Notes
-
[1]
André Maurois, Toujours l’inattendu arrive, Paris, 1943.
-
[2]
Danièle Laster, « Splendeurs et misères du théâtrophone », Romantisme, 1983, pp. 74-78.
-
[3]
Gaston Berger, Phénoménologie du temps et prospective, Paris, PUF, 1964.
-
[4]
Bertrand de Jouvenel, The Art of Conjecture, New York, 1967.
-
[5]
Jacques Lesourne, Les mille sentiers de l’avenir, Seghers, Paris, 1981.
-
[6]
Michel Godet, Manuel de prospective stratégique (2 tomes), Tome 1 « L’indiscipline intellectuelle », Tome 2 « L’art et la méthode », 3ème édition, Dunod, 2007.
-
[7]
Robert Nozick, The Nature of Rationality, 1993.
-
[8]
Jean-Pierre Dupuy, Pour un catastrophisme éclairé. Quand l’impossible est certain, Seuil, 2004.
-
[9]
Pour une introduction à la théorie des jeux, cf. Ivar Ekeland, La théorie des jeux et ses applications à l’économie mathématique, PUF, Collection SUP, Paris, 1974.
-
[10]
Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs, 1785, trad. Alain Renaut, Flammarion 1994.
-
[11]
Martin Luther, Œuvres, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1999.
-
[12]
Max Weber, L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, 1904, trad. Jacques Chavy, Plon, 1964.
-
[13]
Pierre Teilhard de Chardin, Le phénomène humain, Paris, 1955.
-
[14]
John Maynard Keynes, Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, Cambridge University Press, 1936, trad. Jean de Largentaye, Payot, Paris, 1942.
1Nous proposons dans cet article une brève réflexion épistémologique sur les fondements de la futurologie en tant que champ disciplinaire pertinent pour l’analyse stratégique, examinant les différentes attitudes possibles des scientifiques comme des décideurs, lorsqu’ils envisagent le futur comme un objet d’étude ou comme un terrain d’action. À cet égard, l’approche « pré-visionnaire » ou prospectiviste sera opposée à l’approche prévisionniste classique et, nous fondant sur la première, nous esquisserons à grands traits les visages alternatifs – désirable, neutre ou menaçant – que pourraient revêtir demain le monde numérique, et ce, très vraisemblablement, dès avant l’horizon symbolique de 2078 retenu pour ce numéro spécial de Prospective & Stratégie !
Futurologie : une brève rétrospective
2Dans l’Antiquité, la prévision ne constituait pas une discipline scientifique. Seuls les Dieux étaient censés connaître du futur et pouvaient être consultés par l’intermédiation d’oracles, telle la fameuse Pythie de Delphes. La prévision consistait alors en l’interprétation des paroles d’oracles, messages généralement ambigus, comme celui-ci, de Pythie à Crésus : « Si tu livres bataille, alors un grand empire sera détruit ! »… Dans cette prophétie apparemment limpide, un point critique demeurait cependant indéterminé : quel empire sera-t-il détruit ? Sur la foi d’une interprétation optimiste, Crésus attaqua Cyrus et ce n’est que dans l’après-coup, une fois défait, qu’il réalisa tout à la fois la justesse inopposable de l’oracle et sa propre erreur d’interprétation !
3Les progrès scientifiques ont ensuite progressivement conduit à la vision déterministe et linéaire d’un futur s’étendant dans la continuité d’un passé auquel le présent l’articule. En découle naturellement l’idée que l’examen des évènements passés peut aider à prédire ceux qui vont advenir. Un archétype de cette conceptualisation est fourni par le modèle de la mécanique classique, dans lequel l’évolution d’un système de corps matériels, soumis à la loi fondamentale de l’attraction universelle, est parfaitement prédictible : sous l’hypothèse que l’état de ce système, état défini comme l’ensemble des positions et des vitesses des différents corps composant le système, est entièrement connu à l’instant présent, alors tous les états futurs sont eux aussi exactement déterminés ; symétriquement, et comme dans un miroir où passé et futur sont images l’un de l’autre, tous les états passés du système peuvent être inférés à partir de son seul état présent.
4En suivant ce fil conducteur d’un futur « tiré » du passé, l’élaboration d’outils quantitatifs de plus en plus sophistiqués, recourant à l’analyse statistique des données, a permis aux prévisionnistes de construire des maquettes du futur de plus en plus réalistes et de les proposer à l’appréciation avisée des décideurs, comme des sortes d’oracles des temps modernes. Néanmoins, en dépit de la qualité sans cesse accrue des prévisions qu’ils délivrent, les instruments scientifiques d’exploration du futur se heurtent structurellement à deux écueils majeurs.
5En premier lieu, la fiabilité des modèles est fortement limitée par le fait que le passé et le présent, et non pas seulement le futur, sont très imparfaitement connus. En raison, d’une part de la très grande complexité des objets soumis à la prévision, singulièrement s’agissant des systèmes économiques et sociaux, d’autre part de la nécessaire imprécision et incomplétude des observations et des mesures pouvant être réalisées, le paradigme idéal de la mécanique classique devient, une fois projeté dans la réalité, une inatteignable épure. La connaissance de l’état présent est intrinsèquement entachée d’incertitude. Or, les algorithmes prédictifs se montrent extrêmement sensibles à de très petites fluctuations de leurs données d’entrée, si bien que les simulations sont sujettes à une instabilité chaotique, rendant la prévision très fragile au-delà d’un certain horizon temporel : à petites causes, grandes conséquences, tel est « l’effet papillon », par lequel un battement d’aile peut à retardement déclencher une tempête !
6En second lieu, par construction même, ne peuvent être prédits que des évènements appartenant à l’ensemble des issues considérées ex ante comme étant envisageables. Les issues « inattendues » échappent ainsi nécessairement au champ de la prévision. Par exemple, l’accident nucléaire de Fukushima, survenu en mars 2011, ne pouvait pas être conçu à partir de l’ensemble des données prises en compte, puisque cet ensemble excluait précisément la possibilité de l’accumulation des facteurs exceptionnels, séisme et raz de marée d’amplitudes sans précédent, qui, simultanément présents, ont en définitive provoqué la catastrophe.
7Les évènements dramatiques tels que des catastrophes naturelles ou industrielles, sont loin d’être les seuls à passer à travers les mailles du filet de la prévision. Beaucoup d’évènements quotidiens de la vie économique et sociale sont également inattendus, ainsi que l’exprime excellemment ce titre d’une nouvelle d’André Maurois [1] : « Toujours, l’inattendu arrive ».
8Par exemple, les usages effectifs du téléphone ou du Minitel ont mal été anticipés en France au moment de l’apparition de ces nouveaux appareils, et ils ont même été incorrectement prévus : à la fin du XIXème siècle à Paris, on imaginait que le principal usage téléphonique serait le « théâtrophone » [2], retransmission sonore des représentations d’opéra dans les appartements huppés de la capitale ; les conversations entre particuliers ne figuraient pas parmi les possibles applications prometteuses du téléphone ! Similairement, l’explosion des messageries roses sur le Minitel n’avait nullement été prévue, tandis qu’une hypothétique substitution de masse au courrier était privilégiée, parmi les scénarios jugés comme les plus vraisemblables !
9Dans le registre de l’imprévision, l’internet détient sans conteste le titre de champion du monde des technologies imprédictibles. Quelle illustration plus frappante en donner que cette image percutante, attribuée à Vinton Cerf, l’un des pères d’internet ? « Imaginons une assiette de spaghettis, placée dans une machine à laver en marche, elle-même plongée dans une bétonnière en rotation, le tout suspendu à un pont de lianes dans la jungle, pendant un tremblement de terre. Sauriez-vous prévoir la trajectoire du ketchup ? ».
10À l’ère numérique, dans un univers où règne une innovation permanente, l’imprédictibilité, loin de constituer une connaissance incomplète à combler, voire un défaut à corriger, est devenue une caractéristique majeure, à la fois endogène au fonctionnement du système et créatrice de valeur… ce qui, par nature même, condamne la prévision classique à l’impuissance.
Comment tirer parti de l’imprédictibilité : Big data et prospective
11« L’effet ketchup » de Vinton Cerf contraint aujourd’hui les futurologues à un changement radical de paradigme : si je ne sais pas « découvrir » le futur, ne ferais-je pas mieux de « l’inventer » ? Ainsi, pour la nouvelle analyse des données (data analytics), l’enjeu le plus important ne consiste pas à prédire l’avenir afin d’aider à prendre une décision présente, mais plutôt de façonner directement le futur à l’aide de cycles courts de programmation, sautant ainsi directement de la mesure à la décision. Dans ce processus chaîné, l’étape de la prévision proprement dite est omise : telle la gangue d’un minerai, cette dernière devient un produit dérivé, si ce n’est un rebut.
12Remarquons à ce propos qu’un même outil peut s’avérer très pertinent pour préparer des décisions localement bien adaptées et pourtant très impropre à fournir une prévision globale : s’agissant par exemple de la propagation d’une épidémie virale, les données massives extraites des réseaux sociaux en ligne sont d’une grande aide pour prendre en charge des patients en temps et en heure là où cela apparaît le plus nécessaire, mais elles ne permettent pas d’établir une prévision d’ensemble du processus de diffusion du virus, en raison d’un biais de significativité statistique. Les data scientists ne visent pas prioritairement une prédiction fiable, ils recherchent une action efficace, ainsi que le démontrent clairement le développement de la publicité et du marketing ciblés sur internet, ou encore l’émergence des services sur mesure dans les domaines de la banque, de l’assurance ou de la santé. La culture de management régnant au sein des GAFAS est également révélatrice de cette même posture : l’observation et la mesure des comportements, des utilisateurs comme des collaborateurs, sert de base à l’innovation de produit et aux stratégies commerciales : plus souvent que par disruption, le changement s’opère par petits pas incrémentaux, selon le principe du kaizen, mot japonais signifiant « amélioration continue ».
13Le principe qui anime la data science, consistant à agir directement sur le futur, plutôt que le scruter avant d’agir, n’est pas véritablement nouveau. Ainsi, pour conjurer la malédiction de l’imprédictibilité, une approche alternative à la prévision, appelée « prospective », s’est développée en France dès le lendemain de la seconde guerre mondiale, sous l’impulsion des travaux de Gaston Berger [3] et Bertrand de Jouvenel [4], notamment poursuivis et mis en forme par Jacques Lesourne [5] et Michel Godet [6]. Selon cette approche, le futur n’est plus considéré comme un objet d’investigation et de prédiction, mais comme un objet de désir et de volonté.
14Un futur désirable est identifié au sein d’une palette de scénarios envisageables, les futurs possibles ou « futuribles », et fixé comme le but devant être atteint à un certain horizon temporel. Puis, inversant la direction de la flèche du temps, un chemin arrière menant vers le présent depuis ce futur projeté est construit rétrospectivement, en s’attachant à répondre aux questions suivantes. Quels problèmes-clés devront-ils impérativement être résolus - et comment ? - à différents stades intermédiaires critiques, de façon à faire advenir comme futur réel le futur désirable plutôt que tout autre, une fois rétabli le sens naturel de l’écoulement du temps ? Inversement, quels obstacles menaçants devront-ils être impérativement contournés, afin d’éviter l’occurrence des scénarios indésirables ? Dans cette démarche de construction à rebours de l’avenir, plus indicative et qualitative que détaillée et quantitative, le prévisionniste s’est en quelque sorte mué en « pré-visionnaire ».
15Au contraire de la prévision, dont l’ambition est de fournir au décideur une représentation du futur qui repose sur une sorte de « neutralité scientifique » et qui se tient en position de réserve par rapport à l’action, la prospective constitue une discipline doublement engagée, à la fois proactive et réflexive : proactive, car elle est résolument et structurellement tournée vers l’action ; et réflexive, car le processus de prise de décision est intégré dans l’analyse elle-même, comme partie constituante d’une même boucle de pensée, liant la cognition à l’action. Cette boucle brise la séquence linéaire et causale conduisant de l’expertise à la décision, chaîne de transmission qui gouverne aussi bien le mécanisme prophétique des oracles que l’approche prévisionniste standard. C’est sans doute ce parti pris de casser les codes ancestraux de la futurologie qui conduit plaisamment Michel Godet à qualifier, en reprenant une expression de Pierre Massé, la prospective « d’indiscipline intellectuelle » !
16Les méthodes de la prospective participent ainsi exactement du même esprit que les techniques les plus récentes de l’analyse des données massives, même si les premières sont principalement qualitatives, tandis que les dernières recourent à des instruments quantitatifs très élaborés. Cet esprit commun est excellemment résumé par ces mots de Gaston Berger : « Demain ne sera pas comme hier. Il sera nouveau et dépendra de nous. Il est moins à découvrir qu’à inventer. »
La démarche prospective appliquée à la transition numérique
17Afin d’illustrer la méthodologie prospective, esquissons une application à l’analyse de la transition numérique. Projetons-nous à cet effet à un horizon suffisamment lointain, par exemple 2078, pour qu’abstraction puisse être faite des contingences du présent dans la conceptualisation des futuribles. Embrassant simultanément les considérations économiques, sociétales, politiques et éthiques, trois visages contrastés du futur nous apparaissent assez naturellement : un scénario « rose » et un scénario « noir », encadrant un scénario « gris ».
Scénario gris de continuité ou futur « neutre »
18Dans ce scénario incolore, le monde de demain ressemble globalement à celui d’aujourd’hui. Seuls ont évolué, mais de manière non disruptive, l’environnement technologique et les modalités de consommation. Les enjeux actuellement suscités par la transition numérique, qu’ils soient d’ordre économique, sociétal ou éthique, n’ont pas encore trouvé d’issues tranchées et donnent toujours lieu à conflits et controverses. Dans la plupart des secteurs de l’économie, les acteurs historiques se sont en partie restructurés pour résister à la montée en puissance des GAFAs, avec lesquelles ils négocient pied à pied un plus juste partage de la valeur. L’innovation dans l’intelligence artificielle, ainsi que dans les nano- et bio- technologies, est freinée, voire bloquée, par la crainte de conséquences potentiellement non maîtrisées, sans pourtant que s’engage un véritable débat citoyen.
Scénario rose de symbiose ou futur désirable
19Dans ce scénario souhaitable, les acteurs historiques de l’économie pré-numérique sont sortis de leur « bocal » et vivent en symbiose avec les espèces de « l’océan » numérique dans lequel ils sont désormais plongés. Les technologies de communication à très haut débit, fixe et mobile (fibre, nG), assurent un accès « neutre » à tous les contenus, services et applications, sur des territoires devenus « intelligents » (smart) : vu des utilisateurs, le tissu des offres numériques est devenu sans coutures. Et, du point de vue de l’organisation industrielle, notamment dans les domaines du transport, de l’énergie et de la communication, les acteurs issus du bocal et ceux venus de l’océan forment ensemble un écosystème vertueux, caractérisé par des accords gagnant-gagnant, s’agissant notamment du partage de la valeur issue de la data. Les humains ont su conserver le plein contrôle des assistants numériques et des robots, avec lesquels ils œuvrent à une croissance durable, fondée sur une répartition des tâches efficace et équitable entre l’homme et la machine.
Scénario noir de fracture ou futur catastrophe
20Dans ce scénario indésirable, le monde numérique est hostile et dangereux : un monde fissuré par des fractures technologique, sociale et générationnelle, un monde dans lequel les acteurs de l’économie pré-numérique ont échoué à s’adapter pour conserver leurs identités et leurs valeurs. Les GAFAs, leurs algorithmes et leurs robots ont balayé la scène et imposé leur décor, régnant en maîtres absolus sur la multi-fourniture en ligne de services de toute nature, dont la qualité n’est plus maîtrisée par les consommateurs. Une frange de la population, exclue de la fibre et des dernières générations mobiles nG, n’accède qu’à des services dégradés. La consommation est manipulée par des logiciels opaques qui ne servent que des intérêts privés et ignorent l’intérêt collectif. Les robots se montrent plus envahissants qu’ils ne s’avèrent utiles, on semble s’approcher du point de singularité prédit par le courant transhumaniste, où la machine aurait dénaturé l’humanité…
21Afin que le visage de l’avenir soit rose et symbiotique et non pas noir et fracturé ou gris et sans relief, quels traits du visage présent devront-ils être préservés ou accentués, lesquels devront-ils au contraire être estompés ou corrigés ? Là réside la seconde étape de la méthode prospective qui confronte, dans un mouvement de l’avant vers l’arrière, les spécificités d’un futur souhaité aux enjeux structurants du présent. Sans prétendre à l’exhaustivité, voici une liste comprenant une quinzaine de questions devant impérativement être résolues, comme autant de jalons à franchir sur la route du futur pour atteindre le désirable et parer l’indésirable :
- préserver un degré suffisant de neutralité d’internet, afin d’éviter une ingérence discriminatoire des opérateurs de réseaux à l’encontre des fournisseurs de contenus, services et applications ;
- assurer, au moyen d’une régulation souple mais efficace, la loyauté et la transparence des plateformes et des algorithmes à l’endroit de leurs utilisateurs, afin d’écarter manipulation et perte de contrôle ;
- garantir la sécurité des réseaux et la sûreté des logiciels, afin de limiter le risque et la portée d’attaques ou de bugs majeurs ;
- inciter l’ensemble des acteurs de la vie économique et sociale – et pas seulement les GAFAs – à une maîtrise responsable des données personnelles, afin de développer une « hygiène de vie numérique » ;
- veiller à ce qu’internet demeure un espace de liberté, de découverte et de « sérendipité » – la faculté de surfer à son gré et sans but prédéfini – et ne devienne pas un lieu d’enfermement dans des bulles autocentrées, préfiltrées par des algorithmes opaques (effet Big brother) ;
- maintenir un juste équilibre entre le développement de nouvelles relations en ligne, régies par le modèle de « l’intimité instrumentale » – je te fréquente par ce que tu m’es utile – et le maintien indispensable des liens ordinaires de sociabilité et de proximité ;
- faire collectivement d’internet une base de connaissance, un commons informationnel, plutôt qu’une poubelle emplie de contenus erronés ou frelatés (fake news) ;
- utiliser les outils numériques à des fins d’inclusion sociale et s’efforcer que leur déploiement ne crée pas durablement des fractures géographique, sociale ou générationnelle ;
- réduire les effets de dépendance collective ou individuelle à la technologie, en s’efforçant de modérer les comportements addictifs tels que la « nomophobie », incapacité à se séparer, ne serait-ce que pour quelques instants, de son téléphone mobile (no mobile phone phobia) ;
- veiller à ce que les bénéfices avérés de l’usage des technologies de l’information et de la communication ne se payent pas trop lourdement par une diminution de l’attention, un stress accru, voire une perte du sens ;
- faire de la transition numérique un moteur du développement durable, en contrôlant ses effets macroéconomiques sur la croissance et l’emploi, ainsi que ses effets environnementaux, notamment en termes de consommation énergétique et d’émission de gaz à effets de serre ;
- adapter les modèles d’affaire à la nouvelle donne de l’économie numérique, une économie du « coût marginal zéro » dans laquelle la valeur est désormais récoltée au niveau amont de l’accès aux services, plutôt qu’au niveau aval des unités consommées ;
- gérer la transition vers une économie collaborative et désintermédiée, marquée par « l’ubérisation » de nombreux marchés ;
- privilégier une régulation recourant au droit souple, plus incitative que coercitive, associant les acteurs régulés dans une démarche de corégulation, et favorisant une synergie transversale entre différentes autorités sectorielles.
- permettre, à travers le débat citoyen, l’acceptabilité sociale d’un développement technologique de plus en plus globalisé et rapide ;
- trouver un juste équilibre entre précaution et innovation, adopter un « principe d’innovation responsable » de préférence au principe de précaution, souvent abusivement invoqué à l’appui d’une sécurisation excessive.
Le paradoxe de Newcomb
22La différence entre la prévision classique et l’indiscipline prospective, que nous venons d’illustrer, ne réside pas uniquement dans le choix d’un parti pris méthodologique. Elle exprime plus profondément une divergence fondamentale d’attitudes face au futur, ainsi que l’illustre le paradoxe de Newcomb, une expérience de pensée due au physicien théoricien William Newcomb de l’université de Californie et qui fut pour la première fois analysée par le professeur de sociologie de l’université de Harvard, Robert Nozick [7], avant d’être popularisée en France par le philosophe Jean-Pierre Dupuy [8].
