Couverture de PP_026

Article de revue

De la scientificité du travail social. Quelles recherches pour quels savoirs ?

Pages 111 à 128

Notes

  • [1]
    Éducateur spécialisé, docteur en anthropologie (EHESS), formateur-chercheur, il coordonne le CERA (Centre d’Étude et de Recherches Appliquées) au titre de BUC Ressources, Institut régional du travail social des Yvelines.
  • [2]
    « En 2004, en France, ces diplômes étaient dispensés dans 342 établissements agréés, dont seulement 130 étaient subventionnés par l’État pour des dépenses pédagogiques ou de fonctionnement liées à la formation initiale. Deux tiers des établissements ne préparaient qu’à un seul diplôme (mono-agrément). Quant à la cinquantaine d’établissements multi-agréments et aux 17 instituts régionaux de travail social, ils concentraient à eux seuls près de 60 % des effectifs des étudiants. » Cf. 2006, « Les formateurs entre marasme et espoir », ASH, n° 2439.
  • [3]
    Décret du 30 juin 2006 n° 2006-770 relatif au diplôme d’État d’ingénierie sociale. Arrêté du 2 août 2006 relatif au diplôme d’État d’ingénierie sociale. Circulaire DGAS/SD4A n° 2006-379 du 1er septembre 2006 relative aux modalités de la formation préparatoire et d’obtention du diplôme d’État d’ingénierie sociale.
  • [4]
    Définition internationale de la profession d’assistant social ou de travailleur social, adoptée par l’Assemblée Générale de la Fédération Internationale du Travail Social (FITS) à Montréal en juillet 2000. Cette approche révèle la vaine tentative des assistants de service sociaux de se confondre avec le travail social.
  • [5]
    Pour un panorama d’une bibliographie commentée des débats concernant le travail social dans les années 1970, cf. Lascoumés P., 1977, « Le travail social idéalisé, contesté. Analyse bibliographique des parutions récente », Déviance et société, vol. 1, n° 3, pp. 341-361.
  • [6]
    Circulaire DGAS/PSTS/4A n° 2008-86 du 6 mars 2008 relative aux actions de qualification en travail social financées au titre des priorités définies par les orientations ministérielles pour les formations sociales 2007-2009, et notamment, au lancement d’un appel à projets pour la création, le soutien et le développement de pôles ressources « recherche-travail social intervention sociale-action sociale-formations ». NOR : MTSA0830159C.
  • [7]
    L’UNAFORIS propose depuis 2011 de nommer ces pôles en tant que PREFAS (Pôles de Recherche et d’Etude pour le Formation et l’Action Sociale).
  • [8]
    Décret n° 2007-899 du 15 mai 2007 relatif au diplôme d’État d’éducateur spécialisé. Arrêté du 20 juin 2007 relatif au diplôme d’État d’éducateur spécialisé. Circulaire interministérielle WDGAS/SD4A12007/436 du 11 décembre 2007 relative aux modalités des formations préparatoires et d’obtention du Diplôme d’État d’Éducateur Spécialisé (DE ES) et du Diplôme d’État de Moniteur Éducateur (DE ME).
  • [9]
    Décret n° 2009-55 du 15 janvier 2009 relatif aux conditions d’exercice de la profession d’assistant de service social. Arrêté du 31 mars 2009 relatif aux conditions d’accès à la profession d’assistant de service social pour les titulaires de diplômes étrangers. Circulaire DGAS/4A n° 2009-256 du 7 août 2009 relative aux modalités d’application de la procédure permettant l’accès à la profession d’assistant de service social pour les titulaires de diplômes étrangers.
  • [10]
    La nomination de Marcel Jaeger, fin 2009, a entraîné, à l’initiative du CNAM, une modification de la dénomination qui l’oriente davantage vers l’opérationnalité.
  • [11]
    La liste des pays concernés est la suivante : chaire de travail social de l’université de Fribourg (Suisse), institut supérieur de service social de Lisbonne (Portugal), département de travail social de l’université de Göteborg (Suède), département Santé publique, psychologie et travail social de l’université de Londres-Nord (Royaume-Uni), département des sciences de l’homme de l’université de Trieste (Italie), université catholique de Milan (Italie), école Alice Salomon de Berlin (Allemagne), département Développement familial et communautaire de l’université de Mons (Belgique), département de pédagogie sociale de l’université de Lodz (Pologne), département des sciences sociales appliquées de l’université de Cork (Irlande). Cependant, tous ces doctorats ne sont pas strictement en travail social : la première comprend les doctorats en travail social strictement nommés, comme en Finlande, en Suède ou en Hongrie ; une deuxième catégorie comprend des doctorats dont le titre fait mention d’une spécialisation en travail social ou correspondant à un aspect particulier du travail social ; un troisième groupe comprend les doctorats dont le titre ne mentionne pas le travail social ou une spécialisation du champ, mais qui sont néanmoins entrepris en lien avec un département ou une chaire de travail social ; enfin, une dernière catégorie comprend des diplômes de travail social donnant un accès direct à un doctorat dans une autre discipline : ainsi, à Lodz (Pologne), une maîtrise en pédagogie sociale, mention Travail socio-éducatif donne-t-elle accès au doctorat en Sciences humaines. Cf. 1999, « Quelles formations supérieures pour le travail social en Europe ? », Lien social, n° 508.
  • [12]
    Cf. les articles 2 et 3 intitulés : « Recommandation du parlement européen et du Conseil établissant le cadre européen des certifications pour l’éducation et la formation tout au long de la vie » de 2008, PE-CONS 3662/07 : « 2) d’établir des correspondances entre leurs systèmes de certification et le cadre européen des certifications d’ici 2010, notamment en rattachant d’une manière transparente leurs niveaux de certifications aux niveaux visés à l »annexe II, et, le cas échéant, en élaborant des cadres nationaux de certification conformément aux législations et pratiques nationales ; 3) d’adopter, le cas échéant, des mesures faisant en sorte que, pour 2012, tous les nouveaux certificats de certification, diplômes et documents “Europass” délivrés par les autorités compétentes fassent clairement mention – au moyen des systèmes nationaux de certification – du niveau correspondant du cadre européen des certifications. »
  • [13]
    Union Nationale des Associations de Formation et de Recherche en Intervention Sociale. Cette toute nouvelle structure est la résultante du rapprochement des deux principales fédérations, en décembre 2008, qui regroupent les structures de formation en travail social : l’AFORTS (association française des organismes de formation et de recherche en travail social) et le GNI (groupement national des instituts régionaux du travail social). Ce regroupement s’inscrit, notamment dans la perspective des modifications de statuts des écoles du travail social, dans une volonté de parler d’une même voix auprès des pouvoirs publics.
  • [14]
    L’association a déjà organisé deux congrès internationaux : le premier à Namur en 2007 et le second à Hammamet en 2009. Le troisième à Genève est en préparation pour 2011.
  • [15]
    Il est impossible de présenter un état des lieux précis du développement de cette fonction ni de celui des laboratoires de recherche au sein des écoles. Cette absence de lisibilité marque la faible structuration de la recherche dans le champ du travail social. Les PREFAS devraient éclaircir les choses en la matière.
  • [16]
    Manuel Boucher est membre associé au CADIS et directeur du Laboratoire d’Études et de Recherche Sociales (LERS) de l’Institut du Développement Social (IDS) de Haute-Normandie (76). Il est par ailleurs président d’ACOFIS et, depuis novembre 2009, titulaire d’une Habilitation à Diriger des Recherches (HDR).
  • [17]
  • [18]
    Cette typologie est néanmoins soumise à caution, dans la mesure où Françoise Laot ne distingue pas la recherche sur et pour le travail social. Il s’agit donc d’une extrapolation personnelle à partir d’informations diffuses. De plus, seule une recherche actualisée permettrait de cerner la situation actuelle, qui a certainement évolué après dix années.

