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Article de revue

Travailler le social dans l'associatif. Penser les exigences politiques du travail social

Pages 27 à 40

Notes

  • [1]
    À partir d'une intervention à l'Institut supérieur provincial de formation éducative de Namur le 5 septembre 2001.
  • [2]
    Assistant social, licencié en politiques économiques et sociales (FOPES), enseignant à l'Institut Cardijn et permanent à la Fédération des Maisons de Jeunes (FMJ).
  • [3]
    CHAMBEAU M, Le travail social entre ordre nouveau et démocratie. C'est quand qu'il va où ? À paraître dans la revue « Travailler le social ».
  • [4]
    BLAIRON J. et SERV AIS E., L'institution recomposée. Petites luttes entre amis, Éditions Luc Pire, Coll. Détournement de fond, Bruxelles, 2000, p.130.
  • [5]
    GROSJEAN E.,Vie associative et développement culturel, in Fondation Marcel Hicter, Des asso- ciations, espaces pour une citoyenneté européenne, Éditions P AC et Vie Ouvrière, Bruxelles, 1987.
  • [6]
    STENGERS I., L'associatif : un collectif qui crée " du " politique, in Entracte, Éditions CIRA T, 24 janvier 1995.
  • [7]
    Le Monde, 21 juillet 2001.
  • [8]
    BLAIRON J. et SERV AIS E., Op. cit. p.101.
  • [9]
    ZWICK J., Le volontariat, tendances et limites, in Fondation Marcel Hicter, op. cit. p.150.151.
  • [10]
    BOURDIEU P., Méditations pascaliennes, Paris, Seuil, Collection liber, 1997. Voir aussi CHAM- BEAU M., T ravail social et violences,in Travailler le social, n°25 et 26.
  • [11]
    DESCHAMPS I., Société civile, société si vile ?, in la Revue Nouvelle, n°10, octobre 1992, p.47.
  • [12]
    STENGERS I., op. cit., p.44.
  • [13]
    Ibid. p.42.
  • [14]
    Ibid. p.43.
  • [15]
    JULIEN C., Citoyens et pouvoir en Europe, éd . Labor, Bruxelles, novembre 1993. Extrait de Actualquarto, Vol 2, une culture de la démocratie, Gerpinnes, 1994, p.103.
  • [16]
    de WASSEIGE A., Vie associative et démocratie, in Le Ligueur 6-2-93.
  • [17]
    Marc et Didier, délégués d'un groupe de militants de LST, La violence des services sociaux,in «Travailler le Social », n° 26, p.16.
  • [18]
    LAMARCHE P., Éléments d'une démarche de prévention, in Brisson P. (sous la direction de), L'usage et l'abus de drogues, Éd. Gaëtan Morin, 1985.
  • [19]
    TOURAINE A., Pourrons-nous vivre ensemble ?, Éd. du Seuil, Paris, 1977, p.295.
  • [20]
    DURANT I., Associations, du bon et du moins bon, in «Revue Nouvelle», n°10, octobre 1992, p.65.

1Avant de commencer à vous parler du travail social dans l'associatif, rappelons seulement que la Belgique est une espèce de leader mondial en ce qui concerne le nombre d'associations par habitant, que le pays a également mis en place par la loi de 1921 sur les asbl, une structure qui, si elle n'est plus unique aujourd'hui, a servi de modèle pour bien d'autres pays. Si le travail social associatif est aussi développé chez nous, et plus particulièrement en Communauté française, c'est à cette loi qu'on le doit d'abord.

2Une autre raison qui a permis le développement du travail social dans les associations, c'est que la crise économique des années 70 a créé beaucoup de chômage, et que pour résorber ce chômage, les pouvoirs publics ont décidé de fournir des moyens à des associations pour développer des services. L'objectif était sans doute prioritairement de réduire le nombre de chômeurs, en permettant à des gens de travailler dans ces services en étant mal payés plutôt qu'en touchant des allocations de chômage, mais cela a permis un essor peut-être inattendu de beaucoup d'associations.

3Chacun sait que pour créer une association reconnue en Belgique, il faut être trois : un président, un trésorier et un secrétaire. Cette simplicité a permis le développement d'associations de pêche à la ligne, de cruciverbistes, et de bien d'autres encore. Ces associations se sont créées, parce que plusieurs personnes avaient un intérêt commun, à savoir par exemple la collection de timbres.

4Les associations qui se sont engagées dans le travail social se sont créées sur le même principe, à une différence près, c'est que l'intérêt commun se fondait essentiellement sur des valeurs communes qui dépassaient simplement la convivialité propre aux associations dont je viens de parler.

5Avant de vraiment développer une réflexion, encore une chose : le monde associatif n'est pas merveilleux, sans nuage, sans problèmes. Parlons aujourd'hui de la face la plus positive. Mais la vie associative n'est pas toujours très simple, et dans l'associatif, même si parfois on a l'impression de mieux s'entendre qu'ailleurs, les coups bas, et parfois très bas existent aussi.

Comment se crée une institution associative qui pourrait investir dans le travail socialou dans le travail éducatif ?

6Jean Blairon nous explique dans son livre « l'institution recomposée [4] », qu'il n'y a pas de mouvement instituant en dehors de la volonté de faire exister collectivement une question au départ particulière. Une question devient publique lorsqu'un mouvement de société fait considérer comme communs à tous certains problèmes ou certains aspects de l'expérience vécue par des individus ou par un groupe social particulier. Il faut que d'une certaine manière, les gens qui composent la société disent, « ces problèmes sont aussi les nôtres ».

