Notes
-
[1]
L’équipe du VTsIOM dirigée par Youri Levada a alors fondé une autre société. D’abord appelée VTsIOM A, celle-ci a dû ensuite, pour des raisons de propriété de marque, changer à nouveau de nom pour devenir Société d’analyses Levada (Levada Analytical Agency). Pour plus de détails, voir Oksana Iablokova, « Ministry defends VTsIOM overhaul », Moscow Times, 3 septembre 2003 ; et, du même auteur, « Young analysts take over VTsIOM », ibid., 12 septembre 2003.
-
[2]
Jeremy Bransten, « Russia : Duma approves more liberal version of public-rally bill », RFE/RL Newsline, 31 mai 2004.
-
[3]
Pour une discussion sur ce point, voir Gail Lapidus, « Putin’s war on terrorism : lessons from Chechnya », Post-Soviet Affairs, vol. 18, janvier-mars 2002, p. 41-48.
-
[4]
« Les Tchétchènes sont de loin le groupe national qui compte le plus de demandeurs d’asile en 2003 », selon un porte-parole du Haut Commissariat pour les réfugiés des Nations unies (UNHCR). En 2003, on a enregistré une augmentation de presque 68 % (de 19 904 à 33 364) des demandeurs d’asile de nationalité russe, dont la plupart sont tchétchènes, dans les pays industrialisés. Alexander G. Higgins, « UN : Russian refugees seek asylum », AP, 25 février 2004.
-
[5]
Par exemple, en juillet 2004, le HCR des Nations unies n’a aucun personnel international sur place. L’OSCE n’a plus de représentation permanente dans la région depuis janvier 2003, date à laquelle les Russes ont fermé sa mission.
-
[6]
Par exemple, dans les deux premières semaines de janvier 2003, vingt-deux civils ont été tués et vingt-neuf ont disparu, selon Sergueï Kovalev, qui s’exprimait au nom de Mémorial devant la Fondation Carnegie à Washington, le 13 février 2003. En avril 2004, Mémorial signale dix-huit civils tués et neuf disparus.
-
[7]
Correspondance électronique de Mémorial à Nazran, 23 et 24 juin 2004.
-
[8]
Sur les tirs essuyés par des membres d’associations, on trouvera à l’adresse www. friendly. narod. ru des communiqués sur l’assassinat par les forces fédérales, en décembre 2001, de plusieurs boursiers de la Fondation nationale (américaine) pour la démocratie. Voir aussi The Search of the Offices of the Russian-Chechen Friendship Society Continues : Information Center Correspondent Khamzat Kuchiev Detained, The Russian-Chechen Friendship Society, Communiqué n° 859, 12 juillet 2004.
-
[9]
À l’automne 1999. Interview d’un employé de Halo Trust, 31 mai 2000.
-
[10]
Dr. Omar Khanbiev, communication à RFE/RL, Washington, 17 mai 2001. En août 2000, Khanbiev aurait traité des patients présentant des symptômes qui correspondent à une exposition à des armes chimiques.
-
[11]
Voir la discussion dans Chechnya Weekly, vol. V, n° 26, 30 juin 2004, et vol. V, n° 27, 7 juillet 2004.
-
[12]
Human Rights Watch et l’organisation russe de recherches sur la société civile Demos ont commencé à travailler sur cette question. Voir aussi Elizabeth Rubin, « Down the dark hole of Chechnya », New York Times Magazine, 8 juillet 2001.
-
[13]
Nous avons conçu nous-mêmes les questions des sondages visant à appréhender comment les Russes voient la guerre en Tchétchénie et quelle est leur opinion sur un certain nombre de thèmes relatifs aux droits de l’homme, puis nous avons confié l’exécution des enquêtes au VTsIOM (avant qu’il ne fût repris par le gouvernement). En octobre 2001, mai 2002 et janvier 2003, des échantillons représentatifs de la population nationale – respectivement 2 378, 2 394 et 2 389 Russes de 16 ans au moins – ont été interrogés. En avril 2002 et février 2003, des échantillons représentatifs – respectivement 3 002 personnes âgées de 16 à 64 ans et 3 000 personnes âgées de 16 à 65 ans – ont été interrogés dans six régions choisies pour un projet commun avec des organisations locales de défense des droits de l’homme : Kalouga, Riazan, Sverdlovsk, Perm, Stavropol et Rostov. Les méthodes modernes d’échantillonnage ont été employées. Nous avons fait usage de pondérations afin que nos échantillons reflètent bien la population russe telle qu’elle est répartie en fonction de la région de résidence, du sexe, du niveau d’éducation, du type de logement et de l’âge. Le Centre pour la recherche sociale indépendante nous a aidés à conduire à Perm, Rostov et Riazan des groupes de discussion (focus groups) sur les droits de l’homme, les institutions politiques et sociales russes et la guerre en Tchétchénie.
-
[14]
Pour une analyse plus détaillée du hiatus entre les opinions concernant les droits de l’homme dans l’abstrait et les points de vue sur la Tchétchénie, voir Gerber et Mendelson 2002 : ce travail repose certes sur des résultats remontant à 2001, mais le décalage apparaît toujours présent en 2002 et 2003.
