Notes
-
[1]
Michael Herb, All in the Family : Absolutism, Revolution and Democracy in the Middle Eastern Monarchies, Albany (N. Y.), State University of New York Press, 1999.
-
[2]
Marc Valeri, Le Sultanat d’Oman. Une révolution en trompe-l’œil, Paris, Karthala, 2007.
-
[3]
Le cceag comprend depuis sa création, le 25 mai 1981, les six monarchies de la péninsule arabique : l’Arabie saoudite, Bahreïn, les Émirats arabes unis, le Koweït, Oman et le Qatar.
-
[4]
Anthony Cordesman, « Pivoting ? The United States, the Indian Ocean Region and the Gulf », susris.com, 21 décembre 2013 ; Mark Joyella, « Reports on Obama’s Foreign Policy : “Leading from Behind” », The New Yorker, 25 avril 2011.
-
[5]
Christopher M. Davidson, After the Sheikhs : The Coming Collapse of the Gulf Monarchies, Londres, Hurst, 2012, et « Why the Sheikhs Will Fall », ForeignPolicy.com, 26 avril 2013. Simon Henderson publie régulièrement sur WashingtionInstitute.org des articles sur la vulnérabilité et les failles des processus de succession, notamment en Arabie saoudite, en élaborant des scénarios qui se révèlent souvent erronés et comportent des conclusions assez pessimistes sur les chances de survie du régime des Saoud.
-
[6]
Michael Herb, All in the Family, op. cit. ; F. Gregory Gause, Kings for all Seasons : How the Middle East’s Monarchies Survived the Arab Spring, Doha, Brookings Doha Center, 2013, et Oil Monarchies : Domestic and Security Challenges in the Arab Gulf States, New York (N. Y.), Council for Foreign Relations Press, 1994. Cf. aussi Michael Stephens, « All Change in Saudi Arabia ? Not Quite Yet », OpenDemocracy.net, 2 février 2013.
-
[7]
Jane Kinninmont, Bahrain : Beyond the Impasse, Londres, Chatham House, 2012.
-
[8]
Gary S. Samore, Royal Family Politics in Saudi Arabia (1953-1982), thèse de doctorat, Université d’Harvard, 1984.
-
[9]
Fatiha Dazi-Héni, Monarchies et sociétés d’Arabie. Le temps des confrontations, Paris, Presses de Sciences Po, 2006.
-
[10]
À la suite de la décision du roi Fahd d’autoriser l’installation de troupes militaires américaines et alliées en 1990 sur le sol saoudien, à l’occasion de la deuxième guerre du Golfe visant à libérer le Koweït de l’invasion irakienne, émerge un mouvement de dissidence conduit par des opposants islamistes « sahwistes », courant islamiste salafiste dont les idées ont été influencées par les Frères musulmans d’origine égyptienne qui ont fui le régime de Nasser (Stéphane Lacroix, Les Islamistes saoudiens. Une insurrection manquée, Paris, puf, 2010). Cet événement important va conduire le roi à engager des réformes institutionnelles, dont la promulgation d’une loi fondamentale faisant office de Constitution.
-
[11]
Clan le plus puissant au sein des Saoud, il réunit six frères issus de la même mère, Hassa al-Soudaïri : l’ex-roi Fahd, les ex-princes héritiers Sultan et Nayef (décédés), l’actuel prince héritier Salman, les princes Abderrahman et Ahmad (exclus du cercle politique par le roi) et de Turki (homme d’affaires), qui n’a jamais occupé de fonction gouvernementale. Leur descendance est nombreuse.
-
[12]
Saudi Gazette, 4 juin 2000.
-
[13]
Al-Sharq al-Awsat, 9 octobre 2007.
-
[14]
Nabil Mouline, « Pouvoir et transition générationnelle en Arabie saoudite », Critique internationale, n° 46, janvier-mars 2010.
-
[15]
Michael Herb, « The Saudi Succession and Challenges Facing Saudi Arabia », PeaceBuilding.no, 19 août 2014.
-
[16]
« Pouvoir et transition générationnelle en Arabie saoudite », art. cité.
-
[17]
Entretien avec Mansour al-Marzoqi al-Bogami, doctorant saoudien en sciences politiques à l’université Lumière Lyon 2, septembre 2014.
-
[18]
La fonction d’inspecteur général permettait au prince Sultan de prendre notamment connaissance des appels d’offres et nominations effectués dans l’ensemble des ministères. De ce fait, il était en mesure de bloquer ou de contourner la machine étatique pour favoriser ses propres intérêts.
-
[19]
Sans le soutien actif du roi, Muqrin, fils d’esclave yéménite, n’aurait jamais pu prétendre au trône. Mais cette désignation est destinée avant tout à assurer au prince Mitab l’accès au trône, étant entendu que cet accord préciserait que le prince Muqrin désignerait Mitab prince héritier et Nayef vice-prince héritier.
-
[20]
Le roi fait ainsi du ministre de l’Intérieur, Mohammed ben Nayef, compte tenu de ses performances dans la lutte antiterroriste au sein du royaume entre les années 2003 et 2005, la colonne vertébrale du pouvoir des Saoud.
-
[21]
L’émir s’est avéré incapable d’arbitrer les querelles qui ont opposé deux de ses neveux issus de son lignage direct (Al-Ahmad al-Jaber) dans la course à la succession : le cheikh Nasser Mohammed, ancien Premier ministre, contraint à la démission le 28 novembre 2011 à la suite d’une mobilisation de l’opposition parlementaire massivement suivie par la population, à cause du versement de pots-de-vin par celui-ci à treize députés siégeant au Parlement élu en 2009 ; et le cheikh Ahmad al-Fahd, ancien ministre de l’Économie et du Développement, également contraint à la démission par le Parlement en juin 2011 pour avoir détourné des biens publics pour son enrichissement personnel.
-
[22]
C’est grâce au cheikh Moubarak, plus connu sous le nom de Moubarak le Grand, que la reconnaissance internationale de l’émirat comme entité indépendante a pu être entamée. En éliminant ses deux frères, celui-ci impose son unique descendance à travers ses sept fils : Jaber, Salim, Sabah, Nasir, Fahd, Hamad et Abdallah. Toutefois, depuis sa mort, seules deux branches issues de ses fils Jaber et Salim ont régné au cours du xxe siècle jusqu’à aujourd’hui, alors même que l’article 4 de la Constitution du Koweït, datant de 1962, stipule que l’ensemble des sept branches issues de la descendance de Moubarak le Grand ont légitimement le droit de prétendre à la succession.
-
[23]
Fatiha Dazi-Héni, « Social and Political Changes in Kuwait since 2011 in Light of the Arab Revolts », Arabian Humanities, n° 4, 2014 ; Jane Kinninmont, « Kuwait’s Parliament : An Experiment in Semi-Democracy », ChathamHouse.org, août 2012 ; Shafeeq Ghabra, « Kuwait’s Democracy is Challenged by Pressure Reform », WashingtonInstitute.org, 2 février 2012.
-
[24]
Mary Ann Tétreault, « Dissent and Citizens’ Rights in Kuwait », Jadaliyya.com, 5 novembre 2013.
-
[25]
Jill Crystal, Oil and Politics in the Gulf : Rulers and Merchants in Kuwait and Qatar, Cambridge, Cambridge University Press, 1990.
-
[26]
Philippe Cadène, « Kuwait City : Urban Planning and Regional Strategy », Arabian Humanities, n° 2, 2013.
-
[27]
Fatiha Dazi-Héni, « Le Conseil de coopération du Golfe : une coopération de défense et de sécurité renforcée ? », in Laurence Louër (dir.), Les Monarchies du Golfe face au Printemps arabe, Les dossiers du ceri, 2011 ; disponible sur SciencesPo.fr.
