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Article de revue

Les réformes curriculaires au Bénin : identifier les défaillances structurelles pour plus d’efficience

Pages 143 à 161

Notes

  • [1]
    Doctorante en Sciences de l’Éducation, Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Éducation de l’Université de Liège, Belgique ; Université d’Abomey-Calavi/UAC, Bénin.
  • [2]
    La réflexion proposée dans les pages qui suivent s’inscrit dans le cadre d’un doctorat en sciences de l’éducation consacrée à l’approche par compétences dans les classes de français de l’enseignement secondaire public béninois.
  • [3]
    Si nous plaidons ici pour une efficacité et une efficience des pratiques pédagogiques, c’est parce que notre travail de recherche doctorale a pour finalité de contribuer à la relance des activités des écoles normales supérieures en charge de la formation initiale et continuée des enseignants du secondaire. Notre point de vue est donc celui d’une praticienne désireuse de poser un diagnostic avisé sur l’orientation prise par les pratiques professionnelles et les difficultés auxquelles enseignants et formateurs d’enseignants se heurtent actuellement.
  • [4]
    La production scientifique locale autour de ces questions est assez modeste : nous avons pris appui sur les travaux d’Amoussou-Yéyé (1993), Boko (1993, 2009). Nous avons par contre eu accès à des publications officielles (actes de forum, documents administratifs) émanant de la Direction de l’Inspection pédagogique (DIP), de l’Institut National pour la Formation et la Recherche en Éducation (INFRE), du Conseil National de l’Éducation (CNE), structure rattachée à la présidence de la République du Bénin et placée sous la direction du professeur Paulin Hountondji (Université d’Abomey Calavi). Enfin, nous avons pris appui sur des études à portée régionale, telles que celles publiées par l’ADEA (Association for the Development of Education in Africa).
  • [5]
    Conseil National de l’Éducation en novembre 2010 ; formation des inspecteurs en 2011 animée par le professeur Xavier Roegiers (BIEF, Belgique) ; formations à destination d’enseignants de français en 2009 et 2011 ; formations organisées pour des candidats formateurs d’enseignants du secondaire dans le cadre d’un projet de coopération universitaire au développement (Communauté française de Belgique) visant à soutenir la relance des écoles normales supérieures de Lokossa et Porto-Novo, en 2009, 2010, 2011 et 2012.
  • [6]
    Les observations portaient plus spécifiquement sur les situations d’apprentissage du français dans des classes de l’enseignement secondaire général, en sixième, troisième, première et terminale. Nous avons également recueilli des données sur l’équipement des classes, le nombre d’élèves par banc, les types de manuels disponibles dans les bibliothèques, ainsi que des fiches statistiques produites par l’administration de chaque collège ou lycée à la fin de chaque semestre afin d’évaluer le travail des apprenants. Ces fiches présentent le nombre d’élèves inscrits par classe, le nombre d’abandons, le nombre d’élèves ayant effectivement pris part aux différentes évaluations, le nombre d’élèves ayant obtenu la moyenne. Nous avons pu de la sorte cerner le nombre de classes organisées dans chacun de ces établissements, l’effectif par classe, par promotion et par collège.
  • [7]
    Nous avons également pris part à la correction des épreuves de 2010, 2011 et 2012. Il nous a été permis de procéder à une relecture de copies de français qui avaient fait l’objet d’une évaluation par un correcteur et d’une vérification par un contrôleur. À l’issue de cette relecture, nous avons procédé à notre propre évaluation et interrogé la validité conceptuelle des critères et des corrigés-types utilisés initialement dans 150 copies du baccalauréat de 2010 (Programme Intermédiaire), 140 copies du baccalauréat APC en 2011 et 165 copies du baccalauréat en 2012. Pour ce qui concerne le BEPC APC, nous avons relu et procédé à la recorrection de 138 copies de lecture pour l’épreuve de 2010, 140 copies de communication écrite pour l’épreuve de 2011 et 139 copies de communication écrite pour l’épreuve de 2012.
  • [8]
    Nous avons interrogé 36 élèves de troisième et de terminale dans trois établissements secondaires situés respectivement à Cotonou (CEG Suru-Léré), Porto-Novo (CEG Djassin) et Parakou (CEG Banikani). Ce panel a été constitué sur base des notes obtenues lors d’une évaluation interne, de façon à retrouver dans la même proportion des élèves « forts », « moyens » et « faibles ».
  • [9]
    Cette conférence avait été convoquée par le général Mathieu Kérékou, président de la République béninoise. Tenue à l’hôtel PLM Alédjo à Cotonou du 19 au 28 février 1990, elle sonne le glas du Parti unique de la Révolution Populaire du Bénin. Sur le plan politique, le PRPB cède la gestion du pays à un régime démocratique et au multipartisme. Sur le plan de l’éducation scolaire, la Conférence nationale des forces vives réclame la tenue d’États généraux de l’éducation.
  • [10]
    La loi d’orientation interviendra plus tard, en novembre 2003 (loi n° 2003-17 du 11 novembre 2003).
  • [11]
    Nous pointons par exemple les interventions de Félix Iroko, professeur d’histoire à l’Université d’Abomey-Calavi, Antoine Détchénou, professeur certifié de lettres à la retraite, ou encore Marcel Kpogodo qui dans Éducation tribune, n° 895, « Approche par compétences en français, une véritable casserole trouée », www.rjcebenin.net (site visité le 9 avril 2013) et dans RJCE Bénin du 2 janvier 2010, « L’approche par compétences en français, le silence inquiétant des universitaires » (rjce.benin.blogspot.be, site visité le 15 novembre 2013) dénonce l’orientation prise par les nouveaux programmes : « Dix ans après l’introduction de l’Approche par compétences, anciennement appelée “Nouveaux programmes”, dans le système éducatif béninois, beaucoup d’encre et de salive ont coulé pour dénoncer ses ravages sur le niveau des apprenants en français. Si la stigmatisation a été surtout le fait des syndicalistes de la Confédération syndicale des travailleurs du Bénin (CSTB) et de quelques rares enseignants du primaire ou du secondaire, les universitaires, eux, semblent maintenir un mutisme absurde face à une situation qui, tôt ou tard, finira par les atteindre ».
  • [12]
    « […] Aucun universitaire n’a émis un quelconque son de cloche visant à orienter les populations sur les tenants et aboutissants de l’Approche par compétences, depuis son instauration dans le système éducatif béninois. Pourtant, ce ne sont pas les situations scandaleuses qui ont manqué et les plaintes y afférant, surtout, avec la proclamation des résultats du premier Certificat d’études primaires (CEP) de l’Approche par compétences, en 2005, où dans plusieurs écoles du pays, des taux de 100 % de réussite ont été atteints et que plusieurs enfants lauréats pouvaient à peine lire et écrire moyennement », écrit Marcel Kpogodo (RJCE Bénin, 2 janvier 2010, rjce.benin.blogspot.be).
  • [13]
    Pour avoir pris part en tant que chercheure à ces assises, il nous semble que l’hypothèse d’un renoncement pur et simple de l’APC s’inscrit dans la tendance inhérente aux réformes du système béninois à vouloir faire table rase du passé mais elle n’aborde pas le fond du problème, et notamment les déficits structurels qu’il conviendrait d’affronter, quelle que soit l’orientation pédagogique retenue.
  • [14]
    Des échos de ces ateliers préparatoires sont disponibles sur une page Facebook qui leur est spécifiquement dédiée : https://www.facebook.com/ateliers.forum.
  • [15]
    Le lecteur qui voudrait approfondir cette réalité africaine que l’école coloniale n’a pas su gommer – mais a peut-être frustrée ou confortée – peut lire : Au pied du mont Kenya de Jomo Kenyatta, aux éditions Maspero ; Psychologie et guidance en milieu africain, de Gabriel Boko aux éditions CAAREC.
  • [16]
    Décret du 24 juillet 2007 définissant les missions prioritaires de l’enseignement fondamental et de l’enseignement secondaire et organisant les structures propres à les atteindre, Communauté française de Belgique.
  • [17]
    L’Art poétique de Boileau paru en 1674 traite des règles fondamentales de l’écriture en vers classiques et de la manière de s’approcher au plus près de la perfection. « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément » ; « Avant donc d’écrire, apprenez à penser » (Boileau, 1985, pp. 227-233).
  • [18]
    Les critères retenus sont les suivants : ratio élève/livre de français ; ratio élève/livre de mathématique ; ratio élève/classe ; ratio élève/enseignant ; ratio élève/place assise ; ratio classe/enseignant ; pourcentage des enseignants recyclés au cours des trois dernières années (Gbénou et al., 1999, p. 61).
  • [19]
    Ainsi, la réforme Grossetête-Dossou-Yovo (1970-1971) poursuivait trois objectifs : la démocratisation de l’école (chaque parent doit pouvoir envoyer son enfant dans une école publique comme dans une école privée) ; la décentralisation de l’école (des écoles sont créées un peu partout dans des villes et des villages) et l’investissement dans l’enseignement technique et la formation professionnelle (les élèves doivent être préparés à exercer un métier). Mais la réforme est vivement contestée, pour n’avoir pas reçu l’adhésion des acteurs du système éducatif. Il se dit alors que les deux promoteurs de la réforme, le ministre de l’Éducation, M. Dossou-Yovo et un fonctionnaire français, inspecteur de l’Académie d’Outre-Mer, représentant le gouverneur français au Dahomey, M. Grossetête, se sont enfermés dans un bureau pour la concevoir. La réforme fit donc long feu, mais les objectifs annoncés ne seront pas abandonnés.
  • [20]
    Cet aspect éco-citoyen de la révolution nous a particulièrement marquée. Tous les samedis matin, les marchés populaires étaient balayés par tous les usagers. Les bureaux étaient eux aussi balayés par les fonctionnaires eux-mêmes, les écoles et leurs alentours immédiats, par les enseignants et les élèves. On s’appelait tous « Camarade » et on répétait : « Pour la révolution, nous sommes prêts, pour la production, tous en avant ! ».
  • [21]
    Les mêmes auteurs notent que « depuis la rentrée scolaire 2007-2008, les enseignants communautaires ont été recensés et leurs charges salariales incombent désormais à l’État béninois » et que « l’État a aussi mis fin au recrutement d’enseignants communautaires » (Kakai et al., 2008, p. 17).
  • [22]
    Au cours de l’année scolaire 2011-2012, le Bénin comptait un total de 668 établissements publics, dont 382 de 1er cycle (scolarisant 505 320 élèves) et 286 de 2d cycle (scolarisant 151 663 élèves). Parmi les enseignants en charge d’une classe, on comptait 981 agents permanents de l’État (APE), 9 200 agents contractuels de l’État (ACE) et surtout 37 766 vacataires. Quant au personnel administratif des établissements secondaires publics, il était composé de 662 directeurs, 390 censeurs, 585 surveillants généraux et 263 comptables. Source de ces informations : Direction de l’Enseignement Secondaire (DES), Porto-Novo, 2013.
  • [23]
    Source : Ministère de l’Enseignement Secondaire de la Formation Technique et Professionnelle et de l’Insertion des Jeunes du Bénin, mars 2011.
  • [24]
    Cette décision a été consacrée par le décret 2008-377 du 24 juin 2008, portant régime juridique d’emploi des agents contractuels de l’État en sa section 3, article 110.
  • [25]
    Trois de ces établissements sont attachés à l’Université d’Abomey-Calavi : l’École Normale Supérieure d’Enseignement Technique de Lokossa, pour les professeurs de l’enseignement technique et professionnel ; l’École Normale Supérieure de Porto-Novo, pour les enseignants en charge des matières littéraires et des sciences humaines ; l’Institut National de la Jeunesse, de l’Éducation Physique et du Sport de Porto-Novo. Le dernier des établissements est attaché à l’Université de Parakou : l’École Normale Supérieure de Natitingou, pour les enseignants de mathématiques, sciences physiques, sciences de la vie et de la terre.
  • [26]
    Pendant les périodes de congés, l’ENS reçoit plusieurs catégories d’enseignants. À côté des enseignants « reversés », on retrouve des candidats dont formation est payée par l’État (les APE sans formation initiale, recrutés sur concours et sur base d’une maîtrise ou d’une licence universitaire), des candidats formés à titre payant (le candidat finance lui-même sa formation).
  • [27]
    Une partie de cette formation a notamment été assurée par des intervenants belges francophones, au sein du BIEF, organisme de consultance en ingénierie de l’éducation et de la formation coordonné par Xavier Roegiers et établi à Louvain-la-Neuve (Belgique).
  • [28]
    Conférence des ministres de l’Éducation des pays ayant le français en partage.
  • [29]
    Le CM2 marque la fin d’un cursus de six années d’études primaires. Il est soldé par un examen externe, le Certificat d’Études Primaires/CEP, qui donne accès aux études secondaires. Le public du CM2 est âgé en moyenne de 10-11 ans.
  • [30]
    Source : Institut National pour la Formation et la Recherche en Éducation/INFRE, Porto-Novo.