1« Quelles théories pour quelles pratiques en travail social ? ». Ce titre d’un récent numéro d’une revue illustre les enjeux qui pèsent aujourd’hui sur le travail social (Pages & Sanchou, 2009). Au-delà d’une pratique, la reconnaissance d’une théorie endogène à ce secteur professionnel se développe. L’utilisation du « en » travail social est symptomatique de cette évolution épistémologique. Il est probable que ce questionnement, encore très récemment, se serait davantage inscrit dans une approche « sur » le travail social. Ce champ professionnel commence à être perçu comme un ensemble cohérent, considéré pour lui-même et surtout par lui-même. La recherche cristallise aujourd’hui l’attention, le débat, mais aussi les conflits. Dans ce contexte, la scientificité du travail social interroge. Si la science du travail social existe, quelles sont ses caractéristiques épistémologiques et méthodologiques ? Quelles sont les différents types de recherche qui permettent de produire ce savoir professionnel ? Ces questionnements amorcent des velléités d’autonomisation des acteurs de ce champ, notamment dans le domaine du savoir et de son processus d’élaboration. Cette réflexion éclaire les enjeux structurants de ce champ professionnel en mutation et décline les possibilités de développement de la recherche dans le champ du travail social.

1 – Le travail social est-il un ventre mou ?

1.1 – Des éléments hétérogènes

2Le travail social regroupe au minimum sept champs distincts : le service social, l’éducation spécialisée, l’animation, la petite enfance, l’insertion, l’accueil et l’intervention à domicile et le développement social local. Les institutions du travail social sont variées, voire hétérogènes : centres sociaux, services d’accueil de la petite enfance, établissements pour personnes handicapées, établissement d’accueil pour l’enfance, service d’accompagnement, d’accueil et d’hébergement pour l’insertion sociale, services d’hébergement pour personnes âgées, pour SDF, les centres communaux d’action sociale, etc. Chacun de ces secteurs et types d’institutions possède son histoire, ses enjeux, ses contours, ses références et ses méthodes. Si leur appartenance au monde associatif est majoritaire, un bon nombre relève des collectivités et des établissements publics (d’État, territoriale, hospitalière).

3Le nombre de travailleurs sociaux ne cesse d’augmenter, tout comme les métiers qu’ils occupent. En 2002, les travailleurs sociaux étaient 600 000 (Fablet, 2009, p. 72) : 51 500 professionnels de l’aide hors domicile, 177 100 professionnels de l’éducation spécialisés, 49 700 professionnels de l’animation et 30 800 professionnels de l’accueil d’enfants à leur domicile). Il faut d’abord comptabiliser tous les titulaires des 14 diplômes du travail social [2]: auxiliaire de vie sociale, assistante sociale, aide médico-psychologique, moniteur-éducateur, technicien de l’intervention sociale et familiale, éducateur technique spécialisé, éducateur de jeunes enfants, éducateur spécialisé, assistant de service social, conseiller en économie sociale familiale, médiateur familial, fonctions d’encadrement et de responsable d’unité d’intervention sociale, ingénierie sociale, directeur d’établissement ou de service d’intervention sociale. Il est aussi nécessaire d’y intégrer les « faisant fonction », ainsi que ceux qui interviennent aux marges du travail social institutionnalisé, dans le cadre d’innovations susceptibles d’intégrer le travail social de demain. Cette inflation des métiers, statuts et fonctions, plus ou moins institutionnalisées, participe à la complexité du tableau professionnel que ces éléments composent. Le nouveau Diplôme d’État d’Ingénierie Sociale (DEIS) symbolise cette dynamique [3] (arrêté du 2 août 2006 relatif aux modalités de mise en œuvre du Diplôme d’État d’Ingénierie Sociale).

4Cette variété institutionnelle s’articule avec la grande variabilité des fonctions des travailleurs sociaux. Existe-t-il un plus petit dénominateur commun ? Si l’évocation de la relation, d’aide semble évidente, les faits contredisent ce lieu commun. Un travailleur social aide autant qu’il interdit, frustre, limite, contient, soigne, etc. Certains proposent l’accompagnement comme dénominateur commun à toutes les fonctions des travailleurs sociaux, en précisant en même temps la limite de cette proposition (Niewiadomski, 2002, p. 167). Cet exercice peut être mené à l’infini en évoquant la clinique, le suivi, l’assistance ou encore le soutien, sans pour autant parvenir à définir une fonction incontestablement transversale à tous les types d’intervention sociale.

5Il faut aussi citer l’articulation avec le sanitaire et le médical, qui créait un ensemble encore plus vaste, flou et difficilement discernable. Il est alors autant légitime d’utiliser d’autres appellations de référence, comme l’action sociale, le travail du social, l’intervention sociale, l’assistance sociale, etc. Attardons-nous à trois déclinaisons, alternativement perçues comme complémentaires, voire comme concurrentes à la référence du travail social. L’intervention sociale semble très proche, mais se distingue par son approche fonctionnelle, selon l’Inspection générale des affaires sociales en 2005. L’action sociale a été définie pour la première fois dans la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale. Elle s’appuie sur l’ensemble des dispositions législatives et réglementaires regroupées dans le Code de l’Action Sociale et des Familles, dont la partie législative est parue au Journal Officiel du 23 décembre 2000. Il regroupe l’ensemble de dispositions législatives et règlementaires en la matière. Enfin, l’aide sociale regroupe l’ensemble des prestations sociales versées aux personnes en situation de pauvreté ou d’extrême pauvreté, pour subvenir aux besoins primordiaux des personnes. Il apparaît ainsi clairement que le travail social compose un secteur professionnel, articulant en son sein des registres politiques, législatifs et institutionnels divers, voire hétérogènes.

6Le travail social compose un ensemble multidimensionnel complexe. Toute tentative de description et de référencement des références structurantes communes est ardue, tant ce champ assemble des éléments divers qui peinent à composer, a priori, un ensemble cohérent. Le travail social se définit donc par la pluralité de ses cadres politiques, juridiques, réglementaires et institutionnels, mais aussi par ses références théoriques et pratiques, en lien avec la coexistence de 14 métiers et de multiples fonctions. La pluralité se définie par « la coexistence d’éléments différents et faisant des réalités étudiées des éléments multiples, individuels et irréductibles à une unité » (Akoun & Ansart, 1999). Comment un champ pourrait-il constituer un tout cohérent avec autant d’éléments disparates ? Ce questionnement est renforcé par le fait que le travail social ne propose pas ses propres définitions, qui permettraient, si ce n’est de faire autorité, du moins de permettre un débat, voire des critiques portants sur les contours proposés par les premiers intéressés.

1.2 – Une fonction sociale incertaine

7Si les éléments et les références structurants du travail social semblent hétérogènes, il est alors indispensable de questionner la fonction sociale de ce champ, pour tenter de trouver le lien de cohérence. Cet exercice se révèle également rebelle à toute définition évidente, d’autant plus qu’il n’existe pas de définition officielle du travail social en France. Citons néanmoins quelques références en la matière qui illustrent les différentes approches :

  • Le Conseil Économique et Social (2002), repris par le Conseil Supérieur du Travail Social : « Le travail social a pour vocation première d’aider à ce qu’une personne, une famille ou un groupe de personnes ait accès aux droits que la société lui confère, et crée ou recrée des liens sociaux. C’est à partir des attentes du bénéficiaire, de ses problèmes, de la perception qu’il a de son propre devenir, de ses potentialités visibles ou à faire émerger que doit se développer le travail social. »
  • Selon la Fédération Internationale du Travail Social : « La profession d’assistant social ou de travailleur social cherche à promouvoir le changement social, la résolution de problèmes dans le contexte des relations humaines et la capacité et la libération des personnes afin d’améliorer le bien-être général. Grâce à l’utilisation des théories du comportement et des systèmes sociaux, le travail social intervient au point de rencontre entre les personnes et leur environnement. Les principes des droits de l’homme et de la justice sociale sont fondamentaux pour la profession [4]. »
  • Selon les Nations unies (1959) : « Le travail social est une activité visant à aider à l’adaptation réciproque des individus et de leur milieu social, cet objectif est atteint par l’utilisation de techniques et de méthodes destinées à permettre aux individus, aux groupes, aux collectivités de faire face à leurs besoins, de résoudre les problèmes que pose leur adaptation à une société en évolution, grâce à une action coopérative, d’améliorer les conditions économiques et sociales. »
Ces définitions montrent que la fonction du travail social est tiraillée entre une série de contradictions : une approche individuelle et collective, entre une adaptation des individus aux exigences collectives et une adaptation de la société aux besoins individuels, entre un accès aux droits existants et la détermination de mesures nouvelles dans une incessante recherche de justice sociale, entre contrôle social et émancipation, etc. Le fait que ce champ professionnel ne se soit pas doté d’une finalité commune reconnue unanimement, voire légale, participe à le déstabiliser.