7Prenons l'exemple des enfants malades dans les hôpitaux. Il y a quelques années, un enfant malade était confié à une équipe médicale, et des médecins spécialistes s'occupaient de sa santé. Puis certains parents se sont mobilisés avec quelques professionnels, et ont exprimé que même s'il était malade et que le remettre en bonne santé était prioritaire, le reste de la vie de l'enfant continuait à être important, et qu'il fallait développer autour de lui d'autres structures que des structures médicales. Il y eut d'abord un intérêt poli des responsables de notre santé, du style « c'est très bien que vous vous préoccupiez de votre enfant, mais laissez nous faire notre travail ». Puis petit à petit, par des soutiens d'abord timides, des expériences marginales, ce mouvement a appris à se faire entendre, et les spécialistes ont été débordés au sein même de leurs hôpitaux. Et ces associations de parents ont convaincu suffisamment de professionnels, de politiques, ont réussi également à mobiliser autour d'eux l'opinion publique, pour que les problèmes rencontrés par les enfants au niveau de leur santé ne soient plus uniquement gérés par des thérapies médicamenteuses, mais qu'il était nécessaire que ces enfants puissent poursuivre leur scolarité. On a donc créé l'école à l'hôpital. Il fallait aussi que les parents puissent rester près de leurs enfants pendant leur séjour. On a donc créé des structures d'habitations provisoires pour les parents. On s'est rendu compte (on le savait peut-être déjà, mais ça ne passait pas les murs des hôpitaux) que l'aspect psychologique et humain était important pour les enfants, et même plus, que c'était important pour leur santé, et que des enfants gravement malades allaient mieux du fait de ces structures mises en place autour d'eux. Les clini-clowns par exemple sont aussi apparus et ont apporté leur pierre à une autre approche de la maladie et surtout de la bonne santé des enfants.

8Les parents sont arrivés, à partir d'une question relativement privée, à sensibiliser autour d'eux pour que cette question soit abordée avec des moyens novateurs, et puissent rivaliser avec les valeurs dominantes, représentées dans cet exemple par le pouvoir médical.

9Une association se crée et se développe donc à partir de valeurs associantes qui constituent les références qui décideront des personnes à y participer, qui définiront le champ d'action, les objectifs et les modalités de réalisation [5]. Prenons par exemple les initiateurs d'un projet de maison de jeunes dans une cité. Les valeurs essentielles qui les réunissent sont l'émancipation des jeunes de la cité au travers de projets culturels et l'initiation à la citoyenneté par l'investissement dans les projets de la maison. C'est à partir de ces valeurs qu'ils décideront de la population prioritaire qu'ils voudront toucher, des objectifs opérationnels qu'ils voudront mettre en place comme par exemple une approche théâtrale, musicale ou graphique, et des moyens qu'ils chercheront pour aller dans ce sens. Il ne s'agira pas par exemple d'engager un professionnel artistique qui n'accepte de travailler qu'avec des élites, ni d'engager un animateur capable de bricolage. Il faudra qu'il ait les compétences de se confronter à une population parfois exigeante et les compétences de mener à bien un projet culturel, et cela pour correspondre aux valeurs associantes proposées par les initiateurs de la maison de jeunes.

Service public et monde associatif.

10Face à un problème particulier qui serait pointé, il y a d'autres réponses que les réponses associatives. Les services publics issus des pouvoirs publics, communaux, provinciaux, régionaux, communautaires, fédéraux apportent également des réponses à des problématiques soulevées. Le travail de base, c'est-à-dire le travail de tous les jours est relativement semblable dans les services publics et dans les associations. Il s'agit d'un service à une population particulière, et les moyens méthodologiques, pédagogiques ou psychologiques diffèrent peu.

11Il existe cependant une différence importante, qui est parfois peu visible parce que peu mise en évidence par les associations, mais qui est la remise en cause du fondement de certains fonctionnements sociaux. S'il est tout à fait possible, et cela se passe régulièrement, que des travailleurs des pouvoirs publics remettent en cause des manières de fonctionner de leurs institutions (les travailleurs sociaux des CP AS remettent souvent en cause la manière dont l'aide sociale est distribuée au sein même de leur CP AS), l'institution en elle-même issue des pouvoirs publics, si elle peut pointer l'un ou l'autre dysfonctionnement, ne remettra pas en cause fondamentalement ce fonctionnement. Il revient par contre aux associations de remettre en cause tout fonctionnement qui ne permet pas d'aboutir à la réalisation des valeurs associantes sur base desquelles l'association a été créée.

12La raison de cette différence me paraît être la suivante : Les pouvoirs publics, démocratiquement élus, et contrôlés de la même manière démocratique par la succession des élections, estiment mettre en place ce qui correspond le plus aux choix de la population qui leur a demandé de gérer la cité. Ce qui est correct. La valeur fondamentale qui définit la politique des pouvoirs publics est la valeur démocratique de représentativité. Et les services publics mis en place le sont en référence à cette valeur. Ces services « fonctionnent en effet à partir d'une définition stable, reconnue, des besoins qui sont les organes d'une société définie comme un organisme [6] ».

