Si l’on s’en tient rigoureusement à ses prétentions originelles, Présence Africaine évoque d’abord un espace de création qui s’est donné pour ambition de publier des « textes d’Africains (romans, nouvelles, poèmes, pièces de théâtre, etc.) », des « études d’Africanistes sur la culture et la civilisation africaines » et de « passer en revue des œuvres d’art ou de pensée concernant le monde noir ». Il renvoie ensuite à un lieu où entendaient s’affirmer des « déracinés » qui n’étaient tels que « dans la mesure précisément [où ils n’avaient pas] encore pensé [leur] position dans le monde et [s’]abandonn[aient] entre deux sociétés, sans signification reconnue dans l’une et dans l’autre, étrangers à l’une comme à l’autre ».
Cette volonté d’occuper une position dominante dans le champ scientifique, littéraire et politique de l’Empire colonial français manifestée dès sa création par la revue Présence Africaine va organiser pendant longtemps un champ littéraire « négro-africain » dont on peut établir désormais, selon la formule de Bourdieu, « la structure objective des relations entre les positions occupées par des agents dans ce champ et analyser les habitus des agents, les différents systèmes de dispositions qu’ils ont acquis à travers l’intériorisation d’un type déterminé de conditions sociales et économiques et qui trouvent, dans une trajectoire définie à l’intérieur du champ considéré, une occasion plus ou moins favorable de s’actualiser ». Si ces trois critères permettent de déterminer l’existence d’un champ littéraire, c’est surtout à l’analyse des dynamiques qui l’agissent qu’on procédera ici…