Notes
-
[1]
Sur le modèle des cités-jardins et du quartier périphérique réalisé en bloc, Magri (S.), Topalov (C.), « L’habitat du salarié moderne en France, Grande-Bretagne, Italie et aux États-Unis, 1910-1925 », in Cohen (Y.), Baudouï (R.), dir., Les chantiers de la paix sociale (1900-1940), Fontenay-Saint-Cloud, ENS Éditions, 1995. Sur les grands ensembles et les villes nouvelles, Fourcaut (A.), « Les premiers grands ensembles en région parisienne : ne pas refaire la banlieue ? », French Historical Studies, 27 (1), 2004 ; Fourcaut (A.), Vadelorge (L.), dir., « Villes nouvelles et grands ensembles », Histoire urbaine, 17, 2006.
-
[2]
Pouvreau (B.), « Des “maisons nouvelles” pour en finir avec les “pavillons de banlieues” », in Voldman (D.), dir., Désirs de toit : le logement entre désir et contrainte depuis la fin du XIXe siècle, Paris, Créaphis, 2010.
-
[3]
Bourdieu (P.), Christin (R.), « La construction du marché : le champ administratif et la production de la politique du logement », Actes de la recherche en sciences sociales, 81-82, 1990.
-
[4]
Bourdieu (P.), Les structures sociales de l’économie, Paris, Seuil, 2000.
-
[5]
Topalov (C.), Le logement en France. Histoire d’une marchandise impossible. Paris, Presses de Sciences Po, 1987.
-
[6]
Fourcaut (A.), « Débats et réalisations de l’entre-deux-guerres ou le lotissement comme contre-modèle », Cahiers de l’Institut d’Histoire du Temps Présent, 17, 1990.
-
[7]
Magri (S.), « Le pavillon stigmatisé. Grands ensembles et maisons individuelles dans la sociologie des années 1950 à 1970 », L’année sociologique, 58, 2010.
-
[8]
Effosse (S.), L’invention du logement aidé en France : l’immobilier au temps des Trente Glorieuses, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2003.
-
[9]
Croizé (J.-C.), Politique et configuration du logement en France (1900-1980), habilitation à diriger des recherches, Université de Nanterre, novembre 2009, en particulier le volume IV, Normes et maîtrise du coût de la construction (1945-1980).
-
[10]
Circulaire du 15 mars 1962 relative à la maison familiale et à l’urbanisme, JO du 28 mars 1962.
-
[11]
Bulletin statistique de la Construction, supplément annuel 1966.
-
[12]
Thoenig (J.-C.), L’Ère des technocrates : le cas des Ponts et Chaussées, Paris, L’Harmattan, 1987.
-
[13]
CAC 19771153, art. 2, notes du 16 décembre 1964 et de février 1965 sur l’industrialisation des maisons individuelles signées d’Y. Aubert.
-
[14]
CAC 19771060, Division des programmes de la direction de la Construction, homologation des plans-types de Logecos, 1960-1963.
-
[15]
Le service versant des archives de l’opération Villagexpo est le « service de la politique technique », aussi nommé « division technique » ou « bureau technique » de la direction de la Construction [Bordereau de versement aux Archives nationales, « opération Villagexpo », versement 19771153 (61 articles), section des missions du Centre des archives contemporaines].
-
[16]
CAC 19771153, art. 2, Note sur l’industrialisation des maisons individuelles du directeur de la Construction Y. Aubert, à l’attention du ministre, février 1965.
-
[17]
CAC 19771153, art. 2, « Note sur les enseignements que l’on peut tirer des décisions prises par le Jury de l’exposition de maisons individuelles », 26 juillet 1965, division technique de la direction de la Construction.
-
[18]
P. Delouvrier (1914-1995), inspecteur des Finances passé par le Commissariat général au Plan, est devenu en 1961 délégué général du District de la Région de Paris, titre qu’il cumule en 1966 avec la fonction de préfet de la nouvelle région parisienne, où il est en charge de la définition du Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme (SDAU), cf. Rouban (L.), « Un inspecteur des Finances atypique », in Laurent (S.), Roullier (J.-E.), (dir.), Paul Delouvrier, un grand commis de l’État, Paris, Presses de Sciences Po, 2005.
-
[19]
Effosse (S.), Première campagne d’archives orales « Acteurs et mémoires de villes nouvelles », Programme interministériel Histoire et évaluation des villes nouvelles, cf. notamment l’entretien réalisé avec R. Nungesser, juin-septembre 2002.
-
[20]
CAC 19771153, art. 3, Coupures de presse sur la visite du chantier du Villagexpo, « En quelques mois, un nouveau village aura été édifié de toutes pièces ».
-
[21]
Ibid., Déclarations à la presse d’E. Pisani, visite inaugurale de Villagexpo, 23 septembre 1966.
-
[22]
Villagexpo est composé en tout de vingt-deux « hameaux » pour un total de 187 maisons sur un terrain de dix hectares.
-
[23]
CAC 19771153, art. 5, lettre du 12 octobre 1966 et communiqué de presse de 21 octobre 1966 de R. Nungesser demandant à P. Delouvrier de rechercher dix zones de vingt hectares en région parisienne sur lesquelles pourraient à chaque fois être édifiées cinq cent maisons individuelles.
-
[24]
CAC 19771153, art. 6, « Prolongements des opérations Villagexpo en région parisienne », progression des études au 1er mars 1969.
-
[25]
Bulletin statistique du secrétariat d’État au Logement, supplément annuel 1966.
-
[26]
CAC 19771153, art. 3, note d’Y. Aubert au ministre de l’Équipement du 6 octobre 1966.
-
[27]
Ibid., « Allocation de clôture » de R. Nungesser, opération Villagexpo.
-
[28]
Compte rendu de la séance du 29 novembre 1966 du Centre d’études supérieures de la construction, sous la présidence de P. Charlet, inspecteur général de la Construction, in « Pourquoi Villagexpo ? » Annales de l’institut technique du bâtiment et des travaux publics, mai 1967, 233, série architecture et urbanisme, 37.
-
[29]
Ibid., Intervention de M. Calmon, représentant du SMI.
-
[30]
Bulletin statistique du ministère de l’Équipement, 11, novembre 1967.
-
[31]
CAC 19840592, art. 17, « Séminaire pour l’étude de la productivité en matière de maisons individuelles », CSTB, 25 et 26 juin 1968 » ; CAC 19770813 art. 7, séminaire IRCOM « La maison individuelle en France, problèmes d’urbanisme et problèmes de marché », 19 octobre 1969.
-
[32]
CAC 19840592, art. 1, « Ce que veulent les gens », synthèse d’enquêtes sur les préférences des Français en matière de maison individuelle, 5 mai 1969, note à l’attention de M. Stern, conseiller technique au cabinet du ministre de l’Équipement ; « Enquête auprès des visiteurs de Villagexpo », IRCOM, 1969 ; « Le marché de la maison individuelle en France », IRCOM, 1970.
-
[33]
CAC 19770813, art. 7, Séminaire IRCOM du 19 octobre 1969, Communication d’A. Pux, « Considérations sur le développement de la maison industrialisée en France et à l’étranger ».
-
[34]
A. Chalandon, professionnel de la politique gaulliste et inspecteur des Finances, est nommé ministre de l’Équipement et du Logement le 12 juillet 1968 après un bref passage à l’Industrie. Arrivé à ce poste sous le dernier gouvernement de la présidence De Gaulle, il y est maintenu après la démission de ce dernier et l’élection à la présidence de la République de G. Pompidou, l’occupant jusqu’au 6 juillet 1972.
-
[35]
La posture critique d’A. Chalandon à l’égard de son administration n’est pas nouvelle, puisqu’il s’est violemment heurté à ses services peu de temps après son arrivée en tentant sans succès de limiter leur pouvoir sur l’attribution des permis de construire, cf. Lengereau (E.), L’État et l’architecture (1958-1981) : une politique publique ?, Paris, Picard, 2001.
-
[36]
CAC 19840592, art. 1, « Une nouvelle politique de l’urbanisme, place et rôle de la maison individuelle », Conférence-débat du ministre de l’Équipement et du Logement A. Chalandon, Chambre de commerce et d’industrie de Paris, 4 mai 1969.
-
[37]
Ainsi Marie-Christine Jaillet souligne-t-elle le « rôle prépondérant d’A. Chalandon dans la mise en place d’une politique pavillonnaire » bénéficiant aux constructeurs sur catalogue, thèse en décalage avec le désintérêt que nous observons de ces constructeurs pour le concours : Jaillet (M.-C.), Les pavillonneurs, Paris, Éditions du CNRS, 1982. Il nous semble aussi utile de nuancer le sens donné par P. Bourdieu et Rosine Christin au soutien étatique à l’essor de la maison individuelle au début des années 1970 : cf. Bourdieu (P.), Les structures sociales de l’économie, op. cit., p. 115. En faisant du concours de la maison individuelle l’un des signes d’une volonté « d’accélérer le désengagement de l’État et de faire entrer le logement dans la logique du marché », les auteurs reprennent à leur compte l’interprétation qu’en donne alors A. Chalandon. Ils laissent toutefois dans l’ombre le fait que les modalités concrètes du concours sont plus proches des formes habituelles d’intervention de la direction de la Construction sur le marché du logement, visant à encadrer la construction par l’attribution ciblée d’aides à la pierre, que des positions alors défendues par les hauts fonctionnaires « novateurs » favorables à la suppression de l’aide à la pierre, dont P. Bourdieu et R. Christin ont montré le rôle moteur dans la réforme de 1977 (cf. infra).
-
[38]
CAC 20010298, art. 43, Note d’Y. Aubert en réponse aux demandes du ministre de « proposer toutes dispositions utiles afin de pouvoir réaliser maisons individuelles à des conditions de prix nettement inférieurs à ceux pratiqués jusqu’alors », 9 décembre 1968.
-
[39]
CAC 19770813, art. 5, Compte rendu de la réunion du cabinet du ministre de l’Équipement, 10 décembre 1968.
-
[40]
CAC 20010298, art. 43, « Notes relatives à l’esprit du concours », signées de J.?H. Labourdette.
-
[41]
Ibid. Propositions pour le concours de maisons individuelles suivant la réunion du groupe de travail du 20 février 1969.
-
[42]
CAC 19850492, art. 15, déclarations de R. Rudeau, directeur de la DAFU, délibérations du jury du CIMI.
-
[43]
CAC 19840592, art. 15, compte rendu des délibérations du jury du CIMI.
-
[44]
CAC 19770813, art. 5, réunion du cabinet du ministre, 3 mars 1969.
-
[45]
CAC 19840592, art. 1, ébauche du dossier d’information pour le concours de la maison individuelle, cabinet du ministre de l’Équipement, 27 mars 1969.
-
[46]
CAC 20010298, art. 42, « Note sur l’avancement du CIMI au 1er novembre 1976 », signée de H. Thome, ingénieur TPE chargé du bureau des opérations HLM à la direction de la Construction, 7 février 1977.
-
[47]
Cette expression est employée par A. Chalandon dans son discours de lancement du concours.
-
[48]
Le groupe de travail à l’origine du concours a pris contact avant d’en fixer les modalités avec les sociétés Phénix et Balency, constructeurs de maisons sur catalogue, pour s’assurer que ceux-ci étaient prêts à « entrer dans le jeu du concours », CAC 20010298 art. 42, note sur la réunion du 20 février 1968 du groupe de travail sur le concours de la maison individuelle, signée par Bruno Grange, conseiller technique du ministre de l’Équipement.
-
[49]
CAC 20010298, art. 42. note à l’attention de R. Lion, directeur de la Construction, signée du chef du service technique J. Desmadryl, 23 septembre 1969.
-
[50]
Ibid., Bilan au 31 mars 1977 du CIMI, division des opérations de la direction de la Construction, note du 6 avril 1977.
-
[51]
CAC 19840592, art.15, Allocution d’A. Chalandon, 16 janvier 1970.
-
[52]
Landauer (P.), L’invention des grands ensembles : la Caisse des Dépôts maître d’ouvrage, Paris, Picard, 2010.
-
[53]
Bulletin statistique du ministère de l’Équipement, année 1976.
-
[54]
CAC 20010298, art.42, « Réflexions sur les résultats du CIMI », Note confidentielle adressée à J. Desmadryl, chargé de la réglementation technique à la direction de la Construction, par G. Bourgeois, ingénieur en chef de la DDE du Nord, 12 mars 1970.
-
[55]
La part de l’individuel dans la construction neuve atteint son point bas entre 1962 et 1968 avec 33 %, alors que le volume de production des logements collectifs est à son plus haut, cf. Durif (P.), Berniard (S.), « Les Français et la maison individuelle », Économie et statistique, 7 (1), 1969.
