Couverture de PRO_350

Article de revue

« Le risque est de considérer la question réglée après la Cop »

Pages 6 à 14

Notes

  • [1]
    350.org, CIDSE, WWF et al., Fair shares : a civil society equity review of INDCs, nov. 2015, 36 p.
English version

1Succès historique ou profonde déception ? L’accord conclu à l’issue de la Cop21 est avant tout le fruit d’une dynamique nouvelle ; il ouvre des perspectives mais restera vain si les engagements pris ne sont pas bientôt revus à la hausse. Sans attendre les gouvernements, la société civile a un rôle décisif à jouer.

2Selon The Guardian, l’accord de Paris est « un miracle en comparaison de ce qu’il aurait pu être, un désastre en comparaison de ce qu’il aurait dû être ». La Cop21 éloigne-t-elle l’humanité de la trajectoire « suicidaire » contre laquelle alertait le pape à l’aube des négociations ?

3Maxime Combes - Les termes « désastre » ou « succès » me semblent inappropriés. L’accord de Paris, accepté par 195 États, en période d’exacerbation des replis nationaux, constitue un fait politique majeur au plan mondial. Cependant, il ne représente pas l’accord courageux et visionnaire qu’aurait exigé l’état d’urgence climatique. Tenir le cap des +1,5 °C ou +2 °C aurait supposé de traduire ces objectifs en un calendrier de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Et, déjà, nous constatons avec préoccupation que les rencontres ministérielles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à Nairobi ne font aucune référence à l’accord de Paris, alors que le climat se joue aussi dans la régulation du commerce international.

4Par ailleurs, il est un peu tôt pour se réjouir d’un accord universel : le protocole de Kyoto avait déjà été signé par la quasi-totalité des pays de la planète (sauf quatre). Mais les États-Unis ne l’ont pas ratifié. Kyoto prévoyait aussi la possibilité d’engagements volontaires. À l’issue de la Cop21, chaque pays continue de déterminer comme il l’entend le volume de sa contribution, et nombre d’États l’ont conditionnée à la réception de financements nouveaux leur permettant d’opérer une transition. Or on manque de visibilité sur les financements après 2020. Enfin, l’accord n’évoque même pas l’aviation civile et le transport maritime, qui sont pourtant à l’origine de 10 % des émissions mondiales et au cœur de la machine à réchauffer la planète qu’est notre économie mondiale. On ne mesurera finalement la portée de l’accord de Paris que dans quelques années.

5Alix Mazounie - Les engagements actuels nous placent sur une trajectoire d’environ +3 °C. Il faut mesurer ce que cela représente. Nous n’avons pas encore atteint +1 °C et déjà les conséquences sont très difficiles à vivre pour de nombreuses populations au sud de la planète. À partir de +1,5 °C, certains États comme Tuvalu sont menacés de disparition ; +2 °C est donc une limite politique toujours trop élevée. À +3 °C, on mesure mal les effets de l’emballement climatique : montée du niveau des mers, incapacité pour les villes côtières moins riches de s’adapter, salinisation des terres arables, risques majeurs pour la production agricole, insécurité alimentaire chronique, déplacements massifs de populations pour survivre, instabilité et tensions sociales… Au total, il est clair que l’accord de Paris ne suffira pas à garantir l’hospitalité de la planète. Mais nous savions qu’il en serait ainsi. Il nous appartient à présent de veiller à ce que les mécanismes prévus soient mis en œuvre. Mais surtout de continuer à combattre les politiques climaticides.

6Michel Colombier - Il ne faut pas concevoir ce type d’accord comme une décision centralisée que les gouvernements n’auraient plus qu’à appliquer. Il est le résultat d’une gouvernance polycentrique et les jeux qui avaient lieu avant la Cop21 vont continuer après, ceux des multinationales comme ceux de la société civile. Un bon critère d’appréciation est d’évaluer si l’accord a sérieusement déplacé les lignes. Or je pense que oui. Depuis Rio, tous les pays ne cessaient de se renvoyer les responsabilités : le Sénat américain conditionnait tout effort à un mouvement de la Chine, l’Europe faisait valoir qu’elle ne représentait que 15 % des émissions, la Chine et l’Inde montraient du doigt les pays riches. Cette rhétorique était extrêmement toxique pour la recherche de solutions. L’accord est universel en ce qu’il marque une évolution fondamentale de paradigme, que l’on doit aux pays en développement. Chacun a admis qu’il était un acteur de la planète et qu’il lui revenait de faire quelque chose : c’est le principe des contributions nationales à la réduction des émissions (« intended nationally determined contributions », INDC). Même les pays pauvres y ont participé, prenant un vrai risque en sortant d’une posture qui les protégeait, tandis que les pays du Nord, eux, ont fait des ajustements marginaux : cet accord met une pression importante sur les pays du Nord pour les années à venir.