13Les associations se basent également sur la démocratie, mais estiment que la démocratie représentative n'est pas suffisante et que la loi de la majorité oublie le sort de certaines minorités. Si des services publics sont chargés d'assurer le droit des personnes détenues par exemple, et que certaines structures sont mises en place pour respecter ces droits, il est évident que les prisons sont aujourd'hui des lieux où la démocratie a encore un long chemin à parcourir avant de devenir acceptable. Et si certains services à l'intérieur des prisons peuvent pointer des lacunes criantes, ce seront les associations d'aide aux détenus, les associations de défense des droits de l'homme qui pointeront avec insistance ce qui caractérise les aspects non démocratiques de la vie carcérale. Le rôle de l'associatif sera dès lors de promouvoir toujours plus de démocratie, toujours mieux de démocratie, et donc de reconnaître la démocratie représentative comme essentielle, mais certainement non suffisante.

Des relations particulières se développent alors entre les pouvoirs publics et les associations.

14En juillet 2001, Louis Michel, notre ministre des affaires étrangères dans une interview au journal « le monde » s'en prenait à la société civile, et donc aux associations (essentiellement dans son chef, les ONG) : « c'est un phénomène totalement irresponsable, qui manque complètement de transparence (…) qui ne représente souvent que lui-même et à la prétention d'avoir le monopole de la bonne conscience… Au nom d'une sorte de terrorisme moral, on a pris le poli [7] tique en otage». Merci Monsieur Michel de si bien m'aider à illustrer mon propos. Cette interview du ministre est en effet très significative du rapport que le pouvoir politique entretient avec les associations.

15Le rôle de l'État est très particulier, du fait de ceux qui le dirigent ; « L'État est en effet à la fois le résultat, l'outil et le mode de développement de la domination sociale, ce qui en fait l'instrument de son implantation. Mais l'État est aussi le résultat et partiellement le mode de poursuite des luttes du passé, et notamment des victoires du mouvement ouvrier  [8]». L'État défend donc les valeurs qui lui permettent d'organiser la domination sociale, mais partiellement issu des mouvements de revendication, il travaille à faire reconnaître les valeurs défendues par ces mouvements et donc notamment par les associations.

16Dans l'interview, Louis Michel dénie aux associations le droit de défendre des valeurs qui soient différentes de celles de l'État, ne reconnaissant comme démocratique que le pouvoir représentatif. Il « oublie » que les grandes avancées dont l'État (qu'il est censé représenter) a été porteur, sont issues de mouvements associatifs : si la sécurité sociale est telle en Belgique aujourd'hui, c'est dû aux grands mouvements ouvriers. Si le débat récent sur l'euthanasie, quel qu'en soit le résultat législatif a été unanimement reconnu comme immensément riche, c'est dû aux associations, même de bords différents. S'il n'est plus possible aujourd'hui de renvoyer les mineurs étrangers non accompagnés dans leur pays d'origine, cela n'a été rendu possible que par l'action soutenue d'associations diverses…

17Les associations n'ont certainement pas le monopole de la bonne conscience, elles ne le revendiquent pas. Mais elles estiment de leur devoir de signaler haut et fort quand la conscience morale de l'humanité est bafouée. À tort parfois. Les associations n'ont pas toujours raison, mais c'est un droit et même un devoir qu'elles doivent garder. Les associations ne pratiquent pas non plus dans leur toute grande majorité le terrorisme moral. Mais elles rappellent que la morale existe dans la gestion de la cité, dans la politique, dans les rapports entre personnes et institutions.

18Avant de définir les différentes missions des associations à partir de ce qui a été dit jusqu'ici, revenons un instant aux différents acteurs des associations. Parmi ces acteurs, citons : le pouvoir subsidiant c'est-à-dire les pouvoirs publics, les bénévoles, souvent administrateurs et parfois fondateurs de l'association, les travailleurs, et les usagers des services rendus par l'association.

19Le pouvoir subsidiant,comme son nom l'indique, donne les moyens, sous forme d'argent ou de mise à disposition de personnel ou de matériel (la maison qui abrite l'association par exemple). En échange de cette mise à disposition, il négocie (en position de force) les missions que devra remplir cette association. Cette négociation se passe le plus souvent dans un cadre prédéfini par une loi ou un décret. Un décret de l'aide à la jeunesse définit le cadre des missions dans lequel devront rentrer les associations qui veulent être subsidiées pour faire un travail d'aide aux jeunes. D'autres décrets sont spécifiques aux personnes malades, aux personnes âgées, aux justiciables, aux personnes handicapées… Le cadre peut aussi être moins défini au départ. C'est par exemple le cas d'une commune qui mettrait une maison à disposition d'une association qui voudrait organiser une bibliothèque de rue et une école de devoir par exemple.

20Notons qu'une association aura des missions désignées qui seront bien différentes, malgré parfois l'emploi de mêmes termes, selon l'origine des subsides. Une association qui travaille avec des consommateurs de drogues, et qui a pour pouvoir subsidiant la Communauté française qui revendique l'objectif d'émancipation, aura une mission différente d'une association qui subsidiée par le ministère de la santé, travaille avec des consommateurs de drogues et a pour objectif l'abstinence, et une mission encore différente d'une association subsidiée par le ministère de l'intérieur dans le cadre des contrats de sécurité, qui travaille avec des consommateurs de drogues, et dont l'objectif est, comme son nom l'indique, la sécurité de la société.