-
[56]
Audirac (P.), « 1968?1975, renouvellement accéléré du parc de logements », Économie et statistique, 92 (1), 1977.
-
[57]
Cette transformation des filières d’accès à la propriété populaire dans les années 1970 est analysée en détail par C. Topalov, Le logement en France…, op. cit.
-
[58]
Bourdieu (P.), Christin (R.), « La construction du marché… », 1990, art. cit.
-
[59]
CAC 19840592, art. 1, Étude de l’IRCOM de 1972 citée dans « Bilan provisoire du CIMI », juin 1974.
-
[60]
La trajectoire de R. Lion dans la haute administration a été largement analysée. Sur sa position au moment de la réforme de l’aide au logement, cf. Bourdieu (P.), Christin (R.), « La construction du marché… », art. cit. ; sur sa contribution à l’invention de la politique de la ville, cf. Tissot (S.), L’État et les quartiers, Paris, Seuil, 2007.
-
[61]
Voici le jugement qu’il porte a posteriori sur son prédécesseur dans un entretien accordé à la revue Urbanisme : « À mon arrivée au quai de Passy, c’était le blocage : les portes étaient fermées à l’innovation architecturale. Mon prédécesseur, Y. Aubert, n’avait en cinq ans accepté que deux propositions innovantes alors qu’il était sollicité tous les jours par des maîtres d’œuvre qui voulaient sortir des sentiers battus. Il y avait une opposition radicale de tout le corps administratif concernant ces dossiers », Urbanisme, 365, 2009.
-
[62]
CAC 19840592 art. 1, Bilan d’activité du Plan Construction, 1971-1974, Expérimentation des formes nouvelles d’habitat.
-
[63]
Dans la documentation sur la politique de la maison individuelle du ministère, l’opération qui suit le concours Chalandon est le « Jeu de construction », lancé en février 1972 sous le patronage de R. Lion et piloté par le Plan-Construction, qui est destiné à produire des maisons individuelles « modulables ». Ce concours relève essentiellement de la recherche architecturale, attirant principalement selon une note du GRECOH une « population aisée aux niveaux de diplôme élevés » et débouchant sur la construction de seulement vingt prototypes [CAC 19840592, art. 1].
-
[64]
CAC 19850389, art. 74, Note de R. Lion, autour de la préparation en 1973 d’un dossier documentaire destiné à nourrir un discours du secrétaire d’État au Logement sur la maison individuelle, 13 juillet 1973.
-
[65]
Groupe d’études et de recherche sur la construction et l’habitation.
-
[66]
Bourdieu (P.), Christin (R.), « La construction du marché… », art. cit.
-
[67]
Pour un aperçu des recherches du GRECOH, cf. Les Cahiers du GRECOH, 1973-1978, BNF 4-JO-29744 ; pour une présentation du GRECOH et du Bureau des études sociologiques, cf. Équipement, Transports, Logement, revue du ministère de l’Équipement, 67?68?69, 1972.
-
[68]
CAC 19840592, art. 1, résumé de l’étude de J. Nizey, Ph. Laneyrie, J. Ion, P.-H. Martin, B. Vennin, « Une étude comparative des conditions d’habitat dans trois ensembles de pavillons Chalandon de la région Rhône-Alpes », CRESAL, juillet 1974.
-
[69]
CAC 19840592, art. 1, « Note sur les réactions des habitants des lotissements de maisons individuelles » (2 p.), émanant du bureau des études sociologiques du GRECOH, dans laquelle la citation ci-dessus est soulignée.
-
[70]
Ibid. Notes sur les études concernant les maisons individuelles, GRECOH, 27 avril 1973.
-
[71]
Raymond (H.), Raymond (M-G.), Haumont (N.), Haumont (A.), L’Habitat pavillonnaire, Paris, Institut de sociologie urbaine, Centre de recherche d’urbanisme, 1966.
-
[72]
Haumont (N.), Raymond (H.), Bernard-Simonet (H.), Bœuf (C.), « Habitat et pratique de l’espace : études des relations entre l’intérieur et l’extérieur du logement », 1972, rapport commandé par le GRECOH et le Plan-Construction.
-
[73]
Voir sur ce point le versement de la direction de la Construction consacré aux études et rapports sur l’habitat [CAC 20110125, 169 articles], en particulier la section consacrée à la sociologie de l’habitat (articles 57 à 100) et parmi celle-ci les articles 131 et 140 portant sur l’habitat individuel, exclusivement constitué d’études menées entre 1969 et 1984.
-
[74]
CAC 19850389, art. 74, dossier « politique de la maison individuelle groupée » du 6e Plan.
-
[75]
Ibid., Réunion du 10 septembre 1974 des représentants de DDE et de l’administration centrale autour des suites à donner au concours Chalandon.
-
[76]
Ibid., Circulaire du ministère de l’Équipement à destination des préfets de Région et services régionaux de l’Équipement, 29 août 1975.
-
[77]
Ibid., Note relative à la mise en œuvre d’une politique contractuelle en faveur de groupements de maisons individuelles, Pierre Chemillier, service technique de la direction de la Construction, 22 avril 1974.
-
[78]
Duran (P.), « Moderniser l’État ou le service public ? Les chantiers de l’Équipement ». Politiques et management public, 11 (1), 1993.
-
[79]
CAC 19850389, art. 74, notes manuscrites, « Réunion chez P. Mayet », datée du 13 mai 1975.
-
[80]
Actualités HLM, 111, 27 février 1976.
-
[81]
CAC 20110125, art. 128, Bilan sur les CRUGMIG, direction de la Construction, ministère de l’Urbanisme et du Logement, 1981.
-
[82]
Cf. Bloch-Lainé (J.-M.), « Un espace pour la vie, réflexion publique sur l’habitat en France », rapport commandé en 1977 par la présidence de la République, dans lequel le directeur de la Construction moque les « engouements saisonniers pour l’individuel groupé, l’individuel en bande, la maison solaire ».
-
[83]
CAC 19840392, art. 329 et 300, « Maisons individuelles en ville nouvelle ».
-
[84]
CAC 19850389, art. 74, Note d’H. Thomé, Division des opérations de construction, direction de la Construction, adressée à P. Hervio, 24 juin 1975.
-
[85]
CAC 20010298, art. 42, CIMI, bilan au 31 mars 1977, direction de la Construction, ministère de l’Équipement.
-
[86]
Par exemple : question n° 1299 de Gilbert Sénès, député socialiste de l’Hérault au ministre de l’Équipement, « Lotissements réalisés dans le cadre du concours de la maison individuelle », JORF, Assemblée nationale, 2e séance du mercredi 9 novembre 1977, p. 7222.
-
[87]
JORF, Assemblée nationale, Examen en 1re lecture de la loi sur l’assurance construction, séance du 19 décembre 1977, p. 8968-8989.
-
[88]
CAC 19840592, art. 248. Dossiers de contentieux, enquêtes sur les opérations présentant des malfaçons graves, CIMI.
1Comment les transformations de l’action publique contribuent-elles à faire émerger ou à l’inverse à disqualifier des formes de propriété populaire ? Cet article pose cette question à partir du cas des « chalandonnettes » et plus largement de la genèse puis de l’effritement d’une politique centralisée, celle de la « maison individuelle groupée », selon l’expression administrative qui la désigne, initiée au début des années 1970 en France. Le sobriquet de chalandonnettes désigne de vastes ensembles, denses, de maisons individuelles construites en série, dans le cadre d’un concours lancé en 1969 par le ministère de l’Équipement. Officiellement connu sous le nom de « concours international de la maison individuelle » (CIMI), il prend la forme d’un travail explicite de l’administration centrale pour encadrer et orienter la production de maisons individuelles par les acteurs privés. Malgré un enthousiasme limité des constructeurs de maisons, les hauts fonctionnaires de l’Équipement s’emploient à susciter une nouvelle offre de logements destinée aux classes populaires, jugée plus « rationnelle » que l’offre existante. Le surnom de chalandonnettes, dérivé du patronyme d’Albin Chalandon, ministre de l’Équipement lors du lancement du concours, n’apparaît quant à lui qu’a posteriori pour qualifier de manière négative les 60 000 à 70 000 pavillons qui en résultent, et dénoncer leur faible qualité de construction. C’est donc la genèse de cette politique centralisée et la dévalorisation rapide des formes d’habitat populaire qui en ont résulté que nous prenons ici pour objet.
2Ce travail articule deux types de questions. La première s’inscrit dans l’analyse par l’histoire et la sociologie urbaine de l’émergence, tout au long du XXe siècle, au sein des administrations centrales, départementales, communales, ou d’institutions connexes – Musée social, Caisse des dépôts et consignations, District de la région parisienne – de modèles normatifs pour l’habitat populaire, mettant en rapport les normes produites et ceux qui les produisent [1]. Comment, à partir du milieu des années 1960, les hauts fonctionnaires du ministère de l’Équipement s’emploient-ils à diffuser une représentation légitime de la propriété populaire ? Dans le cadre du concours Chalandon, ils font la promotion d’une forme spécifique d’accession pour les classes populaires, les « nouveaux villages » de maisons livrées clés en main. La définition de cet habitat individuel « rationalisé » s’inscrit dans l’histoire longue des tentatives des directions centrales en charge de la construction et de l’urbanisme pour encadrer l’essor de l’habitat pavillonnaire [2]. Ces « nouveaux villages » sont ainsi opposés par leurs concepteurs à l’extension pavillonnaire non planifiée des lotissements d’initiative privée, perçus comme porteurs d’un risque de retour aux « lotissements défectueux » de l’entre-deux-guerres. Cette même administration, prise dans les nouveaux rapports de force qui se dessinent dans le champ de la haute fonction publique autour de la réforme de la politique d’aide au logement [3], contribue quelques années plus tard à la critique et à la dévalorisation symbolique de cette forme « rationnelle », devenue synonyme de maison bas de gamme. Les archives du concours et des suites données à celui-ci permettent ainsi de saisir la façon dont différentes manières de concevoir le développement de la propriété populaire se juxtaposent, puis se concurrencent, au sein du ministère de l’Équipement, contribuant au destin paradoxal des « chalandonnettes ».
3Le second type d’interrogation qui nous guide porte sur la construction politique des marchés du logement. Il s’agit ici d’analyser les modalités de l’intervention publique dans le secteur de la construction. Nous reprenons ainsi à notre compte l’une des perspectives développées dans la recherche collective sur l’économie de la maison individuelle dirigée par Pierre Bourdieu [4]. Pour celui-ci, la diffusion de la propriété individuelle au sein des classes populaires ne peut être saisie comme le simple résultat d’aspirations « naturelles » à l’habitat individuel, mais comme le résultat d’une double construction de l’offre et de la demande par les politiques du logement. Toutefois, dans le cas particulier qu’il examine – l’essor de la maison sur catalogue dans les années 1980 – la construction politique du marché prend la forme d’une intervention à distance de l’État, principalement à travers la réorientation des aides aux particuliers et l’élargissement de l’accès des ménages au crédit hypothécaire, suite à la réforme de la politique du logement de 1977. Ces modalités d’action contrastent avec l’intervention plus directe qui, depuis les années 1950, a permis au ministère de la Construction puis de l’Équipement de peser fortement sur les caractéristiques techniques de l’habitat populaire, qu’il s’agisse de logements locatifs sociaux ou d’immeubles en copropriété financés par des prêts aidés [5]. Or, lorsqu’on examine le cas de la « politique de la maison individuelle groupée », on observe que l’administration de l’Équipement cherche encore, au tournant des années 1970, à intervenir « par le haut » pour encadrer l’offre de maisons à bas prix. Elle recourt alors à des modes d’intervention déjà éprouvés dans les décennies antérieures pour faire baisser les coûts de la construction. Pour agir sur l’offre, elle conditionne l’attribution de financements aidés au respect de critères techniques précis – plafonds de prix restrictifs, surfaces maximales des logements et des terrains, nombre limité de modèles, production en grande série, taille minimale des opérations. Toutefois, cet essai de construction d’une offre nouvelle rencontre la résistance des constructeurs privés de maisons individuelles, dont l’administration de l’Équipement entendait transformer les modes de production. Cette dernière échoue ainsi à faire émerger dans le secteur privé une véritable filière de « builders à l’américaine », selon les termes utilisés lors du lancement du concours, ce qui devait permettre la construction massive d’ensembles de maisons à bas prix. Seuls des promoteurs publics et parapublics, organismes HLM ou filiales de la Caisse des dépôts et consignations, relaient temporairement la politique de la « maison individuelle groupée », et à la fin des années 1970, c’est la formule de la maison sur catalogue qui s’impose comme la voie principale d’accès à la propriété à bas prix.
