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Article de revue

Transaction et systèmes complexes : des paradigmes cumulatifs ?

Pages 53 à 71

Notes

  • [1]
    Docteur en sociologie, chargé de cours au département social (École sociale de Charleroi) de la Haute École Louvain-en-Hainaut ; responsable de l’unité de recherche sur l’intervention sociale ; directeur de la revue Pensée Plurielle.
  • [2]
    Berthelot formalise le schème dialectique comme suit : S {a et non-a}?S (A ? B) = (a et non a) ?B.
  • [3]
    L’auteur formalise ce schème comme suit : (A?B) = (B ? S, S { ? a?? b } ? B ?S.
  • [4]
    Voir à ce sujet la critique de l’utilitarisme sous les auspices de la revue du M.A.U.S.S. (Mouvement anti-utilitariste dans les sciences sociales) et les travaux d’Alain Caillé (1985).
  • [5]
    La formalisation est la suivante : (A ? B) = (B ? S, S ? B ? S).
  • [6]
    Contrairement à des mythes tenaces, le schème fonctionnel n’induit pas une « harmonie » fonctionnelle et une intégration parfaite des institutions sociétales. Les programmes induits peuvent également rendre compte des conflits et du changement social. Ils peuvent tenir compte de l’évolution historique par l’étude des transformations systémiques, des changements d’équilibre et de structure (Coenen-Huther, 1984 ; Herman, 1988).

1 – Introduction

1Georges Balandier souligne que le social s’appréhende en état de grande fluidité. « Parce qu’il est en perpétuel devenir, avec l’accélération propre à la période dite d’ultra-modernité, il doit être saisi dans son engendrement et non dans des structures qui le dénaturent et le figent » (1988, p. 243).

2La fluidité du social résulte du fait que les individus se trouvent confrontés à des situations complexes, peu codées et dont l’évolution comporte un fond relativement important d’indétermination, d’insécurité et de risque. Dans ces circonstances où la relation sociale est peu structurée, les individus et les groupes sont producteurs de la norme, voire des règles du jeu ou, au minimum, ils sont le lieu d’une réinterprétation.

3Dans la mesure où, dans les sociétés modernes, complexité et indétermination sont couplées, la question est moins de trouver la meilleure solution dans un environnement valablement informé, que de savoir quelle dynamique décisionnelle produire dans un contexte où les données de la situation se modifient constamment, où des surprises sont toujours à attendre et où il s’agit moins de prendre une série de décisions ponctuelles que de s’engager dans un processus de maîtrise continue d’un problème et d’être prêt à réagir à de l’imprévisibilité, celle-ci pouvant concerner à la fois la nature de l’événement qui surgit de manière inattendue dans une situation que le moment où il apparaît.

4La conjonction de la transaction et du système complexe nous servira pour analyser la fluidité. Pour situer ces deux concepts dans un programme de recherche, il est utile de déterminer leur statut épistémologique. Cette explicitation sera la première étape de ce travail.

5Cette hypothèse demande de préciser la notion de programme en empruntant à la logique épistémologique, et de dégager le bénéfice de l’articulation des programmes de la transaction et des systèmes complexes dans le cadre d’une stratégie de recherche. Elle implique l’option pour un pluralisme explicatif chère à Jean-Michel Berthelot (1990, 1996).

2 – L’option épistémologique : privilégier le raisonnement et distinguer les niveaux

6L’important, selon Jean-Michel Berthelot, c’est la façon de raisonner, c’est-à-dire de mettre en relation des éléments et non le travail empirique ou la façon d’aborder les terrains. Il affirme que « si les techniques et méthodes de recueil et de traitement de l’information jouent un rôle essentiel dans le travail scientifique, elles n’en sont néanmoins pas le cœur, pas plus que ne le sont les diverses théories » (1990, p. 117).

7Ce raisonnement se construit autour de quatre notions : le schème, le thêma, le paradigme et le programme.

2.1 – Schèmes et programmes

8La thèse de Berthelot est que ce qui se désigne par une multiplicité anarchique des appellations peut, du point de vue de l’intelligibilité, être ramené à un nombre restreint de schèmes. Ceux-ci constituent un niveau spécifique de connaissance en amont des constructions conceptuelles et en aval des grands principes recteurs que constituent les couples d’opposition « holisme/individualisme », « intégration/conflit », etc.

9Un schème d’intelligibilité est une matrice d’opérations permettant d’inscrire un ensemble de faits dans un système de relations permettant d’en rendre raison ou d’en fournir une explication.

10Un schème d’intelligibilité se décompose en trois éléments (ibid., p. 60) :

  • Un noyau logique, c’est-à-dire une formule logique du type A?B. Par exemple, dans le schème causal, A est conséquence de la cause B. Dans le schème fonctionnel, A exerce une fonction dans B.
  • Une relation logique symbolisée par ?.
  • Un programme, c’est-à-dire une mise en œuvre de la forme logique ? par des procédures et des techniques particulières.
On débouche alors sur la notion de programme reprise à Lakatos (1994) : « Un programme donne lieu à des sous-programmes, qui donnent lieu à ce que l’on appellera une approche, un point de vue, une méthode. » C’est à ce niveau, et du fait que le travail scientifique le rend très évolutif, que se crée l’inflation des désignations et des spécifications.

11L’idée directrice est que la caractéristique fondamentale des schèmes est la nature logique des opérations qu’ils commandent, celles-ci consistant précisément dans les diverses procédures concrètes dont use la sociologie.

12Les programmes et sous-programmes, que nous distinguerons par commodité du terme générique de programmes, désignent les modes de mise en œuvre pratique des schèmes. Ils renvoient donc à ce que, selon les terminologies, on entend par les approches, les points de vue, les méthodes, les modes d’analyse.

13Jean-Michel Berthelot construit une typologie de six schèmes : le causal, le fonctionnel, le structural, l’herméneutique, le dialectique, l’actanciel. À chaque schème est censée correspondre une logique fondamentale de preuve. Au schème causal correspond la mise en évidence de « co-variations » ; au schème fonctionnel, « la rétroaction » ; au schème structural, « les homologies ou les différences par comparaison » ; au schème herméneutique, les « expressions » ou le« sens » ; au schème dialectique, « la contradiction dans la dynamique » ; au schème actanciel, les « comportements par rapport à des intentionnalités ».

14Ces schèmes s’inscrivent dans des représentations fondatrices que Holton (1981) propose de dénommer des « thêmata ».

