Notes
-
[*]
Docteur d’État en géographie humaine. Auteur de publications principalement consacrées à l’évolution de la population, de l’économie et de la société de l’Afrique noire. Son ouvrage Afrique noire, démographie, sol et histoire a été publié chez Présence Africaine.
-
[1]
Cf. Taton (René), La Science antique et médiévale, PUF, 1994.
-
[2]
Juttikala (Eino), Histoire de la Finlande, trad. Claude Sylian, éditions La Baconnière, Neuchâtel, Suisse, 1978.
-
[3]
Bulletin de l’IFAN, tome 37 série B 1975 n° 1, p. 154-233.
-
[4]
Éditions Karthala, Paris.
-
[5]
D’après Daniel Etounga Manguelle, L’Afrique a-t-elle besoin d’un programme d’ajustement culturel ?, Éditions Nouvelles du Sud, 1993, p. 103-106, et la revue Images économiques du monde, de 1980 à 2000.
-
[6]
Abdelilah-Bauer (Barbara), Le Défi des enfants bilingues, éditions La Découverte, 2006.
1On constate que les anciennes colonies françaises de l’Afrique subsaharienne se développent relativement peu et mal. L’une des principales causes en est le système d’enseignement qui exclut totalement l’utilisation des langues autochtones.
2Nous passons très rapidement en revue les points suivants :
- les inconvénients d’un enseignement exercé dans la seule langue de l’ancien colonisateur ;
- le précédent finlandais ;
- l’exemple actuel des écoles et des éditions bilingues ;
- les réponses à quelques objections ;
- la stratégie à mettre en œuvre.
Les inconvénients d’un enseignement exercé dans la seule langue du colonisateur
3Le jeune élève comprend moins vite, souvent mal, ou même pas du tout, d’où son redoublement ou son abandon.
4Du point de vue social une coupure profonde s’établit non seulement entre l’enfant et sa famille mais entre les citoyens instruits en français (peu nombreux) et tous les autres (y compris les alphabétisés en langues autochtones, enfermés dans un savoir « fonctionnel » des plus sommaires et inextensible). La masse de la population reste ignorante.
5Au plan politico-administratif, les cadres sont séparés du peuple ; le peuple ne participe pas. Il n’y a pas de démocratie possible (les administrés ne peuvent contrôler les administrants, ni proposer quoi que ce soit).
6Dans le domaine économique, la rentabilité de l’enseignement est particulièrement faible. Le développement économique ne peut se produire en raison du très petit nombre de scientifiques et de techniciens compétents. D’immenses gisements d’intelligence sont perdus.
7D’une façon générale, les historiens observent :
- que l’Europe n’a acquis son dynamisme économique et social et développé des techniques nouvelles qu’à partir du xvie siècle quand les langues parlées par les habitants ont été utilisées par l’intelligentsia à côté du latin (cf. C. A. Diop interviewé au Niger en 1984) ;
- que la rareté des progrès scientifiques et techniques au Moyen-Âge s’explique par le « cloisonnement intellectuel » entre le clerc (qui compulse les manuscrits rédigés en latin) et « l’artisan, le maître d’œuvre à peu près illettrés [1] » ;
- que la Finlande s’est développée à partir de la seconde moitié du xixe siècle en transcrivant le finnois et en l’utilisant pour l’enseignement et l’administration, en même temps que le suédois, langue de l’ancien colonisateur. Le géographe, pour sa part, constate aujourd’hui une coïncidence entre les régions les plus pauvres économiquement, les moins techniquement avancées et celles où la langue de l’administration et de l’enseignement est foncièrement différente de celle des habitants, par exemple dans les pays d’Amérique du Sud.
Le précédent finlandais
8La superficie de la Finlande est environ une fois et demie celle du Sénégal et sa population deux fois moindre et majoritairement groupée dans les régions littorales du Sud. Les faits qui suivent sont tirés de : Eino Juttikala, Histoire de la Finlande [2].
