Pôle Sud 2014/2 n° 41

Couverture de PSUD_041

Article de revue

Juan Linz (1926-2013) : des Obras monumentales

Pages 133 à 149

Notes

  • [1]
    Montero J. R. & Miley T. J. (2008-2013), Juan J. Linz. Obras Escogidas, Madrid, Centro de Estudios Políticos y Constitucionales, sept volumes.
  • [2]
    Linz J. J. (1994), La sociología : hablando con Juan J. Linz, Madrid, Acento Editorial, p. 25.
  • [3]
    de Miguel A. (1993), « The Lynx and the Stork », in Gunther R. (ed.), Politics, Society, and Democracy: The Case of Spain, Boulder, Westview, p. 8.
  • [4]
    Schmitter Ph. (2003), « Una biografia intellettuale e di vita del “maestro-compositore” Juan J. Linz », Rivista Italiana di Scienza Politica, vol. 33, n° 3, p. 518.
  • [5]
    Dans « Notas para un estudio comparado del fascismo en perspectiva histórico-sociológica », chapitre 1 du volume 1 (Fascismo: perspectivas históricas y comparadas) de ses Obras Escogidas, Madrid, Centro de Estudios Políticos y Constitucionales, 2008.
  • [6]
    Dans « El espacio político y el fascismo como movimiento tardío: las condiciones que condujeron al éxito o al fracaso del fascismo como movimiento de masas en la Europa de entreguerras », chapitre 2 du volume 1.
  • [7]
    Dans « De la Falange al Movimiento-organización. El partido único español y el régimen de Franco, 1936-1968 », chapitre 5 du volume 1.
  • [8]
    Le chapitre est apparu sous le titre « Totalitarian and Authoritarian Regimes », in Greenstein F. I. & Polsby N. W. (eds.) (1975), Handbook of Political Science, vol. 3 : Macropolitical Theory, Reading, Addison-Wesley Press, pp. 175-411, et ensuite toujours en anglais (entre autres langues) en 2000, dans Totalitarian and Authoritarian Regimes, Boulder, Lynne Rienner Publishers. Dans les Obras Escogidas, il est intitulé « Regímenes totalitarios y autoritarios » dans le chapitre 3 du volume 3 consacré aux Sistemas totalitarios y regímenes autoritarios.
  • [9]
    Le chapitre a été publié sous le titre « An Authoritarian Regime : The Case of Spain », in Allardt E. & Littunen Y. (eds.) (1964), Cleavages, Ideologies and Party Systems : Contributions to Comparative Political Sociology, Helsinki, The Academic Bookstore, pp. 291-341 ; également réédité dans Allardt E. & Rokkan S. (eds.) (1970), Mass Politics. Studies in Political Sociology, New York, Free Press, pp. 251-283 et 374-381 ; et publié sous le titre « Una teoría desl régimen autoritario : el caso de España » dans le chapitre 2 du volume 3.
  • [10]
    Chehabi H. E. & Linz J. J. (eds.) (1998), Sultanistic Regimes, Baltimore, Johns Hopkins University Press ; dont on a sélectionné seulement deux chapitres, tous deux écrits par Chehabi et Juan et qui paraissent en tant que chapitres 10 et 11 dans le 3e volume.
  • [11]
    Le livre a été publié en 1978, ayant comme coauteurs Linz J. J. & Stepan A., The Breakdown of Democratic Regimes (Baltimore, Johns Hopkins University Press) ; Juan publia en 1987, en espagnol, sous forme de monographie le premier chapitre, La quiebra de las democracias (Madrid, Alianza Ediotorial), réédité, en 2009, en tant que chapitre 1 de ses Obras Escogidas, dans le vol. 4, Democracias : quiebras, transiciones y retos, Madrid, Centro de Estudios Políticos y Constitucionales.
  • [12]
    Dans « De grandes esperanzas a la Guerra Civil: la quiebra de la democracia en España », inséré dans le chapitre 2 du volume 4.
  • [13]
    Juan J. Linz & Alfred Stepan (1996), Problems of Democratic Transition and Consolidation. Southern Europe, South America, and Post-Communist Europe, Baltimore, Johns Hopkins University Press, dont certaines parties ont été rassemblées dans les chapitres 5 et 6 du 4e volume.
  • [14]
    À propos des contributions décisives de Juan sur la transition espagnole, on doit rappeler que durant ses séjours à Madrid, lui-même a enrichi systématiquement ce qui sera connu ultérieurement comme étant l’Archivo Linz, consistant en 76000 coupures de 112 publications espagnoles effectuées entre 1973 et 1983 ; celles-ci ont été numérisées et remarquablement codifiées par le personnel de la Bibliothèque de la Fondation Juan March. L’Archivo est à la disposition des chercheurs sur la page web (http://www.march.es/ceacs/proyectos/linz/) de l’Institut Carlos III-Juan March de Sciences Sociales.
  • [15]
    Cf. « El liderazgo innovador en la transición a la democracia y en una nueva democracia », chapitre 7 du 4e volume.
  • [16]
    Juan a porté une attention particulière sur ces problèmes à partir de son étude sur « Michels e il suo contributo alla sociologia politica », introduction au livre de Roberto Michels (1961 [1911]), La sociologia del partito politico nella democrazia moderna. Studio sulle tendenze oligarchiche degli aggregati politici, Bolonia, Il Mulino, pp. vii-cxix. Il l’a traduite en 1998, en espagnol, sous le titre Michels y su contribución a la sociología política (Mexico, Fondo de Cultura Económica) et il y a peu de temps cette version a été révisée et complétée avec sa parution en anglais « Robert Michels and His Contribution to Political Sociology in Historical and Comparative Perspective », in Linz J. J. (2006), Robert Michels, Political Sociology, and the Future of Democracy (New Brunswick, Transaction Publishers, pp. 1-80), un livre édité par Houchang E. Chehabi ; cette dernière version est celle que l’on a retenue pour le chapitre 12 du 4e volume des Obras Escogidas, consacré à « Robert Michels y su contribución a la sociología política ».
  • [17]
    Ces contributions novatrices de Juan constituent les chapitres 4 et 13 : « El factor tiempo en los cambios de régimen » et « Tiempo y democracia » du 4e volume.
  • [18]
    Cf. « Los partidos en la política democrática: problemas y paradojas », chapitre 1 du 4e volume.
  • [19]
    Juan J. Linz & Arturo Valenzuela (eds.) (1997), The Failure of Presidential Democracy (Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1994), traduit ensuite en espagnol sous le titre Las crisis del presidencialismo (Madrid, Alianza Editorial), 2 vol. ; la contribution de Juan, « Democracia presidencial o parlementaria: qué diferencia implica? » fait l’objet du chapitre 9 dans le 4e volume.
  • [20]
    Linz J. J. & Miley T. J. (2012), « Cautionary and Unorthodox Thoughts about Democracy Today », in Chalmers D. & Mainwaring S. (eds.), Problems Confronting Contemporary Democracies. Essays in Honor of Alfred Stepan, Bloomington, University of Notre Dame Press, pp. 227-251.
  • [21]
    Ces thèmes sont rassemblés dans le volume 2 de ses Obras escogidas, consacré à Nación, Estado y lengua (2008).
  • [22]
    Linz J. J., « Construcción temprana del Estado y nacionalismos periféricos tardíos frente al Estado: el caso de España », dans les Obras Escogidas, volumen 2, p. 65.
  • [23]
    Les chapitres 5 et 6 du volume 3 des Obras escogidas renferment deux passages essentiels de l’ouvrage désormais classique de Juan J. Linz, écrit avec Manuel Gómez-reino, Francisco Andrés Orizo & Darío Vila, Conflicto en Euskadi, Madrid, Espasa Calpe, 1986.
  • [24]
    À titre d’exemple, cf. « De la crisis de un Estado unitario al Estado de las autonomías », chapitre 4 du 3e volumen ainsi que le plus récent ouvrage de Linz J. J., Stepan A. & Yadav Y., Crafting State-Nations : India and the Other Multinational Democracies, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 2011.
  • [25]
    Juan J. Linz & Jeffrey Miley (2012), « Cautionary and Unorthodox Thoughts about Democracy Today », op. cit., pp. 234 & 251.
  • [26]
    Economía y empresarios en España, volume 5 des Obras escogidas (Madrid, Centro de Estudios Políticos y Constitucionales, 2013).
  • [27]
    Cet ouvrage de Linz J. J. & de Miguel A. (1965), Los empresarios anter el poder público. El liderazgo y los grupos de intereses en el empresariado español, Madrid, Instituto de Estudios Políticos, fait l’objet du chapitre 14 du 5e volume.
  • [28]
    Bendix R. (2001 [1956]), Work and Authority. Managerial Ideologies in the Course of Industrialization. With a New Introduction by Mauro F. Guillén, New Brunswick, Transaction Publishers. Un ouvrage classique de Sociologie de l’économie et des relations sociales dans lequel il comparait le travail et l’autorité en Angleterre, Allemagne et Russie.
  • [29]
    Schumpeter a transmis à Juan son intérêt pour le concept d’entreprise et a inspiré une bonne partie de ses recherches à ce sujet grâce, entre autres publications, à la revue qu’il anima, le Journal of Entrepreneurial History et à son ouvrage Capitalism, Socialism, and Democracy (New York, Harper & Barothers, 1950 [1943]). Le livre The Economics and Sociology of Capitalism, édité par Richard Swedberg (Princeton, Princeton University Press, 1951), renferme une introduction biographique et commentée des différents écrits de Schumpeter et une bibliographie de son œuvre. Parmi les travaux retenus dans l’anthologie on trouve « Comment on a Plan for the Study of Entrepreneurship », pp. 406-428.
  • [30]
    Cf. « Legitimidad de la democracia y el sistema socioeconomico », chapitre 1 du 5e volume des Obras escogidas.
  • [31]
    Cf. le chapitre 3 du 5e volume : « La mentalidad económica de los españoles ».
  • [32]
    Partidos y elites políticas en España, volume 6 des Obras Escogidas (2013).
  • [33]
    Juan est l’auteur des chapitres 2, 13 et 17, traitant de l’Assemblée sous Primo de Rivera, de la rupture entre les élites de la Restauration et celles du franquisme et des maires franquistes ; Jesús de Miguel est le coauteur des chapitres 3 et 5 consacrés aux élections de 1936 et aux Cortes franquistes, et Miguel Jerez, José Real et Susana Corzo ont également participé à des titres divers à la rédaction aux côtés de Juan des chapitres 1, 14, 15 et 16 évoquant les députés et les ministres depuis la Restauration et les sénateurs depuis 1977.
  • [34]
    Concernant ces questions, on se doit de signaler l’annexe qui termine ce 6e volume intitulé « Elecciones y política en España », écrit avec José Ramón Montero et Antonía María Ruiz, article originellement publié en tant que chapitre 14 du 3° volume des Estadísticas históricas de España. Siglos XIX y XX (Madrid, Fundación BBVA, 2e édition révisée et complétée), éditée par Albert Carreras et Xavier Tafunell, pp. 1027-1154.
  • [35]
    Le chapitre 2 du 6e volume : « El sistema de partidos en España: de la restauración a la Guerra civil », a été publié en 1976 sous le titre El sistema de partidos en España (Madrid, Editorial Narcea) ainsi qu’en anglais dans une traduction non autorisée intitulée « The Parti System of Spain: Past and Future », insérée dans l’ouvrage dirigé par de Seymour M. Lipset & Stein Rokkan (1967), Party Systems and Voter Alignments: Cross-National Perspectives, New-York, Free Press, pp. 197-282.
  • [36]
    Le chapitre 9 du 6e volume « Partidos y sistemas de partidos en la transición a la democracia » est paru d’abord sous le titre « El sistema español de partidos » dans l’ouvrage de Juan J. Linz écrit avec Gómez-Reino M., Vila D. & Orizo F. A. (1981), Informe sociológico sobre el cambio político en España, 1975-1981, Madrid, Euroamérica, pp. 341-508 ; il s’agit du fameux, à juste titre, volumen 1 du IV Rapport FOESSA, parrainé par la Fundación Fomento de Estudios Sociales y Sociología Aplicada, FOESSA (Fondation pour la Promotion des Etudes Sociales et de Sociologie Appliquée), duquel ont été également retenus dans le 6e volume deux chapitres : l’un sur les élections de 1977 et le second sur l’héritage de Franco dans la nouvelle démocratie.
  • [37]
    Pour « Los sistemas de partidos en España en el último cuarto del siglo XX », 11e chapitre du volume 6, on a en partie fusionné deux études antérieures. La majeure partie du chapitre provient de l’ouvrage de Linz J. J. & Montero J. R. (1999), The Party Systems pf Spain : Old Cleavages and New Challenges, Madrid, Centro de Estudios Avanzados en Ciencias Sociales, Instituto Juan March, Estudio/Working Paper 138, et d’une version beaucoup plus brève d’une contribution de J. J. Linz & J. R. Montero, « The Party Systems of Spain: Old Cleavages and New Challenges », publiée dans l’ouvrage de Karvonen L. & Kuhnle S. (2001), Party Systems and Voter Alignments Revisited, London, Routledge, pp. 150-196.
  • [38]
    Historia y sociedad en España, volume 7 des Obras Escogidas (2013).
  • [39]
    Il s’agit des chapitres 1 (« Cinco siglos de historia española: cuantificación y comparación ») et 2 (« Papel de los intelectuales en la España de los siglos XVI y XVII ») du volume 7.
  • [40]
    « Tradición y modernidad en España », 3e chapitre du volume 7.
  • [41]
    Cf. dans le 7e volume, les chapitres 10, 11 et 12 intitulés respectivement : « Religiosidad y estructura social en Andalucía : la práctica religiosa » (écrit avec José Cazorla), « Religión y política en España » et « Religión y política en la transición democrática española: de conflicto a consenso por encima de las divisiones ».
  • [42]
    Cf. le chapitre 4, « Diferencias y comparaciones internacionales: las ocho Españas », écrit avec Amando de Miguel.
  • [43]
    Cf. les chapitres 8 et 9, intitulés respectivement : « La sociedad española: pasado, presente y futuro » et « Reflexiones sobre la sociedad española ».
  • [44]
    Cf. les chapitres 6 et 7, « La realidad asociativa de los españoles » et « Política e intereses a lo largo de un siglo en España, 1880-1980 ».
  • [45]
    Cf. le chapitre 15, Linz J. J., « Entre naciones y disciplinas: experiencia personal y comprensión intelectual de sociedades y regímenes políticos », paru au départ sous le titre « Between Nations and Disciplines: Personal Experience and Intellectual Understanding of Societies and Political Regimes », in Daalder H. (ed.) (1997), Comparative European Politics: The Story of a Profession (Londres, Pinter, pp. 101-114).
  • [46]
    Cf. le chapitre 16, Snyder R., « Juan Linz: regímenes políticos, democracia y la búsqueda del conocimiento », publié initialement sous le titre « Juan J. Linz: Political Regimes, Democracy, and the Quest for Knowledge » dans l’ouvrage dirigé par Munck G. L. & Snyder R., Passion, Craft, and Method in Comparative Politics, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 2007, pp. 150-209.
  • [47]
    Miley T. J. & Montero J. R., « Un retrato de Juan José Linz Storch de Gracia », in volume 1 des Obras Escogidas, pp. xxi-lxxiii.
  • [48]
    Il a abordé ces questions plus largement dans Montero J. R. (2014), « Juan Linz: les trabajos y los días de un maestro irrepetible », in Chehabi H. E. (ed.), Juan J. Linz: Scholar, Teacher, Friend, Cambridge MA, T? Aur Press, et surtout Miley T. J. & Montero J. R. (2008), « Un retrato de Juan José Linz Storch de Gracia », Juan J. Linz. Obras Escogidas, vol 1, op. cit.
  • [49]
    Linz J. J. (2013 [1997]), « Entre naciones y disciplinas », op. cit., p. 531.
  • [50]
    Lipset S. (1993), « Juan Linz: Student-Colleague-Friend », in Chehabi H. E. & Stepan A. (eds.), Politics, Society, and Democracy: Comparative Studies, Boulder, Colorado, Westview Press, p. 4.
  • [51]
    Linz J. J. (2013 [1997]), « Entre naciones y disciplinas », op. cit., p. 540.
  • [52]
    Snyder R. (2007), « Juan J. Linz », op. cit., pp. 584.
  • [53]
    Lipset S. (1993), « Juan Linz », p. 3.
  • [54]
    Javier Tusell (1987), « Entrevista con Juan J. Linz », Cuenta y Razón, n° 32, p. 105.
English version

