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Article de revue

Bloc opératoire : leadership au service de la performance

Pages 85 à 113

Exposé de la problématique

1Les réformes hospitalières engagées depuis de nombreuses années ont reconfiguré le paysage hospitalier. Le déploiement du Programme de Médicalisation du Système d’Information depuis 1996, la tarification à l’activité (T2A) en 2005 puis le développement de la procédure d’accréditation hospitalière (ordonnances Juppé de 1996), puis de certification, ont engagé de profondes mutations du système sanitaire comme le souligne S. Gentil (2016). L’empreinte médico-économique est devenue plus que prégnante dans un contexte en recherche continuelle d’efficience.

2Les blocs opératoires, organes complexes et essentiels de production d’activités, sont ainsi contraints d’optimiser leurs ressources et leur gestion, en optimisant la sécurité et la qualité des soins produits.

3Au cœur d’un établissement de santé, le bloc opératoire est un lieu hautement stratégique, appelant des organisations millimétrées et maîtrisées pour répondre aux exigences sanitaires actuelles. C’est un espace de travail pluridisciplinaire où s’impose l’articulation optimale et optimisée entre les compétences médicales, paramédicales, logistiques orchestrées par un management approprié au contexte.

4Dans cet environnement, la place du responsable du bloc opératoire est centrale et doit répondre aux impératifs institutionnels dans une logique croissante de performance.

5Quelles sont les compétences managériales clés pour occuper cette place stratégique ? En quoi sont-elles essentielles pour optimiser le fonctionnement d’un bloc opératoire, où sont attendues une haute sécurité et une qualité indéniable des soins ?

6Les stratégies managériales engagées et le leadership exercé sont-ils garants d’efficience et de performance hospitalière dans ce huis-clos de production ?

7Nous supposons que le management devient un élément pivot de la structure bloc, ayant pour objectif ultime de concilier sécurité et efficience des soins à destination des usagers. Celui qui y exerce des fonctions managériales devient de fait le chef d’orchestre et de ce fait le responsable de la convergence optimale des compétences présentes.

8Dans ce contexte, le défi managérial est authentique pour celui qui le relève avec forces et qualités qu’il nous appartient de clarifier.

9Au vu de ces éléments, il devient indispensable d’initier notre recherche en investiguant, grâce à la littérature, les représentations des blocs opératoires, espaces d’efficience et de performance, le management exercé, les stratégies managériales déployées ou le style de leadership emprunté par les acteurs dans cet environnement.

10Une recherche de terrain, en tant que phase pragmatique d’exploration de ces concepts, confortera ou infirmera le postulat littéraire posé in fine, et ouvrira la réflexion sur une analyse des résultats par préconisations.

Contextualisation de la problématique

11Depuis 1990, les réformes hospitalières se succèdent et modèlent le système sanitaire par la modification du mode de financement, avec pour logique la rationalisation et une modernisation des organisations.

12Les lois successives exigent que les établissements de santé s’adaptent aux nouveaux enjeux médico-économiques (garantir les recettes pour faire face aux dépenses), sanitaires (intégrer les progrès technologiques médicaux), et sociaux (reconnaître les droits des patients en intégrant les notions de risque et de sécurité).

13En 2005, la mise en œuvre de la T2A a révolutionné le financement des établissements de santé, jusqu'alors assuré par une dotation globale forfaitaire versée à chaque établissement. Les modalités de financement ont impacté les activités de Médecine, Chirurgie et Obstétrique (MCO). Ce nouveau mode de financement s‘appuie alors sur l’activité réalisée, sur le principe de recettes et de dépenses, dans une logique de résultats correspondant aux moyens alloués. Cependant l’instabilité permanente des règles de cette tarification (versions successives de la classification des Groupement Homogène de Malades, changement des tarifs, circulaire dite des « actes frontières », traitement de certains forfaits) ne favorisent pas son appropriation par les acteurs de santé.

14Selon Zeyad et Mahmoud (2018), citant Angele-Halgand et Garrot (2014), la généralisation de ce mode tarifaire a impacté les organisations des établissements en quête permanente d’une rentabilité qualitative, gage d’efficience.

15La loi hôpital patients santé territoire en 2009, soutenue par le plan HÔPITAL en 2012, réaffirme la volonté politique nationale de réorganisation et modernisation du système sanitaire. Celle-ci se traduit par une refonte de l’organisation interne des structures de soins hospitalières et une responsabilisation de ses acteurs face aux dépenses et recettes dans le but d’améliorer l’efficience de l’offre hospitalière.

16La loi de modernisation de notre système de santé de 2016 et la loi relative a l’organisation et a la transformation du système de santé de 2019 prônent la rationalisation de l’offre de soins en créant les Groupements Hospitaliers de Territoire, dans la continuité de la Loi de 2009 et de la constitution des Communautés Hospitalières Territoriales ou des Groupements de Coopération Sanitaire de Moyens.

17Face à ces réformes de gestion, l’Hôpital doit aujourd’hui répondre à l’utilisation efficiente de ses ressources, de l’optimisation de sa gestion, incluant également le principe de l’évaluation et de l’analyse de son activité (conformément aux ordonnances de 1996), pour garantir sécurité et qualité des soins au sein de toute structure de soins. Emergent alors les concepts de performance et d’efficience. D’un point de vue sociologique, il s’agit de passer d’une vision bureaucratique (comme la décrit Mintzberg), vers une organisation managériale structurée, transversale, plus efficiente comme le décrivent N. Sampieri-Teissier et L. Livolski (2019).

Entre efficience et performance

Définitions des concepts

18Le terme « performance » est d’emblée défini sous de multiples facettes. Il apparaît que selon le prisme utilisé, la performance revêt des approches différentes. La performance est devenue d’usage et est omniprésente dans notre langage courant selon P. Grandjean (2015). Nous retrouverons aisément la notion de performance dans le milieu sportif, des arts et spectacle mais également pour démontrer la prouesse technologique d’un outil ou la force d’une entreprise. Aujourd’hui la performance est devenue un attendu obligatoire en tant que symbole de réussite et d’excellence sociale dans notre société contemporaine.

19Cet auteur cite alors A. Bourguignon (1996) et s’appuie sur la définition suivante (p.28, 2015) : « La performance, c’est la réalisation des objectifs organisationnels, quelles que soient la nature et la variété de ces objectifs. Cette réalisation peut se comprendre au sens strict (résultat, aboutissement) ou au sens large du processus qui mène au résultat (action). »

20La performance, comme action accomplie en tant que prouesse, est utilisée pour témoigner d’un savoir-faire. D’ailleurs, l’étymologie du mot performance est « parformer », mot d’ancien français du siècle signifiant « accomplir, exécuter ». Également, « performance » sera employé pour mettre en avant les capacités d’un matériel, d’une machine au regard de ses possibilités. Pour finir, sous l’angle de l’évaluation, le terme performance sera usité pour stipuler le résultat d’une évaluation : « le faire bien » voir le succès.

21Nous nous attarderons sur cet angle car la performance n’a de sens qu’au travers de son évaluation. Dans le cadre d’un référentiel posé, l’évaluation de la performance nécessite le choix de critères et d’indicateurs définis et partagés permettant la mesure, lisible et objectivable de cette dite performance. Dans un contexte précis, d’espace et de temps identifiés, la performance sera liée aux moyens et ressources utilisés pour atteindre ses objectifs.