-
[28]
En l’absence de recensement prenant en compte les appartenances aux différents courants de l’islam, on a longtemps estimé les parts respectives des sunnites (dont est issue la dynastie régnante, les Al-Khalifa) et des chiites à 30 % et 70 % de la population nationale. Aujourd’hui, ces deux populations seraient presque à parité. Ce rééquilibrage, qui fait partie des objectifs du régime depuis les années 1990, serait dû aux naturalisations massives d’étrangers sunnites, notamment de membres des forces de sécurité et de leurs familles, pour la plupart des Arabes (Syriens, Yéménites, Jordaniens, Soudanais, Irakiens) mais aussi des Pakistanais. Sur la composition des forces de sécurité et son impact sur la répression du soulèvement de 2011, cf. Laurence Louër, « Sectarianism and Coup-Proofing Strategies in Bahrain », The Journal of Strategic Studies, vol. 36, n° 2, avril 2013.
-
[29]
Cf. Abbas Busafwan, « The Structure of Tyranny in Bahrain : A Study of the Balance of Power within the Ruling Family », bcsl.org.uk, 16 décembre 2012, p. 33-47.
-
[30]
Âgé de 78 ans, le Premier ministre Khalifa a construit sa base politique sur plusieurs décennies. Outre ses nombreux soutiens au sein de la dynastie elle-même, il dispose de puissants réseaux dans la société civile, notamment parmi les hommes d’affaires. Lui-même considéré comme l’homme d’affaires le plus riche de Bahreïn, il est pourtant très populaire dans le milieu sunnite qui le voit proche du peuple et facilement accessible, mais il est en revanche détesté par les chiites. L’opposition de tous bords (islamiste, chiite et libérale) le désigne par ailleurs comme l’artisan de la répression très forte du soulèvement de 1994-1999. Enfin, les événements de 2011 ont vu se renforcer considérablement la position du Premier ministre et des autres factions « dures » du régime.
-
[31]
Principal membre de l’opposition, le parti Al-Wifak réclamait que le Premier ministre soit désormais désigné parmi la majorité parlementaire, c’est-à-dire qu’il soit issu de ses rangs puisqu’il détenait alors dix-huit sièges sur quarante. Même si cet objectif ne pouvait être atteint, les cadres du parti voyaient dans cette démarche un moyen de se débarrasser de Khalifa. En réalité, le scénario qui se profilait était celui d’un accord entre le roi et l’opposition en vue d’écarter un ennemi commun.
-
[32]
Cf. Justin J. Gengler, « Royal Factionalism, the Khawalid, and the Securitization of the “Shi’a Problem” in Bahrain », Journal of Arabian Studies, vol. 3, n° 1, 2013.
-
[33]
Mehran Kamrava (dir.), The Political Economy of the Persian Gulf, Londres, Hurst, 2012.
-
[34]
Fatiha Dazi-Héni, Monarchies et sociétés d’Arabie, op. cit.
-
[35]
Andrew Hammond, « Qatar’s Leadership Transition : Like Father like Son », ecfr.eu, 11 février 2014.
-
[36]
Rosemary Said Zahlan, The Making of Modern Gulf States : Kuwait, Bahrain, Qatar, the United Arab Emirates and Oman, 2e éd., Londres, Ithaca Press, 1998.
-
[37]
Victor Gervais, Du pétrole à l’armée. Les stratégies de construction de l’État aux Émirats arabes unis, Paris, Inserm, 2011.
-
[38]
Contrairement aux autres membres de la famille, il n’a pas perdu d’argent lors de la crise financière de 2008 qui a touché de plein fouet la fédération et notamment Dubaï.
-
[39]
Marc Valeri, Le Sultanat d’Oman, op. cit.
-
[40]
Trois cousins paternels du sultan (tous frères utérins) font figure de successeurs potentiels : Haytham, né en 1955, ministre de la Culture depuis février 2002 ; Asaad, né en 1954, représentant personnel du sultan depuis février 2002 ; et Chihab, né en 1956, chef d’état-major de la marine jusqu’en 2004, président du Conseil national de la recherche depuis.
-
[41]
Marc Valeri, « Succession incertaine à Oman : qui remplacera le sultan Qabous ? », Orientxxi.info, 20 novembre 2014.
-
[42]
Giacomo Luciani (dir.), The Arab State, London, Routledge, 1990. Cf. aussi Terry Lynn Karl, The Paradox of Plenty : Oil Booms and Petro-States, Berkeley (Calif.), University of California Press, 1997.
-
[43]
Mehran Kamrava (dir.), The Political Economy of the Persian Gulf, op. cit.
-
[44]
Laurence Louër (dir.), Les Monarchies du Golfe face au Printemps arabe, op. cit.
-
[45]
Fatiha Dazi-Héni, « Les monarchies du Conseil de coopération du Golfe : acteurs incontournables dans un monde arabe en manque de puissance ? », Moyen-Orient, n° 22, avril-juin 2014.
-
[46]
Simon Kerr, « Diplomatic Crisis as Gulf States Withdraw Ambassadors from Qatar », Financial Times, 5 mars 2014. Un sommet extraordinaire s’est tenu depuis à Riyad, le 16 novembre 2014, lors duquel il a été décidé de mettre un terme officiel à la brouille avec le Qatar d’une part en annonçant le retour des ambassadeurs à Doha et la tenue du prochain sommet des chefs d’État du cceag au Qatar, les 9 et 10 décembre, et d’autre part en assurant la présidence tournante de cette institution multilatérale pour l’année 2015.
-
[47]
Anthony Cordesman, Moving towards Unity : Expanding the Role of the gcc in Gulf Security, csis.org, 20 décembre 2012.
-
[48]
F. Gregory Gause, Kings for all Seasons, op. cit.
1L’ouvrage de référence de Michael Herb, All in the Family [1], s’attache à définir les huit régimes monarchiques arabes qui sont encore présents aujourd’hui et qu’il divise en deux catégories. Le premier groupe est représenté par le Maroc et la Jordanie où les souverains règnent seuls, sans la présence de leur famille mais en accord avec des élites cooptées ou issues de processus électoraux législatifs. Le second groupe est quant à lui constitué des monarchies dynastiques du Golfe : l’Arabie saoudite, Bahreïn, les Émirats arabes unis, le Koweït et le Qatar, où les familles royales/régnantes détiennent le quasi-monopole du pouvoir politique. Le sultanat d’Oman fait ici figure d’exception dans la mesure où le sultan monopolise l’ensemble des portefeuilles régaliens. De ce fait, Oman représente la seule monarchie absolue du monde arabe. Michael Herb range néanmoins le sultanat dans la famille des régimes dynastiques – même si celui-ci ne remplit pas réellement les critères de cette catégorie – puisque le sultan a accordé aux membres de son clan, les Al-Saïd [2], des postes à haute responsabilité dans la hiérarchie militaire et au sein de l’administration.
2Dans cette contribution, nous tâcherons d’abord de montrer pourquoi les monarchies dynastiques du Golfe sont les régimes les plus résilients du monde arabe. Bien qu’ils ne soient pas à l’abri de fortes secousses comme le cas bahreïnien l’a montré dans le prolongement des soulèvements populaires arabes du début de l’année 2011, ces régimes dynastiques ont, par leurs mécanismes institutionnels propres, la capacité d’assurer une certaine cohésion et stabilité en dépit des tensions au sein de leur instance dynastique ou des rivalités entre membres du Conseil de coopération des États arabes du Golfe (cceag) [3].
