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Article de revue

L’expert et les élus locaux. Le cas de l’aéroport Notre-Dame-des-Landes

Pages 39 à 63

Notes

  • [1]
    Article 1 du décret, JO, n° 35 du 10 février 2008 et rectificatif publié au JO, n° 40 du 16 février 2008.
  • [2]
    Situé au sud-est de Rennes, l’aéroport Rennes-Saint-Jacques (450 000 passagers environ fin 2010) est à moins 80 kilomètres au nord-est de la future plate-forme.
  • [3]
    Aéroport du Grand Ouest, Rapport et avis de la Commission d’enquête, 13 avril 2007.
  • [4]
    Le principe de participation du public est posé dans l’article 2 de la loi du 2 février 1995 relative à la protection de l’environnement, dite “Loi Barnier” et par son décret d’application du 10 mai 1996.
  • [5]
    Il arrive que l’expert intervienne sans attendre d’être mandaté. Emprunté à Corinne Delmas, on peut rappeler le cas de l’ouvrage Médecin-chef à la prison de la Santé dans lequel Véronique Vasseur décrit en tant qu’expert médical les conditions des détenus.
  • [6]
    Jürgen Habermas, La Technique et la science comme idéologie, Gallimard, 1973.
  • [7]
    Max Weber, Le Savant et le politique, Plon, 1990 (nouvelle édition).
  • [8]
    Le débat public a duré cinq mois et demi : du 15 décembre 2002 au 28 mai 2003.
  • [9]
    En plus de l’ensemble des productions écrites, le Débat public a représenté 16 réunions publiques, 70 heures de débat avec un total de 7 420 participants.
  • [10]
    Dans le cadre de la “Loi Barnier”, la saisine ne pouvait porter que sur un projet précis, en l’occurrence le projet d’un aéroport sur le site NDDL et non sur une problématique plus large concernant, notamment, les effets de l’infrastructure aéroportuaire sur celles déjà existantes.
  • [11]
    CPDP CPDP-NDDL, Débat public sur le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, Compte-rendu, 15 décembre 2002-28 mai 2003, pp. 82-83.
  • [12]
    Il convient de souligner cependant, qu’en l’état actuel du projet, l’aéroport NDDL sera limité dans son ambition du fait de sa desserte insuffisante et de l’absence de connexion aux autres modes de transport.
  • [13]
    Christian Schmidt, “La neuroéconomie rend compte de cette métamorphose de l’agent au cours même du jeu de négociation”, Négociations 2008/2, n° 10, p. 50.
  • [14]
    Jacques Thépot (dir.) Gestion et théorie des jeux. L’interaction stratégique dans la décision, éd. Vuibert, 1998, pp. 8 et suivantes.
  • [15]
    Ibid.
  • [16]
    Les deux approches ont en commun de faire participer les acteurs concernés à des jeux de rôles. Cependant, à la différence de la modélisation d’accompagnement où les acteurs impliqués participent également à la mise en place du modèle qui servira de support au jeu, la modélisation réflexive utilise des modèles issus de la théorie des jeux.
  • [17]
    Depuis la libéralisation en Europe du transport aérien, le modèle aéroportuaire s’est profondément transformé. Les aéroports ont désormais deux types de clientèle : les compagnies aériennes et les passagers. Pour ce qui concerne la concurrence sur les passagers, la stratégie concurrentielle développée par les aéroports consiste à étendre leur zone de chalandise pour pouvoir capter le plus grand nombre de passagers. Il s’agit principalement d’une concurrence entre zones d’influence d’aéroports proches. En ce qui concerne la concurrence entre aéroports et compagnies, les stratégies sont multiples et visent à améliorer la qualité des services, réduire les coûts de touchée, prospecter de nouveaux besoins et de nouvelles dessertes afin de faire venir de nouveaux transporteurs. Voir Michel Carrard, L’Impact de l’aéroport Notre-Dame-des-Landes sur le devenir des relations entre Nantes et Rennes. Étude prospective à l’aide de la théorie des jeux, Thèse de doctorat d’aménagement de l’espace – Urbanisme, Université Rennes II, 2009.
  • [18]
    Michel Godet rappelle la distinction qui doit être faite entre les scenarii d’environnement général et ceux qui résultent des stratégies d’acteurs. Dans notre modèle, les scénarios présentés relèvent du deuxième cas. In Michel Godet, Manuel de prospective stratégique, tome 2, Dunod, 2004, pp. 121 et suivantes.
  • [19]
    En théorie des jeux, la méthode qui consiste à déterminer un équilibre de Nash à partir de l’élimination successive des stratégies dominées est appelée méthode de la dominance itérée.
  • [20]
    La situation à l’issue des stratégies non-coopératives lorsque le jeu est joué une fois correspond à un dilemme du prisonnier.
  • [21]
    Ce groupe était formé de trois enseignants-chercheurs et de deux étudiants de deuxième année de l’École Nationale Supérieure d’Ingénieurs (ENSI) de Bourges auxquels se sont ajoutés trois cadres occupant des fonctions de direction : le directeur du Centre National des Risques Industriels (CNRI), le responsable du développement chez MBDA et un ingénieur recherche auprès du Pôle National des Risques Industriels (Recherche et Transfert de Technologies).
  • [22]
    Il s’agissait à parité égale, de membres de l’atelier “Les stratégies du territoire” de l’Institut Kervégan pour Nantes et de membres élus du Conseil de Développement Economique et Social du Pays et de l’Agglomération de Rennes (CODESPAR). Si les Nantais ont rapidement accepté d’y participer, les Rennais, qui étaient à l’origine de l’étude, se sont montrés plus hésitants, et après plusieurs tentatives, ont fini par décliner l’invitation.
  • [23]
    Le collectif ComMOD (Companion Modelling), qui réunit des chercheurs de l’INRA et du CIRAD (Centre International de Recherche Agronomique et de Développement), développe une démarche de modélisation d’accompagnement depuis plusieurs années. Leur terrain de recherche est surtout situé dans les pays en développement. Il y a plusieurs explications à cela. La plus évidente est liée à la nature des missions du CIRAD. Une autre explication tient au rapport que les décideurs locaux de ces pays ont avec le jeu lorsque les chercheurs leur proposent de participer à des jeux de rôles. Le jeu n’est pas connoté négativement alors qu’en France ce n’est pas toujours le cas. Ainsi par exemple, le vice-président de Nîmes métropole, qui est à l’initiative d’une démarche d’accompagnement pour sensibiliser les maires des 23 communes de l’agglomération nîmoise sur les risques d’incendie, témoignait récemment de la difficulté rencontrée pour convaincre ses pairs de participer au jeu proposé par Michel Etienne. Voir Michel Etienne (dir.) La Modélisation d’accompagnement. Une démarche participative en appui au développement durable, Quae, 2010.
  • [24]
    Eric. P Kroes, Robert J. Sheldon, “State Preference Methods : An Introduction”, Journal of Transport Economics and Policy, janvier 1988, p. 16.
  • [25]
    Ici, nous nous sommes écartés de l’approche classique de la théorie des jeux qui pose comme hypothèse que les joueurs définissent leurs préférences indépendamment des préférences des autres joueurs. Cependant, on peut admettre qu’un joueur peut avoir “lui-même des préférences sur les préférences des autres et ces préférences peuvent avoir une portée stratégique […] et on voit mal pourquoi dans ces conditions, ce que chaque joueur connaît des préférences des autres joueurs ne serait pas pris en compte par ce joueur dans la définition de ses propres préférences”, in Christian Schmidt, Théorie des jeux. Essai d’interprétation, PUF, 2001, p. 76.
  • [26]
    Sur les limites de la méthode des préférences déclarées utilisée dans ce jeu, voir Michel Carrard, L’Impact de l’aéroport Notre-Dame-des-Landes sur le devenir des relations entre Nantes et Rennes. Étude prospective à l’aide de la théorie des jeux, op. cit., pp. 206-207.
  • [27]
    Le premier, car il nécessite un accord qui engage durablement les partenaires et le dernier, car il correspond à la logique qui structure les relations entre collectivités.
  • [28]
    Il faut tenir compte également des résultats des deux autres jeux, le jeu “aéroports/compagnies aériennes” et le jeu “les aéroports de l’Espace Métropolitain Loire-Bretagne (EMLB)” qui ont chacun souligné le rôle surdéterminant des compagnies aériennes dans le choix des stratégies aéroportuaires, notamment pour les gestionnaires des aéroports.
  • [29]
    Jacques Thépot (dir.) Gestion et théorie des jeux. L’interaction stratégique dans la décision, op. cit., p. 9.
  • [30]
    A. Delamarre, La Prospective territoriale, DATAR, La Documentation française, 2002, pp. 52-53.

