychothérapie et filmée par la suite (Monique, un cas d’arriération psychogène, 1953). Arrivée à Parent de Rosan avec un papier portant la mention " irrécupérable ", elle fut la première à réagir à une psychothérapie individuelle intensive menée par Geneviève Appell.
55Lorsque Myriam David arrive en 1950, s’impose à elle la similitude entre le regard qu’elle observe chez ces enfants et celui, " si particulier ", qu’elle avait connu dans les camps. Elle réorganise le service afin de rendre le travail plus cohérent, elle apporte des modifications structurelles essentielles, elle rend ainsi l’institution moins préjudiciable. Elle prend plusieurs mesures afin de limiter les déplacements des enfants au sein de l’institution. Ainsi, deux salles sont réservées aux entrants, ils y restent de quinze jours à un mois. Ceux dont le séjour se prolonge sont ensuite affectés dans une chambre avec leur propre lit.
56Le jardin d’enfants est conçu comme un lieu thérapeutique avec des enfants en plus petit nombre, au niveau de développement relativement homogène. La jardinière doit avoir non plus une attitude stimulante, ce qui est vécu comme une menace intrusive par ces enfants, mais être attentive et soutenir leurs plus petites initiatives.
57Les observations au cours du séjour (dactylographiées en trois exemplaires grâce au financement de la recherche), ainsi qu’au jardin d’enfants, lors des tests et des psychothérapies, permettent de décrire l’état et l’évolution des enfants. Elles sont toujours rédigées et reprises en supervision individuelle avec Myriam David. Celle-ci participe personnellement à chacun des axes de travail : elle observe des enfants à leur arrivée, prend des enfants en psychothérapie, assure des préparations et des accompagnements lors des changements de situation. Myriam David supervise aussi les thérapies individuelles dont la retranscription est systématique, les séances sont instaurées au rythme de trois par semaine et les premiers progrès notables peuvent être observés. Geneviève Appell s’intéresse alors plus au traitement et à la prévention des troubles de ces enfants qu’à la passation des tests ; c’est Marcelle Geber qui s’attellera, ensuite, à la pratique des tests de Gesell auprès des enfants, expérience qui lui sera bénéfique dans son travail ultérieur.
58Les psychothérapies entreprises au cours de la recherche " montreront qu’il ne s’agit pas de troubles réactionnels cédant aux "bons soins" mais de troubles structurés " nécessitant un traitement permettant une amélioration.
59Une réunion hebdomadaire est aussi organisée autour de Jenny Aubry. Après quelque temps, un interne est affecté de façon régulière à la Fondation Parent de Rosan. Une assistante sociale est recrutée, d’autres participent aux observations et psychothérapies. Tous participent à la recherche.
60Myriam David apporte un éclairage nouveau en mettant en évidence la souffrance d’un personnel désemparé que l’on croyait seulement maltraitant, et en affirmant la nécessité de le former et de l’encadrer. Leur propre enfant est souvent placé, tandis que les enfants qui leur sont confiés sont peu attirants, mal développés, voire " anormaux ". Elles sont, en conséquence, peu réceptives aux conseils et recommandations.
61Vis-à-vis des parents, s’opère le même changement d’attitude qu’avec le personnel. C’est aussi l’occasion de découvrir la misère dans laquelle vit cette population. Une collaboration avec l’administration et les services sociaux s’amorce autour des parents comme au sujet des enfants. Les rencontres entre équipes anglaise et française sont importantes, car elles permettent que les réactions immédiates à la séparation soient décrites et répertoriées. Les deux équipes écrivent un article commun permettant de distinguer le rôle respectif des divers facteurs intervenant lors d’un placement tels que l’âge de l’enfant lors de la séparation, la durée et les causes de cette séparation, les circonstances qui l’ont entourée et la qualité des soins offerts.
62Complétés par les présentations de cas suivis en psychothérapie, ces travaux permettent un début de compréhension des processus psychiques à l’œuvre dans les situations de carence. Ainsi, sont exposés des concepts essentiels, comme la notion de séparation traumatique, de soins maternels de substitution, l’importance du maintien du lien avec les parents dans l’adaptation et le développement de l’enfant (Prugh, 1962).