23Un devin, réputé infaillible, vous montre deux boîtes X et Y, et vous invite à prendre, soit la boîte X seule, soit les deux boîtes X et Y. La boîte Y est ouverte et contient un chèque bien visible de 1000 €. La boîte X est fermée et le devin vous prévient que, ou bien elle contient 1 000 000 € s’il a « vu » par avance que vous alliez prendre cette boîte seulement, ou bien rien du tout, s’il a vu que vous alliez prendre les deux boîtes. Le contenu de la boîte mystère X a été choisi par le devin avant votre arrivée et il ne peut plus désormais être changé. Alors que décidez-vous ? Une boîte ou deux boîtes ? Êtes-vous un « uni-buxiste » ou un « bi-buxiste » ?
24Un décideur rationnel traditionnel se comporte résolument en prévisionniste bi-buxiste : puisque le contenu de la boîte X est de toute manière inaltérable, quel que soit ce contenu, un supplément de 1000 € est de toute manière appréciable ! Le devin étant infaillible, la boîte X est vide, seule prédiction cohérente avec l’action de prendre X et Y, un argument fort pour achever de se convaincre qu’il est préférable de partir avec 1000 € en prenant les deux boîtes, plutôt que sans rien en ne prenant que la boîte X !
25Un décideur audacieux, porté quant à lui par un élan d’auto-transcendance, se conduit sans la moindre hésitation en pré-visionnaire uni-buxiste : il se contente de la seule boîte X, emportant ainsi 1 000 000 €… puisque le devin, infaillible, a pré-su son geste courageux. Ce résultat n’est-il pas incontestablement meilleur que partir avec la bien plus modeste somme de 1000 € après s’être emparé des deux boîtes ?
26Aux yeux du prévisionniste, il n’existe qu’une seule ligne de temps et l’objectif consiste à prédire rationnellement de quoi cette ligne est faite, avant d’agir.
Le paradoxe de Newcomb
Le paradoxe de Newcomb
27Aux yeux du pré-visionnaire, deux lignes de temps potentielles coexistent, respectivement associées aux deux contenus possibles de la boîte X et le but consiste à sélectionner, et ce par l’action même, la plus favorable des deux lignes.
28Dans la perspective pré-visionnaire, le futur prend ainsi l’apparence féline du chat de Schrödinger de la mécanique quantique, enfermé dans sa boîte et conjointement mort et vivant vis-à-vis du milieu extérieur, tant qu’un observateur ne l’a pas ausculté. À l’instar de l’état quantique du chat, le futur n’est pas incertain, il est indéterminé ou, plus exactement, non encore déterminé. Tandis que le prévisionniste s’attache à réduire l’incertitude par l’exercice d’une pensée rationnelle préalable à son action et conditionnant celle-ci, le pré-visionnaire vise à réduire l’indétermination à son avantage par le volontarisme de son action. Cette acception originale des rapports entre expertise et action ouvre la voie à une « théorie quantique de la décision », qui serait à la théorie standard de la décision ce que l’indétermination est à l’incertitude.
29Pour un théoricien des jeux [9] le paradoxe de Newcomb constitue un jeu stratégique à deux joueurs, opposant le sujet au devin et comportant deux « équilibres bayesiens parfaits » ; un tel équilibre étant défini comme une issue du jeu dans laquelle la stratégie choisie par chaque joueur est à la fois, plus rémunératrice que toute autre des stratégies possibles de ce joueur, et cohérente avec la croyance que celui-ci forme quant à la stratégie adoptée par l’autre joueur. Le premier équilibre est l’équilibre uni-buxiste, dans lequel la stratégie du sujet consistant prendre la seule boîte X est cohérente avec la croyance que le devin y a placé 1 000 000 € ; et le second équilibre est l’équilibre bi-buxiste, dans lequel la stratégie de prendre les deux boîtes X et Y est cohérente avec la croyance que la boîte X ne contient rien.
30Dans ce cadre formalisé, la question épineuse consistant à sélectionner l’un des deux équilibres est résolue différemment par le prévisionniste et par le pré-visionnaire : alors que le premier, aveuglé par son excès de rationalité et obnubilé par l’imparable inégalité mathématique X + 1000 > X, se trouve piégé dans le « pauvre » équilibre à deux boîtes, le second refuse au contraire cette triste fatalité. Il conserve de ce fait la liberté de choisir le « riche » équilibre à une boîte, liberté qui lui est ouverte sans restriction par les règles édictées par le devin. En soumettant ce jeu à un groupe test, par exemple d’étudiants en économie, on constate expérimentalement que le groupe se partage à parts à peu près égales entre uni- et bi-buxistes. Chacun des deux clans est convaincu que l’autre agit déraisonnablement : les bi-buxistes accusent les uni-buxistes de céder à la pensée magique tandis que les uni-buxistes taxent les bi-buxistes d’une phobie pathologique du gain !
Déterminisme, libre arbitre et grâce divine
31La discussion précédente nous conduit à l’opposition dialectique entre déterminisme et libre arbitre. À cet égard, le paradoxe de Newcomb peut être reformulé dans les termes d’une métaphore cinématographique : bien qu’un film ait été préalablement écrit par son réalisateur, du point de vue des spectateurs les personnages semblent agir librement, comme si d’autres films existaient parallèlement à l’état potentiel, dans lesquels ils pourraient agir différemment. Cette vision réconcilie d’une certaine manière déterminisme et libre arbitre, en permettant aux deux catégories philosophiques de coexister à des niveaux différents, le déterminisme au niveau du réalisateur et le libre arbitre à celui des personnages, à l’instar de la coprésence de deux lignes potentielles de temps, au lieu d’une seule, dans le paradoxe de Newcomb.