-
[15]
Environ 21 % souhaitent que ce soient les autorités militaires russes qui mènent l’enquête – ce qui, selon toute probabilité, ne saurait conduire à des résultats vraiment significatifs –, 10 % ne veulent pas d’enquête parce que « des choses pareilles sont inévitables pendant une guerre » et 7 % souhaitent que l’on interdise de répandre ces informations parce qu’elles nuisent à la réputation et aux intérêts de la Russie. Le reste n’avait pas d’opinion.
-
[16]
Le reste de l’échantillon se répartissait à peu près également entre les trois options restantes : les exactions sont inévitables pendant une guerre et ne méritent donc pas qu’on s’en préoccupe ; les récits d’exactions sont des rumeurs répandues par les ennemis de la Russie ; et pas d’opinion.
-
[17]
Voir les six numéros du Presidential Election Watch Bulletin publiés par le groupe Helsinki de Moscou entre le 30 septembre et le 29 octobre 2003, sur le site www. mhg. ru, ainsi que l’information diffusée par le « Nœud caucasien » à l’adresse www. kavkaz. memo. ru.
1La deuxième guerre de Tchétchénie est une composante importante du recul des droits de l’homme dans la Russie de Poutine. Jusqu’à la tragédie de Beslan, en septembre 2004, rares étaient ceux, à l’étranger, qui s’inquiétaient de cette guerre et du rôle qu’elle a joué dans l’ascension de Poutine en particulier. Plus inquiétant encore, alors qu’elle est entrée dans sa sixième année, on ne semble guère conscient des répercussions néfastes de cette guerre sur l’évolution politique, sociale et économique de la Russie. Mais l’indifférence du monde, le silence des autorités et des médias russes ne doivent pas nous cacher les ravages causés par ce conflit dans le domaine des droits de l’homme.
2Les restrictions et les atteintes aux droits de l’homme en Russie ne sont pas toutes, bien entendu, imputables à la guerre. Le gouvernement s’efforce en permanence de rétrécir l’espace public en s’attaquant à des libertés essentielles comme la liberté d’information ou d’expression. Il est parvenu à éliminer plusieurs organes de presse indépendants et à imposer son contrôle sur la façon dont les médias rendent compte de certains événements. Il se sert de la police fiscale pour faire jeter en prison des chefs d’entreprise tels que Mikhaïl Khodorkovski, président de la société Ioukos, ce qui lui permet d’écraser la concurrence. Les autorités suivent de près les procès en trompe l’œil de militants ou de chercheurs comme Alexandre Nikitine ou Igor Soutiaguine, accusés d’espionnage – alors que leurs travaux reposent sur des informations publiques – parce qu’ils critiquaient les décisions gouvernementales en matière d’environnement ou de contrôle des armements. De nombreuses personnes – non seulement des journalistes, des entrepreneurs, des écologistes et des chercheurs, mais aussi des militants des droits de l’homme ou du monde ouvrier, des membres de partis politiques et des étudiants ; non seulement des Russes, mais aussi des Américains et des Européens – font l’objet d’enquêtes ou de tentatives d’intimidation, sont interrogées, déportées, passées à tabac, parfois tuées, par des autorités fédérales ou locales mues essentiellement, semble-t-il, par la volonté de contrôler l’information publique et la concurrence. Le pouvoir a récemment réussi à prendre le contrôle de la première société de sondages du pays, VTsIOM, pour tenter de discipliner la recherche indépendante en sciences sociales [1].
3Le 13 septembre 2004, Poutine a pris la décision de supprimer l’élection directe des gouverneurs régionaux. Cette mesure spectaculaire a été précédée d’autres qui compliquent la création de nouveaux partis, tandis qu’une nouvelle réglementation des campagnes électorales favorise nettement les candidats sortants. La Douma a aussi tenté de restreindre le droit de manifestation pacifique [2]. La police est autorisée à garder à vue les citoyens sans les accuser d’un délit quelconque, et le gouvernement ne se préoccupe guère de mettre un frein aux exactions qu’elle commet tous les jours. Il n’a pas non plus levé le petit doigt pour lutter contre la multiplication des crimes dictés par la haine à l’égard de certaines minorités et des personnes qui, à Moscou, à Saint-Pétersbourg ou ailleurs, tentent de les défendre.
4Mais c’est tout de même en Tchétchénie que se commettent les violations les plus criantes des droits de l’homme. On sait que les troupes gouvernementales sont revenues dans cette république en octobre 1999, après trois ans de suspension des hostilités, à la suite d’une série d’attentats à la bombe perpétrés en Russie même – et restés inexpliqués à ce jour – qui avaient détruit plusieurs immeubles et tué plus de trois cents personnes. Il semblerait d’ailleurs que les investigations n’aient guère suivi les règles admises de police scientifique : certains lieux du crime ont par exemple été rouverts au public au bout de quelques jours. Mais le gouvernement s’est empressé à l’époque d’attribuer ces attentats à des terroristes tchétchènes, se dotant ainsi d’un prétexte, invoqué publiquement encore aujourd’hui, pour une deuxième incursion militaire en Tchétchénie : il fallait lutter contre les terroristes [3].
5Durant cette deuxième guerre, la Tchétchénie est devenue le théâtre de certaines des pires atteintes aux droits de l’homme commises en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. Bien qu’aucun événement comparable au massacre de Srebrenica n’ait été jusqu’ici observé, plusieurs organisations ont apporté les preuves d’exactions inouïes, jour après jour, mois après mois, année après année. Lorsque les citoyens et les soldats d’un pays sont les témoins ou les acteurs d’une telle violence pendant si longtemps, la violation des droits de l’homme devient quelque chose d’habituel et de normal. Les droits de l’homme en pâtissent alors bien au-delà de la zone des combats, comme la tragédie de Beslan l’a montré au monde entier.
Les exactions en Tchétchénie
6Il n’y a pas de tribunal international pour enquêter sur les crimes en Tchétchénie. Mais, au vu des témoignages directs, vidéos, enquêtes, rapports d’observateurs et autres éléments rassemblés par les groupes internationaux et locaux de défense des droits de l’homme, il devrait bien y en avoir un. Les forces fédérales russes violent régulièrement et sans ambiguïté les conventions de Genève et la Déclaration universelle des droits de l’homme. Des dizaines de milliers de civils ont été tués. Deux cent cinquante mille ont été, à un moment ou à un autre, déplacés dans des camps en Ingouchie, la province voisine. On ignore combien d’habitants ont fui à l’étranger [4].
7Périodiquement, le gouvernement russe essaie d’obliger les personnes déplacées à rentrer en Tchétchénie, tâche rendue sans doute plus facile par la rareté des observateurs étrangers présents dans la région [5]. Chaque mois, le groupe de défense des droits de l’homme Mémorial publie un rapport sur le nombre de disparus. On peut supposer que les civils figurant sur ces listes ne représentent qu’une fraction du nombre réel, car le groupe ne peut opérer en toute sécurité que sur 30 % du territoire tchétchène [6]. Mémorial a aussi récemment rendu compte en détail de « détentions de masse » de jeunes hommes dans des camps de réfugiés [7].
8Les organisations russes et occidentales ont également rassemblé des informations sur l’usage disproportionné de la force, sur les tirs visant de simples civils, sur les opérations de « nettoyage » (zatchistki) au cours desquelles sont perpétrés des pillages, extorsions, enlèvements contre rançon, viols et exécutions, sur des charniers, des « camps de filtrage » où la torture est monnaie courante, et même sur des « escadrons de la mort ». Il est arrivé que des observateurs envoyés par ces organisations aient subi le feu des forces fédérales et y aient perdu la vie [8]. Un témoin affirme avoir vu des fédéraux viser délibérément un convoi du Comité international de la Croix-Rouge [9]. Des armes chimiques ont peut-être été utilisées contre la population civile. Bien que ceci soit difficile à prouver, le gouvernement américain a estimé qu’il y avait suffisamment d’éléments pour lancer une enquête ; il n’en a pas publié les conclusions [10].
Ailleurs en Russie
9Outre les terribles violences commises en Tchétchénie, la guerre a des répercussions politiques, physiques et psychologiques dans toute la Russie. Tout d’abord, la politique gouvernementale de contrôle de l’information sur la guerre a inspiré diverses mesures n’ayant d’autre but que de rétrécir l’espace politique en général : réorganisation de différents médias, fraudes électorales, harcèlement des ONG… Le gouvernement a pris le contrôle de la chaîne de télévision NTV peu après la diffusion par cette chaîne d’une information selon laquelle une bombe non explosée qui avait été trouvée dans un immeuble de Riazan en septembre 1999 y avait peut-être été placée délibérément par le FSB (Service fédéral de sécurité, successeur du KGB). Ce fut le début d’une campagne gouvernementale concertée de « sécurisation » de l’information : afin d’éviter toute analyse sérieuse et toute critique de sa politique, le gouvernement argue de motifs de sécurité nationale pour ne pas divulguer certaines informations que l’opinion a le droit de connaître, et qui en tout cas la concernent. Tout État tient à contrôler l’information sur l’usage de ses forces armées ou de répression, mais en Russie il saisit ce prétexte pour prendre le contrôle direct des médias et institutionnaliser toujours davantage l’arbitraire du pouvoir. Cette tendance s’est encore durcie après la vague d’attentats de l’été 2004.