1Juan Linz est décédé à l’âge de 86 ans le 1er octobre 2013 à l’Hôpital Yale-New Haven, l’hôpital de l’Université de Yale au sein de laquelle il exerça en tant que professeur de science politique et de sociologie durant trente ans. Il a vécu plus de 60 ans aux États-Unis. Durant toute sa vie il a toujours voulu faire ce qu’il a fait : chercher, enseigner, essayer de comprendre les problèmes fondamentaux des sociétés complexes et des démocraties contemporaines. Et il accomplit tout ceci remarquablement bien. Il fut une personne exceptionnelle et un maître irremplaçable à bien des égards. Je souhaiterais ici m’attacher à évoquer certaines de ses publications, et plus particulièrement ses Obras Escogidas[1].

2Juan Linz est une figure vraiment universelle, un espagnol peut-être sans pareil dans le domaine des sciences sociales du xxe siècle. Sa trajectoire personnelle en tant que chercheur reflète aussi bien sa formation universitaire et celle qui l’a précédée que ses passions et les influences intellectuelles qu’il a reçues. Dans son enfance, il s’est vu contraint de choisir pays, langue et culture, en raison de sa naissance en 1926 à Bonn (Allemagne), d’un père allemand et d’une mère espagnole. Peu après il a vécu enfant et adolescent une série d’expériences uniques : la crise économique sous la République de Weimar, la répression nazie, l’effondrement de la Seconde République et les conflits entre les différents groupes du camp franquiste dans la Salamanque de la Guerre civile. Tout ceci a entraîné un point de départ véritablement singulier qui lui a permis de s’enrichir grâce à l’association d’influences issues de sa formation de chercheur en sciences sociales dans les universitaires américaines, de son éducation universitaire espagnole, de son background culturel allemand et de son intense expérience européenne sociale et politique.

