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Article de revue

Modalités de familiarisation des élèves à la littérature de fiction, de manière à éviter l’échec scolaire

Pages 83 à 94

Notes

  • [1]
    Maître de conférences, docteur, Université « Ovidius » de Constanţa, Roumanie, Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation.
  • [2]
    Chargée de cours, doctorante, Université « Ovidius » de Constanţa, Roumanie, Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation.
  • [3]
    Discipline qui a pour objet l’étude des proverbes et expressions apparentées : sentences, préceptes, slogans, devises – reprises sous le nom de « parémie » (cf. Wikipédia).
  • [4]
    Par exemple, l’enrichissement et le raffinement du vocabulaire, l’offre des modèles et antimodèles de comportement, l’apprentissage de l’esprit d’équipe, etc., sont dus à la lecture, tandis que la maîtrise de soi et la volonté (spécifiques à la lecture de textes de grandes dimensions, typiquement des romans) tiennent en particulier de l’acte de la lecture.
  • [5]
    Ces collègues nous ont donné leur accord pour être nommées. Celle-ci est collaboratrice de Larisa Casangiu et est formatrice en méthodologie de l’enseignement.
  • [6]
    Professeure pour l’enseignement primaire au Collège national « Emil Racovita » à Bucarest, collaboratrice de Larisa Casangiu.
  • [7]
    Professeure pour l’enseignement primaire au Lycée Carmen Sylva Eforie, collaboratrice de Larisa Casangiu.

1La détermination et le choix d’apprendre des élèves, qui se manifestent souvent en dépit des vicissitudes de la vie endurées par la plupart, la générosité et l’effort continu pour leur socialisation, constituent des valeurs souhaitables pour toute personne humaine, des valeurs qui les structurent, développent leur autonomie et leur donnent la possibilité de participer activement à la vie sociale.

2Dans ce cadre, la nécessité de l’aventure livresque est soulignée de manière inspirée par l’écrivain français Michel Houellebecq (2003) : « Vivre sans lecture c’est dangereux, il faut se contenter de la vie, ça peut amener à prendre des risques. »

3Le manque d’une motivation adéquate pour la fréquentation de l’école et l’apprentissage dans un cadre institutionnalisé peut être évité, à notre avis, en familiarisant les élèves (ou les élèves potentiels) qui ne participent pas à la classe, qui s’absentent ou qui ont abandonné les classes, avec des œuvres de la littérature de fiction qui présentent les valences formatives-instructives de nature à les sensibiliser à l’alphabétisation et à leur inculquer le désir de connaissance.

4Certaines des œuvres sélectionnées à cet égard, dans le cadre de la littérature de sagesse et de la parémiologie [3], contiennent de véritables leçons explicites ou implicites, d’autres sont motivantes par l’émotion esthétique qu’elles induisent. (La présence de la leçon, soit comme motif littéraire ou comme thème dans la littérature de fiction pour les enfants, est susceptible de créer de multiples valences éthiques-esthétiques, formatives-instructives et philosophiques à l’œuvre, sinon au niveau explicite, dans la structure de surface du texte, au moins au niveau implicite, dans la structure des significations profondes.)

5Plus nombreuses et plus importantes, dans la perspective d’éviter l’échec scolaire, les leçons de vie contenues en particulier dans les fables sont bienvenues pour la correction des lacunes comportementales, mais aussi pour prévenir des maux sociaux. Les satires et les contes fournissent de telles leçons, avec un contenu éthique (et un but moralisateur, en général).

6Les objectifs de l’étude sont :

  • identifier et sélectionner les textes littéraires qui ont des valences formatives et esthétiques qui sensibilisent les enfants non scolarisés et les élèves et leur inculquent le désir de connaissance dans un cadre institutionnalisé ;
  • éviter l’échec scolaire à travers la réception de littérature de fiction par les écoliers/élèves qui s’absentent/voués au décrochage scolaire ;
  • préparer une étude (article) sur l’impact de la réception littéraire sur les élèves présentant un faible degré de participation effective et affective dans les activités scolaires.

