Notes
-
[1]
Ecole Nationale de l’Industrie Laitière et Agroalimentaire.
-
[2]
Ecole Nationale Supérieure de Meunerie et des Industries Céréalières.
-
[3]
Etablissement public local d’enseignement et de formation professionnelle agricole.
-
[4]
C’est un dispositif du Ministère de l’agriculture, porté par Direction Générale de l’Enseignement et de la recherche qui permet de libérer un agent de l’EPLEFPA à tiers temps pour conduire une démarche de projet collective, avec les équipes éducatives et des acteurs du territoire, du développement, de la recherche…
-
[5]
Agriculture Biologique.
-
[6]
Brevet de technicien supérieur.
-
[7]
Brevet de technicien supérieur agricole, sciences et technologie des aliments.
-
[8]
Certificat d’aptitude professionnel.
-
[9]
Centre régional d’innovation et de transfert de technologies agroalimentaires.
-
[10]
Enseignement à l’initiative de l’établissement.
-
[11]
Module d’initiative locale.
-
[12]
Projet d’initiative et de communication.
-
[13]
Contrôle en cours de formation.
1Regroupant l’ENILIA [1] et l’ENSMIC [2], le lycée de l’alimentation de Surgères est un acteur historique de la formation professionnelle en agroalimentaire. Il s’applique à former et rendre compétents les apprenants en les confrontant aux pratiques de transformation des produits. Son atelier technologique relié à plusieurs halls fonctionne principalement avec les élèves et les étudiants, ce qui constitue une des spécificités fortes de l’établissement.
2Crée dans le milieu des années 1980, le hall de transformation laitier et des produits de la mer du lycée de l’alimentation nécessite d’être modernisé. L’élaboration d’un contrat d’objectifs et de moyens cohérent, répondant à des enjeux d’avenir partagés, pourrait permettre au Conseil Régional d’accompagner cette rénovation. Par ailleurs, les programmes nationaux Ambition bio 2017 et le Programme National de l’Alimentation encouragent l’EPLEFPA [3] à valoriser les produits laitiers et céréaliers issus de l’agriculture biologique, en circuits courts, auprès de la restauration collective scolaire. C’est un marché particulièrement bien adapté aux rythmes de production d’un établissement d’enseignement.
3Dans ce contexte, la démarche « tiers temps [4] » lie deux dimensions : L’une, pédagogique développe des projets d’animation avec les élèves et les équipes éducatives vers l’extérieur de l’établissement, pour éduquer à l’alimentation, valoriser la qualité des enseignements et les savoir-faire de l’EPLEFPA. L’autre, technique, vise à calibrer les volumes de production à transformer pour répondre au marché bio de la restauration scolaire de proximité.
4Marie Joëlle Lozac’h, animatrice du projet pour la période 2014-2016, relate ci-dessous le cheminement de cette expérience.
Le projet affiche une triple ambition
- Progresser en matière d’accompagnement pédagogique des apprenants,
- Préciser le contrat d’objectifs à proposer à la région pour moderniser l’atelier de transformation,
- Initier des projets de terrain pour accompagner la formation des apprenants.
6L’appel à projet « tiers temps » s’adressant à tous les établissements de formation de la région, il fallait présenter un dossier cohérent et mature pour espérer être retenu. Aussi convenait-il de trouver une porte d’entrée originale et pertinente, répondant à la problématique du « enseigner à produire autrement ».
7Organisés en groupe de travail autour du directeur de l’EPL, du responsable de l’atelier technologique et de moi-même, la problématique de rénovation de l’atelier technologique et de la transformation industrielle en AB [5], s’est retrouvée d’emblée au cœur du projet. Rédiger un dossier argumenté demande beaucoup de temps et exige forcément du bénévolat. C’était l’effort à consentir pour espérer décrocher le temps de coordination nécessaire pour mieux collaborer avec l’équipe éducative et les partenaires.
Animation au lycée Audouin Dubreuil à Saint Jean d’Angély (17) en 2015 par des BTS STA dans le cadre d’un rassemblement des fournisseurs du restaurant scolaire
Animation au lycée Audouin Dubreuil à Saint Jean d’Angély (17) en 2015 par des BTS STA dans le cadre d’un rassemblement des fournisseurs du restaurant scolaire
8L’atelier de transformation laitière et des produits de la mer date des années 1980. Technologiquement vieillissant, il alimente un circuit de commercialisation traditionnel avec le magasin de vente directe de l’établissement et quelques marchés locaux.