8Le mardi 5 décembre 2006, Le Monde de l’économie titrait : « Les travailleurs sociaux, une profession en crise depuis dix ans ». Ces professionnels sont généralement présentés en pleine défaite dans la lutte pour la reconnaissance de leur idéal philanthropique fondateur (Jaeger, 2009, pp. 91-100). Les différents commentateurs du travail social pointent depuis longtemps les contradictions de ce champ professionnel et leurs conséquences déstabilisantes [5]. En 1972, le travail social était dénoncé déjà comme un outil de contrôle social menant une action coercitive et normalisatrice (Esprit, 1972). Cinq années plus tard, une mise en perspective historique était proposée, à partir du dix-huitième siècle jusqu’à la fin des Trente Glorieuses, pour mettre en évidence une gestion sociale de la famille à travers laquelle l’assistance sociale prend toute sa place (Donzelot, 1977). Cette approche revendique une lourde hérédité pour le travail social qui participait à la police des familles. En 1978, il était proposé une forte critique du travail social en tant qu’agent de régulation sociale de la pauvreté (Verdès-Leroux, 1978). Cette thèse démontrait que le travail social renforçait la division interne de la classe ouvrière et sa domination, par une stigmatisation. En 1998, le débat reprend, mais dans un autre registre. Si les travailleurs sociaux participent bien au contrôle social, c’est par leur inutilité (Esprit, 1998). Ce procès en inefficacité a été repris la même année qui s’inscrit également dans la perspective d’un échec contemporain du travail social ; probable prélude à sa disparition (Ion, 1998). Plus récemment, l’éternelle question se repose : « Pourquoi le travail social ? » (Karsz, 2004). Selon cette approche, ce secteur professionnel est un relais idéologique au service d’une collectivité qui étend les tendances normatives dominantes à ceux qui ne les partagent que partiellement. En tant qu’outil de conversion idéologique, le travail social est un secteur théoriquement « mou » qui donne à chacun la possibilité de projeter sa grille de lecture sur un secteur qui se plaît à être une sorte d’écran de projection idéologique. Encore plus récemment, un appel à la résistance pour sauver et refonder le travail social autour d’une solidarité citoyenne et non consumériste (Chauvière, 2007). Dans cette approche, la démarche d’évaluation contemporaine cache la recherche d’une diminution des coûts. En se voyant imposer la rationalité d’économie libérale, au détriment d’un humanisme fondateur, le travail social perdrait tout simplement son âme. En 2004, les États généraux du social réclamaient de reconstruire l’action sociale qui, semble-t-il, était une fois de plus diagnostiquée comme moribonde (Chauvière, Ladsous & Belorgey, 2006).

9Le travail social suscite depuis longtemps une recherche de sens (Bouquet, 2003). Si l’on considère qu’une crise relève d’une brusque rupture d’équilibre, par rapport à un état antérieur stabilisé, ce secteur professionnel ne l’est manifestement pas. Le travail social s’équilibre autour d’un lancinant questionnement quant à sa fonction et à sa pérennité. Plus d’un siècle après sa création et développement, la fonction du travail social est toujours interrogée, entre de multiples prédictions de morts et de renaissances. Pourtant, ce n’est pas parce que ce secteur professionnel ne se laisse pas facilement définir qu’il n’existe pas ou même que sa légitimité serait menacée. C’est à travers cette identité et finalité ignorées et présupposées menacées que la structure propre au champ du travail social doit être interrogée et surtout caractérisée.

1.3 – Les enjeux d’un impensé

10C’est au nom de cette nature insaisissable que la référence au « travail social » est souvent critiquée (Tachon, 1982, pp. 35-44), voire rejetée (Karz, 2004). Cette difficulté d’objectivisation peut être perçue comme le signe d’une inconsistance scientifique, en tant qu’objet conceptuel de recherche, voire en tant que fait social. Pourtant, la référence à la notion de travail social est fréquemment utilisée, même si elle est critiquée. Ce succès empirique est lié aux contours larges qu’il propose, contrairement aux appellations concurrentes, qui circonscrivent une partie de sa réalité : l’intervention sociale focalise sur les modalités d’action, l’action sociale concerne les droits à l’assistance et l’aide sociale évoque les dispositifs communs permettant la satisfaction des besoins fondamentaux. Paradoxalement, la validité heuristique du concept « travail social » est inversement proportionnelle à sa qualité fonctionnelle, qui permet de nommer sans décrire. En ce sens, sa faiblesse d’objectivation est sa force qui lui permet de faire exister socialement ce champ. Certains auteurs défendent cette idée en affirmant que les paradoxes du travail social, et sa résistance à la définition, constituent la preuve de son existence, de sa légitimité et la condition de son opérationnalité (Canter Kohn & Rigaux, 1988). Le travail social serait alors nécessairement paradoxal pour lui permettre de créer un malaise, source d’incertitude, d’illisibilité, mais aussi d’efficacité à intervenir dans les zones d’ombre sociales (Autès, 2007, p. 9).

11Il est aussi possible d’expliquer cette difficulté à saisir le travail social par l’échec des sciences sociales à saisir scientifiquement le travail social, faute d’outils théoriques et méthodologiques adaptés. Selon leur logique positiviste, les sciences sociales ayant échoué à objectiver le caractère appliqué du travail social, décréteraient alors l’impossibilité épistémologique de mener cette opération. Toute velléité d’objectivation scientifique en travail social, par les travailleurs sociaux eux-mêmes, se heurte à cet argument, adossé à celui qui consiste à leur dénier cette capacité scientifique. Le travail social est un champ hétéronome de fait, dans la mesure où il est soumis à une tentative de définition externe et une absence de définition interne. Mais l’est-il de nature et à qui revient la légitimité de définir le travail social ? Pourquoi n’est-il pas reconnu dans sa capacité à se penser ? Quel statut reconnaître à ces savoirs issus de l’action ? Ces questions concernent fondamentalement le rapport entre savoirs théoriques et pratiques.

2 – Le processus d’élaboration de connaissance en prise avec un secteur professionnel

2.1 – La difficile articulation entre science fondamentale et appliquée

12La science est définie comme « à la fois des activités productrices de connaissances et le résultat de ces activités : théories, découvertes, méthodes de travail et règles de comportement entre scientifiques » (Akoun & Ansart, 1999). La recherche, qui est le moyen de faire de la science, vise la production, la transmission et l’application de savoirs nouveaux. La question est de savoir ce que l’on entend par savoirs ; s’agit-il de savoirs théoriques et/ou pratiques ? Nous ne rentrerons pas dans le détail de ce débat à l’échelle des sciences sociales et humaines. Ce serait un trop vaste chantier. Nous nous limiterons à l’échelle du travail social. Pour ce faire, nous utiliserons un ouvrage réalisé à la suite d’une journée d’étude organisée par l’Association des Chercheurs des Organismes de la Formation et de l’Intervention sociales (ACOFIS) le 6 décembre 2007, portant sur « La recherche dans les organismes de la formation et de l’intervention Sociales » (Boucher, 2008). Les différents intervenants sont représentatifs des trois courants qui permettent de dresser l’état des lieux des trois postures concernant la recherche dans le champ du travail social :

  • le refus de reconnaître une recherche appliquée à l’intervention sociale : le travail social est alors perçu comme un terrain professionnel utilisé comme un terrain de recherche, instruisant la question sociale. C’est à l’expertise qu’il revient d’étudier les questions d’efficacité ;
  • la reconnaissance d’une ligne de partage politique qui délimite des terrains de compétences entre la théorie et la pratique : les sciences sociales ont été légitimées pour comprendre la société et le travail social pour la modifier. Ces deux champs ne sont pas différents de nature, d’un point de vue épistémologique, mais ont été distingués à la suite d’une construction sociale et historique. Toute velléité de changement vient rompre cet accord tacite ;
  • la revendication d’une recherche appliquée au travail social : le travail social est alors perçu comme un champ qui, développant son propre objet, doit être étudié scientifiquement pour lui-même, comme un terrain instruisant la question du travail social. Cette connaissance opérante nourrit l’expertise en charge d’étudier les questions d’efficacité.
La revendication des sciences sociales à l’autosuffisance constitue une domination de fait. La sociologie possède un quasi-monopole concernant la pensée du travail social (publication, colloque, références conceptuelle, etc.). En reconnaissant une recherche en travail social, la sociologie perdrait l’accès privilégié à un terrain et la capacité d’en produire l’unique discours savant. En dehors d’un débat épistémologique qui ne tient pas longtemps – l’École de Chicago ou encore la recherche action ont montré depuis longtemps la légitimité d’une production concomitante de savoirs théoriques et pratiques –, il s’agit d’une question de concurrence qui s’inscrit dans la théorie des champs de l’approche bourdieusienne. La lutte entre le champ des sciences sociales et celui du travail prend corps dans le cadre de la théorie française de la connaissance. Il s’agit de la traditionnelle opposition entre l’approche empirique et positiviste (Bourdieu, 1979, pp. 85-94). Cette approche permet de situer les enjeux d’une reconnaissance d’une science du travail social, non dans le seul cadre épistémologique, mais aussi dans celui d’une domination entre champs.

13Le principal argument de réfutation des sciences sociales, sociologie en tête, est que le champ du travail social n’en est pas un. La sociologie de la professionnalisation affirme que le travail social est trop dominé pour constituer un champ social homogène susceptible d’être étudié de manière endogène. Pour cerner les enjeux de cet espace social, il suffirait de demeurer en extériorité et de s’intéresser aux lois, aux politiques sociales, qui en déterminent essentiellement la structure (Boucher, Belqasmi, Pierret, Moussu & Chauvière, 2010). En refusant de reconnaître cette recherche, les sciences sociales réalisent leur propre prédiction, en privant le travail social d’une capacité à se penser en lui-même, de s’émanciper, de le faire savoir et de se faire reconnaître. Si hétéronomie il y a, le développement d’une recherche en travail social est un outil politique au service de l’autonomisation de ce champ. Autrement dit, le travail n’est pas une science sociale parce qu’elle n’est pas reconnue en tant que telle. Ce qui peut apparaître comme une tautologie n’en est pas une. Le statut d’une science est le fruit d’un rapport de force, construit socialement, qui dit ce qui doit être ou ne pas être. La difficulté pour le travail social est de se faire reconnaitre par les sciences sociales préexistantes, qui évaluent cette légitimité avec leurs propres critères (objet, théories et méthodes). Cette logique relève de l’ethnocentrisme ou encore, selon les anthropologues du droit, de « l’englobement du contraire », qui consiste à ne concevoir qu’une seule vérité « dans le mythe de la Raison universelle, que partagent tous les êtres humains et qui doit donc forcément les mener à aboutir aux mêmes conclusions, à une même vision rationnelle de la réalité et de son organisation » (Eberhard, 2003, pp. 9-27).

14Un ultime argument consiste à dénoncer la mauvaise qualité de la production de connaissance scientifique en travail social des travailleurs sociaux, formateurs en tête, qui chercheraient à développer une nouvelle discipline afin de masquer leur échec à se faire reconnaitre dans les disciplines consacrées (Foucart, 2008). Il existe bien une tendance chez les travailleurs sociaux à promouvoir les connaissances issues de leur expérience au rang de recherche en travail social, ou à proclamer des compétences scientifiques, sans réelle maîtrise, ni qualification (comme le doctorat par exemple). Il est aussi difficile de mener des recherches en travail social, sans moyen ni cadre institutionnel adapté ; contrairement au cadre plus favorable de l’académisme. Le plus souvent, le chercheur en travail social doit mener ses recherches pendant son temps libre, une fois ses obligations professionnelles prioritaires effectuées (formateurs, cadres dirigeant, travailleurs sociaux en établissement, etc.). C’est bien pour professionnaliser cette recherche en travail social que la science du travail social doit être reconnue.

15Le travail social possède son propre objet théorique qui est d’essence pratique, par le biais de l’opérationnalité de sa fonction sociale. Une science ne se définit pas en fonction de son objet mais de la manière de le traiter. Une science devient science en pratiquant de la recherche. Pour que la science du travail social existe, il faut organiser institutionnellement la capacité de ce champ à produire de la connaissance, selon des modalités scientifiques appliquées. Alors, il sera possible de dépasser les fausses dichotomies entre sciences fondamentales et appliquées, entre théorie et pratique, entre savoir et compétence : « le débat ne se pose pas en réalité entre théorie et pratique, mais entre différentes manières de théoriser la pratique professionnelle » (Dartiguenave & Gernier, 2009, pp. 30-34). Il faut aussi évoquer l’émergence d’une nouvelle approche qui dissocie théorie et recherche fondamentale : seule une recherche en prise avec la complexité de la réalité sociale, notamment par le biais des situations professionnelles, permet à la science de comprendre l’essentiel, à savoir « comment du nouveau peut-il se produire, souvent malgré tout » (Clot, 2008, pp. 76-77). D’autres encore dénoncent la fausse dichotomie en recherche fondamentale et appliquée, dans la mesure où toute action empirique intègre de la connaissance. Ces derniers proposent alors de considérer cette forme de connaissance issue de la pratique comme un « savoir situé » (Barbier, 2008, pp. 133-140). Cependant, il convient de ne pas confondre ce type de savoir scientifique issu de la recherche sur les pratiques, notamment professionnelles, avec la praxéologie, qui peut se définir comme le savoir produit par le praticien, par intuition, lorsqu’il est confronté à de nouvelles situations et doit alors chercher de nouvelles façons d’intervenir et d’agir (Mialaret, 2009, p. 18).

16Le développement d’une recherche en travail social est appelé à profiter de la définition de cette troisième voie qui reconnaît et légitime un savoir situé, en rompant avec la dichotomie stérile entre connaissance scientifique et intervention professionnelle.

2.2 – La difficile reconnaissance d’une recherche en travail social

17La revendication de la recherche dans le champ du travail social est une préoccupation ancienne, comme en témoignent la création du diplôme supérieur en travail social en 1978, de la MiRe (Mission de la Recherche) en 1982, la création en 1986 des Instituts Régionaux du Travail Social (IRTS) avec compétence de recherche (selon l’arrêté du 22 août 1986 portant création d’Instituts Régionaux du Travail Social) ou encore l’ouverture en 2000 de la chaire en travail social du Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM). Il faut également citer la mobilisation de l’Association des surintendantes et du Comité de Liaison des centres de formations supérieures, qui ont organisé trois colloques qui visaient à promouvoir une recherche en travail social (www.cpihts.com). Cependant, la structuration de la recherche dans ce champ reste embryonnaire, comme l’affirme Isabelle Kittel, conseillère technique à la Direction Générale de la Cohésion Sociale DGCS (Sarazin, 2009). C’est dans ce contexte que l’ex-Direction Générale de l’Action Sociale a promulgué le 6 mars 2008 une circulaire pour impulser un nouvel élan à la recherche dans le champ du travail social [6]. Ce texte a lancé un appel à projet pour inviter les initiatives régionales à diffuser, faire circuler les savoirs, organiser le débat et soutenir ou élaborer des projets de recherche. Chaque projet retenu reçoit une subvention annuelle de 50 000 à 60 000 ? sur trois ans, le temps de trouver un système de financement pérenne. Vingt projets ont été retenus et financés. La plupart des pôles ressources ont créé un partenariat avec l’université [7]. Le mouvement ainsi lancé a suscité une forte mobilisation des écoles de formation du secteur social en matière de recherche. Il est probable que ce mouvement amorce enfin une structuration de la recherche dans le champ du travail social. S’agit-il pour autant d’un seuil critique de non-retour pour la reconnaissance et le développement d’une recherche en travail social ? Il faut aujourd’hui signaler l’existence d’indices qui vont dans ce sens, même si ce mouvement demeure d’une grande fragilité. Examinons-les synthétiquement (Rullac, 2009b).

18Différents pionniers se sont engagés dans cette lutte pour la reconnaissance d’une théorie endogène. Hervé Drouard, par exemple, a créé la revue Forum, il y a plus de 30 ans, qui se définit comme une revue de recherche en travail social. Les récentes réformes des diplômes du travail social, comme par exemple les Diplômes d’État d’Éducateur Spécialisé [8] (DEES) et d’Assistant de Service Social [9] (DEASS), axent la formation sur l’opérationnalité, via la problématique des compétences. Ces nouveaux diplômes impliquent le développement de contenus méthodologiques inédits, dans le cadre d’une expertise méthodologique. C’est notamment le cas de l’intervention sociale d’intérêt collectif (ISIC), pour les assistants de services sociaux, et de la méthodologie de projet, pour les éducateurs spécialisés. Ces nouveaux axes de formation impliquent une expertise pour adapter la formation aux nouvelles questions méthodologiques qu’aucune recherche scientifique endogène ne permet d’éclairer.

19La création du DEIS implique le développement d’une production de connaissances qui participent à la recherche en travail social, et d’une expertise endogène au travail social, tournée vers le développement. Il existe quatre figures de l’expertise : l’expertise-expérience (habilité), l’expertise-excellence (technicité), l’expertise-compétence (professionnalité) et l’expertise-évaluation (dualité) (Simondi, 2009, pp. 209-217). Le référentiel de compétence du DEIS, dans les annexes de l’arrêté de 2006, différencie et qualifie ces deux dimensions en fournissant des indicateurs utiles pour les distinguer. Pour autant, cette innovation rencontre deux obstacles. Le premier réside dans la difficulté des écoles à former à la recherche, par manque de corpus méthodologique et conceptuel issus de la recherche en travail social. Le manque de postes et de financements en la matière, malgré le projet initial des IRTS, compromet une crédibilisation en la matière. La tentation est alors grande de donner cette responsabilité aux seules universités. Le second obstacle réside dans l’absence de postes et de budgets correspondant à la fonction experte de « cadre développeur », dans les associations et les collectivités territoriales. À défaut, bon nombre de ces nouveaux diplômés se tournent vers des postes de direction.

20L’existence d’une chaire du travail social et de l’intervention sociale au CNAM [10] préfigure également un pas vers le développement d’une science appliquée, à défaut d’une discipline académique, dans la mesure où le CNAM n’est pas une université mais un grand établissement public. L’absence d’un doctorat (la chaire plafonne son offre de formation en travail social au Master 2) montre à quel point la France résiste à la scientificité du travail social, alors que onze pays européens le proposaient en 1999 (Laot, 2000) [11]. Cependant, Marcel Jaeger a récemment déclaré son intention d’ouvrir un doctorat en travail social, dans un entretien accordé à la revue TSA en mars 2010. Cette question rejoint celle du système LMD (Licence-Master-Doctorat) au sein duquel les diplômes canoniques (DEES et DEASS) ne trouvent pas leur place, en tant que bac + 2. Aussi les États sont-ils invités à établir une mise en conformité des niveaux des diplômes, selon une recommandation européenne [12], aussi bien en ce qui concerne le niveau de certification (LMD) que concernant leur déclinaison en ECTS (European Credit Transfer and Accumulation System). Cette invitation évoquait la perspective de 2010 et 2012. Il est aujourd’hui impossible d’en mesurer précisément l’évolution dans les différentes écoles en France. Cette perspective d’harmonisation amène les écoles du travail social à se mobiliser, par le biais de leurs instances représentatives (notamment l’UNAFORIS [13]), pour modifier leurs statuts et pour développer leur offre dans le cadre de cette harmonisation. Quel modèle sera choisi ? L’universitarisation comme en Allemagne ou les Hautes Écoles comme en Suisse ou en Belgique ? Qui pourra postuler, parmi les formateurs actuels, s’il n’existe aucun docteur en travail social ? Le risque est de fondre la spécificité du travail social dans des logiques disciplinaires préexistantes, en dehors de l’objet professionnel de ce champ. UNAFORIS plaide pour le modèle des Hautes Écoles, qui permettrait de reconnaître la scientificité appliquée du travail social, tout en contournant la difficulté, voire le risque, d’obtenir celle d’une discipline académique par le biais d’une universitarisation.

21Alors que la revue Forum a joué le rôle de précurseur, le Sociographe fête aujourd’hui ses dix ans, tout en s’affichant également comme une revue de recherche en travail social. Sa particularité est de poser des questions, dans le cadre de témoignages ; des questions qui sembleraient parfois triviales pour d’autres et toujours ancrées dans une optique concrète d’opérationnalité, comme en témoignent quelques titres : « À table ! », « L’homme, la bête et le social », « S’habiller », « Génération écrans », etc. La création de l’Association Internationale pour la Formation, la Recherche et l’Intervention Sociale [14] (AIFRIS), le 28 juin 2008, marque également l’avènement du maillon international indispensable à tout développement scientifique. De sa place, dans une démarche sociologique, ACOFIS permet également de dynamiser la production et la valorisation de la recherche dans ces structures. Ce bref panorama indique que les conditions institutionnelles de la recherche se développent dans le champ du travail social. Cependant, le mouvement de la reconnaissance d’une science du travail social, articulant la recherche « en » et « sur », est fragilisé par deux formes d’opposition internes au travail social.

22En premier lieu, il s’agit du rejet de la recherche en travail social par une grande partie des chercheurs travaillant dans la cadre des écoles du travail social [15]. Le plus virulent des opposants est Manuel Boucher [16]. En plus de présider ACOFIS, il dirige le LERS (Laboratoire d’étude et de recherche sociales) qui dépend de l’IDS (Institut du développement social de Haute-Normandie) ; école qui bénéficie du statut d’IRTS. Ce laboratoire, l’un des plus actifs en France dans le cadre du travail social, défend clairement une recherche centrée exclusivement sur le travail social, de nature sociologique, comme l’affirme sa présentation [17]. Manuel Boucher ne reconnaît pas le travail social comme une science, mais lui concède une opportunité d’organisation disciplinaire (Boucher, 2007).

23Cette résistance endogène peut s’expliquer par l’absence d’un doctorat en travail social. Les chercheurs du travail social sont alors obligés de se faire reconnaître en tant que scientifiques, en obtenant un doctorat consacré par les disciplines académiques, le plus souvent en sociologie. Ces derniers, même s’ils étaient travailleurs sociaux à l’origine, adoptent alors les présupposés de leur nouveau champ de référence, qui a tendance à contester la légitimité du savoir situé. De plus, la qualité de sociologue est davantage honorifique que celle de travailleur social. Pourtant, les chercheurs des centres de formation du travail social sont rémunérés par le travail social et participent institutionnellement à son développement. En ce sens, ils sont travailleurs sociaux d’un point de vue institutionnel. Tout en développant une recherche institutionnelle en travail social, de par leur rattachement salarial, la plupart contestent donc la légitimité de ce mouvement. Ce conflit intime de professionnalisation est particulièrement violent, d’autant plus lorsqu’il rejoint celui plus collectif mené par les disciplines académiques : les chercheurs non académiques du travail social sont eux-mêmes souvent disqualifiés et rejetés lorsqu’ils se présentent à l’université pour intégrer un poste de maître de conférences ou de professeur. L’éventualité de la création prochaine d’un doctorat en travail social aura des conséquences notables dans les représentations de l’identité professionnelle de ce champ. Comme en psychologie, par exemple, un docteur en travail social sera alors légitimement un travailleur social, sans pour autant nécessairement disposer des compétences professionnelles propres à la prise en charge effective d’usagers ou d’institutions. Cette possibilité viendra achever la mutation identitaire en matière de professionnalisation amorcée par le DEIS. Très récemment, le CNAM a annoncé son attention d’ouvrir un doctorat professionnel qui se distingue d’un doctorat de recherche (Ph. D pour philosophiae doctor). Assez répandue dans les pays anglo-saxons, cette modalité de qualification est similaire à la thèse des médecins en France. Elle forme des professionnels de hauts niveaux mais pas des chercheurs habilités à postuler à l’Université, en qualité d’enseignant chercheur, par exemple. Tout en représentant une avancée en matière de qualification pour les travailleurs sociaux, ce projet ne règle pas la question des chercheurs qui ne peuvent toujours pas, pour le moment, envisager un doctorat académique appliqué pleinement à l’opérationnalité du travail social.