1Depuis le décret du 9 février 2008 qui déclare “d’utilité publique les travaux nécessaires à la réalisation du projet d’aéroport du Grand Ouest – Notre-Dame-des-Landes” [1], l’aéroport NDDL est en passe de devenir une réalité. Le futur aéroport, situé à une vingtaine de kilomètres au nord-ouest de Nantes, sera de classe A selon la typologie définie par l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), pouvant accueillir tout type d’appareils (dont l’A380). Il disposera d’un fort potentiel de développement (jusqu’à neuf millions de passagers) ainsi que d’une agglomération dynamique qui est la première aire urbaine du Grand Ouest. Sa mise en place en 2015/2016 doit répondre à la saturation progressive de l’aéroport Nantes-Atlantique dont la capacité d’accueil est limitée à 4 millions de passagers pour un trafic de 2 700 000 passagers (fin 2008).

2Ce transfert va transformer les équilibres dans le transport l’aérien du Grand Ouest et risque, à terme, de remettre en cause la viabilité de l’aéroport Rennes-Saint-Jacques [2]. Or, la question de la vocation du futur aéroport n’a pas été tranchée et les deux options proposées lors du Débat public restent ouvertes. Dans la première, la concurrence entre les deux aéroports permet à la nouvelle plate-forme de devenir le plus grand aéroport de l’Ouest. Dans la seconde, les collectivités décident de faire de NDDL, l’aéroport du Grand Ouest en coordonnant leurs stratégies aéroportuaires. Aussi, selon les choix qui seront faits par les acteurs pour l’une ou l’autre option, l’aéroport NDDL peut, soit attiser les rivalités métropolitaines ou au contraire, devenir “un projet fédérateur à l’échelle du Grand Ouest” [3].

3À la demande des élus rennais, l’Agence d’urbanisme et de développement intercommunal de l’agglomération rennaise (l’AUDIAR) a engagé en 2005 une réflexion sur “l’impact du futur aéroport sur le devenir des relations entre Nantes et Rennes”. Une convention a été passée avec le laboratoire Espaces et Sociétés (RESO) de l’université Rennes II pour qu’une thèse soit réalisée sur le sujet. Il s’agissait, notamment, de déterminer les conséquences des différentes stratégies aéroportuaires sur l’aéroport Rennes-Saint-Jacques. Ce travail de recherche pose la question du statut de l’expertise et du rôle de l’expert. En effet, la complexité de la situation due, notamment, au nombre important d’acteurs, aux différents angles d’attaques de la question (approche par la gouvernance, par la stratégie, etc.), à l’importance des représentations et des clivages concernant le rôle et l’organisation des infrastructures aéroportuaires pour le Grand Ouest, la dimension prospective et les nombreuses incertitudes inhérentes à la problématique, etc., rendaient l’exercice particulièrement délicat.

4L’objectif de cette contribution est de présenter les choix méthodologiques de cette étude, qui a mobilisé les ressources de la théorie des jeux pour éclairer ce problème d’aménagement de l’espace. Nous présenterons dans un premier temps le contexte dans lequel s’est inscrit ce travail de recherche. Puis nous montrerons comment le concept de modélisation réflexive (Thépot, 1998), qui a été au centre de notre démarche, renouvelle les caractéristiques classiques de l’expertise et questionne le rôle traditionnel de l’expert. Enfin, nous illustrons ces éléments à l’aide du “jeu des collectivités”.

Le contexte lié à l’expertise

5L’expertise est classiquement définie comme la production d’une connaissance spécifique débouchant sur une action (Lascoumes, 2002, 2005). Elle s’est développée au xixe siècle dans le cadre du modèle idéal de la décision rationnelle qu’elle est censée éclairer. En outre, depuis la “Loi Barnier” qui prévoit l’organisation de débats publics [4], l’expertise est largement mobilisée pour tenter de faire émerger un consensus social.

L’expertise et la commande politique

6À l’origine de ce travail, il y a la demande de l’AUDIAR qui répondait elle-même à la volonté des élus rennais d’engager une réflexion de nature prospective sur les effets de la future plate-forme NDDL tant sur les relations entre les deux métropoles que sur l’aéroport Rennes-Saint-Jacques. On retrouve ici ce que certains auteurs considèrent comme un des éléments constitutifs de l’expertise à savoir une demande, voire une commande politique (Delmas, 2001). L’expert n’intervient pas spontanément [5] mais seulement lorsqu’il est sollicité par une autorité qui le mandate. À partir de la commande, Christiane Restier-Melleray distingue cinq caractéristiques mettant en jeu un système de rapports socio-institutionnels qui servent à sa définition (Restier-Melleray, 1990) : l’expert est un individu ou un groupe d’individu (1), dont la légitimité est conférée par l’autorité mandataire (2), choisi pour sa détention d’un savoir et d’un savoir-faire spécifique (3), dont le rôle est d’apporter au commanditaire des éléments permettant la formulation d’un jugement ou d’une aide à la décision (4). Enfin l’expert doit être extérieur et indépendant de l’instance mandatrice (5). Ces cinq caractéristiques sont parfaitement identifiables dans le cadre de la convention de recherche signée entre l’AUDIAR et le laboratoire RESO dans laquelle l’expertise, émanant d’un organisme indépendant vis-à-vis du commanditaire, est conduite par le doctorant sous la responsabilité scientifique du directeur de thèse.

7En outre, il s’avère utile, eu égard à la nature de la demande formulée par l’agence rennaise, de rappeler la grille d’analyse proposée par Habermas qui permet d’approfondir le rapport entre la décision politique et l’expertise [6]. Habermas distingue trois modèles : le premier, le modèle décisionniste, qui reprend la distinction opérée par Max Weber entre le savant et le politique, affirme le primat du politique dans la décision [7]. Le second, le modèle technocratique dans lequel la décision est prise par les experts, relègue le politique au rôle d’exécutant. Schématiquement, l’opposition entre ces deux modèles repose sur le fait que dans le modèle décisionniste, si le politique dispose de la légitimité pour décider se pose la question de la rationalité de sa décision tandis que dans le modèle technocratique, si l’expert est garant de la rationalité il n’a aucune légitimité pour prendre une décision. Aussi, Habermas propose-t-il, dans un troisième modèle qu’il qualifie de pragmatique, de dépasser ces contradictions à partir d’un approfondissement de l’interaction entre l’expert et le politique. Dans cette perspective, Habermas suggère que les questions du politique doivent être traduites en problèmes posés scientifiquement et les informations des chercheurs retraduites en réponses afin de permettre au politique, dans le cadre élargit d’un débat civique, d’assumer son rôle de décideur. Cette grille d’analyse nous permettra, dans la suite de cette présentation, de situer nos choix méthodologiques. Nous verrons alors que, pour un certain nombre de caractéristiques, la démarche adoptée constitue une tentative pouvant s’inscrire dans l’approche pragmatique définie par Habermas.

Les enjeux territoriaux liés à la commande

8La préparation du Débat public sur le projet d’aéroport NDDL [8] a été l’occasion de mobiliser de nombreuses experts. Le dossier du maître d’ouvrage comprenait une brochure de 67 pages à laquelle s’ajoutaient 24 annexes d’expertise, soit au total plus de 1 500 pages. Malgré sa taille, le dossier a été vivement critiqué pour son incomplétude. Cela a conduit le président de la Commission Particulière du Débat public (CPDP) à diligenter une expertise supplémentaire pour répondre aux nombreuses questions concernant de la nécessité d’un nouvel aéroport dans l’Ouest. En outre, plusieurs associations opposées au projet NDDL ont participé activement au débat. Certaines ont produit des expertises approfondies avec des estimations chiffrées qui ont été reprises dans le rapport final.

9Malgré l’importance de la procédure [9], aucun consensus minimal sur l’utilité du projet n’a pu être dégagé. Chacun des participants, bretons ou ligériens, est resté sur ses positions. En outre, la question de la vocation du futur aéroport pour le Grand Ouest est restée en suspens [10]. La synthèse du Débat public souligne d’ailleurs l’ambiguïté attachée au statut de la nouvelle plate-forme. “Il a été souligné à maintes reprises que la vocation de ce nouvel aéroport n’est pas bien claire (nouvel aéroport de l’agglomération nantaise ? aéroport de quelques villes autour de Nantes ? aéroport de Nantes-Rennes ? aéroport d’un Grand Ouest à définir ?” [11]. Le président notait que face à ces “zones d’ombre”, deux attitudes sont possibles : la première consiste “malgré les difficultés évidentes de la tâche” à définir la notion d’aéroport du Grand Ouest et la seconde consiste à adopter une attitude pragmatique et considérer qu’à “défaut d’être l’aéroport du Grand Ouest, concept d’autant plus flou qu’aucune fermeture d’aéroport existant n’était envisagée, NDDL, pourrait être le plus grand aéroport de l’Ouest”.

10Ces deux options – NDDL comme le plus grand aéroport de l’Ouest ou comme aéroport du Grand Ouest – renvoient à deux projets opposés des territoires sur lesquels les clivages des participants se sont focalisés. Le projet de faire de NDDL le plus grand aéroport de l’Ouest perpétue le schéma existant dans lequel la concurrence aéroportuaire est une déclinaison de la concurrence territoriale. La prédominance de l’aéroport NDDL résultera d’une guerre commerciale entre les différentes plateformes et elle sera de fait imposée aux autres collectivités. La vision qui domine ici est celle d’un aéroport qui aspire les hommes et les capitaux au détriment relatif du reste du territoire [12]. Nantes profitera de cette évolution pour renforcer son leadership régional. À l’inverse, le projet de faire de NDDL l’aéroport du Grand Ouest marque une rupture en introduisant la perspective d’une coordination des stratégies aéroportuaires. L’aéroport devient un bien collectif qui élèvera l’attractivité des deux espaces régionaux (Bretagne et Pays-de-la-Loire). Dans ce cas, la vision est celle d’un aéroport qui irrigue le territoire dans la mesure où ses effets seront le résultat d’une action collective et profiteront à l’ensemble des acteurs.

11Quelles que soient les conjectures qui peuvent être faites, le statut du futur aéroport sera le résultat d’un processus interactif et décisionnel complexe entre les collectivités dans lequel la part des représentations et de l’a priori des acteurs seront déterminants. Aussi, nous a-t-il paru judicieux de choisir les outils de la théorie des jeux pour répondre à cette demande.

Le choix de la théorie des jeux

12La théorie des jeux permet de décrire et d’analyser les interactions entre des joueurs sous la forme de jeux stratégiques. Elle a connu un essor considérable depuis la parution en 1944 de l’ouvrage séminal de John Von Newman et Oskar Morgenstern de Theory of Games and Economic Behavior. Paradoxalement, la théorie des jeux est encore très peu utilisée sur les questions d’aménagement de l’espace. Cela est d’autant plus curieux que ces questions sont souvent étroitement liées à celles de l’interdépendance des acteurs et aux problèmes stratégiques que cela pose. Dans ce qui suit, nous montrerons qu’une utilisation de la théorie des jeux sur des problématiques de territoire est envisageable à la condition d’avoir préalablement défini les objectifs poursuivis.

Le choix d’une méthode : la modélisation réflexive

13Si le recours à la théorie des jeux dans une perspective normative qui viserait à déterminer le meilleur choix stratégique fait débat (Fischer, 1989, Guerrien, 1997, 2002), il est possible de se fixer d’autres objectifs. Comme le souligne Christian Schmidt, “la question est de savoir ce que l’on veut obtenir avec la théorie des jeux. Si c’est une solution, il faut être rigoureux mathématiquement. Maintenant, s’il s’agit d’une manière de penser, ou si l’on cherche, comme le préconisait Schelling, à élaborer un cadre d’apprentissage, la théorie des jeux permet de placer [les acteurs] dans un cadre de pensée d’interaction commune […]” [13].

14Dans la logique de ce qui précède, Jacques Thépot considère que la théorie des jeux offre une perspective de travail pour le chercheur en sciences sociales, qu’il nomme modélisation réflexive, qui permet d’analyser les situations dans lesquelles les interactions entre les acteurs sont déterminantes (Thépot, 1998). À la différence de la modélisation normative qui produit de la décision en tentant de représenter tout le réel, la modélisation réflexive “vise à agir plus en amont sur la représentation mentale par laquelle le décideur structure sa vision schématique du réel” [14]. Cette représentation mentale renvoie aux idées reçues du décideur, à ses croyances, à ses expériences passées. La modélisation réflexive se donne pour objectif d’extraire du réel “quelques faits stylisés dont on déduit d’autres faits stylisés en appliquant des modèles simples de théorie des jeux et qui seront soumis au discernement du décideur” [15]. Cette démarche permet alors d’accompagner le décideur dans sa réflexion, en lui offrant un éclairage particulier de la situation.

Figure 1

Modélisation réflexive et normative

Figure 1

Modélisation réflexive et normative

(Thépot, 1998)

15La modélisation réflexive ouvre ainsi un espace à la théorie des jeux pour décrire et analyser des situations réelles. Ce concept offre à la fois un objectif et une méthodologie de travail. Un objectif dans la mesure où ce type de modélisation ne vise pas à remplacer le décideur ni à lui fournir une solution prête à l’emploi mais à l’aider à clarifier ses choix stratégiques (Thépot, 1995). Il s’agit moins de déterminer l’existence de solution que de préciser la nature des difficultés pour les atteindre (problèmes de coordination, conflits d’intérêt, impasses dans la coopération, effet de réputation, etc.). Une méthodologie ensuite car cette démarche vise uniquement à décrire la nature des interactions stratégiques des acteurs pour en tirer logiquement les implications et les conséquences. Ce faisant, la modélisation réflexive peut être vue comme une réponse à la proposition d’Habermas d’approfondir, dans le cadre du modèle pragmatique, la relation entre le politique et l’expert. Cette démarche va, cependant, remettre en cause la posture traditionnelle de l’expert.

La modélisation réflexive renouvelle la posture traditionnelle de l’expert

16En appliquant la théorie des jeux à des cas réels, la modélisation réflexive se donne pour objectif d’améliorer à la fois la compréhension et l’action des acteurs engagés dans des situations complexes. Il est utile ici de rappeler la distinction faite par Edgar Schein (Schein, 1987) entre les notions d’expertise de processus et d’expertise de contenu. Dans la première, l’expert accompagne le commanditaire à élaborer sa solution (modèle du catalyseur ou du facilitateur), tandis que dans la seconde, l’expert apporte la solution (modèle médecin/patient). De ce point de vue, la modélisation réflexive relève explicitement de l’expertise de processus permettant d’accompagner les décideurs dans des situations réelles avec de nombreuses incertitudes. Les résultats obtenus peuvent alors servir à questionner leurs schémas de pensée afin qu’ils puissent, dans le cadre d’un dialogue avec le modélisateur, à la fois interroger et/ou critiquer le modèle et les hypothèses qui ont servi à son élaboration ce qui, en retour, leur permettra d’affiner leurs représentations mentales. Il s’agit alors, comme le souligne Jacques Thépot, davantage d’une pratique de la théorie des jeux que d’une application de modèles de jeux stricto sensu. Cette démarche suppose, néanmoins, une implication forte de ces acteurs pour que le travail du chercheur puisse s’enrichir de leurs remarques et inversement.

17En associant les acteurs pour leur faire “jouer” le jeu décrit par le modèle (voir plus bas infra), la modélisation réflexive peut être rapprochée de la modélisation d’accompagnement (Costanza et al., 1998, Collectif ComMOD, 2005, Etienne et alii., 2010) [16], dans laquelle les acteurs en interaction participent au développement du modèle dans le but d’améliorer leur compréhension de la situation, des problèmes et des solutions possibles. Cela permet également de confronter les participants aux différents de points de vue des acteurs. Comme pour la modélisation d’accompagnement, la dimension heuristique liée à la démarche réflexive est essentielle et rejoint l’approche de certains auteurs (Aumann, 1998, Daidj et al., 2008, Schmidt, 2008) pour qui l’objectif assigné à la théorie des jeux peut être également pédagogique.

18En ce sens, la modélisation réflexive renouvelle la posture classique de l’expert. À la différence de la modélisation normative qui conduit le décideur à s’en remettre à l’expert et à se désapproprier de sa décision (modèle technocratique), la modélisation réflexive cherche, au contraire, à renforcer son discernement sur la situation analysée. Cela dit, la démarche réflexive doit répondre à deux exigences – en plus de celle déjà mentionnée sur l’implication du décideur – qui concernent la cohérence et l’intelligibilité (Thépot, 1998). La première consiste à tirer toutes les conséquences logiques du choix des joueurs et la seconde vise à rendre compréhensible les résultats obtenus pour le décideur. On retrouve ici les éléments qui caractérisent le modèle pragmatique tel que l’a défini Jürgen Habermas.

Illustration avec l’Aéroport Notre-Dame-des-Landes

19La problématique liée au futur aéroport NDDL concerne différentes catégories d’acteurs. Les collectivités (Nantes et Rennes notamment), les gestionnaires d’aéroports et les compagnies aériennes (classiques et low cost). Dans notre étude (Carrard, 2009), nous avons développé trois jeux qui ont, chacun à leur façon, abordé une facette de ces interactions. Dans “le jeu des collectivités”, l’attention est portée sur la dimension institutionnelle des acteurs. Dans les deux autres jeux, “le jeu Aéroport/ Compagnies aériennes” et “le jeu des aéroports de l’Espace Métropolitain Loire-Bretagne (EMLB)” l’attention est centrée sur les aéroports et leurs interactions avec les compagnies aériennes. Dans cette partie, nous présentons succinctement le premier jeu afin d’illustrer une application de modélisation réflexive.

Le jeu des collectivités

20Dans la bataille que se livrent dorénavant les acteurs locaux pour attirer et/ou conserver les activités et les investissements, un aéroport joue un rôle important sur l’économie locale et régionale. Il permet à une collectivité d’améliorer son accessibilité et d’accroître son attractivité. Cette dynamique a cependant son revers. La concurrence territoriale entraîne souvent les acteurs dans des dilemmes sociaux qui conduisent à des gaspillages de ressources. Les jeux non coopératifs de la théorie des jeux permettent d’analyser ce type d’interactions dans lesquelles les joueurs ne cherchent pas, a priori, la coopération mais la maximisation de leurs intérêts. Les hypothèses retenues par cette catégorie de jeux offrent un certain degré de réalisme par rapport à la situation réelle des collectivités.

Le modèle

21Le modèle développé analyse les stratégies aéroportuaires de deux collectivités A et B disposant chacune d’un aéroport : la ville A dispose d’un nouvel aéroport destiné à devenir leader tandis que celui de B est plus petit, avec un potentiel de développement limité et une vocation locale. La zone de chalandise de l’aéroport leader est appelée à s’étendre et à déborder sur celle de l’aéroport de B [17].

Figure 2

Zone de chalandise des aéroports de A et de B

Figure 2

Zone de chalandise des aéroports de A et de B

22Chacun des deux joueurs ayant le choix entre deux familles de stratégies (coopération, concurrence), quatre scenarii [18] sont donc possibles :

  • Le premier scénario, qu’on appellera Gestion négociée, correspond à la situation dans laquelle chaque joueur choisit la coopération. L’objectif est de rationaliser les choix de développement et d’assurer la complémentarité entre les deux plate-formes. Cette stratégie est propice à la mise en œuvre d’effets de synergies entre les deux territoires. Ce scénario peut être rapproché de celui du polycentrisme (Baudelle et al., 2002, Baudelle et al., 2003) dont la force motrice repose sur la coopération des acteurs et qui assure une certaine équité spatiale (Ollivro, 2003, Baudelle et al., 2007). Ce scénario est cependant à contre-tendance des lois du marché en général et de celui du transport aérien en particulier. Aussi traduit-il pour les deux joueurs le plus grand volontarisme politique. Dans le cas de Nantes et Rennes, ce scénario correspond à l’option aéroport Grand-Ouest. Il repose sur le leadership de l’aéroport NDDL qui est soutenu par les actions concertées des deux collectivités.
  • Le scénario de la Relation hiérarchique avec le leadership aéroportuaire de A dans le cas où les joueurs jouent concurrence (joueur A) et coopération (joueur B). En faisant cavalier seul (Axelrod, 1984) alors que B joue la coopération, A dispose d’un avantage. Il se traduit notamment par la tutelle en matière aéroportuaire de A sur B. Le joueur A impose ses choix (attitude intransigeante) et B doit s’adapter, ce qui revient au final à de la coopération (attitude accommodante).
  • Le scénario dit du Leadership contrarié dans le cas où B joue la concurrence et A joue la coopération. Ici, le leadership de A n’est pas accepté (premier scénario), ni imposé (second scénario) mais contesté. En jouant la concurrence face à A qui choisit la coopération, B obtient un avantage relatif et remet en cause le leadership aéroportuaire de A. Cependant, en prenant le risque de faire cavalier seul, le joueur B s’expose dans l’avenir à une réaction de A. Car à terme, la collectivité A n’a rien à gagner à conserver une attitude accommodante (coopération) face à une attitude agressive (concurrence) de la part de B. Dans ce cas, il est probable que les deux joueurs évolueront vers le quatrième scénario.
  • Le scénario de la Gestion concurrentielle où les joueurs choisissent la concurrence. Pour A dont le nouvel aéroport dispose d’une grande capacité non encore utilisée, ce scénario est cohérent avec son besoin de développer son potentiel. Un tel scénario pour B correspond aux stratégies adoptées par les aéroports de petite taille qui aujourd’hui profitent du développement des compagnies low-cost pour concurrencer les grands aéroports et assurer avec succès leur développement (Beigbeder, 2007). Dans un contexte de croissance économique mondiale élevée accompagnée d’un trafic aérien en augmentation, il peut être retenu par les joueurs. Il comporte, cependant, dans le cadre d’un espace limité, le risque d’une offre aéroportuaire excessive, notamment en cas de retournement des cycles économiques et peut conduire alors à un gaspillage de ressources publiques.

23Les quatre scénarii peuvent être schématisés à l’aide de l’arbre du jeu entre A et B suivant :

tableau im3

La situation des joueurs à l’issue des stratégies non-coopératives

24L’analyse des préférences, à partir de l’hypothèse d’une maximisation de l’attractivité de chaque collectivité, permet de déterminer leur fonction d’utilité pour les différents scenarii.

25Le joueur A : il va utiliser son infrastructure pour asseoir son leadership aéroportuaire car c’est l’attitude qui maximise son attractivité. La question qui se pose alors est la façon d’y parvenir. À l’exception du scénario Leadership contrarié, les trois autres scenarii sont envisageables pour atteindre son objectif. Il peut d’abord choisir la stratégie de concurrence. Ce choix le conduit à deux situations différentes par rapport aux risques qu’elles comportent. La première correspond au scénario Relation hiérarchique (lorsque A joue concurrence et B coopération), la seconde au scénario Gestion concurrentielle (lorsque les deux joueurs jouent concurrence). La Relation hiérarchique présente l’avantage pour A d’être relativement moins risquée (B est coopératif) que la Gestion concurrentielle (B est un concurrent). Dans les deux cas cependant, le joueur A peut estimer du fait de l’asymétrie des infrastructures qu’en choisissant la stratégie de concurrence, il est en mesure de parvenir au leadership. Dans le cas de NDDL, le leadership associé à ces deux scenarii correspond à l’option “le plus grand aéroport de l’Ouest”. Le joueur A dispose d’une troisième possibilité qui consiste à choisir la stratégie de coopération. Si ce choix permet d’atteindre le scénario Gestion négociée lorsque A et B jouent la coopération qui repose sur le leadership non contesté de A (cela correspond à “l’aéroport Grand Ouest” pour NDDL), il comporte pour ce joueur le risque de se retrouver dans le scénario Leadership contrarié (si B joue concurrence lorsque A joue coopération). En outre, le scénario Gestion négociée oblige le joueur A à prendre en compte les intérêts de B et de ce fait, cela peut constituer un inconvénient pour son développement.

26On peut en déduire pour A un ordre de préférence suivant : c > d > a > b

27Le joueur B : à la différence de A, le joueur B va devoir résister et/ou rechercher le statu quo afin de conserver intact son potentiel de trafic. Fondamentalement, B dispose de deux attitudes : soit il accepte le leadership aéroportuaire de A et il choisira la stratégie de coopération, soit il le conteste et adoptera la concurrence. La question pour ce joueur est donc de savoir quelle sera l’attitude (acceptation ou contestation du leadership) qui sera la plus appropriée, compte tenu de la stratégie adoptée par A, pour répondre à son objectif (maximiser son attractivité).