10Cette combinaison de contrôle des médias et de répression extra-judiciaire est étroitement liée à la guerre en Tchétchénie. Tout d’abord, les autorités ont créé un Centre de relations publiques appelé Rosinformatsentr, qui a pour mission de diffuser aux médias une information contrôlée sur la guerre. Ensuite, elles ont puni les journalistes qui s’écartaient de la ligne autorisée, comme Andreï Babitsky et Anna Politkovskaïa (l’un et l’autre ont été, par des moyens douteux, empêchés d’aller à Beslan au moment de la prise d’otages). Nombre de journalistes russes et étrangers ont raconté à quel point il est difficile de rendre compte de la réalité. Le ministre de l’Information, qui est en relation constante avec le Rosinformatsentr, est l’auteur de lois qui ont encore accru ces difficultés. Les autorités fédérales ont harcelé puis saisi, en plus de NTV, une série de médias qui publiaient des récits critiques sur la guerre, sous prétexte d’endettement excessif de ces entreprises. Mais les organes de presse, même lourdement endettés, qui acceptaient de jouer le jeu sur la Tchétchénie n’ont pas été inquiétés : aux rédacteurs en chef et aux patrons de presse d’en tirer leurs conclusions…
11Les répercussions de la guerre s’étendent bien au-delà de ces domaines. Loin de dissuader le terrorisme et de réduire la violence en Russie, la guerre amène une multiplication sensible des attentats et une augmentation du nombre de leurs victimes à Moscou et en d’autres lieux. En juin 2004, des rebelles tchétchènes ont organisé des attentats mortels dans la province d’Ingouchie, démentant les affirmations du gouvernement selon lesquelles les combats auraient tendance à s’apaiser [11]. Bien sûr, chaque attentat donne au gouvernement prétexte à suspendre de nouveaux droits au nom de la lutte contre le terrorisme.
12Non seulement la brutalité de l’armée russe prolonge la guerre et encourage le terrorisme, mais elle ronge l’institution de l’intérieur. Car la guerre crée dans l’armée un sentiment d’impunité vis-à-vis du pouvoir civil et alimente la corruption chez les soldats et les officiers qui servent en Tchétchénie. Beaucoup de Russes pensent que l’une des principales raisons pour lesquelles cette guerre dure toujours est qu’elle permet aux officiers de s’enrichir. Les réformes dont l’armée a le plus grand besoin – notamment la suspension de la conscription et une véritable répression des exactions et des activités criminelles – ne peuvent pas être mises en chantier tant que dure la guerre. Une réforme tant soit peu sérieuse exigerait que la lumière soit faite sur ce qui se passe : bien des carrières seraient ruinées.
13La guerre n’empêche pas seulement de réformer l’armée, elle mine d’autres institutions publiques. Des journalistes et des groupes de défense des droits de l’homme ont commencé à percevoir une tendance des anciens combattants de Tchétchénie à s’engager dans la police après leur démobilisation ; par ailleurs, un grand nombre de policiers font des périodes en Tchétchénie. De retour dans leur ville, ils commettent des brutalités dans l’exercice de leurs fonctions, ils tabassent, ils torturent. Les Russes appellent cela « le syndrome tchétchène ». Des hommes psychologiquement ébranlés par ce qu’ils ont vécu disséminent les mœurs de la guerre dans toute la Russie [12].
L’opinion publique et la guerre en Tchétchénie
14Notre analyse de l’opinion publique sur la guerre se fonde sur les résultats de cinq sondages originaux, effectués entre octobre 2001 et février 2003, et de neuf groupes de discussion (focus groups) conduits en juillet 2002 [13]. Nous ne rendrons compte ici, faute de place, que de trois grandes conclusions : 1) Les personnes interrogées se déclarent massivement et de manière constante contre la poursuite de la situation actuelle ; afin d’en finir avec la guerre, elles sont à peu près aussi nombreuses à se prononcer pour une intensification des opérations militaires que pour une approche plus conciliante. 2) Le sentiment dominant est la préoccupation face aux pertes militaires russes, aux revers subis sur le champ de bataille et au coût économique de la guerre ; ni les messages du gouvernement, ni ceux des militants des droits de l’homme ne rencontrent de véritable écho dans l’opinion. 3) La plupart des Russes ne sont pas particulièrement troublés par les violations des droits de l’homme en Tchétchénie, mais une minorité non négligeable souhaite que les exactions cessent.
15Dans nos sondages, la première question sur la Tchétchénie était : « À votre avis, quelle devrait être la politique du gouvernement en Tchétchénie ? » Nous proposions sept réponses, rangées par ordre décroissant d’agressivité, et une option « sans opinion ». Tout au long de la période, 36 % environ des personnes interrogées se sont prononcées pour une intensification des opérations militaires en Tchétchénie ; une faible minorité (autour de 6 %) était pour leur maintien au niveau actuel ; environ 41 % se sont dites favorables à leur réduction, les options proposées étant : négocier tout en maintenant l’action militaire, déclarer un cessez-le-feu et négocier, retirer les troupes et négocier, retirer unilatéralement les troupes et déclarer la Tchétchénie indépendante. Les 17 % environ restants n’avaient pas d’opinion. La répartition des points de vue sur cette question et sur d’autres est restée stable dans nos cinq sondages, malgré les attentats terroristes et autres événements majeurs qui se sont produits pendant la période. En somme, l’opinion publique ne change pas, mais reste profondément divisée sur ce qu’il faut faire en Tchétchénie. Très peu de Russes se prononcent en faveur de la simple continuation de la politique actuelle, près d’un cinquième n’a pas d’opinion et le reste est à peu près réparti par moitiés entre les partisans de la manière forte et ceux d’une solution pacifique.