7À défaut de le garantir, l’accord permet-il donc encore d’espérer respecter les +2 °C ?

8M. Colombier - C’est toute la question. Les contributions sur la table dessinent d’ores et déjà une dynamique nouvelle : elles ramènent l’excès d’émissions annuelles au-delà du seuil autorisé à 15 gigatonnes (Gt) de carbone au lieu de 25 à 30 si on avait poursuivi comme avant. Mais l’addition des INDC, si on les applique à la lettre, mène vers une situation, en 2030, où la barre des +2 °C est intenable. L’insuffisance des contributions actuelles est reconnue par l’accord qui prévoit une clause de révision en 2020 – c’est en soi une victoire, car certains jugeaient suffisant de se retrouver en 2030… Tout l’enjeu de 2020 est donc de gagner encore 15 Gt d’ici 2030. L’espoir est permis, car la dynamique qui a abouti aux INDC n’a débuté qu’il y a deux ans, et dans la plupart des pays, leur détermination a donné lieu à un processus politique réel. Mais une inflexion significative sera nécessaire, en particulier des pays industrialisés.

9A. Mazounie - Depuis Copenhague, des choses ont changé dans le monde économique. Les énergies renouvelables se sont développées au niveau mondial et sont moins chères qu’auparavant. Cependant, on continue à subventionner les énergies fossiles quatre fois plus que les énergies renouvelables dans les pays du G20. Et, faute de dire clairement à Paris qui doit faire quoi, chacun pourra continuer de détourner le regard. Une énorme pression de la société civile sera donc nécessaire pour parvenir aux +2 °C. Tout dépendra d’elle dans chaque pays.

10M. Combes - On n’a aucune assurance que le scénario va se dérouler tel qu’esquissé par Michel Colombier. L’accord de Paris est d’abord une forme d’addition des égoïsmes nationaux, encadrée par les lignes rouges fixées par le Congrès américain et la présidence chinoise. Selon le Giec [Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat], il faudrait aboutir à un pic des émissions autour de 2021 pour demeurer sur une trajectoire +2 °C. Or l’accord parle d’atteindre ce pic « aussi vite que possible ». Les engagements sur la période pré-2020 – là où il faudrait accélérer la réduction – sont très faibles. Lors de la clôture de la Cop21, François Hollande s’est engagé à revoir les résolutions de la France en 2020. S’il est vraiment convaincu de la révolution climatique, c’est au Conseil européen qu’il faut batailler, et dès aujourd’hui, pour obtenir une révision des engagements avant 2020. Le décalage est extrêmement fort entre le souhaitable et la réalité des engagements. Si l’on veut miser sur le « name and shame », le fait de blâmer les États qui ne font pas leur juste part, il ne faut pas attendre d’évaluer s’ils ont atteint ou non leurs objectifs, il faut être ferme dès la définition des contributions nationales quand elles sont insuffisantes. Faute de quoi, on n’aura pas les révisions nécessaires en 2020 ! Et cette démarche ne saurait se cantonner à l’agenda étriqué de la Cop21, sans affecter les politiques économiques internationales. Le mot « climat » n’apparaît même pas dans le mandat européen de négociation du partenariat transatlantique de commerce et d’investissement ! Or la libéralisation de l’énergie se traduirait par une importation accrue de pétrole et de gaz américain… Il ne suffit plus que les gouvernements ou les multinationales « climatisent » leurs discours, il faut climatiser l’économie mondiale.

11Pour l’océanographe Catherine Jeandel, « l’accord définit la gare d’arrivée mais pas les rails pour y arriver ». Était-ce son rôle ? Où faut-il en débattre désormais ?