9La Finlande fut colonisée par la Suède du xiie au xviiie siècle. Le suédois était la seule langue officielle. La domination russe qui suivit à partir de la fin xviiie siècle et au xixe siècle ne réussit pas à imposer le russe. Le suédois resta la langue de l’enseignement et de l’administration. Le finnois ne fut utilisé que pour l’enseignement religieux de base et pour le niveau le plus élémentaire, très partiellement dispensé par des ecclésiastiques. Cette langue est apparentée à un groupe linguistique d’Asie centrale et septentrionale et n’a rien de commun avec les langues européennes. Un peu avant le milieu du xixe siècle, un dictionnaire et une grammaire furent élaborés et les chants populaires finnois, très poétiques, mis par écrit. C’est la toute première œuvre de la littérature finnoise. En 1858, le finnois fut décrété langue de l’administration locale dans les communes rurales où il était parlé par la majorité des habitants. Deux délégations de paysans osèrent ensuite demander au tsar que le finnois soit adopté aussi dans l’enseignement et dans la procédure judiciaire. Le tsar signa le décret en 1863. En 1865, les municipalités purent commencer à ouvrir des écoles primaires finnoises. Une seule école secondaire de langue finnoise fonctionnait, fondée dès 1858 (école privée). C’est à partir de 1883 qu’un net changement intervint dans la politique scolaire grâce à l’action d’un sénateur conscient de la situation et, en 1889, les écoles secondaires finnoises comptèrent autant d’élèves que les écoles suédoises. En 1894, l’université devint bilingue.
10Parallèlement, les relations commerciales avec l’Ouest devenaient plus actives et plus diversifiées. Ce fut pour la Finlande « une ère de progrès dans tous les domaines ». Les produits industriels finlandais avaient atteint à la fin du siècle « un stade de développement plus avancé qu’en Russie ».
11Consécutivement à la révolution russe de 1917, après des troubles et des élections, la Finlande fut reconnue indépendante par l’Union soviétique en 1920 et sa constitution stipula que finnois et suédois étaient les deux langues nationales de la république. L’égalité des deux langues fut confirmée par une loi en 1922. Le niveau d’instruction des populations put s’accroître grâce à l’entrée en vigueur d’une loi de 1921 instituant six années de scolarité obligatoire.
12La Seconde Guerre mondiale fut très dommageable à la Finlande, piégée entre les Allemands et les Russes. Néanmoins, une trentaine d’années après la fin de la guerre, en 1977, le Produit intérieur brut (PIB) par habitant atteignait 6 654 dollars, classant la Finlande au 18e rang mondial devant le Royaume-Uni (Angleterre), l’Espagne et l’Italie, mais derrière les autres pays scandinaves, l’Allemagne occidentale et la France. En 2002, le Revenu national brut (RNB) par habitant la situe au 11e rang mondial, devant l’Allemagne et la France et derrière les autres pays scandinaves et le Royaume-Uni avec 23 890 dollars. L’indicateur de développement humain (IDH) classe la Finlande au 13e rang, devant la France, le Danemark et l’Allemagne. Cet indicateur est calculé par le PNUD selon trois critères : espérance de vie à la naissance, taux d’alphabétisation des adultes et parité de pouvoir d’achat en dollars (PPA), par habitant. Récemment, la Finlande était en tête du classement international portant sur le niveau en mathématiques des élèves de quinze ans. Et ce pays est l’un des leaders dans l’industrie du téléphone portable.
13À environ un siècle de distance, le cas de la Finlande colonisée par la Suède est tout à fait analogue à celui des anciennes colonies d’Afrique.
14La langue des habitants était radicalement étrangère à la langue du colonisateur et elle était restée essentiellement orale.
15L’empreinte coloniale était totale : administration et enseignement.
16On retiendra :
- qu’une école secondaire en langue finnoise a précédé l’ouverture des écoles primaires municipales ;
- que les écoles en langue nationale (des niveaux primaire et secondaire puis supérieur) se sont développées en trente-six ans (entre 1858 et 1894), d’abord lentement, ensuite, rapidement (1883-1894) ;
- que le développement des écoles s’est accompagné d’un développement économique et démocratique très remarquable en une quarantaine d’années et que ce développement s’est confirmé entre les deux guerres puis après la Seconde Guerre mondiale ;
- que jusqu’à présent les formulaires administratifs sont bilingues et que les deux langues sont obligatoires dans les programmes scolaires des cycles correspondant aux collèges et aux lycées.
L’exemple actuel des écoles bilingues et plurilingues et des éditions bilingues
17Depuis quelques décennies, les écoles bilingues se multiplient dans le monde. Le contexte commercial, intellectuel et politique les rendent particulièrement utiles et bénéfiques, tant pour les élèves qui ont la chance de s’y trouver que pour la société en général. La méthode habituelle consiste à enseigner la moitié des matières à étudier dans la langue du pays, et l’autre moitié dans la langue étrangère choisie dès que celle-ci est suffisamment assimilée. En outre une troisième langue est généralement apprise parallèlement et même une quatrième, que ce soit dans les écoles internationales ou dans les écoles nationales bilingues. Il est clair que le bilinguisme à l’école est non seulement réalisable, mais hautement recommandable et que l’on peut s’inspirer des méthodes qui y sont appliquées en les adaptant, s’il y a lieu, à la situation spécifique du système éducatif en vigueur dans l’Afrique subsaharienne actuellement.
Les éditions bilingues
18On notera, par ailleurs, le développement récent de la publication de livres bilingues (romans et autres) selon le système des « juxta » utilisé jadis par les lycéens latinistes : sur la page de gauche le texte latin, sa traduction en français sur la page de droite.
Réponses aux objections souvent avancées
191 – Les langues africaines ne permettraient pas d’exprimer le contenu des différentes matières, spécialement en mathématiques et en sciences. C’est absolument faux : non seulement ce qui fut possible pour le finnois l’est pour n’importe quelle autre langue, mais le travail dans ce sens est déjà en partie réalisé au Sénégal grâce aux travaux de Cheikh Anta Diop, Arame Fall Diop et Sakhir Thiam. On se reportera à l’article « Comment enraciner la science en Afrique : exemple walaf (Sénégal) [3] », dans lequel C. A. Diop a traduit en wolof la théorie des ensembles, la physique mathématique et théorique, l’organisation de la matière au niveau quantique, la relativité restreinte et générale ainsi que la cosmologie relativiste avec, en annexe, la terminologie de l’algèbre tensorielle, et enfin, la chimie quantique. Les pages de gauche sont rédigées en français, celles de droite en wolof. Madame Arame Fall Diop, linguiste, en a tiré un lexique mathématique et scientifique. Elle a par ailleurs publié, en collaboration, un dictionnaire wolof [4], traduit des livrets pour la santé et autres textes en wolof. Le professeur Sakhir Thiam a enseigné la mathématique en wolof à l’université.
202 – Les parents veulent que leurs enfants soient scolarisés en français. – Réponse : oui, mais c’est parce que tout l’enseignement secondaire s’exerce exclusivement en français et que l’administration n’utilise que le français, ce qui constitue un énorme frein au développement ne serait-ce que parce que des dizaines de milliers d’intelligences restent en friche du seul fait de ce système. Dès que les parents sauront que leurs enfants pourront accéder au fonctionnariat et autres professions en utilisant aussi leur propre langue, ils seront ravis que leurs enfants apprennent également dans cette langue qui leur permettra de comprendre beaucoup mieux et beaucoup plus vite (l’expérience en a été faite) la mathématique, les sciences et les techniques qu’ils ont un urgent besoin de connaître afin d’évoluer.
213 – Le morcellement linguistique est tel qu’on ne peut envisager de traduire les manuels scolaires en autant de langues. – Réponse : ce morcellement n’est pas pire que celui des trois pays baltes, des divers pays scandinaves, des pays balkaniques, de l’ex-Yougoslavie, du « Benelux », de la Suisse… Il suffit de choisir les langues maternelles ou véhiculaires les plus largement répandues et/ou ayant un grand nombre de locuteurs : Bambara, More, Pulaar, Wolof, Haoussa, Yoruba, Sango… À cet égard, le cas de l’Islande est particulièrement instructif et devrait être plus connu. L’indépendance proclamée en 1944 met fin à sept siècles de domination d’abord norvégienne, ensuite danoise. Les Islandais ont aussi leur langue propre et avaient été « danisés ». Au départ, les ressources sont essentiellement halieutiques ; s’y ajoute un élevage surtout ovin. Mais, depuis son indépendance, l’Islande a beaucoup progressé, grâce à une exploitation systématique, par ses ingénieurs, de cette inépuisable source d’énergie électrique que constitue sa géothermie (cultures variées en serres, chauffage des habitations, piscines… mais aussi des industries variées : aluminium, ferrosilicium, constructions navales, tourisme…). Or, la population ne compte en tout et pour tout que 300 000 habitants et elle a plus que doublé depuis 1951 (143 000 !). Dès 1982, son PNB par habitant se classe au 13e rang dans le monde (avant la France et la Finlande) et en 1999 au 7e rang (RNB et IDH). La plupart des travailleurs et des patrons sont syndiqués. Le taux de chômage est resté bas (passant de 0,5 à 1,3 %) grâce à un taux de croissance moyen de l’ordre de 3 % par an (malgré des périodes d’inflation) et à des taux d’investissement élevés dans l’industrie. Tout travailleur a droit à la sécurité sociale, à l’assurance chômage et à cinq semaines de congé annuel. L’école est obligatoire pour tous les enfants de 7 à 16 ans. Le taux d’alphabétisation est de 99 %, l’espérance de vie est de 81 ans pour les femmes, 78 ans pour les hommes. Le salaire d’un ministre est tout juste cinq fois plus élevé que celui du travailleur le moins payé du pays. Les enfants créent des jardins maraîchers leur jour de congé hebdomadaire et les internats des collèges sont transformés en hôtels touristiques pendant les mois de vacances [5].