16Les groupes de discussion ont eux aussi produit un éventail très ouvert d’idées et d’opinions sur ce qu’il convenait de faire en Tchétchénie. Personne ne s’est prononcé en faveur de la poursuite de la politique actuelle. Presque tous ceux qui ont livré des commentaires ont exprimé une terrible frustration face à la persistance du conflit. Ils ont critiqué le gaspillage d’argent et de vies, et tout particulièrement de vies de soldats russes. Mais ils n’étaient pas d’accord sur les solutions. Dans plusieurs groupes, certains participants ont ouvertement prôné des solutions aussi radicales que le bombardement nucléaire de la Tchétchénie, la déportation de tous ses habitants ou sa transformation en « parking ». Mais la majorité tendait à se prononcer pour une forme ou une autre de retrait, accompagné de la construction d’un « mur » autour de la république. D’autres disaient qu’ils ne savaient pas comment on pouvait arrêter la guerre et que peu leur importait la voie choisie, pourvu qu’elle se termine.
17Une autre question posée lors des sondages demandait aux personnes interrogées d’indiquer les deux sentiments qu’elles ressentaient le plus fortement lorsqu’elles entendaient parler des événements en Tchétchénie. Nous proposions douze réponses, y compris « pas de sentiment particulier » et « je n’en entends jamais parler ». Dans toutes nos enquêtes, environ les deux tiers des personnes sont « alarmé[es] par les pertes de soldats russes », c’est de loin le sentiment le plus souvent cité ; 27 % environ éprouvent de la « honte face aux revers de nos soldats sur le terrain » et 24 % une « inquiétude devant le coût économique de la guerre ». Ces trois sentiments les plus souvent cités renvoient tous, d’une manière ou d’une autre, aux pertes humaines ou économiques que la guerre inflige à la Russie. Parmi les autres sentiments (aucun d’entre eux n’atteignant les 20 %), la « colère contre les Tchétchènes » est le plus fréquent (16 %), suivi du « malaise face au manque d’informations dans les médias » (12 %), de la « colère contre le gouvernement russe » (10 %), de la « fierté pour la lutte de la Russie contre le terrorisme » (10 %) et de la « fierté pour les succès de nos soldats » (6 %). La réponse la moins fréquente (encore plus rare qu’« aucun sentiment ») est celle de la « honte devant les violations des droits de l’homme par nos soldats » (4 %). À en croire cette série de sondages, la population russe soit ne sait rien des atteintes aux droits de l’homme perpétrées en Tchétchénie, soit n’y attache pas d’importance. En outre, les personnes qui, dans une autre partie de l’enquête, se déclarent fermement attachées à des droits de l’homme bien précis, comme la prohibition de la torture et de l’arrestation arbitraire, ne sont pas plus nombreuses à prôner une solution pacifique à la question tchétchène que celles qui n’ont pas une attitude aussi positive sur ces droits. Cela confirme que les violations des droits de l’homme ne font pas partie de l’image que les Russes se font de la guerre en Tchétchénie [14].
18Cette situation contraste fortement avec celle qui prévalait durant la première période d’hostilités (1994-1996), car alors l’indignation qu’avaient soulevée les tirs de l’armée russe contre des civils, dont les médias avaient largement rendu compte, était une des raisons de l’opposition de l’opinion à la guerre. Mais, si le gouvernement a réussi à faire taire les inquiétudes face aux violations des droits de l’homme, il n’a pas convaincu l’opinion que la guerre est un succès ou une noble lutte contre le terrorisme. La population se soucie surtout du coût en vies humaines et, à un moindre degré, du coût politique et économique de la guerre, ce qui la conduit à désirer que celle-ci prenne fin.
19Lorsque nous avons tenté de mesurer plus précisément les opinions sur les violations des droits de l’homme par l’armée, nous n’avons obtenu qu’une image ambiguë. Nous avons brièvement décrit ce que l’on sait des pillages et autres exactions commises par des soldats russes en Tchétchénie et demandé ce qu’il fallait faire. 44 % environ se sont prononcés en faveur d’une enquête conduite par des autorités russes et internationales sur les méfaits éventuellement commis, et parmi eux 60 % (soit 26 % du total) ont dit que les soldats dont la culpabilité serait établie devaient être punis [15]. Nous avons aussi demandé s’il fallait faire quelque chose contre les zatchistki, après avoir rendu compte des informations selon lesquelles ils s’accompagnent d’actes extrêmement violents. Si 6 % seulement environ pensent qu’il faut cesser complètement ces opérations, 37 % sont d’avis qu’il faut mettre fin aux violences qui leur sont liées [16]. On peut donc penser que plus des deux cinquièmes de la population sont favorables à un effort pour mettre fin aux violations des droits de l’homme par les soldats russes. Même si cette préoccupation n’occupe pas le premier rang dans les sentiments de l’opinion sur la guerre, il existe, en dépit de tous les efforts du gouvernement, une fraction de la population qui sait que des exactions ont lieu et souhaite qu’elles cessent. Mais cela ne doit pas nous éloigner du principal résultat de nos enquêtes : l’inquiétude sur le coût de cette guerre – en termes de pertes militaires et en termes de roubles dépensés par le budget fédéral – est le sentiment dominant.