7De nombreux chercheurs ont montré que « la lecture détend plus et plus activement l’esprit que la télévision et l’ordinateur. […] La lecture d’un roman, aussi facile que soit le genre littéraire [sic], te transforme instantanément en metteur en scène et acteur, te fait penser, stimule ton imagination et, assez souvent, t’aide à trouver, sinon des réponses pour les problèmes de la vie, alors au moins un peu de soulagement ou de l’évasion temporaire de la vie quotidienne »(Petrea, 2012, p. 235).

8Au fil du temps, à la fois par l’observation systématique mais aussi de manière livresque, nous avons identifié un certain nombre de significations (que nous énumérons ci-dessous) résultant soit de l’acte de la lecture, soit du contenu de ce que nous lisons. Dans certains cas, les choses semblent incontestables [4], tandis que, dans d’autres, les valences ont une double causalité. Il est alors difficile de quantifier dans quelle mesure elles sont le résultat de l’acte de la lecture ou du contenu lu . Les valences retenues sont les suivantes : l’enrichissement et le raffinement du vocabulaire ; la stimulation de la passion pour la lecture ; de la soif de connaissance et du désir d’étudier ; de la créativité et de l’intelligence artistiques ; l’offre de modèles et d’antimodèles de comportement (ces derniers requis pour former l’esprit de justice) ; l’éducation dans l’esprit de haute moralité, selon les normes morales traditionnelles (l’honneur, la dignité, le patriotisme, le courage, la vérité, etc.), mais aussi selon celles de la société contemporaine (par exemple, le respect de la nature, etc.) ; l’apprentissage de l’esprit d’équipe ; la sensibilisation envers les petits êtres de l’univers (et les animaux en général) ; la culture des sentiments patriotiques ; le développement des processus mentaux (la pensée, la mémoire, l’imagination, etc.) ; le perfectionnement de la maîtrise de soi et de la volonté ; la culture du goût esthétique et de l’aspect purificateur de l’art ; la formation de sa propre échelle axiologique ; la familiarisation avec les divers métiers et professions ; l’offre de solutions pour résoudre des problèmes ontologiques.

9La coordination des mémoires de fin d’études et des travaux réalisés en vue d’obtenir le Ier degré dans l’enseignement, mais aussi la vive collaboration avec les anciens diplômés ou les enseignants de l’enseignement primaire qui ont bénéficié de notre orientation, tous préoccupés par la stimulation de la lecture indépendante chez l’élève de l’école primaire, nous ont donné l’occasion de former de solides convictions sur les points forts qui ressortent et d’observer comment les élèves qui lisent indépendamment et de manière supplémentaire des œuvres de fiction ont une attitude favorable au processus d’apprentissage. Favoriser la lecture est presque une garantie d’éviter l’échec scolaire, cette garantie découlant du désir de lire, étant donné que la lecture est automotivante et que l’amour pour la lecture une fois acquis (procès irréversible), on développe à la fois la capacité de recevoir des messages écrits, mais aussi les processus d’analyse, de synthèse, de comparaison, de généralisation et d’abstraction, conduisant à faciliter la compréhension du contenu d’apprentissage dans l’écrasante majorité des matières scolaires.

10Nous présentons ci-dessous l’approche personnelle de trois professeurs de l’enseignement primaire (nos collaboratrices dans le domaine professionnel), de la lecture d’œuvres englobées à la littérature de fiction (pour les enfants), une approche qui, au fil du temps, a manifesté beaucoup de valences parmi celles déjà mentionnées et a fourni une attitude positive/souhaitable des élèves envers l’acte de l’apprentissage.

1 – Beatris Roşcan [5]

1.1 – La lecture – une habileté pour la vie ?!

11Je suis enseignant pour l’enseignement primaire à l’école secondaire n° 23 « Constantin Brâncoveanu » à Constanţa et je coordonne le groupe des élèves de la classe IIIA dans cette école. C’est un groupe hétérogène d’élèves et ils appartiennent à la première génération d’élèves qui obtiennent leur diplôme d’enseignement primaire de 5 ans, suite à l’introduction de la classe préparatoire en 2012, l’année du début de leur scolarité.

12Les élèves que je souhaite mentionner dans ce document sont âgés de 9-10 ans et sont des élèves de l’enseignement général de masse. À la suite des discussions au sein des heures de lecture, sur la base des textes proposés, j’ai adopté un club de lecture en classe, au travers duquel les élèves ont bénéficié de livres pour la lecture à des prix promotionnels. Les lectures ont été sélectionnées et proposées par l’enseignant et offertes par une maison d’édition avec laquelle j’ai collaboré. Parmi les titres que nous avons étudiés sur deux années scolaires 2014-2015 et 2015-2016, je tiens à mentionner : Histoire du Frindle par Andrew Clements ; La Toile de Charlotte par E.B. White ; Matilda par Roald Dahl ; Le Petit Prince par Antoine de Saint-Exupéry ; La Forêt enchantée par Enid Blyton ; L’Histoire de Razvan par Horia Corches ; L’histoire d’une mouette et du chat qui lui a appris à voler par Luis Sepúlveda ; Histoires au téléphone par Gianni Rodari.

13Dès les premières classes de lecture, sur la base des textes connus par la plupart des élèves, même dès l’école maternelle, j’ai constaté que les élèves ont pu passer les barrières d’une lecture superficielle. Par exemple, je me suis entretenue avec l’élève H.D.N. en marge du conte « Le vilain petit canard » écrit par Hans Christian Andersen, sur ce qui suit :

14

– Qu’est-ce que tu n’as pas aimé en particulier dans le texte que tu as écouté ?
– Le fait que tous les oiseaux dans la cour considéraient le bébé canard laid, et l’ont chassé, bien plus même sa mère l’a chassé, et il s’est vu seul. Après de nombreux incidents plus ou moins agréables, le caneton a découvert qu’il était un beau et gracieux cygne.
– As-tu eu l’occasion de faire face à une telle situation, de te sentir rejeté ?
– Quand j’étais petit, parfois je ne pouvais pas trouver d’amis pour jouer ensemble.
– Que penses-tu que le bébé canard aurait aimé ?
– Il aurait aimé être dans notre classe, nous jouons ensemble et tous les collègues, nous sommes des amis.
– Quels conseils donnerais-tu aux volailles ?
– Je leur dirais d’être plus prudents, qu’on ne sait pas qui sont nos voisins !

15H.D.N., élève en DES, a un enseignant de soutien dans la salle de classe. Sa famille est intéressée et impliquée dans la formation de ses compétences appropriées pour la vie, en collaborant avec l’école et en le soutenant émotionnellement. L’inscription à l’école maternelle a été un fiasco en raison de ses comportements, mais il a été bien intégré dans l’équipe de notre classe. Il a des collègues et des amis, il a un sentiment de confort et de participation aux activités éducatives, tel que son pouvoir de concentration le lui permet. Pendant les heures de lecture, il a collaboré de manière assez active, il a lu les textes recommandés et a extrait des textes des enseignements positifs. Suite à la lecture du « Conte de trois papillons », d’un auteur inconnu, lecture réalisée en classe, les discussions menées ont été les suivantes :

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– Comment se sentaient les trois papillons ?
– Ils étaient heureux parce qu’ils jouaient.
– Quand les fleurs n’ont pas voulu (abriter) tous les trois, quels sentiments avaient les papillons ?
– Ils étaient tristes parce qu’ils ne voulaient pas renoncer à leur amitié, ils n’auraient pas eu quelqu’un avec qui jouer et c’était triste de se séparer.
– Lorsque la pluie a cessé, comment les papillons se sont-ils manifestés ?
– Ils étaient heureux. La pluie est froide, ils ne peuvent pas jouer et c’est pourquoi ils étaient très heureux quand la pluie a cessé. Mais ils ont eu la chance de trouver un peuplier, il était le seul qui a offert de l’aide, à cause de la pluie ils ont perdu un peu de lustre, et ils voulaient être aussi beaux et joyeux. Le peuplier a bien compris ce que les papillons voulaient.

17Au début de la IIIe, un nouvel élève venant d’une autre école a été transféré dans notre classe. Cet élève avait un comportement très violent, et j’avais assez souvent discuté avec ses parents. Ceux-ci ne réussissaient pas à travailler avec leur enfant, ils étaient violents avec lui, de sorte que l’enfant refusait de travailler. Il a été quelque peu marginalisé par ses camarades, ses frustrations ont augmenté. J’ai essayé, par la lecture, au travers des textes utilisés, d’amener les élèves à comprendre la situation dans laquelle se trouvait leur compagnon, les sentiments qu’il vivait. Pour cette raison, dans le débat portant sur la lecture du « vilain petit canard » de Hans Christian Andersen, j’ai essayé d’introduire un parallèle entre la situation de leur camarade et le personnage principal du conte mentionné. Pendant un certain temps, j’ai réussi à amener les élèves à adopter un comportement d’approche collégiale, de soutien et de compréhension. Sur la base des discussions durant les heures de lecture, quand j’ai demandé d’expliquer pourquoi ils ont certaines préférences liées à certaines lectures, cet élève a répondu :