2.2 – Schèmes et thêmata

15Cet auteur désigne par thêmata ces « motifs de l’imagination scientifique », ces « invariants », ces « principes intouchables », ces « sources d’énergie », ces « modèles d’interprétation », ces éléments servant de contrainte ou de stimulant pour l’individu, déterminant une orientation ou une polarisation au sein de la communauté scientifique.

16À travers la recherche des thêmata, l’auteur décèle dans le discours ce qui, de la pensée, est resté scellé dans les mots ou ce qui est le non-dit de pensées englouties qui sous-tendent toujours les paroles expresses du discours. Les thêmata que dégage Holton renvoient à des questions et des problèmes que la science a explicitement exclus de son domaine. Il s’agit d’options fondatrices qui ne peuvent être démontrées. Elles échappent à la logique de la preuve. Aucune expérience ne peut donner raison à une thèse plutôt qu’à une autre ; leur contenu est exclu de son domaine. Elles sont trop polysémiques et leur contenu est trop proche de la pensée symbolique pour qu’ils puissent se laisser discuter.

17Si en effet les thêmata sont source d’intelligibilité, ils ne peuvent que servir à rendre le monde intelligible d’une manière que les impératifs seuls de la logique ne sauraient admettre.

18Les thêmata retenus par les scientifiques sont ceux qui sont conformes à leur sensibilité, qui expriment les thèmes de base de leur imaginaire : par exemple, plein/vide, unité/diversité, complémentarité, continuité/discontinuité… Ils sont organisés le plus souvent en couples antithétiques qui apparaissent à différents moments de l’histoire. Ces couples ne sont pas habituellement exposés comme tels, mais se laissent découvrir, soit dans l’analyse des concepts, soit dans l’étude des choix méthodologiques, soit dans les propositions ou hypothèses de base.

19Au fond, Holton a redécouvert ce que Bachelard mettait en évidence dans La formation de l’esprit scientifique (1947), l’arrière-fond symbolique de la connaissance, puisant aux sources profondes de l’affectivité et de l’imaginaire. Mais là où Bachelard pointait des interférences avec le travail scientifique et la constitution d’obstacles épistémologiques, Holton révèle l’existence de représentations fondatrices.

20Les thêmata fonctionnent selon deux registres : le registre conceptuel et le registre méthodologique. Dans le premier cas, ils conduisent à expliciter les concepts utiles à la mise en œuvre de la représentation fondatrice : ordre ou désordre, atomisme ou holisme, nature ou culture, reproduction ou changement… Dans le second cas, ils conduisent à expliciter des procédures opportunes pour déployer cette représentation : approches qualitative ou quantitative, transversale ou longitudinale, objectivation du fait social ou accomplissements pratiques…). Par ailleurs, les oppositions propres à ces deux registres ne sont pas mutuellement exclusives, elles peuvent s’articuler ou s’enchevêtrer.

21La transaction s’inscrit dans le couple antithétique qui traverse différentes disciplines et transparaît au travers de métaphores multiples telles l’opposition entre la pyramide et les réseaux, le rhizome et l’arbre (Deleuze et Guattari, 1980), le solide et les fluides ou les nuages. Dans le domaine du droit, on peut opposer le droit « doux » au droit « dur » (Ost et van de Kerchove, 2002).

22On retrouve cet imaginaire auquel se réfère Michel Serres (1980) lorsqu’il explique que « les concepts scientifiques modernes ont été formés à l’image des solides et sur la base d’une pensée cartésienne excluant le fluctuant et le composite. En se référant aux modèles offerts par les objets aux contours irréguliers et incertains, comme les fluides, les flammes ou les nuages, la pensée scientifique se donnerait les moyens d’une meilleure prise en compte de la diversité et de la complexité des choses » (p. 50).

2.4 – Schèmes et paradigmes

23Le schème reste abstrait. Il n’existe pas sous forme de programme d’analyse. Pour diriger le travail complexe de connaissance, pour réduire le vide entre un univers empirique multiforme et l’abstraction du schème, il faut un guide de la médiation entre l’abstraction et le sensible. Ce guide apparaît sous la forme d’un paradigme, c’est-à-dire d’une entreprise de connaissance menée soit dans le même champ de connaissance, soit dans d’autres dont l’auteur va se réclamer et dont il va suivre ou transposer le programme explicatif. C’est par cette double médiation que le schème va s’établir en norme latente de l’ensemble du processus de connaissance et réaliser l’insertion de l’objet dans un mode d’intelligibilité donné.

24Les paradigmes analytiques fournissent une armature logico-pratique permettant la mise en œuvre d’un programme d’analyse déterminé. Le travail d’intelligibilité, s’il opère dans une direction, selon un schème, ne se réalise qu’au moyen de l’étayage que fournissent les paradigmes. Ils permettent au schème de se construire progressivement en programme explicatif.

25Chez un auteur tel que Durkheim, le paradigme se laisse voir en toute clarté : « En définitive, la réforme qu’il s’agit d’introduire en sociologie, est en tout point identique à celle qui a transformé la psychologie de ces trente dernières années » (1968, p. 29). Or cette réforme, qui a consisté à traiter les états de conscience du dehors et à rompre avec l’introspection – ce sur quoi insiste Durkheim dans son développement –, constitue surtout la première mise en œuvre de la méthode expérimentale et du schème causal en sciences humaines. Ce que recouvre donc spécifiquement le principe d’objectivité, c’est la possibilité mise en œuvre par Durkheim d’appliquer à la sociologie le même programme d’analyse que celui utilisé par la psychologie expérimentale.

26Nous pouvons également préciser notre propos en prenant l’exemple de l’ethnométhodologie telle que Garfinkel (2007) nous la présente. Il fait référence à une problématique de la linguistique et de la philosophie du langage. En élargissant doublement le champ de l’indexicalité, à toutes les descriptions d’une part, aux actions de l’autre, il souligne que non seulement de telles pratiques « consistent en un accomplissement sans fin, continu et contingent ; qu’elles sont réalisées et provoquées comme événements, dans le cadre des affaires courantes qu’elles décrivent tout en les organisant ; qu’elles sont l’œuvre d’agents qui participent à des situations d’une manière telle qu’obstinément ils tablent sur leur compétence, la reconnaissent, l’utilisent, la considèrent comme allant de soi » (ibid., p. 51), mais surtout qu’elles constituent l’analyse de situations d’énonciation et de description de l’indexicalité des énoncés comme modèle d’approche de l’action sociale.

