1L’évocation des « droits sociaux » des militaires peut paraître étonnante quand elle concerne une catégorie dont on exige avant tout qu’elle ait le « sens du devoir ». De fait, si le statut général des militaires, dans son article 3, établit que les militaires « jouissent de tous les droits et libertés reconnus aux citoyens », il en limite immédiatement la portée en précisant que « l’exercice de certains d’entre eux est soit interdit, soit restreint ». Il manifeste par là que les militaires sont des citoyens et des agents publics particuliers. D’ailleurs, la Convention européenne des droits de l’homme, dans son article 11, prévoit que des restrictions légitimes peuvent être imposées à l’exercice de certains droits par les membres des forces armées. Mais l’action des militaires s’inscrit dans un monde en mouvement, une société en évolution et au sein d’une institution militaire en mutation. La communauté militaire n’est pas étanche aux débats sociétaux, qu’ils concernent le pouvoir d’achat, la durée du travail ou les régimes de retraite. Le statut général des militaires (sgm), révisé en 2005, a pris acte de ces évolutions et a adapté les droits dans le respect de principes jugés intangibles tels que la discipline, la loyauté, la neutralité et la disponibilité. Les règles qui codifient le statut militaire ont en effet pour objectif d’encadrer l’activité militaire en maintenant un équilibre entre les droits et sujétions qui lui sont attachés.
Les facteurs d’évolution du statut
2Comme le faisait remarquer Michèle Alliot-Marie en préface aux actes d’un colloque sur la réforme du statut général des militaires en 2004, « il est incontestable que le statut des militaires a toujours été marqué par l’environnement politique et social ainsi que par le modèle d’armée du moment ». Le statut général des militaires de 1972, appliqué à une armée mixte (14 articles évoquaient les appelés du contingent) devait être réformé pour s’adapter à une armée professionnelle. Dans le domaine des droits civils et politiques, le principe du « cantonnement juridique est maintenu ».
3Dans un esprit d’intégration du militaire à la société et de maintien de l’équilibre entre droits et devoirs, sujétions et compensations, la révision du statut général du militaire a été entreprise. Elle était rendue nécessaire par les évolutions de la société et les conséquences induites par la professionnalisation. Des facteurs endogènes et exogènes ont concouru à cette réforme.
Les facteurs endogènes
4Ils sont induits par les conséquences de la professionnalisation et les nouvelles missions.
5La professionnalisation des armées a quelque peu changé la donne en termes de gestion des ressources humaines. La conséquence la plus immédiate découle du passage d’une armée mixte à une armée de professionnels. Des engagés volontaires ont remplacé les appelés. Les « permanents » ont succédé aux « passagers » (Pierre Vuillaume). Les armées ont dû adapter leurs méthodes de recrutement à une nouvelle population, dégagée de la contrainte du service militaire, qui manifeste des aspirations nouvelles en termes de statut ou de reconnaissance. En matière de recrutement, l’institution militaire se trouve en concurrence directe sur le marché de l’emploi avec des employeurs publics et privés. Une étude à paraître réalisée pour le compte du Centre d’études en sciences sociales de la défense (C2SD) sur les jeunes et leurs attentes montre que leur expérience du marché du travail se forge à travers de multiples expérimentations avant une stabilisation dans un emploi. Dans cette démarche d’essais-erreurs, l’un des facteurs de fidélisation de cette population volatile est la reconnaissance ressentie. Les jeunes n’hésitent pas à renoncer à un cdi pour accepter un cdd s’ils se sentent mieux reconnus. À leurs yeux, les gratifications, qu’elles soient matérielles ou symboliques, participent de cette reconnaissance.
6Le niveau de technicisation atteint par les armements oblige les armées à faire appel à des techniciens spécialistes de leur domaine. Les subalternes disposent parfois d’une compétence technique supérieure à celles de leurs cadres. Les relations hiérarchiques et la gestion des ressources humaines s’en trouvent modifiées. Une étude de Frédérik Mispelblom Beyer a montré qu’un processus de « mitigation » du commandement dans l’armée de terre est à l’œuvre. La nécessité d’introduire une rupture dans les méthodes de commandement en recherchant l’adhésion des subordonnés rejoint l’objectif que s’assigne le management participatif dans les entreprises. Les formes de contraintes propres à l’armée de terre coexistent avec des mesures novatrices qui consistent à commander en suscitant l’adhésion, la confiance, la concertation et la communication.