21Les bénévoles, les volontaires et les militants.A priori, c'est la même chose, mais Jacques Zwick [9] propose une différence entre ces trois mots : le terme bénévole vient de « bien » et à une connotation caritative de l'ordre des bonnes œuvres. Le volontaire se situe au niveau de l'engagement à des tâches culturelles, sociales ou civiques et au service d'un individu, d'une collectivité. Le militant est un volontaire qui insère son action dans une vision plus globale : une idéologie, un secteur particulier, une catégorie de population. Ces trois catégories ont la caractéristique d'être non salariées, et les gens ainsi classifiés recherchent donc un autre bénéfice au sein de l'association : un bénéfice de valorisation personnelle, un bénéfice pour un membre de la famille, un enfant handicapé par exemple, un bénéfice pour une cause dans laquelle ils se sentent investis. Parmi ces personnes non salariées, certaines seront les fondatrices de l'association. Ce sont elles qui définiront les valeurs associantes de l'association, ce qui va donner sens au travail qui va s'y faire. Par la suite, parce qu'une association vit, d'autres personnes remplaceront les initiateurs et feront perdurer les valeurs fondatrices, les oublieront ou les changeront, consciemment ou inconsciemment.

22De la même manière que pour les pouvoirs subsidiants, la manière dont les associations envisageront leur mission donnera des sens différents à l'association. Si des pensionnés belges créent une école de devoirs dans un quartier immigré parce qu'il faut bien s'occuper, ou parce qu'il faut faire quelque chose pour les gens de ce quartier en difficulté ou encore parce que ces petits arabes ont des parents qui sont incapables de s'occuper d'eux, la mission sera bien différente. Et si ce sont des jeunes immigrés et belges qui ont terminé leur cycle secondaire, et qui se disent que le système scolaire est inégalitaire et qu'il faut mettre des choses en place pour que cela change, et notamment, mais notamment seulement, une école de devoirs, la mission de l'association prendra encore d'autres couleurs.

23Les travailleurs.Dans les associations, les formations des travailleurs sont différentes, et c'est un des aspects passionnant du travail, pour autant, et cela arrive malheureusement, que ces travailleurs ne se regardent pas en chiens de faïence, mais cherchent la collaboration qui sera toujours fructueuse pour eux et plus encore pour les personnes avec lesquels ils auront à travailler. Il pourrait y avoir des éducateurs, des assistants sociaux, des psychologues, des infirmières, des médecins, du personnel administratif, des criminologues, des enseignants, des artistes, des sportifs… qui tous auront leur vision du travail à faire et pourront, devront en nourrir les autres. Nous y reviendrons en fin d'article.

24Et puis, il y a les usagers.C'est un nom générique qu'on n'aime pas beaucoup, mais les autres mots qu'on trouve ne vont pas beaucoup mieux. On dit aussi clients…bof ! … Évidemment, quand on travaille avec des jeunes, on dit les jeunes, quand on travaille avec des personnes handicapées, on dit les personnes handicapées, quand on travaille avec des étrangers, on dit… qu'est-ce qu'on dit avec les étrangers ? Bref, il n'y a pas, enfin, on n'a pas trouvé de mot idéal. Un aveugle expliquait récemment à des étudiants que le terme qui convenait le mieux, c'était « ayant droit ». Il y a un service social. J'y ai droit. C'est peut-être un mot qui convient mieux… ayant droit…

25Enfin voilà, les ayants droit ou les usagers, quel est leur rôle dans l'association ? Nous y reviendrons plus tard, mais ce qu'il faut déjà dire, c'est qu'ils seront les bénéficiaires des services qu'on va leur rendre… pour autant qu'il y ait réellement bénéfice pour eux. Parce qu'il ne suffit pas de croire qu'on va les aider pour les aider réellement. Et puis, ce n'est pas parce qu'on veut faire le bien qu'on le fait réellement. On fait parfois plus de tort que de bien.

26Les usagers ont donc une place particulière dans une association. Ces gens ont une parole, leur parole est essentielle, et toute association qui se respecte a à entendre cette parole, et à l'utiliser dans le respect des personnes qui la disent. Un petit exemple : une association qui travaille avec des jeunes filles handicapées. Qui dit jeunes filles, dit sexualité, et donc contraception, et puisqu'il s'agit de personnes handicapées, on ligature les trompes, comme ça on est tranquille, et puis, c'est pour leur bien, parce que, vous la voyez avec un enfant? Et que pense la jeune fille de cette opération ? Qu'en est-il de son désir de maternité ? Est-ce les responsables ou les travailleurs de l'institution qui décident ce qu'ils vont faire de son corps ? En a-t-on parlé avec elle ? Qu'a-t-elle pu en dire ? A-t-on réfléchi aux conséquences psychologiques de ce qu'on peut appeler « mutilation » dans ce contexte ?

Les missions des associations de travail social.

27C'est Isabelle Stengers qui nous explique l'histoire du gentil et du méchant bourreau. Il y a le méchant bourreau, celui qui stigmatise, qui produit les logiques d'exclusion, qui légitime l'idée qu'il n'y a que l'assistance qui soit possible. Et puis, il y a le gentil bourreau, celui qui ne se distingue du reste de la société que par la bonne volonté, le projet d'aider, l'ouverture, la disponibilité et la sensibilité. Il plaint et met en garde contre la méchanceté de l'autre, contre laquelle ni lui ni la victime ne peuvent rien. En fait, et c'est cela qu'il faut retenir, le gentil bourreau partage consciemment ou inconsciemment les catégories du méchant bourreau quant à la situation de la victime.