27Deux types fondamentaux de paradigmes analytiques, c’est-à-dire de formations discursives singulières susceptibles de se constituer en modèles d’investigation et d’explication dans un champ extérieur sont à distinguer : les paradigmes analogiques et les paradigmes théoriques. Les premiers sont ceux que nous venons de rencontrer. Le chercheur suggère qu’un ensemble de phénomènes sociaux plus ou moins circonscrits, mais nombreux, peuvent être considérés comme obéissant à des mécanismes analogues à ceux qui considèrent soit d’autres types de phénomènes sociaux, soit des phénomènes relevant de disciplines autres.

28Selon Berthelot (op. cit.), le paradigme théorique consiste à étendre le champ d’une théorie singulière en relevant que des phénomènes d’un autre ordre que ceux auxquels elle s’applique ordinairement peuvent être analysés par elle. L’extension de la psychanalyse à des phénomènes culturels en est un bon exemple. Cette définition nous semble rejoindre ce que Boudon et Bourricaud (1990) nomment des « paradigmes formels ». Le paradigme mertonien de l’analyse fonctionnelle est de ce type. Il indique que l’explication sociologique des institutions sociales doit faire une place essentielle à l’analyse des besoins et demandes auxquels répondent les institutions et propose d’appeler « fonction » cette réponse.

29Le paradigme analogique contribue à susciter l’imagination sociologique. Ainsi, le paradigme dialectique opère à partir d’une vision de la vie sociale comme dualité. Le paradigme appréhendant la société comme un tout comparable par certains côtés à un organisme induit le programme fonctionnel. Depuis la révolution cybernétique et sous l’influence de la théorie générale des systèmes (1973), on distingue deux programmes fondamentaux : l’analyse fonctionnelle d’une part, l’analyse de système d’autre part. Le schème actanciel opère à travers le principe selon lequel la réalité sociale résulte de l’action de ses membres.

30Ces quelques lignes montrent que les disciplines anthroposociales sont ainsi les unes pour les autres une source inépuisable de paradigmes.Nous avons introduit la notion de programme en nous référant à Lakatos. Cette notion occupe une place centrale dans notre raisonnement. Nous pouvons convenir d’appeler ainsi la mise en œuvre spécifique, dans un domaine donné, d’un schème d’intelligibilité. Le schème est générique et transdisciplinaire. Il ne se donne à voir que dans des constructions analytiques particulières. Un programme sera l’une de ces réalisations. Lié en amont au schème, en aval à des techniques spécifiques, il manifeste l’exploration et la construction d’une ligne d’analyse renvoyant à l’une des modalités possibles de spécification d’un schème. Un programme est ainsi une entité concrète, se donnant à voir dans des manifestes théoriques, des travaux empiriques, des techniques d’analyse. Le rapport entre un schème, l’un des programmes qui lui sont associés et l’une des techniques que ce dernier peut mettre en œuvre, nécessite un principe de compossibilité logique (Berthelot, 1996).

3 – Transactions et systèmes complexes

3.1 – Deux programmes qui se complètent

31Les schèmes n’existent que sous la forme de programmes d’analyse. Ceux-ci développent et spécifient une logique propre de confrontation avec l’objet étudié. Nous montrerons que le programme de la transaction repose sur le schème actanciel et celui des systèmes complexes sur le schème fonctionnel.

32En reprenant l’armature logique précédemment développée, nous montrerons également que ces programmes s’enrichissent mutuellement. L’originalité et la pertinence analytique de ces deux programmes pour l’analyse de la fluidité sociale viennent de leur connexion avec le schème dialectique. En sociologie, les programmes constituent des nervures susceptibles de se superposer et de s’entrecroiser. Cette labilité, cette souplesse, cette absence de fixation des programmes de recherche dans l’armature solide d’axiomatiques tendent à faire de la sociologie un lieu de mise à l’épreuve, de formules de recherche les plus variées.

3.1.1 – Le schème dialectique

33Dans le cadre de ce schème, « un phénomène social est saisi comme la résultante d’un système contradictoire, c’est-à-dire d’un système défini par l’existence de deux termes à la fois indissociables et séparés »? [2] (Berthelot, op. cit., p. 82).

34Ce schème sous-tend différents programmes. Hegel, Marx, Merleau-Ponty, Simmel, Barel… sont quelques-uns des auteurs dont la démarche repose sur ce schème.

35Par-delà l’opposition traditionnelle entre Hegel et Marx, il y a un commun dénominateur : à savoir que les agents sociaux peuvent, par le fait même qu’ils poursuivent un objectif, contribuer à provoquer un état de choses distinct et éventuellement contradictoire avec l’objectif recherché.

36La dialectique du maître et de l’esclave en fournit un bon exemple. Dans la dialectique du maître et de l’esclave de La phénoménologie de l’esprit, le maître désire être reconnu comme maître par l’esclave. Mais, par là même, il reconnaît l’humanité de l’esclave, et par conséquent l’identité du maître et de l’esclave.

37Merleau-Ponty (1964), qui a consacré à la dialectique d’admirables textes comme celui bien nommé « L’entrelacs et le chiasme » (p. 172 et s.) dans son livre Le visible et l’invisible, disait qu’elle était une pensée « à plusieurs centres et plusieurs entrées » (1955, p. 274). Enseignant la négativité de toute chose (qui est et qui n’est pas ce qu’elle est) et la processualité de l’être, la dialectique montre comment chaque terme qui contient une part de l’autre, interagit avec celui-ci faisant ainsi l’épreuve du passage de l’entre-deux (c’est-à-dire la médiation) qui le transforme : à la fois lui-même et autre, toujours en devenir. Ce processus d’engendrement réciproque signe le retour du tiers (propriété émergente du rapport d’implication des termes enchevêtrés).

38La sociologie de Simmel repose sur cette dialectique. Le concept d’action réciproque est fondamental dans son œuvre. Or l’action réciproque suppose à la fois du lien et de la séparation. Selon Simmel, « qu’il s’agisse du sens immédiat ou du sens symbolique, du sens corporel ou du sens spirituel, nous sommes à tout instant des êtres qui séparons ce qui est lié ou qui lions ce qui est séparé » (1988, p. 161). L’individu pour Simmel sera toujours saisi par cette volonté de raccordement de domaines, d’objets et d’événements tout autant que par sa capacité à découper le monde et à introduire, par là même, le besoin d’un lien entre lui et l’extérieur. L’homme est unification de sa scission avec le monde, mais il n’existe que dans la mesure où il se détache de toute uniformité continue. L’homme est « l’être de liaison qui doit toujours séparer, et qui ne peut relier sans avoir séparé » (ibid., p. 168). C’est pourquoi Julien Freund (1981) fait de l’essai sur Le Pont et la Porte la clef de voûte de l’œuvre de Simmel : le pont étant le symbole de l’association, tandis que la porte est l’agent de la dissociation.

39L’approche du paradoxe selon Y. Barel (1979) constitue également un programme particulier. Sont mis en tension le dedans et le dehors, l’actualisation et la potentialisation, la production et la reproduction.

40Le schème dialectique peut s’inscrire dans des thêmata différents. C’est le cas de ces deux contemporains que sont Durkheim et Simmel.

41Ils partent en effet d’une prémisse ontologique identique : le primat accordé à l’irréductibilité de la personne humaine, mais ont une divergence sur la représentation du collectif. Pour Durkheim, il est objet d’intérêt méthodique à concrétiser progressivement ; pour Simmel, il est dual, à la fois contingent et stable.

42Durkheim (1968, p. 45) écrivait : « Quand donc le sociologue entreprend d’explorer un ordre quelconque de faits sociaux, il doit s’efforcer de les considérer par un côté où ils se présentent isolés de leurs manifestations individuelles. » Plus loin, il ajoute : « Sans doute en procédant ainsi, on laisse provisoirement en dehors de la science la matière concrète de la vie collective, et cependant si changeante qu’elle soit, on n’a pas le droit d’en postuler a priori l’inintelligibilité. Mais si l’on veut suivre une voie méthodique, il faut établir les premières assises de la science sur un terrain ferme et non sur du sable mouvant […]. C’est seulement ensuite qu’il sera possible de pousser plus loin la recherche, et, par des travaux d’approche progressifs, d’enserrer peu à peu cette réalité fuyante dont l’esprit humain ne pourra jamais peut-être se saisir » (ibid., p. 46).

43Simmel n’a pas porté tellement d’attention aux sociétés constituées, aux faits établis, mais bien à tout ce tissu conjonctif d’objets, de rythmes, apparemment anodins et pourtant essentiels, qui lui font dire que la vie sociale, les phénomènes de socialisation se forment, se font et se défont dans les entre-deux. Il fut le premier à faire du dualisme le fondement de la sociologie. Une bonne partie, voire la majorité de ses essais, s’ouvrent par un dualisme, une antinomie ou un paradoxe. Ainsi, souligne Frédéric Vandenberghe (2001), des quinze essais rassemblés dans « Philosophie de la culture », neuf sont structurés par une opposition fondamentale, par exemple entre les événements contingents et la trame globale de la vie (« L’aventure »), ou l’avoir et le non-avoir (« La coquetterie »). Le fait que ces oppositions soient énoncées dès la première phrase ou le premier paragraphe marque bien que le fond de la pensée de Simmel est résumé par la notion de dualisme, de la dualité en interaction ou de la dialectique sans synthèse. « Au début, il y a le deux : aucun principe ne gouverne le monde par lui seul, parce que le monde est en principe irréductible à l’unité. Chaque principe ne peut alors exercer sa fonction qu’en relation avec l’autre principe, et cette relation signifie en même temps opposition » (op.cit., p. 20). C’est ainsi que Vandenberghe résume la conjonction du relativisme et du dualisme chez Simmel, conjonction dans laquelle l’unité est elle-même conçue, en dernière instance, comme opposition et, inversement, l’opposition comme unité, comme unité de la vie qui est elle-même scission.

44Une telle tentative de rapprochement n’invalide pas une pensée au détriment de l’autre. Elle manifeste seulement la coexistence au sein d’une discipline d’engagements thématiques différents.

45À ce schème dialectique s’articulent deux schèmes particuliers : le schème actanciel et le schème fonctionnel, dont les programmes qui s’y inscrivent et qui sont sans lien avec la dialectique ont un dénominateur commun : l’équilibre et le déséquilibre sont pensés par référence à ce qu’ils représentent en mécanique – à savoir un état d’ordre ou de désordre. Nous préciserons cette idée dans la présentation des schèmes actanciel et fonctionnel.

3.1.2 – Le schème actanciel? [3]

46Ce schème apparaît en économie, en sociologie, en sciences politiques Il implique la reconnaissance du caractère irréductible de l’intentionnalité de l’action, un détachement vis-à-vis d’une détermination causale : les concepts de stratégie en politique, de calcul rationnel en économie impliquent la quête par l’acteur de fins recherchées.

47L’initiateur de ce programme est, à n’en pas douter, Max Weber. L’action, selon Weber, doit être comprise par le sens que lui attribuent les acteurs (agents). Ce sens n’est pas seulement subjectif, mais aussi intersubjectif. L’acteur est un concept construit à partir de celui d’action, et non à partir d’un référent ontique déterminé, et ce même s’il n’est pas d’action sans hommes. Ce n’est pas l’individu singulier que la méthode wébérienne vise, c’est l’acteur dans les contraintes de sa situation, où les intentions des autres acteurs ont la plus grande importance. Le phénomène que l’on veut expliquer est pensé comme le produit, dans un contexte déterminé, du comportement des acteurs impliqués.

48Ce schème a pu engendrer une représentation de l’acteur comme « homo rationalis » que différents auteurs ont critiqué? [4].

49Cette conception de l’homme, dont le projet se réduirait aux apports d’un débat rationnel, a induit différents programmes : l’analyse stratégique, l’interactionnisme symbolique, l’ethnométhodologie, la sociologie de l’action d’Alain Touraine, l’individualisme méthodologique de Raymond Boudon…

50L’usage du schème actanciel implique par ailleurs une prise en compte des états de déséquilibre et d’équilibre. Ainsi, Goffman (1974), dans son analyse des rites d’interactions, développe une vision homéostatique des interactions. Il parlera de réparation : « Lorsque ceux qui participent à une entreprise ou à une rencontre ne parviennent pas à prévenir un événement qui, par ce qu’il exprime, est incompatible avec les valeurs sociales défendues, et sur lequel il est difficile de fermer les yeux, le plus fréquent est qu’ils reconnaissent cet événement en tant qu’incident et s’efforcent d’en réparer les effets » (ibid., p. 21). À ce moment, un ou plusieurs participants se trouvent ouvertement en déséquilibre, en disgrâce, et il leur faut essayer de rétablir entre eux un état rituel satisfaisant.

51Or l’originalité du programme centré sur la notion de transaction est de saisir les rapports entre les acteurs, non à partir d’états d’équilibre et de déséquilibre, mais à partir des tensions entre pôles opposés. La transaction apparaît comme un programme particulier se situant à l’intersection des schèmes dialectique et actanciel.

52Contrairement aux thêmata, les schèmes doivent se soumettre à la confrontation au réel, ils en produisent même le moyen en favorisant la production de programmes et d’opérations (Grossetti, 2011) : « Un schème n’existe ainsi dans le discours scientifique que comme programme d’analyse en acte » (Berthelot, op. cit., p. 166).