7L’impact de la féminisation est notable à l’heure où les femmes représentent 14 % de l’effectif militaire. Une étude menée pour le C2SD sur la féminisation du service de santé des armées met en lumière une différence d’appréciation de la disponibilité entre hommes et femmes. Pour les hommes, elle apparaît comme intemporelle, inconditionnelle et consubstantielle de l’engagement. Pour eux, le temps passé au travail fait partie de la mission. Pour les femmes, la disponibilité repose sur le volontariat et l’efficacité qui prime sur le temps effectif de travail. Depuis la professionnalisation, les contraintes d’effectifs et les exigences opérationnelles rendent de plus en plus difficile la prise en compte des souhaits des personnels. Les auteurs montrent que les femmes ont contribué à introduire une réflexion qui ne concerne pas qu’elles mais l’ensemble du corps des médecins militaires et, au-delà, l’ensemble des personnels militaires sur l’articulation des temps professionnels et familiaux. Une prise en compte de cette aspiration pourrait être favorable au recrutement.
8Le recours à la civilianisation (recours à des civils pour assurer les fonctions de soutien) a multiplié les contacts entre militaires et civils et les occasions de comparaison en matière de temps de travail ou de salaire. Elle peut être à l’origine de ce que Bernard Boëne appelle une « frustration relative » croisée.
9La multiplication des opérations extérieures induit plusieurs conséquences. Entre 13 000 et 15 000 militaires par an participent à des opérations extérieures. Outre la « surchauffe opérationnelle » qui met en permanence l’appareil de défense sous tension, la fréquence des opérations extérieures entraîne une prise de risque accrue. Les militaires connaissent un taux élevé de décès imputables au service, bien supérieur à celui de la police nationale par exemple. Cet élément nécessite de repenser la couverture des risques encourus. Les opérations extérieures permettent également aux militaires français de pouvoir comparer leur situation à celle de leurs homologues étrangers.
Les facteurs exogènes
10Des facteurs exogènes ont contribué à la réflexion sur les droits des militaires. Les débats sociaux sur le temps de travail, la protection sociale ou les retraites ont une résonance chez les personnels.
11La société semble se caractériser par une conception de vie qui accorde davantage de place au temps libre et à la recherche d’un épanouissement individuel et familial. La revendication sociale d’une prise en compte de l’imbrication de la vie professionnelle et de la vie familiale apparaît aujourd’hui davantage un phénomène générationnel qu’un clivage sexué. Les plus jeunes, hommes et femmes confondus, se déclarent moins disposés à répondre à l’exigence de don total de soi exprimée par l’entreprise ou l’institution. Ils sont concernés par l’individualisation des comportements et le repli sur le noyau familial que connaît la société française dans son ensemble. La contrainte de la disponibilité « en tout temps et en tout lieu » est moins bien vécue par les militaires et par leurs familles. Elle a un impact direct sur les taux d’attrition. Selon les études réalisées par les états-majors, la principale cause des départs anticipés réside dans les difficultés à concilier vie professionnelle et vie familiale. Ces sujétions sont moins bien tolérées par les familles, plus difficilement ressenties par le militaire et jugées comme insuffisamment compensées.
12L’évolution des mœurs vers une certaine libéralisation concerne les personnels militaires au même titre que leurs compatriotes civils. Les familles recomposées, monoparentales, le pacte civil de solidarité ou le concubinage se rencontrent aujourd’hui dans les armées. Le statut a dû en prendre acte en supprimant par exemple des dispositions désuètes telles que l’autorisation préalable à un mariage avec un étranger. Cette autorisation est toutefois maintenue pour les militaires servant à titre étranger.
13Les débats qui ont porté sur la durée du travail n’ont pas épargné l’institution militaire. Si le principe de la disponibilité demeure, le passage aux 35 heures a introduit au sein même des armées une différence de traitement entre les civils et militaires. Ces derniers ont toutefois obtenu une compensation sous la forme de l’indemnité de temps d’activités et d’obligations professionnelles complémentaires (taopc) instituée par le plan d’amélioration de la condition militaire de 2002, soit 15 jours supplémentaires de permission (8 jours non travaillés et 7 jours indemnisés) correspondant aux 18 jours d’aménagement et de réduction du temps de travail (artt) des fonctionnaires du ministère de la Défense.
Les droits sociaux des militaires
14Selon Michèle Alliot-Marie, « le nouveau statut facilite l’intégration des militaires dans la cité sans pour autant passer sous silence leurs spécificités. Il améliore de manière sensible leur couverture sociale et inscrit leurs missions dans un cadre juridique et pénal parfaitement défini. Il conforte le dialogue social déjà instauré au travers d’instances de concertation originales. Enfin il renforce la cohésion entre les différentes catégories de militaires et rappelle les obligations de l’institution vis-à-vis de ses retraités ».