28Le méchant bourreau et le gentil bourreau admettent le fonctionnement social et ne tentent pas de le remettre en cause. L'essence même de l'associatif c'est d'éviter d'être bourreau.

29P. Bourdieu, dans son livre « Méditations pascaliennes »[10], présente une loi de conservation de la violence. Cette loi indique que les personnes qui s'expriment par de la violence visible (vols, agressions, trafic, émeutes…) ont subi des violences invisibles (les conditions matérielles d'existence, les expériences de vie sur les lieux de travail, dans les écoles, dans l'accessibilité aux biens et services…), et des violences inertes (qui apparaissent au travers des structures économiques et sociales et des mécanismes à travers lesquelles elles se reproduisent). Pierre Bourdieu explique qu'il est nécessaire de se pencher sur ces violences invisibles et inertes pour comprendre les violences visibles, voire pour les contrer. Les bourreaux s'intéresseront à la violence visible pour tenter de la supprimer, parfois gentiment, mais avec cet objectif. Ceux qui refuseront d'être bourreau axeront en priorité leur travail sur la diminution des violences visibles et inertes. Ce devra être le travail prioritaire des associations.

30« Le tissu associatif est un lieu où se réalise une authentique prise de risque au sein d'un environnement peu complaisant [11]» . Il s'agit d'une prise de risque en vue de mettre en place une résistance « au sentiment d'impuissance et de fatalité qui est l'un des produits directs de la définition capitaliste des humains comme travailleurs (avec ou sans travail) et consommateurs [12] » . Des associations d'aide aux jeunes ont refusé de transmettre les noms de jeunes à la police, et leur matériel informatique a été saisi. Suite à des mouvements sans gravité dans le métro à Bruxelles, des jeunes sont emmenés au commissariat, le travailleur de rue qui les accompagnait, en désaccord avec les méthodes policières, se laisse arrêter sans divulguer son identité, parce qu'il n'apprécie pas la méthode. Il passe plusieurs heures en cellule avec les jeunes. Ce rôle de résistance est un rôle essentiel pour l'associatif. Il ne doit pas s'agir là de pratiques souterraines. Le tissu associatif doit revendiquer le droit et le devoir de pratiquer cette résistance et obtenir les moyens de jeter le trouble dans le fonctionnement habituel de la cité, acquérir « la pratique de création de problèmes au lieu d'en accepter la formulation usuelle, celle de savoir confronter ce qu'on a créé avec la réalité que la création concerne, celle de savoir transmettre ce que l'on a appris à d'autres et de savoir apprendre des autres ce qu'ils ont appris [13] ».

31C'est le tissu associatif qui invente la démocratie et qui permet la citoyenneté. Isabelle Stengers nous dit encore que la démocratie « n'existe qu'à s'inventer, à inventer ce que peuvent être les relations entre les humains, ce qui a le droit d'exister, d'être défendu, d'être entendu, de faire une différence pour les autres… les associations sont la tête chercheuse, la vie d'une démocratie [14] » . Claude Julien [15] ajoute que la formation à la citoyenneté passe par l'associatif, une association devant être une invitation à la réflexion permanente. La vie associative, c'est permettre à chacun de s'organiser autour de valeurs morales, philosophiques, politiques, de mouvements sociaux, de problématiques qui marquent les préoccupations d'une société.

32L'associatif est porteur de démocratie, parce qu'il est un lieu fondamental de socialisation : c'est un espace qui « permet l'apprentissage et le développement de la solidarité avec d'autres et une connaissance non formelle des questions et problèmes qui traversent la société » [16]. La connaissance non formelle des problèmes sociaux est fondamentale dans le travail social. C'est une connaissance qui remet sans cesse en question ce que les livres ou l'école m'ont appris. Je ne peux pas prétendre connaître la vie des usagers de drogues, sans en avoir rencontré beaucoup, sans avoir acquis la confiance qui fera qu'ils me diront ce qu'est réellement leur vie, sans me rendre compte que la trajectoire d'un usager de drogues sera toujours différente de la trajectoire d'un autre usager, et que la 51ème personne que je rencontrerai me forcera à remettre en question les connaissances que j'ai acquises en rencontrant les 50 premières. La solidarité que je pourrai développer est à ce prix, parce qu'il n'existe pas hors du caritatif ou de la pseudo-connaissance, une solidarité qui soit scientifiquement définie. Une maman sentira que je suis solidaire avec elle parce que je lui parle de son enfant, une autre me sentira dans le contrôle et la violence parce que je lui parle de son enfant.

33Pour qu'une association s'inscrive dans la construction de la démocratie, il faudra qu'elle établisse les liens nécessaires avec le reste de la société. Une association ne peut vivre repliée sur elle-même. Des relations se développent d'une part avec la société de manière générale, d'autre part avec les usagers de ses services et enfin, avec le monde politique, partie prenante de la société puisque c'est à lui que revient de prendre les décisions qui concernent le fonctionnement de la cité.

34- Avec la société, il s'agira d'organiser un travail de sensibilisation de l'opinion publique aux valeurs défendues et au travail mené, aux objectifs à atteindre au sein de l'association, et à la nécessité que cette opinion publique soit d'une certaine manière partie prenante de ce que veut l'association. On revient à la question publique. Une association pour exister démocratiquement se doit de défendre des valeurs soutenues par le plus grand nombre, ce qui ne sera pas nécessairement le cas. Il faudra alors convaincre que ces valeurs se doivent d'être défendues par le plus grand nombre. On a parlé tout à l'heure des associations qui travaillent avec les personnes incarcérées ; pour de telles associations, ce travail de sensibilisation sera un travail plus complexe et de plus longue haleine qu'un travail de sensibilisation au sort des enfants cancéreux par exemple. Mais plus essentiel encore.