4Notre propos se décompose en trois temps. Nous reviendrons d’abord sur la genèse, au sein du ministère de l’Équipement créé en 1966, d’une nouvelle manière de « rationaliser » le développement de la maison individuelle, expérimentée avant le concours Chalandon. Dans un second temps, nous verrons comment s’impose sur le mode de l’évidence le principe d’une intervention centralisée des services du ministère, visant à rompre avec les modes de production alors dominants en matière de maison individuelle, et susciter un nouveau type d’offre. Dans un troisième temps, nous reviendrons sur la remise en cause de ce consensus à travers la relecture critique faite par l’administration de la Construction elle-même, dans la seconde moitié des années 1970, des résultats du concours Chalandon, dont les productions se voient alors attribuer le sobriquet péjoratif de « chalandonnettes ».
Encadré 1. La « politique de la maison individuelle groupée » dans les archives
Des « solutions rationnelles » pour la propriété populaire ? Le ministère de l’Équipement et le marché de la maison individuelle
5Présenté comme une rupture avec les politiques antérieures du logement et de l’urbanisme lors de son lancement officiel, le concours Chalandon se caractérise toutefois, dans ses modalités concrètes, par des continuités avec des pratiques administratives déjà éprouvées pour encadrer la diffusion de la maison individuelle et l’essor de la propriété populaire. Dans les années 1950, les fonctionnaires de l’administration centrale du ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme (MRU) font porter leur activité de normalisation et de standardisation de la construction sur l’habitat collectif et individuel. L’essor de la propriété populaire pavillonnaire dans les premières décennies du XXe siècle, et la transformation de la question de « lotissements défectueux » et des « mal-lotis » en problème public, a contribué à faire du développement non maîtrisé de l’habitat individuel un « contre-modèle » pour la haute administration en charge du logement et de l’aménagement du territoire dans l’après-guerre [6]. Les hommes aux commandes du MRU ou du Service d’Aménagement de la Région Parisienne ont souvent, selon Annie Fourcaut, participé à l’élaboration des plans d’urbanisme qui, dans l’entre-deux-guerres, ont cherché sans succès à limiter la croissance de la banlieue parisienne. Si le pavillonnaire de l’entre-deux-guerres est une forme urbaine « stigmatisée », ce n’est pas tant l’habitat individuel en lui-même qui fait l’objet d’un rejet de la haute administration que son développement non maîtrisé [7]. Le premier effort notable de relance de la construction de l’après-guerre – le plan Courant de 1953, par lequel l’État apporte son soutien au secteur privé – se traduit par la création d’une nouvelle catégorie de logements aidés, les Logecos [8], destinés à financer aussi bien des maisons individuelles que des immeubles collectifs, à des prix « économiques ». Par les normes techniques qui conditionnent l’obtention des prêts Logecos, le MRU poursuit ses objectifs d’accroissement de la productivité du secteur du bâtiment et de diminution des coûts de construction. Ces financements ne sont accordés qu’à condition que les constructeurs adoptent des plans-types agréés par des commissions nationales ou régionales, qui répondent à des critères techniques précis (surfaces maximales, degré de confort, et plafonds de prix [9]). Près d’un million d’habitations, principalement destinées à l’accès à la propriété et constituées pour une part non négligeable de maisons, sont bâties selon ces préconisations entre 1953 et 1963. Toutefois, les effets de cette politique se font surtout sentir en matière d’habitat collectif, dans lequel la standardisation de la construction progresse à grands pas. Au milieu des années 1960, la construction individuelle est toujours principalement portée par des entreprises artisanales, ce que déplore en 1962 le ministre de la Construction Pierre Sudreau, regrettant que ce secteur reste aux mains des « marchands de terrains et des constructeurs isolés [10] ». En 1965, près de 80 % des 150 000 maisons individuelles autorisées à la construction le sont à des particuliers [11].
6Dans la seconde moitié des années 1960, la rationalisation de la maison individuelle prend une tournure nouvelle. C’est le moment où se crée le ministère de l’Équipement, dans lequel les ingénieurs des Ponts et Chaussées prennent une place centrale et se mobilisent autour d’une activité renforcée d’aménagement du territoire et de planification urbaine [12]. En matière de maison individuelle, il ne s’agit plus seulement de porter une politique technique de normalisation de l’habitat « économique ». Ce domaine d’action publique s’inscrit désormais dans le nouveau périmètre du ministère, au sein duquel se cristallise l’idée qu’il faut promouvoir une forme urbaine concurrente de celle du quartier pavillonnaire « anarchique », par le biais d’une « politique de la maison individuelle groupée ». Ce glissement se repère dans les contours successifs donnés à l’opération Villagexpo lancée en 1965.
De la normalisation technique à la planification urbaine : Villagexpo
7Lorsque cette opération est évoquée pour la première fois début 1965, l’objectif affiché, au sein de ce qui est alors le ministère de la Construction, est de « dégager des solutions rationnelles de construction de maisons individuelles [13] ». Cette expression est celle d’Yves Aubert, polytechnicien et ingénieur des Ponts et Chaussées de quarante-trois ans. Ce haut fonctionnaire, spécialiste de l’industrialisation et de la normalisation de la construction, est alors à la tête de la direction de la Construction du ministère, où il a fait l’essentiel de sa carrière. Il y a été chef de la division des études et des programmes de 1958 à 1961, une division dont dépend la procédure d’homologation de projets-types bénéficiant de prêts Logecos [14], avant d’être conseiller technique du ministre P. Sudreau au moment où se mettent en place les ZUP, lieux par excellence de développement d’une construction standardisée. Pour lui, la rationalisation de la maison individuelle est une question technique [15] : comment industrialiser leur production pour en abaisser les prix ? L’opération est donc à ses débuts conçue comme un moyen de produire un « catalogue » de maisons à bas prix, dont l’originalité tient à ce que les modèles sélectionnés seront exposés grandeur nature sur un site qui constitue un salon à ciel ouvert à destination de futurs acquéreurs : « Tout cela devrait aboutir à la réalisation en décembre 1965, époque à laquelle beaucoup de familles montent à Paris pour leurs achats de Noël, d’un salon de la maison individuelle dans la région parisienne […]. Sur un terrain de banlieue, plusieurs prototypes de toutes sortes seraient édifiés. Ils seraient vendus en propriété pour être occupés après l’exposition [16]. »
8La dimension urbanistique de l’opération, qui n’a pas encore pour nom Villagexpo, est absente de la documentation préparatoire : sans même parler du type d’urbanisme dans lequel les maisons pourraient s’insérer, la question des terrains sur lesquels seront ensuite bâtis les modèles est explicitement écartée par Y. Aubert. Dans la note précitée, principalement consacrée à des questions de technique constructive, il précise : « Je suppose, parce que ce n’est pas mon domaine, que le problème foncier n’existe pas. » Le premier jury qui se réunit à l’été 1965 a pour mandat d’évaluer les qualités architecturales des modèles présentés par les constructeurs qui souhaitent participer à l’exposition, et non de discuter du plan d’ensemble dans lequel les prototypes seront insérés. Ceci occasionne d’ailleurs les protestations du Conseil supérieur de l’Ordre des Architectes contre l’absence de réflexion sur le « groupement » des maisons.
9Les architectes du jury jugeant insuffisante la qualité des modèles proposés, la réalisation de l’exposition est reportée à l’année 1966 pour que les candidats améliorent leurs propositions [17]. Dans cet intervalle, l’opération, rebaptisée Villagexpo, dont l’implantation définitive est fixée à Saint-Michel-sur-Orge dans l’Essonne, n’est plus présentée par ses promoteurs comme une simple expérimentation technique, mais comme une opération d’urbanisme innovante. L’ancien ministère de la Construction a entre-temps fusionné avec l’administration des Travaux Publics au sein du nouveau ministère de l’Équipement. Les titulaires des portefeuilles de l’Équipement et du Logement, tout comme leur administration en pleine réforme, semblent vouloir transformer le sens donné à l’opération. Edgard Pisani, le nouveau ministre de l’Équipement, ainsi que le secrétaire d’État au Logement Roland Nungesser, font tous deux savoir lors de l’inauguration puis de la clôture de l’opération qu’ils sont plus intéressés par ses apports à la planification urbaine que par la question des techniques constructives, moins noble à leurs yeux. Le premier a en effet largement œuvré à la création du ministère de l’Équipement en plaidant pour que celui-ci soit le lieu d’une action coordonnée de l’État en matière d’urbanisation. Le second, ancien président du district de la Région de Paris, y a travaillé avec Paul Delouvrier [18] à la création d’un schéma directeur et au lancement de villes nouvelles [19]. Lors de la présentation inaugurale de Villagexpo à la presse, E. Pisani s’emploie ainsi à souligner que l’intérêt de l’opération va « bien au-delà de la démonstration technique » et démontre surtout qu’il est possible d’éviter le « double écueil de la maison isolée ou du trop grand ensemble ». Il oppose la conception de ce « nouveau village » (selon une expression qui apparaît alors dans la presse [20]) à la « maison isolée au milieu d’une vaste parcelle », symbole d’une propriété rurale dépassée ou trop dispersée : « La preuve est faite qu’il est possible d’accroître la densité sans porter atteinte à la maison individuelle, […] le temps du jardin planté de carottes est passé [21]. »
10R. Nungesser, dans une allocution intitulée « pour une politique de la maison individuelle » est tout aussi clair sur le sens à donner à l’opération : « plus qu’une exposition, c’est un village-test ». Il en fait le signe de la volonté de l’État d’amender la politique des ZUP et de réduire la prédominance du collectif, et conçoit le plan-masse de l’opération, caractérisé par des espaces privatifs réduits et constitué de petits groupes de maisons qualifiés de « hameaux [22] », comme un modèle possible d’aménagement futur pour des zones d’habitat individuel en secteur urbain :
11« Dans ces conditions, il convient de prévoir des zones essentiellement dédiées à la maison familiale. Suivant les sites, deux formules : zones de maisons individuelles groupées (hameaux) avec vingt-cinq maisons à l’hectare, zones de maisons individuelles dispersées, avec au maximum cinq maisons à l’hectare, par exemple dans les secteurs boisés. Le dosage de ces deux formules doit permettre de mettre fin au développement anarchique de “l’univers pavillonnaire”, dont les inconvénients ont été commentés après la guerre de 14-18 par une abondante littérature. »
12Comme aucun terrain n’est toutefois prévu pour accueillir ces nouvelles zones de maisons groupées, R. Nungesser fait appel à l’issue de l’opération à P. Delouvrier, devenu préfet de la région parisienne et en charge du Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme, pour qu’il entreprenne des recherches foncières en vue de réaliser d’autres ensembles de 300 à 500 maisons dans « l’esprit Villagexpo [23] ». Si ce dernier annonce qu’il va financer avec le ministère 12 500 maisons sur trois ans, dans des ensembles de 500 maisons ou plus, seule une quinzaine de ces chantiers ont démarré trois ans plus tard, pour un total de moins de 2500 maisons [24]. En effet, il ne semble pas si simple de convaincre des promoteurs de lancer l’édification de ces vastes ensembles.
Susciter une offre : le ministère de l’Équipement face aux constructeurs de maisons individuelles
13De la politique technique à la planification urbaine, d’Y. Aubert à R. Nungesser et à P. Delouvrier, la question de la maison individuelle change de mains et de catégorie. La concrétisation de ces annonces suppose un nouveau travail du côté du ministère de l’Équipement : en plus de la recherche foncière, il faut convaincre des constructeurs de maisons individuelles de se muer en promoteurs d’ensembles groupés. Or un tel type de promoteur est alors quasi inexistant. Très peu d’ensembles de maisons de taille importante sont bâtis par un seul et même promoteur : en 1966, un unique permis de construire a été délivré dans toute la France pour un groupe de plus de cinq cents maisons, et seulement trente-six pour des ensembles de plus de cent logements [25]. La construction individuelle procède avant tout d’initiatives de particuliers. Les constructeurs en série qui participent au concours répondent à la demande de clients déjà en possession d’un terrain, qu’il s’agisse d’un terrain isolé ou d’une parcelle de lotissement, et qui souhaitent y faire construire un de leurs modèles. Les documents préparatoires rédigés par Y. Aubert en vue de Villagexpo prenaient acte de ces pratiques : il s’agissait de faire venir en masse dans le « salon » de potentiels acquéreurs, afin qu’ils choisissent des modèles à faire construire sur un terrain qu’ils se chargeraient eux-mêmes de trouver. Au moment de la clôture de l’opération, cette intention n’est plus d’actualité. Le secrétaire d’État au Logement R. Nungesser s’étonne de l’affluence déclenchée par Villagexpo et de son « succès populaire » (230 000 à 250 000 visiteurs). Car, de son point de vue, cette opération ne visait pas tant la « population » que les « professionnels ».