224 – L’expérience a échoué en Guinée et à Madagascar – Réponse :
- ces expériences se sont faites à une époque où les cadres et les enseignants africains étaient beaucoup trop peu nombreux et insuffisamment expérimentés ;
- les supports matériels didactiques manquaient ;
- le passage d’un système d’enseignement à l’autre s’est effectué brusquement ;
- le nouveau système était lui aussi monolingue.
- il s’agit d’un enseignement bilingue ;
- la mise en application proposée est très progressive ;
- les pays africains disposent aujourd’hui de milliers de bacheliers et de diplômés de l’enseignement supérieur, tant en Afrique que dans la diaspora ; ils peuvent suffire pour commencer.
- les progrès techniques réalisés depuis quarante ans permettent un enseignement plus efficient.
Stratégie à mettre en œuvre, un système approprié
Comment commencer ?
23Pour réussir, compte tenu de la situation actuelle, le passage d’un système à l’autre ne peut être que progressif. La réforme qui semble être la plus judicieuse consisterait à s’inspirer à la fois du modèle finnois, des écoles bilingues/multilingues et des éditions bilingues. Pour obtenir le plus rapidement possible (en 4 ans et 7 ans) des cadres moyens bilingues à même de servir dans l’enseignement primaire et dans la fonction publique, la première mesure à prendre serait de commencer tout de suite le bilinguisme à partir de la sixième, c’est-à-dire la première année de l’enseignement secondaire général et technique (tout en maintenant, évidemment, les efforts déjà entrepris au niveau des premières classes de l’enseignement primaire). Comme les classes de sixième sont beaucoup moins nombreuses que les classes du primaire, la réforme serait bien plus facile à appliquer. De l’avis des linguistes et autres spécialistes, les enfants sachant déjà bien écrire le français en sortant du CM2, apprendraient très vite à maîtriser la lecture et l’écriture de leur langue (un mois ou deux). L’assimilation sera encore plus rapide pour les professeurs. D’ailleurs, on commencerait seulement par la mathématique et les sciences.
24Pour ce faire, il faudrait préalablement élaborer des manuels ou fascicules bilingues, pages de gauche en français, pages de droite dans la langue nationale ou régionale. De cette façon, les parents comprendraient qu’il ne s’agit pas d’un « enseignement au rabais », la matière étant exactement la même que celle du programme rédigé en français. La rédaction préalable de ces supports écrits bilingues serait élaborée par un groupe de linguistes et de professeurs. Il ne manque pas, tant en Afrique qu’en Europe, d’enseignant(e)s et/ou de diplômé(e)s et de retraité(e)s qui seraient intéressé(e)s par le travail de traduction en échange d’une rétribution complémentaire ou principale raisonnable. Un(e) coordinateur(trice) devrait être désigné(e).
25Il conviendrait d’insérer dans les horaires, à partir de la sixième (1re année de l’enseignement secondaire général et technique), puis les années suivantes, deux heures hebdomadaires consacrées à l’enseignement de la langue nationale concernée : dictée, grammaire, littérature, rédaction… Pour cela aussi des fascicules devraient être produits. (Une littérature existe déjà en wolof et dans d’autres langues).
Privilégier les établissements d’enseignement scientifique, technique et entrepreneurial
26S’agissant d’obtenir une élévation du niveau de vie et un développement économique harmonieux, il faudrait, autant que possible, créer dans chaque région administrative, chaque « province », un établissement de diffusion des connaissances les plus directement utiles au développement, c’est-à-dire une école polytechnique du niveau du secondaire qui soit bilingue (et plurilingue) et mixte (50 % de filles). Les élèves seraient recruté(e) s prioritairement parmi tous les enfants de la région qui ont terminé correctement le CM2, même s’ils n’ont pas réussi le concours d’entrée en sixième. Les plus jeunes alphabétisé(e) s fonctionnels pourraient peut-être se joindre à eux, au besoin dans une section particulière.