3Linz a reçu une excellente formation universitaire, tout d’abord en Espagne sous la tutelle de Francisco Javier Conde dans les années quarante, et ensuite à l’Université de Columbia dans les années cinquante où enseignaient des figures déjà légendaires comme Paul Lazarsfeld, Otto Kircheimer, Kingsley David, Robert Lynd, Robert Merton ou Seymour Martin Lipset. Après avoir obtenu dans cette dernière université son doctorat, il fut nommé en tant que professeur en 1961 dans ce même Département de Sociologie de Columbia et y demeura jusqu’en 1968, date à laquelle il fut admis – et ce jusqu’à sa mort – professeur en tant que Sterling Professor de Science politique et sociologie à l’Université de Yale. Dans ces deux universités, son activité a été orientée par son double statut à la fois de sociologue et de politiste, ainsi que je le soulignerai par la suite.

Les Obras Escogidas

4Les publications de Juan ont agité les débats scientifiques internationaux autour de questions politiques majeures au xxe siècle. Au-delà de leur qualité, leur volume est réellement stupéfiant. Dans son curriculum, on dénombre plus de 320 contributions à savoir livres et articles publiés au cours de ces 60 dernières années, principalement en anglais et beaucoup en espagnol ou allemand mais également en portugais, français, italien, norvégien, suédois, hongrois, polonais, russe, turc, japonais, coréen ou farsi. Grâce à leur apport, nous en savons beaucoup plus sur les régimes démocratiques et dictatoriaux ; sur l’effondrement des démocraties dans l’entre-deux-guerres et les transitions démocratiques de la troisième vague dans grand nombre de pays, dont l’Espagne ; sur les implications des modèles institutionnels des démocraties ; sur les conflits politiques dans les États plurilinguistiques et multinationaux, ou enfin, sur les dilemmes reliés à l’histoire de beaucoup de pays déchirés entre tradition et modernité. Au cours de sa longue carrière, le cas de l’Espagne est demeuré présenté sous une forme ou une autre. Nous disposons ainsi de ses précieuses études sur le politique de la Restauration, l’échec de la Seconde République, le franquisme, la Transition démocratique, l’État des autonomies, les hommes d’affaires, les intellectuels, les partis, les systèmes de partis et les élites politiques de la nouvelle démocratie espagnole.

5Ses travaux les plus importants ont été réunis dans les sept volumes de ses Obras Escogidas, édités par moi-même et par Thomas Jeffrey Miley et remarquablement publiés au cours de ces cinq dernières années par le Centro de Estudios Políticos y Constitucionales (CEPEC). La petite histoire de cette aventure intellectuelle a débuté il y a plus ou moins sept ans lorsque José Álvarez Junco, directeur du CEPC de 2004 à 2008 et Javier Moreno Luzón, son sous-directeur de publications, m’ont proposé de coordonner une compilation complète des travaux de Juan. À ce moment là, le catalogue éditorial du CEPC renfermait déjà les œuvres d’auteurs de référence. En 1991, cet éditeur avait publié les trois volumes des Obras Completas de Manuel García Pelayo et en 1997 les cinq volumes des œuvres de Francisco Tomás y Valiente, tous deux professeurs et présidents du Tribunal Constitutionnel. En 1997, parurent également les quatre volumes de Luis Díez del Corral, professeur d’Histoire des Idéesz Politiques, suivis dix ans après de la publication des sept volumes des Obras Completas de Manuel Azaña dans une magnifique édition définitive sous la direction de Santos Juliá.

6Naturellement l’adjonction de Juan sur une liste aussi prestigieuse m’est apparue une excellente idée. Aussi ai-je accepté l’invitation à y procéder avec l’enthousiasme de celui qui espérait depuis longtemps que ceci adviendrait, avec l’ingénuité aussi de celui qui croyait que la mission d’un éditeur consistait simplement à ordonner les textes de Juan l’un après l’autre. Par la suite Moreno Luzón, Jeff Miley et moi-même nous nous sommes rendu compte que la tâche allait être autrement difficile et allait requérir plus de temps que prévu. Pour commencer, en raison de la quantité considérable de publications auxquelles nous avions affaire. En accord avec Juan lui-même, nous décidons d’abandonner le projet initial d’une édition des œuvres complètes, trop délicate, pour nous consacrer par contre aux critères susceptibles de légitimer la sélection de ses travaux les plus éminents. Nous avons également renoncé à un classement par ordre chronologique étant donné que la liste des publications sélectionnées serait apparue déroutante en raison des sauts ou retours que le milieu académique est contraint de pratiquer pour des questions d’opportunité. Finalement, nous avons estimé que la meilleure formule consistait à répartir ses travaux en une série de grands blocs thématiques reflétant les principales préoccupations de Juan, parmi lesquels nous avons bien pris soin d’ajouter la liste des études susceptibles d’intéresser particulièrement les lecteurs espagnols.

7Nous nous sommes ainsi mis d’accord sur le fait que ces Obras Escogidas comprendraient uniquement 87 études, réparties dans sept volumes, représentant quelques 5500 pages. Beaucoup parmi ces volumes rassemblent des traductions de textes qui sont déjà des références incontournables en science politique ou en sociologie, des études qui sont tout autant de qualité que de localisation difficile, des contributions uniques en raison de leur capacité analytique, de leur rigueur théorique ou de leur ambition empirique. Nous estimons cependant que tous ces écrits apparaissent indispensables à la compréhension des principaux phénomènes politiques de ces dernières décennies. D’un point de vue éditorial, ceci a été une tâche ardue mais nous avons eu l’énorme récompense d’avoir collaboré étroitement avec Juan au cours de ces années là, ainsi qu’avec son épouse Rocío de Terán, également sa meilleure collaboratrice. Tous deux se sont impliqués au maximum dans les discussions pour sélectionner les textes, ont repéré parmi les innombrables classeurs accumulés au sous-sol de leur maison d’Hamden (Connecticut) des manuscrits que nous avions passés par pertes et profits. Ils ont revu ensemble, ligne après ligne, toutes les nombreuses traductions que nous leur avions demandées et ont même quasiment réécrit certains travaux qui avaient fait l’objet d’une traduction malheureuse.

Six blocs thématiques

8Nous avons sélectionné six blocs thématiques. Ils recouvrent les mouvements fascistes et les régimes totalitaires et autoritaires ; l’effondrement des systèmes démocratiques après des crises qui s’achèvent en donnant lieu à des dictatures de toutes sortes ; les transitions et les consolidations démocratiques, à savoir, les processus qui observent une logique contraire aux précédentes ; les difficultés, quelquefois insolubles, des systèmes démocratiques ; les problèmes des démocraties plurinationales et les conflits résultant de l’incompatibilité entre nations à l’intérieur des États ; et, enfin, les élites sociales et politiques. En dépit de leur apparent éparpillement thématique, ces blocs conservent une remarquable cohérence. Comme le rappelle Juan lui-même, ce qui en constitue l’origine commune, c’est la « curiosité intellectuelle » de celui qui veut « comprendre ce qui s’est passé, ce qui se passe et se passera dans le monde qui l’entoure : pour quelle raison les démocraties sont-elles tombées dans les années trente, le pourquoi du fascisme, des nationalismes, des conflits religieux et politiques, du développement économique, du succès ou de l’échec des partis politiques, des dictatures et de ce terrible phénomène du xxe siècle qu’est le totalitarisme, des coups d’état militaires, des changements dans les actions et les valeurs et ainsi de suite » [2]. Cet apriori a été légitimé, mais pouvait-il en être autrement, par le contexte historique, les questions générationnelles, les expériences vécues et les préférences personnelles de Juan ainsi que, plus ou moins, les facteurs accidentels, voire même fortuits.

9Les sept volumes des Obras Escogidas se répartissent grosso modo entre, d’une part, ceux rassemblant les travaux essentiellement comparatistes (les quatre premiers) et, d’autre part, ceux traitant des questions espagnoles (les trois derniers). Il s’agit toutefois d’une dichotomie trompeuse. Bien qu’il ait rédigé des milliers de pages dans une optique comparatiste, en abordant ces soixante dernières années de nombreuses questions politiques ou sociales des pays occidentaux et dans de nombreux cas latino-américains, la passion intellectuelle de Juan a toujours été largement dominée par la situation espagnole. En réalité tous ses travaux se sont référés d’une manière ou d’une autre au cas espagnol. Amando de Miguel va jusqu’à dire que s’il lui incombait d’avoir à réunir ces nombreux et variés travaux en un seul volume synthétique, ce dernier devrait s’intituler « El caso de España » [3]. Et Philippe Schmitter a exposé ce fait avec force en soulignant « l’extraordinaire capacité [de Juan] à exploiter la conceptualisation et la recherche empirique sur un seul pays pour constituer un groupe fidèle de chercheurs issu des comparatistes de diverses régions du monde. (…) Et si l’on tient compte que le point de départ, c’était un pays comme l’Espagne auquel nul ne s’était intéressé ni ne pouvait même classifier jusqu’au milieu des années 70, ce succès est d’autant plus remarquable » [4]. Il ne s’agit pas seulement du fait que Juan ait publié des travaux décisifs sur l’histoire sociale, la restauration, la seconde république, le régime franquiste, les élites entrepreneuriales, intellectuelles et politiques, la transition démocratique, l’Église, les partis politiques, les nationalismes espagnols ou le problème basque, mais aussi du fait que la situation espagnole ait pu lui servir de point de départ et d’incitation pour formuler ses questionnements ainsi que pour apporter des réponses valables à une constellation beaucoup plus complexe de situations comparées.

