Couverture de PSM_162

Article de revue

Lectures

Pages 51 à 53

L’enfant de la télé. Abécédaire d’une schizophrénie, P. Cado, La Neuville, Jacques Flament éditions, 2015

1 Philippe Cado nous avait proposé un premier livre particulièrement intéressant il y a quelques années (le jour où je me suis pris pour Stendhal. Paris, Eyrolles, 2012). Il nous en propose un second, toujours sur le thème de la schizophrénie. Une différence fondamentale toutefois : dans le premier, il nous entretenait de sa propre maladie alors qu’ici il prend du recul puisqu’il nous décrit les processus pathologiques d’une autre personne qu’il appelle Géronimo, qu’il parvient à nous rendre très attachant à travers ses productions et ressentis pathologiques organisés autour de la télévision avec laquelle il dialogue en permanence. Philippe Cado en quelque sorte passe ainsi de l’autre côté et endosse le rôle du clinicien avec une perspicacité qui constitue une pièce à verser au dossier d’actualité de la question de l’expertise des usagers. S’il reconnaît bien un certain génie à son sujet d’observation, il analyse bien aussi l’apragmatisme qui découle de ses productions signant là la pathologie. Mais rien n’est simple et comme pour la poule et l’œuf le sujet est pris dans un système infernal dans lequel il ne sait plus si ses faits et gestes ne font que répondre aux stimulations qu’il perçoit ou si ce sont ses propres actions qui entraîneraient, en retour, les réponses agressives du complot qui se trame contre lui.

2 L’auteur a choisi d’articuler ses propos autour de mots- clés signifiants pour Géronimo et de références littéraires. En tant qu’ancien enseignant, Philippe Cado possède une certaine maîtrise de celles-ci qui constituent aussi le mode d’accès privilégié au délire du héros du livre, lui-même cultivé et connaisseur des bons auteurs.

3 Géronimo aujourd’hui continue à nier sa schizophrénie mais se traite médicalement, ayant trouvé une espèce d’équilibre, de rétablissement puisque, énorme succès au dire de Cado, aujourd’hui, « sa raison ne lui sert plus uniquement à alimenter ses idées délirantes ».

4 Quant à l’auteur, on ne peut que lui souhaiter après ce nouveau livre, de continuer, dans ses productions littéraires, à prendre de la distance par rapport au sujet, déjà bien traité de l’intérieur et de l’extérieur, de la pathologie psychique pour aborder aussi d’autres sujets. C’est tout le bien que je lui souhaite.

5 J.P Arveiller

Le petit guide de l’accréditation, Illustré J. Mornet, Champ social éditions, 2015

6 Une réédition attendue : ce petit guide avait été imprimé une première fois en 2009. Epuisé depuis longtemps, les éditions du Champ Social ont eu la bonne idée de le ré-éditer car, heureusement ou malheureusement, il a gardé toute sa pertinence. Il avait été destiné, lors de sa parution, à essayer d’« humaniser » par l’humour le processus froid et pesant des contraintes d’accréditation par le recours aux dessins : chacun vient ainsi illustrer les items imposés aux établissements de santé par la HAS depuis 1999. Le moindre des actes qui s’y déploie est désormais soumis à une obligation de conformité à une série de protocoles et de procédures grâce à leur objectivation maximale espérée. Mais que restera-t- il demain d’humain dans cette recherche effrénée où chacun, soignant et patient, se trouve ainsi réduit à une simple position d’objet ? De tout temps l’humour a constitué le meilleur antidote face aux invasions bureaucratiques et totalisatrices. Le dessin en constitue un efficace allié. N’est-ce pas Jean Oury qui nous rappelait que « la disparition de l’humour était un signe de l’infiltration bureaucratique ». L’ouvrage s’ouvre en postface sur une réflexion des liens entre l’évaluation et la pulsion de mort.