9Moderniser l’outil devient vital pour l’établissement. Il faut absolument préserver la qualité des apprentissages des élèves et des étudiants qui apprennent en transformant les produits. Mais aussi, il convient de renforcer l’équilibre économique de l’atelier technologique, en proposant une rénovation en adéquation avec le volume de production commercialisable.
10Le projet retenu s’appuie donc directement sur les démarches pédagogiques de valorisation des produits, conduites avec les élèves et étudiants. Il associe trois objectifs complémentaires :
- réaliser des animations thématiques dans les établissements scolaires locaux pour sensibiliser les lycéens à l’alimentation, valoriser les savoir-faire, la qualité des produits fabriqués dans l’EPL, mettre en évidence les réalités et perspectives des métiers liés à l’agroalimentaire,
- calibrer le marché d’approvisionnement des cantines scolaires locales en produits laitiers, yaourts et fromages bio,
- contribuer à préfigurer un projet de rénovation de l’atelier de transformation adapté au volume de production commercialisable.
Quatre idées portent l’organisation
Infléchir les représentations sur l’agroalimentaire
11Malgré la diversité des emplois offerts, l’agro-alimentaire souffre d’une image dégradée auprès du grand public : conditions de travail difficiles, exposition au chaud, au froid, au bruit, horaires contraignants, parfois de nuit. Ces représentations handicapent le recrutement des élèves dans ces filières, notamment pour le niveau BTS [6]. Il y a 20 ans l’EPL recrutait sur tout le territoire français des jeunes motivés. Aujourd’hui, le recrutement est plus régional et les motivations sont moins marquées. Les mentalités évoluent. Pourtant, des offres d’emploi arrivent régulièrement. Certaines ne trouvent pas preneur ce qui devrait interroger la filière, mais aussi les jeunes à la recherche d’une orientation solvable.
12Les animations proposées par les étudiants de BTS STA [7] dans les établissements scolaires visent à détricoter les idées reçues en montrant des réalités vécues du métier : l’innovation et la rigueur de fabrication qui participent à structurer l’individu, la connaissance fine et la fierté d’élaborer des produits de qualité débouchant sur des emplois. Ces animations sensibilisent aussi les jeunes collégiens et lycéens à l’intérêt des circuits courts pour valoriser une alimentation de qualité et limiter l’insupportable gaspillage alimentaire.
Créer des outils pour communiquer efficacement !
Mettre les projets au cœur des démarches apprenantes
13En agroalimentaire, que veut dire enseigner à produire autrement ? L’orientation bio n’apporte rien de radicalement différent vis-à-vis de la transformation. Les processus sont pratiquement les mêmes que pour les produits conventionnels. Il s’agit surtout d’apprendre en faisant réfléchir autrement, de passer des messages sur l’alimentation, les savoirs, les savoir-faire, en plaçant les apprenants en situation professionnelle d’analyse, de questionnement et de réalisation. La notion de projet est au cœur des démarches apprenantes de l’établissement et restent encore très perfectibles.
Anticiper l’agroalimentaire de demain !
Structurer les partenariats
14L’orientation du projet « tiers temps » vers le bio, en circuit court, réinterroge l’agroalimentaire et implique naturellement de nouveaux partenariats.
15Pour cela, nous avons structuré un comité de pilotage spécifique au projet, réunissant, le référent Agro Bio Poitou-Charentes, les animateurs des réseaux DGER alimentation et AB, le CRITT [9] agro-alimentaire, les transformateurs de produits bio, la coopérative CORAB de produits bio, l’IRQUA pour le suivi qualité, les collectivités territoriales.
Renforcer les collaborations au sein des équipes pédagogiques
16Au sein de l’EPLEFPA, le lycée et le CFA sont assez cloisonnés. Les formateurs du CFA forment les apprentis, les professeurs du lycée les élèves et les étudiants. La communication est compliquée entre ces équipes qui n’ont pas les mêmes rythmes. Comment faire pour échanger quand tout le monde est pressé par l’ordinaire ? Cette problématique de fond questionne très directement « enseigner à produire autrement » et l’organisation de l’établissement.
Résultats et analyses : « où en sommes-nous ? »
Concernant les démarches de projet et la pédagogie
17Les pratiques habituelles de l’établissement consistent à identifier une problématique permettant aux jeunes de développer des raisonnements, dans une approche systémique. Des sujets très différents sont abordés : la mise au point d’un produit, l’innovation, le gaspillage alimentaire, la nutrition, le goût, l’alimentation, la promotion des produits transformés… Ces projets sont conduits en pluridisciplinarité et mobilisent plusieurs enseignants sur une plage horaire dédiée pour disposer d’assez de temps, dans le cadre des EIE [10] pour les bacs pros, des MIL [11] ou des PIC [12] pour les BTS, des projets tuteurés en licence professionnelle. Ces démarches aident les apprenants à développer des postures d’enquête, de questionnement, de recherche, de raisonnement critique pour traiter un sujet. Les travaux pratiques s’inscrivent dans cette même quête. Il ne s’agit pas uniquement de fabriquer des produits mais de comprendre le processus de fabrication de l’amont à l’aval, de le questionner de manière critique pour intervenir à bon escient. C’est la qualité du cheminement qui est recherchée !
Animation au lycée Saint-Exupéry à La Rochelle en 2015 par des BTS STA dans le cadre d’un PIC sur le gaspillage alimentaire
Animation au lycée Saint-Exupéry à La Rochelle en 2015 par des BTS STA dans le cadre d’un PIC sur le gaspillage alimentaire
18En proposant aux élèves de conduire des animations sur site auprès des établissements scolaires du secondaire, le projet « tiers temps » les met dans une posture professionnelle de présentation des produits qu’ils fabriquent en valorisant leurs métiers. Préparer une animation sur une problématique, la mettre en scène en s’appuyant sur une dégustation commentée des produits fabriqués, parés du slogan « c’est nous qui l’avons fait », facilite les échanges auprès des autres lycéens et incite nos apprenants à maîtriser parfaitement les process de fabrication pour devenir des ambassadeurs de l’établissement et de leurs futurs métiers.
Supers BTS2 STA !
19Les animations mobilisent une classe complète ou des petits groupes en fonction des situations. Quand il s’agit d’une classe entière, plusieurs enseignants sont impliqués, ce qui participe à décloisonner les équipes éducatives.
20Tout n’est pas rose pour autant ! Identifier des situations pédagogiques formatrices pour travailler collectivement à partir des projets reste encore un objectif à atteindre. Peu de collègues s’engouffrent délibérément dans cette voie par manque chronique de temps qui, pour l’instant, limite la réflexion pédagogique collective. Ils sont souvent noyés par l’ordinaire : faire le point sur les classes, sur l’organisation de l’emploi du temps, le suivi des rapports de stage, l’organisation des modules, le positionnement des CCF [13] dans la pluridisciplinarité, la gestion des absences ; le temps reste un véritable facteur limitant.
21Mobiliser les équipes dans une démarche de projet implique des postures adaptées et du temps. Le « tiers temps » ne peut pas tout faire, bien que cette mission d’animation soit essentielle. Les besoins de coordination sont énormes pour capter l’écoute et entraîner les différentes équipes éducatives.
22Les modes d’organisation internes de l’établissement sont perfectibles : les collègues coopèrent pour organiser la pluridisciplinarité, généralement en lien avec des actions pratiques. Dégager du temps collectif pour analyser les référentiels capacitaires au regard des démarches de projets à mettre en œuvre sur l’établissement, constituerait un élément de cohésion utile pour les équipes et l’établissement. Nous n’en sommes pas encore là. Il faudra du temps. La majorité des cours se fait toujours en classe, sur un tableau, pour des étudiants d’origine citadine peu demandeurs de pédagogies alternatives, ancrées sur des projets qui nécessitent plus d’efforts et d’implication personnelle.
L’intérêt des actions pilotes pour infléchir les habitudes !
Concernant le projet de rénovation de l’atelier de transformation
23Deux constats s’imposent derrière les premières prospections : L’approvisionnement des cantines scolaires, en produits laitiers bio transformés et vendus en circuits courts, constitue un marché pour l’instant microscopique, de 200 à 1 000 yaourts par semaine. De plus il est très dépendant des subventions des collectivités territoriales qui rendent possible ou non l’accès au bio pour les cantines scolaires.