Fascisme et dictatures

10Considérons ensuite ces grands blocs thématiques. Le premier engrange une large part de la passion de chercheur de Juan, consacrée à éclairer les facteurs politiques qui ont conduit aux catastrophes politiques des années trente. Son interrogation au départ consistait à savoir pour quelles raisons certaines démocraties dans l’entre deux guerres se sont disloquées tandis que d’autres, confrontées à des problèmes plus aigus ou des conflits plus importants, ont réussi à survivre. Il voulait également contribuer à éviter la répétition de tels événements en étudiant une large part des problèmes auxquels sont confrontées les démocraties actuelles. Son analyse au départ s’appuyait sur la contingence des processus historiques, l’autonomie du politique par rapport aux systèmes économiques ou culturels, l’absence de tout type de déterminisme.

11Les volumes 1 et 3 montrent les préoccupations de Juan pour l’analyse des partis ou mouvements fascistes, d’un côté, et pour les systèmes totalitaires et les régimes autoritaires, de l’autre. Ce sont des thèmes sur lesquels il a travaillé de façon quasi ininterrompue au cours de ces soixante dernières années dans un effort colossal pour comprendre la variété des partis et des régimes non-démocratiques. Ainsi le premier volume adopte à la fois une perspective historique et comparatiste pour analyser les caractéristiques des partis fascistes dans l’Europe de l’entre-deux-guerres, les conditions de leur succès ou de leur échec, leur héritage et, plus particulièrement, les vicissitudes de la Phalange et du Movimiento dans l’Espagne franquiste. Concernant tous ces cas, Juan, qui a écrit ses travaux dans un contexte intellectuel dominé par les déterminismes d’un certain marxisme primaire, parvient à démontrer l’autonomie du politique, ancrée dans des processus dominés par des acteurs politiques ayant la capacité de prendre des décisions importantes, au regard des contextes conditionnés par les caractéristiques sociales ou économiques entourant la naissance des partis fascistes.

12Concernant le troisième volume, il renferme à la fois des travaux considérables sur les systèmes totalitaires et les régimes autoritaires, deux types différents qu’on avait jusqu’alors l’habitude de réunir sous l’étiquette commune de dictatures, mais aussi sa théorisation personnelle du concept de « sultanisme » qui définit un nouveau type de régime apparu dans des pays soumis à une espèce particulière de dictateurs. Il opère des approches comparatives historiques, sociologiques et politistes grâce à la connaissance exhaustive de dizaines de cas abordés dans son analyse. Ceux de l’Allemagne et l’Espagne ont contribué aux résultats de sa recherche de façon vivante mais aussi conceptuelle. Par rapport au processus de Gleichschaltung, par lequel s’est instauré en Allemagne un système de contrôle absolu sur tous les groupes et organisations allant jusqu’à les soumettre à l’État totalitaire, les perceptions de Linz adolescent dans l’Espagne en 1939 quant aux différences entre phalangistes, catholiques, carlistes, militaires et monarchistes l’ont conduit à concevoir le franquisme comme un régime autoritaire, différent du régime totalitaire et naturellement du régime démocratique. À la différence du régime totalitaire, c’était une dictature avec un certain niveau de pluralisme politique, dépourvue d’une idéologie mobilisatrice, avec une apathie générale et un leader qui exerçait son pouvoir avec quelques restrictions sur les familias du régime.

13Cette catégorisation était audacieuse étant donné que les critères avancés pour sa mise en œuvre ne coïncidaient pas avec ceux habituels dans l’Espagne des années 60 aussi bien dans les cercles officiels que surtout au sein de l’opposition. Les critiques remirent en cause la catégorie elle-même du franquisme en tant que régime autoritaire, estimant par là même qu’elle offrait une image quelque peu déformée, si ce n’est adoucie, du franquisme. Le débat s’est prolongé durant ces quarante dernières années, auquel ont participé politologues, sociologues et historiens. En fin de compte, le qualificatif autoritaire semble désormais bénéficier d’une acceptation générale bien qu’on ait assisté à de nouvelles discussions sur le sens qu’il revêt, discussions auxquelles Linz lui-même en personne a participé.

14N’ont pas manqué non plus les attaques personnelles grossières et parfois de mauvaise foi qui ramenaient ces analyses à n’être qu’une justification plutôt réussie de la dictature franquiste, dans la mesure où elles étaient parvenues à en élaguer des aspects prétendument totalitaires et invariants. En tout cas, les contributions de Juan se sont enracinées dans un édifice théorique complexe, agrémenté en plus d’observations empiriques extraordinairement raffinées sur des dizaines de régimes autoritaires, un édifice qu’il a continué de réviser jusqu’à avant-hier et qui désormais jouit d’une validité incontestable dans la science politique contemporaine.

15S’il fallait sélectionner dans ces volumes quelques travaux essentiels sur ces thèmes, on retiendrait dans le premier ceux ayant trait à l’analyse comparée des partis fascistes, en particulier de leurs leaders, leurs adhérents et leurs bases électorales [5] ; l’examen exhaustif des conditions qui ont généré le succès ou l’échec des partis fascistes en tant que latecomers dans le scénario européen de l’entre guerres [6] et l’application des catégories établies pour ces partis au cas de la Phalange durant le régime franquiste, convertie en un parti unique particulier, devenant un mouvement-organisation toujours plus négligeable [7].

16Du volume 3, on retiendra les quelques deux cents pages de son chapitre désormais classique sur les régimes totalitaires et autoritaires, en raison de sa contribution décisive à notre compréhension de leurs caractères communs ou différents, [8] l’étude déjà évoquée sur le franquisme en tant que régime autoritaire, véritable œuvre pionnière, parue en 1964 [9], et l’ouvrage sur les régimes sultaniques écrit avec son disciple Houchang E. Chehabi, en raison de son originalité [10].

Faillites et transitions démocratiques

17La préoccupation de Juan par l’échec quasi simultané de la République de Weimar et de la République espagnole l’a conduit à se lancer, en compagnie d’Alfred Stepan, son disciple, collaborateur et ami, dans l’édification d’un second grand bloc thématique au sujet des faillites et des transitions démocratiques : ces apports nouveaux marquent également un avant et un après dans les études politiques contemporaines.

18Elles sont éditées pour la première fois dans l’ouvrage intitulé The Breakdown of Democratic Regimes[11], un livre extraordinaire qui à partir de 1978 a contribué à changer la compréhension des processus de crises, faillites ou breakdowns des démocraties qui se terminèrent par l’établissement de régimes autoritaires. Leur intention a été d’insister sur l’importance des facteurs spécifiquement politiques à l’encontre des thèses jusqu’alors défendues par beaucoup de sociologues et certains économistes qui contestaient, de façon implicite ou explicite, l’autonomie des acteurs politiques et évaluaient à partir de facteurs exclusivement sociaux ou économiques les crises des démocraties. Pour ce faire Juan et Stepan ont appliqué, de manière novatrice, des concepts tels que la légitimité, la déloyauté ou le rééquilibrage, en décortiquant aussi les activités des hommes politiques, les stratégies de leurs partis, les péripéties des gouvernements ou les contributions de leurs politiques publiques, en prenant comme champ d’analyse cinq démocraties européennes et sept d’Amérique latine.

19Le chapitre consacré par Juan lui-même à l’échec de la Seconde république espagnole représente tout simplement, selon moi, un modèle et entre beaucoup d’autres qualités, il a le mérite de mettre en évidence les effets dé légitimateurs des politiciens et de leurs décisions, ainsi que le fonctionnement défectueux de nombreuses institutions républicaines qui pourraient avoir rétabli des processus centrifuges et polarisateurs : autant d’éléments qui jusqu’alors, les uns comme les autres, étaient demeurés inaperçus dans la très abondante littérature concernant ces années là [12].