63Le livre publié par Jenny Aubry, La carence de soins maternels (Aubry, 1955), résume le résultat des recherches. Ce travail, écrit avec l’ensemble de ses collaborateurs, fait depuis référence lorsqu’on aborde la question des carences de soins maternels. Tout récemment, sa fille, Élisabeth Roudinesco, fait paraître ses écrits cliniques (Aubry, 2003) sans traiter, par ailleurs, de la recherche en collaboration avec John Bowlby.
LE TRAVAIL EN AFRIQUE DE MARCELLE GEBER
Les conditions de la recherche
64En 1954, Marcelle Geber part en Ouganda grâce à Jenny Aubry qui la recommande auprès du Dr Heargreaves, chef de l’hygiène mentale de l’OMS. Celui-ci recherche un médecin ayant une approche aussi bien médicale que psychologique et sociale pour une étude sur la relation entre les mères et leur enfant atteint de kwashiorkor. En effet, le Dr Dean, nutritionniste, a en charge une unité de 30 lits à l’hôpital Mulago, à Kampala, dans laquelle il étudie et tente de soigner les enfants atteints de kwashiorkor. Il se questionne sur le fait que ces mères s’occupent si peu de leur enfant, et ce d’autant plus qu’il est gravement atteint, sur le fait que les enfants dont les mères sont présentes guérissent plus vite et mieux que ceux dont les mères sont absentes (ce qui reste vrai, même si les signes cliniques et paracliniques sont plus graves dans le premier groupe d’enfants).
Le kwashiorkor, son inscription dans la culture
65Le kwashiorkor, identifié en 1933 par Cecily Williams au Ghana, est une maladie résultant de la malnutrition par défaut prédominant de protéines, alors que le défaut de glucides et de lipides est moins important, voire absent. Il survient dans les régions tropicales. Kwashiorkor, dans la langue locale, signifie " maladie survenant chez un jeune éloigné de sa mère à l’occasion d’une nouvelle grossesse ". Pourtant, malgré les nombreuses recherches, peu d’articles ont mis l’accent sur l’importance de la relation mère/enfant, s’attachant surtout au caractère nutritionnel.
66Les symptômes fondamentaux du kwashiorkor sont les œdèmes, une hypo-albuminémie, une insuffisance pondérale, une fonte considérable des masses musculaires, une conservation de la graisse sous-cutanée, des altérations des cheveux (décolorés), de la peau (tâches brunes), des muqueuses, une anorexie rebelle, des troubles psychiques constants rendant difficile le contact avec l’enfant. Il paraît triste, apathique, il mange peu, est irritable, hostile, il gémit longuement, refuse toute autre personne que sa mère. Parfois, son développement intellectuel est altéré.
67Le kwashiorkor survient le plus souvent dans la période qui suit le sevrage, au cours de la deuxième année, entre quatorze et trente mois, dans des conditions de vie traditionnelles. En Ouganda, chez les Baganda, ethnie patrilinéaire, le sevrage débute lorsque la grand-mère paternelle vient chercher l’enfant autour de ses 18 mois. Celui-ci ne verra sa mère qu’une ou deux fois dans l’année qui suit. Du jour au lendemain, l’enfant, qui était perpétuellement au contact de sa mère et se nourrissait à la demande, est sevré et part avec cette femme quasi inconnue.
68Année après année, Marcelle Geber se familiarise avec la culture africaine (Geber, 1973 ; 1985 ; 1998), prenant connaissance des croyances animistes où la maladie d’un enfant peut être vécue comme une punition des ancêtres envers une mère qui n’a pas respecté les lois.
Le travail de Marcelle Geber
69Marcelle Geber retrouve de nombreuses similitudes entre ces enfants africains et ceux qu’elle a pu connaître à la Fondation Parent de Rosan. Son expérience préalable lui permet ainsi déjà de pressentir qu’un facteur carentiel entre en jeu dans le déclenchement de cette maladie. Elle utilise le matériel de test qu’elle connaît bien afin d’étayer son impression clinique.