53Nous avons également souligné que le passage du schème aux programmes induits suppose la médiation de paradigmes analytiques, dans notre propos, de paradigmes analogiques.

54Le programme développé autour du concept de la transaction se centre sur les situations semi-indéterminées au sein desquelles les acteurs essayent de construire des compromis de vie quotidienne, eux-mêmes sans cesse évolutifs. Ce programme prend en compte la complexité et le caractère mouvant, instable du social, les tensions multiples entre le rationnel et l’affectif.

55Comme le souligne Bernard Fusulier (2001), la transaction n’est pas un concept stabilisé. Elle « a davantage une fonction heuristique de production du social et d’induction d’une posture méthodologique » (ibid., p. 100).

56Les auteurs du livre fondateur de ce programme (Jean Remy, Liliane Voyé, Émile Servais, 1978) utilisent trois paradigmes :

57- L’analogie du jeu de cartes

58L’analogie du jeu de cartes permet de repérer certaines composantes de la transaction. Au départ du jeu, il y a une répartition inégale des atouts et des cartes. Le jeu est défini par un ensemble de règles. La répartition des cartes entre les joueurs se faisant de manière aléatoire aboutit à des donnes inégales qui confèrent force à un joueur et faiblesse à un autre. Les joueurs ont également des capacités d’initiatives et des possibilités tactiques différentes. Il y a des bonnes et des mauvaises façons de jouer. Le joueur habile est celui qui adopte la meilleure tactique possible en fonction des règles du jeu, de sa donne et de la manière de jouer de l’adversaire. Sur base de cette analogie, la transaction permet de se représenter « la vie sociale comme une confrontation d’une pluralité d’acteurs en relation partiellement conflictuelle et en négociation pour déterminer des zones d’accord en fonction de leur capacité de pression respective » (ibid., p. 80).

59- L’analogie du marché

60À la différence de la négociation, la notion de marché suppose qu’un état d’équilibre se construit sur des ajustements réciproques. L’échange sur un marché est faiblement formalisé et repose sur une relation libre. Cette analogie présente alors l’avantage de mettre l’accent sur l’articulation diffuse et continue entre l’interdépendance objective des acteurs et leur entrée dans une interaction faiblement cadrée.

61- L’analogie du don

62Mauss fait ressortir que, dans le don, le cadeau que l’on offre est un geste gratuit. Pourtant, en acceptant le cadeau, le partenaire devient l’obligé de l’autre. Plus tard, dans d’autres circonstances, un geste analogue est attendu. Ainsi, l’entraide suppose que celui qui aide aujourd’hui sera secouru demain, peut-être par un autre membre du groupe. On retrouve le concept d’échange social de Blau, qui définit par là un type de relation où l’un des partenaires s’engage dans l’échange sans en connaître exactement la contrepartie (op. cit., 2001, p. 99).

63Ainsi, la transaction suppose la cohabitation d’une pluralité de logiques. Le calcul d’intérêt coexiste avec l’affirmation de sens dans des pratiques où les dimensions matérielles et symboliques sont indissociables. La transaction s’intéresse aux situations fluides, peu formalisées. Le schéma utilisé par les auteurs de Produire ou reproduire montre bien l’usage du schème actanciel. La vie sociale nous confronte sans cesse à ces situations semi-structurées dont le sens est construit partiellement par l’acteur, dans lesquelles l’acteur construit de multiples jeux entre la recherche d’intérêt et la construction de la confiance. La situation est ainsi construction de compromis : elle advient par les procédures (les jeux, les tactiques, les stratégies, les dons) dont usent les acteurs pour la penser et la maîtriser.

3.1.3 – Le schème fonctionnel? [5]

64La pertinence de ce schème pour l’analyse d’une réalité donnée va résider dans la possibilité de montrer qu’un élément du système engendre des effets qui sont tels que, s’ils cessent, le fonctionnement du système sera perturbé : dans un moteur à essence comme dans un organisme, la pompe à essence ou le cœur ont pour tâche d’alimenter en énergie le système ; si l’effet cesse, le système s’arrête? [6]. Ce schème induit deux programmes : l’analyse fonctionnelle et l’analyse par les systèmes. Le premier repose sur le modèle besoin/fonction, le second sur le modèle cybernétique téléonomie/régulation. Dans l’analyse de systèmes se développe un programme particulier : celui des systèmes complexes. Ce programme s’est développé en usant de l’analogie avec des programmes de recherche en physique, en biologie. À ce titre, on peut citer des chercheurs tels Prigogine en physique ou Maturana en biologie.

65Les systèmes complexes et non linéaires sont caractérisés par de multiples ensembles d’interactions qui sont à la fois ordonnées et chaotiques. Par suite de cette complexité interne, des perturbations survenant au hasard peuvent provoquer des situations imprévisibles ou des rapports inattendus qui se répercutent à travers un système entraînant la création de nouveaux modèles de changement. La surprise, pourtant, c’est que, en dépit de tout cet imprévu, un ordre cohérent naît toujours du hasard et du chaos superficiel.

66De nombreux cybernéticiens ont essayé d’élaborer diverses méthodes permettant d’étudier cette causalité mutuelle et, par conséquent, la façon dont les systèmes procèdent à leur propre transformation. Une des plus intéressantes se trouve dans les travaux de Valera et Maturana (1980), qui se concentrent sur le rôle de la rétroaction négative et de la rétroaction positive dans la dynamique d’un système.

67Le système complexe est à la fois système et non-système. Comme le souligne Barel (1979), il y a deux façons de se représenter une réalité sociale comme système : soit comme quelque chose de cohérent, de rationnel, qui a des frontières claires et une identité non équivoque, soit comme quelque chose dépendant de l’évolution contingente de ses éléments. Dans le premier cas, le système existerait à la manière d’un objet (par exemple une poire est une poire). Un tel système est non équivoque. Il a pour caractéristique dominante d’être systématique, avec tout ce que le terme comporte de fermeture sur soi. Il est capable avec sa logique de broyer et d’anéantir ce qui s’oppose à lui. L’idée d’une fermeture sur soi, d’un tout qui façonne les parties est une forme de « réalisme totalitaire » pour reprendre la formulation de Piaget (1965). Dans le second cas, on considère que le système ne peut rien contre les acteurs qui ont décidé, non pas de le nier, mais de l’ignorer, c’est-à-dire de le néantiser pour leur propre compte (Barel, 1979, p. 15). On s’occupe alors de rendre compte des parties non par la cohérence du tout, mais en tenant compte de la diversité des parties qui le constituent.