20Après les analyses sur les raisons de l’échec des démocraties, Juan a eu la chance de pouvoir contribuer, et à nouveau en le faisant avec des travaux remarquablement utiles, à l’analyse de comment naissent ou renaissent les régimes démocratiques. Lorsque le livre sur la chute des démocraties était en cours d’achèvement, eurent lieu au même moment différents événements : les généraux grecs se débarrassaient de leurs colonels, le Portugal entamait sa Révolution d’avril et l’Espagne connaissait enfin une longue et incertaine période de mutations politiques après la mort du Général Franco. Pour Juan, et ensuite également pour Stepan, les transitions démocratiques de la troisième vague en Europe du Sud, et ensuite en Amérique latine et en Europe de l’Est, ont été observées avec une passion, une illusion et un intérêt extraordinaires. Entre l’automne 1976 et le début de l’année 1978, Juan a assisté depuis Madrid à tout un chacun des événements de la transition espagnole. Et ils ne furent pas rares : à savoir l’adoption de la Loi pour la Réforme politique, les congrès fondateurs des partis et syndicats, les premières grandes démonstrations de masse, les premières élections démocratiques depuis presque quarante ans, les interviews de nombreux membres de la nouvelle élite politique et la participation à d’innombrables conférences, séminaires et débats. En tant que production de quasiment vingt ans de travail ininterrompu, tous deux ont laissé de nombreux articles, et surtout un autre ouvrage monumental sur les problèmes traversés par la transition politique et la consolidation démocratique qui, à nouveau, a représenté un jalon sans pareil dans le riche domaine de la transitología. [13] Paru en 1996, l’ouvrage renferme un dialogue permanent entre les hypothèses théoriques et les cas empiriques, en un exercice exemplaire d’interaction entre les définitions, les concepts et les théories de moyenne gamme qui jusqu’alors passèrent également inaperçues. De plus, le livre opère une analyse comparée exhaustive de trois pays d’Europe du Sud, quatre en Amérique latine et six de l’Europe postcommuniste [14].

Les démocraties

21Un quatrième bloc est consacré aux systèmes démocratiques, principalement celui des démocraties occidentales. Son principal leitmotiv insiste avec force sur le fait que les démocraties sont des dispositifs institutionnels bien plus fragiles que ce que les citoyens, leaders politiques et politologues ont l’habitude de croire. Partant de là, Juan a tendance à soulever leurs difficultés qui se transforment souvent en dilemmes insolubles : habituellement ni les unes, ni les autres ne sont analysés dans les manuels en cours. Comme résultat de ses préoccupations, dans le volume 4 des Obras Escogidas ont été rassemblés également des travaux sur les difficultés de leadership que Juan qualifie comme innovador dans les démocraties contemporaines [15] ; l’impossible compatibilité entre les exigences des dirigeants de partis et la logique oligarchique des organisations politiques suivant le ligne inaugurée par l’œuvre de Robert Michels sur les partis [16] ; les multiples dimensions de la gestion du temps démocratique dans les sphères des gouvernements et des citoyens eux-mêmes [17], les paradoxes que supportent les partis dans toute démocratie entre leur nécessité irremplaçable et les appréciations de plus en plus négatives des électeurs [18].

22Dans le même ordre d’idées, on se doit d’attirer également l’attention sur le débat installé par Juan en personne à propos des régimes présidentialistes par opposition aux systèmes parlementaristes. À la base de son interrogation, il y avait le fait de se demander dans quelle mesure la constante instabilité politique de l’Amérique latine était ou non corrélée aux institutions propres au présidentialisme. À nouveau, ce qu’il amorce alors par une série de réflexions analytiques comparatistes sur les défaillances structurelles propres aux systèmes présidentialistes (à savoir leur rigidité politique ou bien le fait qu’elles poussent présidents et parlements à s’affronter en raison de leurs légitimités respectives au regard de leurs résultats électoraux) va se conclure en donnant lieu à de nombreuses publications et, en 1994, à la publication d’un ouvrage fameux sur les problèmes des démocraties présidentielles, coécrit avec son disciple Arturo Valenzuela. [19] Il s’agit qui plus est d’un ouvrage qui a eu une influence considérable dans le milieu académique mais également dans les cercles politiques d’Amérique latine. Avec vivacité mais aussi passion, partisans et critiques de Juan ont débattu lors de congrès et séminaires, ont rivalisé à travers tout type de publications, allant même en de nombreuses occasions à en appeler à son autorité pour apporter sur l’arène politique des propositions de réforme institutionnelle susceptibles de remédier à certains des problèmes caractéristiques des systèmes présidentialistes, voire même en tentant d’importer certaines institutions ou mécanismes des régimes parlementaires, principalement au Brésil, en Bolivie, Équateur et Argentine.

23Plus récemment, Juan a étayé son analyse sur les difficultés de la démocratie dans un travail qu’il qualifie lui-même mi-désabusé, mi-réaliste, au travers duquel il questionne l’idéologie pan-démocratique accordant en toute occasion sa confiance à la démocratisation de la société, il avertit du grave déséquilibre des institutions destinées à encadrer la performance, la responsabilité et la reddition des comptes des leaders politiques et il fait montre de sa préoccupation quant aux antagonismes croissants surgis au sein des démocraties multiethniques [20]. Cette dernière dimension trouve ses antécédents intellectuels dans le volume 3 des Obras Escogidas qui constitue un cinquième bloc thématique, consacré aux problèmes de la construction de l’État et de la nation dans certains pays européens, aux conflits politiques dans des sociétés plurilinguistiques et multiethniques comme la société espagnole, aux principaux facteurs du conflit politique au Pays basque et à la délicate coexistence de la démocratie et du fédéralisme dans les sociétés multiethniques. Il faut compter également avec ses travaux sur les nationalismes qui ont consacré la différence entre nation-state et state-nation, distingué les processus de state-building et ceux de nation-building, réorienté les analyses empiriques sur les nationalismes de type primordialiste et ceux de type universel et constaté la répétition inquiétante des entreprises déloyales dans beaucoup de partis nationalistes [21].Dans un essai publié la première fois en 1970, Juan décrivait la situation espagnole en des termes qui ont été repris en de nombreuses occasions : « L’Espagne est à l’heure actuelle un État pour tous les espagnols, un État-nation pour une grande partie de sa population et seulement un État mais non une nation pour d’importantes minorités » [22]. Après la transition démocratique, Juan a consacré de nombreux travaux en examinant, à l’aide d’indicateurs empiriques novateurs contenus dans les sondages de DATA, les résultats et les problèmes du nouvel État des autonomies, principalement au Pays basque [23]. Pour lui il s’agissait ici en réalité d’un État multinational et plurilinguistique, constitué de facto comme un État fédéral et asymétrique, beaucoup plus complexe que la situation d’autres pays aux dispositifs nationaux, culturels et linguistiques également délicats comme la Suisse ou la Belgique. Au travers de ces analyses il convient d’insister sur ses trouvailles sur les identités nationales duales. À l’encontre des opinions des nationalistes périphériques concevant l’identité nationale de façon dichotomique et exclusive: en Espagne, ou bien l’on est soit catalan, soit basque, soit galicien d’un côté, ou bien espagnol de l’autre, Juan a constaté chez beaucoup de ressortissants d’États multinationaux la présence d’identités partagées ou duales : on peut être aussi bien catalan, basque, galicien qu’espagnol. La coexistence de ces identités duales avec d’autres exclusives a constitué aux yeux de Juan l’un des facteurs expliquant le succès de la délicate expérience de l’État autonomique espagnol, dont ce dernier pouvait, en dépit des problèmes rencontrés par lui, se sentir raisonnablement satisfait. [24] Ces dernières années, cependant, il fut conduit à modifier son jugement à mesure que les partis nationalistes faisaient de plus en plus preuve d’une stratégie centrifuge, à partir de thèmes autonomiques et, en conséquence, d’une loyauté mitigée, sinon de déloyauté complète à l’encontre de l’État, du Gouvernement central et des partis partenaires, notamment au moment de prendre des décisions, presque toujours unilatérales. Cette attitude, plus ou moins tranchée, apparaissait dès lors incompatible avec le principe de Bundestreue, c’est-à-dire une loyauté vis-à-vis de la Constitution fédérale, agissant comme une sorte d’alma dans les relations intergouvernementales et sans laquelle le fédéralisme, dans un État multinational ne peut tout simplement pas fonctionner [25].

Des entrepreneurs et des élites politiques

24L’étude des élites sociales et politiques constitue le sixième ensemble thématique dans la recherche de Juan. Conçu à partir de deux orientations différentes, l’ensemble représente deux des volumes des Obras escogidas. Pour l’élaboration du cinquième volume, on a veillé essentiellement à regrouper 18 travaux, dont un livre, traitant des entrepreneurs espagnols aux début des années 60 du siècle passé [26].

25Écrits avec Amando de Miguel, il s’agit d’articles publiés dans diverses revues espagnoles entre 1963 et 1966, en majeure partie rédigés durant le séjour de Juan, ayant pu compté sur la collaboration d’Amando, au Center for Advanced Study in the Behavioral Sciences à Palo Alto (Califormie) au cours des années 1963-1964 ; la monographie quant à elle a été publiée en 1966 et bénéficia d’une diffusion importante [27]. L’ensemble de ces travaux reposait de manière systématique sur une enquête novatrice, réalisée au moyen d’un large questionnaire et à partir d’un échantillon de 600 entrepreneurs, entreprise juste après le Plan de Stabilisation Économique de 1959. Les analyses opérées par Juan et Amando portaient sur des thèmes tels que l’origine sociale des entrepreneurs, leurs niveaux de prestige, leurs trajectoires professionnelles et la structure de leurs entreprises, leurs rapports avec le pouvoir politique, leurs stratégies face aux problèmes rencontrés et à la représentation syndicale ou bien leurs positionnements par rapport au Marché Commun et à la banque. Le portait détaillé qui résulte de cela puise son origine aussi bien dans la coopération de Juan en tant qu’assistant de recherche de Reinhard Bendix au cours de son séjour à l’Université de Columbia [28], qui l’a incité à travailler sur les entrepreneurs dans l’Empire allemand, que dans son admiration pour les apports de Joseph A. Schumpeter sur l’entrepreneurship[29]. Ce tableau est de nos jours indispensable pour connaître l’histoire économique d’une période cruciale, juste après la stabilisation économique et immédiatement avant les importantes mutations qui entrainèrent le développement économique des années 60.