70Elle étudie en parallèle des enfants bien portants afin de se constituer un groupe de référence (Geber, 1956 ; 1957 ; 1958 a ; 1958 b ; 1961). Ainsi, à l’aide d’un interprète, elle raccompagne les enfants guéris chez eux et en profite pour demander l’autorisation au chef du village d’étudier les autres enfants en expliquant que le but, à terme, est de mieux soigner les enfants malades. Elle est aussi aidée dans le recrutement de ces enfants par Mary Ainsworth (Ainsworth, 1967) qu’elle connaît depuis la recherche commune aux équipes française et anglaise. En effet, cette dernière est en Afrique pour étudier les enfants qu’elle pense carencés en raison de la brutalité du sevrage (Ainsworth, 1961 ; OMS, 1962 ; Ainsworth, 1967). Ainsworth fera à Kampala une recherche sur le développement de l’attachement et utilisera les tests de Gesell pratiqués par Marcelle Geber.
71Marcelle Geber publie ainsi, sous l’égide du CIE, " Le développement psychomoteur de l’enfant africain " (Geber, 1956), relatant son étude d’enfants de 10 à 30 mois, ce qui correspond à l’âge de ceux hospitalisés à l’hôpital Mulago. Cette recherche est, à partir de 1955, intégrée dans une " étude longitudinale sur la croissance et le développement de l’enfant normal " menée par le CIE.
72Marcelle Geber retourne régulièrement en Afrique, chaque année, de juillet à septembre, jusqu’en 1960 ; l’indépendance du pays, puis le décès du Dr Dean seront les causes successives d’une interruption de quatre ans. À partir de 1964, elle peut y retourner tous les deux ans et ainsi suivre les enfants hospitalisés, continuer l’enquête longitudinale jusqu’à l’âge de 18 ans.
73En 1956, lorsque paraît dans le Courrier du CIE l’article écrit après son premier séjour, il suscite très vite des critiques, surtout de la part des américains ; en effet, Marcelle Geber rapporte que les enfants observés ont un développement psychomoteur plus précoce que les enfants européens ; que cette précocité est particulièrement importante jusqu’au sevrage (vers 18 mois ou 2 ans). Par ailleurs, les enfants étudiés obtiennent quasiment le même score avec les deux mains. Les médecins qui prennent connaissance de son article lui répondent seulement qu’ils sont " comme des petits singes ".
74Durant les années suivantes, elle poursuit son travail en étudiant des nouveau-nés (Geber et Dean, 1957) et en diversifiant ses échantillons avec des enfants de milieu urbain ; ceux-ci, " occidentalisés ", se développent sur le même rythme que les enfants occidentaux (donc plus lentement, mais aussi plus régulièrement). Ces enfants en bonne santé qu’elle étudie subissaient donc, eux aussi, un sevrage brutal ; ils avaient alors un aspect triste, ils ne progressaient plus sur le plan psychomoteur. Mais, vers 4 ou 5 ans, ils reprenaient le cours d’un développement normal, aucune séquelle n’était retrouvée à l’adolescence. Marcelle Geber fait alors l’hypothèse que ces enfants ayant connu une bonne relation avec leur mère avant la séparation consécutive au sevrage pouvaient reprendre le cours de leur développement en s’étayant sur cette relation retrouvée (Geber, 1956).
75Les conclusions qu’elle apporte dans son ouvrage, L’abandonnisme en Afrique sud-saharienne (Geber, 1999) sont qu’après un maternage aussi intense que décrit plus haut, le sevrage, vers 18 mois, est un bouleversement affectif. Pourtant, le sevrage, brutal mais inclus dans la culture pour aider l’enfant à grandir, pratiqué dans un but positif, n’était pas un abandon. Sa réflexion sur le kwashiorkor l’amène à penser qu’on ne peut l’imputer seulement à un sevrage brutal accompagné d’une séparation d’avec la mère. Il faut aussi que la relation de l’enfant avec sa mère n’ait pas été sécurisante avant le sevrage ; cela, en raison de problèmes maternels suffisamment importants pour entraver l’établissement du lien.
76Ainsi, cette carence affective a un rôle non seulement dans l’éclosion de la maladie, mais elle marque aussi son devenir. Il a été très souvent écrit que cette malnutrition sévère était cause de débilité mentale. Des études de Marcelle Geber, en faisant indirectement référence à son travail avec Jenny Aubry, il ressort surtout que c’est cette carence maternelle qui démotive l’enfant pour tout apprentissage, qui le rend indifférent à son entourage, qui inhibe son développement, bloque son élan vital (Geber, 1991). Le suivi des enfants en Ouganda a bien montré que ces enfants dont les mères étaient mortes ou les avaient abandonnés avaient perdu une part de leur dynamisme psychique. Marcelle Geber publie ainsi Psychothérapie d’un enfant atteint de kwashiorkor (Geber, 1996).
