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Article de revue

Éditorial. Développement durable et santé dans l’espace euro-méditerranéen : les enjeux de la solidarité

Pages 7 à 14

Notes

  • [1]
    En anthropologie médicale, le concept de biologie située montre l’enchevêtrement des facteurs socioculturels, biologiques et environnementaux. Le Monde, « Sciences & Médecine », 27 mai 2015, p. 7.
  • [2]
    Pour le président de la Fédération Hospitalière de France, Frédéric Valletoux : « Nul n’ignore la complexité, devenue kafkaïenne, de la réglementation dans laquelle les hôpitaux évoluent : multiplication des strates et autorités de tutelle, foisonnement des réglementations, éparpillement des instances de gouvernance, multiplication des tableaux de bord, des contrats de gestion, des plans et des indicateurs en tout genre » (Les Échos, 17 juin 2015).
  • [3]
    Nathalie Coutinet et Jean-Pierre Girard, Table ronde « Le dynamisme de l’économie sociale et solidaire dans le secteur de la santé », 28 mai 2015, XVes Rencontres du RIUESS, Reims, mai 2015. http://www.riuess.org/
  • [4]
    « L’hygiène du milieu vise à prévenir les maladies d’origine environnementale et à créer un environnement favorable à la santé » (OMS, 2015, www.who.int\topics\environmental_health\fr\).

1Les liens entre l’environnement et la santé sont connus depuis longtemps : le corps humain est très sensible à la qualité de l’air qu’il respire, de l’eau qu’il boit, des aliments qui le nourrissent. La reconnaissance de ces liens est en revanche sujette à controverses. Les conditions à remplir pour se percevoir dans un état de bien-être – appelé « santé » – mettent en évidence les liens étroits entre nature et culture. Les interactions du corps humain avec son environnement (habitudes alimentaires, pollutions) forment le noyau du concept de « biologie située » de l’anthropologue américaine Margaret Lock [1].

2Avant d’être désignée comme une catégorie des sciences médicales, la santé est représentée comme un allant de soi (Schütz, 1998 [1955]) obéissant à un principe d’immanence, c’est-à-dire non séparable de l’activité et de ce sur quoi l’individu agit, et qui le constitue à la fois. La santé fait partie d’un répertoire de familiarité adossé à des perceptions sociales et individuelles dont la compréhension appelle un déchiffrage des interactions complexes entre les individus, et entre les individus et leurs milieux (habitat, travail, environnement).

3Les progrès de sciences aussi diverses que la biologie, la chimie ou l’épidémiologie montrent que ces liens sont bien plus profonds que ce que l’on soupçonnait jusqu’ici : les nappes phréatiques sont polluées par l’excès de nitrates, utilisés notamment (mais pas exclusivement) dans l’agriculture ; les aliments issus de l’agriculture industrielle le sont par les pesticides et autres produits chimiques qui sont ajoutés ; de même, l’air que nous respirons véhicule des fibres d’amiante et des nanoparticules qui ont pour origine l’activité économique et qui sont les vecteurs de sérieuses menaces pour la santé.

4Des produits chimiques que l’on croyait inoffensifs se révèlent à l’usage de redoutables perturbateurs endocriniens. Les effets négatifs de toutes ces pollutions peuvent se transmettre sur de très grandes distances par les vents, les courants marins ou les avions ; cette dimension spatiale est bien illustrée par la radioactivité diffusée par un accident de type Tchernobyl ou Fukushima, mais le nucléaire n’est pas seul en cause. Encore plus préoccupant, il faut aussi prendre en compte la dimension temporelle : les victimes peuvent donner naissance à des enfants contaminés dès leur naissance, ou atteints de malformations, quelquefois sur plusieurs générations.

5Loin d’effacer les risques et les incidents, les progrès scientifiques et technologiques ouvrent de nouveaux espaces d’incertitudes et, par là même, renvoient obligatoirement aux sciences de l’homme et de la société pour (ré)introduire la dimension subjective et sociale des individus dans la façon d’appréhender les systèmes d’interactions avec l’environnement (Kalaora et al., 2013). L’ère néolibérale contemporaine produit une globalisation aux redoutables effets négatifs (par exemple, les pandémies) ; elle met en lumière la vulnérabilité de systèmes experts hétéronomes.