26En outre, et en raison de leurs corrélations aux questions économiques, toujours dans ce même volume on rassemble deux autres chapitres importants. Le premier d’entre eux mène à bien une analyse comparée de la légitimité et de l’efficacité des systèmes politique et économique jusqu’aux années 80 et ce à partir de diverses enquêtes sur la base d’échantillons représentatifs de la population espagnole [30]. Le second renferme un important manuscrit jusqu’alors inédit sur les attitudes et mentalités économiques des espagnols, les opinions qui prédominent chez eux quant au capitalisme et au socialisme, leurs conceptions des modes de propriété, de la justice ou de l’injustice du système économique, du rôle de l’État et des syndicats et patrons devant les politiques économiques [31]. Au long de ce chapitre s’exprime à plusieurs reprises l’anticapitalisme tenace des espagnols dont la permanence au milieu de la récession actuelle serait extrêmement intéressante à réexaminer.

27Par ailleurs, le sixième volume se penche sur les élites politiques, et plus généralement, les partis, les systèmes partisans et les élections au cours de différentes périodes de l’histoire espagnole [32]. Les élites politiques, à savoir les députés et les dirigeants des partis dans les Cortes de la Restauration monarchique, à l’Assemblée Nationale lors de la dictature de Miguel Primo de Rivera, aux Cortes de la Seconde République et de la dictature franquiste et aux Congrès des Députés de la nouvelle démocratie ainsi que les sénateurs élus lors de la création du Sénat en 1977 ; également tous les ministres en exercice depuis le Sexennat Révolutionnaire, apparu en 1868, jusqu’à nos jours et enfin les maires franquistes au cours des années 60 du siècle passé. Ces chapitres, écrits en grande partie avec Jesús de Miguel et Miguel Jerez et ses collaborateurs [33], apportent un éclairage exceptionnel des caractéristiques sociales, professionnelles, partisanes et politiques des responsables publics au cours de ces cent cinquante dernières années de vie politique espagnole agitée où se sont, tour à tour, succédé trois Rois, deux républiques, deux dictatures et une guerre civile avant que ne s’instaure l’actuelle phase démocratique de la Monarchie parlementaire, également la plus pérenne. Ce tableau a été dressé grâce à l’association d’une exploitation systématique de bases de données, obtenues tout le long de nombreuses années, avec une analyse magistrale du contexte politique et partisan dans lequel ces élites politiques manœuvraient. De plus, ce sixième volume renferme des chapitres non moins remarquables sur les processus électoraux de la plus grande importance comme les dernières élections de la Seconde République en 1936 ou bien encore les premières élections lors de l’instauration en 1977 de la nouvelle démocratie [34]. Sont également essentiels les trois chapitres consacrés aux partis et aux systèmes partisans sous la Restauration et sous la République [35], aux prodromes de la transition démocratique [36] et au déroulement de deux décennies suivantes [37], ce dernier coécrit avec l’auteur de ces lignes ; grâce à une large utilisation des enquêtes réalisées par DATA, l’entreprise méritoire que Juan a présidé, on a pu étudier à travers elles les diverses caractéristiques de nombreux partis actifs au cours de ces périodes, les aspects de leur compétition et les conséquences que ceci ou cela a pu avoir sur la stabilité des gouvernements ou le fonctionnement de leurs systèmes politiques respectifs.

28Enfin, le septième volume réunit des travaux aux thématiques diverses bien que prédominent celles au contenu historique et sociologique [38]. Mais la tonalité quelque peu résiduelle de ce dernier volume ne signifie pas pour autant que la qualité de ses chapitres soit moindre. On signalera par exemple deux apports fondamentaux pour la connaissance du rôle des intellectuels espagnols aux xvie et xviie siècles, et pour l’analyse de la littérature quantitative et comparée sur l’histoire de l’Espagne des cinq derniers siècles [39]. Beaucoup d’autres apports encore à souligner, notamment ceux cherchant à apporter une réponse à certains problèmes espagnols sur l’importance desquels il existe un large consensus. À savoir : le poids pesant de la tradition et la faiblesse de notre modernisation face à toutes les opportunités historiques apparues tout au long des siècles derniers [40], la délicate et parfois impossible coexistence entre la religion et la politique [41], l’hétérogénéité intérieure de l’Espagne au point d’y distinguer nettement jusqu’à « ocho Españas » [42], les conséquences tant de fois difficiles à admettre du gigantesque changement social vécu par les espagnols au cours des soixante dernières années [43], ou bien encore les difficultés institutionnelles et culturelles pour instaurer le moindre tissu associatif ou établir des politiques de défense des intérêts sociaux qui ne seraient plus entravées par la manipulation des dirigeants des partis [44]. Ce septième volume et les Obras Escogidas également se terminent avec un épilogue qui contient deux études sur Linz, l’une rédigée par Juan en personne [45] et l’autre sous forme d’un interview remarquablement mené par Richard Snyder [46], toutes deux complètent à la perfection le portait personnel et intellectuel que les éditeurs de ces sept volumes ont rédigé en introduction du premier d’entre eux [47].

En guise de conclusion

29Les Obras Escogidas constituent une excellente preuve de la qualité éditoriale d’un organisme public tel que le Centro de Estudios Políticos y Constitucionales, dont nous pouvons être fiers. Mais également et plus encore, une écrasante démonstration de l’immense capacité de travail de Juan qui a contribué à en faire une référence universelle dans la science sociale comparatiste, allant de pair avec son attention toute particulière au cas espagnol. La diversité et la qualité des travaux de Juan s’avèrent franchement étonnantes. Il n’est pas aisé d’expliquer comment une seule personne a pu traiter autant de thèmes et le faire qui plus est à un tel niveau d’excellence.

30Nous disposons de certaines pistes pour comprendre la trajectoire intellectuelle de Juan [48]. Je désirerais maintenant m’attacher uniquement à son profil académique qui toujours s’est opposé à la spécialisation professionnelle dans un seul champ de recherche. Aussi bien à l’Université de Columbia qu’à celle de Yale, son parcours académique a été orienté par sa double qualité de sociologue et de politologue : il est parvenu à rester toujours fidèle à ces deux spécialités quand il s’agissait pour lui d’aborder ses questionnements de recherche ou procéder à ses analyses comparées. Et si dans son activité il ne fallait retenir qu’un nom, celui-ci serait sans nul doute celui de Max Weber. Juan était un wébérien intégral : Weber était pour lui une sorte d’étoile polaire, une source permanente d’inspiration, d’idées et de concepts [49]. Et comme Weber, il transgressait avec autant de facilité que de maestria les frontières disciplinaires [50]. Son admiration pour Vilfredo Pareto vient seulement après, ainsi que son amour de l’histoire qu’il considérait comme maîtresse de vie avec tellement de conviction qu’elle a occupé une place privilégiée dans ses recherches, quand il s’est agi de démontrer l’historicité évidente des phénomènes politiques, voire même d’exprimer en de nombreuses occasions, à l’instar de Joseph Schumpeter également admiré par lui, son attrait pour la profession d’historien de la société qu’il ne fut pas. [51] Il s’agit enfin d’un wébérien particulièrement modéré quand il s’agit pour lui d’expliciter ses tournures normatives qui ont toujours refusé la violence et éprouvé de la répugnance à l’égard des régimes dictatoriaux, leur préférant le système politique démocratique et plus précisément une démocratie reposant sur un consensus majoritaire plutôt que sur les pressions minoritaires de ceux qui prétendent être détenteurs de la vérité [52]. Comme l’a rappelé Lipset, Juan représentait la personnification véritable de l’universitaire : il était suivant son expression, un « scholar’s scholar » [53]. Et ainsi que Juan aimait à le répéter lui-même, la vision de l’intellectuel qui lui paraissait la plus séduisante, c’est celle de celui qui veut comprendre ce qui se passe et distinguer ainsi ce qui est possible de ce qui ne l’est pas, ce qui mène au désastre celui qui prétend avoir le meilleur pronostic. Selon lui « on dit souvent que la fonction de l’intellectuel est d’être critique. Je pense que oui, qu’il faut être critique mais pas seulement, il faut apporter également quelques concepts, si possible, constructifs. C’est-à-dire que la critique n’est pas en soi le meilleur mais que sa mission est de réfléchir sur les alternatives, introduire une plus grande rationalité dans les décisions et une plus grand conscience des problèmes, essayer d’expliquer au citoyen pour quelles raisons les choses sont différentes d’un pays à l’autre, non point parceque le pays serait particulièrement différent mais parce que les faits sociaux et politiques se déroulent dans un contexte historique différent » [54].