3Les facteurs exogènes seront ensuite appréhendés pour mesurer leur impact sur la possible fragilisation, voire déstabilisation de ces régimes dynastiques. Leurs économies basées sur les hydrocarbures et, depuis plus d’une décennie, sur les surplus issus de la rente pétro-gazière participent largement à la consolidation et au maintien de ces pouvoirs dynastiques. Néanmoins, ces monarchies ne présentent pas un profil homogène (inégalités face à la richesse minière, différences démographiques, niveau de légitimité des dynasties vis-à-vis de leur population nationale…) et ne présentent donc pas la même résilience face aux pressions extérieures.
4Enfin, la nouvelle approche diplomatique régionale du président Barack Obama (désengagement progressif des zones de conflit et rapprochement avec l’Iran) [4], les effets du Printemps arabe qui ont d’ores et déjà modifié les équilibres régionaux au Moyen-Orient, ou encore l’arrivée sur le marché mondial des hydrocarbures de schiste en provenance d’Amérique du Nord, seront autant de mutations à examiner pour évaluer la capacité d’adaptation et de résilience des monarchies dynastiques du Golfe dans un avenir proche.
Des mécanismes institutionnels au centre du dispositif de résilience
5Alors que nombre de think-tanks, journalistes, et même chercheurs, prédisent la fin imminente des régimes dynastiques du Golfe dès que des problèmes de succession et/ou socio-économiques surgissent [5], nous estimons au contraire, en accord avec les travaux de Michael Herb ou de Gregory Cause [6], que la domination de ces familles dynastiques sur leur État rend particulièrement ardue leur décomposition soudaine – notamment, comme nous le verrons, s’agissant du cas saoudien.
6L’institution dynastique n’est pas homogène selon que l’on se situe en Arabie saoudite, au Koweït, à Bahreïn, au Qatar, aux Émirats arabes ou à Oman, qui présentent un niveau inégal de résistance en cas de troubles sociaux, économiques ou politiques. Les cas de Bahreïn et du Koweït sont emblématiques de cette situation. De tradition libérale et pluraliste, dotées d’une population très politisée, ces États font face à des troubles politiques récurrents. Bien que la famille régnante des Al-Sabah soit affaiblie par les querelles intra-dynastiques très fortes depuis l’arrivée du cheikh Sabah al-Ahmad al-Jaber au pouvoir, en janvier 2006, le Koweït n’a néanmoins jamais été menacé dans sa survie (en dehors de l’épisode transitoire de l’invasion irakienne, du 2 août 1990 au 26 février 1991, facteur extérieur d’instabilité non provoqué par la rupture d’un consensus intérieur), contrairement à la dynastie Al-Khalifa de Bahreïn qui a joué sa survie lors du soulèvement de 2011, dans le prolongement du Printemps arabe [7].
7L’arbitrage et la régulation interne du fonctionnement de la domination dynastique sur l’État sont essentiellement décidés par les conseils de famille dont les réunions ne sont pas toujours rendues publiques. Ce mode de fonctionnement délibérément opaque s’active surtout en période de transition successorale, qui peut donner lieu à des négociations plus ou moins longues en fonction du modèle de succession en vigueur.
Des mécanismes de succession différenciés
8Lorsque le mode de succession est, comme au Qatar ou à Bahreïn, proche de celui des monarchies européennes – lignage agnatique qui se transmet de père en fils, mais pas forcément selon la primogéniture –, le conseil de famille se contente de valider et de prêter allégeance au nouveau souverain. Quand il obéit, comme c’est davantage la tradition dans les autres monarchies locales, à un processus de désignation par le souverain soumis à un consensus dynastique qui prend en compte l’équilibre des rapports de forces entre les clans au sein de la famille élargie, la désignation peut s’avérer plus délicate. Néanmoins, même lors des situations les plus critiques, comme en Arabie saoudite à la suite de la destitution du roi Saoud en 1964 ou après l’assassinat du roi Fayçal en 1975 [8], les solutions étaient préalablement discutées au sein du conseil de famille. Soit une décision consensuelle est prise, ainsi de la désignation de Fayçal en remplacement de Saoud, soit le prince héritier préalablement désigné est adoubé, comme ce fut le cas de Khaled s’agissant de la succession du roi Fayçal.
9Ce mode de succession qui était la règle dans la région est certes plus complexe qu’il n’y paraît, mais il a cependant donné lieu à un mécanisme plus institutionnalisé, notamment au cours de la décennie 1990 lorsque des lois fondamentales ont été instaurées (Arabie saoudite en 1992, Oman en 1996, adoption d’une Constitution à Bahreïn en 2001 et au Qatar en 2003) [9]. De manière générale, comme le souligne Michael Herb dans son analyse idéal-typique de la domination dynastique sur l’État, plus les luttes et compétitions pour la succession sont âpres entre membres d’une dynastie et plus l’institution dynastique mettra en œuvre des mécanismes de négociation et de décision pour empêcher que les disputes et rivalités conduisent à la chute du régime. Ce cas de figure ne s’est jamais réalisé au sein des modèles monarchiques dynastiques mais s’est présenté dans les monarchies où le souverain règne sans l’appui de sa famille, comme au Maroc, en Jordanie ou dans les autres monarchies moyen-orientales qui n’ont pas survécu (Irak, Égypte, Libye, Iran).
10L’Arabie saoudite, où l’intensité du débat sur la succession est très vive depuis l’accession au trône du roi Abdallah en août 2005, mérite une attention particulière compte tenu de sa taille, de sa démographie et de la grande diversité de ses provinces. Les secousses susceptibles de provenir des tensions intra-dynastiques pourraient avoir un impact autrement plus important que celles issues des tensions en présence dans le reste des monarchies voisines.
Le renforcement institutionnel saoudien et « le vrai faux suspense » de la succession
11Pour comprendre les blocages liés au mode de succession du royaume saoudien, il faut revenir au début de la décennie 1990 lorsque le roi Fahd promulgue la loi fondamentale par décret royal, le 1er mars 1992 [10]. L’article 5 de ce texte introduit un élément nouveau, conférant au roi le droit, après consultation du conseil de famille, de démettre son successeur. Cette disposition outrage le prince héritier Abdallah, désigné dès 1982 par le même roi Fahd, et déclenche le cycle de tensions et de rivalités qui ont opposé l’actuel souverain au clan Soudaïri [11]. Le roi Fahd est frappé par un accident cérébral le 30 décembre 1995, ce qui conduit le prince héritier Abdallah à occuper la fonction de régent – de facto souverain. Il s’attelle à rendre plus transparente l’instance dynastique, en instaurant publiquement, le 4 juin 2000, le Conseil de la famille royale des Saoud, dont l’existence informelle remonte à 1921. C’est pour faire taire les rumeurs et calmer les tensions liées à la question successorale que le régent promeut ainsi ostensiblement le rôle de ce conseil de famille, chargé des arbitrages intra-dynastiques tout en veillant à faire primer le consensus. La liste des vingt membres les plus influents des treize clans issus de la famille royale siégeant au sein de ce conseil est même publiée le jour même de son instauration publique [12], alors même que tout ce qui touchait à cette institution était traditionnellement tabou.
12Le second temps fort du processus d’institutionnalisation de l’instance dynastique prend forme le 20 octobre 2006, soit un an après qu’Abdallah accède au trône, avec l’instauration, par amendement de l’article 5 de la loi fondamentale de 1992, d’un Conseil d’allégeance (hay’at al-bay’a), rendu public par un décret le 10 décembre 2007, auquel le roi transfert son pouvoir de nommer et de révoquer le prince héritier. Un décret royal précise en dix-huit articles les compétences de ce conseil et détaille les principes de son fonctionnement [13]. Les règles concernant la succession telles que définies par cet amendement entreront en vigueur dès lors que le prince héritier Sultan sera décédé, ce qui est le cas depuis octobre 2011, et après la mort du roi Abdallah, âgé aujourd’hui de près de 93 ans.