22C’est alors que peut émerger la notion d’efficience : les moyens utilisés pour mener une action à son terme ont été exploités avec un souci d’économie. L’action sera considérée comme efficiente si elle permet d’obtenir les résultats attendus au moindre coût. Selon Barnard cité par R. Naim (2012), l’efficience se définit comme la capacité d’une organisation à donner satisfaction aux attentes des membres qui la composent. Selon lui, une organisation capable d’atteindre un bon niveau de « performance », dans ces deux champs d’action, entretiendra son système de coopération de façon durable, prolongeant ainsi sa durée de vie.

23La performance est un résultat optimal obtenu par l’utilisation la plus efficiente possible des ressources mises en œuvre.

Performance dans les organisations sanitaires

24Le système sanitaire français n’échappe pas à l’émergence du concept, soutenu par les démarches d’évaluations, d’accréditation des établissements de santé pilotées par la Haute Autorité de Santé.

25La performance au cœur des organisations sanitaires peut être cernée par l’équation suivante :

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  • des soins de qualité au moindre coût,
  • des ressources allouées aux soins utiles,
  • des soins accessibles à tous ceux qui en ont besoin,
  • des activités attractives pour les professionnels assurant la pérennité de la réponse aux besoins,
  • un développement d’activité fondé sur un projet partagé par les parties prenantes (professionnels et patients).

27Selon les normes de l’Organisation Mondiale de la Santé - OMS, « les établissements hospitaliers doivent garantir que chaque patient reçoit la combinaison d’actes diagnostiques et thérapeutiques qui assurent un meilleur résultat en termes de santé, conformément à l’état actuel des connaissances médicales, au meilleur coût pour un même résultat, au moindre risque iatrogène, pour sa plus grande satisfaction en termes de procédure de résultats et de contacts humains » (J. Sebai, p.397, 2015).

28Les travaux de recherche menés par Sicotte et al (1998) s'inspirent des courants américains de recherche sur la performance organisationnelle. De ces recherches émergent l’importance des interactions et des liens multidimensionnels, forgeant la performance organisationnelle.

29Sicotte et al. (2000) reprennent également le modèle de Parsons. Ces auteurs renforcent l’approche multi-dimensionnelle du concept en pointant l’équilibre nécessaire entre quatre fonctions, auxquelles s’ajoutent les normes et les valeurs :

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  • l'orientation par des missions (les objectifs),
  • les relations avec l'environnement pour l'obtention (les interactions),
  • la transformation des ressources (les résultats),
  • l'intégration des processus internes pour assurer la production (les ressources)

31Pour G. Dussault (2011), une organisation hospitalière performante est celle qui assure l'amélioration continue de la qualité, de l'efficience et l'augmentation de l'accessibilité.

32La performance recherchée dans les structures de soins correspond à :

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  • la précision des objectifs et des priorités ;
  • la détermination des moyens et des ressources nécessaires pour réaliser ses objectifs ;
  • le traçage du cadre nécessaire à l'évaluation et à la reddition des comptes ;
  • la mobilisation des acteurs en cause et différents services autour des enjeux de santé,
  • la recherche du consensus,
  • la réduction voire l'évitement du gaspillage,
  • la mise en œuvre des interventions viables et efficaces.

34Cet auteur positionne le concept sous un axe humain, social et productif, soumis à l’influence de critères pour obtenir une évaluation objective.

35Pour notre sujet de recherche, nous nous centrerons sur la quête de performance au sein du système « bloc opératoire », pour une étude globale de son fonctionnement et des interactions ou jeux d’acteurs qui s’y déroulent. Comme le décrivent Tonneau et Lucas (2006) cités par S. Gentil (p.293, 2016) : ce lieu « cristallise les plus vives attentes en matière de performance productive et de sécurité des soins ».

Bloc opératoire : performance et sécurité

Description et fonctionnement

36Comme le décline la Haute Autorité de Santé, le bloc opératoire est un secteur complexe, à haut risque pour la sécurité du patient, impliquant de nombreux intervenants. Cet espace de travail est un lieu de convergence de compétences humaines, matérielles et logistiques. L’interaction des acteurs et équipements utilisés s’opère dans une temporalité précise, provoquant une interdépendance inévitable et cruciale. Chow et Heaver, cités par N. Sampieri-Teissier et al (2019) décrivent le bloc opératoire comme une structure support de l’activité, lieu de logistique médico-technique, « regroupant l’ensemble des ressources aidant à la réalisation de l’activité du centre opérationnel ».

37Afin de répondre aux objectifs de mieux-être des personnes soignées, dans ce lieu à haut risque naturel du fait de ses activités chirurgicales et anesthésiques, un cadre procédural important est essentiel.

38Une synthèse schématique de son fonctionnement (proposé par le Centre National de l’Expertise Hospitalière), illustrant l’ensemble des flux et interactions, serait la suivante :

figure im2

39L’organisation des activités au sein du bloc opératoire repose sur plusieurs processus essentiels qui vont servir et permettre le correct déroulement des activités. On distingue ainsi :

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  • la planification,
  • la programmation,
  • la régulation,
  • l’enregistrement des données issues de l’ensemble du parcours du patient opéré.

41La planification permet d’allouer un certain temps, appelé vacation, à des chirurgiens ou à une spécialité pour réaliser les actes chirurgicaux nécessaires auprès des patients.

42La programmation comporte elle-même plusieurs étapes. Selon Smolski (1999) cité par Z. Mahmoud et N. Angele-Halgand (p.8, 2003) : « une programmation efficiente consiste à faire coïncider à un instant « t », un malade, un chirurgien, un anesthésiste, du personnel infirmier, du matériel et des locaux ». Au cours de la consultation chirurgicale, la prise de décision opératoire est arrêtée. Confortée à la suite de la consultation pré anesthésique, l’intervention est programmée dans l’attente de validation par la cellule de programmation (se tenant la semaine précédente du déroulement de l’intervention).

43Le programme opératoire représente le cœur de l'organisation du bloc opératoire et la convergence des compétences utiles à son bon déroulement. L'article D.712.42 du décret n° 94 1050 du 5 décembre 1994 indique que « le tableau fixant la programmation des interventions est établi conjointement par les médecins réalisant ces interventions, les médecins anesthésistes réanimateurs concernés et le responsable de l'organisation du secteur opératoire, en tenant compte notamment des impératifs d'hygiène, de sécurité et d'organisation du fonctionnement du secteur opératoire ainsi que des possibilités d'accueil en unité de surveillance post interventionnelle ».

44La régulation vise à entériner la réalisation effective du programme opératoire, en tenant compte des ultimes modifications (annulation, report, nature de l’intervention, urgences) et garantit le « travail d’articulation opérationnelle » comme le décline Strauss (1992) repris par S. Gentil (p. 35,2012). Elle consiste à gérer les ajustements le jour J concernant les dépassements ou les échanges de vacations, les affectations de personnel, les attributions de matériels, les aléas ou imprévus.

45L’enregistrement des données issues de l’ensemble du parcours du patient opéré forme le socle d’informations à analyser et exploiter pour la mise en place d’actions d’amélioration. Ces informations sont compilées sous forme de tableaux de bord et d’indicateurs.

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47L’organisation des activités pourraient être schématisées ainsi :

figure im4

Pilotage par indicateurs

48Les activités des blocs opératoires sont marquées par des mutations techniques et technologiques très rapides qui s’avèrent difficiles à évaluer sans mesures précises. Par ailleurs, la multiplicité et l’hyperspécialisation des acteurs travaillant au bloc induisent des échanges d’opinions parfois contradictoires qui reposent partiellement sur des ressentis.