31Juan a été, en somme, une figure véritablement exceptionnelle. Il est devenu dans le milieu académique espagnol le plus international, le plus cité, le plus respecté et sans doute l’un des plus importants pour les sciences sociales du xxe siècle. Il a été également l’un des meilleurs et des plus grands gigantes dont les épaules ont eu le privilège de pouvoir nous élever pour voir beaucoup plus loin, pour utiliser l’heureuse métaphore attribuée à Bernard de Chartres au xiie siècle qui plaisait tant à Juan lui-même. Au moment de terminer cet article, permettez-moi d’exprimer le sentiment personnel qu’il nous manquera toujours énormément. Je crois que de semblables sentiments habitent les nombreux disciples espagnols qui ont effectué avec lui leurs thèses ou ont été ses coauteurs, les nombreux chercheurs qui ont trouvé dans ses orientations une nouvelle manière de faire de la science sociale, les nombreux collègues, enfin, qui personnellement, ou à travers leurs publications, ont bénéficié autant de ses immenses connaissances que de son extraordinaire humanité. Nous pourrons tous nous reconnaître dans cette sorte de colegio invisible que nous formons et qui a eu comme maître irremplaçable Juan, un espagnol désormais universel, un intellectuel exemplaire et une personne bonne dans tous les sens du terme.


