Il y a quelques mois Les Lettres Françaises » publia dans ses colonnes des extraits d’une lettre par moi adressée de Sao-Paulo au poète Charles Dobzynski. Dans ce texte je lui faisais, sur un ton plutôt confidentiel, part des premières réflexions qui m’étaient venues à la lecture des études d’Aragon sur les conditions françaises d’un retour aux mesures traditionnelles de la poésie. J’entretenais Dobzynski, des préoccupations esthétiques que pose pour un poète haïtien d’expression française, un débat qui, par l’ampleur et l’actualité des problèmes qu’il touche, déborde les frontières de la France. Je lui faisais état du grand intérêt que les idées avancées par Aragon avaient également soulevé chez des poètes brésiliens de mes amis. Je lui confiais comment, à mon estime, l’assimilation de la méthode qui est à l’origine des recherches de l’auteur du « Crève-Cœur », pouvait, appliquée aux voies spécifiques de la tradition poétique dans mon pays, aider ma poésie à se débarrasser de son individualisme formel, c’est-à-dire, à découvrir les chemins du réalisme haïtien. Et, au départ, je mettais l’accent sur le volet africain qui éclaire le fond de notre sensibilité, et qui, au moment où il est question de « regarder le printemps » avec des yeux haïtiens, doit obligatoirement apporter en héritage à notre voix, une bonne partie de ses couleurs et de ses ramages. C’était là une précision destinée à écarter à l’avance tout état d’esprit assimilationniste, mécaniquement imitateur, qu’on pourrait prêter au cheminement de ma méditation sur les questions de forme…