Le terme même d’intellectuel, dans l’acception que nous lui connaissons aujourd’hui, date du milieu du XIXe siècle. Mais l’on sait que sa réelle promotion est liée à l’affaire Dreyfus et au nom qui lui est associé : celui de Zola. En effet, lui qui n’avait pas spécialement le souci du combat social s’est un jour senti porteur d’une mission qui l’a conduit, sans qu’il puisse s’en exempter, comme pour répondre à une injonction, à s’engager pour une cause et à écrire son célèbre : « J’accuse ». C’est dans cet événement que s’est nouée l’articulation – injustice politique, intervention d’un philosophe ou d’un écrivain et support de grande et moyenne diffusion –, qui a été la pierre angulaire de la figure moderne de l’intellectuel.
Cela ne signifie pas pour autant qu’il n’y ait pas eu des intellectuels auparavant, mais cette entrée en force, dans l’urgence d’un événement et par la médiation d’un journal, d’une parole en porte-à-faux avec toutes les évidences du moment, a promu une nouvelle figure qui, longtemps, sera l’emblème de l’engagement de l’intellectuel. Que des philosophes, des scientifiques ou des artistes, du moins ceux dont la pensée a pu susciter l’intérêt du débat d’idées, n’aient pas été absents du combat politique, cela est avéré. On ne peut nier que Platon, Hobbes, Rousseau, Voltaire, D’Alembert, Hugo, Lamartine, Benjamin Constant, Courbet, entre autres et tous, à des titres différents, s’employèrent à dire haut et fort leur conviction jusqu’à participer à des combats en vue de l’émancipation des peuples et des consciences…