13Ce conseil comprend trente-cinq membres [14] qui sont les fils du roi fondateur, remplacés au fur et à mesure de leur décès par un de leur fils. Il est en 2014 composé de quatorze fils et de vingt et un petits-fils – contre respectivement seize et dix-neuf lors de son instauration en 2006. Les fils ont un mandat à vie alors que les petits-fils siègent pour une durée de quatre ans renouvelable avec l’accord unanime des frères du siégeant et après validation par le roi. C’est Khaled Al-Tuwaijri, homme de confiance du roi et directeur de son cabinet, qui occupe la fonction de secrétaire général du Conseil d’allégeance.
14Alors que l’article 5 de la loi fondamentale de 1992 donnait à la discrétion individuelle et arbitraire du souverain le droit de désigner et révoquer son prince héritier, c’est donc le Conseil d’allégeance qui, une fois le décès du roi Abdallah annoncé, désignera par consensus à l’unanimité des trente-cinq membres le nouveau prince héritier. Néanmoins, la récente désignation, par décret royal du 27 mars 2014, d’un vice-prince héritier, le prince Muqrin (né en 1949, dernier fils du roi fondateur), n’était pas prévue par l’amendement d’octobre 2006. Cette désignation a cependant obtenu le consentement du prince héritier, Salman, l’accord des trois-quarts des membres du Conseil d’allégeance et l’allégeance du conseil des ministres et du conseil consultatif (assemblée de représentants nommés par le roi et issus de la société civile saoudienne). Le décret royal souligne en outre que cette décision ne peut être ni modifiée ni annulée.
15La première conséquence de la désignation de Muqrin est qu’elle permet aux Saoud de s’entendre sur l’absence de vacance du pouvoir en cas de disparitions rapprochées du roi et du prince héritier. Même si cette disposition fait des mécontents (notamment les frères et fils du prince Sultan écartés du pouvoir par le souverain Abdallah), force est de constater qu’elle contribue à renforcer l’institutionnalisation du pouvoir dynastique dans la durée puisqu’elle a donné lieu à un large consensus [15].
16L’autre disposition institutionnelle fondamentale prévue lors de l’instauration du Conseil d’allégeance est la constitution d’un comité médical, formé de cinq médecins. À la demande de ce conseil, il est chargé d’établir un bilan de santé confidentiel sur la capacité du roi et/ou du prince héritier à assumer leurs responsabilités. Selon les conclusions du comité, le Conseil d’allégeance peut décider de transférer les pouvoirs du roi au prince héritier, de façon temporaire ou définitive. Cette disposition est loin d’être anodine aujourd’hui puisque, le roi étant très affaibli et le prince héritier atteint de la maladie d’Alzheimer, l’accession de ce dernier au trône devrait selon toute vraisemblance être invalidée par le comité médical.
17La désignation de Muqrin comme vice-prince héritier, de même que l’instauration d’un conseil de gouvernement provisoire prévu par le Conseil d’allégeance, le temps de transférer le pouvoir au nouveau roi et de désigner un nouveau prince héritier, renforcent donc bien l’institutionnalisation de l’outil dynastique. Ainsi, tout en partageant l’analyse de Nabil Mouline [16] selon laquelle la création du Conseil d’allégeance par le roi Abdallah est un moyen de diluer l’influence du clan Soudaïri (ce qui est désormais avéré), nous estimons en revanche que cette étape est décisive dans le processus d’institutionnalisation de la succession et dans le maintien de l’entité dynastique monarchique des Saoud.
18Le souverain Abdallah a également procédé à une réforme institutionnelle liée au processus de pérennisation de la monarchie, en faisant de l’appareil coercitif saoudien, davantage articulé autour des ministères de l’Intérieur et de la Garde nationale, et commandé par son fils Mitab, l’épicentre névralgique du pouvoir [17], au détriment d’un ministère de la Défense très affaibli. En procédant à la restructuration du ministère de la Défense, le roi Abdallah a vidé de sa substance l’ancien fief régalien tout-puissant sur lequel a régné le prince Sultan de 1962 jusqu’à sa mort en octobre 2011. En cumulant les fonctions de ministre de la Défense et de ministre de l’Aviation civile, et d’inspecteur général du même ministère, ce dernier, au cœur d’un véritable État dans l’État, était devenu l’homme le plus puissant du royaume. À la faveur de son décès, le roi s’est immédiatement attelé à démembrer ce « super »-ministère en érigeant l’aviation civile en domaine autonome placé sous son autorité directe et en supprimant la fonction stratégique d’inspecteur général [18].
19Avec la disparition des deux personnalités phares du clan Soudaïri, les princes Sultan et Nayef, décédés à huit mois d’intervalle, et la marginalisation du prince Salman, malade et occupé à veiller sur les intérêts de sa descendance, le roi est parvenu à déplacer le centre du pouvoir au bénéfice de sa propre descendance et de ses alliés politiques [19]. Si la rivalité de l’actuel souverain avec le clan Soudaïri est assurément l’un des faits majeurs de son règne, son aptitude à rééquilibrer le pouvoir ne s’est néanmoins pas traduite par l’éviction du clan Soudaïri mais par la sélection de membres compétents issus de ce clan (le prince Nayef [20]) et l’éviction des plus controversés (en particulier le prince Sultan, ancien vice-ministre de la Défense).
Les autres monarchies dynastiques du Golfe
20Les tensions intra-dynastiques au Koweït se sont fortement accrues parallèlement à l’arrivée du cheikh Sabah al-Ahmad al-Jaber au trône en janvier 2006 et à la désignation de son neveu, le cheikh Nasser Mohammed, comme Premier ministre, faisant apparaître au sein de la faction dominante du clan de l’émir de fortes rivalités que celui-ci n’a pas su arbitrer [21]. Traditionnellement basé sur l’alternance des branches cousines Al-Jaber et Al-Salim, la dynastie Al-Sabah est aujourd’hui principalement dominée par la faction de l’émir, compte tenu de la quasi-disparition du clan Al-Salim et de la faiblesse des autres clans qui peuvent prétendre au trône s’ils proviennent de la descendance directe de Moubarak le Grand [22]. Ainsi, outre l’émir, son frère, et le cheikh Nawaf, prince héritier, le cheikh Nasser Mohammed, leur neveu, bien que sans fonction officielle depuis sa démission forcée en novembre 2011, fait office de numéro deux présomptif à la succession.
21Cette situation de tension est exacerbée par les crises entre les pouvoirs exécutif et législatif, dont la relation tumultueuse est une caractéristique du régime, qui n’ont fait que s’aggraver depuis 2006 jusqu’à la fin de l’année 2012 [23]. En effet, les presque six années d’exercice du pouvoir par le cheikh Nasser Mohammed, de février 2006 à novembre 2011, ont été, depuis l’adoption par l’émirat le 11 novembre 1962 d’une Constitution instaurant un Parlement, les plus agitées politiquement – au cours de son mandat, le Premier ministre a dû former sept gouvernements et organiser deux scrutins législatifs anticipés.
22En 2012, la crise de confiance entre l’opposition – islamistes du Hadas (Frères musulmans), libéraux, progressistes et surtout ex-députés tribaux – et la dynastie n’a pas pris fin bien que la démission du Premier ministre ait été obtenue. En effet, c’est l’émir en personne qui est alors devenu la cible des critiques au plus fort de la contestation, en dépit de l’inamovibilité de son statut prévue par la Constitution [24].