Date de mise en ligne : 14/01/2015

https://doi.org/10.3917/psud.041.0133

Notes

  • [1]
    Montero J. R. & Miley T. J. (2008-2013), Juan J. Linz. Obras Escogidas, Madrid, Centro de Estudios Políticos y Constitucionales, sept volumes.
  • [2]
    Linz J. J. (1994), La sociología : hablando con Juan J. Linz, Madrid, Acento Editorial, p. 25.
  • [3]
    de Miguel A. (1993), « The Lynx and the Stork », in Gunther R. (ed.), Politics, Society, and Democracy: The Case of Spain, Boulder, Westview, p. 8.
  • [4]
    Schmitter Ph. (2003), « Una biografia intellettuale e di vita del “maestro-compositore” Juan J. Linz », Rivista Italiana di Scienza Politica, vol. 33, n° 3, p. 518.
  • [5]
    Dans « Notas para un estudio comparado del fascismo en perspectiva histórico-sociológica », chapitre 1 du volume 1 (Fascismo: perspectivas históricas y comparadas) de ses Obras Escogidas, Madrid, Centro de Estudios Políticos y Constitucionales, 2008.
  • [6]
    Dans « El espacio político y el fascismo como movimiento tardío: las condiciones que condujeron al éxito o al fracaso del fascismo como movimiento de masas en la Europa de entreguerras », chapitre 2 du volume 1.
  • [7]
    Dans « De la Falange al Movimiento-organización. El partido único español y el régimen de Franco, 1936-1968 », chapitre 5 du volume 1.
  • [8]
    Le chapitre est apparu sous le titre « Totalitarian and Authoritarian Regimes », in Greenstein F. I. & Polsby N. W. (eds.) (1975), Handbook of Political Science, vol. 3 : Macropolitical Theory, Reading, Addison-Wesley Press, pp. 175-411, et ensuite toujours en anglais (entre autres langues) en 2000, dans Totalitarian and Authoritarian Regimes, Boulder, Lynne Rienner Publishers. Dans les Obras Escogidas, il est intitulé « Regímenes totalitarios y autoritarios » dans le chapitre 3 du volume 3 consacré aux Sistemas totalitarios y regímenes autoritarios.
  • [9]
    Le chapitre a été publié sous le titre « An Authoritarian Regime : The Case of Spain », in Allardt E. & Littunen Y. (eds.) (1964), Cleavages, Ideologies and Party Systems : Contributions to Comparative Political Sociology, Helsinki, The Academic Bookstore, pp. 291-341 ; également réédité dans Allardt E. & Rokkan S. (eds.) (1970), Mass Politics. Studies in Political Sociology, New York, Free Press, pp. 251-283 et 374-381 ; et publié sous le titre « Una teoría desl régimen autoritario : el caso de España » dans le chapitre 2 du volume 3.
  • [10]
    Chehabi H. E. & Linz J. J. (eds.) (1998), Sultanistic Regimes, Baltimore, Johns Hopkins University Press ; dont on a sélectionné seulement deux chapitres, tous deux écrits par Chehabi et Juan et qui paraissent en tant que chapitres 10 et 11 dans le 3e volume.
  • [11]
    Le livre a été publié en 1978, ayant comme coauteurs Linz J. J. & Stepan A., The Breakdown of Democratic Regimes (Baltimore, Johns Hopkins University Press) ; Juan publia en 1987, en espagnol, sous forme de monographie le premier chapitre, La quiebra de las democracias (Madrid, Alianza Ediotorial), réédité, en 2009, en tant que chapitre 1 de ses Obras Escogidas, dans le vol. 4, Democracias : quiebras, transiciones y retos, Madrid, Centro de Estudios Políticos y Constitucionales.
  • [12]
    Dans « De grandes esperanzas a la Guerra Civil: la quiebra de la democracia en España », inséré dans le chapitre 2 du volume 4.
  • [13]
    Juan J. Linz & Alfred Stepan (1996), Problems of Democratic Transition and Consolidation. Southern Europe, South America, and Post-Communist Europe, Baltimore, Johns Hopkins University Press, dont certaines parties ont été rassemblées dans les chapitres 5 et 6 du 4e volume.
  • [14]
    À propos des contributions décisives de Juan sur la transition espagnole, on doit rappeler que durant ses séjours à Madrid, lui-même a enrichi systématiquement ce qui sera connu ultérieurement comme étant l’Archivo Linz, consistant en 76000 coupures de 112 publications espagnoles effectuées entre 1973 et 1983 ; celles-ci ont été numérisées et remarquablement codifiées par le personnel de la Bibliothèque de la Fondation Juan March. L’Archivo est à la disposition des chercheurs sur la page web (http://www.march.es/ceacs/proyectos/linz/) de l’Institut Carlos III-Juan March de Sciences Sociales.
  • [15]
    Cf. « El liderazgo innovador en la transición a la democracia y en una nueva democracia », chapitre 7 du 4e volume.
  • [16]
    Juan a porté une attention particulière sur ces problèmes à partir de son étude sur « Michels e il suo contributo alla sociologia politica », introduction au livre de Roberto Michels (1961 [1911]), La sociologia del partito politico nella democrazia moderna. Studio sulle tendenze oligarchiche degli aggregati politici, Bolonia, Il Mulino, pp. vii-cxix. Il l’a traduite en 1998, en espagnol, sous le titre Michels y su contribución a la sociología política (Mexico, Fondo de Cultura Económica) et il y a peu de temps cette version a été révisée et complétée avec sa parution en anglais « Robert Michels and His Contribution to Political Sociology in Historical and Comparative Perspective », in Linz J. J. (2006), Robert Michels, Political Sociology, and the Future of Democracy (New Brunswick, Transaction Publishers, pp. 1-80), un livre édité par Houchang E. Chehabi ; cette dernière version est celle que l’on a retenue pour le chapitre 12 du 4e volume des Obras Escogidas, consacré à « Robert Michels y su contribución a la sociología política ».
  • [17]
    Ces contributions novatrices de Juan constituent les chapitres 4 et 13 : « El factor tiempo en los cambios de régimen » et « Tiempo y democracia » du 4e volume.
  • [18]
    Cf. « Los partidos en la política democrática: problemas y paradojas », chapitre 1 du 4e volume.
  • [19]
    Juan J. Linz & Arturo Valenzuela (eds.) (1997), The Failure of Presidential Democracy (Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1994), traduit ensuite en espagnol sous le titre Las crisis del presidencialismo (Madrid, Alianza Editorial), 2 vol. ; la contribution de Juan, « Democracia presidencial o parlementaria: qué diferencia implica? » fait l’objet du chapitre 9 dans le 4e volume.
  • [20]
    Linz J. J. & Miley T. J. (2012), « Cautionary and Unorthodox Thoughts about Democracy Today », in Chalmers D. & Mainwaring S. (eds.), Problems Confronting Contemporary Democracies. Essays in Honor of Alfred Stepan, Bloomington, University of Notre Dame Press, pp. 227-251.
  • [21]
    Ces thèmes sont rassemblés dans le volume 2 de ses Obras escogidas, consacré à Nación, Estado y lengua (2008).
  • [22]
    Linz J. J., « Construcción temprana del Estado y nacionalismos periféricos tardíos frente al Estado: el caso de España », dans les Obras Escogidas, volumen 2, p. 65.
  • [23]
    Les chapitres 5 et 6 du volume 3 des Obras escogidas renferment deux passages essentiels de l’ouvrage désormais classique de Juan J. Linz, écrit avec Manuel Gómez-reino, Francisco Andrés Orizo & Darío Vila, Conflicto en Euskadi, Madrid, Espasa Calpe, 1986.
  • [24]
    À titre d’exemple, cf. « De la crisis de un Estado unitario al Estado de las autonomías », chapitre 4 du 3e volumen ainsi que le plus récent ouvrage de Linz J. J., Stepan A. & Yadav Y., Crafting State-Nations : India and the Other Multinational Democracies, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 2011.
  • [25]
    Juan J. Linz & Jeffrey Miley (2012), « Cautionary and Unorthodox Thoughts about Democracy Today », op. cit., pp. 234 & 251.
  • [26]
    Economía y empresarios en España, volume 5 des Obras escogidas (Madrid, Centro de Estudios Políticos y Constitucionales, 2013).
  • [27]
    Cet ouvrage de Linz J. J. & de Miguel A. (1965), Los empresarios anter el poder público. El liderazgo y los grupos de intereses en el empresariado español, Madrid, Instituto de Estudios Políticos, fait l’objet du chapitre 14 du 5e volume.
  • [28]
    Bendix R. (2001 [1956]), Work and Authority. Managerial Ideologies in the Course of Industrialization. With a New Introduction by Mauro F. Guillén, New Brunswick, Transaction Publishers. Un ouvrage classique de Sociologie de l’économie et des relations sociales dans lequel il comparait le travail et l’autorité en Angleterre, Allemagne et Russie.
  • [29]
    Schumpeter a transmis à Juan son intérêt pour le concept d’entreprise et a inspiré une bonne partie de ses recherches à ce sujet grâce, entre autres publications, à la revue qu’il anima, le Journal of Entrepreneurial History et à son ouvrage Capitalism, Socialism, and Democracy (New York, Harper & Barothers, 1950 [1943]). Le livre The Economics and Sociology of Capitalism, édité par Richard Swedberg (Princeton, Princeton University Press, 1951), renferme une introduction biographique et commentée des différents écrits de Schumpeter et une bibliographie de son œuvre. Parmi les travaux retenus dans l’anthologie on trouve « Comment on a Plan for the Study of Entrepreneurship », pp. 406-428.
  • [30]
    Cf. « Legitimidad de la democracia y el sistema socioeconomico », chapitre 1 du 5e volume des Obras escogidas.
  • [31]
    Cf. le chapitre 3 du 5e volume : « La mentalidad económica de los españoles ».
  • [32]
    Partidos y elites políticas en España, volume 6 des Obras Escogidas (2013).
  • [33]
    Juan est l’auteur des chapitres 2, 13 et 17, traitant de l’Assemblée sous Primo de Rivera, de la rupture entre les élites de la Restauration et celles du franquisme et des maires franquistes ; Jesús de Miguel est le coauteur des chapitres 3 et 5 consacrés aux élections de 1936 et aux Cortes franquistes, et Miguel Jerez, José Real et Susana Corzo ont également participé à des titres divers à la rédaction aux côtés de Juan des chapitres 1, 14, 15 et 16 évoquant les députés et les ministres depuis la Restauration et les sénateurs depuis 1977.
  • [34]
    Concernant ces questions, on se doit de signaler l’annexe qui termine ce 6e volume intitulé « Elecciones y política en España », écrit avec José Ramón Montero et Antonía María Ruiz, article originellement publié en tant que chapitre 14 du 3° volume des Estadísticas históricas de España. Siglos XIX y XX (Madrid, Fundación BBVA, 2e édition révisée et complétée), éditée par Albert Carreras et Xavier Tafunell, pp. 1027-1154.
  • [35]
    Le chapitre 2 du 6e volume : « El sistema de partidos en España: de la restauración a la Guerra civil », a été publié en 1976 sous le titre El sistema de partidos en España (Madrid, Editorial Narcea) ainsi qu’en anglais dans une traduction non autorisée intitulée « The Parti System of Spain: Past and Future », insérée dans l’ouvrage dirigé par de Seymour M. Lipset & Stein Rokkan (1967), Party Systems and Voter Alignments: Cross-National Perspectives, New-York, Free Press, pp. 197-282.
  • [36]
    Le chapitre 9 du 6e volume « Partidos y sistemas de partidos en la transición a la democracia » est paru d’abord sous le titre « El sistema español de partidos » dans l’ouvrage de Juan J. Linz écrit avec Gómez-Reino M., Vila D. & Orizo F. A. (1981), Informe sociológico sobre el cambio político en España, 1975-1981, Madrid, Euroamérica, pp. 341-508 ; il s’agit du fameux, à juste titre, volumen 1 du IV Rapport FOESSA, parrainé par la Fundación Fomento de Estudios Sociales y Sociología Aplicada, FOESSA (Fondation pour la Promotion des Etudes Sociales et de Sociologie Appliquée), duquel ont été également retenus dans le 6e volume deux chapitres : l’un sur les élections de 1977 et le second sur l’héritage de Franco dans la nouvelle démocratie.
  • [37]
    Pour « Los sistemas de partidos en España en el último cuarto del siglo XX », 11e chapitre du volume 6, on a en partie fusionné deux études antérieures. La majeure partie du chapitre provient de l’ouvrage de Linz J. J. & Montero J. R. (1999), The Party Systems pf Spain : Old Cleavages and New Challenges, Madrid, Centro de Estudios Avanzados en Ciencias Sociales, Instituto Juan March, Estudio/Working Paper 138, et d’une version beaucoup plus brève d’une contribution de J. J. Linz & J. R. Montero, « The Party Systems of Spain: Old Cleavages and New Challenges », publiée dans l’ouvrage de Karvonen L. & Kuhnle S. (2001), Party Systems and Voter Alignments Revisited, London, Routledge, pp. 150-196.
  • [38]
    Historia y sociedad en España, volume 7 des Obras Escogidas (2013).
  • [39]
    Il s’agit des chapitres 1 (« Cinco siglos de historia española: cuantificación y comparación ») et 2 (« Papel de los intelectuales en la España de los siglos XVI y XVII ») du volume 7.
  • [40]
    « Tradición y modernidad en España », 3e chapitre du volume 7.
  • [41]
    Cf. dans le 7e volume, les chapitres 10, 11 et 12 intitulés respectivement : « Religiosidad y estructura social en Andalucía : la práctica religiosa » (écrit avec José Cazorla), « Religión y política en España » et « Religión y política en la transición democrática española: de conflicto a consenso por encima de las divisiones ».
  • [42]
    Cf. le chapitre 4, « Diferencias y comparaciones internacionales: las ocho Españas », écrit avec Amando de Miguel.
  • [43]
    Cf. les chapitres 8 et 9, intitulés respectivement : « La sociedad española: pasado, presente y futuro » et « Reflexiones sobre la sociedad española ».
  • [44]
    Cf. les chapitres 6 et 7, « La realidad asociativa de los españoles » et « Política e intereses a lo largo de un siglo en España, 1880-1980 ».
  • [45]
    Cf. le chapitre 15, Linz J. J., « Entre naciones y disciplinas: experiencia personal y comprensión intelectual de sociedades y regímenes políticos », paru au départ sous le titre « Between Nations and Disciplines: Personal Experience and Intellectual Understanding of Societies and Political Regimes », in Daalder H. (ed.) (1997), Comparative European Politics: The Story of a Profession (Londres, Pinter, pp. 101-114).
  • [46]
    Cf. le chapitre 16, Snyder R., « Juan Linz: regímenes políticos, democracia y la búsqueda del conocimiento », publié initialement sous le titre « Juan J. Linz: Political Regimes, Democracy, and the Quest for Knowledge » dans l’ouvrage dirigé par Munck G. L. & Snyder R., Passion, Craft, and Method in Comparative Politics, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 2007, pp. 150-209.
  • [47]
    Miley T. J. & Montero J. R., « Un retrato de Juan José Linz Storch de Gracia », in volume 1 des Obras Escogidas, pp. xxi-lxxiii.
  • [48]
    Il a abordé ces questions plus largement dans Montero J. R. (2014), « Juan Linz: les trabajos y los días de un maestro irrepetible », in Chehabi H. E. (ed.), Juan J. Linz: Scholar, Teacher, Friend, Cambridge MA, T? Aur Press, et surtout Miley T. J. & Montero J. R. (2008), « Un retrato de Juan José Linz Storch de Gracia », Juan J. Linz. Obras Escogidas, vol 1, op. cit.
  • [49]
    Linz J. J. (2013 [1997]), « Entre naciones y disciplinas », op. cit., p. 531.
  • [50]
    Lipset S. (1993), « Juan Linz: Student-Colleague-Friend », in Chehabi H. E. & Stepan A. (eds.), Politics, Society, and Democracy: Comparative Studies, Boulder, Colorado, Westview Press, p. 4.
  • [51]
    Linz J. J. (2013 [1997]), « Entre naciones y disciplinas », op. cit., p. 540.
  • [52]
    Snyder R. (2007), « Juan J. Linz », op. cit., pp. 584.
  • [53]
    Lipset S. (1993), « Juan Linz », p. 3.
  • [54]
    Javier Tusell (1987), « Entrevista con Juan J. Linz », Cuenta y Razón, n° 32, p. 105.

Domaines

Sciences Humaines et Sociales

Sciences, techniques et médecine

Droit et Administration

bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Retrouvez Cairn.info sur

Avec le soutien de

18.97.14.89

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions