Politix 2005/4 n° 72

Couverture de POX_072

Article de revue

La dépendance ou la consécration française d'une approche ségrégative du handicap

Pages 11 à 31

Notes

  • [1]
    Kohli (M.), “The World We Forgot : A Historical Review of the Life Course”, in Marshall (V.), ed., Later Life. The Social Psychology of Aging, Beverly Hills, Sage, 1996.
  • [2]
    Gaullier (X.), « La protection sociale et les nouveaux parcours de vie », Esprit, février 2001.
  • [3]
    Legrand (M.), « Introduction », in Legrand (M.), dir., La retraite : une révolution silencieuse, Toulouse, Erès, 2001, p. 16.
  • [4]
    Veysset (B.), Dépendance et vieillissement, Paris, L’Harmattan, 1989.
  • [5]
    Deremble (J.-P.), Veysset (B.), « La valeur paradoxale de la vieillesse », Les cahiers de la recherche sur le travail social, 15,1988, p. 52.
  • [6]
    Padioleau (J.-G.), L’État au concret, Paris, PUF, 1982, p. 25.
  • [7]
    Cobb (R. W.), Ross (M. H.), “Agenda Setting and the Denial of Agenda Access : Key Concepts“, in Cobb (R. W.), Ross (M. H.), eds., Cultural Strategies of Agenda Denial : Avoidance, Attach and Redefinition, Lawrence, University Press of Kansas, 1997.
  • [8]
    Bouget (D.), Tartarin (R.), dir., Le prix de la dépendance, Paris, CNAV, La Documentation française, 1990, p. 2.
  • [9]
    Ennuyer (B.), « Histoire d’une catégorie : “Personnes âgées dépendantes” », in Martin (C.), dir., La dépendance des personnes âgées. Quelles politiques en Europe ?, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2003, p. 97.
  • [10]
    Barthe (J.-F.), Clément (S.), Drulhe (M.), « Vieillesse ou vieillissement ? Les processus d’organisation des modes de vie chez les personnes âgées », Les cahiers de la recherche sur le travail social, 15,1988.
  • [11]
    Gusfield (J.), The Culture of Public Problems : Drinking, Driving and the Symbolic Order, Chicago, Chicago University Press, 1981.
  • [12]
    Lenoir (R.), « Politique familiale et construction sociale de la famille », Revue française de science politique, 41 (6), 1991.
  • [13]
    Howlett (M.), Ramesh (M.), Studying Public Policy, Policy Cycles and Policy Subsystems, Oxford, Oxford University Press, 1995.
  • [14]
    Berger (P.), Luckmann (T.), La construction sociale de la réalité, Paris, Méridien-Klincksiek, 1986, p. 26.
  • [15]
    Deremble (J.-P.), Veysset (B.), « La valeur paradoxale de la vieillesse », art. cité.
  • [16]
    Guillemard (A.-M.), La vieillesse et l’État, Paris, PUF, 1980.
  • [17]
    Blanchet (D.), « Les débats sur le vieillissement : un besoin de recentrage », Gérontologie et société, 81, 1997.
  • [18]
    Quang-hi (D.), Le Bas (J.-C.), « Projection de population totale pour la France 1985-2040 », Les collections de l’INSEE, série D, 113, novembre 1986.
  • [19]
    Attias-Donfut (C.), « Dépendance des personnes âgées : pourvoyance familiale et pourvoyance sociale », Revue française des affaires sociales, 47 (4), 1993.
  • [20]
    Circulaire n° 1575 du 24 septembre 1971 sur la politique relative aux équipements sanitaires et sociaux en faveur des personnes âgées ; Rapport de l’Intergroupe en 1971 ; Rapport du Conseil économique et social, dit rapport Brudon (1976) ; Rapport du Haut-Comité de la population sur le « vieillissement de la population (1980) ; Rapport du Commissariat général du Plan, dit rapport Lion (1980) ; rapport Teulade (cf. Secrétariat d’État auprès du Premier ministre chargé du Plan, Protection sociale – rapport de la commission présidée par M. René Teulade, Xe Plan, 1989-1992, Paris, La Documentation française, 1989, p. 28).
  • [21]
    David (M.-G.), Starzec (C.), « Aisance à 60 ans, dépendance et isolement à 80 ans », Insee Première, 447, avril 1996.
  • [22]
    La précocité du vieillissement de la population française, notamment liée à la limitation des naissances, a favorisé la constitution d’une école de démographes précurseurs quant aux méthodes utilisées : Bertillon père et fils, Landry, Sauvy.
  • [23]
    Bourdelais (P.), L’âge de la vieillesse, Paris, Odile Jacob, 1993.
  • [24]
    Bourdelais (P.), « Vieillissement de la population ou artefact statistique », Gérontologie et société, 49, 1989.
  • [25]
    Source : INSEE, France, portrait social, Dossier « La dépendance des personnes âgées : recours aux proches et aux aides professionnelles », 1998/1999.
  • [26]
    Lenoir (R.), « L’invention du “troisième âge”. Constitution du champ des agents de gestion de la vieillesse », Actes de la recherche en sciences sociales, 26-27,1979, p. 70.
  • [27]
    Guillemard (A.-M.), « La dynamique sociale des politiques de la vieillesse en France », Gérontologie et société, 41,1987.
  • [28]
    Skidelsky (R.), « L’État sans la providence », Le débat, 95, mai-août 1997.
  • [29]
    Chevallier (J.), L’État de droit, Paris, Montchrestien, 1994, p. 102-104.
  • [30]
    Bourdieu (P.), Boltanski (L.), Saint-Martin (M. de), « Les stratégies de reconversions », Informations sur les sciences sociales, 12 (5), 1973.
  • [31]
    L’expression est de Moroney (cf. Moroney (R.), The Family and the State, London, Longamn, 1976).
  • [32]
    Martin (C.), « Les solidarités familiales : bon ou mauvais objet sociologique ? », in Debordeaux (D.), Strobel (P.), dir., Les solidarités familiales en questions. Entraide et transmission, Paris, LGDJ, 2003, p. 43.
  • [33]
    Monorey (R.), The Family and the State, op. cit.
  • [34]
    Warin (P.), « Les “ressortissants” dans les analyses des politiques publiques », Revue française de science politique, 49 (1), février 1999, p. 104.
  • [35]
    Castel (R.), « L’État providence et la famille. Le partage précaire de la gestion des risques sociaux », in Singly (F. de), Schultès (F.), dir., Affaires de famille, affaires d’État, IFRAS / Goethe-institut, 1991, p. 26.
  • [36]
    Beauvoir (S. de), La vieillesse, Paris, Gallimard, 1970.
  • [37]
    Singly (F. de), Sociologie de la famille contemporaine, Paris, Nathan, 2004, p. 77.
  • [38]
    Jamous (H.), Sociologie de la décision. La réforme des études médicales et des structures hospitalières, Paris, Éditions du CNRS, 1969.
  • [39]
    Feller (E.), « La vieillesse et le regard médical dans la France du premier XXe siècle. De la “verte vieillesse” à la “séniculture” : l’émergence de la Gérontologie », Gérontologie, 112,1999.
  • [40]
    Il s’agit de la société gérontologique de Bordeaux et du Sud-Ouest (SGBSO) fondée par Hugues Destrem. D’autres sociétés régionales suivront.
  • [41]
    Cf. Ennuyer (B.), « 1973-1997, la généalogie de la prestation spécifique dépendance. La lente montée d’un processus de ségrégation et de stigmatisation des “personnes âgées dépendantes” », Gérontologie et société, 84,1998.
  • [42]
    Katz (S.) et al., “Studies of Illness in the Aged. The Index of ADL. A Standardized Measure of Biological and Physiological Function”, Journal of American Medical Association, 185,1963.
  • [43]
    Lawton (M. P.), Brody (E. M.), “Assessment of Older People : Self Maintaining and Instrumental Activities of Daily Living”, The Gerontologist, 9,1969.
  • [44]
    Ennuyer (B.), « 1973-1997, la généalogie de la prestation spécifique dépendance. La lente montée d’un processus de ségrégation et de stigmatisation des “personnes âgées dépendantes” », art. cité.
  • [45]
    François (B.), La cinquième République dans son droit. La production d’un corps de connaissances spécifique sur la politique et les institutions, Thèse de Science politique, Université Paris I, 1992.
  • [46]
    Entretien avec Joël Ankri, médecin gériatre et Maître de conférences en santé publique à l’université Versailles-Saint-Quentin en Yvelines.
  • [47]
    Munnichs (J.), Van den Heuvel (W.), Dependency or Interdependency in Old Age, The Hague, Martinus Nijhoff, 1976 (cité par Ennuyer (B.), L’institutionnalisation de la dépendance, op. cit.).
  • [48]
    Drouet-Baldy (J.), Gognalons-Caillard (M.), Vers un modèle explicatif du grand âge, GRAEG, Association de gérontologie du XIIIe arrondissement, juillet 1977 (cité par Ennuyer (B.), L’institutionnalisation de la dépendance, op. cit.).
  • [49]
    Goffman (E.), Stigmate. Les usages sociaux du handicap, Paris, Minuit, 1975, p. 13.
  • [50]
    Arreckx (M.), L’amélioration de la qualité de vie des personnes âgées dépendantes, Paris, Assemblée nationale, 1979.
  • [51]
    Commissariat général du Plan, Vieillir demain, Rapport du groupe « Prospective personnes âgées », Paris, La Documentation française, 1980.
  • [52]
    Entretien avec Jean-Claude Henrard, participant au rapport Lion. Médecin gériatre à l’Hôpital Sainte-Périne (Paris), Professeur de santé publique et membre du cabinet Franceschi (1981-1984).
  • [53]
    Denni (B.), « Les vieux et le pouvoir du suffrage », Gérontologie, 81,1981.
  • [54]
    Entretien avec Jean-Claude Henrard.
  • [55]
    Trois principaux thèmes de réflexion étaient retenus : 1) Parcours des âges ; 2) la vie dans la cité ; 3) autonomie et dépendance (prévention du vieillissement et préservation de l’autonomie ; perte de l’autonomie et dépendance).
  • [56]
    Henrard (J.-C.), « Du troisième âge à la dépendance », Actualité et dossier en santé publique, 20,1997.
  • [57]
    Entretien avec Jean-Claude Henrard.
  • [58]
    Ibid.
  • [59]
    Pesce (R.), dir., Inégalités et exclusion : les pouvoirs locaux à l’épreuve du social, Rapport de synthèse du groupe d’étude de la Décentralisation, mars 1994.
  • [60]
    Memmi (A.), La dépendance, Paris, Gallimard, 1979.
  • [61]
    Muller (P.), « Entre le local et l’Europe. La crise du modèle français de politique publique », Revue française de science politique, 42 (2), 1992, p. 290.
  • [62]
    Jobert (B.), « Ambiguïté, bricolages et modélisation. La construction intellectuelle des politiques publiques », in CRESAL, Les raisons de l’action publique, Paris, L’Harmattan, 1994.
  • [63]
    Cf. Frinault (T.), Action publique et transformations des modes de socialisation de la vieillesse. Les politiques de prise en charge des personnes âgées dépendantes, thèse de science politique, Université Rennes I, septembre 2003.
  • [64]
    Loi 97-60 du 24 janvier 1997 tendant, dans l’attente du vote de la loi instituant une prestation d’autonomie pour les personnes âgées dépendantes, à mieux répondre aux besoins des personnes âgées par l’institution d’une prestation spécifique dépendance.
  • [65]
    Entretien avec Jean-Claude Boulard, député socialiste de la Sarthe, maire du Mans depuis 2001.
  • [66]
    Belorgey (J.-M.), « Du handicap à la dépendance : la trappe ? », Droit social, 7-8,1999, p. 704.
  • [67]
    Recommandation n° 98 (9) du comité des ministres aux États membres relative à la dépendance.
  • [68]
    Kessler (F.), « Les normes du Conseil de l’Europe et la législation française sur la dépendance », Revue française des affaires sociales, « Le vieillissement comme processus », n° hors-série, 52,1997, p. 219.
  • [69]
    Palach (J.-M.), rapporteur, Thierry (M.), président, Une société pour tous les âges, Rapport du comité de pilotage de l’année internationale des personnes âgées, Paris, ministère de l’Emploi et de la Solidarité, 1999, p. 20.
  • [70]
    Intervention à l’Assemblée nationale du 10 décembre 1992.
  • [71]
    Entretien avec Pierre Debon, conseiller technique à l’Union nationale des associations d’aide à domicile en milieu rural (UNADMR).
  • [72]
    Entretien avec Geneviève Laroque, Présidente de la FNG et ancienne IGAS.
  • [73]
    Wahl (B.), Interview dans le journal Le Monde du 21-22 février 1993.
  • [74]
    Wood (P. H.), « Comment mesurer les conséquences des maladies ? La Classification internationale des infirmités, incapacités et handicaps », Chronique OMS, 10,1980.
  • [75]
    Orientation, indépendance physique, mobilité, occupations, intégration sociale et indépendance économique.
  • [76]
    Soit huit activités domestiques répertoriées : faire les courses, préparer les repas, entretenir la maison, faire la lessive, utiliser les moyens de transport, prendre ses médicaments, tenir son budget, utiliser le téléphone.
  • [77]
    Dupasquier (J.-N.), Ennuyer (B.), « Quelle dépendance ? Interrogations au sujet de la séquence de Wood », Gérontologie et société, numéro spécial, 1991.
  • [78]
    Schopflin (P.), Dépendance et solidarité. Mieux aider les personnes âgées, Paris, Commissariat général du Plan, Xe Plan, 1989-1992, La Documentation française, 1991, p. 21.
  • [79]
    Gordin (J.), « Un grand problème gériatrique, l’évaluation de la perte d’autonomie », Revue de Gériatrie, 5 (8), 1980, p. 361.
  • [80]
    Colvez (A.), « Panorama de la dépendance en France », Revue française des affaires sociales, 44 (1), 1990.
  • [81]
    Ministère des Affaires sociales et de la Solidarité, « Choisir ou construire une grille de dépendance. Quelques questions préalables », Bulletin officiel, 90-20 bis, 1990.
  • [82]
    Cabotte (L.), « Quatre modèles d’économie de l’aide à domicile des personnes âgée », Revue française des affaires sociales, « Le vieillissement comme processus », n° hors-série, octobre 1997, p. 152.
  • [83]
    Argoud (D.), « La PSD, limites et chances », La loi sur la PSD : une contrainte ou un atout pour redéfinir le champ et les pratiques gérontologiques, Journée d’étude organisée par le CIPA de Limoges, mardi 17 mars 1998, p. 12.
  • [84]
    Conseil national de l’information statistique, « Handicap et dépendance : l’amélioration nécessaire du système statistique », Rapport du groupe de travail, 35, CNIS, juillet 1997, p. 7-17.
  • [85]
    Wenger (C.), “What Do Dependency Measures Measure ? Challenging Assumptions”, in Phillipson (C.), Bernard (M.), Strang (P.), eds., Dependency and Interdependency in Old Age, London, Croom Helm, 1986.
  • [86]
    Wood (P.), Badley (E.), “An Epidemiological Appraisal of Disablement”, in Bennett (A. E.), ed., Recent Advances in Community Medecine, Churchill Livingstone, Edimburgh-London-New-York, 1978, p. 160.
  • [87]
    Coutton (V.), Les instruments médico-économiques fondés sur les groupes iso-ressources, Rapport pour la DREES, Montpellier, Équipe démographie et santé, 2000.
  • [88]
    Ce concept, issu de l’étude des innovations technologiques, restitue la manière dont des architectures institutionnelles, organisationnelles et de politiques publiques, ont tendance à se renforcer malgré leur caractère sous-optimal (cf. North (D. C.), Institutions, Institutional Change and Economic Performance, Cambridge, Cambridge University press, 1990).
  • [89]
    Mécanisme général analysé par Brian Arthur (Increasing Returns and Path Dependence in The Economy, Ann Arbor, University of Michigan Press, 1994).
  • [90]
    Barthe (J.-F.), Clément (S.), Drulhe (M.), « Vieillesse ou vieillissement ? Les processus d’organisation des modes de vie chez les personnes âgées », art. cité.
  • [91]
    Cf. Bourdieu (P.), « La production de la croyance : contribution à une économie des biens symboliques », Actes de la recherche en sciences sociales, 13,1977.
  • [92]
    Jacquat (D.), rapporteur, Projet de loi (n° 1350) relatif à la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, Paris, Assemblée nationale, n° 1540, p. 10.
  • [93]
    Débats au Sénat (février 2004) sur le projet de loi n° 183 relatif à l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
  • [94]
    Bonnet (M.), Pour une prise en charge collective, quel que soit leur âge, des personnes en situation de handicap, Paris, Avis et rapports du Conseil économique et social, 2004.
English version