14« L’opération a en premier lieu rencontré un très vif succès à la fois populaire et professionnel. Dans l’esprit de ses responsables, Villagexpo devait essentiellement intéresser les spécialistes : entreprises, industriels, techniciens, architectes, organismes constructeurs du secteur semi-public, promoteurs privés, représentants des collectivités locales. Et effectivement des délégations importantes de tous ces professionnels sont venues de toutes les régions de France visiter Villagexpo. Mais par ailleurs Villagexpo a suscité parmi la population un très vif intérêt. »
15L’exposition doit donc permettre, pour le secrétaire d’État, de modifier les pratiques des professionnels, en favorisant la « construction d’un véritable marché de la maison individuelle se substituant au coup par coup qui était de règle jusqu’à présent ». Y. Aubert, resté à la tête de la direction de la Construction dans le nouveau ministère de l’Équipement, convoque en octobre 1966 les représentants de la Fédération nationale des promoteurs-constructeurs, de la Fédération nationale du bâtiment, et de l’Union HLM, pour leur demander de monter « d’urgence » des opérations groupées comportant les modèles les plus demandés [26]. Le commissaire général de l’exposition, Pierre Charlet, directeur du service technique de la Construction, relaie fin 1966 ces injonctions auprès d’une assemblée de professionnels, appelant à une restructuration de la filière des maisons individuelles.
16« Villagexpo permet d’envisager une véritable mutation dans le processus de réalisation de la maison individuelle. Il suppose la formule du home-builder, du promoteur d’ensembles de maisons individuelles qui, après avoir acheté le terrain puis réalisé les infrastructures et édifié les quelques modèles de maisons, établit un planning rigoureux de réalisation de l’ensemble, vendra les maisons le composant après visite par les intéressés des modèles exposés. […] Par voie de conséquence il permet une réelle industrialisation de la maison en substituant au coup par coup une notion de marché. »
17Mais ces nouvelles injonctions ne suscitent pas l’adhésion des professionnels de la construction individuelle. L’opposition qui se dessine entre le ministère et les représentants nationaux des constructeurs, réunis dans le SMI (Syndicat des constructeurs de maisons individuelles), porte sur les conclusions à tirer du succès de Villagexpo. R. Nungesser estime en effet que les visiteurs ont exprimé par leur présence un « désintérêt pour la démarche consistant à faire construire soi-même » et ont été séduits par une « conception urbanistique nouvelle à l’opposé du lotissement [27] », faite d’espaces privatifs limités et de vastes espaces communs. P. Charlet reprend ce propos devant les professionnels de la construction en affirmant que les visiteurs de l’exposition, « séduits par la formule » qu’il qualifie de « copropriété horizontale », en sont repartis « bien décidés par ailleurs à ne pas chercher à acquérir une parcelle ou un terrain pour y parachuter la maison choisie par eux [28] ». Un représentant du SMI vient toutefois briser cette belle unanimité :
18« Au stand des Constructeurs de maisons individuelles c’est le vent contraire qui a soufflé. Il y est passé autour de 50 000 personnes, il n’y a pas eu de sondages mais la question qui revient fréquemment était “Comment peut-on se procurer un terrain ?” Je vois pas mal de clientèle, je suis convaincu que les Français veulent absolument avoir au moins une clôture et une maison à eux où ils soient chez eux [29]. »
19P. Charlet exclut alors, face au représentant du SMI, que l’extension de l’habitat mono-familial en zone urbaine puisse désormais se faire par la formule du « lotissement », consommatrice de terrains : il faudra en passer par des formes d’habitat groupé imposant aux acquéreurs des espaces privatifs réduits. « Habitués aux errements suivis jusqu’à présent » qui les auraient conditionnés à acheter eux-mêmes leur parcelle, les acquéreurs seraient d’ailleurs prêts à changer d’opinion dès lors qu’on leur proposerait des formules « clés en main ». Un sondage commandé par le secrétariat d’État au Logement conforte toutefois la position du SMI : la majorité des visiteurs de Villagexpo interrogés déclarent être en quête d’une maison « véritablement individuelle », c’est-à-dire construite selon des plans qu’ils auront choisis eux-mêmes sur un terrain de leur préférence, seuls 30,5 % étant attirés par la formule groupée [30]. Cette opposition perdure dans les années qui séparent l’opération Villagexpo du lancement du concours Chalandon. Plusieurs séminaires consacrés à la question de la maison individuelle réunissent les représentants de l’administration et les professionnels de la construction : c’est l’occasion pour les uns et les autres de faire assaut d’études et d’expertises aux conclusions souvent divergentes [31]. Le ministère de l’Équipement commande ainsi des études sur « ce que veulent les gens » en matière d’habitat individuel [32], dont l’un des buts est de démontrer l’intérêt des accédants potentiels pour la formule de la « maison groupée ». En vue du concours Chalandon, un document destiné aux futurs lauréats du concours dresse un bilan sur leur clientèle potentielle. Il en ressort que, rejeté par les cadres, l’habitat groupé intéresserait les ouvriers, employés et contremaîtres qui « acceptent quatre fois plus souvent que les ménages à revenus élevés l’idée de grands programmes d’individuels groupés dont ils attendent des avantages financiers ». Ces résultats découlent toutefois des questions posées : les enquêtés doivent faire leur choix sur la base d’une situation fictive où le pavillon compris dans un ensemble « groupé » est supposé revenir 50 % moins cher qu’un pavillon isolé. Ce point n’est pourtant pas établi : un séminaire consacré au marché de la maison individuelle en 1969 fait ainsi la part belle aux discussions techniques sur la réalité des coûts de construction des maisons individuelles et de leurs déterminants. André Pux, président du SMI, et par ailleurs PDG de Maisons Phénix, la plus importante société française de construction de maisons en série, y exprime son refus d’un choix unique en faveur du « groupé », en soulignant que la « maison de catalogue, plus ou moins préfabriquée, construite sur le terrain d’un client » constitue une formule tout aussi peu onéreuse [33]. Ainsi, l’administration de l’Équipement, suite aux transformations de son périmètre et des missions qui lui sont confiées, est amenée à défendre un nouveau modèle normatif pour la propriété individuelle, dense, aux espaces privatifs limités, inscrits dans des projets urbains de grande ampleur, dont elle soutient qu’il correspond aux nouveaux désirs des ménages populaires. Les conditions ne semblent toutefois pas réunies dans le secteur privé de la construction pour que ce modèle se diffuse.
Le concours Chalandon : encadrer l’essor de l’accession populaire ?
20Le concours Chalandon, lancé en 1969, est l’occasion pour le ministère de l’Équipement de tenter de peser de manière plus directe sur le secteur privé de la construction, et de diffuser le modèle de l’individuel groupé qui mobilise l’intérêt de ses services depuis trois ans. Dans une allocution publique présentant sa « nouvelle politique de l’urbanisme », à l’occasion de l’annonce officielle du concours, le nouveau ministre A. Chalandon [34] s’efforce d’en faire le symbole de la fin de l’interventionnisme étatique des années 1950 et 1960 dans le domaine de la construction. C’est l’action de quelques « grands organismes » publics et parapublics qui est alors décriée : avec l’appui de la « technocratie administrative », ces organismes auraient abouti aux grands ensembles et ZUP, dénoncés comme ayant conduit à un « urbanisme médiocre », « restrictif », peu attentif aux désirs des Français en matière d’habitat [35]. Le concours Chalandon signerait la fin de l’intervention centralisée contrariant les aspirations populaires à l’habitat individuel :
21« Dans cette politique, il y a à la base comme d’ailleurs dans toutes les actions de l’État une philosophie qui affirme que l’administration, qui est l’outil de l’État, sait mieux faire et fait mieux que tout le monde. Et cela s’est traduit par une organisation qui a permis à une technocratie administrative très centralisée de pouvoir, pendant des années, de décider à elle seule ce que devait être l’urbanisme. […] Dans cette affaire, il faut quand même tenir compte de ce que veulent les Français [36]. »
22Ces déclarations critiques ont probablement contribué à ériger le concours Chalandon en « tournant » des politiques publiques du logement : de nombreux manuels et travaux académiques en font le signe de l’entrée du secteur de la construction dans une logique de marché, et du basculement du soutien étatique du locatif en grands collectifs vers l’accession en maison individuelle [37]. Sans discuter en détail de la pertinence de cette périodisation, notons toutefois que le lancement du concours précède de plusieurs années la fin officielle des grands ensembles, le déclin de la construction collective et la chute du secteur locatif HLM, et à l’inverse accompagne un mouvement déjà largement amorcé de diffusion de l’accession à la propriété et d’essor du secteur individuel. Pour saisir les rapports entre action publique et formes de la propriété populaire, il est par contre crucial d’observer que le concours Chalandon, dans ses modalités concrètes, est moins une politique de soutien global à la construction individuelle qu’une tentative de soutenir le développement d’un certain type d’habitat individuel. Il s’agit bien de prolonger la condamnation du « pavillon de banlieue » et de la construction au « coup par coup » en privilégiant des opérations groupées, denses, et livrées « clés en mains » par des promoteurs. Le concours Chalandon, loin d’être un moment où l’administration de l’Équipement se voit dépossédée de ses prérogatives d’intervention dans la construction de logements, constitue une tentative d’encadrer par le haut, plus précisément par le biais de l’édiction de normes encadrant la production d’une offre par les promoteurs et constructeurs privés, l’essor déjà amorcé de la propriété populaire.
« Créer un choc » dans le secteur privé de la construction individuelle
23En novembre 1968, A. Chalandon adresse à ses conseillers et à ses directeurs de service une injonction simple : trouver le moyen de faire baisser de façon drastique le coût des maisons individuelles [38]. Cette demande intervient alors que son cabinet planche sur la réforme du prêt « HLM Accession », l’une des voies de financement de l’accession à la propriété pour les ménages à bas revenus. Son montant maximal est alors trop faible pour solvabiliser ces ménages, en particulier pour l’achat de maisons [39]. Or c’est du ministère des Finances que dépend la modification des conditions de ce prêt, qui tarde à se mettre en place. Le cabinet du ministre envisage ainsi une solution alternative pour redonner une efficacité à ces financements que la direction de la Construction est chargée de distribuer : produire moins cher plutôt qu’augmenter les montants des prêts. Ce mode d’intervention présente l’avantage pour l’Équipement de ne pas nécessiter l’accord des Finances, puisqu’il s’agit d’affecter prioritairement les financements déjà existants à des opérations à prix cassés, et non de solliciter des crédits supplémentaires.
24Deux ingénieurs des Ponts et Chaussées – Y. Aubert, toujours directeur de la Construction et Raoul Rudeau de la direction de l’Aménagement foncier et de l’urbanisme (DAFU) – et trois conseillers techniques du ministre – architectes ou urbanistes de profession – élaborent des propositions dans un groupe de travail. L’idée selon laquelle l’abaissement des coûts passe à la fois par la standardisation des modèles et par l’édification de vastes zones d’habitations « groupées » s’y impose avec la force de l’évidence. Y. Aubert, mobilisant des arguments techniques, préconise de combiner la procédure des « modèles agréés », système de normalisation de la construction qui incite les organismes HLM à reproduire en grande série des plans-types choisis par le ministère, procédure qui serait appliquée aux constructeurs désignés pour bâtir en série des modèles de maisons aux faibles coûts de revient, avec la forme du « Villagexpo ». À l’« optimisation des plans-masses » et donc la réduction des frais d’équipement et de viabilisation – il s’agit entre autres de limiter la longueur des canalisations – s’ajoute la construction répétitive de modèles qui permet des économies d’échelle. Jacques-Henri Labourdette, conseiller technique du ministre qui a été l’architecte de nombreux programmes de grands ensembles comme Sarcelles, est toutefois celui qui formule dans une série de notes un projet de concours aux objectifs plus ambitieux : créer « une véritable industrie de la maison individuelle [40] ». Ses analyses rappellent celles formulées à la clôture du Villagexpo : il faut transformer le secteur de la maison individuelle, trop « artisanal » puisque le constructeur privé majeur, la société Phénix, produit « à peine 2 000 logements par an ». Il préconise l’émergence de builders capables d’assurer conjointement les fonctions d’aménagement, de promotion, de construction et de commercialisation des groupements. L’objectif qu’il formule, repris dans le règlement officiel du concours, est d’inverser la proportion entre secteur « isolé » et « groupé » en portant ce dernier de 20 à 80 % de la construction individuelle. Le mécanisme qu’il suggère reprend en l’amplifiant celui d’Y. Aubert : sélectionner plusieurs groupements de promoteurs et d’entreprises, qui proposeraient chacun sept ou huit sites d’accueil de programmes d’environ 1 000 maisons construites à partir de quelques modèles types, en visant un total d’au moins 25 000 logements. L’idée de « créer un choc » sur le marché de la maison individuelle recueille l’approbation du groupe de travail.