49Les tableaux de bord du bloc visent donc à objectiver le fonctionnement du bloc au travers d’une série d’indicateurs fréquemment suivis et recommandés par l’Agence Nationale d’Appui à la Performance et à apprécier sa performance. Ils permettent alors de suivre l’évolution et l’atteinte des objectifs suivants :

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  • Mesurer la production de l’activité opératoire,
  • Pouvoir réagir en cas de dérive sur les objectifs attendus,
  • Donner des clés d’interprétation permettant de formuler des actions d’améliorations des organisations et processus,
  • Éclairer la prise de décisions stratégiques sur les activités du bloc (ex : réactualisation de la planification, projet architectural).
  • Au sein d’une structure de bloc opératoire, il est commun de retrouver les indicateurs de :
  • Structure : effectifs, matériels, équipements,
  • Processus : TROS (Temps Réel d’Occupation des Salles), TROV (Temps Réel d’Occupation des Vacations), Taux de débordement,

figure im6

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  • Résultats : intégration des urgences dans la journée, taux de reprogrammation, nombre d’interventions assurées, taux d’occupation des salles, réaffectation en régulation
  • D’alerte : taux d’absentéisme, nombre d’évènements indésirables graves, reprogrammation, débordement, heures supplémentaires,
  • Satisfaction : respect des horaires, absence de réclamations.

52La saisie de l’ensemble des données relatives au circuit du patient opéré va constituer une base d’informations indispensable à exploiter dans le souci d’une démarche d’amélioration et d’optimisation des moyens mis à disposition.

53Ce système d’information est incontournable pour l’analyse des différents processus et leur rationalisation. Les indicateurs définis et utilisés démontrent avec pertinence et objectivité le fonctionnement du système, témoin des qualités et dysfonctionnements rencontrés.

54Ils sont également la base des dialogues de gestion entre les différents acteurs et les structures de coordination, pilier du management de bloc, représentées par des instances de pilotage et d’évaluation que sont la cellule de programmation et le conseil de bloc.

Pilotage et management

55L’organisation du bloc opératoire doit permettre de réaliser un compromis entre sécurité et qualité, efficience et rentabilité, ces derniers critères étant devenus peu à peu incontournables.

56Selon R. Bercot (p.56, 2009), une gestion optimale d’un bloc opératoire s’inscrit au cœur de 3 priorités : « améliorer le service au patient et son information, améliorer le temps d’occupation et la productivité des installations, permettre la disponibilité du personnel et la préparation des outils. »

57La qualité des soins apportés aux patients et la lutte contre les infections liées aux soins doivent rester les priorités majeures. La réussite de cette organisation passe obligatoirement par la mise en place d’une structure solide, impliquant une coordination étroite et efficace entre les pilotes que sont le chef de bloc – cadre de bloc, le coordonnateur médical de bloc et les instances stratégiques représentés par la cellule de programmation et le conseil de bloc.

58Parallèlement, l’implication étroite de la direction de l’établissement avec l’ensemble des acteurs responsables du bloc opératoire est primordiale pour définir les actions stratégiques et répondre aux objectifs.

Management du bloc opératoire

Acteurs et manager

59Céline Dugast et Marie-Claire Chauvancy (p.363, 2015) décrivent qu’« exercer le métier de cadre, c’est se situer au carrefour de logiques médicales, économiques et sociales aux intérêts divergents, dans un contexte d’exigences croissantes de la part de la patientèle et des personnels hospitaliers ».

60Les professionnels exerçant les fonctions d’encadrement sont alors décrits comme des pivots essentiels pour maintenir l’équilibre organisationnel et veiller au développement de la performance d’une structure hospitalière au quotidien, définie comme une organisation complexe (De Kervasdoue, 2005). L’Hôpital, réelle bureaucratie professionnelle selon Mintzberg (2001), est alors identifié comme une organisation cloisonnée où exercent des acteurs de soins avec des identités professionnelles fortes, avec des logiques de pouvoir différentes.

61Cette approche est vérifiée au cœur des blocs opératoires où le manager doit articuler les forces humaines et matérielles à sa disposition pour garantir au patient qualité et sécurité des soins chirurgicaux et anesthésiques. Il s’efforce de mettre en œuvre des actions stratégiques, adaptées au moment et au cœur des situations, en utilisant avec cohérence les ressources à sa disposition pour aboutir à un équilibre harmonieux entre qualité et sécurité des soins.

62Ces forces vives n’ont cependant pas toutes les mêmes logiques d’actions et leurs priorités divergent. D’un point de vue sociologique, R. Bercot (p.58, 2009) met en exergue des « normes de fonctionnement » différentes selon les acteurs présents et la difficile coopération sous-jacente. La quête de performance bouscule les rapports et représentations entre professionnels. Les rôles restent identiques mais les places évoluent : citons par exemple le chirurgien qui continue à prodiguer son art chirurgical sans être considéré comme le centre des préoccupations, mais comme un acteur indispensable tel tout intervenant œuvrant pour le système.

63Le manager de bloc a alors pour mission d’organiser ce système de manière objective, quel que soit l’acteur médical ou paramédical, dans un souci d’équilibre de fonctionnement. R. Bercot souligne la nécessité « de se défaire des rapports interpersonnels » (p.62, 2006). L’objectif est de créer un collectif performant en orchestrant l’ensemble des individualités et singularités vers une coopération effective et efficace où les acteurs exercent leurs missions, avec une autonomie relative, pour faire face aux évènements.

64Le management exercé dépend de la stratégie et de l’orientation choisie. Son efficacité, objectivée par les indicateurs, représente la qualité managériale de l’acteur qui pilote le bloc vers sa performance.

Les facteurs de réussite du manager de bloc ou leader de performance

65Le manager de bloc est un poste occupé le plus souvent par un cadre de santé issu de la filière infirmière. Sa connaissance du système de soins est un atout majeur conforté par son expertise professionnelle acquise.

66Cependant, le manager de bloc exerce dans un tout autre environnement qu’un service de soin conventionnel. Comme le décrit R. Bercot (2010), son poste s’apparente davantage à un gestionnaire technique industriel entre coordination des flux de patients, gestion des stocks de produits et des temps d’occupation des salles.

67Face aux acteurs multiples, que sont les personnels médicaux et paramédicaux de bloc, le manager doit composer et s’imposer pour que soient respectées les règles fixées, recensées dans la charte de bloc, afin de garantir le fonctionnement optimal de cet environnement particulier.

68De sa capacité à faire respecter les règles et de son intransigeance à, parfois, les imposer, naîtra sa légitimité qu’il bâtira au fil du temps face aux individualités fortes, représentées par exemple par le corps chirurgical. Weber (1922), repris par JM Plane (p.11, 2015), explique alors que « la légitimité de l’autorité est transformée en la légalité de la règle générale, celle-ci étant élaborée consciemment et par rapport à des buts, et décrétée et publiée selon des règles formelles ». Cependant le cadre n’a pas de lien hiérarchique initial avec les chirurgiens. Son autorité n’est de facto ni légitime ni évidente.

69D’un point de vue sociologique, un groupe est sous l’influence du jugement de ses pairs, comme le souligne R. Bercot (2009). Ainsi sans soutien et appui de chirurgiens reconnus par les siens, le manager de bloc ne peut réussir sa mission faute de légitimité spontanément reconnue.

70En outre, cette légitimité n’est pas l’ultime force du manager. Celle-ci se construit également sur des compétences relationnelles fortes, telles des capacités d’adaptation, une personnalité affirmée avec un comportement volontaire, une pugnacité à l’épreuve et une forte capacité de rebond.

71Le manager de bloc correspond alors à un réel pilote de la performance, caractérisé en tant que chef d’orchestre des compétences dans un environnement social complexe.

