Le projet de modernisation inscrit dans les politiques coloniales en Afrique se rapportait à la conception d’une évolution « unilinéaire ». Les pays colonisés étaient définis comme présentant un retard social et culturel marquant par rapport aux pays colonisateurs. Ces derniers prétendaient incarner un « modèle de civilisation » que la tutelle coloniale avait pour tâche de transmettre aux peuples dominés sur lesquels s’exerçait leur pouvoir – modèle essentiellement exogène, ne supportant pas de véritable acculturation avec les systèmes socioculturels antécédents. Tenir compte de l’état social antérieur ressortait de mesures de transition que l’Administration coloniale rangeait dans la catégorie de la « politique indigène ». Les « élites nouvelles », parcimonieusement constituées au fil du temps, avaient eu accès de façon mesurée aux formations intellectuelles et techniques concédées par la métropole, dans la voie d’une « politique d’assimilation » bien tempérée. La transition coloniale, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, fut relativement courte?: une quinzaine d’années, ponctuées de contradictions non dénuées de violence. Les nouveaux pouvoirs endogènes étaient conviés à prendre place dans le système construit par les maîtres précédents, dont la logique demeurait largement exogène. Au moment crucial de la passation des pouvoirs, la problématique de l’ajustement d’une gestion impulsée de l’extérieur, se proclamant idéologiquement démocratique, aux réalités sociales et culturelles des peuples libérés du lien colonial commandait le sens des temps nouveaux…