24Le seuil d’équilibre de l’atelier fixé à 150 000 litres de lait bio transformé impose d’élargir les débouchés, ou de trouver une rentabilité pour des volumes inférieurs.
Animation au lycée du Pays d’Aunis à Surgères (17) en 2015 par des BTS STA dans le cadre de la semaine du goût
Animation au lycée du Pays d’Aunis à Surgères (17) en 2015 par des BTS STA dans le cadre de la semaine du goût
Que retenir de l’expérience du projet « tiers temps »
25■ Les démarches de projet constituent un mode opérationnel adapté pour faire réfléchir les apprenants en situation professionnelle. Elles répondent à des besoins concrets, stimulent leurs apprentissages, questionnent leur responsabilité et les aident dans leurs épreuves pratiques finales qui sont interdisciplinaires et pour lesquelles il faut expliquer à un jury ce qu’ils font et pourquoi. Traiter une part significative des référentiels capacitaires dans le cadre de projets reste un objectif pédagogique pour les équipes éducatives qui arrivent difficilement à libérer des espaces temps suffisants pour travailler collectivement et bien se coordonner.
26■ L’expérience « tiers temps » ouvre des perspectives pour mieux collaborer : animer dans la durée, avec les élèves et étudiants, un marché de niche en circuit court AB auprès des établissements scolaires locaux. Cette orientation structurante, avec des attentes pédagogiques et professionnelles précises, renforce mécaniquement les échanges entre les équipes éducatives et de production pour répondre aux commandes. Pour les élèves, ces animations stimulent leur créativité. Ils doivent traiter un sujet, une problématique devant une audience de jeunes lycéens. Leur présentation thématique est, de fait, couplée à trois autres objectifs structurels, utiles à leur professionnalisation comme au projet d’établissement de l’EPL :
- éduquer à l’alimentation de qualité,
- faire connaître et développer les produits et les métiers de l’agroalimentaire AB, en vue de mieux recruter,
- développer la vente en circuit court pour les produits issus des ateliers de transformation de l’EPLEFPA.
27■ Le projet « tiers temps » arrive déjà en dernière année. Côté pile, la période aura été mise à profit pour élargir les partenariats aux acteurs bio et aux collectivités territoriales. Elle aura également permis de préciser les contours du marché local AB lié aux établissements scolaires pour les produits laitiers transformés dans l’EPLEFPA. Côté face, sans être parvenue à améliorer significativement les liens au sein des équipes éducatives, l’opération initie un champ collaboratif original à saisir collectivement : accompagner les animations des élèves auprès des établissements scolaires locaux.
28Cette perspective ouvre un horizon aux équipes éducatives de l’EPLEFPA pour bâtir des collaborations, techniques et pédagogiques. Le « tiers temps » identifie une voie pragmatique pour concrétiser des coopérations, sans se noyer dans des coordinations lourdes, rejetées par les équipes. Ces résultats encourageants plaident pour un prolongement de l’action « tiers temps », afin d’évaluer son intérêt sur le décloisonnement des équipes et l’évolution des pratiques pédagogiques au sein de l’EPLEFPA. Affaire à suivre !
Notes
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[1]
Ecole Nationale de l’Industrie Laitière et Agroalimentaire.
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[2]
Ecole Nationale Supérieure de Meunerie et des Industries Céréalières.
-
[3]
Etablissement public local d’enseignement et de formation professionnelle agricole.
-
[4]
C’est un dispositif du Ministère de l’agriculture, porté par Direction Générale de l’Enseignement et de la recherche qui permet de libérer un agent de l’EPLEFPA à tiers temps pour conduire une démarche de projet collective, avec les équipes éducatives et des acteurs du territoire, du développement, de la recherche…
-
[5]
Agriculture Biologique.
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[6]
Brevet de technicien supérieur.
-
[7]
Brevet de technicien supérieur agricole, sciences et technologie des aliments.
-
[8]
Certificat d’aptitude professionnel.
-
[9]
Centre régional d’innovation et de transfert de technologies agroalimentaires.
-
[10]
Enseignement à l’initiative de l’établissement.
-
[11]
Module d’initiative locale.
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[12]
Projet d’initiative et de communication.
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[13]
Contrôle en cours de formation.