24En second lieu, il s’agit d’un rejet massif du champ de toute approche scientifique appliquée à l’intervention sociale. L’expression de ce rejet a été particulièrement forte chez les formateurs et les intervenants sociaux à propos de la réforme du DEES, qui introduit une forte logique méthodologique. Le principal argument est que la rigueur scientifique menacerait la nature relationnelle de la fonction socio-éducative (Qribi, Top & Filhol, 2009). Pour appuyer ces réflexions, l’inadaptation des méthodes en procédures, issues des sciences exactes, mais aussi des approches sociologiques sociologiques fondamentales, sont souvent évoquées. Il n’est alors pas envisagé la possibilité de recourir à un corpus méthodologique en processus, plus adapté à l’objet du travail social, ni d’ailleurs une responsabilité professionnelle à le développer.

25Ces résistances internes permettent de dépasser l’évocation simpliste d’une domination externe du travail social par la recherche académique. Le rapport au savoir théorique structure également les rapports de force du champ du travail social. En référence à la théorie de l’illusio, il est possible d’affirmer qu’une lutte pour la domination entre champs repose paradoxalement sur le partage de représentations communes concernant l’objet de la concurrence (Le Bart, 2003, pp. 98-99). Les sciences sociales et le travail social s’opposent sur la question de la suprématie de la théorie sur la pratique, alors que cette représentation structure similairement les deux champs. Si les chercheurs « sur » le travail social nient un savoir opérant aux chercheurs « en » travail social, ce déni se retrouve chez les formateurs vis-à-vis des intervenants sociaux, qui eux-mêmes le reproduisent par rapport à leurs usagers. Inversement, le reproche de n’être que dans la théorie, sans aucune connaissance de la réalité de terrain, remonte en sens inverse cette chaîne d’illégitimité. Ces disqualifications « descendantes » (revendication d’un savoir théorique) et « montantes » (revendication d’un savoir pratique) permettent à chacun de conserver un espace de contrôle maximum, en dehors du regard de l’autre. Ce processus de clivage porte en lui le risque de toute-puissance.

26Le développement d’une recherche en travail social est alors freiné à double titre : par une revendication de son inexistence, en extérieur, mais aussi par le rejet de toute démarche rigoureuse d’objectivation, en intérieur. Son développement repose donc moins sur un débat non performatif, concernant la légitimité de cette démarche (le pourquoi faire), que sur celui concernant la méthodologie (Rullac, 2010) (le comment faire). En la matière, il est alors nécessaire de définir la science du travail social, sa finalité et ses divers modes de recherche.

2.3 – Définition d’une science du travail social et de ses divers modes de recherche

27L’objet d’une science du travail social est de créer des connaissances capables de soutenir l’intervention des acteurs de ce champ professionnel, dans ses dimensions épistémologique, éthique et méthodologique (Rullac, 2010), dans le cadre de la professionnalisation de ce champ : « La professionnalisation est donc un processus de négociation, par le jeu des groupes sociaux, en vue de faire reconnaître l’autonomie et la spécificité d’un ensemble d’activités et un processus de formation d’individus aux contenus d’une profession existante. Dans le premier cas, il s’agit de construire une nouvelle profession et, dans le second, de former des individus à une profession existante » (Wittorski, 2005). Dans la mesure où le travail social se trouve au carrefour des enjeux de régulation sociale entre normes (dimension collective) et déviances (dimension individuelle), l’ensemble du savoir produit par cette science vise à objectiver les enjeux et les modalités d’intervention professionnelle, dans une perspective de réduire le poids des prescriptions internes et externes. Cette autonomisation participe à soustraire les pratiques aux déterminismes qui empêchent les travailleurs sociaux d’établir le juste compromis qui se trouve au plus près des besoins d’émancipation des usagers et de conformisation de la société. Les débats actuels se sont cristallisés autour de le recherche « sur » et « en » travail social. Cependant, les possibilités d’institutionnalisation de la science du travail social proposent trois modes de développement.

28Le premier vise à développer une recherche sur le travail social dans le cadre des sciences sociales académiques. Ce savoir théorique objective le fonctionnement social, en utilisant le travail social comme un terrain propice à saisir la question sociale. Dans ce contexte, le travail social n’est ni une science ni une discipline académique. Cette recherche permet aux travailleurs sociaux de mieux comprendre le fonctionnement sociétal qu’ils sont chargés de modifier, mais pas de développer un savoir professionnel agissant. Il s’agit malgré tout d’une recherche qui participe en périphérie au développement de la science du travail social. Si ce savoir n’aborde pas de front la professionnalisation, il peut alimenter et nourrir l’expertise du travail social, dans le cadre d’une utilisation postérieure et appliquée.

29Le second vise à développer une recherche en travail social dans le cadre d’un savoir endogène. Ce savoir théorique et pratique soutient l’intervention des acteurs de ce champ professionnel, dans le cadre d’une science appliquée, qu’elle soit reconnue académiquement (université) ou non (établissement d’enseignement supérieur professionnel). La reconnaissance de ce savoir est fonction de son cadre de développement. Lorsqu’il se développe dans une université, il s’agit d’une reconnaissance d’une discipline appliquée. Ce type de développement permet de légitimer ce savoir dans le cadre de la reconnaissance universitaire, même s’il peut en limiter la logique appliquée dans le cadre de la domination du savoir théorique. Lorsqu’il se développe dans des établissements hors université, la question du statut de ce savoir reste entière : comment considérer un savoir scientifique non académique ? Ce type de développement permet de sortir des carcans académiques, mais peut aussi fragiliser la reconnaissance d’une science du travail social, sans la caution académique.

30Le troisième mode de développement vise à développer une recherche pour le travail social, dans le cadre d’un accueil temporaire offert par une discipline académique préexistante. Ce savoir théorique et pratique soutient la professionnalisation du travail social, mais dans le cadre de son objet disciplinaire de rattachement. Le risque est de diluer l’objet du travail social dans un autre objet et de limiter les grilles d’interprétation en fonction des enjeux propres à la discipline d’accueil. Il s’agit essentiellement d’une phase transitoire vers la reconnaissance d’une discipline du travail social à part entière.

31Les doctorats européens dans le champ du travail social se développaient essentiellement dans les universités, à la veille des années 2000 (Laot, 2004). Sur les douze doctorats européens du travail social, onze sont préparés à l’université. En ce qui concerne le rattachement à la discipline de référence, la situation est contrastée : six doctorats sont hébergés dans des disciplines diverses (sociologie, pédagogie sociale, sciences sociales appliquées, sciences sociales et philosophie, sciences de l’éducation et psychologie et politique sociales). Parmi ces six doctorats préparés, quatre pratiquent une recherche sur le travail social – soit de manière définitive, soit à moyen terme afin de laisser le temps pour accepter l’idée de l’existence d’une science du travail social (Allemagne, Belgique, Italie et Pologne). Seulement deux universités pratiquent une recherche pour le travail social. Enfin, six autres sont intégrés dans une discipline explicitement formulée comme relevant du travail social (Suisse, Suède, Finlande, Grande-Bretagne, Hongrie, Irlande). Un seul établissement développe une recherche en travail social dans le cadre d’un établissement non universitaire (Portugal). Ainsi, sur les onze doctorats relevant du travail social, quatre mènent des recherches « sur » le travail social, six « en » travail social et deux « pour » le travail social [18].

32L’enjeu principal du mode d’institutionnalisation de la science du travail social est lié à la nature complexe et hétérogène du travail social. Étant au cœur de la rencontre contradictoire entre la culture et la nature de l’être humain, qui s’articulent laborieusement dans le défi du « faire société », ce champ professionnel est tenu de recourir à de multiples grilles de lecture, aussi bien pratiques que théoriques. Il est habituel alors de revendiquer une posture interdisciplinaire. Pourtant, ce concept est piégé car il se réfère aux savoirs légitimés par l’université, qui sont principalement de nature théorique et qui découpent les grilles d’analyse. Dans ce contexte, revendiquer une approche interdisciplinaire pour le travail social revient à limiter les références à des concepts théoriques, à limiter les grilles d’analyse et à ignorer l’objet propre à ce champ professionnel, dans la mesure où il n’est pas légitimé en tant que discipline… C’est ainsi que la référence à la multiréférentialité semble davantage pertinente. (Ardoino, 1993)

33Dans cette perspective, quel est le mode d’institutionnalisation de la recherche le plus propice à soutenir les enjeux professionnels du travail social ? Cette professionnalisation doit être soutenue par une recherche appliquée à son objet, à ses enjeux épistémologiques et méthodologiques. Si le développement d’une recherche pour le travail social est un passage parfois nécessaire, pour dépasser les résistances historiques à sa reconnaissance, le développement d’une recherche en travail social apparaît comme une finalité. Pour ce faire, ce développement semble plus facile dans le cadre d’établissement non académique, qui permettrait non seulement de contourner la difficile reconnaissance des disciplines appliquées, mais aussi d’échapper à la régulation universitaire qui a tendance à s’opposer à la multiréférentialité ; deux difficultés que rencontrent notamment les sciences de l’éducation.