12A. Mazounie - Effectivement, les premiers rails sont absents de l’accord, alors que les dix prochaines années sont les plus importantes. Dès lors, ce n’est plus à l’Organisation des Nations unies (Onu) mais au niveau des États que la bataille se joue. Le système des INDC présente au moins l’avantage de les responsabiliser. Le processus a pu donner lieu à des consultations assez larges, du moins dans certains pays. Désormais, les sociétés civiles nationales ou locales ont un levier sur lequel agir : chez nous, pour débattre des politiques de réduction des émissions ; dans d’autres pays, pour lier la question de l’énergie au développement durable et au climat. (…)

13En France, le risque principal est de considérer la question réglée après la Cop. Or il ne suffit pas que la presse en parle pour que les choses bougent ! La bataille passe par des projets symboliques comme Notre-Dame-des-Landes, mais aussi par la traduction de la loi sur la transition énergétique en une programmation précise, par le doublement du rythme des énergies renouvelables, par la révision à la hausse des objectifs européens… Heureusement, la société civile et les collectivités locales n’attendent pas les gouvernements pour agir à leur niveau. De plus en plus de maires veulent du 100 % renouvelable. Le niveau local offre un vrai levier d’action, d’autant que la loi sur la transition énergétique transfère un certain nombre de compétences aux maires.

14Les ONG ont placé les négociations sous le signe de la justice climatique, au point que François Hollande s’en est prévalu à l’ouverture de la Cop21. Selon ce critère, quelle appréciation faire de l’accord ?

15M. Combes - Si la justice climatique devient le principe central pour les années à venir, alors l’économie doit être au service du social et du climat. Et c’est l’ensemble de l’architecture internationale qu’il faudrait revoir, de telle façon que les règles commerciales et d’investissement se pensent d’emblée dans les limites de la planète.

16M. Colombier - La notion de « justice climatique » renvoie à deux éléments : la capacité de contribuer, en fonction du niveau de prospérité, et la responsabilité, liée au niveau d’émission. Au regard de ces deux éléments, l’accord de Paris n’est pas à la hauteur. Tout l’enjeu est de financer le démarrage de la transition. En revanche, l’idée de dette historique, source de controverses depuis vingt ans, me semble inopérante. L’Inde revendiquait, au début de la Cop, de pouvoir émettre autant que ce que les pays riches ont émis… Mais cette exigence mène dans le mur. Nous avons perdu beaucoup de temps, ces vingt dernières années, pour avoir réduit la question de la justice climatique à celle d’une juste répartition des émissions. La responsabilité réside dans ce que chacun peut faire aujourd’hui, à mettre en regard du droit des populations, non pas à émettre, mais au développement.

17M. Combes - Tout le monde n’est pas responsable du réchauffement climatique de la même manière. On ne peut pas passer ce principe par pertes et profits, ce serait nier deux siècles d’histoire déterminants dans les inégalités internationales. Cette reconnaissance doit se traduire par des financements. Une coalition d’ONG a d’ailleurs calculé les engagements nécessaires en intégrant responsabilité historique, capacités actuelles et financements mis sur la table : elle conclut que l’Union européenne n’accomplit guère plus de 20 % des efforts requis (les États-Unis sont sous les 20 %, le Japon à 10 % et la Russie à 0 %) [1]. Or le texte n’acte aucun apport nouveau et ne garantit même pas l’effectivité des financements annoncés. Il n’opère pas non plus de réel rééquilibrage entre les financements (jugés rentables) dédiés à la réduction des émissions et ceux (non rentables) consacrés à l’adaptation aux bouleversements en cours.

18A. Mazounie - La solidarité internationale avec les pays les plus pauvres est en effet la grande absente de l’accord de Paris. L’évocation des « pertes et dommages » reste très conceptuelle et les montants dédiés à l’adaptation sont insuffisants. Mais la prochaine Cop, qui aura lieu en Afrique, à Marrakech, permettra de remettre ces questions sur la table, de faire converger les objectifs pour le développement et pour le climat.

19À défaut de poser les premiers rails, l’accord écarte-t-il les voies sans issue, que les ONG appellent « fausses solutions » ?