72Selon Meyer et al. (2004), repris par JM Plane (2015), ce pilote en tant que leader peut en effet conduire une équipe vers la performance. À la différence d’un manager qui administre, le leader innove en inspirant la confiance. Le leader permet à ses collaborateurs de donner le meilleur d’eux-mêmes.

73Bennis (1985) théorise les qualités indispensables du leader en prônant l’imagination, l’ouverture, la synthèse, le goût du risque, la flexibilité. Il indique également que ces qualités sont des socles à conforter par une légitimité reconnue, au sein d’une organisation définie par l’atteinte d’objectifs et l’application de règles. Bennis décrit alors le leader comme un transformateur alors que Golemann (1998) complète en introduisant la notion d’intelligence émotionnelle, facteur inné.

74Le leader déploie une capacité globale à gérer, à organiser et à mener ses équipes grâce à son leadership, qui peut être défini comme « un processus d’orientation et d’influence décisif d’une personne sur l’action d’un groupe humain en vue de mettre en place une politique et d’atteindre un certain nombre d’objectifs plus ou moins précis » (Plane, 2015 cité par Barel et al, p.20, 2017).

75À cette définition, certaines recherches démontrent que « l’accroissement de la performance économique des organisations passe par le développement de son potentiel humain » (Buono et Savall cités par Plane p.89, 2015). L’organisation en quête de performance est alors présentée comme un ensemble d’interactions comportementales, synchronisées, mené par un leader s’adaptant à ses collaborateurs.

76Le leader, au bloc opératoire, se situe pleinement dans cette dimension du fait de la recherche d’autonomie des acteurs et leur singularité, dans un espace restreint où les compétences exercées doivent être coordonnées pour garantir la performance recherchée.

Phase exploratoire : le protocole de recherche

77L’approche conceptuelle sous-entend plusieurs hypothèses :

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  • Le leadership du cadre du bloc facilite le management dispensé au cœur du système « bloc opératoire »,
  • Des qualités inhérentes à cette position sont attendues pour répondre au besoin d’anticipation, d’organisation et de régulation des activités,
  • Cette position lui permet d’orienter des actions collectives pour l’obtention de la performance multidimensionnelle du système.

Terrain d’étude

79Il convient de cibler désormais notre recherche au cœur du bloc opératoire, auprès des acteurs y exerçant, d’un point de vue opérationnel, quels que soient leurs rôles et places, incluant ceux dotés de responsabilités managériales. Nous choisirons l’environnement dans lequel nous évoluons en première intention (nommé BLOC 1) et un second bloc de même configuration au sein du Groupement Hospitalier de Territoire dans lequel notre établissement s’inscrit (BLOC 2). Cette comparaison nous permettra d’élargir notre vision, de confronter nos hypothèses et d’enrichir notre logique.

80Il est important de préciser que les blocs dans lequel nous déploierons notre recherche ont la même typologie, avec sensiblement le même nombre de salles d’interventions et le même statut.

Posture de recherche

81En tant que coordinatrice paramédicale du BLOC 1, il nous est impératif de nous positionner avec neutralité dans la recherche opérée, au sein de ce bloc. Afin de pouvoir confirmer ou infirmer nos hypothèses issues notamment de la littérature, il est nécessaire de nous avancer en tant qu’apprenti chercheur, sans position hiérarchique auprès des personnes sondées, pour éviter les biais que constituerait une relation d’influence et/ou d’autorité. Aussi, la recherche réalisée auprès d’un second bloc opératoire s’impose à nous et contribuera à maîtriser les limites d’une recherche menée exclusivement sur notre lieu d’exercice.

Choix des outils

82Pour garantir une recherche globale non sélective et une étude approfondie, la question de l’outil utilisé est essentielle pour engager et asseoir notre démarche hypothético-déductive.

83Dans la perspective d’expériences pertinentes, notre première étape s’orientera vers une méthode d’analyse qualitative avec la réalisation d’entretiens semi directifs, auprès du terrain d’étude sélectionné. Ces entretiens seront réalisés à l’aide d’un guide et enregistrés avec l’accord des personnes sondées. Les entretiens semi-directifs sont privilégiés pour favoriser la libre expression, en nous adaptant avec flexibilité aux personnes interrogées (Beaud, 1996).

84Ce type d’entretien visera alors l’obtention de nombreuses informations, en lien avec notre sujet de recherche. Les interactions constructives seront recherchées pour faciliter une collecte de données riches, pour une approche qualitative (G. Imbert, 2010).

85Secondairement, pour gagner en exhaustivité et enrichir le substrat collecté, une enquête ou recueil d’affirmations, liées à la vision de la performance recherchée au bloc opératoire, sera modélisée pour compléter les données issues des entretiens. Cette enquête sera réalisée sous forme de questionnaire auprès d’au moins 20 professionnels exerçant dans cet environnement. Ces acteurs de santé auront pour point commun leur milieu professionnel, mais se différencieront par leur mission première, leur rôle et leur place dans le système bloc opératoire. Ce recueil aura pour intérêt d’ouvrir et de confronter le champ conceptuel établi aux visions pluridisciplinaires, dans une démarche ouverte et réaliste. Le questionnaire sera distribué dans plusieurs institutions pour objectiver nos résultats.

86Cette enquête sera construite grâce à notre cadre théorique mais aussi grâce à certains travaux de recherche précédemment menés et validés, dans le cadre de la performance au bloc opératoire. L’analyse fonctionnelle du pilotage de la performance au bloc opératoire sera exploitée et détaillée pour obtenir chaque affirmation ou fonction, modélisant la vision stratégique de la performance au bloc opératoire. Ces travaux nous permettront de réduire le champ d’exploitation par des fonctions pragmatiques et reconnues. Cette enquête sera donc construite autour de 15 affirmations, en lien avec la vision stratégique du pilotage du bloc opératoire en quête de performance.

87Afin de garantir la pertinence de ce dernier outil, un test sera réalisé auprès d’un groupe d’experts, notamment acteurs exerçant des fonctions managériales au bloc opératoire.

88Son exploitation se fera par l’utilisation d’une échelle d’attitude, l’échelle de Likert. Cet outil psychométrique sera alors structuré grâce aux 15 affirmations, pour lesquelles une graduation de réponse sera attendue en cinq degrés, dont un point de neutralité pour faciliter les nuances. Cette grille de recueil nous permettra de mesurer l’opinion de l’acteur sondé en l’interrogeant sur son degré d’accord ou de désaccord vis-à-vis de l’affirmation énoncée.

89Cette méthode, que nous qualifierons d’hybride est une méthode « quali-quantitative » qui aura la richesse d’apporter des données vécues par des professionnels au cœur du système, associée à une étude quantitative, pour une vision réaliste et globale, partagée par une équipe pluridisciplinaire dans cet environnement complexe.

Échantillon

90L’échantillon des personnes interrogées, en utilisant la démarche d’entretien semi-directif, sera composé de 3 professionnels exerçant des fonctions managériales à ce jour au sein d’un bloc opératoire :

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  • 1 cadre Infirmier de Bloc Opératoire Diplômé d’État (IBODE), en poste au sein du BLOC 1,
  • 1 cadre Infirmier Anesthésique Diplômé d’Etat (IADE), en poste au sein du BLOC 1,
  • 1 cadre IADE, en poste au sein du BLOC 2, avec des fonctions de management de pôle territorial.

92Ce premier échantillon est non probabiliste et défini par commodité, les cadres visés étant accessibles et volontaires pour répondre à l’enquête. Ceci ne présente pas une limite au travail de recherche car l’enquête par entretien semi-directif est axée sur le rôle et les missions des cadres exerçant au bloc opératoire. Leur expérience sera riche d’enseignements.