18

– Mon livre préféré est Croc blanc. Je l’aime beaucoup parce qu’il est seul contre tous. C’est comme ça que je me sens en compagnie d’un ami de l’immeuble à côté de la maison où je vis. Nous aimons nous réunir et ruiner ce qui n’est pas bon.

19Nous avons repris la classe et avons lu la fable « Le bœuf et le veau » de Grigore Alexandrescu. J’ai expliqué ce qu’est la fable et quel est son rôle, puis j’ai posé diverses questions pour que les élèves parviennent à comprendre la fable comme genre littéraire. J’ai recommandé la lecture d’une autre fable « L’écrevisse, la grenouille et le brochet » d’Alecu Donici et, pendant la classe suivante de lecture, nous avons parlé de cette fable. Pendant une classe d’orientation et conseil, j’ai fait des recommandations aux parents de cet élève. Je leur ai conseillé de lui lire des fables le soir, de discuter en marge des fables, comme nous en discutons pendant la classe, de lui poser des questions telles que « Comment se sent le personnage principal ? » ; « Qu’est-ce qui le dérangeait le plus ? » ; « Qu’est-ce que les autres personnages ont ressenti ? » ; « Quels sont les buts des personnages dans le texte ? » ; « Si tu avais dû corriger la situation, qu’est-ce que tu aurais fait ? » ; « Quel sentiment éprouves-tu lorsque tu parviens à corriger une situation ? » Dès la classe de lecture suivante, l’élève a réussi à montrer des signes de décryptage correct du message de la fable :

20

– Qu’est-ce qu’ils voulaient faire les trois personnages ?
– Ils voulaient déplacer un sac, mais ils ont échoué. Chacun faisait ce qu’il connaissait le mieux. Peut-être que ce n’était pas le procédé choisi correctement.
– Qu’est-ce que pensaient les trois personnages ?
– Chacun voulait faire quelque chose de bon, aider à déplacer le sac, mais la malchance, ils ne pouvaient pas.
– Comment penses-tu qu’ils se sentaient ?
– Ils ne s’imaginaient pas ne pas bien faire, je pense qu’ils étaient heureux juste de faire chacun ce qu’il savait.
– Quel était leur but ?
– Ils ont dû déplacer le sac, mais il était bon de voir comment chacun doit aller pour réussir.
– Qu’est-ce que tu ferais dans leur situation ?
– Je dirais à chacun comment aller, pour porter le sac dans l’eau. Mais à condition qu’ils m’obéissent !

21L’élève a compris que la communication est gage de succès et de résolution de la situation. Par ce fait, nous pouvons prouver que, pour cet élève, la lecture supplémentaire qu’il a effectuée seul, mais aussi celle effectuée avec des adultes, à travers des questions, dans le but de découvrir des situations correctes pour résoudre les solutions, par la compréhension des sentiments éprouvés par celui qui est en crise, ont réussi à améliorer son approche de la communication avec ceux qui l’entourent, la socialisation avec d’autres collègues, à comprendre que les sentiments peuvent nous amener à comprendre notre entourage et que nous devons les aider. Il est dommage que, dans le second semestre, l’élève ait été transféré dans une autre école, il aurait été intéressant de suivre son évolution pendant toute l’année scolaire.

22La lecture de Histoires au téléphone, de Gianni Rodari, a incité les élèves à comprendre les sentiments du père parti pour le travail, étant donné le contexte de la société actuelle, et de découvrir aussi les caractéristiques de la profession paternelle. J’ai réussi à travers ce livre à aider les élèves à comprendre le point de vue du parent qui est allé travailler loin de la maison. Sur la base de ce livre, j’ai réalisé un exercice avec lequel j’ai découvert les réponses suivantes. Je dois mentionner que l’élève H.D.N. a eu une contribution merveilleuse à cet exercice.

  • Écrivez dans une phrase l’information essentielle du texte. De belles histoires racontées au téléphone tous les jours à la même heure.
  • Rédigez l’information essentielle dans une expression. – L’amour du père dépasse tout seuil.
  • Résumez en un mot l’essence du texte. – Amour.
  • Choisissez la couleur sentimentale du texte. – Rouge.
  • Complétez la phrase : La chose la plus intéressante dans cette lecture est… de savoir comment le père reste en contact avec son enfant.
  • Trouvez un symbole pour le texte. – Le téléphone.

2 – Adriana Olaru [6]

23Cette enseignante a travaillé sur deux œuvres différentes : Pages de journal : le marathon de la lecture et Lecture sur l’herbe.

2.1 – Pages de journal : le marathon de la lecture

24Au début de chaque année scolaire, j’essaie d’apprendre quelque chose de nouveau. Parfois, j’ai l’occasion d’assister à un cours ou à un atelier. C’est comme une douche froide, avec des effets bénéfiques après un long congé marqué par la chaleur. Lorsque la sécheresse des événements persiste, je fais une tournée des librairies à la recherche de quelque chose, je ne sais pas quoi !

25L’automne de l’année 2015 m’a offert deux événements de formation et j’ai commencé l’année scolaire avec des souhaits.

26J’ai participé, lors d’une journée pluvieuse de septembre, au Narratif –Festival de lecture pour les enfants, organisé par l’Association Curtea Veche à Carturesti Vérone, à Bucarest. La section dédiée aux enseignants offrait la possibilité d’assister à un atelier. Il a été court et complet ! Je suis partie un peu vite, mais avec quelques bonnes idées notées dans un cahier. Quelques jours après l’événement, dans mon esprit, une seule idée persiste : Read-a-Thon. L’idée d’organiser un marathon de lecture dans le cadre de l’école se formait, s’enrichissait et prenait forme. Je partais des trois mots (marathon de lecture), sans indications méthodiques, mais il me semblait que c’était une proposition pleine de possibilités.

27Le temps est passé plus ou moins vite, les leçons se sont succédé selon un rythme alerte, les élèves ont réussi à apprendre l’alphabet roumain. Lorsqu’il y avait encore plusieurs lettres à étudier, mes élèves flirtaient avec diverses histoires de manuels/fiches, ils me priaient de les lire, ils savouraient chaque instant quand j’apportais, en plus du manuel, un nouveau texte, une histoire dédiée à la littérature pour enfants.

28Les activités du marathon de lecture étaient les suivantes :

29Partie I : Les parents invités exposent une histoire et discutent avec les élèves.

30Partie II : Les élèves reçoivent des conseils sur le choix d’un livre adapté à leur âge.

31Partie III : Les élèves reçoivent un livret personnalisé et lisent individuellement.

32Partie IV : La fabrication d’un signet… Le temps imparti n’a pas permis sa réalisation.

2.2 – Déroulement des activités…

33Dans la première partie, les parents ont collaboré. Certains se sont davantage mobilisés, d’autres étaient très nerveux, quelques-uns s’amusant à l’écoute et revivant peut-être des moments de leur enfance.

34La mère de Sophie a présenté un conte de fées. La mère de Luca a lu une histoire éducative afin que les élèves apprennent, encore une fois, comment maîtriser leur colère. La mère de Sorana s’est préparée émotionnellement deux jours avant, puis a introduit les enfants dans l’œuvre de Mihail Sadoveanu, par la lecture du livre Le Bouleau dans une version réduite. Elle avait l’air d’une grand-mère qui fait la lecture à ses petits-enfants au coin du feu, et ses émotions avaient disparu.

35Le marathon de lecture a commencé à avoir du succès ! Les enfants étaient très curieux, ils étaient impatients d’entendre l’histoire présentée par le parent suivant.

36La mère de Toma est venue avec une proposition qui a immédiatement attiré l’attention du public : Elmer de David McKee. Elle nous a tous surpris quand, avant la lecture, elle a distribué aux enfants un troupeau d’éléphants : chacun a reçu une fiche avec un éléphant gris. Celui en couleur sera utilisé par celle qui présentera l’histoire. Les élèves se sont sentis impliqués et sont devenus attentifs. Ils ont écouté, ont ri, ont été peinés et se sont réjouis, ils ont constaté que la discrimination entraîne des souffrances et que l’acceptation apporte du bonheur !

37Nous avons eu une invitée spéciale, pour la deuxième année, impliquée dans le travail de la classe, l’actrice Ela Ionescu du Théâtre Bulandra. Elle nous a présenté Le Désir du lapin, de Paul Stewart et Chris Riddell.

38Les enfants ont écouté avec plaisir et ont participé avec enthousiasme à l’action, guidés par le talent de notre invité. Ils ont mimé les informations les plus inhabituelles, ils ont interprété des rôles dans de courts jeux de vie, en donnant vie aux personnages, ils ont été invités à se poser des questions, ils se sont déplacés rapidement entre les pupitres, à travers la classe, ils sont restés debout mais aussi assis, ils ont émis divers sons, ils ont ri.

39S’il était plus confortable, pour moi, de réaliser la lecture prédictive du texte, je viens d’apprendre, d’une belle et talentueuse actrice, qu’il est plus difficile, mais plus captivant de faire bouger les élèves dans la salle de classe. Le mouvement rapide, dans un espace relativement restreint, n’est pas aisé, mais induit un état d’écoute active, car en tant qu’auditeur, on ne peut pas savoir ce qui va suivre. Bien sûr, toutes les œuvres littéraires ne peuvent subir le même sort, toutes ne peuvent être présentées en demandant aux élèves beaucoup de mouvements, mais l’idée peut être adaptée !

40En tant que professeure de la classe, j’ai choisi de ne pas lire, mais de donner du temps aux personnes invitées à cette fin. Mais je ne pouvais pas m’exclure complètement du travail : j’ai apporté aux élèves une idée tirée de l’Internet et leur ai proposé des points de référence pour choisir une lecture appropriée à leur âge et à leur niveau intellectuel. Les étapes sont simples :

  • Ouvrez le livre !
  • Lisez les mots sur une page !
  • Découvrez le nombre de mots que vous ne comprenez pas !
  • Utilisez vos doigts et décidez si c’est un livre approprié, que vous pouvez lire pour vous-même !

41Ainsi :

  • 1 mot incompréhensible : Vous pouvez commencer à lire !
  • 2 mots mal compris : C’est encore un bon choix !
  • 3 mots mal compris : Vous pouvez avoir besoin d’aide pour lire le livre !
  • 4 mots mal compris : C’est un livre difficile à lire !
  • 5 mots mal compris : Essaie de lire un autre livre !

42La troisième partie du marathon est venue avec un cadeau symbolique : un livret préparé selon les souhaits des élèves. À la suite de cette activité, j’ai découvert leurs centres d’intérêt. À mon grand étonnement, les élèves ont demandé exclusivement des textes à objectif scientifique : sur les animaux, les plantes, les rivières, les volcans, les grottes, etc. Je m’y suis conformée, ils ont aimé leur petit livre, ils ont lu le plus possible en classe et, étant curieux de connaître la suite, ils ont continué à la maison.

43Le lendemain nous a trouvés changés ! Les élèves étaient fascinés par le marathon de lecture. Ils ont dit ce qu’ils avaient aimé dans le livret : tiré d’un article de journal, un entretien avec un plongeur a capté leur attention ! À mon tour, je pensais à ce que j’avais appris d’une grande actrice : toute personne qui aime les enfants peut apporter un nouveau souffle, peut changer une approche de la lecture en classe. Je lui suis reconnaissante et j’attends, avec impatience, la prochaine activité avec elle, peut-être même pour la deuxième édition du Marathon de lecture.

44Bonne chance à ceux qui ont compris que la lecture est vivante et doit rester en vie, qu’elle doit avoir une place importante et que nous devons lui consacrer du temps.

2.3 – Lecture sur l’herbe

45Le soleil commence à brûler… l’aiguille de l’horloge se bloque chaque heure à « et dix minutes », l’air chaud semble irrespirable, les pages du manuel tournent, confuses, vers des leçons étudiées et les souvenirs de l’année scolaire qui finit, tournent lentement. Les petits écoliers, généralement diligents et obéissants deviennent agités, ils boivent de plus en plus d’eau, et commencent à utiliser toute feuille qui est sur leur chemin pour en faire un éventail et se donner de l’air. La salle de classe s’est transformée, en trois jours seulement, en un four où seul Gerila, le héros bien connu du conte, se sentirait mieux.

46Les compétences utilisées jusque-là pour découvrir de nouvelles informations sont activées de plus en plus difficilement. La lecture ne semble avoir aucun secret ! L’écriture, cependant, ne semble faire plaisir à aucun élève.

47Étant donné que le seul objectif des leçons est d’échapper à la chaleur de la salle de classe, je propose à mes élèves de sortir dans la cour de l’école le lendemain. Je leur demande d’apporter une couverture, de l’eau et des livres. Le jour suivant, en plus de ce que j’avais requis, ils apportent beaucoup d’enthousiasme, un enthousiasme devenu contagieux. Les cours de langue en roumain allaient se dérouler dans la cour d’école.

48La lecture d’un livre à un rythme approprié à un enfant de 7 ans devient l’objectif principal de la leçon. J’explique aux élèves ce que j’attends d’eux, à savoir le silence nécessaire, la discipline et le respect des livres. Je prends alors mon propre livre et commence à lire, en jetant un coup d’œil aux jeunes lecteurs. Progressivement, les élèves ont adopté la lecture silencieuse. Ils lisent avec intérêt les livres apportés. J’ai été agréablement surprise par leur réaction face aux mots non étudiés en classe. Ils ont demandé comment lire quelques mots contenant le trait d’union. Je leur ai donné une brève explication et les réponses recherchées. Il y avait beaucoup de silence, percé seulement par le chant des oiseaux.

49Mais leur patience et leur attention n’étaient pas illimitées. Après quinze minutes de lecture, ils ont commencé à croquer des biscuits sucrés.

50Ils ont remarqué le livre d’un enfant et sont devenus curieux. Je leur ai proposé une petite pause, après laquelle, je leur ai promis que je lirais ce livre qui les intéressait tant. Ajoutons que le format du livre est conçu pour susciter l’intérêt de l’enfant.

51Après la pause – ils s’étaient « battus » avec le pulvérisateur électrique du jardin et étaient heureux –, Toma, le propriétaire du livre, fier de posséder un trésor, était prêt à raconter tout en un seul souffle, mais il se retint.

52On a poursuivi par la présentation du livre L’extraordinaire garçon qui dévorait les livres par Oliver Jeffers, mais pas avant de savoir ce qu’ils attendaient. Ils ont mimé le geste de manger littéralement un livre, et certains ont « poussé » les dents, littéralement, dans leurs volumes. Bien que prévisible, l’action les a déterminés à participer activement à la lecture. Ils ont écouté, se sont bien amusés, ont regardé des photos et ont admiré le coin « rongé » du livre. Ayant un sens critique développé, les étudiants ont désapprouvé l’attitude du personnage qui mange les pages des livres et sont arrivés seuls à la conclusion que tous les livres devraient être tout simplement lus.

53Je les ai appelés pour un nouveau cycle de lecture, mais nous avons fixé un nouvel objectif. À la fin de la ronde de lecture, il y avait l’obligation de présenter ce qu’ils avaient lu dans le but de persuader les autres enfants de chercher le livre. Ils ont réussi à faire face à ces défis et le pouvoir de communiquer leurs idées et leurs impressions a été ciblé avec succès ! Certains enfants ont fait des présentations courtes, s’interrompant seulement pour laisser les autres dans le suspense. D’autres enfants ont identifié et présenté la parabole du texte, exhortant à lire toute l’histoire. Tous ceux qui n’avaient pas terminé l’histoire commencée ont été interrogés sur la suite de l’histoire et ce qu’il était intéressant d’en savoir.

54Un exercice de lecture d’un tronçon de texte a réussi à nous donner la joie, l’intérêt pour les livres, l’ambition, la curiosité, le suspense !

3 – Maria Mȋndru [7]

3.1 – Entre la composition des lettres et la lecture

55Quand j’ai choisi le thème à exposer dans ma thèse pour soutenir le Ier degré dans l’enseignement, je me suis arrêtée, inexplicablement heureuse, sur la composition des lettres, moyen de progrès dans les acquisitions de langue et littérature roumaine chez le petit écolier. Un thème particulièrement difficile à une époque où l’on n’écrit plus de lettres en version manuscrite.

56Dans la littérature enfantine, la lettre se trouve dans diverses lectures. Nous arrêtons notre attention sur le roman de Jules Renard, Poil de carotte.

57Il est important pour les enfants de découvrir que le personnage de Poil de carotte choisit d’exprimer ses salutations du Nouvel An à ses parents par lettre.

58En analysant le texte, nous pouvons soulever des points importants pour notre travail : la salutation (« sur l’enveloppe on écrit : À mes chers parents… »), le style personnalisé, adapté à la personne à qui l’on s’adresse et conforme à l’adresse à des personnes familières (« des fleurs splendides ornent la feuille de papier, comme une dentelle… »), la valence thérapeutique de la lettre (Ernestina et Felix souhaitent verbalement aux parents « une bonne nouvelle année, une bonne santé et le paradis dans l’au-delà ». En revanche, Poil de carotte sort une lettre du chapeau. Bien que face à face avec les destinataires, l’enfant préfère cette modalité de communication.

4 – Conclusion

59Une surveillance étroite des classes où l’on applique systématiquement (de manière rythmique et constante) un programme de stimulation et de valorisation de la lecture indépendante (sans le support de l’enseignant) d’œuvres de fiction, dans l’enseignement primaire, nous a permis de nous convaincre des valeurs incontestables de cette pratique chez les petits lecteurs.

60Quoique la manière d’approche de la littérature pour enfants soit différente d’un enseignant à l’autre, selon le style d’enseignement et selon l’accent mis sur la technologie didactique utilisée ou sur le contenu rendu accessible, présenté attractivement et analysé, la familiarisation de l’élève avec la lecture des œuvres de fiction conduit non seulement à éviter l’échec scolaire, mais aussi à obtenir des résultats exceptionnels à l’école. La lecture est automotivante, est une source de satisfaction et de plaisir (comme le montrait Roland Barthes), mais aussi un exercice nécessaire pour la réception du texte, qui permettrait d’améliorer l’acuité perceptive (en termes de style, esthétique, herméneutique, etc.) de celui qui la pratique.

Bibliographie

Bibliographie

  • Barthes, R. (1973). Le plaisir du texte. Paris : Le Seuil.
  • Casangiu, L.I. (2007). Literatură română şi literatură pentru copii. Note de curs şi sugestii de lecturi plurale ale unor opere.Constanţa: Nautica.
  • Casangiu, L.I. (2009). Repere în organizarea procesului didactic la disciplina Limba şi literatura română, în învăţământul primar. Constanţa: Nautica.
  • Houellebecq, M. (2003). Platforma. Traduction en roumain d’Emanoil Marcu. Bucuresti: Polirom.
  • Petrea, I. (2012). Şi tu poţi fi supernanny 1. Cum să-ţi creşti copilul. Bucuresti: Trei.

Mots-clés éditeurs : littérature de fiction, élève, échec scolaire, sciences de l’éducation

Mise en ligne 19/10/2017

https://doi.org/10.3917/pp.046.0083

Notes

  • [1]
    Maître de conférences, docteur, Université « Ovidius » de Constanţa, Roumanie, Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation.
  • [2]
    Chargée de cours, doctorante, Université « Ovidius » de Constanţa, Roumanie, Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation.
  • [3]
    Discipline qui a pour objet l’étude des proverbes et expressions apparentées : sentences, préceptes, slogans, devises – reprises sous le nom de « parémie » (cf. Wikipédia).
  • [4]
    Par exemple, l’enrichissement et le raffinement du vocabulaire, l’offre des modèles et antimodèles de comportement, l’apprentissage de l’esprit d’équipe, etc., sont dus à la lecture, tandis que la maîtrise de soi et la volonté (spécifiques à la lecture de textes de grandes dimensions, typiquement des romans) tiennent en particulier de l’acte de la lecture.
  • [5]
    Ces collègues nous ont donné leur accord pour être nommées. Celle-ci est collaboratrice de Larisa Casangiu et est formatrice en méthodologie de l’enseignement.
  • [6]
    Professeure pour l’enseignement primaire au Collège national « Emil Racovita » à Bucarest, collaboratrice de Larisa Casangiu.
  • [7]
    Professeure pour l’enseignement primaire au Lycée Carmen Sylva Eforie, collaboratrice de Larisa Casangiu.
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