Le débat sur la décolonisation des humanités rejoint et poursuit les interrogations sur l’universalisme que se posent de plus en plus les penseurs, écrivains et artistes des différentes régions du monde y compris en Occident (Jack Goody, 2010). Dépassant le stade de simple échange intellectuel et académique, ce débat est devenu au fil du temps un exercice hautement politique qui ramène à la géopolitique de la domination et aux rapports de force sur lesquels reposent les hégémonies économiques et socioculturelles (Aimé Césaire, 1955)
Quand l’on sait les implications cognitives et psychologiques des significations du monde que l’on utilise (ValentinYves Mudimbe, 1988), on est tenté de se demander pourquoi cette nécessité de décoloniser les humanités et ces questionnements sur l’universalité adviennent-ils aussi tardivement, c’est-à-dire plus de trois cents ans après « le siècle des Lumières » où les bases de l’universalisme occidental avaient été jetées et plus de 60 après les indépendances africaines. Pourquoi maintenant et pas au moment où les nouvelles nations sud-américaines, asiatiques, et africaines libérées du colonialisme se dotaient de nouveaux cadres éthiques, politiques, culturels et éducatifs ?
Une partie des réponses à ces questions est à rechercher dans la force rhétorique de l’hégémonie européenne qui, contrairement à d’autres dominations, a su construire un blindage conceptuel à toute épreuve qui a découragé pendant des siècles la prévalence d’autres explications du monde…