32Dans le film de Woody Allen, « La rose pourpre du Caire », où la projection d’un film est montrée dans le film, l’un des personnages du « film dans le film », Baxter, s’extrait de l’écran pour se propulser dans la salle, à la stupeur des spectateurs et au grand dam de ses compagnons d’écran, qu’il quitte d’une manière aussi brutale que saugrenue ! Il change spectaculairement de ligne de temps en sautant dans le film lui-même, depuis le film inclus dans le film. Pour peu que nous nous pensions comme étant des personnages, non pas d’un film des studios Universal, mais du grand film de l’Univers dans lequel nous sommes tous plongés, alors serions-nous prêts, tels l’audacieux Baxter, à faire preuve d’auto-transcendance et à nous comporter comme des pré-visionnaires !
33Autre référence philosophique éclairante : l’opposition avancée par Emmanuel Kant entre deux principes moraux, respectivement hypothétique et catégorique [10]. Selon l’impératif hypothétique, l’action apparaît comme conditionnelle à une analyse raisonnée de ses motivations, en amont, et de ses conséquences, en aval, tandis que selon l’impératif catégorique, elle est radicalement inconditionnelle, exclusivement guidée par la conviction que telle décision s’impose comme l’unique et nécessaire option. Le prévisionniste est un adepte de l’impératif hypothétique et le pré-visionnaire, de l’impératif catégorique.
34Dans le champ théologique, enfin, une opposition similaire existe, s’agissant du salut de l’âme. Le catholicisme considère que, si la grâce divine est certes conférée à chacun par le baptême, le salut de l’âme se gagne principalement par les mérites, dûment démontrés durant la vie terrestre. Dans la ligne de la sola gratia (« par la grâce seule ») préfigurée par Saint Augustin, le protestantisme affirme alternativement que le salut n’est pas une récompense devant être méritée, mais un don acquis à la naissance via une grâce divine prédestinée, accordée à certains et refusée à d’autres. Luther [11] argumenta que la conception catholique de la grâce incitait à de mauvaises pratiques, tel le commerce des indulgences, c’est-à-dire l’achat du salut contre dons à l’Église. Selon lui, la conception protestante encourage au contraire une authentique vertu : « Si je me conduis bien, ce n’est pas pour gagner mon salut, puisqu’il en est déjà pré-décidé, mais parce que j’ai fermement foi en Dieu et en ce qu’Il a pré-élu ceux dont il savait par avance qu’ils se comporteraient vertueusement. » Le divin joue ici un rôle très similaire à celui du devin dans le paradoxe de Newcomb.
35Suivant ce cheminement de pensée, le sociologue allemand Max Weber [12] a défendu la thèse selon laquelle le remarquable succès du libéralisme industriel, au XIXème siècle dans les pays anglo-saxons, trouve ses racines dans la doctrine luthérienne de la grâce : les entrepreneurs réussissaient parce qu’ils étaient portés par l’espérance que leur contribution active à la prospérité économique ne fût rien d’autre que le signe tangible de leur heureuse prédestination divine ! Autrement dit, leur foi en Dieu en faisait d’acharnés et pré-visionnaires artisans du bien-être.
Révolution cognitive et noosphère
36Aujourd’hui, les artisans du bien-être numérique entreprennent bien davantage qu’une mutation industrielle. La « révolution numérique » diffère en effet substantiellement des révolutions industrielles qui l’ont précédée, au XVIIIème puis au XIXème siècle. Ces premières révolutions ont certes donné naissance à des innovations matérielles importantes, telles que le train, la voiture ou l’avion, qui ont indubitablement transformé l’organisation économique et sociale mais n’ont pas affecté la dimension cognitive des activités humaines.
37Bien sûr, la pénétration des technologies numériques et le déploiement des réseaux de communication électronique constituent les forces motrices d’une troisième révolution industrielle, changeant radicalement la manière de concevoir, de produire, de distribuer et de consommer les biens et les services. Mais cette révolution apparaît aussi, et peut-être surtout, comme une révolution cognitive, car les technologies de l’information et de la communication ne peuvent être réduites à de simples machines-outils : elles constituent plutôt un environnement englobant, au sein duquel les individus s’expriment, échangent, tissent des liens, travaillent, se divertissent… en bref, au sein duquel ils vivent !
38L’anecdote suivante met en évidence la dimension cognitive de la révolution numérique. Un grand père montre à l’un de ses petits-enfants des photos datant de sa propre enfance et le jeune s’étonne de l’absence totale d’ordinateurs personnels, de tablettes, de smartphones et autres appareils électroniques :
- Eh bien, grand père, il n’y avait pas d’ordinateurs de ton temps ?
- Parfaitement exact, mon jeune ami, ces gadgets n’existaient pas quand j’avais ton âge… et, crois-moi, on s’en passait très bien !
- Mais alors, grand-père, comment faisait-on pour aller sur internet ?