3 – Le risque de l’ignorance

34Le débat concernant la scientificité du travail social se structure autour de dichotomies qui relèvent d’une logique de la distinction, en établissant une hiérarchie de légitimité : la connaissance théorique et pratique, la recherche et l’expertise, la science et la technique, la discipline universitaire et la compétence professionnelle. Le travail social, se situant par nature du côté de l’opérationnalité, se trouve systématiquement disqualifié et dominé, par rapport aux savants académiques, du fait de l’approche française concernant le savoir situé : faussement assimilé généralement à une simple praticité, sans consistance théorique. Ce champ déroute dans la mesure où sa théorisation doit être agissante et multiréférentielle. Il importe de proposer à ces professionnels une recherche totalement appliquée à leur objet. Le développement d’une recherche en travail social est indispensable, parce que cette démarche de connaissance permet de rapprocher ces professionnels de l’objectivation des réalités du terrain et des besoins des usagers. Ne laissons pas plus longtemps ce champ professionnel dans un impensé qui, certes, le structure historiquement et constitue jusqu’aujourd’hui son identité, mais entretient aussi une hétéronomie qui est source d’inefficacité.

35La loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale vise à placer l’usager au cœur des préoccupations professionnelles des travailleurs sociaux, dans leurs gestes du quotidien et non plus dans une revendication qui serait alibi. Il est important que ce principe déontologique soit soutenu par le développement d’une recherche qui contribue à placer le travail social et tous ses acteurs au centre de leurs dispositifs, en qualité d’objet scientifique à part entière. Avec Dominique Depenne, appelons dès lors le travail social à sortir du lieu commun et à tracer sa propre route, en élaborant sa théorie de la pratique (Depenne, 2009) : « Si le social garde une vocation, s’il ne veut pas disparaître à tout jamais par trop d’éloignement avec ce qui le tient debout sur sa vocation première, il doit cesser d’être un bon suiveur et déborder le topos dominant du moment, s’en dégager et ouvrir sa course à l’u-topos. »

Bibliographie

Bibliographie

  • 1972, « Pourquoi le travail social ? », Esprit, n° 4-5.
  • 1988, « Paradoxes du travail social : quelles incidences sur la formation ? », Pratiques de Formation/Analyses, n° 16.
  • 1998, « À quoi sert le travail social ? », Esprit, n° 3-4.
  • 2005, « L’intervention sociale, un travail de proximité », La Documentation française.
  • AKOU A. & ANSART P., 1999, Dictionnaire de sociologie. Paris, Le Robert Seuil.
  • ARDOINO J., 1993, « L’approche multiréférentielle (plurielle) des situations éducatives et formatives », Formation Permanente, n° 25-26.
  • BARBIER Jean-Marie, 2008, « Formation et recherche : ambiguïtés sémantiques et formes d’action spécifiques », dans « Formation à la recherche, formation par la recherche », Recherche et formation, pour les professions de l’éducation. INRP.
  • BOUCHER M., éd., 2008, La recherche dans les organismes de la formation et de l’intervention sociale. Paris, L’Harmattan.
  • BOUCHER M., éd., 2010, Penser les questions sociales et culturelles contemporaines : quels enjeux pour l’intervention sociale ?. Paris, L’Harmattan.
  • BOUCHER M., 2007, « La recherche permet de reconflictualiser le champ social », ASH, n° 2521.
  • BOUCHER M., BELQASMI M., PIERRET R., MOUSSU G. & CHAUVIÈRE M., 2010, « Pour le développement d’une recherche scientifique intégrée dans les instituts de formation en travail social », ASH, n° 2653.
  • BOUQUET B., 2004, Éthique et travail social. Une recherche du sens. Paris, Dunod.
  • BOURDIEU P., 1979, « Le paradoxe du sociologue », Sociologie et sociétés, vol. 11, n° 1.
  • CALLU E. & MALOCHET G., éds, 2009, « Travailler aux marges. Un cordon sanitaire pour la société ? », Éducation permanente, n° 179.
  • CANTER KOHN R. & RIGAUX J., 1998, « Paradoxes du travail social : quelles incidences sur la formation ? », Pratiques de Formation/Analyses, n° 16.
  • CHAUVIÈRE M., 2007, Trop de gestion tue le social. Essai sur une discrète chalandisation. Paris, La Découverte.
  • CHAUVIÈRE M., LADSOUS J. & BELORGEY J.-M., éds, 2006, Reconstruire l’action sociale. Paris, Dunod.
  • DARTIGUENAVE J.-Y. & GERNIER J.-F., 2009, « Pour un renouvellement du savoir en travail social », dans « Quelles théories pour quelles théories en travail social », Empan.
  • DEPENNE D., 2009, « Sortir du romantisme de gauche. Pour un devenir acteur politique », dans Stéphane Rullac, éd., « Le travail social est-il de gauche ? », Le Sociographe, n° 30.
  • DEVEREUX G., 1980, De l’angoisse à la méthode, dans les sciences du comportement. Paris, Flammarion.
  • DONZELOT J., 2005 (1977). La police des familles. Paris, Minuit.
  • EBERHARD C., 2003, « Prérequis épistémologiques pour une approche interculturelle du Droit. Le défi de l’altérité », Droit et cultures, n° 46.
  • FABLET D., 2009, « Le travail social et la formation des travailleurs sociaux », in Vergnioux A., éd., 40 ans des sciences de l’éducation, PUC.
  • FOUCART J., 2008, « Travail social et construction scientifique », Pensée plurielle, n° 19.
  • ION J., 1998, Le travail social au singulier. La fin du travail social ? Paris, Dunod.
  • JAEGER M., 2009, « Un positionnement professionnel difficile à construire. Le cas des éducateurs spécialisés », dans « Travailler aux marges. Un cordon sanitaire pour la société ? », Éducation permanente, n° 179.
  • KARSZ S., éd., 1992, Déconstruire le social. Paris, L’Harmattan.
  • KARSZ S., 2004, Pourquoi le travail social ? Définitions, figures, cliniques. Paris, Dunod.
  • LAOT F. F., éd., 2000, Doctorats en travail social. Quelques initiatives européennes. ENSP.
  • LASCOUMÉS P., 1977, « Le travail social idéalisé, contesté. Analyse bibliographique des parutions récente », Déviance et société, vol. 1, n° 3.
  • LE BART C., 2003, « L’analyse du discours politique : de la théorie des champs à la sociologie de la grandeur », Mots. Les langages du politique, n° 72.
  • MIALARET G., 2009, « Les origines et l’évolution des sciences de l’éducation en pays francophones », dans Alian Vergnioux, éd., 40 ans de sciences de l’éducation. PUC.
  • MICHEL AUTÈS, 2007, « Où en sont les paradoxes du travail social ? », CTS, n° 56.
  • NIEWIADOMSKI C., 2002, « Accompagnement, travail social, postures cliniques et enjeux éthiques », Éducation permanente, n° 153.
  • PAGES M. & SANCHOU P., 2009, « Quelles théories pour quelles pratiques en travail social », Empan, n° 75.
  • QRIBI A., TOP D. & FILHOL O., 2009, « DEES : le mémoire professionnel instrumentalisé ? », ASH, n° 2634.
  • RULLAC S., éd., 2009, « Le travail social est-il de gauche ? », Le Sociographe, n° 30.
  • RULLAC S., 2009, « Recherche en travail social : la voie malaisée de la reconnaissance », ASH, n° 2625.
  • RULLAC S., 2010, « La recherche en travail social doit être le moteur d’une réflexion méthodologique », ASH, n° 2653.
  • SARAZIN I., 2009. « Les pôles ressources, promesses d’une structuration de la recherche ? », ASH, n° 2623.
  • SIMONDI, E., 2009, « De la doxa professionnelle à la figure dialectique de l’expertise en travail social », in « Travailler aux marges. Un cordon sanitaire pour la société ? », Éducation Permanente, n° 179.
  • TACHON M., 1985, « Jeux et enjeux de la notion de travail social », in Bailleau F., Lefaucheur N. & Peyre V., éds, Lectures sociologiques du travail social. Paris, Éditions Ouvrières.
  • VERDÈS-LEROUX J., 1978, Le travail social. Paris, Minuit.
  • WITTORSKI R., éd., 2005, Formation, travail et professionnalisation. Paris, L’Harmattan.