35- Les liens avec les usagers des services sont les liens les plus essentiels à établir dans une association qui ambitionne mieux de démocratie. Et il ne s'agira pas d'établir des liens de service entre le travailleur et la personne dépendante, mais entre deux citoyens au sein d'une association, l'un étant professionnel, l'autre peut-être demandeur d'une aide, mais chacun étant porteur de sa compétence, chacun pouvant enrichir l'autre de cette compétence, en vue de trouver d'abord une solution à la problématique individuelle de la personne, mais peut-être aussi de trouver l'un ou l'autre outil qui pourra être utile à d'autres personnes. Ce partage de compétence est trop rare, et pourtant, beaucoup d'usagers sont en demande de cette écoute et de cette reconnaissance de leur compétence. Et qui oserait dénier cette compétence, puisqu'elle concerne leur vie ? Écoutez ce témoignage d'un papa militant de Lutte Solidarité travail : « La violence la plus atroce que nous vivons au quotidien, c'est d'abord ce fonctionnement qui nous refuse comme partenaire, qui n'entend pas notre point de vue, qui nie tout notre être. On en arrive même à nous faire douter, et plus encore à faire douter nos enfants, de notre capacité d'être maman ou d'être papa. La plupart du temps, au sortir des rencontres avec les travailleurs sociaux, nous avons l'impression d'avoir été un peu plus méprisés dans notre rôle de parents, et rarement perçus comme quelqu'un qui est l'acteur principal dans un drame dont il est la première victime et le volontaire le plus engagé dans la lutte. Souvent, nous avons l'impression que les travailleurs sociaux n'essaient même pas de comprendre ce qui nous arrive, même s'il est vrai qu'il n'est pas facile d'entendre ce qu'une famille dit. Trop souvent, les travailleurs sociaux s'arrêtent sur d'apparentes évidences. Ainsi par exemple, s'ils ne comprennent pas très bien la situation d'une famille, ils disent : « c'est normal, ils sont précaires ». Et ils ne mesurent pas ce qui a généré une situation pareille. De plus, ils se permettent de ne pas s'en imposer l'analyse » [17]. Un objectif fondamental au sein d'une association, c'est comme le dit ce papa, reconnaître l'usager comme acteur à part entière, à même hauteur que chaque personne qui franchit les murs de l'association. Et c'est le pas le plus difficile à franchir dans les associations. On s'y dit souvent : « c'est déjà pas mal de pouvoir s'entendre entre conseil d'administration et travailleurs et de pouvoir collaborer avec le réseau environnant. », ce qui est vrai, mais pas suffisant pour une association qui n'accepte pas d'être organisme de reproduction des normes et valeurs dominantes. Et c'est vrai aussi que ce travail de reconnaissance des compétences des usagers est difficile, parce qu'il remet en cause souvent notre façon que nous estimions à priori positive de leur apporter un soutien. Notons encore avec Pierre Lamarche, que dans le cadre d'une politique de prévention, c'est « la population-cible » elle-même « qui donnera à la démarche de prévention sa véritable légitimité… la démarche de prévention appartient d'abord à ceux qui se trouvent touchés par le problème et à qui revient en priorité de déterminer les pistes d'action… Cette conclusion n'est pas motivée que par des considérations éthiques… mais aussi par des considérations plus bassement techniques : aucun programme ne saurait avoir d'effets, si ceux à qui il s'adresse… ne reconnaissent pas sa légitimité [18] ».

36- Le lien avec le politique sera lui aussi essentiel. Alain Touraine indique que « c'est le renforcement des associations et des mouvements culturels… qui permettent le mieux de faire pénétrer les demandes sociales dans le champ politique, et donc de reconstruire la démocratie » [19]. La ténacité des mouvements de soutien aux sans-papiers empêche qu'on oublie le bourbier de la régularisation et les rapatriements par charters. Cela se passe clairement mal aux niveaux politique et de l'administration ; la bataille que ce mouvement mène depuis plusieurs années n'est pas encore gagnée, et la presse nous rappelle régulièrement qu'il ne baisse pas les bras, et que les avancées que le gouvernement propose et qu'on ne peut nier, paraissent insuffisantes. Le mouvement ne se prive pas de le faire savoir. Dans le même ordre d'idées, le décret de l'aide à la jeunesse de 1991, ou le décret concernant les maisons de jeunes de juillet 2000 ont été mis en place suite à de longues luttes des associations du secteur. Il a fallu un gros travail de ces associations, elles même se faisant parfois (trop peu ?) le relais des personnes les premières concernées pour que ces décrets aboutissent. Et la lutte continue. Au niveau de l'aide à la jeunesse, certains estiment que les avancées ne sont pas suffisamment progressistes, d'autres apprécient le décret mais estiment la vigilance toujours nécessaire, et pointent l'un ou l'autre aspect encore boiteux.

37- De plus, l'associatif s'intéressant au fonctionnement social et à sa gestion, mais restant à taille humaine, permet aux gens qui s'y impliquent de se familiariser avec les aspects du fonctionnement social qui les concerne, de poser des questions de plus en plus pertinentes, et de construire avec d'autres une analyse dans laquelle ils se retrouvent impliqués. L'associatif est dès lors une porte d'entrée du citoyen vers la politiquedans son sens noble. L'association devant également être gérée dans des formes démocratiques, ses membres peuvent s'essayer à cette forme de micro-gouvernement en prenant une part active à la vie de l'association.

38N'en déplaise à M. Michel, les associations sont garantes d'un certain contrôle démocratique. Il est évident que ce rôle est aussi dévolu au parlement, et que de nombreux parlementaires exercent ce contrôle avec compétence. Mais justement, cette compétence, les informations nécessaires pour contrôler le bon fonctionnement de ce qui est mis en place, la confrontation des décisions législatives aux réalités de terrain, où peuvent-ils les obtenir, si ce n'est chez les citoyens confrontés à ces réalités, et plus précisément, dans les associations qui regroupent une diversité de personnes vivant ou observant elles-mêmes des réalités différentes, mais qui, combinées, apportent un regard original sur une problématique traitée par le politique. Les associations sont parfois de véritables laboratoires sociaux. Les parlementaires utilisent donc les capacités de l'associatif pour porter leur jugement. Mais l'associatif est lui aussi capable seul, de marquer le coup, quand des décisions politiques se prennent ou quand des responsabilités sont à pointer. Faut-il rappeler la part qu'on prise les plannings familiaux à propos de la dépénalisation de l'avortement, le rôle que viennent de jouer récemment des associations de malades, de médecins, d'infirmières dans le débat autour de l'euthanasie ? N'est-ce pas parce qu'il y a eu une volonté citoyenne de membres d'associations diverses de défense des droits de l'homme que la mort de Sémira n'est pas passée inaperçue et qu'un ministre a dû démissionner? Ce rôle des associations dans le contrôle de la réalité démocratique est donc un rôle primordial.

Le travailleur social et l'associatif.

39Voilà brossé un certain portrait de l'associatif. Reste maintenant à comprendre et à savoirce qu'un travailleur social peut y faire.

40D'abord, si la volonté du travailleur social est de travailler avec des enfants dans une maison d'accueil, des jeunes dans la rue, des personnes handicapées, dans une association… Cela n'est pas remis en cause, ça risque bien d'être l'essentiel de son travail.

41« Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'un véritable travail social, ce n'est pas seulement passer ses journées avec des enfants. Derrière tout travail, il y a une philosophie. D'autant plus quand il s'agit d'un travail social…

42Être travailleur social dans un service public exige aussi d'avoir une philosophie, et loin de moi l'idée de dire qu'elle ne sera pas respectable. Nous vivons dans un pays démocratique, et les services mis en place par les pouvoirs publics méritent le plus souvent le respect.

43Une position personnelle, mais certainement partagée par une série de personnes, c'est que la démocratie d'aujourd'hui, pour être déjà formidable (les droits de l'homme sont bien plus respectés en Belgique que dans la plupart des pays du monde), n'en est pas moins trop timide. Et je pense avec d'autres qu'un investissement dans l'associatif permet de construire chaque jour un peu plus de démocratie.

44Pour devenir professionnel salarié dans une association, il semble nécessaire de se poser la question de la philosophie de l'association. Il faut se rendre compte, que jouer au foot avec des jeunes avec l'objectif que pendant ce temps-là, ils ne font pas de conneries, ce n'est pas la même chose que de jouer au foot pour tenter de sortir un Zidane du lot, et ce n'est pas la même chose que de jouer au foot pour essayer que chaque joueur prenne son pied et soit lessivé mais heureux à la fin du match. Ça paraît sans doute évident, mais selon le lieu où l'on va travailler, (et peut-être qu'on trouvera 3 associations qui viseront chacune un de ses objectifs), et bien, mon métier de travailleur social ne sera pas le même.

45Il paraît indispensable à un travailleur qui fait le choix de l'associatif de poser la question de la philosophie de base de l'association, La question publique qui fonde cette association.

46Une fois dans l'association, cette question publique, cette philosophie de travail, auxquelles on aurait décidé d'adhérer, doivent rester présentes comme un phare. Et il paraît important de revenir régulièrement à elles. Pour questionner le travail sous leur lumière. Son propre travail, et le travail de l'équipe. Pour questionner sa pertinence aussi. Il peut arriver qu'une question publique perde de son sens au fur et à mesure des années qui passent. Il faudra peut-être la modifier pour lui rendre de l'actualité. Il faudra cependant être vigilant à ne pas la modifier parce que ça arrange, parce que c'est plus facile. Il faut rester d'une intransigeance certaine par rapport à cela.

47La question publique doit aussi questionner la capacité à ne pas être un bourreau. Ni un gentil bourreau, ni un méchant bourreau. Et donc se poser la question : quand je pense que je fais le bien, qu'en pense vraiment la personne qui reçoit mon aide, et qu'est-ce que je produis en travaillant de cette manière ? ne reproduction des normes dominantes, ou une résistance à ces normes instituées et tellement ancrées. Et que produit habituellement mon association ?

48L'associatif, quand on y travaille un certain temps, permet d'acquérir connaissances et compétences. Et un travailleur qui a acquis de l'expérience dans son domaine peut faire usage de l'expertise qu'il a acquise. Cette expertise est importante et elle peut être utilisée à bon escient. Tout en se souvenant que la parole des usagers est aussi importante. Il ne s'agit donc pas que les professionnels fassent subir une métamorphose à leur parole, métamorphose que l'on nommera pudiquement et techniquement, une reformulation socialement intelligible des attentes du public [20]. Mais une expertise faite d'humilité paraît raisonnable.