28Les deux scenarii qui lui permettent d’atteindre son but sont celui de Gestion négociée et Leadership contrarié. Le premier scénario présente cependant pour lui l’avantage d’être plus stable que le second. En effet, Gestion négociée ne peut résulter que d’un accord dans lequel les deux joueurs s’engagent durablement à coopérer, tandis que Leadership contrarié est obtenu en quelque sorte par surprise au détriment de A (B jouant concurrence alors que A joue coopération en pensant que l’autre fera de même). On peut alors admettre que si le jeu se poursuit, A rectifiera rapidement sa stratégie et que la situation évoluera vers le scénario Gestion concurrentielle. Or, la concurrence frontale avec le leader présente toujours des dangers pour le challenger. Aussi, le joueur B peut-il rationnellement préférer Gestion négociée à Leadership contrarié. Le problème, c’est que rien ne garantit que A adoptera la stratégie de coopération. Dans le cas où A joue concurrence, le joueur B se retrouve alors devant l’alternative décrite plus haut : soit il accepte la tutelle de A en matière aéroportuaire (scénario Relation hiérarchique), soit il entre en guerre commerciale (scénario de Gestion concurrentielle). On peut penser alors que B préférera la concurrence.

29On en déduit un ordre de préférence pour le joueur B : a > b > d > c

30Pour illustrer de manière quantitative les conséquences de ces hypothèses sur les deux collectivités, on peut attribuer une valeur relative (allant de trois pour le premier choix à zéro pour le dernier) à chaque ordre de préférence. Cette évaluation permet de déterminer la matrice de paiement du jeu.

Tableau n° 2

La matrice des paiements

Tableau n° 2
Collectivité B Collectivité A Coopération Concurrence Coopération Gestion négociée (1, 3) Leadership contrarié (0, 2) Concurrence Relation hiérarchique (3, 0) Gestion concurrentielle (2, 1)

La matrice des paiements

31On observe que pour A, la coopération est une stratégie dominée puisque, quel que soit le choix de B, le joueur A obtient toujours un gain relatif supérieur en jouant la concurrence. Si B joue “coopération”, jouer “concurrence” pour A rapporte 3 au lieu de 1 avec “coopération” et si B joue “concurrence”, cela lui rapporte 2 avec “concurrence” et 0 avec “coopération”. La concurrence est donc une stratégie dominante pour ce joueur. Dans ce cas, la seule stratégie qui maximise le gain relatif de B devient la concurrence [19]. L’équilibre de Nash du jeu correspond alors au scénario “Gestion concurrentielle”. Se pose, cependant, la question de l’optimalité au sens de Pareto de cet équilibre car le scénario “Gestion négociée” assure un gain relatif supérieur (avec 4 = 1 + 3) [20].

Jouer le jeu des collectivités

32Dans la perspective d’une modélisation réflexive de la situation, nous avons proposé aux acteurs de participer au “jeu des collectivités”. L’évaluation des quatre scenarii et leurs conséquences sur le choix des stratégies des collectivités A et B ont d’abord été testées une première fois avec un groupe composé de huit participants [21]. Dans un second temps, il était prévu que l’expérience soit réalisée auprès d’élus nantais et rennais réunis pour l’occasion [22]. L’objectif était d’estimer de façon relative, en termes de gains/coûts à partir de trois critères (politique, économique et social), les conséquences des scénarii sur les joueurs. Cette évaluation devait permettre d’établir une relation de préférence. À la suite de cette évaluation, les participants étaient placés en situation d’interaction afin d’observer leur comportement lors du choix des stratégies. Cependant, l’expérience avec les Nantais et Rennais n’a pu être menée à bien. Aussi, à défaut d’une expérience réalisée avec les acteurs concernés par le futur aéroport NDDL, nous allons présenter les résultats obtenus lors du test. À ce titre, ils doivent être lus comme une approximation [23].

Le cadre méthodologique

33En l’absence d’incitations financières réelles (les participants n’obtenaient pas de gains liés à leur choix dans la situation de jeu), l’exercice ne s’inscrit pas dans le cadre de l’économie expérimentale. En outre, son objectif n’était pas la réfutation de modèles théoriques mais l’estimation des préférences des individus soumis à l’exercice. Aussi, cette démarche exploratoire s’apparente-t-elle à la méthode des préférences déclarées qui peut être définie comme “toute famille de techniques qui utilisent les réponses des individus concernant leurs préférences sur un ensemble d’options possibles […] afin d’estimer leur fonction d’utilité” [24].

Le protocole expérimental de la première partie du jeu des collectivités

34Les conditions de réalisation : les huit participants ont été regroupés deux par deux. À l’intérieur d’un couple, chaque joueur incarnait l’une ou l’autre des deux collectivités. La répartition a été faite de façon aléatoire. Aucune communication n’était autorisée entre les joueurs.

35Le classement des préférences : les joueurs disposaient d’une grille dans laquelle ils devaient établir une relation de préférence pour les scenarii. Le classement a été réalisé à quatre reprises en intégrant à chaque fois une information particulière. À la suite, nous avons déterminé une valeur associée à chaque scénario.

36Les critères de décision : trois critères permettaient aux participants d’évaluer les scenarii. Un critère politique concernant la réélection du personnel politique, un critère économique mesurant la croissance du PIB/habitant des territoires et un critère social évalué à partir de l’impact sur l’emploi.

Un exemple de résultats pour illustrer cette expérience

37Dans le premier classement, les participants devaient sélectionner les scenarii selon leurs préférences tandis que dans le quatrième, il a été demandé aux participants qui jouaient pour A de classer les scenarii selon les appréciations qu’ils portaient sur les préférences de B et inversement [25].

Tableau n° 3

Les matrices de paiements du premier et du quatrième classement

Tableau n° 3
Collectivité B Collectivité A Coopération Concurrence Coopération Gestion négociée (2,75, 4,5) Leadership contrarié (-3, 4,5) Concurrence Relation hiérarchique (5,25, -1) Gestion concurrentielle (1, -2)
Tableau n° 3
Collectivité B (joué par A) Collectivité A (joué par B) Coopération Concurrence Coopération Gestion négociée (0,25, 4,75) Leadership contrarié (-3, 3,25) Concurrence Relation hiérarchique (4,25, -3) Gestion concurrentielle (4,5, 1)

Les matrices de paiements du premier et du quatrième classement

38En comparant les réponses, on peut noter que le clivage entre les scenarii est plus marqué lorsque l’évaluation d’un joueur est faite sur les préférences de l’autre joueur (quatrième évaluation) que sur ses propres préférences (première évaluation). Il concerne surtout les scenarii “Gestion négociée” et “Gestion concurrentielle”. La première évaluation montre que A attribue une valeur de 2,75 (sur un total de 6) à “Gestion négociée” tandis que B estime que pour A ce scénario ne vaut que 0,25 (quatrième évaluation). Inversement, B estime à 4,5 la valeur de “Gestion concurrentielle” pour le joueur A (quatrième évaluation), alors que ce dernier lui donne seulement une valeur de 1 (première évaluation). Ce biais, entre ce qui perçu par l’un et estimé par l’autre, peut au final constituer des marges à partir desquelles les acteurs pourront mutuellement s’ajuster. En effet, il apparaît que A accorde plus de valeur à la coopération (2,75) que B ne le pense (0,25) tandis que B donne moins de valeur à la concurrence (-2) que A ne le suppose (1).