1 – Avant-propos

1En 1990, de nouveaux programmes d’études basés sur l’approche par compétences (APC) ont été introduits dans l’enseignement béninois, avec le soutien d’importants partenaires techniques et financiers, au premier rang desquels figure l’USAID. Cette nouvelle approche pédagogique a suscité et suscite aujourd’hui encore d’intenses débats et de vives polémiques dans les médias, chez les enseignants et dans l’arène politique. Dans le cas précis de l’enseignement du français [2], ses détracteurs dénoncent un massacre intellectuel et l’abandon de méthodes pédagogiques plus directives, déplorent l’absence d’une prise en compte des réalités socioculturelles locales ou le déficit de qualification du personnel enseignant. Les promoteurs et les partisans de la réforme considèrent qu’il s’agit là d’un changement indispensable pour le développement du pays.

2Dans cette étude, nous présenterons d’abord les thèses qui s’affrontent dans l’âpre polémique autour de l’APC et nous suggérerons que les polémiques et la méfiance qui entourent la réforme sont nées en partie des modalités du processus de son implémentation dans le système éducatif béninois. Nous partirons de l’hypothèse que, plutôt que d’être à l’origine des déficiences du système scolaire béninois, l’introduction de l’APC a contribué à révéler ou à exacerber des défaillances structurelles. Corollaire ou conséquence du déficit de qualification du personnel enseignant, de la constitution d’un important corps d’enseignants communautaires et d’une approche des compétences enfermée dans une vision très scolaire. La mise en œuvre de l’approche par compétences dans les classes s’est enfermée dans des pratiques pédagogiques ritualisées qui manquent d’efficacité et d’efficience [3]. La polémique, en privilégiant des questions de principe, tendrait à occulter soigneusement la difficulté, voire l’incapacité, des acteurs locaux et des intervenants étrangers qui les accompagnent à proposer une traduction réaliste et praticable de l’approche par compétences. Englués dans des débats conceptuels, opposants et partisans de l’APC font fi de l’indispensable confrontation au difficile exercice de transposition didactique.

3Notre réflexion s’appuie sur une revue de la littérature [4], une participation à des journées d’études ou des formations ouvertes aux inspecteurs ou aux enseignants du secondaire [5], un travail d’analyse de données tirées d’observations dans des classes de français (collèges et lycées) [6] et dans les centres de correction du BEPC et du baccalauréat, de la lecture des copies d’épreuves de brevet des collèges et de baccalauréat [7], de questionnaires d’enquête [8] et d’entretiens approfondis réalisés auprès de neuf enseignants de français et de treize personnes ressources (formateurs d’enseignants, inspecteurs, conseillers pédagogiques et cadres de l’administration de l’enseignement béninois).

2 – Les États généraux de l’éducation

4Lors des États généraux de l’éducation (2 au 9 octobre 1990), décidés dans le processus politique initié par la Conférence nationale des forces vives [9], un consensus émerge autour du constat de la faillite de tous les programmes scolaires qui ont été appliqués jusqu’alors et de la nécessité d’instaurer de nouveaux programmes. Ce souci de réforme s’inscrit dans un contexte économique pour le moins difficile, conséquence « des mauvaises décisions » (Gbénou et al., 1999, p. 10) prises sous le régime socialiste. « Amorcée dans les années quatre-vingt, cette crise a culminé en 1988 par d’importants déficits budgétaires, une accumulation considérable d’arriérés de paiement intérieurs et extérieurs, des entreprises publiques et parapubliques financièrement compromises et par l’effondrement du système bancaire » (ibid.). Le programme d’ajustement structurel « financièrement soutenu par le FMI et la Banque mondiale » (ibid.) est lourd de conséquences sur le secteur public, et donc sur l’école publique, dès lors qu’il s’agit de réduire sa taille et son rôle et de stimuler le secteur privé.

5En l’absence d’une loi d’orientation de l’éducation nationale [10], le gouvernement béninois publie en 1991 une Déclaration de politique éducative et de stratégie sectorielle qui précise que « de manière générale, l’école béninoise devra désormais former un homme techniquement compétent et humainement équilibré ; former des hommes sans cesse performants, dotés d’esprit d’initiative, ayant le goût de la recherche, capables de s’auto-employer, de créer des emplois et de contribuer efficacement au développement du Bénin » (Gbénou et al., 1999, p. 66).

6Mais dans un contexte de réduction des dépenses publiques, les responsables politiques béninois manquent cruellement de moyens. Le gouvernement fait alors appel à des partenaires techniques et financiers. Dans un premier temps, l’USAID (United States Agency for International Development) et la coopération canadienne soutiennent la réforme des programmes de l’école primaire. D’autres partenaires techniques et financiers tels que le FNUAP (Fond des Nations Unies pour la Population) et l’Ambassade du Royaume de Danemark emboîtent le pas, chacun avec ses domaines éligibles et ses disciplines prioritaires.