23N’ayant jamais pardonné à l’opposition de l’avoir forcé à accepter la démission de son neveu, l’émir, appuyé par sa famille pourtant très divisée, n’a depuis cessé de renforcer le pouvoir dynastique sur l’État. Il est ainsi parvenu dans son bras de fer avec l’opposition, qui a boycotté les deux derniers scrutins législatifs du 3 décembre 2012 et du 27 juillet 2013, à éroder la cohésion de cette dernière. La confrontation politique entre dynastie régnante et opposition semble se faire en faveur du couple dynastie régnante-oligarchies marchandes. En effet, à la faveur du plan de développement quadriennal 2010-2014 de 127 milliards de dollars voté en 2009 par le Parlement mais bloqué ensuite par la nouvelle assemblée élue en février 2012, les familles marchandes (acteurs historiques dominants de la cité-État [25]) reviennent en force à la tête de l’émirat, partageant avec la famille régnante l’essentiel des dividendes issus de la répartition des marchés et visant à développer les infrastructures du pays (port Moubarak, Tahrir City, etc.) [26].
24À Bahreïn, la monarchie a su assurer sa survie suite au soulèvement populaire de grande ampleur contre le régime, qui a eu lieu entre le 14 février et le 18 mars 2011. Avec l’appui d’un contingent du Bouclier de la péninsule, la force militaire commune aux États du cceag [27], le régime a mobilisé la population sunnite contre un soulèvement qu’il a déclaré avoir été provoqué par des chiites instrumentalisés par l’Iran et animés par la haine anti-sunnite [28]. Ce soulèvement a eu un impact direct sur les divisions factionnelles au sein de la dynastie Al-Khalifa. Cantonnées, durant les premières années du règne de Hamad ben Isa al-Khalifa, à l’antagonisme entre le roi et son oncle, le cheikh Khalifa, Premier ministre [29], les luttes d’influence impliquent désormais trois pôles de pouvoir qui divergent quant aux solutions à apporter à la crise. Le premier pôle est représenté par un roi faible et peu populaire avec à ses côtés son fils aîné, le prince héritier Salman, favorable au dialogue avec l’opposition, apprécié des chiites et critiqué de ce fait par les sunnites, mais soutenu par les États-Unis et le Royaume-Uni. Le deuxième est composé du Premier ministre, « l’oncle indéboulonnable » qui a cristallisé le mécontentement populaire de la communauté chiite [30] – il aurait fait appel à l’Arabie saoudite pour prêter main-forte au régime bahreïnien menacé par le « péril chiite » [31]. L’intervention militaire du Bouclier de la péninsule a d’abord sauvé le Premier ministre tout en se présentant comme une action visant à préserver le régime dynastique. Le troisième pôle de pouvoir dynastique est composé des khawâlid, branche rivale écartée du pouvoir par les Britanniques dans les années 1920, la frange la plus « dure » [32]. Loin de constituer des forces d’appoint du Premier ministre, les khawâlid nourriraient au contraire une aversion particulière à son égard et se seraient rapprochés du roi pour des raisons tactiques : ce dernier, pour contrecarrer les réseaux développés par son oncle, a ainsi installé à des postes clés des personnages qui ont tenté de saper l’autorité du Premier ministre, afin d’imposer un des leurs dans la bataille qui se livre actuellement pour ce poste.
25En dépit d’un pouvoir dynastique fragmenté, la monarchie de Bahreïn doit son salut à deux solides renforts qui n’ont pourtant pas vocation à soutenir les mêmes membres de la dynastie : d’une part, le soutien des riches monarchies voisines, qui lui attribuent une aide financière démontrant leur solidarité à la dynastie Al-Khalifa (et sauvant notamment le Premier ministre), et en particulier celui de l’Arabie saoudite, qui reverse l’ensemble des revenus de son puits de pétrole frontalier à Bahreïn, dont les richesses en hydrocarbures sont épuisées ; et, d’autre part, l’appui significatif de Washington (Manama, la capitale, accueille le stationnement de la cinquième flotte de l’US Navy) et de Londres (ancienne puissance mandataire encore très influente à Bahreïn) au prince héritier réformateur marginalisé à la suite du soulèvement. Les deux puissances occidentales ne seraient pas étrangères à sa nomination au poste de premier vice-Premier ministre en mars 2013. Cette fonction nouvellement créée a peut-être été inspirée de la pratique saoudienne selon laquelle la nomination en tant que premier vice-Premier ministre est une première étape en vue d’être nommé au poste de prince héritier.
26Les riches émirats préservés d’Abou Dhabi et du Qatar ont pour leur part largement les moyens de durer. En raison de leurs produits intérieurs bruts par habitant qui figurent parmi les plus élevés au monde, de leur superficie et démographie très réduites (un million et demi de nationaux pour huit millions d’habitants aux Émirats arabes unis et deux cent mille nationaux pour deux millions d’habitants au Qatar), de leurs richesses en hydrocarbures et des rentes financières alimentées par leurs fonds souverains et de nombreux fonds d’investissement mi-privés mi-publics respectifs [33], ces deux émirats ont la capacité d’offrir encore pour longtemps les dividendes de l’État providence à leur population nationale. Cette situation les préserve des tumultes que Bahreïn et Oman ont connus ou qui menacent à terme l’Arabie saoudite.
27De plus, ces atouts confèrent aux dynasties Al-Nahyan d’Abou Dhabi et Al-Thani du Qatar de larges marges de manœuvre dans les négociations et arrangements pour satisfaire les positions de chacun et ménager les rapports de forces entre les divers clans et factions qui composent ces familles dynastiques.
28Au Qatar, les querelles intra-dynastiques avaient force de loi, les relations au sein de la dynastie Al-Thani étant parmi les plus tumultueuses de la région (coups d’État, destitutions), et ce jusqu’à l’avènement du cheikh Hamad, qui a lui-même profité d’un voyage en Europe de son père pour le remplacer sur le trône, le 27 juin 1995. Aussitôt parvenu à la tête de l’État, le cheikh Hamad s’est immédiatement attaché à moderniser les institutions de son pays, en commençant par réformer le processus de succession afin de transmettre le pouvoir à l’un de ses fils. Il a d’abord désigné son fils Jassem en 1996, puis son fils Tamim en août 2003, tous deux issus de son union avec sa deuxième épouse, Moza, issue de la grande tribu des Mohannadi, ce qui, en raison de son origine roturière, a provoqué beaucoup de remous au sein de la dynastie des Al-Thani, dont le père de Moza était de surcroît un farouche opposant [34].
29Une Constitution a ensuite été adoptée par référendum à 98 % des voix en avril 2003, prévoyant l’organisation d’élections législatives, ajournées de manière récurrente cependant. Le développement spectaculaire de l’émirat sous le règne du cheikh Hamad a fait du Qatar, pays surendetté jusqu’à la moitié de la décennie 2000 en raison du choix stratégique de développer l’exploration gazière, aujourd’hui le premier exportateur mondial de gaz liquéfié. Le rayonnement économique, voire diplomatique (bien que ce point soit plus controversé), mondial du Qatar et l’appui de Washington ont facilité la tâche de l’émir, qui voulait s’assurer une place centrale au sein de la dynastie et, par ce biais, imposer sa descendance directe, notamment vis-à-vis de ses frères et oncles, écartés du processus de succession.
30L’émir Hamad est même parvenu, de manière inédite dans cette région, à préparer idéalement la succession de son fils Tamim en faveur duquel il a abdiqué alors qu’il était âgé d’à peine 62 ans [35]. Cette transition dynastique en douceur, acceptée par consensus au sein de la famille régnante, le jeune Tamim recevant l’allégeance de l’ensemble des tribus et autorités religieuses du pays, le 25 juin 2013, s’est faite grâce à l’argent des rentes gazière et financière qui a permis de convaincre même les plus hostiles à ce changement.