25« Il faut obtenir un prix de revient, toutes dépenses confondues, inférieur pour un F4 à 60 000 F. en région parisienne et 50 000 F en province. Cela suppose la réalisation d’opérations groupées, et la création d’un marché de série (sans doute 2000 à 3000 par an) pour une société. Actuellement le champion est Phénix qui vend 2000 maisons par an, qui reviennent à 80 000 F. Il faut dépasser ce stade, réduire les prix, c’est un nouveau métier à créer. Le concours doit créer le choc [41]. »
26Le règlement du concours reprend les techniques habituelles de la direction de la Construction pour favoriser la baisse des coûts : fixer des plafonds restrictifs, et accorder aux constructeurs qui s’y conforment l’attribution prioritaire de financements aidés. La nécessité d’une opération de grande ampleur pour reconfigurer le secteur de la construction individuelle fait l’unanimité, l’objectif étant fermement relayé par les directeurs de la Construction et de l’Urbanisme lors de la sélection des candidatures pour convaincre le jury – et notamment les architectes réticents face à la qualité de certaines propositions – de retenir autant de lauréats que possible. À la tête de la DAFU, R. Rudeau déclare alors : « Il faut ouvrir l’urbanisation, mettre sur le marché massivement des logements individuels à prix cassés. Il vaut mieux retenir des projets moyens pour faire effet de masse que de couper les moyens et rater l’effet de masse [42]. »
27L’objectif quantitatif du concours est porté à plus de 60 000 réalisations, sous la forme d’ensembles d’une taille minimale de cinq cents logements pour les terrains non-équipés, deux cent cinquante pour les autres. Enfin, pour assurer un volume maximal, le ministère assouplit les conditions d’obtention des permis de construire : une possibilité de proposer des terrains non constructibles, par exemple en zone rurale, est prévue pour dégager du foncier à bas prix. Si le règlement du concours précise que l’accord des communes concernées par les sites proposés est un « élément utile », il n’est pas obligatoire pour soumettre une candidature. Le jury qui se réunit fin 1969 passe ainsi outre certains avis négatifs des élus, les représentants de l’administration évoquant la nécessité de « faire le forcing » auprès des maires pour éviter que trop de candidatures ne soient éliminées [43]. Les conseillers techniques, chargés au même moment de préparer une présentation de la politique d’urbanisme du ministre en vue d’une conférence de presse, enrichissent le descriptif du concours de considérations sur le « nouvel urbanisme » qu’il préfigure, mobilisant sans surprise la rhétorique anti-pavillonnaire pour souligner les vertus de l’individuel groupé [44].
28« Le manque d’opérations groupées et l’étroitesse du marché n’ont pas permis dans ce domaine des progrès techniques ou esthétiques qui auraient pu transformer radicalement l’image désastreuse du pavillon de banlieue […]. La maison individuelle ne doit pas être le résultat d’une réalisation anarchique. Il ne faut pas refaire les mauvaises banlieues que nous avons connues après la première guerre. […] Je souhaite que les maisons individuelles soient, au contraire, l’expression d’un urbanisme qui permet de regrouper les constructions en créant une nouvelle forme de village [45]. »
29Plutôt qu’apporter un soutien indifférencié à l’essor de la maison individuelle, les concepteurs du concours entendent réorienter le secteur de la construction individuelle. Mais le règlement du concours, qui reprend des méthodes habituellement utilisées pour infléchir les coûts de la construction HLM – attribution prioritaire de financements en contrepartie de l’imposition de plafonds de prix restrictifs – provoque un enthousiasme limité du côté des promoteurs et constructeurs privés. En dépit de la dénonciation des effets néfastes de la collusion entre la « technocratie administrative » et les « grands organismes » du secteur public par le ministre, les objectifs quantitatifs du concours ne sont atteints que par la mobilisation d’organismes HLM et de promoteurs parapublics.
Vers des opérations HLM « pures et simples » ?
30La sélection des lauréats amène en effet à retenir une majorité de constructeurs du secteur public et parapublic : plus de 70 % des « chalandonnettes » sont financées grâce à des prêts HLM, dont seuls peuvent bénéficier ces opérateurs [46]. Ce choix, étonnant au regard de l’objectif de faire émerger des constructeurs sur le modèle du « builder américain [47] », est lié à la nature des candidatures. Peu de promoteurs privés bien établis se sont présentés, tandis que les constructeurs de maisons sur catalogue, dont les fonctionnaires du ministère attendaient beaucoup [48], se portent candidats mais en présentant des programmes non conformes aux critères de sélection, qu’ils refusent de modifier selon les préconisations de l’Équipement. Un premier tri des candidatures amène à retenir vingt et un groupements au « potentiel suffisant » pour atteindre le nombre minimal de constructions fixées pour chaque lauréat, soit 7500 maisons [49]. Parmi ceux qui accèdent à cette deuxième phase du concours, les groupes liés au secteur public – organismes HLM, sociétés d’économie mixtes, filiales de collecteurs du 1 % patronal ou de la Caisse des dépôts – sont majoritaires (onze).
31Les sociétés organisées sur le modèle du « builder américain », comme Levitt-France ou Kauffman and Broad, ont renoncé à se présenter, malgré l’organisation de réunions destinées à les attirer. Trois gros constructeurs de maisons individuelles ont présenté un dossier. Le cas de la société Phénix, constructeur phare de maisons « bas de gamme », fait débat. Elle se voit en effet reprocher par les architectes du jury d’avoir proposé des modèles de maisons similaires à ceux qu’elle met déjà sur le marché, et qui n’entrent dans les plafonds de prix restrictifs imposés que parce que les prestations en ont été réduites (le F5 présenté serait en réalité un F4). Les directeurs de la Construction et de l’Urbanisme, soucieux que le concours retienne suffisamment de lauréats pour produire un « effet de masse » hésitent à l’éliminer : « Phénix se vend et s’achète bien » et « le raisonnement Phénix est dans l’esprit du concours et de la politique actuelle ». Mais malgré ces tentatives pour sauver sa candidature, le groupe d’A. Pux refuse de modifier ses modèles. Lorsqu’il lui est proposé de participer à une édition de « repêchage » destinée à retenir des programmes complémentaires, Phénix ne soumet qu’un nombre limité d’opérations, sa contribution se limitant finalement à l’édification de 183 maisons [50]. En plein essor au début des années 1970, ce constructeur ne trouve probablement qu’un intérêt limité au concours Chalandon. Quant aux autres constructeurs répétitifs, leurs dossiers sont unanimement jugés peu crédibles car ils ont pour atteindre les 7 500 maisons requises proposé de très vastes groupements (parfois quatre ou cinq groupes de plus de 1 000 maisons) sur des terrains non équipés, sans prévoir les opérations d’aménagement nécessaires, provoquant l’opposition des élus locaux. Du côté des promoteurs privés, les dossiers présentés sont eux aussi hors critères, principalement parce qu’ils dépassent les plafonds de prix imposés par le règlement. Quant au promoteur STIM Bouygues, il s’élimine de lui-même en renonçant à remplacer des lieux d’implantations écartés pour des raisons techniques entre la première et la seconde phase du concours. Ainsi, les grands acteurs privés de la construction n’ont pas pu ou voulu se conformer aux critères fixés en amont, et se sont auto-éliminés. À l’issue des délibérations du jury, sept lauréats sont retenus, pour un ensemble de programmes qui doit permettre la construction de plus de 60 000 maisons sur trois ans. L’allocution d’A. Chalandon à l’occasion des résultats du concours met l’accent sur la prédominance parmi eux du secteur public. On y lit ainsi : « On voit triompher dans ce concours ceux qui travaillent dans le secteur public puisque sur sept lauréats on ne trouve qu’un groupement privé contre cinq publics et un mixte. Il me reste donc à féliciter les organismes du secteur public qui stimulés et secoués par cette concurrence que j’ai voulu provoquer ont répondu à mon appel [51]. »
32Peu attractif pour les constructeurs et promoteurs privés, le concours mobilise des promoteurs HLM, liés aux collecteurs du 1 % patronal ou au secteur coopératif, qui s’intéressent depuis la fin des années 1960 à la maison individuelle groupée. L’un des grands bénéficiaires du concours est le groupe GIE-CIMI, porté par la filiale HLM d’un collecteur du 1 % patronal du Nord de la France, qui développe depuis plusieurs années une production de maisons individuelles denses à prix particulièrement faible. Ce groupe va ainsi bâtir plus de 20 000 habitations dans le cadre du concours, s’implantant dans toute la France et devenant un promoteur national de premier plan sous le nom de GMF-CARPI avec le slogan « accédez avec six cents francs d’apport ». On compte aussi parmi les lauréats la SCIC, filiale de la Caisse des dépôts et consignations à l’origine de la construction des nombreux grands ensembles, et qui commence à se diversifier dans le secteur individuel depuis le milieu des années 1960 [52]. Destiné à reconfigurer le secteur privé de la construction, le concours réoriente surtout l’usage des crédits « HLM accession » : 50 à 55 % des logements construits en accession par les organismes sociaux le sont sous la forme de maisons groupées entre 1970 et 1976 [53]. Confronté à des problèmes de répartition de crédits dus à la forte présence d’opérations Chalandon sous statut HLM dans son département qui privent les non-lauréats de ressources, le directeur de la Construction de la DDE du Nord s’interroge ainsi sur la finalité du concours, qui de son point de vue n’a abouti qu’à des « opérations HLM pures et simples [54] », loin de l’émergence supposée de builders à l’américaine.
Du concours Chalandon aux « chalandonnettes » : les ressorts d’une dévalorisation
33Le moment du lancement du concours est pourtant celui de l’essor de la construction individuelle en France, mais pas sous la forme préconisée par l’administration de l’Équipement. Après deux décennies de recul au profit du collectif [55], elle prend à partir de 1968 une part croissante dans la construction neuve, finissant par égaler le volume de réalisations collectives en 1975 [56]. Mais cela tient surtout au développement d’une construction « sans promoteurs », selon l’expression de Christian Topalov, sur des parcelles acquises par de futurs propriétaires qui « font construire ». Les promoteurs privés s’intéressent modérément au marché de l’individuel groupé, se portant plutôt vers l’édification d’immeubles destinés à un marché urbain et haut de gamme. Dans le secteur individuel, le « groupé » ne représente qu’un quart des permis de construire entre 1968 et 1976, malgré une pointe à 30 % en 1970-1971, liée aux effets conjoncturels du concours Chalandon. Grâce à celui-ci, le groupé progresse en valeur (de 53 000 à 86 000 logements autorisés par an entre 1968 et 1976), mais moins rapidement que l’« isolé » qui reste à la fin des années 1970 la principale voie d’accès à la propriété des ménages populaires [57]. Du point de vue quantitatif, le concours a toutefois rempli ses objectifs. Avec un peu de retard – les constructions s’échelonnent jusqu’en 1976 – les 60 000 pavillons prévus sont réalisés. Mais ce succès quantitatif n’empêche pas une lecture de plus en plus critique de ses résultats au fil des années, au sein même du ministère de l’Équipement. On observe ainsi la fin progressive du soutien de l’administration de la Construction à cette forme d’habitat qu’elle a échoué à imposer comme un nouveau modèle pour la propriété populaire. La dévalorisation des réalisations du concours Chalandon, rebaptisées « chalandonnettes », est alors liée aux nouveaux rapports de force qui se dessinent dans le champ administratif autour de la réforme des politiques du logement, notamment à la mise en cause par une avant-garde réformatrice de la manière dont l’État encadre depuis deux décennies le marché du logement [58].
« Grand ensemble », « collectif horizontal » ou vraie maison individuelle ?