15Les droits sociaux des militaires peuvent être répartis en trois catégories : les droits classiques, communs aux agents de la fonction publique adaptés à la spécificité militaire, les droits restreints ou interdits et les droits spécifiques.
Les droits classiques
16Ils procèdent à la fois d’un alignement progressif des droits des militaires sur ceux de la fonction publique civile et d’une compensation des sujétions liées à l’activité militaire.
17Le droit à rémunération et avantages en nature. Comme tout agent public, le militaire a droit à une rémunération. Son salaire se compose de la solde de base, des indemnités et des prestations familiales. Les mesures de portée générale qui touchent à la rémunération des fonctionnaires sont simultanément appliquées aux militaires. Un régime indemnitaire a été prévu pour tenir compte des sujétions spécifiques à l’état militaire. L’indemnité pour charges militaires (icm) (environ 14 % de la solde de base) tient compte de la fréquence des mutations et du nombre d’enfants à charge. D’autres indemnités particulières tenant aux fonctions exercées, aux risques encourus, au lieu d’exercice du service ou à la qualité des services rendus ont été mises en place. Le nouveau statut a ainsi introduit un critère de performance dans la rémunération. Une prime de résultats exceptionnels existait déjà pour les gendarmes depuis 2004 à titre collectif (à une brigade par exemple) ou individuel.
18Un complément spécial pour charges militaires de sécurité pour les militaires assurant des gardes ou des permanences ne faisant pas l’objet de récupérations a été créé depuis 2002.
19L’article 19 du sgm prévoit qu’à la solde et aux indemnités peuvent s’ajouter des prestations en nature. Des aides sont apportées sous différentes formes en matière de logement, d’action sociale, de déplacements ferroviaires et d’alimentation.
20Le droit à pension. Les pensions militaires sont régies par le code des pensions civiles et militaires de retraite.
21Le régime de retraite des militaires présente des particularités : la jouissance immédiate à 15 ans pour les non-officiers, à 25 ans pour les officiers et entre 15 et 20 ans pour les militaires sous contrat, un régime de bonifications particulier d’un cinquième du temps de service réel et le cumul (dans certaines limites) possible avec une rémunération d’activité professionnelle civile. En outre, son activité place le militaire plus fréquemment que les autres agents publics dans des situations ouvrant droit à bonification : mission ou affectation hors du territoire métropolitain, services aériens ou sous-marins. Ce régime permet au militaire de jouir de sa retraite relativement tôt. Deux raisons principales expliquent cette particularité : la compensation de la disponibilité exigée et la nécessité de disposer d’une armée relativement jeune. La moyenne d’âge des militaires est de 33 ans environ contre 44 ans dans la fonction publique civile. La pension de retraite est considérée comme un élément de rémunération différé. En conformité avec la loi du 21 août 2003 réformant les retraites, le statut a prévu le recul progressif des limites d’âge. Il est à noter que tous les anciens militaires ne bénéficient pas d’une pension militaire, plus de la moitié des partants quittent le service sans avoir acquis droit à pension militaire de retraite.
22Le droit à la reconversion. La professionnalisation a confronté l’institution militaire à la nécessité d’une nouvelle gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences. Les différentes études menées ont mis en évidence le rôle clé de la reconversion dans le recrutement et la fidélisation. Le rôle assigné à la reconversion a profondément évolué. Alors que la finalité initiale des dispositifs de reconversion était d’assurer les flux de départs, elle est aujourd’hui de favoriser les recrutements. C’est la philosophie générale de la reconversion qui a changé. Elle est à envisager dans une problématique générale fondée sur un triptyque : recruter, retenir, reconvertir. La spécificité française réside dans l’inscription de la reconversion, déjà instaurée dans les pratiques, dans les textes juridiques et dans le statut général du militaire. La reconversion n’est plus considérée comme une incitation au départ permettant de ventiler les effectifs. Elle est aujourd’hui appréhendée comme une atténuation du statut précaire du contractuel et de la brièveté des carrières.
23Deux dispositifs sont prévus par la loi du 19 décembre 1996 modifiant le statut général des militaires pour tous les militaires, de carrière ou sous contrat : au cours du service, une orientation professionnelle pour choisir un futur métier, au moment du départ une formation professionnelle ou un accompagnement vers un emploi civil pour les ayants droit qui ont accompli au moins quatre ans de service.
24Un congé de reconversion de 6 mois est également instauré par le statut.
25L’accès à la fonction publique civile a été étendu à tous les militaires quel que soit le grade. Il ouvre une voie d’accès aux fonctions publiques par détachement en plus des emplois réservés et de l’intégration directe déjà existants.