93En parallèle, l’enquête quantitative, réalisée via les questionnaires, sera transmise et récupérée auprès d’au moins 20 professionnels exerçant au bloc opératoire, dans deux structures sanitaires distinctes, possédant une configuration similaire au vu du nombres de salles d’interventions et une activité opératoire polyvalente.

94Nous définirons un échantillon, également non probabiliste, par quotas, construit sur le critère « fonction exercée au sein des blocs opératoires ». Ce panel permettra d’obtenir une vision étendue du management de bloc, de la part de l’ensemble des acteurs de cet environnement.

95Le groupe concerné par ce recueil de données sera alors proposé a minima à : 4 IBODE ou IDE BO, 4 IADE / Infirmiers Diplômés d’État (IDE) exerçant en Salle de Soins Post Interventionnelle (SSPI), 2 Aides-soignants (AS), 4 Chirurgiens dont 1 exerçant des responsabilités organisationnelles, 2 Médecins Anesthésistes Réanimateurs (MAR), 4 cadres de proximité, 1 membre de la direction soit 21 professionnels. Chacun doit accepter de participer à l’enquête sans réticence, avec le principe d’anonymat posé.

96In fine, 47 professionnels ont accepté de répondre au questionnaire selon la répartition suivante :

Professionnels ayant répondu au questionnaireNombreReprésentativité des répondants
AS24 %
IBODE1532 %
IADE1123 %
CADRES49 %
CHIRURGIENS1021 %
MAR49 %
DIRECTION12 %

97Cette répartition devrait être pertinente et représentative proportionnellement de la population exerçant dans un bloc opératoire. L’intégralité des questionnaires retournés sera donc exploitée.

Méthode d’analyse

98L’analyse des questionnaires se fondera sur l’évaluation des affirmations par catégories professionnelles, avec une évaluation ordinale, selon le rang « d’approbation » obtenu pour chaque item. La mesure d’écart entre chaque rang ne sera pas recherchée. Ce choix d’analyse se fera donc prioritairement par ordonnancement en établissant le rang obtenu pour chacune des réponses, selon le taux d’approbation. Le croisement avec la profession exercée au bloc opératoire affinera notre étude, pour mesurer l’attitude de ces acteurs au cœur du terrain.

99L’étude des entretiens semi-directifs s’appuiera sur la formalisation d’un dictionnaire thématique, construit par codage manuel, après en avoir extrait les thèmes généraux et les catégories émergentes. Un verbatim, issu des propos retranscrits depuis ces entretiens, viendra illustrer nos réflexions et soutenir les affirmations issues des questionnaires.

Discussion et analyse des résultats

Une vision propre à chaque acteur

100Au préalable, un constat d’ensemble est saisissable : au sein de chaque corps de métier, hormis pour les aides-soignants, le degré d’approbation par questionnaire n’est pas uniforme. En effet, chaque répondant exerçant au cœur du bloc opératoire, avec sa spécificité professionnelle, possède une représentation propre de la place du cadre, du style managérial et des missions inhérentes à sa fonction en tant qu’acteur de la performance multidimensionnelle du bloc opératoire. Le graphique ci-dessous illustre nos propos.

figure im8

101Ainsi, il apparaît que le bloc opératoire est un système où chaque professionnel évolue avec son libre arbitre, en tant qu’acteur à part entière. Une modélisation unanime et universelle est alors complexe pour répondre aux représentations et aux attentes propres.

102Cependant, en affinant les réponses collectées par affirmation, nous relevons une réelle approbation pour certaines. D’un point de vue global, nous pouvons affirmer que pour ces affirmations, un consensus existe.

103

104Nous le retrouvons visuellement au travers de la représentation suivante :

figure im10

105L’analyse des affirmations sera réalisée selon les thèmes émergents de l’exploitation des entretiens semi-directifs.

106Nous retiendrons alors :

107

  • Le management opérationnel, ciblé par les affirmations 1-2-6-12,
  • Le style managérial et le leadership exercé, issus des affirmations 3-7-9-10-11,
  • Le climat social propre à l’environnement, exprimé par les affirmations 5-13-14
  • L’optimisation attendue, pointée par les affirmations 4-8-15.

Focus sur l’exercice managérial et les missions de cadre de bloc

108Pour les professionnels interrogés, quelle que soit la fonction exercée, l’affirmation -1- « Le cadre de bloc opératoire est l’acteur essentiel dans l’organisation de l’activité quotidienne (planification, gestion de l'aléa, gestion des plannings, respect des procédures) » apparaît clairement comme un postulat de base. Repris par Z. Mahmoud et Nathalie Angele-Halgand (p.80, 2018), ils « jouent un rôle crucial de pilotage au quotidien de la sur- et sous-utilisation des ressources grâce à une vision globale et en temps réel de l’ensemble du processus ». La représentation des missions essentielles du cadre exerçant au bloc opératoire est claire : pour chaque catégorie professionnelle, auditée, le cadre est garant de l’organisation et de l’articulation des différents processus opérationnels au sein du bloc opératoire. Au-delà de jouer un rôle d’acteur, il est alors le réalisateur de la mise-en-scène quotidienne, présent à toutes les étapes de concrétisation de l’activité opératoire. Les propos recueillis lors de l’entretien E3 conforte cette idée : « Ma place à surtout était au niveau de la régulation (…) la régulation quotidienne, la participation aux cellules de programmation pour justement optimiser au maximum les créneaux opératoires » « je pense que si nous n’étions pas là, parce qu’on récupère quand même beaucoup d’erreurs lors de la programmation… » complétés par le cadre lors de l’entretien E2 : « (la régulation) ...c’est le nerf de la guerre ».

109Pour mener pleinement ses missions organisationnelles, une utilisation optimisée de l’intégralité des ressources mises à sa disposition est fondamentale. Ainsi, pour l’affirmation -2- « Le cadre de bloc opératoire se doit d'optimiser les ressources humaines, matérielles et temporelles pour le bon fonctionnement », chacun exprime que l’encadrement est garant de l’optimisation des moyens qui lui sont confiés pour garantir la correcte exploitation du système. Dans l’entretien E1, le cadre le verbalise ainsi : « (le cadre) a un rôle de coordination, d’harmonisation de tous ».

110« Le cadre est le seul pilote de bloc opératoire », affirmation -6-, n’est pas partagée par tous. Les résultats indiquent en effet que plus de la moitié de l’équipe pluridisciplinaire ne reconnaît pas le cadre en tant qu’unique pilote. Serait-ce une question de légitimité, de partage des responsabilités, octroyant un pouvoir de décision à une équipe pluridisciplinaire en quête d’autonomie dans un pilotage coopératif ? En parallèle, la réponse des cadres de santé interpelle : deux cadres ont répondu être totalement en accord avec cette affirmation, deux cadres sont plutôt défavorables voir totalement. Les propos recueillis lors de l’entretien E1 et E2 abondent dans ce sens : E1, « Le cadre a quand même un rôle important. Moi, je dirais que ce n’est pas le seul…C’est pas lui qui va être responsable à 100 %, enfin dans l’organisation du bloc, il a un rôle très important, il ne pourra pas être le seul responsable parce que tu as des équipes pluri disciplinaires ». E2, « En sachant que pour moi, c’est le cadre du bloc qui mène la danse et pas les praticiens ni les équipes ». R. Bercot (p. 57, 2009) affirme d’ailleurs « la construction de la rationalisation des outils ne peut être le fait d’un seul décideur qui interviendrait sur l’organisation à partir de son expertise ». L’organisation du bloc opératoire et sa mise en œuvre ne dépendent donc pas exclusivement de la responsabilité managériale.