31Le cas plus complexe de la fédération des Émirats arabes unis tient au processus de succession qui obéit à une double logique. La première est définie au niveau de chacun des émirats, elle correspond pour Dubaï à la ligne de succession de la primogéniture : l’aîné mâle du souverain est désigné comme prince héritier depuis l’accession au pouvoir en janvier 2006 du cheikh Mohammed ben Rachid, qui a succédé à son frère le cheikh Maktoum ben Rachid. À Abou Dhabi, l’ordre successoral s’inscrit dans la tradition du consensus dynastique et se transmet entre les fils du fondateur, le cheikh Zayed, le pouvoir se transmettant alors au sein d’une même fratrie. L’autre logique, institutionnelle, est inscrite dans les statuts de la fédération, créée le 2 décembre 1971, et pose comme principe que l’émir d’Abou Dhabi (émirat le plus riche, détenant 90 % des hydrocarbures de la fédération) est le président de l’État fédéral et que l’émir de Dubaï (deuxième émirat le plus prospère) est le Premier ministre et le vice-président de l’instance fédérale, en accord avec le collège d’émirs qui composent la fédération [36].
32Cependant, les ambitions affichées par l’actuel prince héritier d’Abou Dhabi, souvent présenté comme l’homme fort de l’émirat, le cheikh Mohammed ben Zayed al-Nahyan, aîné de sa fratrie (les Fatimides, la plus puissante de la dynastie Al-Nahyân, qui comptent six frères issus de la même mère, Fatima, épouse préférée du cheikh Zayed), laissent présager là aussi une âpre lutte intra-dynastique au sein même de ce clan dominant. Ce dernier incarne le hard power de l’émirat : à la tête de l’industrie de défense du pays – la plus performante du cceag [37] –, il possède également l’un des fonds d’investissement les plus puissants du pays, Mubadala. Mohammed ben Zayed al-Nahyan prend une part croissante dans la gestion du développement économique de l’émirat et dans la direction de l’appareil de défense et de sécurité, ainsi que dans les orientations diplomatiques de la fédération.
33Néanmoins, ses frères ne sont pas en reste et le cheikh Mansour, gendre de l’émir de Dubaï et directeur de cabinet du président de la fédération, multiplie non seulement les alliances politiques extra-Fatimides, avec son demi-frère le cheikh Khalifa, président de la fédération, dont il serait très proche, mais aussi extra-dynastique, avec son beau-père, le cheikh Mohammed ben Rachid, l’émir de Dubaï. D’autre part, il s’est imposé comme l’un des hommes d’affaires les plus avisés [38] et les plus riches de la fédération en tant que dirigeant du fonds d’investissement pétrolier ipic. Pour l’heure, l’adéquate répartition des rôles et des richesses occulte les rivalités de personne mais, étant donné l’ambition du prince héritier d’Abou Dhabi à qui l’on prête l’intention de transmettre la succession de l’émirat à son fils aîné, la cohésion du clan des Fatimides pourrait être remise en cause.
34La question successorale est bien différente à Oman, du fait que le sultan Qabous n’a pas de descendance et que nul prince héritier n’a été officiellement désigné. La loi fondamentale de 1996 instaure tout de même, dans son article 5, les règles successorales, qui se distinguent nettement cependant des autres monarchies voisines. Le nom de l’héritier du trône n’est en effet pas précisé car une telle nomination serait contraire à la tradition ibadite (religion syncrétique dominante du sultanat), dont l’un des principes fondateurs veut que ce soit sa valeur et non son hérédité qui gouverne le choix de l’imam (en référence à l’imamat ibadite historique à Oman) [39]. Cet article 5 prévoit que l’héritier du sultan doit être un descendant mâle, musulman, sain d’esprit et fils légitime de parents musulmans omanais issus de la lignée de Turki ben Saïd, qui a régné de 1871 à 1888.
35Le sultan Qabous a renversé son père en 1970 et sciemment écarté les membres de la famille royale de la gouvernance du pays pour régner de concert avec les oligarchies marchandes et les tribus, davantage incorporées dans l’appareil militaire et de sécurité. Il concentre ainsi entre ses mains les charges de Premier ministre, ministres de la Défense et des Affaires étrangères, et depuis 2011 (lorsqu’ont eu lieu des soulèvements qui se sont appuyés sur le mécontentement des jeunes insatisfaits des réponses données à leurs revendications sociales) il détient également le portefeuille de l’économie.
36La disparition du sultan, dont l’état de santé inquiète beaucoup en raison de son hospitalisation en Allemagne depuis le mois de juillet 2014, créera sans doute un vide difficilement surmontable. Cette figure patriarcale du pays incarne en effet à elle seule l’identité nationale omanaise. Ainsi, sa préférence pour un successeur devrait faire consensus. Le sultan aurait d’ailleurs consigné par ordre de préférence le nom de trois potentiels successeurs sous enveloppes scellées [40], l’une déposée à Mascate, capitale du sultanat, l’autre à Salalah, capitale de la province du Dhofar, et puisque reviendrait la tâche d’ouvrir ces enveloppes au conseil de défense, institué en 1996 et composé de membres de l’armée et des forces de sécurité mais en l’absence de membres de la famille royale, ce dernier se verrait de facto attribuer la fonction arbitrale dans le processus de succession [41].
Les obstacles au principe de résilience
37Plusieurs variables extérieures exercent une pression sur ces régimes dynastiques, susceptible de les fragiliser. La fin de l’État providence à Bahreïn et Oman explique que ces deux régimes soient plus vulnérables que leurs voisins. La question se pose également avec acuité pour l’Arabie saoudite, qui compte vingt millions de nationaux sur une population totale de trente millions d’habitants.
38L’arrivée massive du pétrole et du gaz de schiste nord-américains sur le marché mondial des hydrocarbures à l’horizon 2020 et le ralentissement de la croissance économique mondiale concourent d’ores et déjà à la baisse du prix du pétrole (autour de 75 dollars fin novembre 2014) dans un contexte géopolitique pourtant très incertain, depuis la Libye jusqu’aux frontières de l’Iran. La tendance baissière du cours du pétrole va accentuer la pression sur des pétromonarchies qui ont engrangé pendant près d’une décennie des bénéfices colossaux grâce aux prix élevés des hydrocarbures.
39Les revenus tirés de la rente, dont on connaît les effets sur la consolidation des pouvoirs et le renforcement de l’autorité de ces monarchies dynastiques [42], demeurent des vecteurs pertinents de stabilisation intérieure de ces régimes. En outre, cette manne a permis aux monarchies du Golfe de devenir des acteurs financiers incontournables de l’économie mondiale [43]. D’un côté, cette nouvelle dynamique a poussé ces pays, à l’occasion des soulèvements populaires dans le monde arabe déclenchés en 2011, à reverser les dividendes de l’État providence [44] et à renforcer la cohésion du pacte monarchique au sein du cceag (aides de 20 milliards de dollars étalées sur dix ans et versées pour moitié à Bahreïn et pour l’autre au sultanat d’Oman afin de les aider à répondre aux demandes sociales). De l’autre, elle permet au cceag d’élargir cette solidarité aux deux autres royaumes arabes (le Maroc et la Jordanie) par le versement d’aides financières étalées sur cinq ans d’une valeur d’1,5 milliard de dollars pour chacun et en les accueillant en tant que partenaires privilégiés, à défaut de les intégrer comme membres à part entière [45].
40Au-delà des nombreuses rivalités qui opposent parfois durement ces six monarchies dynastiques, le déclenchement du Printemps arabe a remis en selle le principe sacro-saint du renforcement de la cohésion (asabiyya) entre les membres du cceag, et ce en dépit de la crise diplomatique inédite que connaît cette institution depuis le 5 mars 2014, date à laquelle ont été rappelés les ambassadeurs saoudien, bahreïnien et émirien du Qatar [46].