68Une pensée systémique complexe dépasse cette opposition et embrasse d’un même regard les deux mouvements. Elle n’exclut ni la cohérence de la totalité ni la diversité de ses composantes. Elle conçoit simultanément la confusion et la séparation des niveaux. C’est à partir d’une telle lecture que Barel postule que la vie sociale est faite d’un système et d’un non-système enchevêtrés, d’une logique où, d’une part, le tout peut imposer sa volonté aux parties et où, d’autre part, il n’a pas ce pouvoir. Le sens du non-système livré aux jeux politiques des acteurs qui imposent leur propre logique est dans le non-sens que cela représente pour le système global et qui ne peut survivre à long terme que si les acteurs sont synergiques entre eux et par rapport à l’ensemble.

69Si l’on suit la pensée de Barel, il faut admettre qu’il y a inévitablement frottement du système qui impose et des acteurs qui lui résistent ou cherchent à lui échapper en lui opposant des arguments et/ou des motivations incompatibles avec l’ordre systémique. Dupuy (1982) parle de hiérarchie enchevêtrée.

70Un système social nécessite un ordre qui doit simplifier, orienter, déterminer le foisonnement de la vie sociale. Mais en même temps, il n’y parvient jamais jusqu’au bout. Là est le cœur de son paradoxe : dans l’inévitable combinaison d’ordre et de désordre où il y a fusion, superposition paradoxale de l’acteur et du champ, du sujet et de l’objet, de ce qui est dit et de ce qui dit (Barel, 1979, p. 19).

71Les concepts de bifurcation, d’effets de seuil, etc., y prennent toute leur importance. L’idée est celle d’éléments semi-autonomes caractérisés par leur entrecroisement partiellement imprévisible, qui est source de bifurcations.

72L’usage de la notion de réseau nous semble pertinent pour caractériser la dynamique des enchevêtrements qui caractérise le système complexe.

3.2 – Proximité du système complexe et du réseau

73Le réseau est une manière complémentaire d’aborder le problème de la complexité. De ce fait, cette approche mérite un certain développement. Elle éclairera, entre autres, la composition entre système complexe et transaction.

74Les similitudes font que le réseau éclaire les modalités d’interférence dans le système complexe. Mais il y a aussi des différences dans la mesure où le réseau ne suppose pas des rétroactions et de l’autorégulation. Dans cette section, après avoir défini le réseau, nous ferons ressortir les explicitations qu’il permet, dans le fonctionnement du système complexe.

75Cette notion repose sur l’analogie du filet ou du maillage et est encombrée de sens, liés à ses usages successifs dans les domaines militaires, des communications, en biologie, etc.

76Par ailleurs, les usages du terme sont parfois contradictoires, dans la mesure où alors que l’on parle de « réseau hiérarchisé », le réseau est parfois compris comme permettant le maximum de liberté dans un ensemble social aux contours mal définis, sans stabilité dans le temps, et étant le contraire de toute structure organisée.

77La polysémie du terme, doublée d’une incontestable indétermination, ne nous empêche pas d’identifier un « noyau de signification » relativement stable, susceptible d’être caractérisé, non seulement de manière positive, mais aussi de manière négative afin de le différencier d’autres concepts, notamment du concept de système complexe. De manière positive, on retiendra ainsi le fait que le réseau constitue une « trame » ou une « structure », composée d’éléments ou de « points », souvent qualifiés de « nœuds » ou de « sommets », reliés entre eux par des « liens » ou des « liaisons », assurant leur « interconnexion » ou « interaction » et dont les variations obéissent à certaines règles de fonctionnement. De manière négative, par ailleurs, on souligne généralement que, à la différence sans doute de la structure d’un système – et certainement d’une structure pyramidale, arborescente ou hiérarchique –, dans un réseau, aucun point n’est privilégié par rapport à un autre, aucun n’est uniquement subordonné à tel ou tel. À la différence de la notion de système, celle de réseau paraît également n’impliquer aucune forme de « clôture », les réseaux étant des « structures ouvertes », susceptibles de s’étendre à l’infini, intégrant des nœuds nouveaux en tant qu’ils sont capables de communiquer au sein du réseau.

78Le réseau nous semble être un sous-programme mettant davantage l’accent sur l’autonomie des acteurs, des connexions semi-aléatoires, une plus grande imprévisibilité, l’absence de frontières précises, l’enchevêtrement de systèmes complexes… Il est intéressant de montrer que le réseau ne permet pas seulement « d’opposer une forme générale à la pyramide et à l’arbre » (Musso, 1997, p. 53), mais empêche de basculer dans le chaos et le désordre, s’inscrivant ainsi à mi-chemin entre l’arbre et le chaos, entre un ordre linéaire et hiérarchisé et un désordre absolu. Cette position intermédiaire « entre la rationalité formalisée du cristal et le chaos de la fumée » pour reprendre l’expression d’Atlan, ne peut que se traduire tout naturellement dans des variétés différentes de réseaux, dans lesquelles on se rapproche tantôt de l’un de ces pôles, tantôt de l’autre.

79Le programme du réseau permet de se représenter la vie sociale comme un tissu dont la trame intègre dans une orientation globale la complexité, l’autonomie et l’interdépendance. Il aide à formuler un paradigme alternatif à la fois par rapport à une conception holiste et atomistique de la vie sociale. Le holisme était en « affinité élective » avec un État-nation en constitution tandis qu’une perspective atomistique convient à une idéalisation néolibérale de la vie sociale. Une autre voie est ainsi proposée qui n’est pas un compromis entre les deux. Elle permet de recomposer dans un syntagme nouveau des éléments mis en place de part et d’autre (Remy, 2004).

80Ce programme prend de la pertinence dans la mesure où les orientations communes ne reposent pas uniquement sur un pouvoir de centralisation et où l’accroissement de l’autonomie des acteurs n’anéantit pas les effets de convergence. La cohérence de la totalité ne suppose pas la subordination des parties, selon une conception inspirée d’un modèle politique centralisateur. Les modalités de coordination ne reposent pas sur une planification avec un scénario écrit à l’avance.

81Il aide à se représenter comment des lieux polarisateurs multiples et relativement autonomes sont mis en relation par un jeu d’interdépendances qui résultent de causes diffuses et multiples.

82Si les organisations peuvent être abordées comme des systèmes complexes ou des réseaux, c’est a fortiori vrai pour les systèmes dans lesquels l’autonomie des éléments est importante. Dans ce cas, le principe de totalité unifiant n’est pas un préalable. Ainsi, la centralité peut décliner même si la globalité grandit, parce que la porosité des frontières se renforce. La souplesse peut être accrue. Le concept de régulation est important. C’est une procédure qui permet la gestion des écarts en les maintenant dans une limite acceptable pour maintenir l’orientation souhaitée.