111Le management opérationnel implique de garantir des conditions de travail favorables à la réalisation des objectifs. Les cadres entendus lors des entretiens semi-directifs verbalisent une attention particulière à la sécurité des personnels exerçant au bloc opératoire. Les propos issus de l’entretien E1 le décline parfaitement : « C’est notre priorité, on essaie de faire en sorte que les équipes travaillent dans la sécurité et ne soient pas mises non plus à mal ». Au-delà de l’encadrement, c’est un attendu fort de l’ensemble des professionnels : signifié par 88 % d’approbation pour les professionnels IBODE-IADE, chirurgiens et 100 % par les cadres, médecins-anesthésistes et la direction. Également les cadres sollicités lors des entretiens ont enrichi le sujet en mettant en relief une mission essentielle relevant de la qualité et sécurité de soins destinés à la personne soignée. Lors de l’entretien E1, la mission première relevant du soin est explicite : « Qu’est ce qui est le plus important ? LE PATIENT, le patient est au centre et tout doit converger pour que le patient soit bien pris en charge », « Les missions fondamentales pour le cadre, c’est essayer d’organiser au mieux la prise en charge des patients en essayant de maintenir au mieux les conditions de sécurité et pour les patients et pour les équipes ». Le management opérationnel dispensé au bloc opératoire n’a de sens qu’au travers des missions et actions collectives répondant à l’objectif de soins, assurer qualité et sécurité auprès de la personne soignée.

L’exercice de la fonction : style et leadership

112Le cadre conduit, anime et orchestre l’équipe. Du fait de sa connaissance de l’environnement, il organise, planifie et décide. Cette gestion s’opère, avec un style managérial qui lui appartient, qu’il aura choisi, qu’il sera en mesure de produire. La sensibilité et la réceptivité de l’équipe pluridisciplinaire au style managérial et aux valeurs impulsées se traduisent par une adhésion forte à l’affirmation -3- « Les valeurs véhiculées par le cadre de bloc sont fondamentales pour assurer un management opérationnel efficace ».

113En toute logique, les réponses apportées à l’affirmation -7-, « Le style de management du cadre a un impact sur le comportement professionnel des acteurs de bloc opératoire », confortent cette idée. Les stratégies managériales utilisées impactent la dynamique de travail, l’exercice collectif et leur efficacité. Ceci est illustré par les propos recueillis lors des entretiens, E1 : « Respecter déjà l’équité dans les équipes et puis tu as des gens qui le jouent très bien, qui rentre très bien là-dedans, tu leur rends service, il te rende service » et E2 : « je fais confiance aux équipes », « Je fais preuve d’autorité quand il le faut, pour autant je pars du principe que le participatif est le plus intéressant pour tout le monde ». Les leviers individuels au management dispensé au cœur du bloc opératoire sont clairement explicités lors des entretiens. Positionnement juste, impartialité, bienveillance, discernement et confiance sont des forces et des atouts transposables pour chaque exercice managérial mais prégnants au sein de cet environnement. En parallèle, il est précisé lors des entretiens que chaque cadre trouve également force et légitimité grâce au soutien institutionnel qu’il lui est apporté. R. Bercot (p.62, 2009) signifie alors que l’exercice managérial dépend de « la légitimité qu’il, parvient à construire, les compétences qu’il met en œuvre ou qu’on lui attribue ».

114La position du cadre en tant que leader n’est pas pleinement partagée, notamment par les équipes paramédicales IBODE et IADE, pour qui le taux d’approbation est le plus faible (respectivement 77 % et 70 %). Selon Meyer, cité par Plane (p.3, 2015) « le leader entraîne les autres par sa capacité d’attractivité et conduit une équipe vers la performance durable ». Ainsi, le leader trouve toute sa place au bloc opératoire, ce qui est expliqué par l’encadrement, qui ajuste son leadership (E3: « Je pense qu’à un moment si on veut que ça avance, il faut savoir changer les choses, savoir s’adapter au quotidien et après avoir une ligne de conduite, est-ce qu’il faut être psycho rigide ? non je ne pense pas, est ce qu’il faut être dans l’empathie tout le temps, je ne pense pas non plus. Je pense qu’il faut essayer de trouver un juste milieu entre les deux »). Il s’agit alors au quotidien de s’adapter aux situations, aux imprévus et aux professionnels pour mener les forces vives aux résultats attendus. R. Bercot (2009) reprend ainsi Grosjean et Lacoste (1999) en évoquant « l’existence de nombreux arrangements » pour « construire l’équilibre ».

115Cependant, chaque acteur présent au sein de l’équipe est conscient de sa responsabilité face au souci de développement de ses compétences professionnelles. Le cadre doit favoriser l’acquisition de ses compétences mais il n’est pas le seul responsable. Plane (p.128, 2015) écrit alors : « dans son rôle de leader, le manager doit contribuer à former, aider, coacher, encourager les personnes au travail (…) Dans l’idéal, il devrait aider les individus à se développer eux-mêmes ». Il est facilitateur, encourage les professionnels au travail pour leur permettre cette évolution qui leur appartient, en lien avec toute activité présente au bloc opératoire. La mission du cadre sera alors d’identifier, avec et pour chaque acteur, leurs besoins propres pour aboutir à leur accomplissement professionnel et à la réussite de leurs tâches.

116Il n’y a pas de management sans communication. Comme le souligne S. Gentil (p. 34, 2012), « la communication est placée au cœur de l’agencement qui se construit en situation perturbée ». Les réponses apportées à l’affirmation -11- « Le cadre de bloc doit favoriser la communication entre les professionnels » en témoignent. Les interactions entre cadre et professionnels sont de réels vecteurs d’un travail de qualité. Les échanges sont la source de relations performantes, comme nous pouvons le retrouver dans l’entretien E2 : « c’est une transparence complète au niveau des personnels paramédicaux, on leur a tout expliqué, on leur a tout dit, on ne leur a rien caché, en sachant que malgré les explications, il y avait toujours des réticences assez claires, mais pour autant ils étaient au courant de tout, avec des choses négatives, des choses positives ». L’honnêteté et la transparence des informations sont une force pour le cadre qui doit adapter son savoir-être pour consolider la qualité des échanges dans cet environnement atypique. L’adaptation de la communication effective est une réalité de terrain, en tenant compte des interlocuteurs, des messages à véhiculer et des objectifs à atteindre. Ceci est clairement explicité lors de l’entretien E2 : « Quand il faut négocier, je négocie avec eux pour les places au bloc et j’obtenais gain de cause ». Ces échanges interdisciplinaires sont constructifs et favorisent une dynamique d’apprentissage, dans un contexte probable de perturbations (Gentil, 2013).

Un climat social à part entière

117La qualité de l’ambiance au bloc opératoire est plurifactorielle. Humainement, chacun y contribue, l’atmosphère qu’il y règne relève d’une responsabilité partagée. Le cadre, au quotidien, en tant que membre de l’équipe, participe à cet environnement, comme le souligne majoritairement l’ensemble des répondants. D’ailleurs, les propos recueillis lors de l’entretien E1 valide cette donnée : « Il ne peut pas être tout seul à porter et c’est pour ça qu’il y avait une autre question qui m’avait interpellée, sur la bonne entente ou le comportement des gens qui faisaient que tout le monde était facilitateur, ben oui, parce que si tout le monde travaille dans le même sens, ce sera obligatoirement facilitateur ». Au travers de l’affirmation -5-, « Le cadre participe et influence l'ambiance du bloc », la place du cadre au sein de cette équipe où se mêlent jeux de pouvoirs et individualités fortes est reconnue. Le cadre lors de l’entretien E3 le verbalise pleinement : « Ça ne pourrait pas, s’il n’y avait pas de cadre, chacun irait à son propre intérêt, même dans les salles d’op, chacun irait vers ce qu’il aime faire. Je pense après qu’il y aurait des dominants qui ressortiraient et en disant ben voilà moi j’ai choisi de faire comme ça et les personnes qui sont un peu plus… Elles prendraient le reste quoi, à mon avis ». Cette place stratégique n’est pas des plus faciles. Au-delà des leviers individuels et environnementaux, du leadership adopté, il apparaît que le cadre trouve également sa force dans le soutien qu’il lui est apporté.