20A. Mazounie - La France a adjoint à la Cop21 un « agenda des solutions » pour montrer l’engagement de tous les acteurs. Mais de très bonnes initiatives y côtoyaient du greenwashing et des solutions dangereuses. Par exemple, faut-il vraiment améliorer l’efficacité du torchage, ou renoncer simplement à l’extraction des hydrocarbures ? Le gaz, lui, est présenté comme la solution à tous nos problèmes et non plus seulement comme une option transitoire. D’autres promeuvent « l’agriculture intelligente face au climat », mais peut-on se fier à Monsanto ou Cargill en matière d’écologie ?

21Le texte de l’accord n’écarte aucune technologie – par exemple, il privilégie l’expression « bas carbone » à la mention explicite des renouvelables, afin de protéger le nucléaire… Mais il eût été illusoire d’en attendre davantage, étant donné le poids des lobbies. Du coup, plutôt que d’attaquer directement les choix technologiques, la société civile a cherché à créer des filtres à l’entrée : les solutions sont-elles respectueuses des droits humains et des normes environnementales ? Réduisent-elles effectivement les gaz à effet de serre ? Sont-elles dépourvues d’impact néfaste ? Par exemple, l’expérience des agro-carburants – malgré une bonne intention de départ – s’est traduite par des accaparements de terres, par une insécurité alimentaire, etc. Or, dans l’accord de Paris, les garanties relatives aux droits humains et à la sécurité alimentaire ne figurent que dans le préambule, c’est-à-dire dans la partie la moins contraignante du texte… La bataille devra aussi être menée dans les critères d’attribution des financements du Fonds vert. Car le risque est fort que les fausses solutions drainent les moyens qui pourraient manquer ailleurs.

22M. Colombier - L’une des options les plus risquées est en effet d’investir dans des aménagements à la marge : dans l’absolu, il vaut certes mieux produire du charbon avec des technologies modernes qu’avec des anciennes, mais ce type d’équipement est très onéreux et il faut au moins soixante ans pour en amortir l’investissement. Sur ce point, la dynamique des contributions nationales ne garantit pas l’atteinte du résultat escompté, mais elle permet d’interpeller chaque pays par rapport à ses efforts et aux stratégies déployées pour atteindre un solde net d’émissions proche de zéro vers 2050. Autrement dit, pour rappeler à chacun qu’on a trente ans pour transformer complètement nos économies ! L’Europe, plus largement l’Organisation de coopération et de développement économiques, ne peut plus se contenter de reporter ses efforts de réduction chez d’autres. Or, précisément, un second danger est de prétendre mener la transition ailleurs pour éviter de la faire chez soi : les mécanismes de développement propres mis en place dans le cadre de Kyoto ont mis en évidence les impasses de ces systèmes de compensation. Mais la dynamique autour de la Cop21 change la donne. Dans sa contribution, un pays comme le Mexique a bien différencié la part des actions pour le climat qu’il compte entreprendre unilatéralement, car elles lui sont utiles et accessibles, de celles qu’il souhaite engager mais qu’il n’a pas les moyens de financer seul. Cette vision commence à se répandre dans les pays du Sud : il ne s’agit plus de monnayer des réductions dont se prévaudra le financeur, mais de transformer son économie, de revendiquer les efforts de réduction, tout en demandant un soutien au nom de la justice climatique.

23En fixant pour objectif de « parvenir à un équilibre entre les émissions anthropiques par les sources et les absorptions anthropiques par les puits de gaz à effet de serre », l’accord n’encourage-t-il pas les projets de séquestration du carbone ?

24A. Mazounie - Il est heureux que le cap de long terme soit un peu plus concret que les +2 °C. Mais il est vrai que le signal est ambigu : la notion d’équilibre risque d’être interprétée comme un droit à extraire les énergies fossiles, dès lors que l’on trouverait un moyen pour stocker le carbone émis, dans les sols, les océans, etc. D’autant que ce choix d’utilisation des sols pourrait se faire au détriment de la sécurité alimentaire, de l’agriculture vivrière et paysanne.

25M. Colombier - Si l’on fait l’exégèse de cet article de l’accord, la neutralité des émissions devrait être interprétée comme excluant la géo-ingénierie, qui n’est pas neutre d’un point de vue climatique. Et « l’absorption », qui est un processus biologique, n’est pas synonyme de la séquestration. Mais il n’est pas exclu que certains interprètent le texte à leur avantage… La séquestration recouvre plusieurs pistes. Enfermer du CO2 dans des réservoirs souterrains est une illusion : malgré tout l’argent investi par l’Europe, qui envisageait de séquestrer ainsi 20 % de ses émissions en 2020, on n’y arrive toujours pas ! La séquestration profonde sous les nappes salines continue de susciter quelque espoir, mais, pour l’instant, la technologie ne fonctionne pas. Plus grand monde ne travaille, par ailleurs, sur le stockage de CO2 dans les océans, car les scientifiques en ont clairement pointé les dangers. Finalement, au-delà même des risques environnementaux, on ne peut plus se permettre de miser sur ces technologies, qui arriveront de toutes façons trop tard pour tenir nos objectifs à 2050, et qui engloutissent des fonds dont on a besoin ailleurs. La séquestration biologique, elle, mélange des bonnes choses (lutte contre la déforestation, pratiques agricoles qui cessent de stériliser les sols…) et des formes plus dangereuses d’ingénierie des sols.

26M. Combes - Le texte n’écarte aucune option. Le principal risque est de ne plus considérer les océans, les forêts, les sols, que par leur capacité à stocker du carbone. En outre, toutes les expérimentations en la matière (tels les projets de la Banque mondiale ou de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) sont menées au Sud, comme s’il était plus prioritaire de stocker le carbone chez le petit paysan du Malawi que dans les grandes plaines céréalières de la Beauce ! C’est pourtant là qu’il nous faut adopter d’autres pratiques agricoles. Il faudra être vigilant sur l’interprétation de la notion de « puits de carbone » évoquée dans l’accord.

27Rafael Correa, président de l’Équateur, a annoncé que son pays « exploitera jusqu’à la dernière goutte de pétrole pour sortir de la pauvreté », alors qu’il avait proposé d’y renoncer en partie contre compensation. Qu’est-ce qui permettra de laisser dans le sol 80 % des énergies fossiles ?

28M. Combes - L’idée de laisser le pétrole dans le sol vient du Nigeria. Après l’assassinat de Ken Saro-Wiwa, il y a vingt ans, plusieurs organisations nigérianes et équatoriennes ont fait ensemble le constat que s’opposer à l’exploitation pétrolière pouvait conduire à la mort. Alors qu’on négociait Kyoto, ils ont proposé de régler ces deux soucis en faisant d’une pierre deux coups, par des formes de moratoire contre l’exploitation de nouvelles sources d’énergies fossiles. Mais leur proposition n’a alors guère suscité d’intérêt, ni parmi les États ni chez les ONG. L’idée s’est néanmoins traduite en batailles nationales, notamment en Équateur avec le parc Yasuni, et elle a fait des émules quand de nouvelles études scientifiques ont démontré qu’il fallait laisser 80 % des énergies fossiles dans le sol. La bataille prend différentes formes, du désinvestissement au changement de banque ou de modes de consommation. Ces stratégies suffiront-elles à enclencher un mouvement de sortie de l’âge des fossiles ? Difficile à dire, mais elles pointent du doigt les filières énergétiques à la source du dérèglement climatique, quand les négociations regardent principalement ce qui sort de la cheminée sans interroger l’amont.

29M. Colombier - Sortir du fossile prendra trente ou quarante ans. Il sera compliqué de demander un moratoire à un pays pauvre doté de pétrole si on continue à en acheter à l’Arabie Saoudite pour 20 dollars le baril. Une logique de compensation (payer pour le non-usage) ne saurait suffire. La seule réponse réside dans la recherche d’un nouvel équilibre, un développement financé différemment, une conversion économique qu’il nous faudra soutenir.

30Propos recueillis par Martin de Lalaubie et Jean Merckaert, le 16 décembre 2015 à Paris.

SUR REVUE-PROJET.COM

Cette table-ronde se poursuit.

Date de mise en ligne : 26/02/2016

https://doi.org/10.3917/pro.350.0006

Notes

  • [1]
    350.org, CIDSE, WWF et al., Fair shares : a civil society equity review of INDCs, nov. 2015, 36 p.

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