Droits restreints ou interdits
26Si la liberté d’information est élargie notamment à travers la suppression de l’interdiction de circulation de certaines publications dans des enceintes militaires, le statut prévoit toutefois la possibilité pour le commandement de limiter l’usage des ntic (nouvelles technologies de l’information et de la communication) en période de crise pour la sécurité des militaires ou la conduite d’une opération.
27La liberté de parole est également étendue par le statut. Les militaires peuvent désormais au même titre que les autres fonctionnaires s’exprimer sans autorisation préalable dans le cadre de conférences, exposés ou articles de presse sur des sujets politiques ou des questions internationales militaires. Ils demeurent cependant soumis au devoir de neutralité, de réserve et au secret-défense.
28La liberté d’association est reconnue pour des associations apolitiques et non syndicales. L’obligation pour le militaire d’informer le commandant de ses éventuelles responsabilités associatives est levée. Auparavant, le ministre de la Défense pouvait demander au militaire d’abandonner ses responsabilités, voire de démissionner de l’association en question. L’interdiction est maintenue de l’adhésion du militaire à des associations à caractère syndical ou politique. Elle renvoie à deux principes : la neutralité et la continuité du service. Les militaires français, contrairement à certains de leurs homologues européens n’ont pas le droit de se syndiquer ou de faire grève. Le droit pour les militaires d’adhérer à des syndicats est notamment reconnu en Allemagne, en Suède, en Belgique, au Pays-Bas ou au Danemark. Le droit de grève est reconnu en Finlande et en Suède.
Les droits spécifiques
29Les droits spécifiques résultent d’une compensation des sujétions spécifiques à l’activité militaire ou des droits restreints.
30Une protection sociale et juridique élargie. Les militaires dépendent d’un régime spécifique de protection sociale depuis 1949 en raison notamment des risques multiples qu’ils encourent. Ils ont accès aux soins du Service de santé des armées et à une assistance médico-sociale. Ils sont affiliés à des fonds de prévoyance qui couvrent les risques décès et invalidité encourus dans le cadre du service. Le militaire bénéficie également de la protection juridique de l’État contre les menaces, violences, outrages, injures, ou diffamations dont ils peuvent être victimes dans le cadre de leur activité.
31La principale nouveauté introduite par le sgm est l’adaptation des droits aux nouveaux contextes d’opération. Les modifications introduites portent essentiellement sur la protection juridique renforcée du militaire et l’élargissement des droits à pension pour les accidents survenus en opération extérieure.
32La tendance à la « judiciarisation » pourrait s’étendre aux activités militaires. Dans ce contexte, les dommages subis ou infligés par les militaires sont désormais mieux reconnus et mieux couverts par l’État. La protection juridique couvrait déjà les militaires lorsqu’ils étaient victimes d’infractions liées au service pour la prise en charge des dommages matériels et préjudices moraux subis ou des frais d’avocat. L’irresponsabilité pénale du militaire français n’était jusqu’à présent prévue qu’en cas de légitime défense. Cette irresponsabilité est étendue dans le cas de l’usage de la force par le militaire en dehors du territoire national dans le but d’accomplir sa mission dans le respect du droit international. La protection juridique peut prendre la forme de rapatriements, de pensions militaires d’invalidité. Le soutien devant les tribunaux pénaux internationaux sous la forme d’assistance par un avocat, d’une préparation aux techniques d’interrogatoires anglo-saxonnes et d’accès aux archives constitue également un droit.
33Une meilleure couverture des risques a été mise en place. Auparavant, les blessures intervenues en opération extérieure ne donnaient pas lieu à une couverture si elles intervenaient dans un contexte de vie courante ou de détente. Le statut prévoit une présomption d’imputabilité et l’ouverture d’un droit à pension d’invalidité pour tous les accidents survenus entre le début et la fin d’une mission opérationnelle.
34Le nouvel enjeu de la politique familiale. La considération de la sphère familiale comme l’un des facteurs clés de l’équilibre du militaire et de son efficacité opérationnelle est maintenant largement reconnue. Les armées ont multiplié les initiatives en direction des militaires et de leurs conjoints en matière sociale.