L’apport du jeu des collectivités

39Le fait que l’exercice n’ait pas été réalisé avec les Nantais et les Rennais n’a pas permis d’évaluer réellement la portée des différents scenarii issus du modèle [26]. Cependant, l’analyse des différentes alternatives proposées aux participants du jeu test suggère que les scenarii ne semblent pas tous relever de la même probabilité de réalisation. En effet, si les scenarii Gestion négociée et Gestion concurrentielle présentent l’avantage d’une relative stabilité [27], la fréquence d’occurrence du second est nettement plus élevée que celle du premier car la concurrence reste la stratégie dominante pour le joueur A. À l’inverse, les scenarii Leadership contrarié ou Relation hiérarchique sont par nature instables puisqu’ils nécessitent que les collectivités A et B adoptent une stratégie opposée (concurrence pour l’une et coopération pour l’autre). Dans le cas de Leadership contrarié, on a observé que les participants qui jouent A répondent à la concurrence de B par une stratégie identique, voire encore plus agressive. Les collectivités s’orientent alors logiquement vers le scénario Gestion concurrentielle. Dans le cas de Relation hiérarchique, la situation est différente du fait de l’asymétrie entre les infrastructures. Il apparaît que la collectivité B peut accepter cette configuration dans la mesure où elle anticipe que la concurrence avec le leader sera de moindre intensité qu’avec le scénario Gestion concurrentielle.

40Appliqué à Nantes et Rennes, le jeu des collectivités suggère que la coopération aéroportuaire n’aille pas de soi et que l’hypothèse NDDL comme le plus grand aéroport de l’Ouest paraît plus probable que celle de NDDL comme l’aéroport du Grand Ouest. Cela dit, les résultats issus de ce jeu [28] doivent tenir compte du contexte dans lequel s’insère cette problématique. En effet, le degré de concurrence entre les aéroports NDDL et Rennes-Saint-Jacques (RSJ) dépendra du recouvrement des aires de chalandise des deux plate-formes. L’efficacité des liaisons terrestres dans l’acheminement des passagers devient alors un élément essentiel. Dans cette perspective, le projet de LGV entre Nantes et Rennes, via l’aéroport NDDL, est doublement stratégique. D’une part, il conditionne la capacité de NDDL à devenir l’aéroport référent du Grand Ouest et d’autre part, il accroît sérieusement la menace sur RSJ. Il en résulte un dilemme pour les deux collectivités. En effet, si on peut s’attendre à ce que Nantes ait une préférence pour la concurrence aéroportuaire, elle devra néanmoins coopérer avec Rennes et les autres collectivités afin de concrétiser ce projet ferroviaire qui conditionne au final la réussite de NDDL. Rennes, quant-à-elle, pourra profiter de cette situation pour exiger des contreparties. Au pire, elle peut s’opposer au projet de LGV (ligne ferroviaire à grande vitesse) tout en sachant qu’un tel choix risque de nuire globalement à ses intérêts.

Conclusion

41Dès les années 1970 avec son étude emblématique du RER parisien, Lucien Sfez remettait en cause le modèle classique de décision rationnelle pour l’action publique (Sfez, 1973). La multirationnalité et la multifinalité des acteurs, le caractère aléatoire et contingent de la décision ne cadraient pas avec les modèles et leur rationalité linéaire. Aussi, en abandonnant l’objectif de normativité, la modélisation réflexive peut contribuer à la compréhension de situations complexes à partir de l’analyse des interactions des différents acteurs. Elle peut “guider le décideur [l’élu en l’occurrence] non pas seulement dans l’élaboration de ses décisions, mais aussi dans la relecture de celles-ci en le conviant à ne pas utiliser des arguments différents pour justifier des décisions qui s’inscrivent dans des contextes réductibles aux mêmes faits stylisés” [29]. À l’instar des démarches participatives, il est possible également d’associer les actants d’un processus de décision dans un jeu fournit par le modèle. Ainsi, en proposant aux Nantais et Rennais de jouer le jeu des collectivités, nous avions l’occasion de confronter nos hypothèses avec l’opinion des acteurs eux-mêmes. Cela nous rapprochait également d’une démarche classique de prospective territoriale qui permet “l’acquisition d’une culture commun” [30] entre les participants.

42Cette démarche réflexive produit un changement dans la pratique de l’expertise. L’expert n’est plus nécessairement un apporteur de solutions mais accompagne les acteurs dans leur réflexion. En recourant à des outils comme les jeux de rôles, la modélisation réflexive favorise la participation des acteurs à une réflexion collective à partir de laquelle des solutions peuvent émerger. Ces outils, s’ils sont perfectibles, contribuent à améliorer les décisions collectives dans un environnement complexe et incertain. Ce faisant, l’expertise issue de la modélisation réflexive représente une tentative pour dépasser la contradiction entre les modèles décisionnistes et technocratique présentés plus haut et peut être vue comme une contribution à la mise en place du modèle pragmatique tel qu’Habermas l’a défini. Elle nécessite, cependant, une implication forte des acteurs locaux, notamment des élus, implication à laquelle ils ne sont pas toujours disposés.

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Date de mise en ligne : 01/02/2016

https://doi.org/10.3917/pstrat.002.0039

Notes

  • [1]
    Article 1 du décret, JO, n° 35 du 10 février 2008 et rectificatif publié au JO, n° 40 du 16 février 2008.
  • [2]
    Situé au sud-est de Rennes, l’aéroport Rennes-Saint-Jacques (450 000 passagers environ fin 2010) est à moins 80 kilomètres au nord-est de la future plate-forme.
  • [3]
    Aéroport du Grand Ouest, Rapport et avis de la Commission d’enquête, 13 avril 2007.
  • [4]
    Le principe de participation du public est posé dans l’article 2 de la loi du 2 février 1995 relative à la protection de l’environnement, dite “Loi Barnier” et par son décret d’application du 10 mai 1996.
  • [5]
    Il arrive que l’expert intervienne sans attendre d’être mandaté. Emprunté à Corinne Delmas, on peut rappeler le cas de l’ouvrage Médecin-chef à la prison de la Santé dans lequel Véronique Vasseur décrit en tant qu’expert médical les conditions des détenus.
  • [6]
    Jürgen Habermas, La Technique et la science comme idéologie, Gallimard, 1973.
  • [7]
    Max Weber, Le Savant et le politique, Plon, 1990 (nouvelle édition).
  • [8]
    Le débat public a duré cinq mois et demi : du 15 décembre 2002 au 28 mai 2003.
  • [9]
    En plus de l’ensemble des productions écrites, le Débat public a représenté 16 réunions publiques, 70 heures de débat avec un total de 7 420 participants.
  • [10]
    Dans le cadre de la “Loi Barnier”, la saisine ne pouvait porter que sur un projet précis, en l’occurrence le projet d’un aéroport sur le site NDDL et non sur une problématique plus large concernant, notamment, les effets de l’infrastructure aéroportuaire sur celles déjà existantes.
  • [11]
    CPDP CPDP-NDDL, Débat public sur le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, Compte-rendu, 15 décembre 2002-28 mai 2003, pp. 82-83.
  • [12]
    Il convient de souligner cependant, qu’en l’état actuel du projet, l’aéroport NDDL sera limité dans son ambition du fait de sa desserte insuffisante et de l’absence de connexion aux autres modes de transport.
  • [13]
    Christian Schmidt, “La neuroéconomie rend compte de cette métamorphose de l’agent au cours même du jeu de négociation”, Négociations 2008/2, n° 10, p. 50.
  • [14]
    Jacques Thépot (dir.) Gestion et théorie des jeux. L’interaction stratégique dans la décision, éd. Vuibert, 1998, pp. 8 et suivantes.
  • [15]
    Ibid.
  • [16]
    Les deux approches ont en commun de faire participer les acteurs concernés à des jeux de rôles. Cependant, à la différence de la modélisation d’accompagnement où les acteurs impliqués participent également à la mise en place du modèle qui servira de support au jeu, la modélisation réflexive utilise des modèles issus de la théorie des jeux.
  • [17]
    Depuis la libéralisation en Europe du transport aérien, le modèle aéroportuaire s’est profondément transformé. Les aéroports ont désormais deux types de clientèle : les compagnies aériennes et les passagers. Pour ce qui concerne la concurrence sur les passagers, la stratégie concurrentielle développée par les aéroports consiste à étendre leur zone de chalandise pour pouvoir capter le plus grand nombre de passagers. Il s’agit principalement d’une concurrence entre zones d’influence d’aéroports proches. En ce qui concerne la concurrence entre aéroports et compagnies, les stratégies sont multiples et visent à améliorer la qualité des services, réduire les coûts de touchée, prospecter de nouveaux besoins et de nouvelles dessertes afin de faire venir de nouveaux transporteurs. Voir Michel Carrard, L’Impact de l’aéroport Notre-Dame-des-Landes sur le devenir des relations entre Nantes et Rennes. Étude prospective à l’aide de la théorie des jeux, Thèse de doctorat d’aménagement de l’espace – Urbanisme, Université Rennes II, 2009.
  • [18]
    Michel Godet rappelle la distinction qui doit être faite entre les scenarii d’environnement général et ceux qui résultent des stratégies d’acteurs. Dans notre modèle, les scénarios présentés relèvent du deuxième cas. In Michel Godet, Manuel de prospective stratégique, tome 2, Dunod, 2004, pp. 121 et suivantes.
  • [19]
    En théorie des jeux, la méthode qui consiste à déterminer un équilibre de Nash à partir de l’élimination successive des stratégies dominées est appelée méthode de la dominance itérée.
  • [20]
    La situation à l’issue des stratégies non-coopératives lorsque le jeu est joué une fois correspond à un dilemme du prisonnier.
  • [21]
    Ce groupe était formé de trois enseignants-chercheurs et de deux étudiants de deuxième année de l’École Nationale Supérieure d’Ingénieurs (ENSI) de Bourges auxquels se sont ajoutés trois cadres occupant des fonctions de direction : le directeur du Centre National des Risques Industriels (CNRI), le responsable du développement chez MBDA et un ingénieur recherche auprès du Pôle National des Risques Industriels (Recherche et Transfert de Technologies).
  • [22]
    Il s’agissait à parité égale, de membres de l’atelier “Les stratégies du territoire” de l’Institut Kervégan pour Nantes et de membres élus du Conseil de Développement Economique et Social du Pays et de l’Agglomération de Rennes (CODESPAR). Si les Nantais ont rapidement accepté d’y participer, les Rennais, qui étaient à l’origine de l’étude, se sont montrés plus hésitants, et après plusieurs tentatives, ont fini par décliner l’invitation.
  • [23]
    Le collectif ComMOD (Companion Modelling), qui réunit des chercheurs de l’INRA et du CIRAD (Centre International de Recherche Agronomique et de Développement), développe une démarche de modélisation d’accompagnement depuis plusieurs années. Leur terrain de recherche est surtout situé dans les pays en développement. Il y a plusieurs explications à cela. La plus évidente est liée à la nature des missions du CIRAD. Une autre explication tient au rapport que les décideurs locaux de ces pays ont avec le jeu lorsque les chercheurs leur proposent de participer à des jeux de rôles. Le jeu n’est pas connoté négativement alors qu’en France ce n’est pas toujours le cas. Ainsi par exemple, le vice-président de Nîmes métropole, qui est à l’initiative d’une démarche d’accompagnement pour sensibiliser les maires des 23 communes de l’agglomération nîmoise sur les risques d’incendie, témoignait récemment de la difficulté rencontrée pour convaincre ses pairs de participer au jeu proposé par Michel Etienne. Voir Michel Etienne (dir.) La Modélisation d’accompagnement. Une démarche participative en appui au développement durable, Quae, 2010.
  • [24]
    Eric. P Kroes, Robert J. Sheldon, “State Preference Methods : An Introduction”, Journal of Transport Economics and Policy, janvier 1988, p. 16.
  • [25]
    Ici, nous nous sommes écartés de l’approche classique de la théorie des jeux qui pose comme hypothèse que les joueurs définissent leurs préférences indépendamment des préférences des autres joueurs. Cependant, on peut admettre qu’un joueur peut avoir “lui-même des préférences sur les préférences des autres et ces préférences peuvent avoir une portée stratégique […] et on voit mal pourquoi dans ces conditions, ce que chaque joueur connaît des préférences des autres joueurs ne serait pas pris en compte par ce joueur dans la définition de ses propres préférences”, in Christian Schmidt, Théorie des jeux. Essai d’interprétation, PUF, 2001, p. 76.
  • [26]
    Sur les limites de la méthode des préférences déclarées utilisée dans ce jeu, voir Michel Carrard, L’Impact de l’aéroport Notre-Dame-des-Landes sur le devenir des relations entre Nantes et Rennes. Étude prospective à l’aide de la théorie des jeux, op. cit., pp. 206-207.
  • [27]
    Le premier, car il nécessite un accord qui engage durablement les partenaires et le dernier, car il correspond à la logique qui structure les relations entre collectivités.
  • [28]
    Il faut tenir compte également des résultats des deux autres jeux, le jeu “aéroports/compagnies aériennes” et le jeu “les aéroports de l’Espace Métropolitain Loire-Bretagne (EMLB)” qui ont chacun souligné le rôle surdéterminant des compagnies aériennes dans le choix des stratégies aéroportuaires, notamment pour les gestionnaires des aéroports.
  • [29]
    Jacques Thépot (dir.) Gestion et théorie des jeux. L’interaction stratégique dans la décision, op. cit., p. 9.
  • [30]
    A. Delamarre, La Prospective territoriale, DATAR, La Documentation française, 2002, pp. 52-53.

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