118Au sein d’un bloc, le cadre n’est pas le seul à faire la météo mais de toute part, il y concourt. Follett (2002), cité par Plane (p.16, 2015) explique qu’« il est nécessaire de comprendre à la fois l’ensemble d’une équipe ainsi que chaque membre pris individuellement ». Le cadre doit être fédérateur et pouvoir mettre en cohérence ces individualités pour en faire émerger une force commune.

119Un climat serein améliore les conditions de travail, en limitant les risques psycho-sociaux et favorisant l’efficacité de chaque acteur. Le bien-être au travail amène la performance collective. L’approbation quasi unanime à l’affirmation -13-, « L'ambiance de travail peut favoriser le bon fonctionnement du bloc opératoire » le confirme.

120Cet environnement n’a de sens qu’au travers de l’équipe qui y gravite. Chaque acteur a un rôle propre et des compétences conformes à ses spécificités techniques. De l’articulation de ces compétences naît un avantage coopératif d’où émerge une intelligence collective forte. Au vu des réponses collectées, il apparaît que l’ensemble des professionnels en ont pleinement conscience.

L’optimisation des ressources pour la performance

121L’affirmation -4-, « La force d'un bloc opératoire est liée à plusieurs facteurs : qualité, sécurité, productivité » reçoit une approbation forte, hormis par le collège des IADE. Cette affirmation fait alors écho aux dires des cadres, ayant la connaissance des enjeux actuels au cœur des blocs opératoires (E3 : « on va vers une autre civilisation des blocs opératoires avec effectivement une recherche de « rentabilité » » et E2, « avec un taux d’occupation de 40 % en programmé, ce qui est vraiment très faible pour un bloc opératoire »). Le bloc opératoire est un système complexe, engageant des coûts et produisant de la valeur, il s’inscrit dans une logique médico-économique incontestable dans le but d’aboutir à un fonctionnement performant.

122Cette performance n’est pas que budgétaire, selon les répondants. En effet, l’affirmation -8, « La performance du bloc opératoire s'inscrit uniquement dans une dimension économique », se démarque par le recueil d’un taux faible d’approbation (entre 29 % pour les IADE et 40 % pour les aides-soignants, médecins-anesthésistes et la direction). D’emblée, il est évident que la performance d’un bloc se compose de plusieurs facteurs : la force d’une équipe, la qualité et la sécurité des soins réalisés, les ressources matérielles… Par définition, tout ce qui est susceptible d’améliorer la production de valeur. Ainsi, le système est soumis à des indicateurs quantitatifs et qualitatifs, nécessitant un suivi rigoureux pour objectiver la création de valeur face aux coûts engendrés.

123Cette évaluation fait l’objet d’un suivi de proximité pour devenir ensuite institutionnel. Le cadre du bloc est garant de leur production et de leur suivi. L’utilisation de ces indicateurs est un outil objectivant le fonctionnement (E3 : « Après on a commencé à travailler sur les indicateurs qui étaient un appui »). Doté de cette mission, le cadre a le souci d’y répondre pleinement. Les propos de chaque entretien l’illustrent : E1, « on est aussi un bloc qui était en perte de vitesse, il faut faire de l’activité et si on voulait aussi, regarde le nombre de fois où l’on a réorganisé les créneaux opératoires, les équipes et tout ça pour ne pas perdre d’activité », E2 : « tout cela en essayant d’avoir un taux d’occupation satisfaisant pour les salles de bloc » et E3 : « Je pense que depuis qu’on parle d’efficience, d’activités qu’il faut remonter… qu’on est en déficit et que du coup, il faut faire des efforts pour remonter ». Au travers de ces entretiens, il est évident que chaque cadre de bloc est pleinement investi de ces missions d’optimisation des ressources et de suivi qui lui sont allouées.

124L’affirmation -15-, « Au quotidien, le cadre devrait être le seul pilote du bloc opératoire », réinterroge la place et la posture du cadre au bloc opératoire. Situé au carrefour des exigences, il n’est pourtant pas perçu comme le pilote exclusif des ressources, mis à part pour les médecins-anesthésistes et le collège des cadres. Les propos de l’entretien E3 soulignent alors la place des instances stratégiques fonctionnelles, soutenant l’implication managériale : « Et avec l’évolution, on s’aperçoit que non là on parle plutôt d’efficience et donc on est plus « oui vous avez de l’activité : on vous attribue les créneaux au regard de votre activité » et ce n’est plus le bloc dirigé par les chirurgiens mais c’est la cellule de programmation. ». P. Lorino (p.2, 2003) définit l’action de piloter en ces termes « c’est définir et mettre en œuvre des méthodes qui permettent d’apprendre, collectivement à agir ensemble de manière performante, à agir ensemble de manière de plus en plus performante ». Le cadre de bloc est garant des ressources, responsable de leur utilisation optimisée et soucieux de l’ambiance de travail, la reconnaissance d’une place de pilote ne pourrait-elle pas lui être accordée ?

Préconisations

Le leadership du cadre du bloc facilite-t-il le management dispensé au cœur du système « bloc opératoire » ?

125Selon Follett cité par Plane (p.16, 2015), le leadership démontre sa qualité par la cohérence d’articulation des compétences des acteurs au sein d’une organisation établie. Il met à profit les forces, qualités et aptitudes des membres d’une équipe.

126Au cœur du bloc opératoire, l’équipe représente une somme de compétences fortes qu’il s’agit d’identifier, renforcer et capitaliser pour obtenir une organisation efficiente. Nos éléments de recherche abondent dans ce sens : le cadre en poste se doit de déployer un leadership novateur pour favoriser l’émergence d’une intelligence collective au cœur de ce microcosme opératoire, en tant que « dynamique collaborative de production de savoirs réflexifs interactifs ». (O. Gréselle-Zaïbet, p. 223, 2019). À ce titre, chaque acteur deviendra co-responsable de la performance du bloc.

127Ainsi, il apparaît que le leadership du cadre de bloc est un facteur prédominant dans le management de cette équipe pluridisciplinaire, pour obtenir les résultats recherchés et répondre aux objectifs qualitatifs et quantitatifs. Le style, empreint de confiance et utilisant la communication à bon escient, sera choisi coopératif et humaniste. Il doit être privilégié et adapté à l’analyse fine de l’environnement, en développant approche situationnelle et maîtrise des risques.

128Le cadre peut alors être comparé à un véritable architecte social (Bennis cité par Plane, p.26, 2015) utilisant un « ciment émotionnel avec ses collaborateurs ».

129Ainsi, nous comprendrons qu’occuper ce poste est une mission cruciale pour la pérennité d’un système productif serein. Il est primordial de s’attarder avec vigilance et pertinence au recrutement du professionnel en mesure de déployer une telle énergie dans cet environnement, après avoir clairement identifié les contours et les attendus.