35Absence du domicile, mobilité géographique et rythme d’activité sont le lot quotidien des militaires et de leur famille. La vie militaire se caractérise par une mobilité (mutations et opérations extérieures) deux fois supérieure en moyenne à celle des autres agents de l’État et par une exigence de disponibilité qui ont des conséquences sur la vie familiale. Le taux d’activité des conjoints de militaires est inférieur à la moyenne nationale alors que leur taux de chômage est supérieur. Les mutations fréquentes n’y sont certainement pas étrangères. Les cas de célibat géographique sont également fréquents (10 % des militaires vivant en couple contre 1,3 % dans la population française). Si le statut évoque les aides à la famille essentiellement à travers des indemnités particulières (indemnité de résidence et indemnité pour charge militaire), c’est surtout l’action sociale des armées qui est le maître d’œuvre des dispositifs de soutien à la famille. Les difficultés concernant le travail du conjoint, le logement et notamment l’accession à la propriété, la garde et la scolarité des enfants, le célibat géographique et la stabilité du couple sont souvent évoqués par les militaires dans les enquêtes. Les crédits d’action sociale du ministère de la Défense s’élevaient à 107 millions d’euros en 2005. Ces crédits sont consacrés à des aides à la famille sous différentes formes : prestation pour gardes d’enfants en horaires atypiques, création de crèches, prestations familiales, aide aux loisirs.
36Un dispositif original de concertation renforcé. En 2000, le rapport d’information parlementaire Grasset-Cova sur la professionnalisation des armées notait dans son introduction : « La pérennisation du lien entre la Nation et son armée passe par la nécessité pour l’institution militaire d’évoluer en phase avec la société. Pour cela, il est nécessaire de privilégier la concertation et de garantir une certaine liberté d’expression dans les armées. »
37Le nouveau statut général des militaires a entrepris une modernisation du dispositif de concertation. Devant la réaffirmation de l’interdiction d’un droit syndical dans les armées, le législateur a dû mettre en place un dispositif de concertation à l’architecture originale.
38Le droit de concertation est reconnu au militaire. Il peut saisir ses supérieurs pour des questions personnelles ou pour faire des propositions sur l’amélioration des conditions d’exécution du service ou la vie en communauté. La concertation au sein du ministère de la Défense prend la forme d’organismes de gestion consultatifs que sont le Conseil supérieur de la fonction militaire (csfm) institué en 1969 et ses sept déclinaisons par armée, direction et service que sont les sept Conseils de la fonction militaire créés en 1990. Le csfm « exprime son avis sur les questions de caractère général relatives à la condition et au statut des militaires ». Les membres du csfm et des cfm sont tirés au sort parmi des volontaires représentant toutes les catégories de militaires. Reprenant les conclusions du rapport Grasset-Cova, qui juge le dispositif de concertation perfectible, la commission de révision du statut a évoqué l’opportunité que représenterait l’élection des membres du csfm parmi les membres des cfm.
39Au niveau local, les présidents de catégories et les commissions participatives locales traitent des problèmes de la vie courante.
40Ce dispositif est complété par un organisme indépendant, nouvellement créé et extérieur à l’institution militaire, le Haut Comité d’évaluation de la condition militaire. Inspiré du modèle britannique et composé de personnalités civiles reconnues, il a pour mission de mesurer l’évolution de la condition militaire par rapport à la fonction publique et au secteur privé en termes de rémunération et de réalisation de l’équilibre entre droits et devoirs, sujétions et compensations. Il pourra formuler dans le cadre de son rapport annuel des avis et des recommandations dans les domaines juridique, économique, social et culturel. Le premier rapport a été remis en février 2007.
41Les évolutions sociales et les conséquences de la professionnalisation ont fait apparaître au sein des personnels militaires de nouvelles aspirations en matière de droits sociaux. Face au mouvement de banalisation de l’institution militaire, le principe de la spécificité militaire a été réaffirmé. Mais un statu quo en matière de droits sociaux aurait comporté le risque d’un décrochage entre l’institution militaire et la société.
42La révision du statut général des militaires a été entreprise dans un contexte de dégradation de la condition militaire et de non-compensation des sujétions liées au statut ressenties par les personnels. Confrontée à une problématique de recrutement à grande échelle et forte de l’expérience vécue par les armées britanniques et américaines en la matière, l’institution militaire française ne peut ignorer les nouvelles aspirations. L’assouplissement destiné à gommer les aspects les plus contraignants de la condition militaire paraît inévitable. Quant à la reconversion, la politique familiale et la qualité de la concertation, elles semblent constituer les éléments clés de la réussite d’une armée professionnalisée.
Bibliographie
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- Palagos, Jean-Michel, Le Nouveau Statut général des militaires, Lavauzelle, 2005.
- Premier rapport du haut comité d’évaluation de la condition militaire, 1er février 2007.
- Rapport d’information parlementaire, La Professionnalisation des armées : espoirs et inquiétudes des personnels, n° 2490, 2000.
- Thomas-Tual, Béatrice (dir.), La Réforme du statut général des militaires, actes du colloque du Centre de recherche administrative de Bretagne, L’Harmattan, 2006.