20Ce sont aussi les coûts de la guerre qui figurent au centre des discussions de groupe : en termes de soldats tués ou atteints dans leur intégrité corporelle ou psychologique, et en termes de coût financier. Les participants craignaient que le gouvernement et les médias ne disent pas la vérité sur l’étendue des pertes russes. Nous avons aussi pu observer très directement pourquoi le gouvernement ne peut pas complètement contrôler l’information sur la guerre : de nombreux participants ont raconté avoir des amis qui avaient fait un temps en Tchétchénie et qui disaient que les choses étaient bien pires et les pertes russes bien plus élevées que ce que prétendait le gouvernement. Nos sondages indiquent d’ailleurs qu’environ un citoyen sur deux de la Fédération de Russie connaît personnellement quelqu’un qui sert ou a servi en Tchétchénie. Certains participants aux groupes de discussion se sont dits révulsés par les exactions des soldats russes, notamment à propos du viol et de l’assassinat d’une jeune Tchétchène par un colonel russe, Iouri Boudanov. Mais la plupart semblaient considérer que les violations des droits de l’homme font partie intégrante de toute guerre, et certains ont même déclaré que Boudanov devait être tenu non pour un affreux personnage mais pour un héros. Les groupes de discussion confirment et enrichissent ainsi les résultats des sondages, mais ils nous ont en plus fait sentir à quel point le sujet est douloureux pour les Russes. Ces réunions ont fourni aux participants une occasion plutôt rare, semble-t-il : celle d’exprimer publiquement leurs idées et leurs sentiments sur la guerre, et d’en discuter. L’explosion des émotions, la véhémence avec laquelle sont défendus les points de vue antagoniques témoignent d’un profond mécontentement. Le gouvernement a beau souhaiter voir la population ne pas penser à la Tchétchénie, et la population a beau le souhaiter elle-même, la guerre refuse de disparaître.
La guerre en Tchétchénie à l’origine d’une hostilité ethnique croissante
21Un aspect de nos discussions en groupe mérite d’être mentionné à part : beaucoup de participants ont exprimé des opinions racistes à l’égard des Tchétchènes. Ceux-ci seraient des êtres à peine humains, héréditairement prédisposés à la violence, pleins de haine pour les Russes, incapables de se gouverner eux-mêmes et d’ailleurs incapables de quoi que ce soit, sauf de se battre. Lorsqu’on leur parlait de la violation des droits élémentaires des Tchétchènes par des soldats russes, certaines personnes recouraient à ce discours déshumanisant pour minimiser ces informations : si les Tchétchènes sont moins que des hommes, comment auraient-ils des droits en tant qu’hommes ? La nature « inhumaine » des Tchétchènes était également utilisée pour justifier les mesures militaires extrêmes et rejeter toute idée de négociation : « Comment peut-on négocier avec des gens comme ça ? » Quelques signes donnent à penser que les médias russes contribuent à diffuser les stéréotypes racistes sur les Tchétchènes. Ainsi, de nombreux participants ont parlé d’émissions télévisées qui montraient, par exemple, un jeune Tchétchène disant que son but dans la vie, c’était de tuer des Russes.
22Cet aspect des discussions semble indiquer que la guerre en Tchétchénie a aggravé l’animosité des personnes d’ethnie russe à l’égard des autres groupes. Nos sondages le confirment. Dans les deux sondages de 2003, on a demandé quels étaient les sentiments éprouvés à l’égard de neuf groupes ethniques, religieux ou nationaux. En tout, 48 % éprouvaient à l’égard des Tchétchènes de l’hostilité ou de la crainte. Ce chiffre était de 16 % pour les musulmans, 13 % pour les Américains, 8 % pour les juifs. Un seul groupe, les Tsiganes, approchait des Tchétchènes (45 %), suivis d’assez loin par les Azéris (28 %). Les Italiens, les Suédois, les catholiques provoquaient hostilité ou crainte chez 3 % des personnes interrogées. Enfin, en réponse à des questions que nous avons posées à des sous-ensembles de notre échantillon régional de février 2003, nous avons eu la surprise de trouver 47 % de personnes affirmant considérer les minorités du Caucase avec « beaucoup plus » ou « plus » de suspicion à cause de la guerre, et 29 % se déclarant d’accord avec la phrase : « La vie d’un Russe a plus de valeur que la vie d’un Tchétchène. » Ces chiffres reposent certes sur un échantillon plus petit, de sorte qu’il ne faut pas les traiter comme des résultats définitifs. Mais ils confirment l’impression que nous avions retirée des groupes de discussion : la guerre nourrit l’hostilité et les préjugés de caractère ethnique, un fléau qui ne cesse de se développer dans la société russe.