77En 1992, elle est sollicitée par Antoine Guedeney chargé par Serge Lebovici de développer les liens entre la WAIPAD et les ONG, pour évaluer, dans le cadre de Médecins sans frontières, les risques subis par les très jeunes enfants dans un pays en guerre et la possibilité de travailler sur la relation mère/enfant. Le pays choisi est le Mozambique. Cette étude confirme que la souffrance des mères domine les interactions mère/enfant, mais qu’elle est souvent passée sous silence par les femmes rencontrées. Elle se souvient ainsi que si les femmes dont les enfants étaient hospitalisés pour des maladies communes parlaient de leurs inquiétudes quant à la guerre, celles dont les enfants étaient hospitalisés pour un kwashiorkor parlaient en revanche de leurs problèmes personnels.
78Dans une revue de la littérature sur le sujet comprenant 90 articles récents, Marcelle Geber relève que seuls 9 montrent toute l’importance de la relation mère/enfant dans cette pathologie (Geber, 1999). En 1993 encore, Jean-François Bouville oppose l’approche médicale considérant la malnutrition infantile en Afrique comme un problème organique lié à un déficit nutritionnel et les sciences sociales qui la perçoivent plus comme " le produit d’un contexte éco-socioculturel complexe [...]. Dans cette optique, le déficit nutritionnel est dû autant aux effets directs de la carence globale qu’à ceux de la perturbation de la relation mère/enfant " (Bouville, 1993). Dans cet article, toujours, il s’attache à décrire une étude sur les interactions entre mère et enfant en comparant un groupe d’enfants malades et un autre bien portant, et cela, aussi bien sur le plan quantitatif que qualitatif. Après Marcelle Geber et quelques autres dont Antoine Guedeney qui montrent l’importance de l’insécurité de l’attachement dans le kwashiorkor, il redécouvre ainsi qu’il est nécessaire de tenir compte des " dimensions psychosociales et culturelles du problème " et ne pas penser seulement en termes économiques, hygiéniques et de techniques alimentaires.
LE TRAVAIL À LA POUPONNIÈRE AMYOT
Étude des facteurs de carence
79Soucieuses de continuer à travailler ensemble après l’expérience de Parent de Rosan, Myriam David et Geneviève Appell débutent à la pouponnière Amyot, en 1956, à Montrouge, en banlieue parisienne, un travail de recherche sur les facteurs de carence [11]. Leur expérience préalable leur permet d’affiner leur compréhension et de répondre plus précisément et plus rapidement aux difficultés respectives des enfants et du personnel.
80Vingt nouveau-nés y sont accueillis dans un cadre plaisant, avec un grand souci de bien faire. Le service a été conçu comme un lieu de stage pilote pour les infirmières et assistantes sociales. Geneviève Appell y exerce en tant que psychologue. Le personnel est compétent, en nombre suffisant. L’ambiance générale est agréable.
81Les enfants adressés sont issus de parents ayant contracté la tuberculose. Il faut donc vacciner l’enfant par le BCG et le séparer immédiatement de ses parents de la naissance à 3 mois environ. Les familles retenues pour la recherche répondent à certaines conditions permettant d’écarter d’autres facteurs de carence. Sur le plan de la recherche, c’est une situation exemplaire où le facteur séparation est isolé, l’âge de l’enfant et la durée étant déterminés par une cause unique et clairement identifiée.
82Myriam David, soutenue par John Bowlby, entreprend une démarche auprès de l’OMS en vue d’obtenir des fonds pour une recherche clinique fondamentale sur " Les effets immédiats et lointains d’un séparation à la naissance pour une durée de trois mois ".
83Une étude pilote, durant l’année 1956, porte sur treize bébés. Cela permet d’élaborer une méthodologie de recherche ensuite appliquée à la nouvelle étude longitudinale à court terme de deux groupes composés de dix bébés chacun ; un groupe pris en charge comme à l’accoutumée, un groupe expérimental de soins renforcés.
84Dès le groupe pilote, l’étude des soins dans ce lieu si différent de Parent de Rosan montre que les mêmes facteurs de carence affective sont à l’œuvre. Ainsi, trois dominantes étaient :
85— D’abord, la multiplicité et l’instabilité du personnel auprès d’un enfant. Le nombre moyen de personnes s’occupant d’un enfant au cours d’un séjour de trois mois étant de 25. Pourtant, l’organisation générale prévoyait qu’une infirmière devait toujours s’occuper des quatre mêmes enfants.