41Par ailleurs, les inflexions de la politique américaine au Moyen-Orient sous la présidence Obama – critiques de l’intervention militaire du cceag à Bahreïn en mars 2011 et divergences sur la politique régionale à mener vis-à-vis de l’Iran ou du conflit syrien – ont contribué à mettre sous forte pression les régimes dynastiques du Golfe. Ces derniers ont cependant, contre toute attente, affiché leur volonté de peser sur leur destin en promouvant une diplomatie assertive, certes menée de manière désordonnée et divisée (Arabie saoudite vs Qatar, Émirats arabes unis vs Qatar) mais initiée en vue de combler le vide laissé par Washington. Cependant, le leadership américain au sein de la coalition internationale contre Daech (incluant l’Arabie saoudite, Bahreïn, les Émirats arabes unis et le Qatar, le Koweït y participant uniquement parce qu’il met à disposition sa base aérienne Ali al-Salem) de même que l’accroissement vertigineux du système contractuel qui lie les États-Unis aux monarchies dynastiques sur la base d’achats massifs d’équipements militaires depuis le déclenchement du Printemps arabe en échange de garanties de sécurité – système qui supplante l’ancien pacte « pétrole contre sécurité » – éloignent la perspective de retrait américain de la région du Golfe.
42Les États-Unis tentent désormais davantage de pousser ces régimes dynastiques à prendre leurs responsabilités vis-à-vis des crises régionales et encouragent la mise en place d’une instance multilatérale de défense intégrée au cceag [47] afin d’assurer à terme leur propre sécurité et d’assumer davantage de responsabilités eu égard aux foyers de crise au Moyen-Orient.
43*
44La réduction de la capacité des régimes dynastiques rentiers à reverser leur rente et à assurer confort et bien-être à leurs nationaux constitue certes un élément pertinent pour évaluer le risque de déstabilisation en leur sein. Cependant, la cohésion dynastique dans chacune de ces monarchies semble au contraire se renforcer au fur et à mesure que les pressions extérieures s’amplifient. Enfin, comme le souligne Gregory Gause [48], l’aptitude des élites dynastiques à s’adapter et à mettre en œuvre des compromis pour réévaluer leur pacte social est trop souvent sous-estimée dans l’analyse de ces régimes.
Notes
-
[1]
Michael Herb, All in the Family : Absolutism, Revolution and Democracy in the Middle Eastern Monarchies, Albany (N. Y.), State University of New York Press, 1999.
-
[2]
Marc Valeri, Le Sultanat d’Oman. Une révolution en trompe-l’œil, Paris, Karthala, 2007.
-
[3]
Le cceag comprend depuis sa création, le 25 mai 1981, les six monarchies de la péninsule arabique : l’Arabie saoudite, Bahreïn, les Émirats arabes unis, le Koweït, Oman et le Qatar.
-
[4]
Anthony Cordesman, « Pivoting ? The United States, the Indian Ocean Region and the Gulf », susris.com, 21 décembre 2013 ; Mark Joyella, « Reports on Obama’s Foreign Policy : “Leading from Behind” », The New Yorker, 25 avril 2011.
-
[5]
Christopher M. Davidson, After the Sheikhs : The Coming Collapse of the Gulf Monarchies, Londres, Hurst, 2012, et « Why the Sheikhs Will Fall », ForeignPolicy.com, 26 avril 2013. Simon Henderson publie régulièrement sur WashingtionInstitute.org des articles sur la vulnérabilité et les failles des processus de succession, notamment en Arabie saoudite, en élaborant des scénarios qui se révèlent souvent erronés et comportent des conclusions assez pessimistes sur les chances de survie du régime des Saoud.
-
[6]
Michael Herb, All in the Family, op. cit. ; F. Gregory Gause, Kings for all Seasons : How the Middle East’s Monarchies Survived the Arab Spring, Doha, Brookings Doha Center, 2013, et Oil Monarchies : Domestic and Security Challenges in the Arab Gulf States, New York (N. Y.), Council for Foreign Relations Press, 1994. Cf. aussi Michael Stephens, « All Change in Saudi Arabia ? Not Quite Yet », OpenDemocracy.net, 2 février 2013.
-
[7]
Jane Kinninmont, Bahrain : Beyond the Impasse, Londres, Chatham House, 2012.
-
[8]
Gary S. Samore, Royal Family Politics in Saudi Arabia (1953-1982), thèse de doctorat, Université d’Harvard, 1984.
-
[9]
Fatiha Dazi-Héni, Monarchies et sociétés d’Arabie. Le temps des confrontations, Paris, Presses de Sciences Po, 2006.
-
[10]
À la suite de la décision du roi Fahd d’autoriser l’installation de troupes militaires américaines et alliées en 1990 sur le sol saoudien, à l’occasion de la deuxième guerre du Golfe visant à libérer le Koweït de l’invasion irakienne, émerge un mouvement de dissidence conduit par des opposants islamistes « sahwistes », courant islamiste salafiste dont les idées ont été influencées par les Frères musulmans d’origine égyptienne qui ont fui le régime de Nasser (Stéphane Lacroix, Les Islamistes saoudiens. Une insurrection manquée, Paris, puf, 2010). Cet événement important va conduire le roi à engager des réformes institutionnelles, dont la promulgation d’une loi fondamentale faisant office de Constitution.
-
[11]
Clan le plus puissant au sein des Saoud, il réunit six frères issus de la même mère, Hassa al-Soudaïri : l’ex-roi Fahd, les ex-princes héritiers Sultan et Nayef (décédés), l’actuel prince héritier Salman, les princes Abderrahman et Ahmad (exclus du cercle politique par le roi) et de Turki (homme d’affaires), qui n’a jamais occupé de fonction gouvernementale. Leur descendance est nombreuse.
-
[12]
Saudi Gazette, 4 juin 2000.
-
[13]
Al-Sharq al-Awsat, 9 octobre 2007.
-
[14]
Nabil Mouline, « Pouvoir et transition générationnelle en Arabie saoudite », Critique internationale, n° 46, janvier-mars 2010.
-
[15]
Michael Herb, « The Saudi Succession and Challenges Facing Saudi Arabia », PeaceBuilding.no, 19 août 2014.
-
[16]
« Pouvoir et transition générationnelle en Arabie saoudite », art. cité.
-
[17]
Entretien avec Mansour al-Marzoqi al-Bogami, doctorant saoudien en sciences politiques à l’université Lumière Lyon 2, septembre 2014.
-
[18]
La fonction d’inspecteur général permettait au prince Sultan de prendre notamment connaissance des appels d’offres et nominations effectués dans l’ensemble des ministères. De ce fait, il était en mesure de bloquer ou de contourner la machine étatique pour favoriser ses propres intérêts.
-
[19]
Sans le soutien actif du roi, Muqrin, fils d’esclave yéménite, n’aurait jamais pu prétendre au trône. Mais cette désignation est destinée avant tout à assurer au prince Mitab l’accès au trône, étant entendu que cet accord préciserait que le prince Muqrin désignerait Mitab prince héritier et Nayef vice-prince héritier.
-
[20]
Le roi fait ainsi du ministre de l’Intérieur, Mohammed ben Nayef, compte tenu de ses performances dans la lutte antiterroriste au sein du royaume entre les années 2003 et 2005, la colonne vertébrale du pouvoir des Saoud.
-
[21]
L’émir s’est avéré incapable d’arbitrer les querelles qui ont opposé deux de ses neveux issus de son lignage direct (Al-Ahmad al-Jaber) dans la course à la succession : le cheikh Nasser Mohammed, ancien Premier ministre, contraint à la démission le 28 novembre 2011 à la suite d’une mobilisation de l’opposition parlementaire massivement suivie par la population, à cause du versement de pots-de-vin par celui-ci à treize députés siégeant au Parlement élu en 2009 ; et le cheikh Ahmad al-Fahd, ancien ministre de l’Économie et du Développement, également contraint à la démission par le Parlement en juin 2011 pour avoir détourné des biens publics pour son enrichissement personnel.