6Remettre l’individu, ou l’être humain, au cœur des manières de penser, de sentir et d’agir pour la santé est l’ambition du développement durable. Le fonctionnement des systèmes sanitaires et sociaux de prévention construits après la Seconde Guerre mondiale révèle aujourd’hui ses limites sur les deux rives de la Méditerranée : cloisonnement des services [2], renoncement croissant des patients aux soins, faute de moyens financiers [3].

7Dans le contexte néolibéral, l’individu est supposé informé et responsable de lui-même, ce qui le réduit à subir des injonctions d’autant plus paradoxales que l’individu est vulnérable : par exemple, doit-il faire valoir ses droits de malade ou poursuivre son travail ? Sa vie quotidienne est marquée par la précarité : travail instable, système de protection minimal, etc. Le rapport social à la santé, subjectif et objectif, se construit à l’intérieur de relations complexes, du symbolique au politique, qui mettent en jeu la représentation que l’individu a de lui-même (identité, honneur) et celle que les autres lui renvoient. Ce rapport entre individu et institution (Castel, 1995) se décline dans la vie quotidienne (famille, travail) et génère un processus de transaction sociale entre la confiance et l’incertitude, la solidarité et l’isolement, mettant en jeu les liens sociaux. Les attentes sociales des individus en faveur de la considération de leur santé touchent à leur identité et elles s’expriment dans un processus de culpabilisation latente : des « rapports de pouvoir qui passent par le corps » (Foucault, 1977, p. 228).

8Ces rappels ne noircissent pas le tableau : il est conforme à l’entrée dans « la société du risque » (Beck, 2001 [1986]). La ville, qui concentre une part importante des activités industrielles, a vite été mise au banc des accusés. Mais la campagne se croit à tort protégée par sa plus grande proximité avec la « nature » : l’agriculture industrielle, déjà évoquée, ne menace pas la seule santé des consommateurs, celle des travailleurs agricoles, de leurs familles et de leurs voisins est aussi en jeu. Certains lieux peuvent être plus pollués que d’autres, mais chercher le lieu à l’abri de toute pollution est condamné à l’échec : ce serait trouver le paradis sur la terre. La situation est grave et la solution ne peut pas venir de la seule science médicale : les défis à relever sont à la fois économiques, sociaux, politiques et scientifiques. Il faut apporter une réponse globale et elle relève du développement dit durable. La santé, individuelle et collective, est une question politique centrale.

9Tous les auteurs de ce dossier partagent une conviction commune : on ne peut traiter ni du développement durable, ni de la santé, sans les articuler à une réflexion sur le renforcement des liens sociaux et des solidarités. Le lien a un double sens : il sert à attacher le prisonnier et c’est une entrave à sa liberté. Mais c’est aussi le lien de l’amitié ou de l’amour, qui est voulu et non imposé, même si cette distinction n’est pas toujours très nette dans la pratique.

10Il faut aussi distinguer deux formes de solidarité, même s’il n’y a pas de coupure nette entre elles, mais un continuum. D’un côté, une solidarité fermée, ou repliée sur le groupe, fondée sur la défense des intérêts individuels et collectifs des membres et indifférente à la situation des autres. En matière de santé, il y a des mutuelles de privilégiés, inaccessibles aux pauvres. De l’autre, une solidarité ouverte, dans laquelle des pionniers s’associent pour expérimenter des formes de solidarité plus profondes à petite échelle, avec l’espoir que le succès entraîne leur élargissement à d’autres. Mais les rêves du départ sont souvent oubliés en cours de route et il faut être vigilant sur l’écart entre les discours et les objectifs d’un côté, les résultats obtenus en pratique de l’autre côté.

11La solidarité prend des formes différentes et, selon les niveaux où elle s’exerce, les enjeux ne sont pas les mêmes : valorisé dans de nombreux discours, le développement des solidarités locales est nécessaire pour trouver une solution de santé personnalisée et adaptée à chaque cas particulier. Le niveau national, souvent très décrié pour sa bureaucratie bien réelle, conserve un rôle essentiel : il est garant d’une certaine équité et, en matière de santé, il a la mission essentielle d’assurer une redistribution des riches vers les pauvres, ce qui passe par la fiscalité, la sécurité sociale, etc. Cette fonction est très mal remplie, en France et ailleurs, ce qui entraîne l’aggravation des inégalités sociales. Une telle redistribution ne peut s’envisager au niveau local en raison des inégalités territoriales : il y aurait une solidarité entre riches dans les territoires riches et une solidarité entre pauvres dans les territoires pauvres.

12Enfin, le niveau international est tout aussi important, à la fois pour parvenir à une redistribution des pays riches vers les pays pauvres (et non l’inverse, comme actuellement), pour arrêter l’épuisement des ressources naturelles non renouvelables et pour prévenir l’apparition de catastrophes sanitaires mondiales : les virus et les microbes ignorent les frontières tracées par les humains. Mais l’égoïsme des nations (du Nord comme du Sud) est solidement ancré et ne disparaîtra pas par un simple coup de baguette magique.

13Ces différents niveaux ont des rôles spécifiques à jouer et on ne peut substituer l’un à l’autre. Lorsqu’elle était Premier ministre du Royaume-Uni, Mme Thatcher a défendu une vision néolibérale, soutenant qu’il fallait supprimer les services sociaux étatiques qui produisaient des assistés sociaux et qu’il fallait réhabiliter les solidarités locales pour résoudre les problèmes médicaux et sociaux par le bénévolat des acteurs locaux et des citoyens ! Il faut certes transformer en profondeur les services sociaux et les rendre moins bureaucratiques, mais les supprimer serait « jeter le bébé avec l’eau du bain » ! Pour articuler les différentes formes de solidarité et les différents niveaux d’intervention, il faut « penser globalement et agir localement ».

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15Pour parvenir à une vision globale des enjeux et des défis de la politique de santé, il est utile d’organiser des échanges d’expériences et une confrontation des points de vue. C’est ce que ce dossier propose, à une échelle modeste, en réunissant les contributions des chercheurs de quatre pays venant des deux rives de la Méditerranée : Algérie pour le Sud ; France, Italie et Royaume-Uni pour le Nord.

16Dans les représentations sociales, la relation entre travail et santé reste ambiguë. Une chanson populaire traduit bien cette hésitation en commençant par : « Le travail, c’est la santé », mais en enchaînant : « Ne rien faire, c’est la conserver » ! Il faut sortir d’une logique binaire et faire une analyse multifactorielle, dans un contexte élargi. C’est l’ambition des quatre contributions réunies dans la première partie : « Travail, conditions de vie et santé ». Les deux premières proposent une approche globale de la santé au travail, dans les villes industrielles, puis dans l’agriculture. Les deux contributions suivantes ont un objectif commun : améliorer l’organisation du travail pour promouvoir une meilleure santé. Elles soulignent l’importance de la communication, mais en se situant dans des registres différents et complémentaires : la constitution d’une banque de données pour l’une, le décloisonnement des services et des professions qui sont amenés à coopérer pour la suivante.

17Maurice Blanc rappelle quelques aspects méconnus de la révolution industrielle à Paris, au XIXe siècle. Elle est liée à l’exode rural et à la croissance urbaine ; elle s’accompagne d’épidémies (notamment de choléra). Les statisticiens soulignent le lien entre les taudis insalubres et les épidémies. La réponse semble évidente : supprimons l’habitat insalubre pour éradiquer la maladie. Mais les logements de bonne qualité sont trop chers pour les pauvres qui habitent dans les taudis. Détruire ces derniers ne résout pas le problème, il ne fait que le déplacer. Une vraie politique de santé publique doit articuler deux niveaux de solidarité : une solidarité financière, notamment par un apport de l’État, pour que le relogement des habitants des taudis soit correct ; au niveau local, une attention particulière aux conditions de relogement, pour permettre le maintien des solidarités de voisinage et éviter l’isolement et la perte de repères dans le nouveau logement. Par ailleurs, le travail influence la santé à deux niveaux : d’abord, celui du salaire ; un ouvrier mal payé est mal nourri et mal logé. C’est le point de départ de toute réflexion sérieuse sur la santé publique. Ensuite, les conditions de travail peuvent être néfastes pour la santé : accidents du travail, maladies professionnelles, etc. Le logement peut être nuisible à la santé, mais l’usine encore plus.

18Josiane Stoessel-Ritz s’intéresse aux conditions de travail dans l’agriculture et à leur impact sur la santé. Elle fait une double comparaison : entre agriculture familiale (ou artisanale) et agriculture intensive (ou industrielle), mais aussi entre l’Alsace en France et la Kabylie en Algérie, la première ayant une agriculture plus industrielle que la seconde. La santé au travail des agriculteurs soulève des questions qui se situent de plain-pied dans les débats sur le bien commun. Encastrée dans le travail des producteurs agricoles, la santé est sous-jacente et se révèle dans l’exercice de pratiques sociales en tension : il faut paraître physiquement et moralement solide ; arrêter de travailler pour se soigner est perçu comme une faiblesse et un abandon des responsabilités professionnelles. Cette contribution montre aussi comment le rapport à la santé se négocie, entre sphère privée et sphère professionnelle, dans un processus de transaction sociale.

19Pina Lalli et Claudia Capelli ont participé en Italie à une recherche-action avec un double objectif : (i) mettre en place une banque de données sur les expériences réalisées en matière d’amélioration de la santé au travail ; (ii) faire de cette banque de données un outil pour l’information, l’échange d’expériences et la formation des acteurs de la santé au travail. Il a fallu surmonter de nombreux obstacles, institutionnels et culturels, avant d’arriver à ce que des acteurs qui s’ignoraient, ou qui s’affrontaient, parviennent à coopérer : chefs d’entreprise, syndicats de travailleurs, médecins du travail, caisses de sécurité sociale, etc. Une banque de données rend des services si elle est appropriée par tous. Elle est inutile s’il n’y a pas une volonté commune de l’utiliser et de l’alimenter en informations nouvelles. Ici aussi, la question de la solidarité est centrale.

20Tom Storrie analyse un fait divers dramatique et très médiatisé à l’époque au Royaume-Uni, pour en faire un cas exemplaire : une enfant est morte des mauvais traitements dont elle a été victime dans sa famille, alors que beaucoup de monde était au courant (enseignants, médecins, travailleurs sociaux, etc.). Mais, faute de coordination, personne n’a pu, ni su comment intervenir. L’auteur analyse les cloisonnements entre institutions et entre professions. Il préconise une approche interprofessionnelle, qui substitue la solidarité à la concurrence. Il souligne sa dimension interculturelle : pour que le dialogue et la coopération s’établissent entre des professions autonomes, il faut concilier deux choses apparemment contradictoires : l’identité et la spécificité de chaque profession doit être reconnue et acceptée par tous les partenaires mais, en même temps, aucune culture professionnelle ne peut rester figée et elle doit faire place à de nouvelles pratiques. C’est un débat qui doit être mené à la fois entre professions et au sein de chacune. Elles sont toutes divisées entre leurs « progressistes » et leurs « traditionnalistes ». Faire évoluer sa culture et son identité sans les perdre est un processus transactionnel entre tradition et innovation.

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22Le rapport à la santé se construit également par le biais de l’action publique et de la manière dont le système de santé et ses organisations garantissent la qualité de l’offre de soins. La seconde partie de l’ouvrage regroupe quatre contributions qui abordent la place de la santé dans l’action publique. Les deux premières traitent des enjeux de différentes formes d’intervention territoriale : « politique de la ville » dans les banlieues en France, coopération décentralisée sanitaire entre la France et l’Algérie. Les deux dernières contributions viennent d’Algérie et elles interrogent les potentialités de nouveaux modes de gouvernance en Algérie : à l’hôpital pour la première, avec l’introduction d’un système d’information informatisé et intégré ; plus globalement, dans la politique sanitaire pour la seconde.

23Abdelhafid Hammouche souligne que l’état de santé résulte d’un processus et d’une dynamique pour resituer la santé dans le traitement social de maux liés à la vulnérabilité des personnes habitant les quartiers ciblés par la politique de la ville en France. Les projets « Ateliers Santé Ville » constituent des lieux d’expérimentation pour créer de nouvelles passerelles entre professionnels de santé et habitants, mais aussi pour construire des liens entre générations. Cette dernière dimension est très importante, car les générations issues de l’immigration envisagent leur intégration dans la société d’une façon très différente de celle de leurs parents. La santé, selon l’auteur, tient ici un rôle d’analyseur ; les pratiques de santé des migrants éclairent les défis de leur intégration.

24Arezki Akerkar aborde la coopération décentralisée franco-algérienne entre deux villes (Mulhouse et El Khroub) et il analyse les effets du partenariat dans le domaine de l’hygiène du milieu [4] : hôpital, distribution et assainissement de l’eau. L’analyse des projets menés en commun par les partenaires révèle des avancées concrètes et des dissonances objectives dans les attentes, qui reposent sur des représentations déformées du territoire associé. L’auteur montre sur cet exemple de partenariat les mutations culturelles nécessaires au succès d’une coopération plurielle et innovante : des engagements dans la durée de tous les partenaires et des échanges approfondis sur les difficultés et les imprévus.

25Selon Aoumeur Akki-Allouani, l’accès aux soins en Algérie est altéré par des dysfonctionnements dans la gestion opérationnelle des structures de soins. Selon l’auteur, l’introduction d’un système d’information sanitaire ouvre des perspectives prometteuses. La conception d’un système de gouvernance au sein de l’hôpital relève de la gestion et doit prendre en considération les intérêts de toutes les parties prenantes. Mais l’auteur souligne en même temps que le problème du système de santé algérien est également d’ordre relationnel, hiérarchique et financier, avec une médecine à deux vitesses, pour les riches et pour les pauvres.

26Économiste de la santé, Abdel-Madjid Djenane invite d’abord à dépasser l’approche économique pour s’engager dans une approche interdisciplinaire, seule à même de cerner les interactions entre les dimensions médicales, juridiques, économiques, sociologiques et politiques. Il invite aussi la science économique à rester fidèle à ses origines, en opérant un retour vers une économie politique de la santé. Elle apportera ainsi sa contribution à la réponse aux enjeux et défis de la solidarité et de l’équité dans le domaine de la santé. Repenser les relations sociales dans le cadre des services de santé repose sur des exigences éthiques et l’intérêt pour l’attention donnée à des personnes exprimant la valeur-lien (Caillé et Godbout, 1992). La santé se « dépense » et se régénère dans le mouvement et dans l’échange qui relient chacun aux autres. Elle est aussi ce bien commun « qui relie les intérêts individuels et non ce qui s’oppose à eux » (Donzelot, 2006) ; la santé relève d’une éthique du développement durable inscrite dans la vie quotidienne.

27Selon la définition bien connue de l’Organisation mondiale de la Santé, « la santé est un état de bien-être », ce qui est beaucoup plus large que la seule « absence de maladie » (voir la contribution d’Abdel-Madjid Djenane). Abdelhafid Hammouche a aussi souligné que l’individu, migrant ou sédentaire, produit et définit lui-même sa santé. Sylvie Dallet élargit encore plus le champ de la santé en considérant qu’elle est une « création de soi ». Si l’être humain est, au moins pour une part, créateur de sa propre santé, il faut aller au-delà du proverbe latin « mens sana in corpore sano » : un esprit sain n’est pas seulement situé dans un corps sain, il l’habite, au sens fort du terme, il se l’approprie et il le construit. La santé relève alors de la « spiritualité », dans un sens beaucoup plus large que le seul sens religieux. Sylvie Dallet invite à s’ouvrir au monde sensible et aux arts, comme autant de ferments d’une écologie des relations propice à construire des « accords de santé ».

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29Cet ouvrage est issu du 5e Séminaire international du Réseau « Développement durable et lien social » (2DLiS) organisé en février 2014 à l’Université Fehrat Abbas de Sétif (Algérie) et intitulé : « Développement durable : Santé, Solidarités, Territoires ». Il a réuni près de 150 participants internationaux autour des axes suivants : « Préservation de la santé, production et gestion des ressources dans un territoire » ; « Promotion de la santé, pouvoirs publics et professionnels et habitants du territoire » ; « Gouvernance territoriale, carte sanitaire et développement durable » ; « Économie de la santé, solidarités et développement humain » ; « Gouvernance Management des établissements de santé et développement durable ». Les textes ici réunis ont été retravaillés pour se centrer sur l’approche par la solidarité.

30Le Réseau 2DLiS est un réseau de chercheurs à vocation euro-méditerranéenne. Il fédère des équipes européennes et africaines à vocation interdisciplinaire et avec la préoccupation commune d’interroger le développement durable à partir des solidarités. Les séminaires précédents ont été suivis de deux ouvrages collectifs (Stoessel-Ritz et al., 2012, 2013) (http://www.reseau-2dlis.eu/)

Références

  • Beck U. (2001 [1986]), La société du risque. Sur la voie d’une autre modernité, Paris, Aubier.
  • Caillé A., Godbout J.T. (1992), L’esprit du don, Paris, La Découverte.
  • Castel R. (1995), Les métamorphoses de la question sociale. Une chronique du salariat, Paris, Fayard.
  • Donzelot J. (2006), Quand la ville se défait, quelle politique face à la crise des banlieues ? Paris, Seuil.
  • Foucault M. (1977), Dits et écrits 1954-1988, Paris, Gallimard, vol. II.
  • Kalaora B., Vlassopoulos C. (2013), Pour une sociologie de l’environnement. Environnement, société et politique, Seyssel, Champ Vallon.
  • Schütz A. (1998 [1955]), Éléments de sociologie phénoménologique, Paris, L’Harmattan.
  • Stoessel-Ritz J., Blanc M., Mathieu N. (dir.) (2012), Développement durable, communautés et sociétés, Bruxelles, Peter Lang.
  • Stoessel-Ritz J., Blanc M., Sahli B. (dir.) (2013), Développement durable, société civile et citoyenneté, Tunis & Paris, Institut de Recherche sur le Maghreb contemporain & L’Harmattan, coll. « Maghreb et Sciences sociales ».

Date de mise en ligne : 20/08/2015

https://doi.org/10.3917/pp.039.0007

Notes

  • [1]
    En anthropologie médicale, le concept de biologie située montre l’enchevêtrement des facteurs socioculturels, biologiques et environnementaux. Le Monde, « Sciences & Médecine », 27 mai 2015, p. 7.
  • [2]
    Pour le président de la Fédération Hospitalière de France, Frédéric Valletoux : « Nul n’ignore la complexité, devenue kafkaïenne, de la réglementation dans laquelle les hôpitaux évoluent : multiplication des strates et autorités de tutelle, foisonnement des réglementations, éparpillement des instances de gouvernance, multiplication des tableaux de bord, des contrats de gestion, des plans et des indicateurs en tout genre » (Les Échos, 17 juin 2015).
  • [3]
    Nathalie Coutinet et Jean-Pierre Girard, Table ronde « Le dynamisme de l’économie sociale et solidaire dans le secteur de la santé », 28 mai 2015, XVes Rencontres du RIUESS, Reims, mai 2015. http://www.riuess.org/
  • [4]
    « L’hygiène du milieu vise à prévenir les maladies d’origine environnementale et à créer un environnement favorable à la santé » (OMS, 2015, www.who.int\topics\environmental_health\fr\).

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