40Aux yeux de ce natif de l’ère numérique (digital native), un monde sans internet est un monde inconcevable, qui n’a jamais pu exister, pour la « bonne » raison que lui-même « pense » – et donc « est » – à travers internet : il converse avec ses camarades via les messageries instantanées, écoute de la musique téléchargée depuis les plateformes de streaming, partage sur les réseaux sociaux, s’instruit sur Wikipedia, etc. Nos facultés cognitives sont aujourd’hui formatées et altérées par notre usage d’internet, si bien que ceux qui sont nés dans la « matrice numérique » ne peuvent même pas imaginer un quelconque système alternatif et préexistant !
41Les technologies de l’information présentent un aspect que ne possèdent pas les technologies issues de la mécanique ou de la chimie. Internet n’est pas seulement un outil façonné par la main de l’Homme, en vue de lui d’extension, de prothèse. Il constitue plutôt un « objet global » au sens philosophique du terme, c’est-à-dire un artefact par rapport auquel l’Homme se situe à la fois en position extérieure et intérieure, puisque tous et continuellement, nous élaborons et postons sur internet les créations de nos esprits. L’objet global internet apparaît ainsi plutôt comme une prothèse de notre cerveau que de notre main ; ou, plus exactement, comme une prolongation collective et partagée de l’ensemble des cerveaux humains, littéralement une « noosphère » ou sphère des esprits. En bref, alors que les révolutions industrielles passées opéraient dans la technosphère, composée d’objets matériels, la révolution numérique opère dans la noosphère, composée d’objets cognitifs.
42Le néologisme « noosphère » n’est pas récent. Au début du XXème siècle, bien avant l’invention d’internet, deux géologues, Vladimir Vernadski et Pierre Teilhard de Chardin [13], imaginèrent une interconnexion des cerveaux à travers toute la planète, qu’ils dénommèrent… « noosphère ». Dans la vision de Teilhard, qui était aussi jésuite et théologien, la noosphère fait suite à la biosphère, qui vient elle-même après la géosphère et constitue la troisième et dernière étape d’une cosmogonie menant l’Univers depuis son point origine Alpha, purement matériel, vers son point ultime Oméga, purement spirituel. Teilhard, qui avait « vu » la noosphère sous l’apparence d’une sorte de biofilm entourant l’atmosphère, serait sans doute aujourd’hui très surpris de « découvrir son invention » sous la forme d’une gigantesque toile d’araignée appelée internet, faite de fibres optiques et de routeurs électroniques. Dans sa vision de pré-visionnaire, il a certainement manqué la forme physique que prendrait la noosphère mais il a pertinemment perçu sa fonction : réunir les esprits humains en une intelligence collective.
43Intelligence collective oblige, une connectivité respectueuse de la neutralité devient aussi essentielle au genre humain que peut l’être l’eau potable. Les pays qui violent la neutralité du net en restreignant l’accès à la toile pêchent ainsi gravement contre la civilisation, rappelant tristement, la censure pratiquée par l’Inquisition aux temps qui ont suivi l’invention de l’imprimerie par Gutenberg.
44La noosphère n’a pas brutalement émergé à partir de rien avec la naissance d’internet. Elle existait depuis longtemps mais se développait beaucoup plus lentement qu’à présent. Environ 5 millions d’années semblent séparer l’aube de l’humanité de l’apparition du langage, il y a à peu près 500 000 ans. Puis, les premières peintures rupestres datent de 50 000 ans, les premiers textes écrits de 5000 ans, les premiers livres imprimés de 500 ans, l’invention d’internet de 50 ans et les premières réalisations de l’internet des objets de 5 ans… Ce qui rend cette fresque temporelle fascinante est le caractère logarithmique de son échelle de temps : ce qui a été accompli dans l’arène d’internet au cours des cinq dernières années est vraisemblablement comparable à l’amélioration continue des capacités cognitives de l’homo erectus durant les cinq cents millions d’années s’étendant de la première parole au premier dessin !
45Ceci ne signifie pas pour autant que nous soyons sur le point de franchir un point S de singularité, mais révèle simplement que le Big data, la connectivité fixe et mobile, l’informatique en nuage (cloud computing) et la socialisation en ligne accroissent exponentiellement le rythme d’occurrence des « événements numériques » au sein d’un intervalle de temps donné : ces différents phénomènes contribuent à augmenter la « densité noosphérique » le long de la droite temporelle. Autrement dit, le temps semble s’accélérer et cette accélération apparente n’est pas le moindre des défis lancés aux architectes du futur !
Propos final
46Quelle que soit la discipline de référence, philosophie, théologie, sociologie ou économie, deux attitudes distinctes sont envisageables pour concevoir l’action face à un futur qui, dans le présent, est non seulement une entité inconnue mais encore dépourvue d’existence. D’un côté, le prévisionniste se considère comme un décodeur passif et neutre de l’avenir ; de l’autre, le pré-visionnaire se pose en architecte du futur, activement engagé !
47Un glissement de la première vers la seconde attitude est indubitablement bénéfique à la collectivité. Les grands personnages de l’Histoire – pensons à Jeanne d’Arc ou Charles de Gaulle – se sont clairement comportés d’une manière auto-transcendante, en pré-visionnaires fidèles à l’impératif catégorique, et certainement pas en prévisionnistes sujets à l’impératif hypothétique : ils n’ont pas cherché à deviner l’avenir que leur aurait réservé la fatalité, ce qui les aurait sans doute paralysés, ils ont simplement préféré réussir à faire advenir le meilleur des futurs !
48Aujourd’hui, la révolution comportementale consistant à inventer le futur plutôt que le découvrir est devenue une impérieuse nécessité en vue de piloter les dynamiques complexes de l’économie et de la société à l’ère numérique. Dans ce chaudron bouillonnant, règnent les innovateurs, pré-visionnaires par essence, poussés par leur confiance en leur possible succès, à la manière de ces contes de fée où la princesse embrasse le crapaud pour faire naître son prince. Le baiser au crapaud (frog kissing) est l’archétype de l’auto-transcendance pratiquée par le pré-visionnaire ! Au Plan, ardente obligation à l’époque des trente glorieuses, fait suite l’Imagination, mère nourricière de l’innovation numérique.
49La transition numérique est une double mutation, à la fois industrielle et cognitive, qui affecte l’ensemble des activités humaines, non seulement en apportant de nouveaux outils performants de communication et d’accès à l’information, mais encore et surtout, en changeant la nature et la forme de notre rapport aux êtres et aux objets au sein d’une noosphère.
50Individus et entreprises, nous sommes tous co-responsables de la qualité et de la durabilité de notre développement numérique commun.
51Pour faire advenir un scénario désirable de symbiose et refuser un scénario catastrophe de fracture, un principe proactif et prospectif d’audace maîtrisée apparaît préférable à un principe réactif de précaution excessive, inhibiteur de l’innovation.
52Plutôt que résister à l’évolution technologique, ou guère mieux la subir passivement, osons construire collectivement le bien-être numérique ! N’oublions pas à cet égard la pertinence de cette formule de Keynes [14], « La difficulté n’est pas de comprendre les idées nouvelles mais d’échapper aux idées anciennes », ni la justesse de cette maxime chinoise – faut-il l’attribuer à Lao Tseu ? – : « Quand souffle le vent du changement, certains construisent des murs et d’autres bâtissent des moulins. ».
53Rangeons-nous résolument du côté des bâtisseurs de moulins !
Bibliographie
Références
- Berger (Gaston), Phénoménologie du temps et prospective, Paris, PUF, 1964.
- Dupuy (Jean-Pierre), Pour un catastrophisme éclairé. Quand l’impossible est certain, Seuil, 2004.
- Ekeland (Ivar), La théorie des jeux et ses applications à l’économie mathématique, PUF, Collection SUP, Paris, 1974.
- Godet (Michel), Manuel de prospective stratégique (2 Tomes), Tome 1 « L’indiscipline intellectuelle », Tome 2 « L’art et la méthode », 3ème édition, Dunod, 2007.
- Jouvenel (Bertrand de), The Art of Conjecture, New York, 1967.
- Kant (Emmanuel), Fondements de la métaphysique des mœurs, 1785, trad. Alain Renaut, Flammarion 1994.
- Keynes (John Maynard), Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, Cambridge University Press, 1936, trad. Jean de Largentaye, Payot, Paris, 1942.
- Laster (Danièle), « Splendeurs et misères du théâtrophone », Romantisme, 1983, pp. 74-78.
- Lesourne (Jacques), Les mille sentiers de l’avenir, Seghers, Paris, 1981.
- Luther (Martin), Œuvres, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1999.
- Maurois (André), Toujours l’inattendu arrive, Paris, 1943.
- Nozick (Robert), The Nature of Rationality, 1993.
- Teilhard de Chardin (Pierre), Le phénomène humain, Paris, 1955.
- Weber (Max), L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, 1904, trad. Jacques Chavy, Plon, 1964.
Notes
-
[1]
André Maurois, Toujours l’inattendu arrive, Paris, 1943.
-
[2]
Danièle Laster, « Splendeurs et misères du théâtrophone », Romantisme, 1983, pp. 74-78.
-
[3]
Gaston Berger, Phénoménologie du temps et prospective, Paris, PUF, 1964.
-
[4]
Bertrand de Jouvenel, The Art of Conjecture, New York, 1967.
-
[5]
Jacques Lesourne, Les mille sentiers de l’avenir, Seghers, Paris, 1981.
-
[6]
Michel Godet, Manuel de prospective stratégique (2 tomes), Tome 1 « L’indiscipline intellectuelle », Tome 2 « L’art et la méthode », 3ème édition, Dunod, 2007.
-
[7]
Robert Nozick, The Nature of Rationality, 1993.
-
[8]
Jean-Pierre Dupuy, Pour un catastrophisme éclairé. Quand l’impossible est certain, Seuil, 2004.
-
[9]
Pour une introduction à la théorie des jeux, cf. Ivar Ekeland, La théorie des jeux et ses applications à l’économie mathématique, PUF, Collection SUP, Paris, 1974.
-
[10]
Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs, 1785, trad. Alain Renaut, Flammarion 1994.
-
[11]
Martin Luther, Œuvres, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1999.
-
[12]
Max Weber, L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, 1904, trad. Jacques Chavy, Plon, 1964.
-
[13]
Pierre Teilhard de Chardin, Le phénomène humain, Paris, 1955.
-
[14]
John Maynard Keynes, Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, Cambridge University Press, 1936, trad. Jean de Largentaye, Payot, Paris, 1942.