86— Ensuite, les longues périodes de solitude de l’enfant malgré le va-et-vient fréquent des infirmières et une surveillance régulière. En effet, les soins sont rapides, sans communication réelle avec le bébé et, entre-temps, les enfants restent dans leur berceau. L’infirmière connaît insuffisamment l’enfant qui est donc peu stimulé.
87— Enfin, la faible quantité et la pauvre qualité du contact social. L’infirmière ne regarde guère l’enfant et réciproquement. Les échanges de sourires, de paroles, de gazouillis sont peu fréquents, limités en durée et en intensité. Beaucoup de manifestations spontanées de l’enfant passent inaperçues et restent sans réponse, ce qui contribuerait à l’extinction de conduites innées (sons, sourires de communication, de réponse avec l’adulte).
88Les soins individualisés sont destinés à améliorer la qualité des échanges. Or, l’infirmière a tout de même du mal à changer sa manière d’être et à utiliser le temps qui lui est donné. David et Appell comprennent alors comment les soins institutionnels, dépersonnalisés, routiniers sont une réponse inconsciente aux besoins des soignants pour se protéger de leurs émotions. Une certitude déjà acquise se confirme, toute institution de jeunes enfants doit conjointement à son travail clinique organiser un soutien continu à son personnel et, sous une forme ou une autre, un regard régulier sur son travail.
89Les visites fréquentes chez les parents, pendant la séparation, révèlent le besoin des mères de parler de leur souffrance, de leurs peurs liées à la maladie, de leurs inquiétudes dues à la séparation. Elle disent leurs difficultés à visiter leur bébé, sans contact possible ; chez certaines, la pauvreté d’évocation de leur enfant révèle leur difficulté à " penser l’enfant absent " et à s’y intéresser. Le retour du bébé à la maison engendre alors une période de désorganisation et de mise en place de processus adaptatifs. Les auteurs insistent sur le fait que, même absent, l’enfant doit pouvoir continuer à se construire dans le psychisme de ses parents au risque, sinon, d’un désinvestissement pérennisant les facteurs de carence.
90Ainsi, un cadre accueillant, un personnel compétent et dévoué, une ambiance de gaieté, de gentillesse font illusion et contribuent à nier qu’un tel milieu puisse être source de carence affective.
91En 1959, des séminaires organisés par John Bowlby à Londres sur " l’étude des interactions mère/enfant " confortent Myriam David et Geneviève Appell dans leur intérêt pour les observations dans le milieu de vie et les sensibilisent, à partir de travaux d’éthologues, à la notion de " chaîne " pour étudier l’interaction. Elles écrivent alors un article à partir du " matériel " de la pouponnière Amyot : " La relation mère/enfant. Étude de cinq patterns d’interaction entre mère et enfant à l’âge de un an ", paru dans La Psychiatrie de l’enfant en 1966.
Les patterns d’interaction
92Cet article présente les résultats d’une étude transversale sur l’interaction mère/enfant à l’âge de un an. Toute intervention directe a, dans la mesure du possible, été évitée. Les auteurs s’inspirent de la méthode de travail des éthologues en ce sens qu’elles se basent sur une étude du milieu de vie naturel et non sur l’étude d’un comportement artificiellement créé par un milieu expérimental. Elles s’intéressent ainsi à la quantité des interactions, leur forme, leur mode de début et de terminaison, leur modalité et tonalité, leur contenu. Ensuite, elles analysent ces interactions dans diverses situations. Enfin, elles soumettent les cinq couples mère/enfant à trois sortes de comparaisons : les mères entre elles, les enfants entre eux, les enfants par rapport à leur mère.
93Elles dégagent la notion de pattern d’interaction, ce qui correspond à une ou deux attitudes fondamentales qui s’expriment à travers toutes les interactions et dont elles constituent le fil directeur. Ce pattern s’organise de manière cohérente, diffère d’un couple à l’autre, et pour chacun peut être décrit avec précision. Tout en étant constant, loin de donner lieu à des comportements stéréotypés, il s’exprime d’une infinie variété de manières. Le pattern d’interactions ainsi élaboré est moteur, formateur de la personnalité de l’enfant. Ainsi, les attitudes maternelles jouées directement et constamment sur l’enfant, à travers un pattern qui leur est tout à fait personnel, contribuent à orienter le développement de la personnalité de l’enfant.
94Par la suite, d’autres auteurs, dont Serge Lebovici et ses collaborateurs, développeront ce travail d’observation directe au sein des familles (Lebovici, 1962 ; Lebovici et coll., 1978). Ils en tirent quelques conclusions qui rejoignent les propos déjà émis par Myriam David et Geneviève Appell. Ainsi, ils écrivent que " les relations réciproques de l’enfant et de sa mère semblent très variables d’une famille à l’autre, mais elles paraissent aussi répétitives au sein d’une dyade mère/enfant " (Lebovici et coll., 1978). Ils reconnaissent aussi que les caractéristiques propres de l’enfant influent sur ce couple et que ne rentrent ainsi pas seulement en compte les attitudes et le fonctionnement mental de la mère.
95Serge Lebovici a su reconnaître le concept novateur de patterns d’interactions tout en essayant de l’accorder à son expérience psychanalytique. Il en a déduit le concept d’interaction fantasmatique, dont il partage l’idée avec Léon Kreisler et Bertrand Cramer (Brazelton, 1982).
96Ainsi, le travail de Myriam David et Geneviève Appel publié douze ans auparavant, dans la continuité d’études anglo-saxonnes de la même période, est resté longtemps ignoré, voire pillé, sans obtenir la reconnaissance qu’il méritait. Pourtant, en véritables pionnières, elles ont ouvert une voie nouvelle dans la psychiatrie du jeune enfant en France, mettant l’accent sur l’importance et la diversité de la relation mère/enfant.
L’institut Lóczy
97En 1968, à la suite de sa rencontre avec Judit Falk, Geneviève Appell visite l’Institut national de méthodologie des maisons d’enfants de 0 à 3 ans à Budapest. Au printemps 1971, elle y passe quinze jours, accompagnée de Myriam David, en qualité d’observatrices (Vamos, 2003).
98La conception de départ d’Emmi Pikler, fondatrice de l’Institut, est que si un jeune enfant ne peut être élevé par sa mère, alors la relation maternelle ne peut être reproduite, mais il est possible de lui offrir dans le cadre d’une collectivité une expérience de nature tout à fait différente qui favorise son plein développement. Elle considère, déjà, que les principaux facteurs de carence en institution sont les changements multiples de milieux de vie et de soignants, les soins dépersonnalisés et dépersonnalisants, l’impossibilité de nouer une relation affective privilégiée et ayant une qualité structurante, l’hypostimulation du développement psychomoteur, l’absence d’ouverture sur le monde extérieur, la monotonie du cadre de vie et des relations sociales (Pikler, 1975). Ainsi, dans le cadre de l’Institut Lóczy, sont privilégiés :
L’activité autonome
99L’adulte n’intervient jamais directement, mais par stimulation indirecte constante en offrant des situations progressives et une diversité du matériel, en respectant le rythme des acquisitions motrices de chaque enfant, en commentant verbalement les succès de l’enfant et en l’aidant à prendre conscience de ses accomplissements. Il n’y a pas d’interférence directe dans le jeu des enfants.
Une relation affective privilégiée
100L’objectif est de limiter le nombre de personnes qui s’occupent d’un enfant afin d’assurer continuité et constance dans les attitudes éducatives. Tout est fait pour que le personnel s’engage dans une relation réelle mais consciemment contrôlée dans laquelle l’adulte ne fait pas peser sur l’enfant sa propre affectivité et ses attentes personnelles. " C’est un leurre de penser qu’une femme peut soigner des enfants en institution au travers d’une relation qui fait appel à ses sentiments maternels " (David et Appel, 1973). Pour cela, les soins sont strictement réglementés. À l’occasion des soins en tête-à-tête, la nurse répond aux manifestations de l’enfant par une activité verbale et une gestuelle ayant pour but de transmettre son attention, son intérêt, son affection pour tout ce que l’enfant est et ce qu’il est capable de faire par lui-même. En contrepartie, nurse et enfant doivent réduire leurs élans, leurs manifestations d’affection, toutes les personnes qui s’occupent d’enfants doivent se contrôler.
101Myriam David et Geneviève Appell reprennent leur concept de pattern d’interaction qu’elles appliquent à l’Institut : ce pattern, au travers duquel la relation se développe, assure, pour les auteurs, la fonction de holding au sens de Winnicott. Il est bien distinct du pattern d’interaction mère/enfant qui diffère, lui, d’un couple à l’autre, et qui dépend des motivations profondes de la mère. Ici, il est motivé par l’institution, par la méthode de travail. Imposé aux nurses, il limite leurs impulsions maternelles et les en protège. Le pattern, ici, est bien plus constant ; il n’est intériorisé que progressivement et demeure fragile.
102Entre les soins, l’enfant est livré à lui-même ; cependant, il n’est jamais seul. C’est aussi un acte relationnel que de laisser un enfant à ses activités sans intervenir, tout en l’alimentant de sources d’intérêt constant. Tout en créant une relation réelle, chaudement investie, le but est d’éviter de développer une trop grande demande affective.
103Les nurses suivent un groupe tout au long de son évolution, restant ainsi avec l’enfant aussi longtemps que dure son séjour.
La prise de conscience, par l’enfant, de lui-même et de son environnement
104La régularité des événements dans le temps et la stabilité des situations dans l’espace favorisent cette prise de conscience. Les enfants et les nurses changent de lieu de séjour au fur et à mesure qu’ils grandissent afin de bénéficier de lieux de plus en plus spacieux et ouverts sur l’extérieur. Les enfants sont pris pour les soins dans un ordre donné et constant (toujours le même).
Un bon état de santé
105L’enfant malade est soigné au sein de son groupe par ses nurses. Mis en insécurité par la maladie, il a plus que jamais besoin de son cadre de vie habituel et de leur présence.
106Tout au long du séjour, dans la mesure du possible, un travail avec les parents est entrepris. Le retour de l’enfant dans sa famille ou son départ dans un foyer d’adoption sont minutieusement préparés. Les parents viennent le voir, la nurse accompagne l’enfant. Le personnel parle beaucoup de l’enfant aux parents ; la nurse parle avec l’enfant de son retour prochain. Les enfants emportent avec eux quelques objets familiers ; on remet aux parents une synthèse très détaillée relatant la vie et le développement de leur enfant.
107C’est aussi un lieu de formation et de recherche basé sur l’observation des enfants. Bernard Golse écrit que " la méthode Lóczy fournit à l’enfant des figures ou objets d’attachements privilégiés, les nurses, qui n’ont aucune vocation de remplacement de l’objet maternel (c’est là toute la question de la professionnalisation des soins), mais qui sont des objets d’attachement qui stimulent en leur absence l’activité de représentation mentale du bébé et qui jouent sur l’équilibre subtil entre absence et présence " (Golse, 2003 b).
108Myriam David et Anna Tardos décriront, plus tard, l’activité libre des enfants et percevront comment ces moments participent à aider l’enfant à se structurer dans son individualité (Tardos et David, 1991).
109Myriam David développe aussi un placement familial spécialisé, au sein de l’association de santé mentale du 13e arrondissement, initialement sous la direction de Philippe Paumelle (David, 1989 ; 1990). C’est un espace thérapeutique où le suivi est mené avec continuité, centré sur l’enfant. L’équipe a aussi pour fonction de travailler auprès des familles d’accueil pour rechercher les meilleures modalités de soutien susceptibles de la sécuriser, permettant ainsi la pérennité et l’évolutivité de leur démarche. Il va de soi que ce suivi ne peut être réalisé efficacement que si les divers membres de l’équipe soignante se réunissent régulièrement pour partager leur expérience et leurs difficultés.
110Plus tard, elle s’intéresse aussi aux enfants de mère psychotique et à leur développement (David, 1987 ; David et coll., 1988). Elle met en place, avec le soutien de Serge Lebovici et de la Fondation Rotschild, l’Unité de soins à domicile (David, 2003) qu’elle dirige jusqu’en 1987, date à laquelle elle prend sa retraite.
CONCLUSION
111Dans cette période tumultueuse de l’après-guerre, et pendant près de quarante ans, ces quatre pionnières ont, par leur œuvre commune comme par leur travail individuel, contribué à la naissance de la psychiatrie infantile en France. Acceptant la marginalité à laquelle les exposaient leurs idées nouvelles et souvent contestées par l’establishment psychiatrique comme par la communauté psychanalytique, mais aussi le fait qu’elles étaient des femmes, elles ont constamment gardé un fil directeur à leur pensée et ont su tirer parti de leurs parcours originaux autant que de cette marginalité.
112Toutes les quatre se sont intéressées aux très jeunes enfants à une époque où la reconnaissance d’une vie psychique chez le bébé était loin de faire l’unanimité. Dans les milieux où elles ont travaillé, qu’il s’agisse de pouponnières d’enfants abandonnés tant par leurs parents que par l’institution, ou qu’il s’agisse des villages d’Afrique de Marcelle Geber, les enfants étaient alors tenus pour quantité négligeable. Ces attitudes s’apparentaient à une forme de maltraitance, par indifférence, comme par négligence. Georges Heuyer, par exemple, disait lui-même que " le nourrisson est surtout un système nerveux qui se développe. Quand on se penche sur un berceau, ce ne sont pas des manifestations d’intelligence que l’on remarque [...]. Ce sont des excitations sensorielles et des réactions motrices " (Duché, 1990). Plus tard, elles ont su montrer que ces comportements indignes résultaient aussi du défaut d’encadrement, du désarroi et du marasme social du personnel lui-même.
113D’autres, avec elles, ont travaillé sur la séparation, la carence de soins maternels, et les facteurs en cause. John Bowlby, en particulier, a élaboré par la suite la théorie de l’attachement qui a révolutionné la conception du développement de l’enfant au travers de sa relation à sa mère (Bowlby, 1958 ; 1978 ; Giordanino, 1988 ; Pierrehumbert, 2003).
114Dès leurs premières rencontres, elles ont eu à cœur, et ont gardé pour principe, d’allier dans leur travail la clinique, la recherche et la formation. Elles ont ainsi montré que l’on ne pouvait s’en tenir à la seule bienveillance ni à des améliorations ponctuelles. Seule une démarche organisée et réellement scientifique, répondant à un processus de recherche exigeant, permet l’établissement et le maintien d’un projet thérapeutique. On retiendra comme illustration de leur travail les propos de Myriam David : " La recherche est un moyen clinique formidable. "
115Été 2005
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Mots-clés éditeurs : Carence maternelle, Historique, Pionnières
Mise en ligne 01/04/2007
https://doi.org/10.3917/psye.492.0405Notes
-
[1]
Nous tenons à remercier tout particulièrement Geneviève Appell, Myriam David, Marcelle Geber pour leur accueil et leur disponibilité ; ainsi que le Pr Michel Soulé pour son éclairage sur cette période.
-
[2]
Chef de clinique. Xe intersecteur de psychiatrie infanto-juvénile, CHU Bichat - Claude Bernard, Paris (18e).
-
[3]
Chef de service. Xe intersecteur de psychiatrie infanto-juvénile, CHU Bichat - Claude Bernard, Paris (18e).
-
[4]
Cf. G. Benoît et J. P. Klein (2000), I. Giordanino (1988), D. J. Duché (1990).
-
[5]
Ce paragraphe doit beaucoup à l’article de Marcelle Geber : Jenny Aubry, professeur au collège de médecine des hôpitaux de Paris (1903-1987), La Semaine des hôpitaux de Paris, 1997, 73 (13-14), 426-434.
-
[6]
Dans cet article, nous la dénommons Jenny Roudinesco pour relater ce qu’elle a fait et écrit avant 1952, puis Jenny Aubry après 1952, restant ainsi fidèle à ses références bibliographiques.
-
[7]
Communication personnelle, entretiens réalisés durant l’année 2002.
-
[8]
Communication personnelle, entretiens réalisés durant l’année 2003.
-
[9]
Communication personnelle, 2002-2003.
-
[10]
Monique, un cas d’arriération psychogène (1953), 16 mm, COPES ; Les effets de la carence de soins maternels chez les jeunes enfants, Association Pikler-Lóczy-France.
-
[11]
Deux articles résument leur travail : M. David, G. Appell (1964), Étude des facteurs de carence affective dans une pouponnière, La Psychiatrie de l’enfant, 4 (2), 407-442 ; M. David, G. Appell (1966), La relation mère/enfant. Étude de cinq patterns d’interaction entre mère et enfant à l’âge de 1 an, La Psychiatrie de l’enfant, 9 (2), 445-531.