83Le réseau suppose le dialogue d’interlocuteurs relevant de logiques différentes, l’hybridation de savoirs multiples, et ce en vue de relever les défis que posent des enjeux sociaux qui présentent un fort caractère de transversalité.

3.3 – Transaction et réseaux : deux programmes qui se cumulent

84Si la transaction et le système complexe sont deux programmes qui se complètent pour analyser la fluidité dans le changement social, la transaction et le réseau sont imbriqués l’un dans l’autre, au point que les réseaux permettent d’expliciter les modes opératoires de la transaction. En ce sens, on peut dire que les deux se cumulent.

85Le jeu des acteurs suppose la logique d’appropriation des contraintes et des possibilités du système. Il postule du semi-aléatoire, de l’imprévisible. C’est dans ce cadre que se construisent les transactions. L’observation des pratiques des acteurs locaux (policiers, magistrats…) concernant la politique pénale est à cet égard intéressante (Foucart, 2011). On voit comment une décision de développement économique et d’aménagement de nouveaux quartiers peut engendrer un déplacement de phénomènes dits de déviance et comment les pratiques des intervenants doivent s’ajuster à une nouvelle configuration. Il y a des transactions qui ne passent pas, contrairement à une opinion répandue, nécessairement par la négociation, mais par de la confiance investie même de manière précaire dans les relations. De même peuvent se développer des transactions collusives, du type : « On sait que vous consommez telle ou telle drogue, mais si vous ne vous manifestez pas, on n’intervient pas. » Cela montre toute l’importance du « faire comme si » ou du consensus supposé.

86Ainsi, Liliane Voyé (1992), s’inspirant de Niklas Luhmann (2006), montre que le consensus réel ne pouvant se donner à tout moment, il doit pouvoir se présupposer. De nombreuses transactions se contentent d’un « consensus supposé », ce que l’on constate dans la concertation, ou encore dans la gouvernance.

87À partir de là, l’aspect cumulatif des programmes de la transaction et des réseaux fluides pourrait être théorisé.

88Le programme des systèmes complexes ou des réseaux fluides prend en effet toute sa signification si on y intègre la transaction comme manière d’expliquer la genèse du consensus et de dispositifs socialement construits. Le statut de la transaction s’affirme d’autant plus que grandit l’autonomie des acteurs sociaux, ce qui multiplie les lieux d’initiative. Les deux programmes se complètent et s’enrichissent mutuellement.

89Dans l’articulation avec le programme du réseau, les transactions ne se réduisent pas à des adaptations à la marge. Inversement, les transactions sont cadrées dans un contexte.

4 – Ouverture sur des articulations et des cumuls multiples

90Cette association entre transaction, système complexe et réseau constitue un type de raisonnement méthodologique qui peut s’étendre à diverses approches et donc bénéficier de leurs apports. Signalons à titre d’exemple : la sociologie des espaces potentiels et la sociologie de la traduction.

91Ainsi, si le programme de la sociologie de la transaction se centre sur les situations d’entre-deux, sur le clair-obscur, sur les situations relativement indéterminées, on peut penser qu’il peut être rapproché et cumulé avec les programmes qui font du jeu une composante centrale de l’action. Le jeu, comme l’analogie avec la mécanique le suggère, caractérise la liberté de mouvement entre deux pièces. Parler de jeu à propos de la vie sociale suppose de placer l’accent sur la relative autonomie des acteurs l’un par rapport à l’autre, sur le semi-prévisible ou le semi-aléatoire. En second lieu, le concept de jeu renvoie à la vie sociale comme phénomène intrinsèque à l’espèce humaine, dont l’objectif se situe dans la relation, elle-même, sans autre fonctionnalité que d’exister en tant que telle : le jeu se suffit à lui-même, dans les relations sociales qu’il instaure. Sans vouloir développer ce point particulier, nous soulignerons la proximité avec la sociologie des espaces potentiels initiée par Emmanuel Belin (2002). Celui-ci nous semble mettre en œuvre les mêmes schèmes d’intelligibilité en utilisant comme analogie la psychanalyse selon Winnicott (1971), spécialement les notions d’espace potentiel et d’objet transitionnel.

92Il serait intéressant également de tenter de rapprocher les programmes de la sociologie de la transaction et de la sociologie de la traduction. Chez M. Callon, la traduction est définie comme une relation symbolique « qui transforme un énoncé problématique particulier dans le langage d’un autre énoncé particulier » (Callon, 1974-1975, p. 19). Ces deux derniers programmes, souligne Florence Rudolf (2011), présentent des potentiels heuristiques incontestables pour des terrains qui doivent rendre compte de situations d’équilibre instable, de restructuration et de recherche collective.Toutefois, ainsi que le souligne toujours cette auteure, si la sociologie des transactions sociales prend clairement position pour une lecture du monde qui réhabilite les clairs-obscurs, la sociologie de la traduction n’occupe pas cette position. Son rapport à la réalité demeure un rapport d’objectivation.

93On pourrait aussi suggérer une relecture de Tarde qui, comme celle de Simmel par Jean Remy, permettrait un approfondissement du concept de transaction. En effet, dans son ouvrage Monadologie et sociologie (1999), ce sociologue entend par « monade » un élément provenant de la sphère de l’infiniment petit et constitutif du réel. Cette monade est capable d’inspirer une configuration globale de la sphère dans laquelle elle évolue parce qu’elle se lie, se connecte avec les autres monades – à travers le mécanisme de répétition-opposition-adaptation – et produit petit à petit un monde précis. Il faut souligner ici la multiplicité des réseaux et donc des mondes. Pour être plus précis, indiquons qu’appréhendée d’un point de vue sociologique, une monade, qui est un élément, peut être un individu ou bien un groupe. La monade peut prendre aussi la forme d’une tradition ou d’une coutume. Par conséquent, d’après Tarde, une monade/individu qui se connecte avec une autre monade/individu forme un groupe et une monade/groupe qui se connecte avec une autre monade/groupe forme une société, etc., et les liens qui permettent cette configuration ne sont rien de moins que des liens sociaux ou des actions interindividuelles qui, sous la plume tardienne, revêtent la forme de la répétition, de l’opposition et de l’adaptation.

5 – Conclusion générale. La fluidité du social : réseau, transaction, système complexe

94La complexité est une des clés de l’analyse. Par là on saisit comment la fluidité est consécutive de la dynamique sociale. Cette caractéristique se renforce encore dans la mesure où le réseau est une des dimensions de la complexité du système. Cette fluidité donne toute sa portée à une analyse par la transaction sociale qui réside dans sa souplesse et son absence de formalisation rigoureuse. Il faut tenir compte en outre, des résultats qui sont eux-mêmes semi-aléatoires.

95La sociologie de la transaction forme un programme que nous envisageons comme une forme d’analyse orientant le questionnement de la vie sociale, la construction d’hypothèses, la mise en place de techniques d’analyse.

96Elle fédère des auteurs qui s’intéressent aux situations d’entre-deux sans déroger à l’esprit ambivalent, indéterminé, fuyant qui les caractérise. Métaphoriquement, on pourrait dire que cet outil adopte les lois de la propagation des fluides (Faget, 2005). Il ne s’intéresse pas aux logiques institutionnelles ou aux logiques d’ordre, mais aux matières mouvantes, élastiques, s’immisçant dans les interstices. Dans un régime de fluidité, il importe de travailler sur les jeux de passage entre des échelles, des espaces et des temporalités multiples et enchevêtrées, de s’intéresser aux modalités flexibles, adaptables de régulation. La plasticité de ce paradigme permet de travailler sur la difficile construction de la circulation, des courants et ponts entre des éléments hétérogènes. Elle s’intéresse aux processus de lubrification des échanges sociaux. Dans le régime de fluidité, cette lubrification ne saurait être considérée comme homéostatique. Elle suscite au contraire des tourbillons, des turbulences propres aux processus d’échange.

97Le programme de la transaction développe une perspective buissonnière qui s’attache à traquer, sur les lisières institutionnelles, les lignes de fuite des interactions, les intersections. La métaphore du fluide, à l’instar de celle d’une « modernité liquide » utilisée par Zygmund Bauman (2000) pour décrire un contexte historique orphelin de certitudes et de formes sociales solides, vise à montrer que la seule logique binaire ne saurait fonder la légitimité d’un pouvoir. Celui-ci « travaille » désormais dans la capacité à produire du mouvement, du flux, à créer des espaces intermédiaires où se bricolent des micro-ajustements.

98Le régime de fluidité s’oppose à un régime à centralité forte. Ce dernier pourrait être illustré par le Léviathan de Thomas Hobbes (1971), ouvrage fondateur à la fois du positivisme juridique et de la théorie politique moderne. Il s’agit d’un univers pyramidal, celui de l’ordre et de la hiérarchie : un ordre vertical et linéaire qui culmine dans un ordre transcendant et sacré. Le concept sociologique de la société s’organise autour de la métaphore de la région, c’est-à-dire d’objets agglomérés en grappe et traçant des frontières (Mol, Law et al., 1995).

99Or ce qu’on appelle la « mondialisation » doit être perçu comme le remplacement d’une métaphore de la société comme ensemble d’espaces différenciés par une métaphore du global conçu comme mouvement global et permanent composé d’interconnexions multiples et évolutives (Urry, 2005).

100Parlant de « ville des flux », Alain Bourdin (2007) souligne que nous sommes habitués à penser en termes de centralité pour rendre compte tant de la logique interne d’organisation, de mise en ordre et de développement des villes, que de leurs relations avec leur contexte : territoires, autres villes, régions.

101Or nous sommes entrés dans un système de différenciation généralisée qui subvertit cette logique. La division des activités et des tâches ne repose plus nécessairement sur la hiérarchie et la complémentarité, mais s’opère à partir d’une diversité de points de vue, d’intérêts et de logiques. Dans ce contexte, les notions comme celles de pôles, d’enclaves, de friches, d’interstices, prennent une importance majeure.

102Nous nous différencions quelque peu de la position adoptée par les auteurs de Produire ou reproduire qui abordent la transaction comme un paradigme. Ils incluent dans la définition de celui-ci la démarche inductive (à partir des faits observés) et insistent sur son rôle de stimulant de l’imagination et de la créativité des sociologues : « Plus qu’une somme de concepts, le paradigme est l’image de base à partir de laquelle s’imagine une interprétation de la réalité. Le paradigme est ainsi un principe organisateur et inducteur de la construction d’hypothèses et d’interprétations théoriques » (op. cit., p. 87). Or, dans le raisonnement développé, la manifestation du paradigme apparaît comme une référence exemplaire non dans le sens d’un argument d’autorité, mais comme expression analogique de la légitimité d’une démarche. Par elle un programme d’analyse, c’est-à-dire la mise en œuvre concrète et déterminée d’un schème explicatif fondamental, peut simultanément se construire et se transmettre.

103L’approche par les systèmes complexes enrichit l’analyse en termes de transactions. Elle se préoccupe de la complexité des rapports entre le système et le non-système, articulée avec le semi-aléatoire. Les réseaux et les transactions sont imbriqués l’un dans l’autre. Par rapport aux projets des acteurs, le réseau est à la fois ressource et contrainte.

104Les développements opérés dans le cadre de ce texte montrent la complexité de la question traitée. Nous espérons qu’ils susciteront des interrogations et discussions permettant de complexifier la problématique et de susciter des orientations nouvelles.

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Mots-clés éditeurs : programme de recherche, paradigme, fluidité, thêmata, transaction, schème d'intelligibilité, épistémologie, réseau

Date de mise en ligne : 21/01/2014

https://doi.org/10.3917/pp.033.0053

Notes

  • [1]
    Docteur en sociologie, chargé de cours au département social (École sociale de Charleroi) de la Haute École Louvain-en-Hainaut ; responsable de l’unité de recherche sur l’intervention sociale ; directeur de la revue Pensée Plurielle.
  • [2]
    Berthelot formalise le schème dialectique comme suit : S {a et non-a}?S (A ? B) = (a et non a) ?B.
  • [3]
    L’auteur formalise ce schème comme suit : (A?B) = (B ? S, S { ? a?? b } ? B ?S.
  • [4]
    Voir à ce sujet la critique de l’utilitarisme sous les auspices de la revue du M.A.U.S.S. (Mouvement anti-utilitariste dans les sciences sociales) et les travaux d’Alain Caillé (1985).
  • [5]
    La formalisation est la suivante : (A ? B) = (B ? S, S ? B ? S).
  • [6]
    Contrairement à des mythes tenaces, le schème fonctionnel n’induit pas une « harmonie » fonctionnelle et une intégration parfaite des institutions sociétales. Les programmes induits peuvent également rendre compte des conflits et du changement social. Ils peuvent tenir compte de l’évolution historique par l’étude des transformations systémiques, des changements d’équilibre et de structure (Coenen-Huther, 1984 ; Herman, 1988).

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