Une guerre sans fin ?
23La prise d’otages de Beslan, qui a fait des centaines de morts, l’a tragiquement confirmé : l’approche politique et militaire choisie par le Kremlin est en train d’échouer. Le « référendum » de mars 2003 et les « élections » d’octobre 2003 en Tchétchénie ont été considérés comme des farces par les observateurs locaux et internationaux [17]. L’assassinat en mai 2004 du vainqueur des « élections » d’octobre, Akhmad Kadyrov, et les combats de juin en Ingouchie ont montré de manière dramatique la faillite de la stratégie de « normalisation » et de « tchétchénisation ». Pourtant, le Kremlin persévère : il a fait élire un nouveau « président » tchétchène le 29 août 2004. Trois jours plus tard, 1 300 enfants, parents et enseignants étaient pris en otages.
24Une autre stratégie serait possible. Elle combinerait négociations et médiation internationale, sans exclure, sans doute, un certain engagement militaire, mais d’une autre sorte que les opérations conduites jusqu’ici par la Russie. Elle nécessiterait aussi d’œuvrer à la réconciliation et à la reconstruction. Tout cela exigerait un plan audacieux. Malheureusement, à notre connaissance, nul diplomate, nulle personnalité officielle d’Europe ou d’Amérique du Nord n’y travaille. Personne ne fait de la résolution de ce conflit une priorité.
25Traduit de l’anglais par Rachel Bouyssou.
26Les auteurs remercient le Fonds Glaser Progress et le Fonds du Département d’État pour la démocratie et les droits de l’homme pour leur soutien financier. Merci également à Jessica Scholes pour sa contribution à cette recherche.
Bibliographie
Bibliographie
- De nombreux groupes surveillent de près la situation sur le terrain et produisent des rapports qu’ils mettent sur internet. Voici les adresses de ces sites :
- Human Rights Watch (http:// www. hrw. org)
- Amnesty International (http:// www. amnesty. org)
- Physicians for Human Rights (http:// www. phrusa. org)
- Mémorial (http:// www. memo. ru)
- Groupe Helsinki de Moscou (http:// www. mhg. ru)
- Le Nœud caucasien (http:// eng. kavkaz. memo. ru)
- Médecins du monde (http:// www. doctorsoftheworld. org)
- Médecins sans frontières (http:// www. doctorswithoutborders. org).
- La Fondation Jamestown (http:// www. jamestown. org) publie chaque semaine un bulletin sur la Tchétchénie intitulé The Chechnya Weekly.
- Matthew Evangelista, The Chechen Wars, Washington, Brookings Institution Press, 2002.
- Theodore P. Gerber et Sarah E. Mendelson, « Russian public opinion on human rights and the war in Chechnya », Post-Soviet Affairs, vol. 18, n° 4, 2002, p. 271-305.
- Thomas Goltz, Chechnya Diary : A War Correspondent’s Story of Surviving the War in Chechnya, New York, Thomas Dunne Books, 2003.
- Gail W. Lapidus, « Putin’s war on terrorism : lessons from Chechnya », Post-Soviet Affairs, vol. 18, n° 1, p. 41-48 ; « The war in Chechnya as a paradigm of Russian state-building under Putin », ibid., vol. 20, n° 1, p. 10-19.
- Marie Mendras, « Russie : le recul du citoyen », Pouvoirs, n° 96, janvier 2001.
- Anne Nivat, Chienne de guerre, New York, PublicAffairs, 2001.
- Anna Politkovskaya, A Dirty War : A Russian Reporter in Chechnya, traduit du russe par John Crowfoot, Londres, Harvill Press, 2001 ; A Small Corner of Hell : Dispatches From Chechnya, traduit du russe par A. Burry et T. Tulchinsky, Chicago, University of Chicago Press, 2004.
Notes
-
[1]
L’équipe du VTsIOM dirigée par Youri Levada a alors fondé une autre société. D’abord appelée VTsIOM A, celle-ci a dû ensuite, pour des raisons de propriété de marque, changer à nouveau de nom pour devenir Société d’analyses Levada (Levada Analytical Agency). Pour plus de détails, voir Oksana Iablokova, « Ministry defends VTsIOM overhaul », Moscow Times, 3 septembre 2003 ; et, du même auteur, « Young analysts take over VTsIOM », ibid., 12 septembre 2003.
-
[2]
Jeremy Bransten, « Russia : Duma approves more liberal version of public-rally bill », RFE/RL Newsline, 31 mai 2004.
-
[3]
Pour une discussion sur ce point, voir Gail Lapidus, « Putin’s war on terrorism : lessons from Chechnya », Post-Soviet Affairs, vol. 18, janvier-mars 2002, p. 41-48.
-
[4]
« Les Tchétchènes sont de loin le groupe national qui compte le plus de demandeurs d’asile en 2003 », selon un porte-parole du Haut Commissariat pour les réfugiés des Nations unies (UNHCR). En 2003, on a enregistré une augmentation de presque 68 % (de 19 904 à 33 364) des demandeurs d’asile de nationalité russe, dont la plupart sont tchétchènes, dans les pays industrialisés. Alexander G. Higgins, « UN : Russian refugees seek asylum », AP, 25 février 2004.