1Depuis le XVIIe siècle, la modernisation des pays occidentaux s’est progressivement accompagnée d’une institutionnalisation du cours de la vie dans lequel âge chronologique et rôles sociaux convergent [1]. La place centrale occupée par le travail amena à une partition grossière entre trois principales étapes de la vie : une phase de préparation au travail, une période d’activité et une phase de retraite. Ce découpage, accentué à la fin du XIXe siècle sous l’influence du capitalisme industriel, a atteint son apogée au cours des Trente Glorieuses [2] en même temps que son érosion se dessinait sous l’effet de la transformation des âges et temps sociaux. Aux trois temps classiques (formation, production, repos) ont succédé trois nouvelles étapes : « celui de la transition professionnelle (entre formation scolaire et participation à la production), celui de la transition sociale (entre retraite et vieillesse) et celui de la vieillesse [3] ». Autant le critère de distinction applicable aux sous-ensembles des seniors, des préretraités, des retraités, du troisième âge est un critère social, autant le passage du retraité au vieillard repose sur un critère biologique [4]. Il trace la ligne de démarcation entre deux vieillesses : la vieillesse autonome et la vieillesse dépendante. La première se compose de personnes capables de tenir encore un rôle social si elles le désirent, voire un rôle économique, et de personnes autonomes très âgées mais pouvant rester à domicile sans concours extérieur. Il y aurait, à l’inverse, la vieillesse dépendante observable dès lors que les possibilités physiques ou psychiques se trouvent notoirement dégradées, et que les personnes ont besoin d’une assistance et/ou d’aides importantes afin d’accomplir les actes courants de la vie quotidienne. En dépit des progrès de la médecine, de l’amélioration des conditions de vie et des programmes d’intervention publics sous-tendus par l’idéologie intégrative, il demeure toujours une « vieillesse irréductible, un reste [5] ». Ce reste, anciennement associé à la vieillesse invalide ou semi-valide, a progressivement été désigné sous le vocable de dépendance, procédure d’étiquetage qui la qualifie comme relevant de la sphère de compétence des autorités publiques [6]. Elle a permis de nommer le problème (naming), une des trois opérations élémentaires de constitution des problèmes publics [7]. Elle circonscrit un champ supposé être d’une autonomie suffisante pour faire l’objet d’une politique sociale spécifique [8].