7 J. Mentor

Petit lanceur d’alerte en santé mentale, J.-J. Lottin, Champ social éditions, 2015

8 Jean-Jacques Lottin est un personnage atypique dans le champ de la santé mentale. Géographe de la santé et docteur en géographie urbaine tropicale, infatigable globe- trotter (Afrique noire, Israël, puis URSS, Vietnam), il devient conseiller technique auprès du cabinet de Pierre Mauroy, compagnon de travail de Tony Lainé, vice-président de la Société Française de Santé Publique et directeur d’études de santé publique. C’est de sa position de vigilance de ce qui se passe dans le vaste champ de la santé mentale depuis 40 ans qu’il rend compte dans son ouvrage. Même s’il est un participant assidu de nombreuses rencontres « psy », c’est bien au-delà de ce seul champ qu’il nous interpelle devenant par le même coup « faiseur de ponts » entre divers champs sociaux, ayant tous trait à la santé mentale, et que nous maintenons malheureusement le plus souvent trop cloisonnés. Violences industrielles, encadrements protocolaires des actes de soin, idéologies entrepreneuriales, biopouvoir, découpage territorial, AAH, … autant de sujets qui s’y trouvent abordés de façon concrète en compagnie de quelques guides ayant pour nom, Hannah Arendt, Tony Lainé ou encore Montesquieu à travers ses personnages Usbek et Rica, et Bentham avec son panoptique. Quel est le fil conducteur de tout cela ? L’humanité : comme le souligne Patrick Coupechoux dans sa préface, Jean-Jacques Lottin « défend l’humanité ».

9 J. Mornet

La psychanalyse de groupe, De la psychothérapie au travail de groupe, C. Garland, ERES, 2015, 306 pages

10 Comment ne pas être intrigué par ce livre rédigé par une éthologue devenue psychanalyste, qui est passée de l’étude des comportements des groupes de chimpanzés aux divers dispositifs groupaux thérapeutiques. Cet ouvrage est le fruit d’une longue pratique de psychanalyse de groupe, le sous titre pourrait rejoindre la série des « tout ce qu’il faut savoir sur…. ».

11 Elle décrit la thérapie de groupe basée sur la connaissance psychanalytique de l’individu en s’appuyant sur les travaux de Freud, Klein et Bion tout en incluant les leviers de la dynamique des groupes. Son projet consiste à aider les membres du groupe à fonctionner à partir des deux vecteurs de la vie qui se conjuguent autour des verbes aimer et travailler.

12 Ses propos sont ponctués par de longues séquences cliniques qui illustrent clairement les obstacles rencontrés dans la pratique, que ce soit à partir des difficultés psychopathologiques des patients ou des situations traumatiques. J’ai été particulièrement intéressé par l’histoire de la vie du groupe constitué par les intervenants d’un cabinet de médecine générale dont l’une des associés avait été assassinée par un patient. L’auteur nous permet de suivre en quelques pages et quatre rencontres, comment ce travail a pu jouer une fonction contenante pour la détresse individuelle, tout en permettant un changement de la passivité vers l’activité.

13 Cette première partie du livre trouve sa richesse dans la multiplicité des situations cliniques, elle débouche sur un « manuel de la vie des groupes » qui est aussi illustré de vignettes cliniques qui montrent l’importance fondamentale du cadre dans ce type de psychothérapie. L’auteur précise que « tout se passe dans un dispositif où il y a une obligation explicite, pas seulement une permission de dire ce qui vient à l’esprit ». L’objectif pour les membres du groupe consiste à « faire connaissance les uns avec les autres pour finir par comprendre son propre fonctionnement ».

14 Les différentes vignettes permettent de voir comment différents aspects du monde intérieur d’un individu sont repris par les autres membres du groupe, et comment les patients peuvent s’apporter une aide authentique. Le thérapeute analyse les interactions qui ont lieu à l’intérieur du groupe et propose des interprétations quand le groupe est en panne incapable de faire par lui-même un travail de compréhension.

15 Un ouvrage de référence pour tous ceux qui travaillent avec les groupes et tous ceux qui veulent s’y engager.

16 C. Bonnet


Date de mise en ligne : 27/06/2016

https://doi.org/10.3917/psm.162.0051

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