-
[5]
Par exemple, en juillet 2004, le HCR des Nations unies n’a aucun personnel international sur place. L’OSCE n’a plus de représentation permanente dans la région depuis janvier 2003, date à laquelle les Russes ont fermé sa mission.
-
[6]
Par exemple, dans les deux premières semaines de janvier 2003, vingt-deux civils ont été tués et vingt-neuf ont disparu, selon Sergueï Kovalev, qui s’exprimait au nom de Mémorial devant la Fondation Carnegie à Washington, le 13 février 2003. En avril 2004, Mémorial signale dix-huit civils tués et neuf disparus.
-
[7]
Correspondance électronique de Mémorial à Nazran, 23 et 24 juin 2004.
-
[8]
Sur les tirs essuyés par des membres d’associations, on trouvera à l’adresse www. friendly. narod. ru des communiqués sur l’assassinat par les forces fédérales, en décembre 2001, de plusieurs boursiers de la Fondation nationale (américaine) pour la démocratie. Voir aussi The Search of the Offices of the Russian-Chechen Friendship Society Continues : Information Center Correspondent Khamzat Kuchiev Detained, The Russian-Chechen Friendship Society, Communiqué n° 859, 12 juillet 2004.
-
[9]
À l’automne 1999. Interview d’un employé de Halo Trust, 31 mai 2000.
-
[10]
Dr. Omar Khanbiev, communication à RFE/RL, Washington, 17 mai 2001. En août 2000, Khanbiev aurait traité des patients présentant des symptômes qui correspondent à une exposition à des armes chimiques.
-
[11]
Voir la discussion dans Chechnya Weekly, vol. V, n° 26, 30 juin 2004, et vol. V, n° 27, 7 juillet 2004.
-
[12]
Human Rights Watch et l’organisation russe de recherches sur la société civile Demos ont commencé à travailler sur cette question. Voir aussi Elizabeth Rubin, « Down the dark hole of Chechnya », New York Times Magazine, 8 juillet 2001.
-
[13]
Nous avons conçu nous-mêmes les questions des sondages visant à appréhender comment les Russes voient la guerre en Tchétchénie et quelle est leur opinion sur un certain nombre de thèmes relatifs aux droits de l’homme, puis nous avons confié l’exécution des enquêtes au VTsIOM (avant qu’il ne fût repris par le gouvernement). En octobre 2001, mai 2002 et janvier 2003, des échantillons représentatifs de la population nationale – respectivement 2 378, 2 394 et 2 389 Russes de 16 ans au moins – ont été interrogés. En avril 2002 et février 2003, des échantillons représentatifs – respectivement 3 002 personnes âgées de 16 à 64 ans et 3 000 personnes âgées de 16 à 65 ans – ont été interrogés dans six régions choisies pour un projet commun avec des organisations locales de défense des droits de l’homme : Kalouga, Riazan, Sverdlovsk, Perm, Stavropol et Rostov. Les méthodes modernes d’échantillonnage ont été employées. Nous avons fait usage de pondérations afin que nos échantillons reflètent bien la population russe telle qu’elle est répartie en fonction de la région de résidence, du sexe, du niveau d’éducation, du type de logement et de l’âge. Le Centre pour la recherche sociale indépendante nous a aidés à conduire à Perm, Rostov et Riazan des groupes de discussion (focus groups) sur les droits de l’homme, les institutions politiques et sociales russes et la guerre en Tchétchénie.
-
[14]
Pour une analyse plus détaillée du hiatus entre les opinions concernant les droits de l’homme dans l’abstrait et les points de vue sur la Tchétchénie, voir Gerber et Mendelson 2002 : ce travail repose certes sur des résultats remontant à 2001, mais le décalage apparaît toujours présent en 2002 et 2003.
-
[15]
Environ 21 % souhaitent que ce soient les autorités militaires russes qui mènent l’enquête – ce qui, selon toute probabilité, ne saurait conduire à des résultats vraiment significatifs –, 10 % ne veulent pas d’enquête parce que « des choses pareilles sont inévitables pendant une guerre » et 7 % souhaitent que l’on interdise de répandre ces informations parce qu’elles nuisent à la réputation et aux intérêts de la Russie. Le reste n’avait pas d’opinion.
-
[16]
Le reste de l’échantillon se répartissait à peu près également entre les trois options restantes : les exactions sont inévitables pendant une guerre et ne méritent donc pas qu’on s’en préoccupe ; les récits d’exactions sont des rumeurs répandues par les ennemis de la Russie ; et pas d’opinion.
-
[17]
Voir les six numéros du Presidential Election Watch Bulletin publiés par le groupe Helsinki de Moscou entre le 30 septembre et le 29 octobre 2003, sur le site www. mhg. ru, ainsi que l’information diffusée par le « Nœud caucasien » à l’adresse www. kavkaz. memo. ru.