27L’enseignement dispensé serait très diversifié : comptabilité, gestion, droit commercial, travaux publics, hydraulique, mécanique, électronique, informatique, chimie, nutrition, hygiène, traitement des déchets, médecine élémentaire et préventive, secourisme, autant que biologie, agriculture tropicale, élevage scientifique, sylviculture, écologie et aussi éthique. Les élèves seraient réparti(e)s en différentes sections et sous-sections après deux ans de tronc commun. Il s’agit :
- d’empêcher la congestion et l’extension des capitales, ce qui suppose le développement de villes provinciales petites et moyennes, attrayantes ;
- d’obtenir non seulement un accroissement et une diversification des productions agricoles, une meilleure alimentation, un meilleur niveau de santé et un meilleur environnement, mais aussi et même surtout le développement d’activités artisanales, industrielles et de service très diversifiées (production, réparation, maintenance, conception…) ;
- de former des acteurs capables de réaliser des synthèses efficientes et fructueuses entre savoirs traditionnels et connaissances scientifiques et techniques modernes.
28Un programme d’activités économiques pourrait d’ailleurs être établi par une société d’initiative comprenant les délégués des villages et les spécialistes idoines ; un comité serait habilité à solliciter des prêts.
29Le premier établissement polytechnique de ce type pourrait être expérimenté dans une région semi-rurale déjà pourvue en eau et en électricité et suffisamment proche de la capitale pour assurer l’approvisionnement et les débouchés.
La faisabilité
- La commune choisie donnerait le terrain nécessaire ;
- Le statut de ces centres polyvalents serait celui des établissements d’utilité publique sans but lucratif ;
- Le financement pourrait être fourni par plusieurs sources :
- les organismes internationaux concernés et intéressés : PNUD, UNICEF, Unesco, FAO, FIDA, BREDA, ONUDI, OIT, BAD, Banque mondiale… ;
- les ONG lucides et motivées ;
- les fondations ;
- les coopérations décentralisées et les villes et/ou localités jumelées ;
- les sommes libérées par l’annulation de la dette.
31Au Sénégal, les jeunes sortant de l’école polytechnique de Thiès, des instituts universitaires de Dakar et de l’université de Saint-Louis pourraient être recrutés comme enseignants. S’il y a lieu, quelques spécialistes manquants pourraient, en outre, être détachés par certaines ONG qui centralisent les bénévoles des pays industrialisés.
32L’élévation du degré de qualification et du niveau de vie dépend de la diffusion des savoirs et des savoir-faire. L’observation prouve que cette diffusion elle-même dépend de l’utilisation des langues parlées et/ou comprises par les habitants. En Amérique hispanisée, les régions massivement peuplées d’Amérindiens ne se développent pas non plus. Pour obtenir les résultats espérés dans les plus bref délais, il faudrait :
- rendre bilingues, sans plus attendre, les collèges et les lycées d’enseignement général et technique, en appuyant cet enseignement sur des manuels et/ou fascicules bilingues (langue européenne/langue autochtone) ;
- créer des centres polytechniques régionaux mixtes et bilingues localisés avec discernement. Diverses ressources financières internationales permettraient leur création et leur fonctionnement. C’est aussi le seul moyen d’enrayer l’exode vers les capitales et vers les pays riches. De toute façon une telle action est la condition de base sine qua non de la bonne gouvernance et du développement. D’autre part, dans son livre Le Défi des enfants bilingues [6], Barbara Abdelilah-Bauer conclut que plus l’apprentissage des deux langues est prolongé, plus il y a avantage pour l’enfant, lequel a intérêt à maintenir sa langue d’origine dans tout le cursus scolaire et à débuter la seconde langue vers cinq ans (entre quatre et six ans), ce pourquoi il est nécessaire d’avoir des instituteurs bilingues.
Notes
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[*]
Docteur d’État en géographie humaine. Auteur de publications principalement consacrées à l’évolution de la population, de l’économie et de la société de l’Afrique noire. Son ouvrage Afrique noire, démographie, sol et histoire a été publié chez Présence Africaine.
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[1]
Cf. Taton (René), La Science antique et médiévale, PUF, 1994.
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[2]
Juttikala (Eino), Histoire de la Finlande, trad. Claude Sylian, éditions La Baconnière, Neuchâtel, Suisse, 1978.
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[3]
Bulletin de l’IFAN, tome 37 série B 1975 n° 1, p. 154-233.
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[4]
Éditions Karthala, Paris.
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[5]
D’après Daniel Etounga Manguelle, L’Afrique a-t-elle besoin d’un programme d’ajustement culturel ?, Éditions Nouvelles du Sud, 1993, p. 103-106, et la revue Images économiques du monde, de 1980 à 2000.
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[6]
Abdelilah-Bauer (Barbara), Le Défi des enfants bilingues, éditions La Découverte, 2006.