2Devenue une catégorie usuelle du langage commun, le vocable « dépendance » a acquis la capacité, à lui seul, de faire simultanément disparaître la notion de personne et d’âge. Ainsi, il n’est pas rare d’entendre parler de « dépendants [9] ». Pourtant la France a fait un choix singulier en réservant le qualificatif « dépendance » aux seules personnes âgées. Celui d’une approche causale examinant, au-delà de l’identification du besoin d’une tierce personne, l’origine du handicap. Ce distinguo entre personnes âgées et personnes handicapées adultes (âgées de moins de 60 ans) ne ferait que socialiser des différences naturelles. Or, l’approche française résulte au contraire d’un travail de construction sociale de la réalité naturalisant les différences sociales sous le couvert des effets inéluctables de l’âge [10]. Cette perspective essentialiste n’est pas universelle. En effet, si tous les pays ont privilégié une approche bio-médicale du handicap, une partie non négligeable s’est refusée, en termes de politiques publiques, à dissocier les handicapés adultes et les personnes âgées. On parle alors d’une approche finaliste de la dépendance où seules les conséquences du handicap sont prises en compte.

3Par conséquent, le projet de cet article est de comprendre la manière dont la dépendance constitue un fait culturel obéissant à une structure cognitive et morale [11] « qui s’effectue et se manifeste même au niveau des mots qui enferment nécessairement une vision du monde [12] ». Pour que la dépendance passe du statut de « condition » à celui de « problème public », des processus de problématisation sont intervenus. Il est alors nécessaire de revenir sur l’influence de la multiplicité des relations causales (funnel of causality) et des politiques publiques qui s’ensuivent [13], plutôt que de retenir un facteur unique. Il s’agit ainsi de comprendre comment l’État a fini par structurer un domaine de la société en secteur de compétence sous la conjonction d’intérêts divers (professionnels, politiques et associatifs) et de croyances. Concernant ces dernières, il faut considérer qu’elles relèvent autant de la connaissance savante du monde social que de la connaissance ordinaire, tissu sémantique sans lequel aucune société ne pourrait exister [14]. Cette distinction issue de la sociologie de la connaissance peut être appliquée aux objets traversant l’espace des politiques publiques. L’article s’intéressera d’abord à la genèse du problème « dépendance » en combinant deux approches. La première aborde la genèse d’un problème à partir d’une multitude de facteurs généralement considérés comme relativement objectifs (gravité, urgence, irréversibilité), alors que la seconde s’intéresse au rôle des acteurs en tant qu’« entrepreneurs politiques ». Ensuite, l’article abordera la transposition de cette catégorie à l’espace des politiques publiques, nécessitant la circonscription d’un public-cible.

Les fondements constitutifs de la dépendance

Une vision statique du vieillissement démographique

4Le rapport Laroque, publié en 1962, est généralement considéré comme l’acte de naissance d’une politique de la vieillesse en France. Il développa un discours intégrateur refusant l’altérité pour mieux égaliser. Niant la vieillesse en tant que phénomène de vie radicalement différent pour ériger du même coup l’activité en modèle de la normalité [15]. Mais ces considérations s’adressaient au futur groupe « troisième âge » au-delà duquel la vieillesse est reléguée. Plus qu’un âge biologique, la frontière passait entre les personnes valides et les personnes semi-valides et invalides, même si la distinction est pour partie attribuée à l’avancée en âge. Cette frontière d’âge, alors latente, se transforma au fil des ans en véritable garde-frontière des problématiques. Si jusqu’à 80 ans, le groupe âgé posa d’abord le problème de son intégration sociale, puis du financement des retraites, le groupe âgé de plus de 80 ans posa le problème de prise en charge de ses incapacités. La dépendance est devenue l’attribut du quatrième âge ou, inversement, on est une personne du quatrième âge lorsqu’on devient dépendant. L’invention du quatrième âge est apparue quand le mythe de l’âge d’or du troisième âge se révéla inefficace pour traiter de l’ensemble des politiques de la vieillesse. Dans une logique de contraste, la présence du quatrième âge, âge de la dépendance, a servi à signifier l’autonomie et la vitalité du troisième [16].

5Mais encore faut-il lier âge et dépendance. Pour que le vieillissement affecte de manière significative un indicateur, deux conditions doivent être remplies : que le phénomène ait, avec l’âge, un lien relativement stable ; que ce phénomène ait, au niveau individuel, un profil fortement contrasté selon l’âge et très déporté vers les âges élevés, de manière marquée [17]. Force est de constater que le grand âge est celui qui a le plus crû. Le recensement de 1990 faisait apparaître une croissance de la population totale de 7,6 % par rapport à 1975. Sur la même période, la population âgée de plus de 60 ans croissait de 11,3 %, celle de plus de 75 ans de 44,5 % et celle de plus de 85 ans de 75,5 %. En 1986, les bases retenues par l’INSEE sur la période courant de 1982 à 2002 établissaient les projections suivantes : + 26,8 % pour les 65 ans et plus ; + 25,0 % pour les 65-74 ans ; + 25,0 % pour les 75-84 ans ; + 55,1 % pour les 85 ans et plus [18]. Or l’avènement du grand âge s’accompagne d’un risque croissant d’entrée en dépendance autrefois appelée « invalidité ». L’une des principales nouveautés est que la survie en dépendance s’est considérablement allongée, sous l’effet de soins médicaux ou paramédicaux, comme le soulignent les études épidémiologiques. Dès lors qu’un lien est établi entre vieillissement et modifications, l’accroissement ininterrompu, en valeur absolue et relative du nombre de personnes très âgées, a fortement soutenu l’inscription à l’agenda politique de la dépendance [19]. Les précautions souvent prises pour ne pas assimiler âge et état de santé ont presque toujours été annulées par une connexion entre âge, démographie et dépendance [20]. Idée condensée par l’INSEE, titrant « Aisance à 60 ans dépendance et isolement à 80 ans [21] ». Tous les bilans et prospectives démographiques n’ont cessé de constituer des indices tangibles de problématisation. Les analyses et commentaires ont perpétué un jugement inquiet à l’endroit de l’espérance de vie croissante véhiculé par la notion de « vieillissement démographique » inventée par les démographes français [22]. Elle désigne le remplacement des personnes d’un groupe d’âge donné par des nouveaux effectifs moindres. Dans les deux cas, nous avons finalement eu affaire à une construction idéologique et politique du vieillissement reposant sur une vision statique de l’âge [23].

6En effet, les indicateurs statiques objectivent, contre toute évidence, un vieillissement de plus en plus marqué de la population française. Le risque est d’assimiler vieillissement physiologique et individuel analysé ci-dessus et le vieillissement démographique, reposant sur une base collective et une évolution sur long terme. Si un individu a des probabilités croissantes d’entrer en dépendance à mesure qu’il vieillit, une comparaison en coupe diachronique montre qu’un individu aujourd’hui âgé de 80 ans a plus de probabilités d’être bien portant qu’un homme âgé de 70 ans au début du siècle dernier. Ainsi, le déplacement continu du seuil d’entrée dans la vieillesse conduit à opposer les évidences fournies par l’indicateur statistique avec la part des vieux grabataires. Celle-ci ne s’est pas accrue en France depuis le milieu du XIXe siècle [24]. D’ailleurs, la conviction désormais partagée selon laquelle la vie se rajoute aux années a fini par s’imposer. Elle tire en partie sa force de l’émergence d’un nouvel indicateur de santé baptisé « espérance de vie sans incapacité ». Mais celui-ci n’a pas suffi à remettre en cause l’idée première d’un lien quasi-mécanique entre vieillissement et dépendance. Ensuite, divers scénarii s’opposent quant à son impact. Dans le scénario d’extension de la morbidité (ou pandémie des maladies chroniques), les années gagnées en longévité seront des années de vie avec incapacité. Dans le scénario de maintien de la morbidité (ou de l’équilibre), l’âge moyen d’apparition des maladies et la date du décès se décaleront parallèlement. Enfin, dans le scénario de compression de la morbidité, l’âge moyen d’apparition des maladies invalidantes sera davantage retardé que l’âge de la mort. Les progrès de la médecine permettront aux personnes atteintes d’une incapacité temporaire de reprendre leurs activités [25]. Récemment, l’enquête Handicap-Incapacité-Dépendance (HID), première photographie générale du handicap en France, a permis de souligner une légère diminution de la prévalence de la dépendance physique de 8,5 % à 6,4 % pour les personnes âgées de 65 ans et plus entre 1990 et 1999 (670 000 à 600 000 personnes en nombre absolu). Une évolution qui n’est pas transposable aux situations de dépendance psychique (en particulier Alzheimer).

7Dans tous les cas, l’attention s’est donc focalisée sur la catégorie du grand âge avant de s’intéresser à la révolution des âges. Mais la problématisation s’est aussi nourrie des transformations familiales et de leurs perceptions.

Un « réservoir d’aide familiale » sur le déclin

8Toute la croissance de l’État-providence s’est construite à partir de secteurs traditionnellement du ressort de la famille, contribuant à la faire exister en tant que telle, et progressivement délégués à des institutions spécifiques [26]. Sa dynamique aboutit à susciter ou révéler des besoins sociaux dans un mouvement de dévolution à l’État de toutes les aspirations. En élargissant son rôle, l’État développerait une plus large emprise sur la société et accroît en retour la demande d’intervention publique. Il est aspiré dans une spirale des dépenses et des interventions [27] : « l’État-providence croît parce qu’il est nécessaire, et il est nécessaire parce qu’il croît [28] ». Le développement d’une conception substantialiste de l’État de droit a modifié l’équilibre des sociétés libérales : d’un objectif de limitation de la puissance de l’État, on passe à la représentation d’un État investi de la mission de satisfaire les besoins de tous ordres des individus et des groupes. L’aspiration à toujours plus de sécurité conduit à la mise en place de dispositifs d’intervention de plus en plus nombreux et diversifiés, couvrant tous les aspects de l’existence individuelle [29]. La dépendance constitue l’un d’entre eux. À l’image des politiques sociales en général et des politiques de la vieillesse en particulier, les modifications liées à la transformation du mode de reproduction sociale et du changement de la position des groupes domestiques dans les mécanismes de reproduction ont contribué à faire de la prise en charge des personnes âgées dépendantes un problème public [30]. À partir de la seconde moitié des années 1960, les transformations de la société française touchèrent à l’équilibre de la famille : explosion de l’indicateur conjoncturel de divortialité, chute de la fécondité, chute de la nuptialité, augmentation des naissances hors-mariage, diminution de la cohabitation intergénérationnelle, etc. Ensuite, l’activité professionnelle croissante des femmes, relativement marquée en France, a réduit le « stock de disponibilité » des femmes dans leur fonction traditionnelle d’aidant. Ces deux ensembles auraient ainsi conduit à faire baisser le niveau du « réservoir d’aide familiale [31] ». L’idée connexe d’une fragilisation des liens familiaux a été favorisée en France par le déficit de connaissance savante. Alors que l’approche socio-anthropologique des liens de parenté dans une perspective holiste est apparue marginale en France jusqu’à la seconde moitié des années 1980, les activités hors marché ne suscitaient qu’un intérêt marginal chez les économistes et sociologues. Il faudra attendre la fin des années 1980 pour assister à une « redécouverte » opportune des solidarités familiales, tant sur le plan des recherches sociologiques que dans le débat public [32]. Elles firent pièce aux représentations spontanées sur un désengagement familial [33]. Devant les difficultés de l’État à endiguer des demandes qu’il avait lui-même contribué à susciter, et à résoudre des problèmes qu’il avait identifiés [34], les décideurs publics seront alors tentés de réactiver diversement le rôle de « protection rapprochée [35] » de la famille.

9Parallèlement à l’idée première d’une aide familiale décroissante, la généralisation des retraites a contribué à une profonde modification des rapports intergénérationnels au sein des familles en permettant à un nombre croissant de personnes âgées retraitées d’acquérir une autonomie économique vis-à-vis de leur descendance. Les personnes âgées sont de moins en moins apparues comme les « économiquement faibles » présentés par Simone de Beauvoir sous le jour de leur condition misérable [36], même si la capacité des personnes âgées à organiser elles-mêmes leur prévoyance et protection apparaît contrastée. Ainsi, au-delà des 75 ans, la situation des personnes âgées se dégrade sous l’effet conjugué du veuvage et de la féminisation, souvent synonyme de précarisation économique. Plus généralement, les travaux de sociologie ont insisté sur la mise au centre de la norme d’autonomie régissant les relations intergénérationnelles. Leur qualité serait compatible avec le sentiment du devoir ou d’obligation, mais non avec le sentiment de dépendance [37]. Dans cette perspective, les troisième et quatrième âges correspondent aussi à l’avènement de nouveaux liens avec la famille, fondés non plus sur la contrainte (financière ou obligation d’aide), mais sur une participation volontaire.

Les gériatres : des « entrepreneurs politiques » contestés

Une approche fonctionnelle de la dépendance : entre croyances et intérêts

10Avant que la notion de « dépendance » portée par le milieu gériatrique ne se diffuse, la période 1950-1975 avait déjà préparé la dissociation entre adultes et personnes âgées. Les objectifs liés au handicap différaient selon les groupes d’âges et participaient à un processus de différenciation non fondé sur le besoin d’aide, mais sur la nature de l’insertion. L’accent porté sur l’inaptitude professionnelle mettait en évidence la volonté politique d’assurer l’insertion professionnelle des personnes handicapées plutôt que l’assistance. La dépendance est finalement venue sanctionner la division et surajouter ses propres règles en médicalisant le grand âge. Si l’histoire de la politique sanitaire a pu se confondre avec celle de la profession médicale, constituée en intérêts organisés coopérant avec l’État à la définition des politiques de santé [38], la politique dépendance doit également un tribut à l’expertise gériatrique, favorisant une médicalisation des problèmes sociaux. Alors que la première moitié du XXe siècle avait quelque peu marginalisé ce domaine d’investigation et d’intervention, jugé peu digne d’intérêt, la seconde moitié a vu une prise en compte des préoccupations gériatriques soutenue par les moyens thérapeutiques nouveaux, l’amélioration des conditions de vie en général et de la couverture sociale en particulier, l’action de certains médecins hospitaliers [39]. Il fallut attendre 1956 pour voir apparaître la première société gérontologique régionale [40], et 1961 pour que se constitue la Société française de gérontologie, dix-neuf ans après la création de la Société de gériatrie américaine. Alors que les hospices à vocation généraliste furent supprimés par la loi du 31 décembre 1970, portant réforme hospitalière, la gériatrie commença à fortement se développer. Elle fit émerger au cours de la décennie 1970 la notion de « dépendance [41] ». L’acception repose ici sur une approche fonctionnelle, initialement conçue au niveau individuel et au niveau des soins. Qu’il s’agisse de circonscrire collectivement un public de dépendants, ou de définir individuellement un état de dépendance, l’opération repose toujours initialement sur une mesure des fonctions, en termes de capacités et d’incapacités. Les travaux les plus importants, notamment ceux consacrés aux activités de la vie quotidienne (Katz [42] ) et aux activités instrumentales de la vie quotidienne (Lawton et Brody [43] ) furent à l’origine réalisés par des médecins réfléchissant sur les difficultés posées par les patients âgés dans les structures hospitalières. Cette approche est progressivement passée en France du domaine professionnel au domaine politique à travers la diffusion de la catégorie lexicale de « dépendance [44] ». Alors que les notions de « valides », de « semi-valides », d’« invalides » se sont vues diluées dans la catégorie du « handicap », la dépendance reproduisit cette unification en la réservant aux personnes âgées. À travers la dépendance, les gériatres ont opéré un découpage du réel à leur profit : mieux distinguer les personnes âgées handicapées du handicap adulte à travers un démarquage sémantique leur servant à se légitimer au sein du champ médical. La notion de dépendance suit un parcours analogue à la juridicisation du droit constitutionnel analysée comme une stratégie de légitimation académique des constitutionnalistes [45] : en médicalisant la vieillesse, les gériatres en font une pathologie exigeant un savoir-faire spécifique et médical dont ils sont les dépositaires légitimes. Cette tendance fut d’autant plus marquée qu’elle était principalement le fait de médecins hospitaliers percevant les personnes âgées et leurs besoins à travers le prisme de l’institution [46].

Pour une définition conceptuelle et sociale de la dépendance

11Alors que l’approche bio-médicale de la dépendance va s’imposer au niveau des pouvoirs publics, une conception plus « conceptuelle et sociale » l’envisage comme un fait social relationnel entre l’individu concerné et les autres individus. En 1976 par exemple, les dix-huit contributions de Dependency or Interdependency in Old Age[47], visèrent à replacer le concept d’interdépendance permettant de ne pas isoler la dépendance de la relation sociale. L’approche sociale fait ainsi du vieillissement un fait social en fonction de la place de l’individu dans la structure sociale, et de la vieillesse le résultat de ce parcours social. Van den Heuvel, en conclusion, faisait part de son inquiétude face à l’omniprésence des professionnels dans la définition et l’évaluation de la personne. En France, le Groupe de recherches appliquées en gérontologie (GRAEG) a défendu dès la fin des années 1970 la mise au centre du positionnement social de l’individu [48]. Le problème de l’approche bio-médicale tient à la réduction de la personne âgée à n’être qu’un âge chronologique et une incapacité à faire. Elle stigmatise la personne dans la mesure où elle jette un discrédit sur elle, en la rabaissant au rang d’individu amputé. Cette approche assigne une « identité sociale virtuelle [49] » incapable de restituer la pluralité des expériences intimes du vieillissement, ni d’intégrer le lien social. L’individu est exclu du jugement même qui est porté sur sa situation. Appliquée aux seules personnes âgées, la notion de « dépendance » (dis)qualifierait injustement cette population âgée puisque chacun d’entre nous est reconnu dépendant de son environnement. Par prolongement, les pourfendeurs de la notion de « dépendance » insistent sur le risque de confusion entre « dépendance » et « perte d’autonomie ». L’autonomie désigne la capacité et le droit d’une personne à choisir elle-même les règles de sa conduite, l’orientation de ses actes et les risques qu’elle est prête à courir. Elle ne nie pas le désavantage social. Elle souligne combien ce désavantage n’est pas une dépossession de ses facultés d’auto-gouvernement.

La consécration de la dépendance dans l’espace des politiques publiques

1979-1983 : une période charnière

12La fin des années 1970 et le début des années 1980 furent une période caractérisée par un balancement entre deux conceptions de la vieillesse. D’un côté, le rapport Arreckx de 1979 représenta le premier point de contact entre la définition médicale de la dépendance et le monde politique. Initialement destiné aux questions du grand âge, les rédacteurs ont préféré orienter le rapport vers la prise en charge des personnes âgées dépendantes [50]. Un rapport contemporain, le rapport Vieillir demain, dit rapport Lion [51], lui préféra une « vision moins scientiste, plus globale et humaniste [52] ». Cette dernière parut initialement favorisée par l’accession de François Mitterrand à la Présidence. Elle insuffla un nouvel élan à la politique vieillesse avec la création d’un secrétariat d’État aux Personnes âgées, confié à Franceschi, en remplacement du « RV2 », simple bureau d’une hiérarchie administrative interne au ministère des Affaires sociales. Son ambition, outre le fait de choyer la force électorale des personnes âgées [53], était d’appliquer le rapport Lion, c’est-à-dire « ne pas enfermer les vieux dans un ghetto mais privilégier une vision assez ouverte sur la sociologie, sur l’approche plus large de la vieillesse [54] ». Néanmoins, la mise en place concomitante du Comité national des retraités et personnes âgées (CNRPA), réactivant le Comité national de la vieillesse en France prévu par la loi du 30 juin 1956, illustrait déjà la partition aménagée et consolidée dans les années 1970 entre les deux figures alternatives : les « jeunes vieux » dont les rôles sont enserrés dans une problématique d’intégration (consommation, utilité sociale, modes de vie du retraité), et intégratrice (génération pivot pourvoyeuse d’aide financière ou en nature vers les descendants et les ascendants), et les « vieux vieux ». Ceux-ci apparaissent incapables d’assumer les rôles dévolus au retraité et deviennent la clientèle naturelle des spécialistes médicaux et des services. Ils vont rapidement occuper le centre du débat public et de la politique vieillesse.

13En 1983, la « parenthèse gérontologique » sembla en effet se refermer au moment où étaient organisées les Assises des retraités et des personnes âgées (28 mars-1er avril 1983), avec l’ambition d’élargir le champ de la représentation de la vieillesse et de diversifier les thèmes de réflexion [55].

Un recentrage autour de la dépendance

14La décision présidentielle de continuer à ancrer la France dans le Système monétaire européen marqua en effet le début d’une politique désinflationniste. Elle mit fin, dans le secteur vieillesse, à la « parenthèse gérontologique » au profit de deux impératifs : juguler l’augmentation des dépenses socialisées de protection sociale et prendre en charge les personnes âgées dépendantes [56]. Le lobby gériatrique, historiquement faible au sein du champ médical mais abritant « quelques grandes gueules [57] », imposa d’autant mieux son approche incapacitaire du vieillissement que la chance offerte aux conceptions du rapport Lion venait de s’effondrer. Les gériatres finissent par l’emporter « parce que finalement il n’y a justement pas eu la politique vieillesse annoncée [58] ». Dès lors, la lecture gériatrique, plus restrictive, se révéla la mieux « appropriée » à une gestion des coûts de la vieillesse. Non seulement l’expertise médicale présente les « bonnes » garanties de la science, mais elle satisfait, contrairement à une approche plus sociale et ouverte, les opérations routinières de l’État-providence français. Soit la nécessité d’un découpage général du corps social identifiant sans cesse des groupes auxquels répondent des droits sociaux. Elle répond au besoin de l’État-providence de distribuer des « statuts » en classant les individus à partir d’un critère « objectif ». Contre aide et prestations, il les enferme dans un modèle d’existence sociale à partir de statuts socialement dévalorisés. Il échange très souvent l’acception d’un état d’infériorité contre une protection faite de prestations monétaires ou matérielles [59]. Si le dépendant et le dominé sont tous deux aliénés, le premier consent à son aliénation, contrairement au second [60], en retirant un avantage social. C’est toute l’ambiguïté de l’État-providence français que de partir de la définition médicale, critère d’objectivation, pour construire un statut jugé dévalorisant mais ouvrant droit à l’allocation. Le découpage en âges du handicap et la substantialisation du groupe « dépendant » à travers l’approche fonctionnelle révèlent en creux la difficulté de l’État à résoudre des problèmes non sectorisés en fonction de l’expertise du groupe professionnel [61]. Cette approche se matérialisa pleinement à travers les programmes d’action publique.

État-providence et dépendance : l’approche causale couronnée

15La dépendance a la particularité d’être à cheval sur le sanitaire, le médicosocial et le social. Dans le champ sanitaire, la dépendance a soutenu le développement encore inachevé des intérêts gériatriques (formations et publications, développement des sections de long séjour, etc.). Dans le champ médico-social, la dépendance avait historiquement contribué à une partition du sanitaire et du social avec l’exclusion dans les hôpitaux des actes de faible technicité et de publics dont l’état irréversible appelait une action de longue durée. Elle donne désormais lieu à l’émergence croissante d’Établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) répondant à l’ancienne mosaïque institutionnelle diversement appelée à répondre aux situations de dépendance (foyers logements, maisons de retraites, secteurs hospitaliers). En outre, un tarif spécial dépendance, acquitté par les pensionnaires, s’intercale entre les traditionnels forfaits « hôtellerie » et « soins ». Mais l’essentiel réside dans la création d’une allocation dépendance (prise en charge des actes de la vie quotidienne) mettant fin aux passerelles entre handicapé âgé et adulte. Cette allocation a longtemps représenté une non-décision, définie comme l’écart entre une stratégie constamment affirmée comme nécessaire et une pratique constamment différente [62]. De la publication du rapport Arreckx (1979) au lancement de la Prestation expérimentale dépendance (1994), on dénombre pas moins de cinq rapports officiels et trois initiatives législatives restés sans suite [63]. La Prestation expérimentale dépendante (PED), initiée en 1994 par le gouvernement Balladur et politiquement malmenée, déboucha fin 1996 sur le vote de la Prestation spécifique dépendance [64]. Cette loi, avant tout destinée à satisfaire les intérêts départementaux, scelle définitivement la frontière entre handicapé adulte et handicapé âgé afin de réserver à ce dernier des règles plus restrictives. L’article 27 de la loi s’emploie à « caler » les frontières entre dispositifs de prise en charge du handicap et de la dépendance. L’article 39 de la loi n° 75-534 du 30 juin 1975 est modifié : à côté de l’expression « tout handicapé » est ajouté « dont l’âge est inférieur à un âge fixé par décret ». En vertu de l’article 1er du décret 97-426 du 28 avril 1997, l’âge à partir duquel est ouvert le droit à la PSD est fixé à 60 ans.

16Bien que sans grande surprise au regard des réflexions préalables, le remplacement de l’approche finaliste, observable dans le dispositif Allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP), par une approche causale souleva de nombreuses objections. Elles émanent d’intérêts professionnels (principalement les fédérations nationales d’aide à domicile), de personnalités qualifiées et d’experts ainsi que de l’opposition de gauche. Jean-Claude Boulard, député socialiste de la Sarthe, s’insurgea ainsi contre cette « ségrégation » des âges tout en rappelant l’unité de traitement du handicap prôné dans son rapport (1991) [65]. Jean-Michel Belorgey, conseiller d’État et expert pour le Parti socialiste, jugea également illégitime de réserver un sort différent à quelqu’un frappé par le sort avant et après 60 ans, comme de s’appuyer sur l’origine et la nature du handicap [66]. Force est de constater que les réactions de gauche étaient autant mues par des croyances que par le statut circonstancié et politique d’opposant. Ainsi, la réforme Allocation personnalisée d’autonomie (APA), votée en 2001 et portée par le gouvernement Jospin, a universalisé depuis l’accès à la prestation sans toucher à l’approche causale et ségrégative. Dans tous les cas, la critique tire en partie sa force du détour par la comparaison internationale. De nombreux pays (Allemagne, Suisse, Pays-Bas...), qui ont structuré leur politique autour des « soins de longue durée », prennent exclusivement en compte les conséquences du handicap conformément aux recommandations internationales comme celle du Comité des ministres européens ou du Conseil de l’Europe [67], même si les travaux de la Conférence de Lisbonne n’étaient eux-mêmes pas dépourvus d’ambiguïté, visant tantôt les personnes dépendantes, tantôt les personnes âgées dépendantes [68]. Quoi qu’il en soit, la position française, tant du point de vue des concepts que du découpage, semble se singulariser comme le déplorera un haut-fonctionnaire français en 1999 :

17

« La référence à la dépendance […] a des conséquences graves qui sont un isolement des pratiques de notre pays par rapport aux communautés professionnelles et scientifiques du monde entier, ainsi qu’un isolement en matière de politique publique [69]. »

18Mais lors de l’adoption de la PSD, l’essentiel se joua sur une interprétation divergente de la loi de 1975 à laquelle la PSD ne faisait que réagir. Les avocats de l’approche finaliste rappelèrent que la loi de 1975 n’avait jamais spécifié, dans son article 39, une quelconque limite d’âge à l’attribution de l’allocation compensatrice. Ce que justifiait Simone Veil, ministre de la Santé, lors de la présentation du projet de loi au Sénat, le 3 avril 1975 :

19

« Comme vous avez pu le remarquer, le texte ne donne pas de définition du “handicapé” [...]. La raison fondamentale de cette option est que la notion de “handicap” doit rester, si on veut précisément éviter les exclusions dans l’avenir, très évolutive, et s’adapter aux situations qui pourront se présenter ultérieurement. »

20Mais les considérations autour de la loi de 1975 ne pesèrent que faiblement au regard de ses conséquences, soit une croissance exponentielle des coûts imputable aux personnes âgées. Les avocats de l’approche causale, élus départementaux en tête, activement relayés par le Sénat, soulignèrent qu’il n’avait pas été initialement envisagé que cette allocation deviendrait progressivement la principale couverture des personnes âgées dépendantes. En 1991, Jean-Yves Chamard, député et vice-président de la Commission Boulard, déclarait ainsi, avec l’approbation « autorisée » de René Lenoir, coauteur de la loi de 1975 :

21

« Chacun sait que, lors de sa création et de son adoption, l’hypothèse selon laquelle les personnes âgées dépendantes en bénéficieraient n’avait pas été évoquée [70]. »

22Un consensus s’opéra donc autour des lacunes du système normatif de la loi de 1975 dans lequel les règles destinées à assurer l’application d’une politique se révèlent incomplètes à l’usage. Tous les cas de figure n’ont pas été envisagés. En y remédiant, la PSD fait de la dépendance une notion « réglementaire » en même temps qu’elle offre trois garanties aux conseils généraux : mieux assurer leur autonomie décisionnelle (exclusion des COTOREP et absence de tarification nationale), mieux réguler les dépenses (rétablissement en PSD du recours sur succession, soit le caractère d’avance du droit commun de l’Aide sociale), moraliser et accroître leur efficacité (prestations en nature et non plus versées en espèces).

23C’est d’ailleurs cette perspective nouvelle d’une PSD moins avantageuse que l’ACTP désormais réservée aux handicapés adultes qui a nourri le plus fortement la critique. De nouveaux contempteurs reconnaissent qu’ils n’ont pas toujours adopté une attitude critique lorsque la réflexion sur la dépendance fut initialement réservée aux seules personnes âgées. Soit parce que le manque de réponses leur apparaissait plus criant chez les personnes âgées [71], soit parce que l’approche conceptuelle du handicap était alors insuffisante [72]. Mais il ne faut pas oublier la distance mise par les porte-parole et responsables associatifs du monde du handicap. Au-delà d’une absence d’intérêt matériel, les origines et la nature du handicap jouent comme une frontière culturelle : les handicapés luttent pour l’intégration quand les personnes âgées ont été bien intégrées. La Présidente de l’Union Nationale des Associations de Parents et Amis de Personnes Handicapées Mentales (UNAPEI) n’avait-elle pas déclaré en 1993 qu’il n’était « pas souhaitable d’assimiler personnes handicapées âgées et personnes âgées handicapées du fait de la vieillesse [73] ». Mais encore faut-il faire exister la « dépendance » à travers une désignation unifiée des « dépendants ».

De la « dépendance » aux « dépendants »

Une approche doublement fonctionnelle

24Au cours des années 1980, la France s’est calée sur la Classification internationale des handicaps [74] (CIH) élaborée par le rhumatologue Philip Wood à la demande de l’OMS. Elle prolonge la Classification internationale des maladies (CIM) et s’appuie sur six « rôles de survie », définis comme nécessaires à tout homme pour être indépendant en société [75], et se structure autour de trois notions : déficiences (pertes ou dysfonctionnements des diverses parties du corps ou du cerveau, notion proche de celle d’invalidité) ; incapacités (difficultés ou impossibilité de réaliser des actes élémentaires (AVQ), résultant en général d’une ou plusieurs déficiences) ; désavantages (difficultés ou impossibilité que rencontre une personne à remplir les rôles sociaux auxquels elle peut aspirer ou que la société attend d’elle) [76]. Ce modèle développé à propos de la maladie chronique et appliqué à la vieillesse impose, dans sa causalité linéaire, la prééminence du médical sur le social et interdit une lecture plus sociale du handicap et du besoin d’aide qui intégrerait les usages, règles, normes et représentations [77]. Partant, la dépendance peut être définie comme le recours à une aide pour la réalisation des rôles de survie au niveau de la fonction. Cette prééminence du médical, fortement critiquée, est regrettée jusque chez P. Wood, pour lequel la définition de la dépendance a trop emprunté au registre des seules incapacités physiques, délaissant les dimensions sociales d’isolement et de pauvreté. Si ces dernières n’étaient pas absentes des préoccupations des deux rapports Schopflin et Boulard (1991), seule l’approche fonctionnelle apparaît susceptible de satisfaire un travail de chiffrage de la population dépendante. Dans un environnement marqué par l’incertitude des chiffres, comptabiliser, anticiper, cibler le nombre de personnes âgées dépendantes impose de se doter d’outils, de définitions aptes à les saisir précisément. Dès lors, les outils issus du monde gériatrique développant une approche par fonctions ont été retenus. Ils offrent une définition opératoire « fondée sur des critères objectifs [78] ». Encore faut-il aboutir à un instrument de mesure unifié.

À la recherche d’un outil unique

25Jusqu’en 1994, il existait en France des centaines de grilles d’évaluation de la dépendance indispensables pour arriver à une classification des besoins et à une programmation des moyens. Les personnes qui entreprenaient de mesurer la dépendance d’une population créaient souvent leur propre instrument en adaptant ou en compilant les grilles existantes. Cet éclatement des outils contrariait la volonté affichée par les différents acteurs de disposer d’un langage commun. Dès 1980, Jean Gordin avait souligné la nécessité d’élaborer une échelle d’évaluation idéale, ni trop compliquée, ni trop simple. Elle devait constituer un langage commun capable d’évaluer l’efficacité des actions, de comparer les données entre structures, mais aussi de valoriser l’épidémiologie à travers un outil commun. L’auteur ne cachait pas qu’un tel outil permettrait « de mieux faire sentir le poids de la gériatrie auprès des pouvoirs publics [79] ». Cet outil commun fut également recherché par les pouvoirs publics. Au cours des années 1980, nous sommes passés de grilles d’évaluation destinées à évaluer les personnes âgées, d’abord en établissement, à une recherche de grille unique destinée à cadrer la politique publique. Le rapport Braun de 1987 marqua le glissement entre les grilles anciennes destinées à l’évaluation des personnes et la visée nouvelle et pragmatique des outils d’évaluation. De 1978 à 1988, on a dénombré plus de 11 enquêtes représentatives des populations de territoires de taille variable [80]. Si la grille mise au point en 1988 par Alain Colvez, chercheurépidémiologue à l’INSERM, a permis d’obtenir des projections chiffrées à partir d’un travail d’extrapolation, elle ne représenta pas encore l’outil commun attendu par le ministère des Affaires sociales [81]. Ce dernier doit « apporter le contrôle des dépenses et formater l’activité des organismes prestataires [82] » dans un contexte de rationalisation des coûts. En 1991, les deux rapports Boulard et Schopflin rappelèrent ce souci de lier la politique publique à l’outil commun permettant d’évaluer la dépendance, de chiffrer le nombre de dépendants, de les classer en catégorie, de calculer les coûts qui en découlent, de tarifer les coûts en établissement. Ce schéma rejoint notre héritage scientifique et culturel en incitant les acteurs, dont les experts, à appréhender les problèmes sociaux à travers une grille d’analyse objectivante : les coûts, le nombre, le besoin [83]. La nécessité de la mesure se fait au détriment de l’imprécision conceptuelle, contrairement à la notion de handicap [84]. Dès lors, la dépendance devient « ce que la mesure mesure [85] ». Pour Philipp Wood, « plus il y a un manque de fondement théorique dans une question, plus on met l’accent de façon injustifiée sur la précision de la mesure [86] ». L’objectif de la politique devient donc la mesure. Elle va prendre le nom d’AGGIR, contraction d’Autonomie géronte groupes iso-ressources.

La grille AGGIR ou la délimitation des groupes

26Avec le Programme médicalisé du système d’informations (PMSI), utilisé dès 1986 dans les centres hospitaliers de court séjour et appuyé par la loi hospitalière du 31 juillet 1991 (loi n° 91-748), la France a souhaité se doter d’outils médico-économiques permettant d’établir la tarification, la planification et la gestion interne des établissements hospitaliers. C’est dans le cadre du projet de création d’un PMSI en gériatrie que le Syndicat national de gérontologie clinique a mené une réflexion pour créer un outil français opposable aux grilles américaines jugées anciennes et mal adaptées. Davantage, il souhaite anticiper la demande des pouvoirs publics français. L’outil, baptisé AGGIR, s’inscrit dans la perspective américaine des Case-Mix Classification Systems (CMCS) visant à regrouper les patients, à l’aide d’un système de classification, dans des groupes homogènes d’individus nécessitant des ressources ou générant des coûts similaires [87]. Cette grille fonctionne selon 10 items discriminants cotés à 3 niveaux pour évaluer l’état d’autonomie gérontologique des personnes âgées. Le programme informatique Groupe iso-ressources (GIR) permet de ventiler chaque patient dans un des 6 groupes iso-consommateurs de charge de travail. Malgré l’accumulation de critiques quant à sa validité, sa performance théorique et son applicabilité, la grille AGGIR est devenue l’outil légal d’évaluation de la dépendance dans le cadre de la loi PSD (décret 97-427 du 28 avril 1997). Désormais, le groupe de dépendants résulte de la réunion d’un critère d’âge, d’une approche fonctionnelle et d’un seuil : les personnes âgées dépendantes sont définies comme la réunion des trois premiers GIR auxquels s’adresse la PSD. Quant aux trois derniers, ils ressortent de dispositifs alternatifs (Aide ménagère légale, action sociale des caisses). Une mesure problématique au vu de l’exclusion du GIR 4, groupe pléthorique abritant des états de dépendance avérés. D’autant plus que les refus d’attribuer la PSD pour raisons médicales ont correspondu pour plus de 60 % à un classement dans le groupe iso-ressources GIR 4. En dépit de la continuation des critiques, la réforme APA n’a pas touché à la grille mais a intégré le GIR 4 au dispositif. Le maintien d’AGGIR s’apparente à un véritable phénomène de « sentier de dépendance » (path dependency) [88], lié à l’existence de rendements croissants [89] : coût initial (formation, logiciel), effets positifs en termes d’efficacité et d’innovation liés à son utilisation répétée, extension du réseau d’utilisateurs (effets dits de coordination) et anticipation du triomphe de la technologie. AGGIR a ainsi servi à évaluer les bénéficiaires, à établir des profils d’établissement, à constituer un panorama de la dépendance en France (enquête Handicap-Incapacité-Dépendance), à classer et hiérarchiser les personnes âgées dépendantes conformément aux souhaits des politiques. Au final, les raisons de changer s’amenuisent.

27Dans une large mesure, la construction du groupe « personnes âgées dépendantes » relève de la volonté affichée par les acteurs collectifs (gériatres, départements et pouvoirs publics) de construire et circonscire ce groupe en fonction de leurs positions et responsabilités respectives. Celui-ci participe à une tendance générale de l’État-providence consistant à découper toujours plus les espaces de résolution des problèmes [90]. Certes, l’approche ségrégative a été le lieu de controverses renvoyant aux luttes symboliques se jouant dans l’espace social. Elles tentent d’imposer les significations légitimes [91]. Mais ce processus apparaît surtout comme le résultat cumulatif d’une série d’arrangements pratiques : intérêts professionnels, circonscription d’un public, intérêts départementaux, etc. Malgré d’inévitables effets d’institutionnalisation, cette approche ségrégative demeure vulnérable au changement. D’abord parce que le détour par la comparaison internationale continue d’isoler la position française. Ensuite, le vieillissement inédit dans l’histoire des populations handicapées adultes fragilise paradoxalement l’approche ségrégative fondée sur l’âge. Il démultiplie en effet les situations de personnes handicapées désormais sans ressources familiales. Parallèlement, les risques croissants de passage pour une même population d’un dispositif à l’autre se révèlent problématiques. L’hypothèse d’une réunification a de nouveau été soulevée à l’occasion de l’établissement d’une Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (2003-2004), conséquence des ratés de la gestion politique de l’épisode caniculaire. L’Assemblée [92] et le Sénat [93] reconnaissent désormais la légitimité de la position défendue par le Conseil économique et social refusant de considérer l’âge comme un paramètre discriminant de prise en charge [94]. Mais le possible abandon du critère d’âge laisse entière la question de l’approche fonctionnelle des personnes à partir de critères d’essence médicale.

Notes

  • [1]
    Kohli (M.), “The World We Forgot : A Historical Review of the Life Course”, in Marshall (V.), ed., Later Life. The Social Psychology of Aging, Beverly Hills, Sage, 1996.
  • [2]
    Gaullier (X.), « La protection sociale et les nouveaux parcours de vie », Esprit, février 2001.
  • [3]
    Legrand (M.), « Introduction », in Legrand (M.), dir., La retraite : une révolution silencieuse, Toulouse, Erès, 2001, p. 16.
  • [4]
    Veysset (B.), Dépendance et vieillissement, Paris, L’Harmattan, 1989.
  • [5]
    Deremble (J.-P.), Veysset (B.), « La valeur paradoxale de la vieillesse », Les cahiers de la recherche sur le travail social, 15,1988, p. 52.
  • [6]
    Padioleau (J.-G.), L’État au concret, Paris, PUF, 1982, p. 25.
  • [7]
    Cobb (R. W.), Ross (M. H.), “Agenda Setting and the Denial of Agenda Access : Key Concepts“, in Cobb (R. W.), Ross (M. H.), eds., Cultural Strategies of Agenda Denial : Avoidance, Attach and Redefinition, Lawrence, University Press of Kansas, 1997.
  • [8]
    Bouget (D.), Tartarin (R.), dir., Le prix de la dépendance, Paris, CNAV, La Documentation française, 1990, p. 2.
  • [9]
    Ennuyer (B.), « Histoire d’une catégorie : “Personnes âgées dépendantes” », in Martin (C.), dir., La dépendance des personnes âgées. Quelles politiques en Europe ?, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2003, p. 97.
  • [10]
    Barthe (J.-F.), Clément (S.), Drulhe (M.), « Vieillesse ou vieillissement ? Les processus d’organisation des modes de vie chez les personnes âgées », Les cahiers de la recherche sur le travail social, 15,1988.
  • [11]
    Gusfield (J.), The Culture of Public Problems : Drinking, Driving and the Symbolic Order, Chicago, Chicago University Press, 1981.
  • [12]
    Lenoir (R.), « Politique familiale et construction sociale de la famille », Revue française de science politique, 41 (6), 1991.
  • [13]
    Howlett (M.), Ramesh (M.), Studying Public Policy, Policy Cycles and Policy Subsystems, Oxford, Oxford University Press, 1995.
  • [14]
    Berger (P.), Luckmann (T.), La construction sociale de la réalité, Paris, Méridien-Klincksiek, 1986, p. 26.
  • [15]
    Deremble (J.-P.), Veysset (B.), « La valeur paradoxale de la vieillesse », art. cité.
  • [16]
    Guillemard (A.-M.), La vieillesse et l’État, Paris, PUF, 1980.
  • [17]
    Blanchet (D.), « Les débats sur le vieillissement : un besoin de recentrage », Gérontologie et société, 81, 1997.
  • [18]
    Quang-hi (D.), Le Bas (J.-C.), « Projection de population totale pour la France 1985-2040 », Les collections de l’INSEE, série D, 113, novembre 1986.
  • [19]
    Attias-Donfut (C.), « Dépendance des personnes âgées : pourvoyance familiale et pourvoyance sociale », Revue française des affaires sociales, 47 (4), 1993.
  • [20]
    Circulaire n° 1575 du 24 septembre 1971 sur la politique relative aux équipements sanitaires et sociaux en faveur des personnes âgées ; Rapport de l’Intergroupe en 1971 ; Rapport du Conseil économique et social, dit rapport Brudon (1976) ; Rapport du Haut-Comité de la population sur le « vieillissement de la population (1980) ; Rapport du Commissariat général du Plan, dit rapport Lion (1980) ; rapport Teulade (cf. Secrétariat d’État auprès du Premier ministre chargé du Plan, Protection sociale – rapport de la commission présidée par M. René Teulade, Xe Plan, 1989-1992, Paris, La Documentation française, 1989, p. 28).
  • [21]
    David (M.-G.), Starzec (C.), « Aisance à 60 ans, dépendance et isolement à 80 ans », Insee Première, 447, avril 1996.
  • [22]
    La précocité du vieillissement de la population française, notamment liée à la limitation des naissances, a favorisé la constitution d’une école de démographes précurseurs quant aux méthodes utilisées : Bertillon père et fils, Landry, Sauvy.
  • [23]
    Bourdelais (P.), L’âge de la vieillesse, Paris, Odile Jacob, 1993.
  • [24]
    Bourdelais (P.), « Vieillissement de la population ou artefact statistique », Gérontologie et société, 49, 1989.
  • [25]
    Source : INSEE, France, portrait social, Dossier « La dépendance des personnes âgées : recours aux proches et aux aides professionnelles », 1998/1999.
  • [26]
    Lenoir (R.), « L’invention du “troisième âge”. Constitution du champ des agents de gestion de la vieillesse », Actes de la recherche en sciences sociales, 26-27,1979, p. 70.
  • [27]
    Guillemard (A.-M.), « La dynamique sociale des politiques de la vieillesse en France », Gérontologie et société, 41,1987.
  • [28]
    Skidelsky (R.), « L’État sans la providence », Le débat, 95, mai-août 1997.
  • [29]
    Chevallier (J.), L’État de droit, Paris, Montchrestien, 1994, p. 102-104.
  • [30]
    Bourdieu (P.), Boltanski (L.), Saint-Martin (M. de), « Les stratégies de reconversions », Informations sur les sciences sociales, 12 (5), 1973.
  • [31]
    L’expression est de Moroney (cf. Moroney (R.), The Family and the State, London, Longamn, 1976).
  • [32]
    Martin (C.), « Les solidarités familiales : bon ou mauvais objet sociologique ? », in Debordeaux (D.), Strobel (P.), dir., Les solidarités familiales en questions. Entraide et transmission, Paris, LGDJ, 2003, p. 43.
  • [33]
    Monorey (R.), The Family and the State, op. cit.
  • [34]
    Warin (P.), « Les “ressortissants” dans les analyses des politiques publiques », Revue française de science politique, 49 (1), février 1999, p. 104.
  • [35]
    Castel (R.), « L’État providence et la famille. Le partage précaire de la gestion des risques sociaux », in Singly (F. de), Schultès (F.), dir., Affaires de famille, affaires d’État, IFRAS / Goethe-institut, 1991, p. 26.
  • [36]
    Beauvoir (S. de), La vieillesse, Paris, Gallimard, 1970.
  • [37]
    Singly (F. de), Sociologie de la famille contemporaine, Paris, Nathan, 2004, p. 77.
  • [38]
    Jamous (H.), Sociologie de la décision. La réforme des études médicales et des structures hospitalières, Paris, Éditions du CNRS, 1969.
  • [39]
    Feller (E.), « La vieillesse et le regard médical dans la France du premier XXe siècle. De la “verte vieillesse” à la “séniculture” : l’émergence de la Gérontologie », Gérontologie, 112,1999.
  • [40]
    Il s’agit de la société gérontologique de Bordeaux et du Sud-Ouest (SGBSO) fondée par Hugues Destrem. D’autres sociétés régionales suivront.
  • [41]
    Cf. Ennuyer (B.), « 1973-1997, la généalogie de la prestation spécifique dépendance. La lente montée d’un processus de ségrégation et de stigmatisation des “personnes âgées dépendantes” », Gérontologie et société, 84,1998.
  • [42]
    Katz (S.) et al., “Studies of Illness in the Aged. The Index of ADL. A Standardized Measure of Biological and Physiological Function”, Journal of American Medical Association, 185,1963.
  • [43]
    Lawton (M. P.), Brody (E. M.), “Assessment of Older People : Self Maintaining and Instrumental Activities of Daily Living”, The Gerontologist, 9,1969.
  • [44]
    Ennuyer (B.), « 1973-1997, la généalogie de la prestation spécifique dépendance. La lente montée d’un processus de ségrégation et de stigmatisation des “personnes âgées dépendantes” », art. cité.
  • [45]
    François (B.), La cinquième République dans son droit. La production d’un corps de connaissances spécifique sur la politique et les institutions, Thèse de Science politique, Université Paris I, 1992.
  • [46]
    Entretien avec Joël Ankri, médecin gériatre et Maître de conférences en santé publique à l’université Versailles-Saint-Quentin en Yvelines.
  • [47]
    Munnichs (J.), Van den Heuvel (W.), Dependency or Interdependency in Old Age, The Hague, Martinus Nijhoff, 1976 (cité par Ennuyer (B.), L’institutionnalisation de la dépendance, op. cit.).
  • [48]
    Drouet-Baldy (J.), Gognalons-Caillard (M.), Vers un modèle explicatif du grand âge, GRAEG, Association de gérontologie du XIIIe arrondissement, juillet 1977 (cité par Ennuyer (B.), L’institutionnalisation de la dépendance, op. cit.).
  • [49]
    Goffman (E.), Stigmate. Les usages sociaux du handicap, Paris, Minuit, 1975, p. 13.
  • [50]
    Arreckx (M.), L’amélioration de la qualité de vie des personnes âgées dépendantes, Paris, Assemblée nationale, 1979.
  • [51]
    Commissariat général du Plan, Vieillir demain, Rapport du groupe « Prospective personnes âgées », Paris, La Documentation française, 1980.
  • [52]
    Entretien avec Jean-Claude Henrard, participant au rapport Lion. Médecin gériatre à l’Hôpital Sainte-Périne (Paris), Professeur de santé publique et membre du cabinet Franceschi (1981-1984).
  • [53]
    Denni (B.), « Les vieux et le pouvoir du suffrage », Gérontologie, 81,1981.
  • [54]
    Entretien avec Jean-Claude Henrard.
  • [55]
    Trois principaux thèmes de réflexion étaient retenus : 1) Parcours des âges ; 2) la vie dans la cité ; 3) autonomie et dépendance (prévention du vieillissement et préservation de l’autonomie ; perte de l’autonomie et dépendance).
  • [56]
    Henrard (J.-C.), « Du troisième âge à la dépendance », Actualité et dossier en santé publique, 20,1997.
  • [57]
    Entretien avec Jean-Claude Henrard.
  • [58]
    Ibid.
  • [59]
    Pesce (R.), dir., Inégalités et exclusion : les pouvoirs locaux à l’épreuve du social, Rapport de synthèse du groupe d’étude de la Décentralisation, mars 1994.
  • [60]
    Memmi (A.), La dépendance, Paris, Gallimard, 1979.
  • [61]
    Muller (P.), « Entre le local et l’Europe. La crise du modèle français de politique publique », Revue française de science politique, 42 (2), 1992, p. 290.
  • [62]
    Jobert (B.), « Ambiguïté, bricolages et modélisation. La construction intellectuelle des politiques publiques », in CRESAL, Les raisons de l’action publique, Paris, L’Harmattan, 1994.
  • [63]
    Cf. Frinault (T.), Action publique et transformations des modes de socialisation de la vieillesse. Les politiques de prise en charge des personnes âgées dépendantes, thèse de science politique, Université Rennes I, septembre 2003.
  • [64]
    Loi 97-60 du 24 janvier 1997 tendant, dans l’attente du vote de la loi instituant une prestation d’autonomie pour les personnes âgées dépendantes, à mieux répondre aux besoins des personnes âgées par l’institution d’une prestation spécifique dépendance.
  • [65]
    Entretien avec Jean-Claude Boulard, député socialiste de la Sarthe, maire du Mans depuis 2001.
  • [66]
    Belorgey (J.-M.), « Du handicap à la dépendance : la trappe ? », Droit social, 7-8,1999, p. 704.
  • [67]
    Recommandation n° 98 (9) du comité des ministres aux États membres relative à la dépendance.
  • [68]
    Kessler (F.), « Les normes du Conseil de l’Europe et la législation française sur la dépendance », Revue française des affaires sociales, « Le vieillissement comme processus », n° hors-série, 52,1997, p. 219.
  • [69]
    Palach (J.-M.), rapporteur, Thierry (M.), président, Une société pour tous les âges, Rapport du comité de pilotage de l’année internationale des personnes âgées, Paris, ministère de l’Emploi et de la Solidarité, 1999, p. 20.
  • [70]
    Intervention à l’Assemblée nationale du 10 décembre 1992.
  • [71]
    Entretien avec Pierre Debon, conseiller technique à l’Union nationale des associations d’aide à domicile en milieu rural (UNADMR).
  • [72]
    Entretien avec Geneviève Laroque, Présidente de la FNG et ancienne IGAS.
  • [73]
    Wahl (B.), Interview dans le journal Le Monde du 21-22 février 1993.
  • [74]
    Wood (P. H.), « Comment mesurer les conséquences des maladies ? La Classification internationale des infirmités, incapacités et handicaps », Chronique OMS, 10,1980.
  • [75]
    Orientation, indépendance physique, mobilité, occupations, intégration sociale et indépendance économique.
  • [76]
    Soit huit activités domestiques répertoriées : faire les courses, préparer les repas, entretenir la maison, faire la lessive, utiliser les moyens de transport, prendre ses médicaments, tenir son budget, utiliser le téléphone.
  • [77]
    Dupasquier (J.-N.), Ennuyer (B.), « Quelle dépendance ? Interrogations au sujet de la séquence de Wood », Gérontologie et société, numéro spécial, 1991.
  • [78]
    Schopflin (P.), Dépendance et solidarité. Mieux aider les personnes âgées, Paris, Commissariat général du Plan, Xe Plan, 1989-1992, La Documentation française, 1991, p. 21.
  • [79]
    Gordin (J.), « Un grand problème gériatrique, l’évaluation de la perte d’autonomie », Revue de Gériatrie, 5 (8), 1980, p. 361.
  • [80]
    Colvez (A.), « Panorama de la dépendance en France », Revue française des affaires sociales, 44 (1), 1990.
  • [81]
    Ministère des Affaires sociales et de la Solidarité, « Choisir ou construire une grille de dépendance. Quelques questions préalables », Bulletin officiel, 90-20 bis, 1990.
  • [82]
    Cabotte (L.), « Quatre modèles d’économie de l’aide à domicile des personnes âgée », Revue française des affaires sociales, « Le vieillissement comme processus », n° hors-série, octobre 1997, p. 152.
  • [83]
    Argoud (D.), « La PSD, limites et chances », La loi sur la PSD : une contrainte ou un atout pour redéfinir le champ et les pratiques gérontologiques, Journée d’étude organisée par le CIPA de Limoges, mardi 17 mars 1998, p. 12.
  • [84]
    Conseil national de l’information statistique, « Handicap et dépendance : l’amélioration nécessaire du système statistique », Rapport du groupe de travail, 35, CNIS, juillet 1997, p. 7-17.
  • [85]
    Wenger (C.), “What Do Dependency Measures Measure ? Challenging Assumptions”, in Phillipson (C.), Bernard (M.), Strang (P.), eds., Dependency and Interdependency in Old Age, London, Croom Helm, 1986.
  • [86]
    Wood (P.), Badley (E.), “An Epidemiological Appraisal of Disablement”, in Bennett (A. E.), ed., Recent Advances in Community Medecine, Churchill Livingstone, Edimburgh-London-New-York, 1978, p. 160.
  • [87]
    Coutton (V.), Les instruments médico-économiques fondés sur les groupes iso-ressources, Rapport pour la DREES, Montpellier, Équipe démographie et santé, 2000.
  • [88]
    Ce concept, issu de l’étude des innovations technologiques, restitue la manière dont des architectures institutionnelles, organisationnelles et de politiques publiques, ont tendance à se renforcer malgré leur caractère sous-optimal (cf. North (D. C.), Institutions, Institutional Change and Economic Performance, Cambridge, Cambridge University press, 1990).
  • [89]
    Mécanisme général analysé par Brian Arthur (Increasing Returns and Path Dependence in The Economy, Ann Arbor, University of Michigan Press, 1994).
  • [90]
    Barthe (J.-F.), Clément (S.), Drulhe (M.), « Vieillesse ou vieillissement ? Les processus d’organisation des modes de vie chez les personnes âgées », art. cité.
  • [91]
    Cf. Bourdieu (P.), « La production de la croyance : contribution à une économie des biens symboliques », Actes de la recherche en sciences sociales, 13,1977.
  • [92]
    Jacquat (D.), rapporteur, Projet de loi (n° 1350) relatif à la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, Paris, Assemblée nationale, n° 1540, p. 10.
  • [93]
    Débats au Sénat (février 2004) sur le projet de loi n° 183 relatif à l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
  • [94]
    Bonnet (M.), Pour une prise en charge collective, quel que soit leur âge, des personnes en situation de handicap, Paris, Avis et rapports du Conseil économique et social, 2004.
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