49À propos de cette parole des usagers, et dans le cadre de ces objectifs primordiaux de démocratie et de citoyenneté, le travail du travailleur social dans l'associatif sera de trouver les moyens de favoriser cette parole, de la prendre au sérieux, et de la faire prendre au sérieux par l'ensemble de l'association, puis par tout autre interlocuteur qui pourrait en faire un usage pertinent (le politique, les médias, les gens…). Dans son travail de tous les jours, c'est aussi une lumière qui doit interpeller régulièrement.

50Cette manière de voir les choses ne doit pas noyer l'esprit du travailleur social bien sûr. Le travail social est généralement pertinent, et il est important dans son travail de se faire confiance, et de faire confiance aux collègues. Cependant, de temps en temps, il est bon d'allumer la petite lumière qui permet de se situer, et le cas échéant de recadrer le travail. Et puis, quand une nouvelle initiative est prise par l'association, un nouveau projet, une nouvelle technique d'animation, la possibilité d'obtenir un nouveau subside, et bien, alors, on repose les questions. Cela correspond-il à la philosophie de base qui régit notre travail?

51Et puis, il arrive qu'on soit confronté à des impossibilités. Travailler en respectant la philosophie de travail devient difficile voire impossible. La prise de risque existe. Il est donc parfois nécessaire de risquer son boulot pour garder sa dignité de travailleur. Mais d'autres possibilités peuvent être trouvées. Changer les choses en restant à l'intérieur. Pour cela, des collectifs de professionnels se mettent en place. Pourquoi ne pas imaginer des collectifs qui intègrent les usagers également ? Un collectif permet de poser les questions de manière collective, sans se mettre de manière trop évidente en danger individuel. Le travailleur social doit savoir qu'il sera peut-être nécessaire de prendre des risques, individuellement ou collectivement.

52Haute École Charleroi-Europe
Institut Cardijn
Rue de l'Hocaille, 10 B-1348 Louvain-la-Neuve
Tél : 0032(10) 48.29.99 Fax : 0032 (10) 48.29.98
Courriel : mchambeau. cardijn@ skynet. be


Mots-clés éditeurs : énévole, instituant, risque, volontaire, émocratie, acteur, ésistance, militant, pouvoir subsidiant, ée

https://doi.org/10.3917/pp.007.0027

Notes

  • [1]
    À partir d'une intervention à l'Institut supérieur provincial de formation éducative de Namur le 5 septembre 2001.
  • [2]
    Assistant social, licencié en politiques économiques et sociales (FOPES), enseignant à l'Institut Cardijn et permanent à la Fédération des Maisons de Jeunes (FMJ).
  • [3]
    CHAMBEAU M, Le travail social entre ordre nouveau et démocratie. C'est quand qu'il va où ? À paraître dans la revue « Travailler le social ».
  • [4]
    BLAIRON J. et SERV AIS E., L'institution recomposée. Petites luttes entre amis, Éditions Luc Pire, Coll. Détournement de fond, Bruxelles, 2000, p.130.
  • [5]
    GROSJEAN E.,Vie associative et développement culturel, in Fondation Marcel Hicter, Des asso- ciations, espaces pour une citoyenneté européenne, Éditions P AC et Vie Ouvrière, Bruxelles, 1987.
  • [6]
    STENGERS I., L'associatif : un collectif qui crée " du " politique, in Entracte, Éditions CIRA T, 24 janvier 1995.
  • [7]
    Le Monde, 21 juillet 2001.
  • [8]
    BLAIRON J. et SERV AIS E., Op. cit. p.101.
  • [9]
    ZWICK J., Le volontariat, tendances et limites, in Fondation Marcel Hicter, op. cit. p.150.151.
  • [10]
    BOURDIEU P., Méditations pascaliennes, Paris, Seuil, Collection liber, 1997. Voir aussi CHAM- BEAU M., T ravail social et violences,in Travailler le social, n°25 et 26.
  • [11]
    DESCHAMPS I., Société civile, société si vile ?, in la Revue Nouvelle, n°10, octobre 1992, p.47.
  • [12]
    STENGERS I., op. cit., p.44.
  • [13]
    Ibid. p.42.
  • [14]
    Ibid. p.43.
  • [15]
    JULIEN C., Citoyens et pouvoir en Europe, éd . Labor, Bruxelles, novembre 1993. Extrait de Actualquarto, Vol 2, une culture de la démocratie, Gerpinnes, 1994, p.103.
  • [16]
    de WASSEIGE A., Vie associative et démocratie, in Le Ligueur 6-2-93.
  • [17]
    Marc et Didier, délégués d'un groupe de militants de LST, La violence des services sociaux,in «Travailler le Social », n° 26, p.16.
  • [18]
    LAMARCHE P., Éléments d'une démarche de prévention, in Brisson P. (sous la direction de), L'usage et l'abus de drogues, Éd. Gaëtan Morin, 1985.
  • [19]
    TOURAINE A., Pourrons-nous vivre ensemble ?, Éd. du Seuil, Paris, 1977, p.295.
  • [20]
    DURANT I., Associations, du bon et du moins bon, in «Revue Nouvelle», n°10, octobre 1992, p.65.

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