-
[22]
C’est grâce au cheikh Moubarak, plus connu sous le nom de Moubarak le Grand, que la reconnaissance internationale de l’émirat comme entité indépendante a pu être entamée. En éliminant ses deux frères, celui-ci impose son unique descendance à travers ses sept fils : Jaber, Salim, Sabah, Nasir, Fahd, Hamad et Abdallah. Toutefois, depuis sa mort, seules deux branches issues de ses fils Jaber et Salim ont régné au cours du xxe siècle jusqu’à aujourd’hui, alors même que l’article 4 de la Constitution du Koweït, datant de 1962, stipule que l’ensemble des sept branches issues de la descendance de Moubarak le Grand ont légitimement le droit de prétendre à la succession.
-
[23]
Fatiha Dazi-Héni, « Social and Political Changes in Kuwait since 2011 in Light of the Arab Revolts », Arabian Humanities, n° 4, 2014 ; Jane Kinninmont, « Kuwait’s Parliament : An Experiment in Semi-Democracy », ChathamHouse.org, août 2012 ; Shafeeq Ghabra, « Kuwait’s Democracy is Challenged by Pressure Reform », WashingtonInstitute.org, 2 février 2012.
-
[24]
Mary Ann Tétreault, « Dissent and Citizens’ Rights in Kuwait », Jadaliyya.com, 5 novembre 2013.
-
[25]
Jill Crystal, Oil and Politics in the Gulf : Rulers and Merchants in Kuwait and Qatar, Cambridge, Cambridge University Press, 1990.
-
[26]
Philippe Cadène, « Kuwait City : Urban Planning and Regional Strategy », Arabian Humanities, n° 2, 2013.
-
[27]
Fatiha Dazi-Héni, « Le Conseil de coopération du Golfe : une coopération de défense et de sécurité renforcée ? », in Laurence Louër (dir.), Les Monarchies du Golfe face au Printemps arabe, Les dossiers du ceri, 2011 ; disponible sur SciencesPo.fr.
-
[28]
En l’absence de recensement prenant en compte les appartenances aux différents courants de l’islam, on a longtemps estimé les parts respectives des sunnites (dont est issue la dynastie régnante, les Al-Khalifa) et des chiites à 30 % et 70 % de la population nationale. Aujourd’hui, ces deux populations seraient presque à parité. Ce rééquilibrage, qui fait partie des objectifs du régime depuis les années 1990, serait dû aux naturalisations massives d’étrangers sunnites, notamment de membres des forces de sécurité et de leurs familles, pour la plupart des Arabes (Syriens, Yéménites, Jordaniens, Soudanais, Irakiens) mais aussi des Pakistanais. Sur la composition des forces de sécurité et son impact sur la répression du soulèvement de 2011, cf. Laurence Louër, « Sectarianism and Coup-Proofing Strategies in Bahrain », The Journal of Strategic Studies, vol. 36, n° 2, avril 2013.
-
[29]
Cf. Abbas Busafwan, « The Structure of Tyranny in Bahrain : A Study of the Balance of Power within the Ruling Family », bcsl.org.uk, 16 décembre 2012, p. 33-47.
-
[30]
Âgé de 78 ans, le Premier ministre Khalifa a construit sa base politique sur plusieurs décennies. Outre ses nombreux soutiens au sein de la dynastie elle-même, il dispose de puissants réseaux dans la société civile, notamment parmi les hommes d’affaires. Lui-même considéré comme l’homme d’affaires le plus riche de Bahreïn, il est pourtant très populaire dans le milieu sunnite qui le voit proche du peuple et facilement accessible, mais il est en revanche détesté par les chiites. L’opposition de tous bords (islamiste, chiite et libérale) le désigne par ailleurs comme l’artisan de la répression très forte du soulèvement de 1994-1999. Enfin, les événements de 2011 ont vu se renforcer considérablement la position du Premier ministre et des autres factions « dures » du régime.
-
[31]
Principal membre de l’opposition, le parti Al-Wifak réclamait que le Premier ministre soit désormais désigné parmi la majorité parlementaire, c’est-à-dire qu’il soit issu de ses rangs puisqu’il détenait alors dix-huit sièges sur quarante. Même si cet objectif ne pouvait être atteint, les cadres du parti voyaient dans cette démarche un moyen de se débarrasser de Khalifa. En réalité, le scénario qui se profilait était celui d’un accord entre le roi et l’opposition en vue d’écarter un ennemi commun.
-
[32]
Cf. Justin J. Gengler, « Royal Factionalism, the Khawalid, and the Securitization of the “Shi’a Problem” in Bahrain », Journal of Arabian Studies, vol. 3, n° 1, 2013.
-
[33]
Mehran Kamrava (dir.), The Political Economy of the Persian Gulf, Londres, Hurst, 2012.
-
[34]
Fatiha Dazi-Héni, Monarchies et sociétés d’Arabie, op. cit.
-
[35]
Andrew Hammond, « Qatar’s Leadership Transition : Like Father like Son », ecfr.eu, 11 février 2014.
-
[36]
Rosemary Said Zahlan, The Making of Modern Gulf States : Kuwait, Bahrain, Qatar, the United Arab Emirates and Oman, 2e éd., Londres, Ithaca Press, 1998.
-
[37]
Victor Gervais, Du pétrole à l’armée. Les stratégies de construction de l’État aux Émirats arabes unis, Paris, Inserm, 2011.
-
[38]
Contrairement aux autres membres de la famille, il n’a pas perdu d’argent lors de la crise financière de 2008 qui a touché de plein fouet la fédération et notamment Dubaï.
-
[39]
Marc Valeri, Le Sultanat d’Oman, op. cit.
-
[40]
Trois cousins paternels du sultan (tous frères utérins) font figure de successeurs potentiels : Haytham, né en 1955, ministre de la Culture depuis février 2002 ; Asaad, né en 1954, représentant personnel du sultan depuis février 2002 ; et Chihab, né en 1956, chef d’état-major de la marine jusqu’en 2004, président du Conseil national de la recherche depuis.
-
[41]
Marc Valeri, « Succession incertaine à Oman : qui remplacera le sultan Qabous ? », Orientxxi.info, 20 novembre 2014.
-
[42]
Giacomo Luciani (dir.), The Arab State, London, Routledge, 1990. Cf. aussi Terry Lynn Karl, The Paradox of Plenty : Oil Booms and Petro-States, Berkeley (Calif.), University of California Press, 1997.
-
[43]
Mehran Kamrava (dir.), The Political Economy of the Persian Gulf, op. cit.
-
[44]
Laurence Louër (dir.), Les Monarchies du Golfe face au Printemps arabe, op. cit.
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[45]
Fatiha Dazi-Héni, « Les monarchies du Conseil de coopération du Golfe : acteurs incontournables dans un monde arabe en manque de puissance ? », Moyen-Orient, n° 22, avril-juin 2014.
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[46]
Simon Kerr, « Diplomatic Crisis as Gulf States Withdraw Ambassadors from Qatar », Financial Times, 5 mars 2014. Un sommet extraordinaire s’est tenu depuis à Riyad, le 16 novembre 2014, lors duquel il a été décidé de mettre un terme officiel à la brouille avec le Qatar d’une part en annonçant le retour des ambassadeurs à Doha et la tenue du prochain sommet des chefs d’État du cceag au Qatar, les 9 et 10 décembre, et d’autre part en assurant la présidence tournante de cette institution multilatérale pour l’année 2015.
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[47]
Anthony Cordesman, Moving towards Unity : Expanding the Role of the gcc in Gulf Security, csis.org, 20 décembre 2012.
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[48]
F. Gregory Gause, Kings for all Seasons, op. cit.