34Les bilans initialement positifs du concours Chalandon dressés par les services de l’Équipement – les premiers travaux d’évaluation le décrivent comme « un succès commercial », voire un succès tout court [59] – se font plus négatifs au fil des années. Une première salve de critiques est formulée entre 1970 et 1974, alors que Robert Lion a pris la tête de la direction de la Construction. Énarque, inspecteur des Finances, âgé d’à peine trente-cinq ans lorsqu’il prend ce poste, cet ancien collaborateur d’E. Pisani et de P. Delouvrier n’a pas la trajectoire classique des ingénieurs qui peuplent la direction de la Construction et sont passés par des directions départementales avant d’obtenir des postes à responsabilité dans l’administration centrale. Il fait partie de l’élite des hauts fonctionnaires, enclins à adopter des postures réformatrices, comme les jeunes « novateurs » décrits par P. Bourdieu et R. Christin, qui défendent une réforme en profondeur des modes d’intervention de l’État dans le domaine du logement au début des années 1970 [60]. Mais R. Lion s’en distingue dans la mesure où il porte ses positions réformatrices au sein même des institutions dont elles contrarient les intérêts et les modes de fonctionnement habituels, d’abord à la tête de la direction de la Construction, puis comme délégué général du mouvement HLM, et y favorise l’adoption de postures de compromis. En matière de politique de la maison individuelle, sa position se situe aussi dans cet entre-deux puisque, après avoir œuvré à la réussite du concours, il contribue à la critique de ses résultats. Recruté par A. Chalandon, il soutient sans réserve lors du lancement du concours l’objectif de « créer un choc » sur le marché de la maison à bas prix, mais remet parallèlement en cause la politique technique du ministère, qui privilégie à ses yeux depuis deux décennies une architecture répétitive et des objectifs quantitatifs [61]. Sa volonté de rompre avec les pratiques de ses prédécesseurs le porte à valoriser la « qualité architecturale », à travers la création en 1971 du « Plan-Construction » qu’il contribue à fonder pour financer des recherches et des expérimentations architecturales. On est loin des réalisations Chalandon, sur lesquelles les architectes du jury portaient un regard peu amène, critiquant leur banalité. Les travaux du Plan-Construction sur l’habitat individuel privilégient ainsi la mise au point de formes « innovantes » d’habitat « intermédiaire » (ensembles semi-individuels, semi-collectifs), qui relèvent plus de l’expérimentation que de la production de masse [62]. Réorientant la politique technique du ministère en matière de maison individuelle vers des opérations expérimentales [63], R. Lion relaie aussi la critique experte des réalisations du concours Chalandon qui prend forme au sein des services d’étude du ministère. Même s’il dit préférer l’individuel groupé à la « prolifération anarchique » des constructions diffuses, il s’inquiète en effet de ce que ces « nouveaux villages à haute densité » s’apparentent parfois à de « contestables grands ensembles [64] ». À l’heure de l’arrêt des « tours et barres » et de la dénonciation des effets ségrégatifs des grands ensembles – à laquelle R. Lion contribue en tant que co-fondateur des premiers groupes de réflexion Habitat et Vie Sociale, prémices de la politique de la ville – l’usage de ce terme n’est guère positif. Cette thèse apparaît en particulier dans les travaux du GRECOH [65], service d’études du ministère qui accueille au début des années 1970 de jeunes énarques et polytechniciens porteurs de conceptions réformatrices de la politique du logement [66]. Parmi les notes de synthèse rédigées par son Bureau des études sociologiques, chargé de produire des données sur les aspects « qualitatifs » du logement et des recherches sur les liens entre « habitats et mode de vie [67] », plusieurs avancent l’idée que les groupements Chalandon présentent des défauts similaires aux grands ensembles, ne constituant donc pour leurs occupants qu’une forme de propriété dévalorisée. Leurs auteurs mobilisent à cet effet une vaste étude de 24 ensembles Chalandon, financée par le Plan-Construction, et réalisée par le laboratoire de sociologie CRESAL, qui analyse longuement les motifs de satisfaction et d’insatisfaction des acquéreurs de « chalandonnettes », selon le terme retenu comme titre de l’étude. Cette recherche, tout en attestant que le concours a permis à des ménages modestes d’accéder à la propriété (les ouvriers qualifiés et spécialisés sont majoritaires dans les sites étudiés), qui ont pour beaucoup le sentiment d’avoir réalisé une bonne affaire financière, défend l’idée que cet habitat à bas prix tend à être perçu par ses acquéreurs comme un habitat au rabais :
35« On avait acheté effectivement une maison individuelle, et on rencontre la densité d’habitation du lotissement et les contraintes de la proximité avec les autres ménages, à cause de l’insonorisation, et de la vie collective. Ce ne sont, disent certains, que des HLM à l’horizontale […] tout ceci contribue à faire de la maison individuelle des lotissements Chalandon une maison individuelle dévalorisée, au moins par rapport aux modèles de pavillon que propose habituellement la publicité immobilière et que véhicule le rêve du Français moyen. C’est en quelque sorte la maison individuelle du pauvre [68]. »
36Même si les conclusions du CRESAL sont nuancées, les notes du GRECOH qui en restituent le contenu retiennent principalement le parallèle fait avec les grands ensembles, comme dans ce texte de synthèse adressé en 1974 au directeur de la Construction : « La plupart des critiques [adressées aux ensembles Chalandon] sont aussi celles adressées couramment aux grands ensembles [69]. » Cette conclusion renforce une thèse défendue dès 1973 dans une série de notes du GRECOH sur l’habitat individuel et destinées à la direction de la Construction : « l’individuel groupé » n’est pas toujours considéré comme une propriété à part entière [70]. Ces conclusions à portée générale s’inspirent de travaux de sociologie de l’habitat, en particulier les recherches menées dans les années 1960 par l’Institut de sociologie urbaine (ISU) sur l’habitat pavillonnaire [71]. En faisant leur le concept d’« appropriation » d’Henri Lefebvre et la thèse des auteurs des Pavillonnaires selon laquelle le pavillon se distingue du collectif par son caractère « appropriable », les rédacteurs de ces notes mettent en doute les qualités de l’individuel groupé et des nouveaux villages, « qui se rapprochent trop par de nombreux faits du collectif », méritant ainsi l’appellation dévalorisante de « collectif horizontal ». Pour mieux définir les caractéristiques du véritable habitat individuel, le GRECOH a ainsi commandé à l’ISU une « étude approfondie sur la comparaison des pratiques dans les espaces collectifs et individuels [72] ». C’est le début d’un important mouvement de commande de recherche : dans la seconde moitié des années 1970, un nombre croissant d’études de « sociologie de l’habitat », financées par les organismes d’étude rattachés au ministère de l’Équipement vont ainsi porter sur les spécificités de l’habitat individuel, en particulier du « groupé », et des modes de vie qui lui sont associés [73]. « Grand ensemble », « HLM à l’horizontale », « collectif horizontal », la première critique des réalisations du concours Chalandon apparaît dans cette production experte qui émane des services d’études du ministère et qui est relayée par R. Lion, et cette critique affirme au nom des habitants des chalandonnettes que leurs maisons ne peuvent être considérées comme de véritables habitations individuelles.
Le devenir de la maison individuelle groupée au prisme des transformations de l’administration de la Construction
37La critique portée par les experts des services d’étude et de recherche du ministère – qui y forment alors une avant-garde intellectuelle – converge donc avec les appréciations négatives de R. Lion, alors soucieux d’orienter ses services vers la « qualité » et l’innovation architecturale. Mais chez les fonctionnaires au profil plus technicien de la Construction, l’idée que le groupé constitue le moyen adéquat pour encadrer l’essor de la maison individuelle fait encore consensus. Après l’élection de V. Giscard d’Estaing en 1974, qui fait de la maison individuelle et de l’accession à la propriété une priorité de son septennat, la question de la prolongation du concours se pose. De 1974 à 1976, la direction de la Construction se mobilise ainsi pour définir une nouvelle « politique de la maison individuelle groupée » qui doit prendre le relais des programmes Chalandon [74]. Ces discussions restent toutefois cantonnées à l’intérieur du ministère de l’Équipement, tandis qu’un débat bien plus large mobilise l’ensemble des acteurs intéressés à la politique du logement en vue de la réforme des mécanismes de l’aide publique au logement, avec en particulier la tenue de la Commission Barre en 1975 : R. Lion a ainsi quitté en 1974 la Construction pour prendre la tête du mouvement HLM où il contribue à la rédaction d’un Livre Blanc présentant la position des organismes sociaux sur cette question. C’est donc sous l’autorité du nouveau directeur de la Construction, Pierre Hervio, ingénieur des Ponts et Chaussées et ancien directeur de DDE au profil plus technicien et moins polyvalent que son prédécesseur, que se multiplient les réunions entre représentants des DDE et de l’administration centrale pour prolonger la politique du ministère en matière de maison individuelle. Un nouveau consensus s’y dessine : prolonger l’action du concours, mais en l’amendant. Les représentants des DDE sont en effet hostiles à rééditer le concours dans son aspect « foncier », qui avait permis aux candidats de proposer des terrains sans restriction, mais obligé les DDE à engager de complexes négociations avec les communes et à programmer en urgence l’équipement des terrains. Ils proposent à l’inverse que les directeurs des administrations départementales reprennent la main en prospectant en amont des terrains déjà en voie d’aménagement [75]. D’autre part, la mise en évidence des proximités entre « individuel groupé » et « grands ensembles » collectifs a fait son effet : l’idée qu’il faut imposer un plafond et non un plancher au nombre des logements fait l’unanimité, avec un maximum de deux cents maisons par groupe [76]. Toutefois, une question clive les participants : faut-il que l’administration centrale poursuive une politique « dirigiste [77] », en passant au niveau national des contrats avec des groupements de promoteurs susceptibles d’intervenir sur toute la France, afin de soutenir les promoteurs ayant fait leurs preuves dans le cadre du concours ? Ou faut-il laisser les DDE « contractualiser » avec des promoteurs locaux selon les possibilités foncières de chaque département ? Cette solution, qualifiée de « molle » par le directeur du service technique de la Construction, car elle signe le renoncement du ministère à soutenir le développement de « builders » nationaux, empêchant un « saut qualitatif ou quantitatif » en matière de construction, est pourtant celle retenue. La planification centralisée qui avait caractérisé le concours est en effet de plus en plus remise en question. Pierre Mayet, nouveau directeur de la DAFU qui fait partie de la « jeune garde » modernisatrice du corps des Ponts et Chaussées [78], favorable à une décentralisation des politiques urbaines, insiste pour que les élus locaux soient étroitement associés au choix des terrains et pour que la taille des opérations soit réduite au maximum (entre vingt et deux cents maisons) [79]. Ces « concours régionaux », lancés début 1976, sont délégués aux directions régionales de l’Équipement, chargées de trouver des terrains en accord avec les élus locaux. L’administration centrale se désengage de l’organisation de ces concours, qui tardent à démarrer, et renvoient les organismes HLM, qui souhaitent y participer mais ne parviennent pas à s’en procurer les calendriers, vers les directions régionales, seules responsables du « lancement de la phase active de la consultation [80] ». Ces « CRUGMIG », selon le sigle adopté, ne donneront finalement lieu qu’à la construction de 2300 à 2500 logements, bien loin du volume du concours Chalandon [81]. Le retrait de la direction de la Construction de ces opérations semble définitif avec le remplacement de P. Hervio par Jean-François Bloch-Lainé, énarque et inspecteur des Finances venant de la direction du Trésor, qui prend la tête de la Construction pour mettre en place la délicate réforme de l’aide au logement adoptée en 1977. Spécialiste de questions financières, celui-ci ne s’intéresse guère à la politique technique de la « maison groupée [82] ». Seule exception, en 1976-1977, la direction de la Construction avec le Secrétariat central des villes nouvelles, programme des ensembles groupés pour réorienter la construction des villes nouvelles de la région parisienne vers l’habitat individuel [83] : ce n’est ainsi que dans les espaces emblématiques de la planification urbaine que se prolonge l’intervention étatique pour discipliner l’habitat individuel. Au sein de cet espace restreint du champ administratif qu’est la direction de la Construction, les nouveaux clivages et rapports de force décrits par P. Bourdieu et R. Christin autour de la préparation de la réforme de l’aide au logement sont sensibles. Avec la présence croissante, dans ses services d’expertise et aux postes de direction d’une élite réformatrice qui prône de nouvelles formes d’intervention de l’État dans le domaine du logement, plus « qualitative » pour R. Lion, plus décentralisée pour P. Mayet, et passant principalement à la suite de la réforme de 1977 par des mesures de solvabilisation des ménages – l’aide personnalisée au logement étant étendue aux accédants à la propriété – l’administration centrale de l’Équipement cesse d’intervenir directement dans la définition des formes de l’habitat populaire, ouvrant ainsi la voie à l’essor de la maison diffuse à laquelle elle était pourtant très hostile à la fin des années 1960.
De la dévalorisation des chalandonnettes à la perte de légitimité de l’intervention étatique dans la construction privée
38Si l’abandon de la politique de la maison individuelle groupée procède de transformations dans l’administration de la Construction, la « scandalisation » des chalandonnettes contribue en retour à saper la légitimité de son intervention dans le secteur de la construction privée. Les problèmes de malfaçons plus ou moins graves qui touchent certains groupes Chalandon font l’objet d’une publicisation croissante. À partir de 1975, alors que la Construction planche sur les « concours régionaux », ses services expriment leurs inquiétudes quant à la dégradation de l’image publique des « concours » lancés par l’État : « Les concours de l’administration peuvent être vécus par le public soit comme un facteur d’innovation, soit comme un facteur d’abaissement de la qualité, ce qui est le cas pour le CIMI [84]. »
39Les services de la Construction préconisent le remplacement du terme de « concours » par le mot « promotion » en vue du lancement des concours régionaux, pour éviter leur assimilation au concours Chalandon. La direction de la Construction estime pourtant que ces malfaçons sont d’ampleur limitée : en réaction aux « attaques de la presse qui se fait régulièrement l’écho d’un certain nombre d’opérations pour lesquelles des malfaçons graves sont dénoncées » [85], un bilan du concours, réalisé en 1977, estime à 4077 le nombre de logements, sur les 60 000 construits, qui sont concernés par de réelles défectuosités. Tout en reconnaissant que les dispositifs de contrôle de qualité que devaient mettre en place les DDE ont mal fonctionné, l’auteur de ce bilan regrette que « le jugement du grand public, qui assimile l’ensemble des résultats à 7 ou 8 % des réalisations » soit « aussi sévère ». Le sort d’accédants touchés par ces problèmes fait l’objet à partir de 1977 de questions adressées au gouvernement par des députés demandant que l’État accorde son aide aux accédants en difficulté de leurs circonscriptions [86]. Bien qu’elle estime que la responsabilité de l’État n’est pas engagée, la direction de la Construction suggère alors qu’une aide soit accordée à ces accédants pour préserver « l’image de marque du concours et de tous les concours que lancent les pouvoirs publics ». Mais cette image est définitivement entachée fin 1977, à l’occasion du vote à l’Assemblée nationale d’un projet de loi sur l’assurance-construction. Des parlementaires prennent longuement la parole pour dénoncer le « scandale des chalandonnettes », l’assortissant d’une critique plus globale de la dimension ségrégative des politiques du logement. Des députés communistes dénoncent le « champ de ruine » qu’auraient laissé le concours Chalandon et la politique d’encouragement à l’accession et sont rejoints dans leurs critiques par des députés de la majorité ou par l’ancien ministre du MRU Eugène Claudius-Petit qui dénonce « le mythe de la maison bon marché [87] ». La position des services de la Construction et du secrétaire d’État au Logement selon laquelle ces malfaçons relèvent de problèmes de « droit privé », ne paraît dès lors plus tenable, et les services de l’Équipement mettent en place un suivi des opérations litigieuses, finalement estimées à 12,8 % des réalisations [88]. Le concours Chalandon s’achève donc par une mise en accusation des effets pervers de l’intervention étatique dans le secteur de la construction. Le terme de « chalandonnettes » est devenu pour longtemps synonyme de maisons de faible qualité. La forme du « concours » organisé par l’État pour abaisser les coûts de la construction, qui existe sous diverses appellations depuis les années 1950, et qui avec l’opération Chalandon a pris une ampleur nouvelle dans le secteur de la maison individuelle, connaît ensuite une longue éclipse.
40Les tentatives inabouties du ministère de l’Équipement visant à encadrer l’essor de la maison individuelle au tournant des années 1970 sont le support d’un foisonnement de productions normatives sur ce qu’est ou doit être la propriété populaire. Certaines d’entre elles – comme le rejet de l’habitat pavillonnaire incontrôlé qui n’a pas encore été renommé « étalement urbain » – font figure de lieu commun parmi les élites politiques et administratives d’alors, revenant régulièrement dans la bouche de ministres, hauts fonctionnaires, architectes ou urbanistes. Elles prennent aussi la forme d’un langage plus technique lorsqu’il s’agit de proposer un « contre-modèle » à cet habitat pavillonnaire honni et de formuler une définition positive d’une propriété individuelle « rationalisée », qui prend alors le nom d’« habitat individuel groupé ». Cette définition est toutefois battue en brèche par des acteurs privés, notamment par les constructeurs de maisons individuelles en série, dont les intérêts s’accommodent mal des velléités de l’administration centrale de reconfigurer leurs modes de production, et qui diffusent en retour un discours sur la nécessité d’un « vrai habitat individuel », doté d’espaces privatifs clairement délimités dont la clôture est le symbole. Des travaux experts, prenant la forme d’enquêtes sur les préférences et les aspirations des Français, mais aussi des travaux de sociologie portant sur les « modes de vie » au sein des différents types d’habitat individuel, viennent successivement appuyer l’une et l’autre de ces thèses. Dans les années 1970, les élites administratives, politiques, industrielles ou savantes semblent donc toutes avoir leur mot à dire sur la propriété populaire, au confluent des transformations du secteur privé et public de la construction, et de l’évolution des formes de l’intervention publique dans la construction privée. Ainsi, plutôt que de voir cette décennie comme celle de l’émergence d’une politique nouvelle visant à favoriser l’essor de la maison individuelle à bas prix, il nous semble que les années 1970 sont celles où se concurrencent au sein de l’administration centrale plusieurs manières de concevoir l’action publique dans ce secteur. Avec la dévalorisation symbolique des chalandonnettes, on voit ainsi comment s’affaiblit la légitimité d’une intervention étatique directe dans le secteur de la construction des maisons « bas de gamme », qui laisse place à un nouveau type de soutien public à la propriété populaire, reposant principalement sur les mesures de solvabilisation des accédants issues de la réforme de l’aide au logement de 1977.
Notes
-
[1]
Sur le modèle des cités-jardins et du quartier périphérique réalisé en bloc, Magri (S.), Topalov (C.), « L’habitat du salarié moderne en France, Grande-Bretagne, Italie et aux États-Unis, 1910-1925 », in Cohen (Y.), Baudouï (R.), dir., Les chantiers de la paix sociale (1900-1940), Fontenay-Saint-Cloud, ENS Éditions, 1995. Sur les grands ensembles et les villes nouvelles, Fourcaut (A.), « Les premiers grands ensembles en région parisienne : ne pas refaire la banlieue ? », French Historical Studies, 27 (1), 2004 ; Fourcaut (A.), Vadelorge (L.), dir., « Villes nouvelles et grands ensembles », Histoire urbaine, 17, 2006.
-
[2]
Pouvreau (B.), « Des “maisons nouvelles” pour en finir avec les “pavillons de banlieues” », in Voldman (D.), dir., Désirs de toit : le logement entre désir et contrainte depuis la fin du XIXe siècle, Paris, Créaphis, 2010.
-
[3]
Bourdieu (P.), Christin (R.), « La construction du marché : le champ administratif et la production de la politique du logement », Actes de la recherche en sciences sociales, 81-82, 1990.
-
[4]
Bourdieu (P.), Les structures sociales de l’économie, Paris, Seuil, 2000.
-
[5]
Topalov (C.), Le logement en France. Histoire d’une marchandise impossible. Paris, Presses de Sciences Po, 1987.
-
[6]
Fourcaut (A.), « Débats et réalisations de l’entre-deux-guerres ou le lotissement comme contre-modèle », Cahiers de l’Institut d’Histoire du Temps Présent, 17, 1990.
-
[7]
Magri (S.), « Le pavillon stigmatisé. Grands ensembles et maisons individuelles dans la sociologie des années 1950 à 1970 », L’année sociologique, 58, 2010.
-
[8]
Effosse (S.), L’invention du logement aidé en France : l’immobilier au temps des Trente Glorieuses, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2003.
-
[9]
Croizé (J.-C.), Politique et configuration du logement en France (1900-1980), habilitation à diriger des recherches, Université de Nanterre, novembre 2009, en particulier le volume IV, Normes et maîtrise du coût de la construction (1945-1980).
-
[10]
Circulaire du 15 mars 1962 relative à la maison familiale et à l’urbanisme, JO du 28 mars 1962.
-
[11]
Bulletin statistique de la Construction, supplément annuel 1966.
-
[12]
Thoenig (J.-C.), L’Ère des technocrates : le cas des Ponts et Chaussées, Paris, L’Harmattan, 1987.
-
[13]
CAC 19771153, art. 2, notes du 16 décembre 1964 et de février 1965 sur l’industrialisation des maisons individuelles signées d’Y. Aubert.
-
[14]
CAC 19771060, Division des programmes de la direction de la Construction, homologation des plans-types de Logecos, 1960-1963.
-
[15]
Le service versant des archives de l’opération Villagexpo est le « service de la politique technique », aussi nommé « division technique » ou « bureau technique » de la direction de la Construction [Bordereau de versement aux Archives nationales, « opération Villagexpo », versement 19771153 (61 articles), section des missions du Centre des archives contemporaines].
-
[16]
CAC 19771153, art. 2, Note sur l’industrialisation des maisons individuelles du directeur de la Construction Y. Aubert, à l’attention du ministre, février 1965.
-
[17]
CAC 19771153, art. 2, « Note sur les enseignements que l’on peut tirer des décisions prises par le Jury de l’exposition de maisons individuelles », 26 juillet 1965, division technique de la direction de la Construction.
-
[18]
P. Delouvrier (1914-1995), inspecteur des Finances passé par le Commissariat général au Plan, est devenu en 1961 délégué général du District de la Région de Paris, titre qu’il cumule en 1966 avec la fonction de préfet de la nouvelle région parisienne, où il est en charge de la définition du Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme (SDAU), cf. Rouban (L.), « Un inspecteur des Finances atypique », in Laurent (S.), Roullier (J.-E.), (dir.), Paul Delouvrier, un grand commis de l’État, Paris, Presses de Sciences Po, 2005.
-
[19]
Effosse (S.), Première campagne d’archives orales « Acteurs et mémoires de villes nouvelles », Programme interministériel Histoire et évaluation des villes nouvelles, cf. notamment l’entretien réalisé avec R. Nungesser, juin-septembre 2002.
-
[20]
CAC 19771153, art. 3, Coupures de presse sur la visite du chantier du Villagexpo, « En quelques mois, un nouveau village aura été édifié de toutes pièces ».
-
[21]
Ibid., Déclarations à la presse d’E. Pisani, visite inaugurale de Villagexpo, 23 septembre 1966.
-
[22]
Villagexpo est composé en tout de vingt-deux « hameaux » pour un total de 187 maisons sur un terrain de dix hectares.
-
[23]
CAC 19771153, art. 5, lettre du 12 octobre 1966 et communiqué de presse de 21 octobre 1966 de R. Nungesser demandant à P. Delouvrier de rechercher dix zones de vingt hectares en région parisienne sur lesquelles pourraient à chaque fois être édifiées cinq cent maisons individuelles.
-
[24]
CAC 19771153, art. 6, « Prolongements des opérations Villagexpo en région parisienne », progression des études au 1er mars 1969.
-
[25]
Bulletin statistique du secrétariat d’État au Logement, supplément annuel 1966.
-
[26]
CAC 19771153, art. 3, note d’Y. Aubert au ministre de l’Équipement du 6 octobre 1966.
-
[27]
Ibid., « Allocation de clôture » de R. Nungesser, opération Villagexpo.
-
[28]
Compte rendu de la séance du 29 novembre 1966 du Centre d’études supérieures de la construction, sous la présidence de P. Charlet, inspecteur général de la Construction, in « Pourquoi Villagexpo ? » Annales de l’institut technique du bâtiment et des travaux publics, mai 1967, 233, série architecture et urbanisme, 37.
-
[29]
Ibid., Intervention de M. Calmon, représentant du SMI.
-
[30]
Bulletin statistique du ministère de l’Équipement, 11, novembre 1967.
-
[31]
CAC 19840592, art. 17, « Séminaire pour l’étude de la productivité en matière de maisons individuelles », CSTB, 25 et 26 juin 1968 » ; CAC 19770813 art. 7, séminaire IRCOM « La maison individuelle en France, problèmes d’urbanisme et problèmes de marché », 19 octobre 1969.
-
[32]
CAC 19840592, art. 1, « Ce que veulent les gens », synthèse d’enquêtes sur les préférences des Français en matière de maison individuelle, 5 mai 1969, note à l’attention de M. Stern, conseiller technique au cabinet du ministre de l’Équipement ; « Enquête auprès des visiteurs de Villagexpo », IRCOM, 1969 ; « Le marché de la maison individuelle en France », IRCOM, 1970.
-
[33]
CAC 19770813, art. 7, Séminaire IRCOM du 19 octobre 1969, Communication d’A. Pux, « Considérations sur le développement de la maison industrialisée en France et à l’étranger ».
-
[34]
A. Chalandon, professionnel de la politique gaulliste et inspecteur des Finances, est nommé ministre de l’Équipement et du Logement le 12 juillet 1968 après un bref passage à l’Industrie. Arrivé à ce poste sous le dernier gouvernement de la présidence De Gaulle, il y est maintenu après la démission de ce dernier et l’élection à la présidence de la République de G. Pompidou, l’occupant jusqu’au 6 juillet 1972.
-
[35]
La posture critique d’A. Chalandon à l’égard de son administration n’est pas nouvelle, puisqu’il s’est violemment heurté à ses services peu de temps après son arrivée en tentant sans succès de limiter leur pouvoir sur l’attribution des permis de construire, cf. Lengereau (E.), L’État et l’architecture (1958-1981) : une politique publique ?, Paris, Picard, 2001.
-
[36]
CAC 19840592, art. 1, « Une nouvelle politique de l’urbanisme, place et rôle de la maison individuelle », Conférence-débat du ministre de l’Équipement et du Logement A. Chalandon, Chambre de commerce et d’industrie de Paris, 4 mai 1969.
-
[37]
Ainsi Marie-Christine Jaillet souligne-t-elle le « rôle prépondérant d’A. Chalandon dans la mise en place d’une politique pavillonnaire » bénéficiant aux constructeurs sur catalogue, thèse en décalage avec le désintérêt que nous observons de ces constructeurs pour le concours : Jaillet (M.-C.), Les pavillonneurs, Paris, Éditions du CNRS, 1982. Il nous semble aussi utile de nuancer le sens donné par P. Bourdieu et Rosine Christin au soutien étatique à l’essor de la maison individuelle au début des années 1970 : cf. Bourdieu (P.), Les structures sociales de l’économie, op. cit., p. 115. En faisant du concours de la maison individuelle l’un des signes d’une volonté « d’accélérer le désengagement de l’État et de faire entrer le logement dans la logique du marché », les auteurs reprennent à leur compte l’interprétation qu’en donne alors A. Chalandon. Ils laissent toutefois dans l’ombre le fait que les modalités concrètes du concours sont plus proches des formes habituelles d’intervention de la direction de la Construction sur le marché du logement, visant à encadrer la construction par l’attribution ciblée d’aides à la pierre, que des positions alors défendues par les hauts fonctionnaires « novateurs » favorables à la suppression de l’aide à la pierre, dont P. Bourdieu et R. Christin ont montré le rôle moteur dans la réforme de 1977 (cf. infra).
-
[38]
CAC 20010298, art. 43, Note d’Y. Aubert en réponse aux demandes du ministre de « proposer toutes dispositions utiles afin de pouvoir réaliser maisons individuelles à des conditions de prix nettement inférieurs à ceux pratiqués jusqu’alors », 9 décembre 1968.
-
[39]
CAC 19770813, art. 5, Compte rendu de la réunion du cabinet du ministre de l’Équipement, 10 décembre 1968.
-
[40]
CAC 20010298, art. 43, « Notes relatives à l’esprit du concours », signées de J.?H. Labourdette.
-
[41]
Ibid. Propositions pour le concours de maisons individuelles suivant la réunion du groupe de travail du 20 février 1969.
-
[42]
CAC 19850492, art. 15, déclarations de R. Rudeau, directeur de la DAFU, délibérations du jury du CIMI.
-
[43]
CAC 19840592, art. 15, compte rendu des délibérations du jury du CIMI.
-
[44]
CAC 19770813, art. 5, réunion du cabinet du ministre, 3 mars 1969.
-
[45]
CAC 19840592, art. 1, ébauche du dossier d’information pour le concours de la maison individuelle, cabinet du ministre de l’Équipement, 27 mars 1969.
-
[46]
CAC 20010298, art. 42, « Note sur l’avancement du CIMI au 1er novembre 1976 », signée de H. Thome, ingénieur TPE chargé du bureau des opérations HLM à la direction de la Construction, 7 février 1977.
-
[47]
Cette expression est employée par A. Chalandon dans son discours de lancement du concours.
-
[48]
Le groupe de travail à l’origine du concours a pris contact avant d’en fixer les modalités avec les sociétés Phénix et Balency, constructeurs de maisons sur catalogue, pour s’assurer que ceux-ci étaient prêts à « entrer dans le jeu du concours », CAC 20010298 art. 42, note sur la réunion du 20 février 1968 du groupe de travail sur le concours de la maison individuelle, signée par Bruno Grange, conseiller technique du ministre de l’Équipement.
-
[49]
CAC 20010298, art. 42. note à l’attention de R. Lion, directeur de la Construction, signée du chef du service technique J. Desmadryl, 23 septembre 1969.
-
[50]
Ibid., Bilan au 31 mars 1977 du CIMI, division des opérations de la direction de la Construction, note du 6 avril 1977.
-
[51]
CAC 19840592, art.15, Allocution d’A. Chalandon, 16 janvier 1970.
-
[52]
Landauer (P.), L’invention des grands ensembles : la Caisse des Dépôts maître d’ouvrage, Paris, Picard, 2010.
-
[53]
Bulletin statistique du ministère de l’Équipement, année 1976.
-
[54]
CAC 20010298, art.42, « Réflexions sur les résultats du CIMI », Note confidentielle adressée à J. Desmadryl, chargé de la réglementation technique à la direction de la Construction, par G. Bourgeois, ingénieur en chef de la DDE du Nord, 12 mars 1970.
-
[55]
La part de l’individuel dans la construction neuve atteint son point bas entre 1962 et 1968 avec 33 %, alors que le volume de production des logements collectifs est à son plus haut, cf. Durif (P.), Berniard (S.), « Les Français et la maison individuelle », Économie et statistique, 7 (1), 1969.
-
[56]
Audirac (P.), « 1968?1975, renouvellement accéléré du parc de logements », Économie et statistique, 92 (1), 1977.
-
[57]
Cette transformation des filières d’accès à la propriété populaire dans les années 1970 est analysée en détail par C. Topalov, Le logement en France…, op. cit.
-
[58]
Bourdieu (P.), Christin (R.), « La construction du marché… », 1990, art. cit.
-
[59]
CAC 19840592, art. 1, Étude de l’IRCOM de 1972 citée dans « Bilan provisoire du CIMI », juin 1974.
-
[60]
La trajectoire de R. Lion dans la haute administration a été largement analysée. Sur sa position au moment de la réforme de l’aide au logement, cf. Bourdieu (P.), Christin (R.), « La construction du marché… », art. cit. ; sur sa contribution à l’invention de la politique de la ville, cf. Tissot (S.), L’État et les quartiers, Paris, Seuil, 2007.
-
[61]
Voici le jugement qu’il porte a posteriori sur son prédécesseur dans un entretien accordé à la revue Urbanisme : « À mon arrivée au quai de Passy, c’était le blocage : les portes étaient fermées à l’innovation architecturale. Mon prédécesseur, Y. Aubert, n’avait en cinq ans accepté que deux propositions innovantes alors qu’il était sollicité tous les jours par des maîtres d’œuvre qui voulaient sortir des sentiers battus. Il y avait une opposition radicale de tout le corps administratif concernant ces dossiers », Urbanisme, 365, 2009.
-
[62]
CAC 19840592 art. 1, Bilan d’activité du Plan Construction, 1971-1974, Expérimentation des formes nouvelles d’habitat.
-
[63]
Dans la documentation sur la politique de la maison individuelle du ministère, l’opération qui suit le concours Chalandon est le « Jeu de construction », lancé en février 1972 sous le patronage de R. Lion et piloté par le Plan-Construction, qui est destiné à produire des maisons individuelles « modulables ». Ce concours relève essentiellement de la recherche architecturale, attirant principalement selon une note du GRECOH une « population aisée aux niveaux de diplôme élevés » et débouchant sur la construction de seulement vingt prototypes [CAC 19840592, art. 1].
-
[64]
CAC 19850389, art. 74, Note de R. Lion, autour de la préparation en 1973 d’un dossier documentaire destiné à nourrir un discours du secrétaire d’État au Logement sur la maison individuelle, 13 juillet 1973.
-
[65]
Groupe d’études et de recherche sur la construction et l’habitation.
-
[66]
Bourdieu (P.), Christin (R.), « La construction du marché… », art. cit.
-
[67]
Pour un aperçu des recherches du GRECOH, cf. Les Cahiers du GRECOH, 1973-1978, BNF 4-JO-29744 ; pour une présentation du GRECOH et du Bureau des études sociologiques, cf. Équipement, Transports, Logement, revue du ministère de l’Équipement, 67?68?69, 1972.
-
[68]
CAC 19840592, art. 1, résumé de l’étude de J. Nizey, Ph. Laneyrie, J. Ion, P.-H. Martin, B. Vennin, « Une étude comparative des conditions d’habitat dans trois ensembles de pavillons Chalandon de la région Rhône-Alpes », CRESAL, juillet 1974.
-
[69]
CAC 19840592, art. 1, « Note sur les réactions des habitants des lotissements de maisons individuelles » (2 p.), émanant du bureau des études sociologiques du GRECOH, dans laquelle la citation ci-dessus est soulignée.
-
[70]
Ibid. Notes sur les études concernant les maisons individuelles, GRECOH, 27 avril 1973.
-
[71]
Raymond (H.), Raymond (M-G.), Haumont (N.), Haumont (A.), L’Habitat pavillonnaire, Paris, Institut de sociologie urbaine, Centre de recherche d’urbanisme, 1966.
-
[72]
Haumont (N.), Raymond (H.), Bernard-Simonet (H.), Bœuf (C.), « Habitat et pratique de l’espace : études des relations entre l’intérieur et l’extérieur du logement », 1972, rapport commandé par le GRECOH et le Plan-Construction.
-
[73]
Voir sur ce point le versement de la direction de la Construction consacré aux études et rapports sur l’habitat [CAC 20110125, 169 articles], en particulier la section consacrée à la sociologie de l’habitat (articles 57 à 100) et parmi celle-ci les articles 131 et 140 portant sur l’habitat individuel, exclusivement constitué d’études menées entre 1969 et 1984.
-
[74]
CAC 19850389, art. 74, dossier « politique de la maison individuelle groupée » du 6e Plan.
-
[75]
Ibid., Réunion du 10 septembre 1974 des représentants de DDE et de l’administration centrale autour des suites à donner au concours Chalandon.
-
[76]
Ibid., Circulaire du ministère de l’Équipement à destination des préfets de Région et services régionaux de l’Équipement, 29 août 1975.
-
[77]
Ibid., Note relative à la mise en œuvre d’une politique contractuelle en faveur de groupements de maisons individuelles, Pierre Chemillier, service technique de la direction de la Construction, 22 avril 1974.
-
[78]
Duran (P.), « Moderniser l’État ou le service public ? Les chantiers de l’Équipement ». Politiques et management public, 11 (1), 1993.
-
[79]
CAC 19850389, art. 74, notes manuscrites, « Réunion chez P. Mayet », datée du 13 mai 1975.
-
[80]
Actualités HLM, 111, 27 février 1976.
-
[81]
CAC 20110125, art. 128, Bilan sur les CRUGMIG, direction de la Construction, ministère de l’Urbanisme et du Logement, 1981.
-
[82]
Cf. Bloch-Lainé (J.-M.), « Un espace pour la vie, réflexion publique sur l’habitat en France », rapport commandé en 1977 par la présidence de la République, dans lequel le directeur de la Construction moque les « engouements saisonniers pour l’individuel groupé, l’individuel en bande, la maison solaire ».
-
[83]
CAC 19840392, art. 329 et 300, « Maisons individuelles en ville nouvelle ».
-
[84]
CAC 19850389, art. 74, Note d’H. Thomé, Division des opérations de construction, direction de la Construction, adressée à P. Hervio, 24 juin 1975.
-
[85]
CAC 20010298, art. 42, CIMI, bilan au 31 mars 1977, direction de la Construction, ministère de l’Équipement.
-
[86]
Par exemple : question n° 1299 de Gilbert Sénès, député socialiste de l’Hérault au ministre de l’Équipement, « Lotissements réalisés dans le cadre du concours de la maison individuelle », JORF, Assemblée nationale, 2e séance du mercredi 9 novembre 1977, p. 7222.
-
[87]
JORF, Assemblée nationale, Examen en 1re lecture de la loi sur l’assurance construction, séance du 19 décembre 1977, p. 8968-8989.
-
[88]
CAC 19840592, art. 248. Dossiers de contentieux, enquêtes sur les opérations présentant des malfaçons graves, CIMI.