Des qualités inhérentes à cette position sont attendues pour répondre au besoin d’anticipation, d’organisation et de régulation des activités.

130La qualité du leadership appartient au professionnel exerçant des missions de management, selon ses propres capacités à l’exercer et sa personnalité. Au sein du bloc opératoire, le leadership du cadre serait renforcé par une posture enthousiaste et engagée (Adair cité par Plane, p.81, 2015). Ses qualités personnelles, professionnelles et son expertise technique lui permettront d’articuler l’activité opératoire grâce à son souci d’anticipation, par sa maîtrise des compétences présentes.

131Au-delà de ses qualités opérationnelles, pour favoriser la gestion globale, Bennis et Biederman (repris par Plane, p.30, 2015) démontrent qu’un leader actuel, exerçant pour répondre à des objectifs de performance, se doit d’être fédérateur pour œuvrer vers une « collaboration créative », ayant connaissance des « talents et compétences » qu’il mobilisera avec finesse. Ceci est conforté par Golemann (1995) (cité par Plane, p.47, 2015) qui y ajoute la notion d’« l’intelligence émotionnelle » et notamment d’empathie, avec une aptitude à comprendre les émotions pour mieux les gérer. Kirkpatrick et Locke (1991) (repris par Plane, p.36, 2015) révèlent que le leader détient des qualités personnelles avérées telle le dynamisme, l’intégrité, l’assurance, la forte implication.

132Ces traits de personnalité seront de réels avantages. Cependant il est indispensable que les stratégies managériales mises en œuvre tiennent compte de l’environnement pour développer une créativité pertinente (Plane, p.38, 2015), dans une logique organisationnelle sensée.

133Ses qualités indéniables seront la force du cadre de bloc, qui devra néanmoins bénéficier de formation adaptée à son exercice, pour consolider ses aptitudes au fil du temps.

Cette position lui permet d’orienter des actions collectives pour consolider la performance multidimensionnelle du système.

134Bennis (cité par Plane, p.26, 2015) décrit le leadership par « la capacité d’un individu à avoir une vision globale, de la traduire en action concrète tout en maitrisant la durée ». Cette définition appelle bien un processus d’actions managériales dans une logique de performance durable.

135La notion de performance est relative à la définition des objectifs. Pour rappel, elle se mesure grâce au couple coût-valeur : améliorer la création de nette de valeur dans une logique de minimiser les coûts (Lorino, 2003). La création de valeurs est le fruit d’une coopération organisée et non l’engagement polyvalent d’un seul individu (Lorino). Cet auteur précise alors qu’il ne peut y avoir de pilotage de la performance sans apprentissage collectif (« apprendre à faire mieux ensemble »). Mobiliser les acteurs, capitaliser les compétences collectives et s’engager pour un pilotage coopératif sont essentiels pour garantir une démarche participative productive au cœur de cet environnement. Des espaces de communication formels garantissent cette perspective (Gentil, 2013).

136Au quotidien, le cadre de bloc opératoire, exerçant avec un leadership approprié, anticipe (avec stratégies), évalue (selon sa vision globale et sa connaissance) et décide des actions opérationnelles en utilisant les forces vives à disposition pour répondre aux objectifs de performance. L’efficience de ces actions managériales sera en partie traduit par des indicateurs, réels outils de gestion collectés dans des tableaux de bord. Reprenant les activités de suivi, de mesure et d’alerte, ces outils seront utilisés pour définir et orienter les stratégies collectives.

137Enfin, le cadre, leader et pilote, trouvera sa force en étant reconnu et légitimé dans sa fonction. Cette organisation nécessite alors de s’inscrire pleinement dans un schéma de pilotage, construit avec l’ensemble des décideurs et collaborateurs. Ce schéma aura pour but de traduire et formaliser la gouvernance du système, pour positionner la responsabilité, répartir le rôle des acteurs et asseoir l’autorité. R. Bercot (2007) insiste sur l’importance de la place et les rôles des instances propres au bloc opératoire.

Conclusion

138Au travers de cette recherche, il apparaît qu’exercer des fonctions managériales au bloc opératoire est un réel défi, dans ce lieu à haut risque où productivité et sécurité doivent être quotidiennement entretenues. Être cadre de bloc opératoire est une fonction relevée par un professionnel doté d’un investissement évident dans cette culture de performance de nos institutions hospitalières actuelles (Gentil, 2012).

139Son expertise technique et la connaissance de l’environnement sont des atouts sur le terrain où anticipation et confiance sont essentielles (Bercot, 2009). Ces qualités managériales sont alors des facteurs de croissance dans ce contexte particulier. Son leadership, situationnel et participatif, seront gages d’un management opérationnel visant à encourager un travail collectif productif, avec un objectif commun (Plane, 2015).

140Le cadre de bloc est garant de la conjugaison des actions et compétences de cette équipe afin de fournir le bon soin, au bon moment, au bon endroit et par le bon professionnel. Il doit pouvoir répondre face à l’aléa. La communication sera alors un outil essentiel, facilitant les interactions et la coordination dynamique des professionnels présents (Gentil, 2013). Au regard du fonctionnement de cet environnement, il paraît essentiel de créer des espaces de temps et de lieu formels, dédiés à favoriser cette communication.

141Acteur de chaque instant, il puise sa force au quotidien en étant également soutenu dans ses décisions, qui relèvent des orientations stratégiques établies par le conseil de bloc pour optimiser la gouvernance du bloc opératoire. Cette commission pluridisciplinaire a pour mission de fixer les objectifs du bloc opératoire en concordance avec le plan stratégique d’établissement, d’élaborer des règles de fonctionnement du bloc opératoire et de suivre leur respect, d’analyser l’efficience des soins prodigués aux patients et surveiller les conditions de travail des personnels et les conditions d’exercice des praticiens, dans une démarche permanente d’amélioration continue (Bercot, 2007). Réaffirmer ses principes en établissant les responsabilités et les fonctions de cette instance sera le socle d’une gouvernance optimale.

142Fort de cet appui, le cadre conduira l’articulation des compétences pluridisciplinaires vers la cohésion, dans un environnement où l’optimisation de l’intelligence collective est la clé d’une performance multidimensionnelle confirmée.

143Ce travail de recherche a été mené avec l’aide de professionnels de plusieurs structures sanitaires de même configuration. Ceci a permis de démontrer la posture et le leadership attendus du cadre au bloc, entre performance et sécurité. Cependant cela a limité notre exploration à ce type d’environnement (spécialités, configuration de la structure, profil patient, organisations paramédicales).

144Cet écueil pourrait être levé en élargissant nos perspectives d’étude au-delà de ce modèle, en ouvrant le champ aux structures de taille plus conséquente, accueillant davantage de patients, avec des propositions thérapeutiques plus importantes, avec ou non le même statut.

145Étendre cette recherche dans le domaine sanitaire nous permettrait d’affiner notre analyse, avec pour fil conducteur le développement de l’intelligence collective présente au cœur de cet environnement en tant que force vive d’un système.

146Également, la pertinence de ce travail et ses apports dans la gestion quotidienne d’un système pourrait être transposable dans tout environnement, dans l’univers de la santé ou du monde de l’entreprise, avec ses spécificités où s’exercent des relations interdisciplinaires propres, où le milieu influe sur l’organisation et in fine sur les stratégies managériales nécessaires pour tendre à la performance.

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Mots-clés éditeurs : stratégies managériales participatives, leadership, Bloc opératoire, performance, compétences, équipe pluridisciplinaire

Date de mise en ligne : 17/02/2021

https://doi.org/10.3917/proj.hs01.0085

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