1Nous avons rassemblé dans ce dossier de Perspectives Psy quelques articles sur les traumatismes collectifs. Le XXe siècle a été largement pourvu en traumatismes de masse : guerres civiles, régionales ou mondiales, exterminations et génocides, politiques de terreur (cf. politiques systématiques de torture, d’enlèvement, ou de viol). Les traumatismes de masse revêtent une particularité en ce qu’ils sont comme les autres traumatismes d’une brutalité sans nom, mais que d’un autre côté ils peuvent être vécus collectivement. Ils sont souvent des désorganisateurs pour le développement ultérieur des enfants, et pour les états psychiques présents de tous. La France a pour l’essentiel été épargnée des traumatismes de masse depuis plus de quarante ans. Ce temps de sécurité a peut-être produit une illusion de sécurité éternelle, comme si nous étions protégés par exemple de la guerre civile. C’est sur de tels clivages que prospèrent les états traumatiques ultérieurs. Pourtant le talent pratique de certains français s’est porté sur des pays moins favorisés pendant cette période et a su y mettre en oeuvre de nouvelles techniques thérapeutiques des traumatismes de masse avec son invention des organisations non gouvernementales médicales comme Médecins Sans Frontières.
2SB dit à SO : « il veut aller au Kurdistan traiter les traumatisés, alors quand il arrivera l’aéroport, qu’il s’occupe du douanier ; ensuite, qu’il fasse la même chose avec le chauffeur de taxi ; une fois à l’hôtel, qu’il n’oublie pas, de la même façon, la réceptionniste… et qu’ensuite il continue ainsi à chaque rencontre ! ».
La psychanalyse a comme réputation de ne s’intéresser qu’à des traces psychiques des traumatismes dans des cures tardives et lentes, alors que la psychotraumatologie saurait suivre les humains dans la précocité et la célérité des états traumatiques naissants. Pourtant, la clinique psychanalytique sait identifier des successions multiples et rapidissimes d’états psychiques au cours d’une même séance. Gilbert Diatkine montre d’ailleurs dans son article sur la guerre civile 1992-1998 en Algérie, que des psychanalystes disposent d’une clinique et d’une métapsychologie des traumatismes de masse de telles populations exposées. Joë Albeck est convaincu de l’inutilité de « thérapies de groupe de pardon » entre des populations qui furent ennemies. Il expose dans son texte des techniques de groupes de rencontre d’anciens ennemis qui se fixent d’autres objectifs. Les séries successives de campagnes d’attentats qu’a subies la France a formé une génération de psychiatres et de psychologues hautement spécialisés dans ce domaine. La contribution de Patrice Louville en démontre l’existence. Les anciens écrits de Janet, Freud et Ferenczi associent la « dissociation hystérique de la personnalité » aux « représentations limites » de scènes traumatiques. Cette consubstantialité du trauma et des états secondaires dits « hystériques » trouve une illustration dans l’écrit pédopsychiatrique de notre collègue Hervé Benhamou.
3Le 16 mars 1988, les gaz s’étendent sur la ville d’Halabja (Kurdistan sud en Irak).
Date de mise en ligne : 01/02/2011