3 – Une réforme très discutée

7La constitution de « nouveaux programmes d’études (NPE) » axés sur les compétences au début des années 1990 atteste d’une volonté de rupture avec l’École Nouvelle que le régime marxiste-léniniste avait mise en place. L’implémentation de la nouvelle norme pédagogique ne va toutefois pas de soi : elle suscite beaucoup d’interrogations et de résistances dans le chef des syndicats, des enseignants, de certains intellectuels et elle souffre d’un déficit de lisibilité dans l’opinion publique.

8Pour les opposants à la réforme, les choses sont claires : la réforme pédagogique inscrite dans les NPE est à l’origine de toutes les crises scolaires qui freinent le déroulement normal des enseignements depuis les années 1990. Dans les grèves perlées que les organisations syndicales multiplient dans le système éducatif, les oppositions à la réforme pédagogique se mêlent aux revendications salariales. Des prises de position médiatiques [11] dans la presse quotidienne, sur le web ou via les réseaux sociaux, pourfendent l’APC qui contribuerait à la baisse du niveau des apprenants et qui exigerait un effort financier supplémentaire de la part des parents d’élèves.

9Dans l’opinion publique, les résultats obtenus par la première cohorte d’élèves formée dans la nouvelle orientation pédagogique au Certificat d’études primaires ont soulevé doutes et interrogations : comment interpréter l’extraordinaire taux de réussite (98 %) dans ces établissements pilotes ? Fallait-il y voir un argument politique destiné à favoriser l’adhésion des parents à la réforme [12] ? Ou la conséquence de la mansuétude ou d’approximations dans le chef de correcteurs peu rompus aux nouvelles orientations pédagogiques ? Entre la réussite finale et la mauvaise réputation de l’école publique à laquelle les parents adressent volontiers un reproche de laisser-aller général, le décalage était manifeste.

10Ces difficultés et dysfonctionnements structurels ont poussé le Conseil national de l’éducation (CNE) à tenir des journées d’études à Cotonou en novembre 2010. Partisans et opposants de l’APC ont eu l’occasion d’y confronter leurs arguments. Aucun rapport officiel n’est encore publié et aucune décision concernant l’avenir des NPE n’a été prise. Les pronostics vont bon train à ce propos [13]. Plus récemment, dans l’un des ateliers préparatoires du 2e Forum National de l’Éducation dont l’organisation a été décidée par le Conseil des ministres le 20 février 2013, la réflexion s’est portée sur la façon d’aboutir « à une résolution sérieuse sur les programmes d’étude actuels et l’approche par compétences », et l’un des orateurs, membre du Département de Psychologie et des Sciences de l’Éducation de l’Université d’Abomey Calavi a conclu son intervention par la question suivante : « L’école sera-t-elle réduite à fabriquer seulement des vendeurs de petits pains dont le système industriel capitaliste a besoin, de petits cadres capables d’exécuter des ordres en lieu et place de concepteurs capables de mettre les habitants des pays sous-développés sur la route de la transformation, de la production et de l’émergence [14] ? » Le propos peut paraître provoquant, il offre surtout une vision très réductrice de la notion de compétences. Nous y reviendrons plus loin.

11Très (trop) souvent dans ces débats, les discussions tournent autour de précisions terminologiques ou conceptuelles, mettent l’accent sur les dispositions individuelles (celles des élèves et celles du maître) plutôt que sur l’organisation du travail en classe. Il est somme toute peu question des conditions ou des modalités d’appropriation et de transposition de l’APC dans les activités quotidiennes. On n’a que peu d’informations sur la façon dont les enseignants se tirent d’affaire avec cette nouvelle norme, sur les stratégies mises en œuvre pour articuler savoirs et compétences, pour évaluer les aptitudes des élèves, etc. Il y aurait pourtant un intérêt certain à quitter le débat d’idées pour s’affronter aux pratiques professionnelles effectivement mises en œuvre et mesurer la validité des dispositifs didactiques et des épreuves d’évaluation externe (CEP, BEPC et baccalauréat).

12Nos observations sur le terrain et dans les classes au secondaire, nos rencontres avec des enseignants et certains administratifs du système éducatif, etc., confirment qu’un important écart subsiste entre les définitions officielles et les usages effectifs de l’APC. Cet écart est parfois expliqué par des arguments liés à la psychologie cognitive de l’enfant et de l’adolescent : la liberté que la pédagogie active accorde à l’élève en situation d’apprentissage n’irait pas de soi parce qu’elle ne fait pas partie des habitudes éducatives des familles béninoises. Ainsi, lorsqu’il quitte l’école où on lui demande d’être acteur de son propre apprentissage et qu’il rentre à la maison, l’élève retourne à l’éducation traditionnelle, celle qui l’a façonné et qui le moule au fil de sa croissance. Dans cette éducation traditionnelle, l’apprentissage n’est pas autogéré ; il repose sur une action exercée par des aînés « qui savent tout » sur un jeune qui « ignore tout ». Ainsi en va-t-il dans ce proverbe africain bien connu : « Un vieillard assis voit plus loin qu’un jeune homme debout[15]. »

13Cette hypothèse ne nous paraît toutefois pas pleinement satisfaisante, parce que la liberté accordée à l’élève n’exclut pas le devoir de l’enseignant de fournir des éléments de connaissance ou des savoirs à ceux qu’il doit encadrer : sans ressources fournies par l’enseignant (connaissances, méthodologies, procédures…), l’élève ne peut organiser un travail efficace et efficient. Il revient à l’enseignant d’amener chaque élève à mobiliser savoirs et connaissances dans des tâches significatives et signifiantes. Une telle orientation pédagogique encourage l’engagement responsable et productif de l’élève dès lors qu’il est confronté à des conflits cognitifs créés de toutes pièces. C’est par la résolution de problèmes, de portée et de complexité variables, que l’élève expérimentera des aptitudes, intellectuelles, méthodologiques, techniques ou relationnelles.

14De nos échanges avec des enseignants, des inspecteurs et des conseillers pédagogiques confrontés à l’organisation des apprentissages en français, ressort le sentiment d’une représentation des compétences peu en phase avec l’environnement quotidien des enfants et des jeunes béninois. Les compétences sont appréhendées et traitées comme un objet scolaire, elles s’acquièrent et se démontrent dans des tâches résolument scolaires.

15Or, dans d’autres contextes éducatifs, comme celui de la Belgique francophone [16], le législateur a retenu une vision de la compétence qui relève « clairement de l’action, de l’opératoire, du savoir-faire ou agir puisqu’il s’agit d’accomplir un certain nombre de tâches » (Beckers, 2002, p. 7). Du coup, on peut considérer que l’accent est mis sur la formation à l’acquisition de capacités d’adaptabilité, d’« intelligence situationnelle » (Zarifian, 1988, p. 74, in Beckers, 2002, p. 11), sur le fond plutôt que sur la forme. Dans certains apprentissages en français, on privilégiera par exemple la profondeur de l’argumentation plutôt que la forme, le style ou la poéticité.

16Au Bénin, au contraire, certains de nos interlocuteurs reprochent cette priorité donnée au fond plutôt qu’à la forme. Ainsi, dans l’exercice de rédaction, la qualité de la prestation individuelle reposerait avant tout sur la structuration et la construction des idées autour d’un sujet et sur le respect des consignes qui ont été données. Les idées doivent être rendues à travers des phrases intelligibles, c’est-à-dire lisibles et compréhensibles. L’Art poétique de Boileau [17], disent-ils, ne pourrait être effacé du revers de la main, sous prétexte qu’on ne regarde que les idées. Mais en définitive, objectent les tenants d’une position plus proche de l’APC, se livre-t-on à l’exercice poétique dans la vie de tous les jours ? Que doit-il rester à l’apprenant en classe de français, après l’écrit : la poésie ou bien la capacité de comprendre ses interlocuteurs, de leur exprimer des idées profondes ou des sentiments à propos d’un phénomène social donné ? L’exercice formel ne pourra survenir qu’après que des connaissances aient été acquises et mobilisées : on ne peut parler de tout de façon pertinente, même en respectant les formes prescrites… Il revient donc aux enseignants de mieux articuler, ou d’articuler autrement, contenus et formes de l’expression. Ce qui ne peut se faire sans qu’au préalable, l’enseignant n’ait repéré les besoins de l’élève et adapté l’action éducative (Beckers, 2002, p. 12).

17On l’aura compris, la nouvelle référence pédagogique suscite embarras, crainte ou résistance dans le chef des enseignants béninois. Ces sentiments très mitigés trouveraient pour partie leur origine dans la façon dont cette norme a été imposée dans le système éducatif, et plus particulièrement dans l’école secondaire.

4 – L’implémentation de l’APC dans le système éducatif béninois

18Dès la signature de l’accord de subvention multisectorielle avec l’USAID (septembre 1991), la réforme pédagogique est déclinée à travers quinze plans d’actions regroupés en trois volets : la pédagogie, l’institution et la planification. Les deux tableaux repris en annexes récapitulent les activités menées, à l’école primaire puis à l’école secondaire, dans les quatre plans d’actions prioritaires qui ont effectivement été mis en œuvre par les autorités béninoises au départ des quinze qui avaient été retenus. Cette implémentation est caractérisée par quatre faits majeurs.

19Premièrement, il n’y a pas eu de mise en œuvre simultanée des NPE dans l’école primaire et dans l’école secondaire, mais une implémentation progressive. Le soutien financier de l’USAID s’est orienté vers le seul enseignement primaire qui a fait l’objet de plusieurs plans d’action (scolarisation des filles ; éducation et communauté ; intégration des enfants handicapés ; école de qualité fondamentale ; réforme des programmes d’études). Dans le rapport final d’un séminaire régional consacré à la politique de refondation curriculaire, la contribution béninoise porte sur le seul enseignement primaire et les auteurs précisent que « la mise en œuvre de la réforme n’a pas connu le même rythme dans les différents ordres d’enseignement. À l’enseignement primaire, elle est très avancée. L’enseignement secondaire général est en train d’emboîter le pas au primaire et l’enseignement secondaire technique et professionnel vient de mettre au point un document-cadre d’orientation de la formation professionnelle » et, si besoin en était, que « l’enseignement primaire constitue pour le Bénin la priorité des priorités » (Débourou et al., 2001, p. 25).

20Après l’enseignement primaire et à l’issue d’une phase d’expérimentation dans des établissements pilotes, les Nouveaux Programmes d’Études entrent en vigueur dans les collèges d’enseignement général (CEG) au début de l’année scolaire 2005-2006, en classe de sixième. Ils seront ensuite étendus en classe de cinquième au cours de l’année scolaire 2006-2007, et ainsi de suite jusqu’à la généralisation de l’approche par compétences à l’école secondaire. Cette avancée progressive vers une nouvelle norme pédagogique s’est accompagnée d’un retrait concomitant des partenaires financiers. À partir de 2002, soit après dix années de soutien financier, les aides extérieures se réduisent et c’est à la Cellule de généralisation des programmes d’études (une structure nationale créée sur fond de budget de l’État béninois) de poursuivre l’implantation des curricula.

21Certains déplorent cette segmentation du système éducatif béninois et les modes de répartition des aides financières internationales : ainsi, l’Institut National pour la Formation et la Recherche en Éducation (INFRE) souligne que « les enseignements secondaire et supérieur doivent bénéficier d’une grande attention de la part des décideurs du système éducatif. Concentrer les trois quarts des efforts sur l’enseignement primaire déclaré comme priorité constitue, à n’en point douter, une culture de l’incohérence dans le système éducatif béninois […]. Même si les contraintes de notre coopération s’y attellent, il est impératif que le développement de notre école dans son ensemble soit vu comme un élément important de souveraineté » (Tchitchi, 2001, p. 95).

22La disparité dans l’attribution des moyens entre l’école primaire et l’école secondaire a probablement nourri le contentieux autour de l’APC : plus qu’une occasion de réflexion commune sur la traduction concrète des principes généraux inscrits dans la déclaration de politique éducative, sur l’organisation des apprentissages dans l’école obligatoire au Bénin et sur leur continuité, l’introduction du nouveau paradigme pédagogique a ouvert des lignes de dissension, notamment entre les inspecteurs du primaire et du secondaire.

23Deuxièmement, c’est par le truchement de la formation des inspecteurs que la nouvelle norme pédagogique a été diffusée dans le système éducatif béninois. Ce processus a été initié par la coopération canadienne qui prend en charge la formation des inspecteurs du primaire lors de stages sur son territoire. À leur retour, les inspecteurs forment les conseillers pédagogiques. Ces conseillers forment à leur tour les enseignants soit directement, soit indirectement lorsqu’ils s’adressent aux directeurs d’école et aux animateurs et qu’il revient à ceux-ci de former leurs enseignants. On verra plus loin que les inspecteurs seront à nouveau sollicités pour l’accompagnement du processus d’introduction de l’APC à l’école secondaire, et que cela ne se fait pas sans difficultés dès lors qu’il s’agit de concilier des tâches de formation, d’accompagnement, de certification et de contrôle de la pratique professionnelle.

24Les entretiens que nous avons menés avec des enseignants semblent indiquer que leur insécurité en classe est due à l’absence d’une formation efficace et de supports didactiques qui servent de modèles ou de références pour l’organisation du travail en classe. D’une part, en formation initiale – nous y reviendrons plus bas –, la didactique fait l’objet d’un enseignement ou d’un exposé magistral plutôt que d’une expérimentation pratique ; l’encadrement et l’évaluation des stages pratiques, qui restent la modalité privilégiée d’acquisition des compétences professionnelles, sont confiés à des enseignants qui n’ont pas été formés à la nouvelle orientation pédagogique. D’autre part, les enseignants en fonction ne peuvent s’appuyer que sur de maigres ressources en didactiques. De 2005 à 2011, aucune norme ne régissait la production locale de manuels APC en français : chaque concepteur y développait sa propre vision des choses. En 2011, les ouvrages édités par la collection « Plume Soleil » ont été inscrits au programme par l’autorité compétente en la matière, la Direction de l’Inspection Pédagogique (DIP). Cela étant, on peut se demander si la production de manuels est en elle-même bien conforme à l’esprit de l’APC, qui oblige à une identification des besoins des apprenants : si certains de ces besoins sont transversaux, d’autres par contre doivent être appréhendés de façon spécifique. Le recours à un manuel risque par ailleurs de figer les démarches et de freiner l’effort de création que devraient entamer chaque enseignant ou, mieux encore, chaque équipe d’enseignants.

25Troisièmement, l’instauration des programmes axés sur les compétences doit être située dans le cadre idéologique sous-jacent à l’intervention des bailleurs internationaux de fonds, qui a donné une tonalité et une orientation aux diagnostics posés sur le contexte local. C’est le cas par exemple du bilan dressé par Gbénou et al. (1999, p. 36) sur l’école primaire : « Sur le plan de la qualité, il a été observé que l’école primaire développe peu l’esprit critique, innovateur ou entrepreneurial des enfants et des adolescents. Elle ne leur fournit pas les outils nécessaires pour contribuer à l’amélioration efficiente de leur milieu de vie. » Afin d’améliorer la qualité des services prestés, l’action publique sur la définition de critères objectivables précisant les normes minimales à atteindre par chaque école [18]. Dans ce nouveau mode de régulation, qui s’impose dans d’autres contextes nationaux à la fin des années 1990, l’évaluation devient un moyen de contrôle des systèmes éducatifs ou un instrument d’accountability ; le contrôle central devient « pilotage » et cède la place à une responsabilisation des établissements locaux qui peuvent être amenés à rendre des comptes (Broadfoot, 2000). Confrontées à cette évolution des modes de pilotage, les écoles primaires et les écoles secondaires ne disposent pas des mêmes marges de manœuvre, compte tenu de leur taille et des finalités qui leur sont assignées. La linéarité des orientations politiques peut dès lors déboucher sur des résultats très contrastés voire opposés selon le niveau de l’enseignement. De ce point de vue, nous pourrions avancer l’hypothèse qu’il n’était peut-être pas opportun de soumettre l’école primaire et l’école secondaire béninoises aux mêmes injonctions.

26Quatrièmement, au contraire des réformes précédentes, l’introduction de l’APC ne répond pas à une revendication locale ou à un projet national mais projette le système éducatif béninois dans un cadre de référence supranational. Un bref détour par l’histoire est ici nécessaire pour comprendre en quoi la dernière réforme tranche avec celles qui ont précédé.

27Lorsqu’à l’indépendance du Bénin en 1960, les autorités publiques conservent le programme scolaire de l’école coloniale française, elles privilégient la stabilité des institutions de socialisation. L’indépendance n’a pas mis fin à l’éducation scolaire, au contraire. L’école devient l’outil de promotion d’une « nouvelle » identité. « Le livre d’Aimé Césaire Discours sur le colonialisme, qui est un livre fondateur, un livre culturel, nous a permis de prendre conscience qu’il y avait vraiment un problème de la colonisation, tête de pont d’une pensée, d’une action, d’asservissement. À partir du Discours sur le colonialisme, moi-même j’ai changé. J’ai été un ardent défenseur de l’idée d’Indépendance, de l’idée du divorce avec un système où, comme le dit Kwame Nkrumah, “un peuple qui n’est pas gouverné par ses fils est informe et absurde” » (Albert Tévoèdjrè, haut fonctionnaire international, médiateur émérite de la République du Bénin). Cela étant, les programmes scolaires béninois privilégient jusque dans les années 1970 les contenus et le psittacisme. L’enfant apprend par cœur et restitue en son temps les connaissances apprises. Les programmes proposent des listes de notions à enseigner. Les enseignants du secondaire, souvent formés sur le tas, gèrent les connaissances selon la maîtrise qu’ils en ont eux-mêmes et sur base de manuels.

28Au début des années 1970, le système scolaire béninois traverse une période tumultueuse [19], qui prend fin avec l’instauration du régime marxiste-léniniste. Un tournant majeur est pris : un idéal démocratique est affirmé et, fait révolutionnaire, l’école devient une « unité de production ». On peut considérer que ce programme dit « École Nouvelle, unité de production » constitue le premier réel changement curriculaire depuis l’école coloniale implantée dans les années 1890 en Afrique Occidentale Française. Il organise le système éducatif au Bénin de 1972 à 1990, sur la base de trois grandes inflexions. Tout d’abord, l’idéal démocratique s’affirme à travers la création de Collèges d’Enseignement Général (CEG) dans chaque quartier des villes et dans les villages. Ensuite, à travers la création de coopératives scolaires, chaque établissement est amené à couvrir financièrement une partie de ses besoins en prenant en charge des activités de production agricole et manuelle. Enfin, le régime marxiste-léniniste de la révolution populaire du Bénin, entendant mettre à bas le « néo-colonialisme », opte pour des programmes scolaires axés sur les objectifs et soutenus par une idéologie utilitariste et nationaliste. D’une part, les objectifs à atteindre sont précisément définis ainsi que les activités qui permettent leur réalisation. Ce qui induit la recherche de comportements observables dans chaque activité des apprenants. D’autre part, la citoyenneté est mise au premier plan : l’idéologie, le civisme, la morale, l’amour du drapeau (l’hymne national est chanté à l’entame et à la fin de chaque leçon : Enfants du Bénin debout !), l’histoire des rois du Dahomey, des résistants de l’Afrique face aux colons, l’économie familiale, l’embellissement de l’environnement [20] sont les matières privilégiées. La visée anticolonialiste pousse à un rejet de l’enseignement du français, perçu comme héritage du colon (Boko, 1993). Il est à noter que le programme de l’École Nouvelle est parvenu à réussir l’alphabétisation des masses et à introduire les langues nationales à l’école dès les Centres d’Éveil et de Stimulation de l’Enfant (CESE), les actuelles écoles maternelles.

29L’introduction de l’APC constituerait-elle alors une réforme « opportuniste », sorte de greffon déconnecté du substrat local ? Si l’école coloniale et l’école nouvelle s’adossaient à des projets politiques lisibles – même s’ils sont éminemment discutables – ou les confortaient, il se pourrait que la nouvelle orientation pédagogique – même si elle a un bien-fondé – ait contribué à la dérégulation du champ éducatif, parce qu’elle n’est pas nécessairement le reflet de préoccupations nationales. En outre, l’introduction des Nouveaux Programmes d’Études a vraisemblablement suscité le trouble dans un contexte professionnel à peine stabilisé.

5 – Un corps d’enseignants faiblement qualifié et vulnérable

30En 1981, les programmes de l’École Nouvelle fondée par le régime marxiste-léniniste avaient fait l’objet d’un premier bilan et avaient été revus. « De 1981, après le bilan de l’École nouvelle, à 1988, ont été appliqués des programmes dits officiels, reconnus plus tard comme complètement touffus, parce que constitués d’un ensemble de titres juxtaposés, de contenus dont la mise en œuvre embarrasse l’enseignant, d’autant plus qu’ils ne sont pas accompagnés ni d’instructions officielles ni d’objectifs précis. Pour mettre fin à cet imbroglio, on a élaboré des programmes intermédiaires (PI), qui sont des contenus accompagnés d’objectifs ou de commentaires indiquant à l’enseignant ce qu’il peut faire » (Gomez et Huannou, 2009, p. 41). En d’autres termes, l’introduction de l’APC est venue (ré)installer un certain désordre sur un terrain à peine débroussaillé, voire pacifié ; elle a aussi exacerbé un déficit structurel majeur.

31En 1995, 87,6 % des enseignants béninois étaient titulaires d’un titre pédagogique contre 51,5 % en 2002. Cette baisse de la qualification reste principalement imputable à la croissance des enseignants agents contractuels de l’État et surtout des enseignants communautaires non qualifiés parfois titulaires du seul BEPC, diplôme sanctionnant la fin du premier cycle du secondaire (décerné en fin de troisième année), parfois titulaires du baccalauréat, diplôme obtenu à l’issue du second cycle du secondaire (ce cycle comptant les classes de seconde, première et terminale). Ces enseignants qui, dans le meilleur des cas, ont fréquenté l’université pendant quelques années ou sont titulaires de diplômes académiques inappropriés à l’enseignement sont recrutés par les associations de parents d’élèves. Certains y voient « une réponse des communautés lassées d’attendre l’État doter en personnel enseignant les écoles publiques » (Kakaï et al., 2008, p. 4) et une conséquence des « contraintes structurelles et conjoncturelles imposées aux États par le biais des institutions de Bretton Woods » (Kakaï et al., 2008, p. 14) [21].

32Aujourd’hui, la presque totalité des enseignants du secondaire est composée d’enseignants non permanents. Et qui plus est, non qualifiés [22] : la suspension, du fait des restrictions budgétaires impliquées par les différents plans d’ajustement structurel, des activités des écoles normales supérieures, dont l’École Félicien Nadjo de Porto-Novo qui avait été ouverte en 1978, a creusé le déficit de qualification du corps enseignant. Dans les établissements secondaires coexistent des enseignants aux statuts divers, dont une majorité n’a aucune formation pédagogique. Selon les données de la population enseignante établies par le Ministère de l’Enseignement Secondaire en 2011, les enseignants contractuels de l’État représentent les deux tiers de la population des enseignants, soit 11 028 enseignants vacataires sans aucune qualification professionnelle [23].

33En 2007, le gouvernement béninois avait décidé [24] de régulariser leur situation administrative et financière. En d’autres termes, il s’agit de « reverser » ces agents occasionnels et ces enseignants contractuels locaux dans le cadre des agents permanents de l’État. C’est en 2011 que débute la formation des « reversés » dans le cadre des Écoles Normales Supérieures du Bénin [25]. Le titre universitaire (Bac, DUEL, DEUG, DUES, DUEJ, licence, maîtrise) dont l’agent contractuel peut se prévaloir constitue la base de son reversement dans la fonction publique ; il détermine également les modalités de la formation qui doit être suivie. En fonction du titre universitaire possédé, ces « reversés » ont à suivre une formation s’étalant sur une période d’une à cinq années, organisée pendant les vacances scolaires et les congés de détente et à l’issue de laquelle ils obtiennent le titre de professeurs adjoints ou certifiés.

34L’effort à consentir est donc réel et il a suscité quelque réticence parmi les enseignants concernés. Mais là n’est pas l’essentiel : la formation des « reversés » a été entamée tambour battant, sans que l’on se soit assuré au préalable que les formateurs eux-mêmes possèdent les aptitudes requises pour mener cette imposante tâche. De plus, ou en conséquence de ce qui précède, le dispositif a été construit sur un mode académique, laissant donc de côté la spécificité des besoins du public visé. Il paraît en effet bien illusoire de s’adresser de la même façon à des étudiants universitaires qu’à des « professionnels » formés sur le tas et ayant acquis des habitudes de travail peu efficaces et peu efficientes. La volonté de combler les déficits de formation dans de (trop) brefs délais risque de générer d’importants effets pervers, parce qu’il n’est pas acquis que l’exposition à un modèle théorique suffit à ébranler des pratiques professionnelles qui se sont consolidées au fur et à mesure des expériences et surtout des difficultés quotidiennes.

35Certains observateurs (Comhaire et al., 2007, p. 48) précisent que l’application de ces nouveaux programmes, ajoutée aux conditions salariales des enseignants, ainsi que la création d’une nouvelle catégorie d’enseignants dits « communautaires » constituent des motifs de fragilité du système éducatif béninois confronté à des crises scolaires répétées comme s’il s’était engouffré dans un cercle infernal. Depuis ces réformes, il n’y a plus jamais eu d’années scolaires paisibles et stables au Bénin. Bien plus, pour certains analystes, la réforme pédagogique est un fiasco dans l’école primaire : « Les enseignants du public n’en voulaient pas et les parents d’élèves eux, se sont sentis dépossédés des savoirs transmis » (Comhaire et al., 2007). Comparativement, l’École nouvelle avait pu s’imposer dans un contexte plus favorable. Les militaires étaient en charge de la plupart des ministères stratégiques, dont celui de l’Enseignement, et la formation des enseignants était assurée dans des camps militaires. Les jeunes instituteurs révolutionnaires suivaient une année de formation, une fois obtenus le BEPC ou le Baccalauréat ; ils enseignaient en treillis dans les écoles publiques, les écoles privées étant alors presque inexistantes. Si le corps des enseignants était plus unifié, la compétence professionnelle et le bien-fondé de l’action éducative n’étaient pas pour autant assurés.

36La formation initiale des enseignants du secondaire a été récemment relancée, avec la réouverture des trois Écoles normales supérieures. Le gouvernement béninois finance la formation d’étudiants bacheliers recrutés sur base d’un concours en 2010 pour les matières scientifiques ; puis en 2011 pour les sciences humaines et lettres et les cours techniques et professionnels. La 1re vague d’enseignants qualifiés professeurs adjoints pourra entrer sur le marché du travail trois ans plus tard ; les professeurs certifiés, cinq ans plus tard. Les ENS ont retrouvé d’importantes marges de manœuvre, mais les ressources humaines restent limitées, compte tenu des activités actuellement prises en charge [26]. À ce niveau aussi, il n’est pas acquis que les formateurs aient pu expérimenter la norme pédagogique de référence : les cours dispensés restent largement prescriptifs et laissent peu de place à la mise en œuvre de dispositifs pratiques ; les stages d’enseignement dans les classes des écoles secondaires sont, dans l’état actuel des choses, peu articulés à la formation disciplinaire et ne sont pas exploités systématiquement.

37Enfin, une importante partie de la formation initiale, notamment le versant didactique, est assurée par le corps des inspecteurs de l’enseignement secondaire. Si la pénurie des ressources humaines peut expliquer le recours aux connaissances acquises par ces inspecteurs lors de stages d’études à l’étranger [27], leur intervention contribue néanmoins à un certain immobilisme en installant une stricte adéquation entre ce qui est prescrit et ce qui est contrôlé. L’indispensable créativité requise par l’expérimentation didactique s’accorde mal avec les contraintes liées à la gestion administrative des prestations individuelles. On pourrait même craindre qu’on ne finisse par prescrire que ce qui est contrôlable…

38S’il peut être tentant de dénoncer les effets de l’imposition d’une norme pédagogique par des organismes internationaux, nous considérons pour notre part que l’imposition de l’APC a surtout servi de révélateur aux défaillances structurelles qui minent depuis plusieurs décennies le système scolaire béninois. Ainsi, et ce n’est pas le moindre des défis et des déficits, les enseignants à qui il revient de mettre en œuvre la nouvelle norme pédagogique n’ont reçu aucune formation, ne disposent d’aucun document de référence. La formation en didactique est laissée pour compte, et les pratiques professionnelles ne peuvent donc s’élaborer qu’au départ des habitudes de travail et de sa propre expérience d’élève.

6 – Une traduction exclusivement scolaire des compétences

39L’introduction de la notion de compétences dans les programmes scolaires a peut-être bien contribué – et c’est paradoxal – à refermer l’institution scolaire sur elle-même et à exacerber les tensions internes. Il conviendrait au contraire d’inscrire l’apprentissage dans un continuum qui va bien au-delà du cadre scolaire, parce que les compétences s’exercent avant tout dans les différentes sphères de l’environnement social, économique et politique au sein desquelles chacun des élèves sera amené à agir (Tardif, 2006). Faut-il y voir la conséquence d’une traduction trop restrictive de la notion par les responsables du système éducatif béninois ?

40La Conférence des Ministres en charge de l’Éducation Nationale (CONFEMEN) [28] définit pour la première fois en 1994 la notion de compétence : « Une compétence acquise à l’école se reconnaît en ce qu’elle permet à l’enfant, à l’adolescent, de résoudre des situations-problèmes, de vie ou préprofessionnelles, dans une perspective de développement global. Une compétence résulte d’un apprentissage qui a du sens pour l’apprenant et qui peut donc servir à lui-même, mais aussi à son pays » (Roegiers, 2008, p. 10).

41Dans d’autres documents officiels, la notion est précisée : l’élève devient le centre des préoccupations ; les connaissances sont mises en lien avec leur mise en œuvre effective ; cette mise en œuvre doit tenir compte d’un environnement socio-professionnel de plus en plus complexe. « Bon nombre d’enseignement/apprentissage/évaluation basé sur les principes de l’approche par compétences est sous-tendu par le souci de faire acquérir par l’élève des connaissances durables et susceptibles de l’aider à développer des apprentissages dans des situations de plus en plus complexes et significatives. C’est une approche qui permet à l’élève, non seulement de conquérir des connaissances, mais encore de les utiliser de façon pertinente. Bon nombre de nos apprenants pensent encore l’école comme le lieu où on apprend à faire des exercices. Il est démontré depuis lors que les enfants qui mémorisent les formules et qui les appliquent ne sont pas compétents car ils ont des connaissances et des savoir-faire qu’ils n’exercent que dans une situation particulière. Or, devant la complexité de plus en plus grande des situations sociales et professionnelles que chaque individu d’aujourd’hui est appelé à vivre, le transfert des apprentissages constitue un enjeu d’adaptation sociale extrêmement important. C’est ce qui justifie dans notre contexte le choix pédagogique opéré car il faut intervenir de telle manière que les connaissances construites et les compétences développées par les élèves puissent avoir un degré de transférabilité maximal » (DIP, 2008, p. 6).

42La vision donnée à l’APC au Bénin pourrait se résumer dans ce propos cité par Macaire (1993, p. 99) au sujet des pédagogies actives : « L’élève devient l’acteur principal de sa formation ; il agit au lieu d’écouter, de regarder et de subir. Il découvre la science de première main, il s’éduque lui-même. Quant au maître, il s’abstient de trop frayer la voie ; il met les élèves aux prises avec les difficultés et leur laisse le plaisir de triompher des obstacles. Sa tâche est celle d’un guide : il stimule les énergies et encourage les efforts ; il suggère parfois une solution, mais ne la donne pas toute faite ; jamais il n’enlève la joie de la découverte personnelle ». Le travail de groupe est prisé dans les résolutions des tâches en classe. Comme le souligne Boko (2009, pp. 209-222), ces interactions entre les pairs élèves d’une part, entre l’élève et l’enseignant d’autre part favorisent le processus de l’assimilation de « l’inconnu » au « déjà connu ».

43C’est donc une vision imprégnée des principes du socio-constructivisme à la Vygotski qui domine. Le comportement autocratique du professeur donne plus de place à l’apprenant – un terme préféré à celui d’élève –, qui devient acteur dans la construction des apprentissages au gré d’expérimentations. Ces expérimentations restent toutefois des exercices scolaires, et il n’est guère question jusqu’à présent des liens que l’école secondaire béninoise doit tisser avec son environnement social, politique, économique et culturel. L’institution scolaire paraît s’être repliée sur elle-même, dans un effort interne d’intégration de nouvelles injonctions pédagogiques. Il serait probablement salutaire d’inverser le cours des choses afin de placer au cœur des apprentissages une série de problèmes en prise directe avec les besoins et les enjeux les plus essentiels. L’identification de ces problèmes ne saurait être du seul ressort des enseignants et des formateurs d’enseignants.

7 – Conclusion

44Nous avons voulu interroger ici d’une autre façon l’actuel débat qui entoure l’introduction de nouveaux programmes d’études et de l’approche par compétences dans le système éducatif béninois.

45Considérons en fin de compte les trajectoires individuelles des enseignants auxquels il est demandé de modifier radicalement leurs pratiques. Dans le cas d’un professeur du secondaire qui a débuté sa carrière en 1980, à l’âge de 20 ans, cette trajectoire n’a pas été un long fleuve tranquille… Jusqu’à la fin de son école primaire, il aura fréquenté l’école coloniale et aura dû répondre aux exigences d’un programme axé sur les contenus. Son passage à l’école secondaire aura été marqué par le programme par objectifs de l’École Nouvelle. Son diplôme du secondaire obtenu, il sera entré en classe sans formation préalable ; peut-être aura-t-il fini par suivre une formation à titre payant à l’École Normale Supérieure. Rien ne l’aura donc préparé à modifier des pratiques pédagogiques acquises sur le tas ; mais voilà qu’il lui faut aujourd’hui introduire dans son travail en classe les nouveaux principes qui lui ont été imposés. Pour lui, ce changement de paradigme constitue une difficulté énorme. Pour ceux qui sont chargés de l’encadrer dans un dispositif de formation continue, le défi est tout aussi imposant : pour convaincre, il leur faut aller au-delà de l’exposé magistral et passer par l’expérimentation pratique d’un nouveau mode d’organisation du travail en classe, plus en adéquation avec l’esprit de l’approche par compétences. Dans cette situation de faiblesse partagée, la tentation est grande de proposer de nouvelles tâches ritualisées : dans les classes du secondaire, l’APC se décline au travers d’une immuable séquence en trois temps (lecture ou travail individuels ; travail de groupe ; synthèse collective) dont on peut raisonnablement questionner l’efficacité et l’efficience.

46Pour remédier aux effets induits par les défaillances structurelles du système éducatif béninois, il faudra oser tourner le dos à la logique qui a prévalu jusqu’ici dans le système éducatif béninois : annoncer, lorsque les premières difficultés surviennent, que l’on entend faire table rase du passé et prôner de nouvelles injonctions pédagogiques, comme s’il fallait tout recommencer. Il s’agit au contraire de prendre à bras-le-corps l’un des défis les plus urgents et les plus sensibles pour l’école béninoise : la formation de formateurs capables de prendre en charge la formation initiale et continue des enseignants du secondaire, capables de résister à la tentation du débat conceptuel et de s’engager dans une démarche pragmatique inspirée du « learning by doing ».


8. Annexes
Tableau 1

Au primaire[29]

Tableau 1
Dates Événements Février 1990 Conférence Nationale des Forces vives de la Nation Octobre 1990 États Généraux de l’éducation Janvier 1991 Adoption du document-cadre de politique éducative Septembre 1991 Signature de l’accord de subvention multisectorielle avec l’USAID 1991-1992 Élaboration des plans d’actions de la réforme de l’éducation Août 1992 Formations des concepteurs des programmes d’études 1993 Rédaction du cadre conceptuel des programmes d’études et le profil de l’élève Août 1994 Démarrage de l’élaboration des programmes d’études Octobre 1994 Démarrage de l’exécution des programmes d’études dans 30 écoles expérimentales Octobre 1996 Extension de l’exécution des programmes d’études dans 180 écoles Octobre 1999 Généralisation des programmes d’études du cours d’Initiation/CI dans toutes les écoles du Bénin, en vue d’une extension progressive Octobre 2000 Généralisation des programmes d’études du Cours Préparatoire/CP dans toutes les écoles du Bénin en vue d’une extension progressive Octobre 2001 Généralisation des programmes d’études du Cours Élémentaire première année/CE1 dans toutes les écoles du Bénin, en vue d’une extension progressive Octobre 2002 Généralisation des programmes d’études du Cours Élémentaire deuxième année/CE2 dans toutes les écoles du Bénin, en vue d’une extension progressive Octobre 2003 Généralisation des programmes d’études du Cours Moyen première année/CM1 dans toutes les écoles du Bénin, en vue d’une extension progressive Octobre 2004 Généralisation des programmes d’études du Cours Moyen deuxième année/CM229 dans toutes les écoles du Bénin, en vue d’une extension progressive

Au primaire[29]

Tableau 2

Au secondaire[30]

Tableau 2
Dates Événements Octobre 2001 Phase d’expérimentation dans les classes de 6e Octobre 2002 Phase d’expérimentation dans les classes de 5e Octobre 2003 Phase d’expérimentation dans les classes de 4e Octobre 2004 Phase d’expérimentation dans les classes de 3e Octobre 2005 Généralisation des programmes d’études de la classe de 6e des collèges et lycées du Bénin, en vue d’une extension progressive Octobre 2006 Généralisation des programmes d’études de la classe de 5e des collèges et lycées du Bénin, en vue d’une extension progressive Octobre 2007 Généralisation des programmes d’études de la classe de 4e des collèges et lycées du Bénin, en vue d’une extension progressive Octobre 2008 Généralisation des programmes d’études de la classe de 3e des collèges et lycées du Bénin, en vue d’une extension progressive/ 1er BEPC APC, en parallèle avec le BEPC programme Intermédiaire/PI Octobre 2009 Généralisation des programmes d’études de la classe de seconde des collèges et lycées du Bénin, en vue d’une extension progressive ; 1er Bac APC pour les établissements pilotes. Le Bac PI pour tout le reste. Octobre 2010 Généralisation des programmes d’études de la classe de 1re des collèges et lycées du Bénin, en vue d’une extension progressive Octobre 2011 Généralisation des programmes d’études de la classe de Terminale des collèges et lycées du Bénin. 1er Bac APC généralisé. Cependant, le Bac PI continue de se passer.

Au secondaire[30]

Bibliographie

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  • Institut National de la Statistique et de l’Analyse Économique (2008), Projections départementales 2002-2030.
  • Institut National pour la Recherche et la Formation en Éducation/INFRE (2007), « L’APC, les orientations générales au Bénin ».
  • Kakai S., Aban G., Legba R., Gansa B., Tossou R., Salami N.D. (2008), Le métier d’enseignant communautaire : profil de l’éducateur et impact sur le système éducatif béninois, Programme de subventions ROCARE pour la recherche en éducation, Réseau Ouest et Centre Africain de Recherche en Éducation, Bamako, Mali, en ligne : http://www.rocare.org/grants/2008/Etude%20sur%20le%20metier%20de%20l-enseignant%20communautaire%20au%20Benin.pdf.
  • Macaire F., Gautier F., Sabin J. (1993), Notre beau métier, Manuel de pédagogie appliquée, Versailles, Les Classiques africains.
  • Ministère chargé de la prospective du développement et de l’évaluation de l’action publique.
  • Roegiers X. et al. (2008), Approche Par Compétences en Afrique francophone : quelques tendances, Genève, UNESCO, BIE.
  • Service de pilotage des programmes d’études, Direction de l’Inspection Pédagogique/DIP (2009), « Mémorandum au sujet de la réforme curriculaire au Bénin ».
  • Tchitchi T. et al. (2001), Rapport sur le développement de l’éducation préparé pour le BIE, Ministère de l’Éducation nationale et de la Recherche scientifique.

Mots-clés éditeurs : réformes curriculaires, approche par compétences (APC), défaillances structurelles, pratiques pédagogiques, nouveaux programmes d’études (NPE), système scolaire béninois, socio-constructivisme

Date de mise en ligne : 11/06/2015.

https://doi.org/10.3917/pp.038.0143

Notes

  • [1]
    Doctorante en Sciences de l’Éducation, Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Éducation de l’Université de Liège, Belgique ; Université d’Abomey-Calavi/UAC, Bénin.
  • [2]
    La réflexion proposée dans les pages qui suivent s’inscrit dans le cadre d’un doctorat en sciences de l’éducation consacrée à l’approche par compétences dans les classes de français de l’enseignement secondaire public béninois.
  • [3]
    Si nous plaidons ici pour une efficacité et une efficience des pratiques pédagogiques, c’est parce que notre travail de recherche doctorale a pour finalité de contribuer à la relance des activités des écoles normales supérieures en charge de la formation initiale et continuée des enseignants du secondaire. Notre point de vue est donc celui d’une praticienne désireuse de poser un diagnostic avisé sur l’orientation prise par les pratiques professionnelles et les difficultés auxquelles enseignants et formateurs d’enseignants se heurtent actuellement.
  • [4]
    La production scientifique locale autour de ces questions est assez modeste : nous avons pris appui sur les travaux d’Amoussou-Yéyé (1993), Boko (1993, 2009). Nous avons par contre eu accès à des publications officielles (actes de forum, documents administratifs) émanant de la Direction de l’Inspection pédagogique (DIP), de l’Institut National pour la Formation et la Recherche en Éducation (INFRE), du Conseil National de l’Éducation (CNE), structure rattachée à la présidence de la République du Bénin et placée sous la direction du professeur Paulin Hountondji (Université d’Abomey Calavi). Enfin, nous avons pris appui sur des études à portée régionale, telles que celles publiées par l’ADEA (Association for the Development of Education in Africa).
  • [5]
    Conseil National de l’Éducation en novembre 2010 ; formation des inspecteurs en 2011 animée par le professeur Xavier Roegiers (BIEF, Belgique) ; formations à destination d’enseignants de français en 2009 et 2011 ; formations organisées pour des candidats formateurs d’enseignants du secondaire dans le cadre d’un projet de coopération universitaire au développement (Communauté française de Belgique) visant à soutenir la relance des écoles normales supérieures de Lokossa et Porto-Novo, en 2009, 2010, 2011 et 2012.
  • [6]
    Les observations portaient plus spécifiquement sur les situations d’apprentissage du français dans des classes de l’enseignement secondaire général, en sixième, troisième, première et terminale. Nous avons également recueilli des données sur l’équipement des classes, le nombre d’élèves par banc, les types de manuels disponibles dans les bibliothèques, ainsi que des fiches statistiques produites par l’administration de chaque collège ou lycée à la fin de chaque semestre afin d’évaluer le travail des apprenants. Ces fiches présentent le nombre d’élèves inscrits par classe, le nombre d’abandons, le nombre d’élèves ayant effectivement pris part aux différentes évaluations, le nombre d’élèves ayant obtenu la moyenne. Nous avons pu de la sorte cerner le nombre de classes organisées dans chacun de ces établissements, l’effectif par classe, par promotion et par collège.
  • [7]
    Nous avons également pris part à la correction des épreuves de 2010, 2011 et 2012. Il nous a été permis de procéder à une relecture de copies de français qui avaient fait l’objet d’une évaluation par un correcteur et d’une vérification par un contrôleur. À l’issue de cette relecture, nous avons procédé à notre propre évaluation et interrogé la validité conceptuelle des critères et des corrigés-types utilisés initialement dans 150 copies du baccalauréat de 2010 (Programme Intermédiaire), 140 copies du baccalauréat APC en 2011 et 165 copies du baccalauréat en 2012. Pour ce qui concerne le BEPC APC, nous avons relu et procédé à la recorrection de 138 copies de lecture pour l’épreuve de 2010, 140 copies de communication écrite pour l’épreuve de 2011 et 139 copies de communication écrite pour l’épreuve de 2012.
  • [8]
    Nous avons interrogé 36 élèves de troisième et de terminale dans trois établissements secondaires situés respectivement à Cotonou (CEG Suru-Léré), Porto-Novo (CEG Djassin) et Parakou (CEG Banikani). Ce panel a été constitué sur base des notes obtenues lors d’une évaluation interne, de façon à retrouver dans la même proportion des élèves « forts », « moyens » et « faibles ».
  • [9]
    Cette conférence avait été convoquée par le général Mathieu Kérékou, président de la République béninoise. Tenue à l’hôtel PLM Alédjo à Cotonou du 19 au 28 février 1990, elle sonne le glas du Parti unique de la Révolution Populaire du Bénin. Sur le plan politique, le PRPB cède la gestion du pays à un régime démocratique et au multipartisme. Sur le plan de l’éducation scolaire, la Conférence nationale des forces vives réclame la tenue d’États généraux de l’éducation.
  • [10]
    La loi d’orientation interviendra plus tard, en novembre 2003 (loi n° 2003-17 du 11 novembre 2003).
  • [11]
    Nous pointons par exemple les interventions de Félix Iroko, professeur d’histoire à l’Université d’Abomey-Calavi, Antoine Détchénou, professeur certifié de lettres à la retraite, ou encore Marcel Kpogodo qui dans Éducation tribune, n° 895, « Approche par compétences en français, une véritable casserole trouée », www.rjcebenin.net (site visité le 9 avril 2013) et dans RJCE Bénin du 2 janvier 2010, « L’approche par compétences en français, le silence inquiétant des universitaires » (rjce.benin.blogspot.be, site visité le 15 novembre 2013) dénonce l’orientation prise par les nouveaux programmes : « Dix ans après l’introduction de l’Approche par compétences, anciennement appelée “Nouveaux programmes”, dans le système éducatif béninois, beaucoup d’encre et de salive ont coulé pour dénoncer ses ravages sur le niveau des apprenants en français. Si la stigmatisation a été surtout le fait des syndicalistes de la Confédération syndicale des travailleurs du Bénin (CSTB) et de quelques rares enseignants du primaire ou du secondaire, les universitaires, eux, semblent maintenir un mutisme absurde face à une situation qui, tôt ou tard, finira par les atteindre ».
  • [12]
    « […] Aucun universitaire n’a émis un quelconque son de cloche visant à orienter les populations sur les tenants et aboutissants de l’Approche par compétences, depuis son instauration dans le système éducatif béninois. Pourtant, ce ne sont pas les situations scandaleuses qui ont manqué et les plaintes y afférant, surtout, avec la proclamation des résultats du premier Certificat d’études primaires (CEP) de l’Approche par compétences, en 2005, où dans plusieurs écoles du pays, des taux de 100 % de réussite ont été atteints et que plusieurs enfants lauréats pouvaient à peine lire et écrire moyennement », écrit Marcel Kpogodo (RJCE Bénin, 2 janvier 2010, rjce.benin.blogspot.be).
  • [13]
    Pour avoir pris part en tant que chercheure à ces assises, il nous semble que l’hypothèse d’un renoncement pur et simple de l’APC s’inscrit dans la tendance inhérente aux réformes du système béninois à vouloir faire table rase du passé mais elle n’aborde pas le fond du problème, et notamment les déficits structurels qu’il conviendrait d’affronter, quelle que soit l’orientation pédagogique retenue.
  • [14]
    Des échos de ces ateliers préparatoires sont disponibles sur une page Facebook qui leur est spécifiquement dédiée : https://www.facebook.com/ateliers.forum.
  • [15]
    Le lecteur qui voudrait approfondir cette réalité africaine que l’école coloniale n’a pas su gommer – mais a peut-être frustrée ou confortée – peut lire : Au pied du mont Kenya de Jomo Kenyatta, aux éditions Maspero ; Psychologie et guidance en milieu africain, de Gabriel Boko aux éditions CAAREC.
  • [16]
    Décret du 24 juillet 2007 définissant les missions prioritaires de l’enseignement fondamental et de l’enseignement secondaire et organisant les structures propres à les atteindre, Communauté française de Belgique.
  • [17]
    L’Art poétique de Boileau paru en 1674 traite des règles fondamentales de l’écriture en vers classiques et de la manière de s’approcher au plus près de la perfection. « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément » ; « Avant donc d’écrire, apprenez à penser » (Boileau, 1985, pp. 227-233).
  • [18]
    Les critères retenus sont les suivants : ratio élève/livre de français ; ratio élève/livre de mathématique ; ratio élève/classe ; ratio élève/enseignant ; ratio élève/place assise ; ratio classe/enseignant ; pourcentage des enseignants recyclés au cours des trois dernières années (Gbénou et al., 1999, p. 61).
  • [19]
    Ainsi, la réforme Grossetête-Dossou-Yovo (1970-1971) poursuivait trois objectifs : la démocratisation de l’école (chaque parent doit pouvoir envoyer son enfant dans une école publique comme dans une école privée) ; la décentralisation de l’école (des écoles sont créées un peu partout dans des villes et des villages) et l’investissement dans l’enseignement technique et la formation professionnelle (les élèves doivent être préparés à exercer un métier). Mais la réforme est vivement contestée, pour n’avoir pas reçu l’adhésion des acteurs du système éducatif. Il se dit alors que les deux promoteurs de la réforme, le ministre de l’Éducation, M. Dossou-Yovo et un fonctionnaire français, inspecteur de l’Académie d’Outre-Mer, représentant le gouverneur français au Dahomey, M. Grossetête, se sont enfermés dans un bureau pour la concevoir. La réforme fit donc long feu, mais les objectifs annoncés ne seront pas abandonnés.
  • [20]
    Cet aspect éco-citoyen de la révolution nous a particulièrement marquée. Tous les samedis matin, les marchés populaires étaient balayés par tous les usagers. Les bureaux étaient eux aussi balayés par les fonctionnaires eux-mêmes, les écoles et leurs alentours immédiats, par les enseignants et les élèves. On s’appelait tous « Camarade » et on répétait : « Pour la révolution, nous sommes prêts, pour la production, tous en avant ! ».
  • [21]
    Les mêmes auteurs notent que « depuis la rentrée scolaire 2007-2008, les enseignants communautaires ont été recensés et leurs charges salariales incombent désormais à l’État béninois » et que « l’État a aussi mis fin au recrutement d’enseignants communautaires » (Kakai et al., 2008, p. 17).
  • [22]
    Au cours de l’année scolaire 2011-2012, le Bénin comptait un total de 668 établissements publics, dont 382 de 1er cycle (scolarisant 505 320 élèves) et 286 de 2d cycle (scolarisant 151 663 élèves). Parmi les enseignants en charge d’une classe, on comptait 981 agents permanents de l’État (APE), 9 200 agents contractuels de l’État (ACE) et surtout 37 766 vacataires. Quant au personnel administratif des établissements secondaires publics, il était composé de 662 directeurs, 390 censeurs, 585 surveillants généraux et 263 comptables. Source de ces informations : Direction de l’Enseignement Secondaire (DES), Porto-Novo, 2013.
  • [23]
    Source : Ministère de l’Enseignement Secondaire de la Formation Technique et Professionnelle et de l’Insertion des Jeunes du Bénin, mars 2011.
  • [24]
    Cette décision a été consacrée par le décret 2008-377 du 24 juin 2008, portant régime juridique d’emploi des agents contractuels de l’État en sa section 3, article 110.
  • [25]
    Trois de ces établissements sont attachés à l’Université d’Abomey-Calavi : l’École Normale Supérieure d’Enseignement Technique de Lokossa, pour les professeurs de l’enseignement technique et professionnel ; l’École Normale Supérieure de Porto-Novo, pour les enseignants en charge des matières littéraires et des sciences humaines ; l’Institut National de la Jeunesse, de l’Éducation Physique et du Sport de Porto-Novo. Le dernier des établissements est attaché à l’Université de Parakou : l’École Normale Supérieure de Natitingou, pour les enseignants de mathématiques, sciences physiques, sciences de la vie et de la terre.
  • [26]
    Pendant les périodes de congés, l’ENS reçoit plusieurs catégories d’enseignants. À côté des enseignants « reversés », on retrouve des candidats dont formation est payée par l’État (les APE sans formation initiale, recrutés sur concours et sur base d’une maîtrise ou d’une licence universitaire), des candidats formés à titre payant (le candidat finance lui-même sa formation).
  • [27]
    Une partie de cette formation a notamment été assurée par des intervenants belges francophones, au sein du BIEF, organisme de consultance en ingénierie de l’éducation et de la formation coordonné par Xavier Roegiers et établi à Louvain-la-Neuve (Belgique).
  • [28]
    Conférence des ministres de l’Éducation des pays ayant le français en partage.
  • [29]
    Le CM2 marque la fin d’un cursus de six années d’études primaires. Il est soldé par un examen externe, le Certificat d’Études Primaires/CEP, qui donne accès aux études secondaires. Le public du CM2 est âgé en moyenne de 10-11 ans.
  • [30]
    Source : Institut National pour la Formation et la Recherche en Éducation/INFRE, Porto-Novo.
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