Notes

  • [1]
    Éducateur spécialisé, docteur en anthropologie (EHESS), formateur-chercheur, il coordonne le CERA (Centre d’Étude et de Recherches Appliquées) au titre de BUC Ressources, Institut régional du travail social des Yvelines.
  • [2]
    « En 2004, en France, ces diplômes étaient dispensés dans 342 établissements agréés, dont seulement 130 étaient subventionnés par l’État pour des dépenses pédagogiques ou de fonctionnement liées à la formation initiale. Deux tiers des établissements ne préparaient qu’à un seul diplôme (mono-agrément). Quant à la cinquantaine d’établissements multi-agréments et aux 17 instituts régionaux de travail social, ils concentraient à eux seuls près de 60 % des effectifs des étudiants. » Cf. 2006, « Les formateurs entre marasme et espoir », ASH, n° 2439.
  • [3]
    Décret du 30 juin 2006 n° 2006-770 relatif au diplôme d’État d’ingénierie sociale. Arrêté du 2 août 2006 relatif au diplôme d’État d’ingénierie sociale. Circulaire DGAS/SD4A n° 2006-379 du 1er septembre 2006 relative aux modalités de la formation préparatoire et d’obtention du diplôme d’État d’ingénierie sociale.
  • [4]
    Définition internationale de la profession d’assistant social ou de travailleur social, adoptée par l’Assemblée Générale de la Fédération Internationale du Travail Social (FITS) à Montréal en juillet 2000. Cette approche révèle la vaine tentative des assistants de service sociaux de se confondre avec le travail social.
  • [5]
    Pour un panorama d’une bibliographie commentée des débats concernant le travail social dans les années 1970, cf. Lascoumés P., 1977, « Le travail social idéalisé, contesté. Analyse bibliographique des parutions récente », Déviance et société, vol. 1, n° 3, pp. 341-361.
  • [6]
    Circulaire DGAS/PSTS/4A n° 2008-86 du 6 mars 2008 relative aux actions de qualification en travail social financées au titre des priorités définies par les orientations ministérielles pour les formations sociales 2007-2009, et notamment, au lancement d’un appel à projets pour la création, le soutien et le développement de pôles ressources « recherche-travail social intervention sociale-action sociale-formations ». NOR : MTSA0830159C.
  • [7]
    L’UNAFORIS propose depuis 2011 de nommer ces pôles en tant que PREFAS (Pôles de Recherche et d’Etude pour le Formation et l’Action Sociale).
  • [8]
    Décret n° 2007-899 du 15 mai 2007 relatif au diplôme d’État d’éducateur spécialisé. Arrêté du 20 juin 2007 relatif au diplôme d’État d’éducateur spécialisé. Circulaire interministérielle WDGAS/SD4A12007/436 du 11 décembre 2007 relative aux modalités des formations préparatoires et d’obtention du Diplôme d’État d’Éducateur Spécialisé (DE ES) et du Diplôme d’État de Moniteur Éducateur (DE ME).
  • [9]
    Décret n° 2009-55 du 15 janvier 2009 relatif aux conditions d’exercice de la profession d’assistant de service social. Arrêté du 31 mars 2009 relatif aux conditions d’accès à la profession d’assistant de service social pour les titulaires de diplômes étrangers. Circulaire DGAS/4A n° 2009-256 du 7 août 2009 relative aux modalités d’application de la procédure permettant l’accès à la profession d’assistant de service social pour les titulaires de diplômes étrangers.
  • [10]
    La nomination de Marcel Jaeger, fin 2009, a entraîné, à l’initiative du CNAM, une modification de la dénomination qui l’oriente davantage vers l’opérationnalité.
  • [11]
    La liste des pays concernés est la suivante : chaire de travail social de l’université de Fribourg (Suisse), institut supérieur de service social de Lisbonne (Portugal), département de travail social de l’université de Göteborg (Suède), département Santé publique, psychologie et travail social de l’université de Londres-Nord (Royaume-Uni), département des sciences de l’homme de l’université de Trieste (Italie), université catholique de Milan (Italie), école Alice Salomon de Berlin (Allemagne), département Développement familial et communautaire de l’université de Mons (Belgique), département de pédagogie sociale de l’université de Lodz (Pologne), département des sciences sociales appliquées de l’université de Cork (Irlande). Cependant, tous ces doctorats ne sont pas strictement en travail social : la première comprend les doctorats en travail social strictement nommés, comme en Finlande, en Suède ou en Hongrie ; une deuxième catégorie comprend des doctorats dont le titre fait mention d’une spécialisation en travail social ou correspondant à un aspect particulier du travail social ; un troisième groupe comprend les doctorats dont le titre ne mentionne pas le travail social ou une spécialisation du champ, mais qui sont néanmoins entrepris en lien avec un département ou une chaire de travail social ; enfin, une dernière catégorie comprend des diplômes de travail social donnant un accès direct à un doctorat dans une autre discipline : ainsi, à Lodz (Pologne), une maîtrise en pédagogie sociale, mention Travail socio-éducatif donne-t-elle accès au doctorat en Sciences humaines. Cf. 1999, « Quelles formations supérieures pour le travail social en Europe ? », Lien social, n° 508.
  • [12]
    Cf. les articles 2 et 3 intitulés : « Recommandation du parlement européen et du Conseil établissant le cadre européen des certifications pour l’éducation et la formation tout au long de la vie » de 2008, PE-CONS 3662/07 : « 2) d’établir des correspondances entre leurs systèmes de certification et le cadre européen des certifications d’ici 2010, notamment en rattachant d’une manière transparente leurs niveaux de certifications aux niveaux visés à l »annexe II, et, le cas échéant, en élaborant des cadres nationaux de certification conformément aux législations et pratiques nationales ; 3) d’adopter, le cas échéant, des mesures faisant en sorte que, pour 2012, tous les nouveaux certificats de certification, diplômes et documents “Europass” délivrés par les autorités compétentes fassent clairement mention – au moyen des systèmes nationaux de certification – du niveau correspondant du cadre européen des certifications. »
  • [13]
    Union Nationale des Associations de Formation et de Recherche en Intervention Sociale. Cette toute nouvelle structure est la résultante du rapprochement des deux principales fédérations, en décembre 2008, qui regroupent les structures de formation en travail social : l’AFORTS (association française des organismes de formation et de recherche en travail social) et le GNI (groupement national des instituts régionaux du travail social). Ce regroupement s’inscrit, notamment dans la perspective des modifications de statuts des écoles du travail social, dans une volonté de parler d’une même voix auprès des pouvoirs publics.
  • [14]
    L’association a déjà organisé deux congrès internationaux : le premier à Namur en 2007 et le second à Hammamet en 2009. Le troisième à Genève est en préparation pour 2011.
  • [15]
    Il est impossible de présenter un état des lieux précis du développement de cette fonction ni de celui des laboratoires de recherche au sein des écoles. Cette absence de lisibilité marque la faible structuration de la recherche dans le champ du travail social. Les PREFAS devraient éclaircir les choses en la matière.
  • [16]
    Manuel Boucher est membre associé au CADIS et directeur du Laboratoire d’Études et de Recherche Sociales (LERS) de l’Institut du Développement Social (IDS) de Haute-Normandie (76). Il est par ailleurs président d’ACOFIS et, depuis novembre 2009, titulaire d’une Habilitation à Diriger des Recherches (HDR).
  • [17]
  • [18]
    Cette typologie est néanmoins soumise à caution, dans la mesure où Françoise Laot ne distingue pas la recherche sur et pour le travail social. Il s’agit donc d’une extrapolation personnelle à partir d’informations diffuses. De plus, seule une recherche actualisée permettrait de cerner la situation actuelle, qui a certainement évolué après dix années.
bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Avec le soutien de

Retrouvez Cairn.info sur

18.97.9.172

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions